CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN UNE PUBLICATION SUR LES OPÉRATIONS TERRESTRES 2021 RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN UNE PUBLICATION SUR LES OPÉRATIONS TERRESTRES 2021 RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN UNE PUBLICATION SUR LES OPÉRATIONS TERRESTRES 2021 Direction — Concepts et schémas de la Force terrestre Kingston (Ontario), 2011 Données au sujet de la publication 1. Concevoir l'Armée de terre canadienne de demain Anglaise IDDN—NDID B-GL-300-000/AG-001 Française IDDN—NDID B-GL-300-000/AG-002 Publication — anglaise Numéro de catalogue du governement du Canada — D2-282/2011E ISBN—978-1-100-19275-8 Publication — française Numéro de catalogue du governement du Canada — D2-282/2011F ISBN—978-1-100-97945-8 Version — anglaise en-ligne Numéro de catalogue du governement du Canada — D2-282/2011E-PDF ISBN — 978-1-100-19276-5 Version — française en-ligne Numéro de catalogue du governement du Canada — D2-282/2011F-PDF ISBN — 978-1-100-97946-5 Ce document officiel est publié sous l’autorité du Le commandant de l’Armée canadienne. Aucune partie ne peut en être reproduite ou publiée à nouveau ailleurs sans la permission expresse du Directeur — Concepts et schémas de la Force terrestre (DCSFT) par l’entremise du ministère de la Défense nationale. © 2011 Ministère de la Défense nationale Bureau d'édition de l'Armée de terre/Section des arts graphiques, Kingston (Ontario) Documents photographiques © Caméra de combat RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES AVANT‑PROPOS En raison des conflits violents dans lesquels l’Armée de terre a évolué au cours des 10 dernières années, sa faculté et sa capacité de persévérer, de s’adapter et de réussir ont dépassé toutes les attentes. Les espaces d’opérations complexes et instables qu’elle a affrontés auraient à peine pu être imaginés il y a 10 ou 15 ans; or, en dépit de cette situation, nos troupes ont su faire preuve de courage, de ténacité et d’une grande faculté d’adaptation. Malheureusement, si les tendances se maintiennent au chapitre de la sécurité mondiale, les conflits actuels indiquent que notre avenir collectif s’inscrira dans un environnement mondial de plus en plus instable et incertain où les dangers nous guetteront au quotidien. Le monde continue de présenter des risques qui mettent directement en péril les valeurs, les intérêts nationaux et la sécurité du Canada. Le pays compte donc sur les Forces canadiennes et sur l’Armée de terre pour assurer sa défense ainsi que celle des Canadiens et de ses intérêts dans cet environnement de sécurité de l’avenir. Pour demeurer un instrument de puissance nationale efficace, l’Armée de terre du Canada doit continuer à innover et à s’adapter. L’ouvrage Opérations terrestres 2021 : opérations adaptables et dispersées : le concept d’emploi de la force de l’Armée de terre canadienne de demain constitue le cadre général qui permet d’établir comment l’Armée de terre mènera ses opérations à bien dans l’environnement opérationnel de l’avenir. Cette nouvelle publication, Concevoir l’Armée de terre canadienne de demain, présente la philosophie, les fondements, les principes et les caractéristiques de conception clés sur lesquels notre Armée de terre de demain devrait se construire. Le présent document constitue mon guide de conception pour bâtir l’Armée de terre canadienne de demain. Il guidera les processus et les activités de développement des capacités de l’Armée de terre dans un avenir prévisible. Il est essentiel que le large éventail de structures, d’équipements, de doctrines et d’instruction qui seront mis en place au RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 3 cours de prochaines années demeure axé sur cette vision de l’Armée de terre canadienne de demain. Pour y arriver, il faudra un leadership déterminé à tous les niveaux afin d’orienter l’Armée de terre vers cette réalité, ce qui exigera une approche rigoureuse à l’égard du processus de développement des capacités ainsi qu’une aptitude à élaborer et à soutenir une culture institutionnelle d’agilité. Nous sommes déjà sur la bonne voie pour mettre sur pied l’Armée de terre de demain, et je suis convaincu que l’Armée de terre du Canada continuera de répondre à toutes les exigences futures avec le professionnalisme et l’excellence auxquels le peuple canadien s’attend désormais de ses soldats. P.J. Devlin lieutenant-général Le commandant de l’Armée canadienne 4 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES TABLE DES MATIÈRES Avant‑propos 3 Table des matières 5 Introduction 7 Objet 7 Les fondements de la conception 9 Première partie — Le contexte 11 Le contexte stratégique 13 L’environnement de sécurité de l’avenir 15 Environnement de sécurité mondial 15 Environnement de sécurité national 17 L’environnement opérationnel de l’avenir 19 L’environnement opérationnel mondial 19 L’environnement opérationnel national 23 L’état de la technologie en 2021 24 La dimension humaine 26 Contexte 26 Caractéristiques humaines 26 Culture 27 Éthos 28 Confiance 28 Interface avec la technologie 29 Changement organisationnel 30 Normes et pratiques institutionnelles 31 L’Armée de terre de demain : concepts de doctrine durables Le concept d’opération de l’Armée de terre de demain : 32 des opérations adaptables et dispersées 34 Développement des dapacités 36 Aperçu 36 Le Processus de développement des capacités de l’Armée de terre 38 Dossier du développement des capacités 38 Pilier 1 — Imaginer (Élaboration des concepts) 39 Pilier 2 — Concevoir (Conception des capacités) 40 Pilier 3 — Élaborer (Intégration des capacités) 40 Pilier 4 — Gérer (Gestion de la force) 41 RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 5 Deuxième partie — Concevoir L’Armée de terre de demain 43 45 Cadre conceptuel global Introduction 45 Contraintes liées à la planification 46 L’Armée de terre de demain : survol 47 Compétences et principes de base 51 Changement perpétuel et rythme du changement 54 L’environnement en évolution 55 Éléments clés de la conception de l’Armée de terre de demain 56 Les soldats — Le coeur de l’Armée de terre 56 Former l’Armée de terre de demain — Préparer les soldats 57 L’Armée de terre de demain : Équipement — Habiliter les soldats 61 Une approche exhaustive des opérations — La mentalité 64 Le réseau — La cohésion 68 Le maintien en puissance — Le principe vital 70 Considérations nationales — La situation au pays 71 Facteurs en jeu à l’extérieur du Canada 76 L’Armée de terre de demain : capacités Contexte Définir la capacité de l’Armée de terre de demain : 76 76 les fonctions opérationnelles 78 L’Armée de terre de demain : fonctions 82 Philosophie fonctionnelle 82 Structures de mise en œuvre de l’Armée de terre de demain 83 Contexte 83 Personnel et organisations 84 Structures et souplesse organisationnelles 85 Concevoir la structure par l’intermédiaire du processus de développement des capacités Tendances et implications structurelles de l’Armée de terre de demain La voie à suivre 86 87 95 Développement et expérimentation de concept 95 Les yeux tournés vers le futur 97 Risque 98 Conclusion 98 Glossaire 99 Ressources 101 6 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION OBJET La conception d’une Armée de terre pour dissiper les incertitudes de l’avenir est une entreprise difficile qui exige l’atteinte d’un équilibre entre de nombreux éléments contradictoires. La présente publication vise à orienter la conception de l’Armée de terre de demain en définissant la situation, en décrivant les tendances et en proposant les grandes lignes des philosophies, des fondements, des principes et des caractéristiques qui sont essentiels à la mise sur pied d’une force efficace et viable. Elle fournit des conseils sur l’étude des facteurs les plus importants pour le développement de la force. Ce document ne vise pas à remplacer la doctrine, la terminologie ni les processus de développement des capacités existants, mais plutôt à énoncer clairement les facteurs essentiels qui conditionneront le développement de l’Armée de terre canadienne de demain. Le présent document comporte deux parties principales : >En premier lieu, il comporte une section de renseignements généraux qui décrit le contexte dans lequel l’Armée de terre de demain sera mise sur pied et employée. On y trouve une évaluation sommaire des environnements opérationnels probables et de l’environnement de sécurité de l’avenir, l’impact des progrès anticipés dans le domaine des sciences et des technologies sur le développement des capacités, certaines observations pertinentes sur la dimension humaine, un examen des concepts opérationnels permanents et émergents ainsi qu’une brève description du processus de développement des capacités de l’Armée de terre; >En deuxième lieu, la section principale de ce document porte essentiellement sur les philosophies, les fondements, les principes et les caractéristiques de conception clés de l’Armée de terre de demain. Des paramètres et des attentes réalistes y sont énoncés afin de décrire les éléments les plus importants de la capacité opérationnelle ainsi que les moyens les plus efficaces pour mettre sur pied la force requise pour répondre aux exigences de l’environnement opérationnel de l’avenir. Une description des trois composantes principales RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 7 de la capacité requise — soit les systèmes (véhicules, armes et équipement), les concepts opérationnels (selon diverses fonctions) et les structures (organisations et établissements de mise sur pied et d’emploi de la force) —, y est également présentée de façon généralement prescriptive. Enfin, cette section se termine par des propositions sur la manière de continuer à obtenir les meilleurs résultats possible du processus de développement des capacités de l’Armée de terre. Le document Concevoir l’Armée de terre canadienne de demain est destiné à divers lectorats. Les dirigeants de l’Armée de terre y trouveront un sommaire utile des aspects les plus importants de l’analyse de l’environnement de sécurité de l’avenir ainsi que des enjeux urgents liés au développement des concepts et des capacités qui touchent les assisses de l’Armée de terre. Il offre à l’état‑major responsable du développement des capacités de l’Armée de terre une meilleure compréhension et un portrait plus clair des implications découlant de l’adoption du document Opérations terrestres 2021 : opérations adaptables et dispersées : le concept d’emploi de la force de l’Armée de terre canadienne de demain comme concept des Forces canadiennes pour les opérations terrestres. Le présent ouvrage offre un niveau d’analyse supplémentaire et de plus amples détails. Il vise ainsi à offrir suffisamment d’orientations pertinentes et durables aux personnes qui participent au développement des capacités de l’Armée de terre sans pour autant nuire à l’adaptabilité et à l’agilité du processus et de l’état‑major dans un contexte stratégique qui, inévitablement, ne cesse d’évoluer. Les Forces canadiennes ainsi que les instances de développement des capacités des pays partenaires y trouveront des modèles utiles en raison de la maturité du processus de développement des capacités de l’Armée de terre canadienne et de la rigueur des recherches effectuées dans le cadre de ce processus. Enfin, pour les publics militaires et gouvernementaux, ainsi que pour la population en général, le présent ouvrage constituera peut-être un instrument d’initiation accessible pour comprendre le processus de transformation des idées en capacités pertinentes. On espère que ce processus permettra, à terme, de prendre de meilleures décisions quant à la façon dont l’Armée de terre gère ses ressources précieuses. 8 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES LES FONDEMENTS DE LA CONCEPTION Le présent document repose sur un corpus important de travaux effectués antérieurement. La documentation de la première partie s’appuie notamment sur des recherches et des publications de la Direction — Concepts stratégiques (Opérations terrestres), de la Direction — Concepts et schémas de la Force terrestre, des Forces canadiennes, du ministère de la Défense nationale ainsi que du programme des armées américaine, britannique, canadienne, australienne et néo‑zélandaise. Un glossaire sur le développement des capacités ainsi qu’une sélection de documents de référence utiles figurent également à la fin de la deuxième partie. Le scénario d’opération expéditionnaire internationale présenté dans le cadre de l’Expérience de l’Armée de terre 9B a été utilisé au cours de l’analyse à l’appui du présent ouvrage pour représenter tant les types d’opérations les plus probables que les types d’opérations les plus complexes et les plus exigeantes dans lesquelles l’Armée de terre est susceptible d’être employée. Ce scénario vise principalement à présenter un environnement en fonction duquel les concepts et les schémas peuvent être évalués, harmonisés et précisés. D’autres scénarios représentant d’autres types d’opérations, notamment une crise nationale ainsi que d’importantes opérations de combat prolongées contre un adversaire ayant une grande armée de terre moderne imposante, sont également utilisés pour mesurer les risques. RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 9 PREMIÈRE PARTIE LE CONTEXTE RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES 12 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES LE CONTEXTE STRATÉGIQUE »Les Forces canadiennes constituent l’instrument militaire d’un État souverain. »L’Armée de terre doit mener des opérations nationales et internationales efficacement. »L’Armée de terre doit apporter une contribution valable dans le cadre d’une approche exhaustive des opérations. La sécurité et la prospérité futures du Canada sont tributaires d’un système international stable et prévisible. « [N]ous devons intervenir au‑delà de nos frontières pour protéger et promouvoir nos valeurs et nos intérêts1. » Les Forces canadiennes continuent de jouer un rôle de premier plan qui permet au Canada de contribuer à l’atteinte de cet objectif. Le gouvernement du Canada considère les Forces canadiennes comme un instrument de pouvoir et de politique nationaux. « Le rôle que jouent les Forces canadiennes dans la protection des Canadiens, de leurs intérêts et de leurs valeurs demeurera essentiel 2. » L’emploi efficace des Forces canadiennes est un facteur important qui permet au Canada de démontrer qu’il est un membre responsable de la communauté internationale, et qui l’aide à se faire respecter au sein d’organisations et de coalitions internationales d’envergure. La mission des Forces canadiennes découle de la politique de défense du gouvernement du Canada, par l’entremise des orientations du ministère de la Défense nationale. Assurer la défense et la sécurité du Canada et des intérêts des Canadiens et contribuer de façon significative à la paix et à la sécurité dans le monde continuent de constituer le mandat principal des Forces canadiennes. « Pour respecter cet engagement, nous devons assurer la sécurité de nos concitoyens, défendre notre souveraineté et faire en sorte que le Canada regagne, sur la scène internationale, sa crédibilité et son influence, tout en étant disposé à faire sa part3. » La façon dont les Forces canadiennes et l’Armée de terre remplissent cette obligation est décrite dans les six missions principales de la Stratégie de défense — Le Canada d’abord (SDCD). 1. É noncé de politique internationale du Canada — Fierté et influence : notre rôle dans le monde — Survol, Ottawa, AECIC, 2005, avant‑propos. 2.Énoncé de politique internationale du Canada — Fierté et influence : notre rôle dans le monde — Défense, Ottawa, MDN, 2005, p. 1. 3.Stratégie de défense — Le Canada d’abord, Ottawa, MDN, 2008, p. 1. RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 13 Dans le cadre de son mandat, l’Armée de terre doit posséder la capacité de produire suffisamment de forces terrestres polyvalentes et efficaces au combat pour assumer sa responsabilité à l’égard des objectifs du Canada en matière de défense et de sécurité. L’Armée de terre doit être prête à mener des missions expéditionnaires et des missions nationales, et être parfaitement capable de mener des tâches de combat, de stabilité ainsi que des tâches habilitantes. Par conséquent, l’Armée de terre doit être pertinente sur le plan stratégique, capable de s’adapter sur le plan opérationnel, et décisive sur le plan tactique. Ceci requiert une Armée de terre très mobile, adaptable, réseautée et viable qui est capable d’agir avec efficacité dans un contexte interarmées, interorganisationnel, multinational et public (IIMP)4. Peu importe les défis que l’environnement de l’avenir comportera, les hypothèses suivantes continueront d’avoir une grande incidence sur le développement des capacités des Forces canadiennes et de l’Armée de terre : >Pratiquement toutes les missions des Forces canadiennes et de l’Armée de terre sont menées en tant qu’opérations interarmées et nécessitent une collaboration avec d’autres organismes, notamment d’autres ministères, des organisations internationales, des alliés et partenaires de défense, des organisations non gouvernementales, des fournisseurs de services généraux et des représentants publics, dans le cadre d’une approche exhaustive des opérations. Il est peu probable que l’Armée de terre ou l’ensemble des Forces canadiennes soit appelé à agir sans aide aucune à l’échelle nationale ou internationale. Ils représentent une partie d’un éventail de ressources nationales plus vaste consacré à l’atteinte des objectifs du Canada; >La majorité des opérations nationales mettent à contribution les Forces canadiennes et l’Armée de terre dans un rôle de soutien; >La participation des Forces canadiennes et de l’Armée de terre aux opérations expéditionnaires se produit généralement dans le cadre d’une coalition internationale plus vaste; >Les capacités militaires sont fonction des engagements et des ressources du gouvernement du Canada, et elles sont définies par les priorités et la capacité financière de ce dernier. 4.Voir La Stratégie de l’Armée de terre — Engagés, vers l’avant, Ottawa, CFT, 2002, et L’Armée de terre — Engagés, vers l’avant, 2 e édition, Ottawa, CFT, 2009. 14 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES L’ENVIRONNEMENT DE SÉCURITÉ DE L’AVENIR »L’environnement de sécurité mondial continuera d’être incertain et volatile. »Les tendances en matière de mondialisation, d’innovations technologiques, de changements démographiques, de rareté des ressources et d’environnement physique continueront d’avoir une incidence profonde sur l’environnement de sécurité de l’avenir. »Les menaces et les défis futurs seront fort variés, complexes et hybrides. »Les conflits directs entre les puissances importantes et émergentes demeureront moins courants que les « petites guerres », mais la possibilité d’une guerre à grande échelle opposant des États ne peut être écartée. ENVIRONNEMENT DE SÉCURITÉ MONDIAL L’environnement mondial de l’avenir devrait être de plus en plus complexe, instable et incertain. Les tendances actuelles en matière de mondialisation, d’intégration dans un système monétaire international, de changements démographiques, de régionalisation émergente et d’actions déstabilisantes par des acteurs étatiques et non étatiques façonnent l’environnement. Ces facteurs, combinés à la concrétisation prévue de pénuries d’énergie et de ressources à l’échelle mondiale, aux effets des changements climatiques qui se font sentir de plus en plus rapidement, à la rapidité des innovations et des progrès scientifiques et technologiques et au rééquilibrage des rapports de forces régionaux, devraient poser des défis de taille. Les demandes concurrentielles pour accéder à des ressources et à de meilleures conditions de vie provenant des populations connaissant une croissance rapide dans le monde en développement continueront de se heurter au partage disproportionné des richesses à l’échelle mondiale, régionale et locale. Les niveaux de ressources décroissants et les répercussions des désastres naturels et causés par l’homme augmenteront inévitablement la fragilité de grandes régions du monde et créeront de nouvelles vulnérabilités dans d’autres régions. Les enjeux liés à la sécurité humaine seront façonnés en grande partie par la pauvreté et les insécurités connexes — notamment le manque d’accès à des vivres, à de l’eau potable, à des soins de santé adéquats et à des sources d’énergie modernes —, le manque de saine gestion publique, le sentiment d’injustice qui découle de la répartition inégale des richesses et la polarisation artificielle sur les plans culturel, religieux ou ethnique. En raison de la montée relative de sphères d’influence politiques et économiques non occidentales (notamment le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine), une restructuration de l’économie mondiale devra s’opérer, et il est peu probable que ce changement se déroule sans un certain degré de perturbations. Des récessions mondiales futures, un déséquilibre des devises, le resserrement du RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 15 marché international du crédit et le risque associé à l’insolvabilité des institutions financières menacent la stabilité de l’économie mondiale; pour ces raisons, un plus grand nombre d’États fragiles risquent de devenir des États en déroute. Les finances mondiales devenant de plus en plus intégrées, interconnectées et exposées à un éventail de plus en plus vaste d’influences, le risque que les crises économiques échappent à tout contrôle est considérable. Les différends idéologiques contribueront à une plus grande instabilité dans le monde. Lorsque des États ou d’autres groupes de personnes constatent qu’il leur est impossible d’influer sur leur sort par des moyens pacifiques ou des tactiques traditionnelles, ils recourront à des guerres irrégulières et au terrorisme. Ces situations engendreront des crises humanitaires plus graves, de l’instabilité sur le plan politique, des troubles civils ainsi que des conflits intraétatiques et interétatiques violents. Ces conflits seront caractérisés par diverses attaques physiques, cybernétiques, économiques, de propagande et psychologiques simultanées et complémentaires menées par des États, des factions interposées ainsi que des groupes terroristes et criminels transnationaux. En raison de la prolifération continue d’armes meurtrières, de la possibilité que des États dirigés par des régimes imprévisibles acquièrent l’arme nucléaire, et de l’accroissement continu des armements dans des régions comme l’Asie‑Pacifique, l’instabilité sur les plans régional et mondial risque de s’accentuer. Alors que le pouvoir relatif des États fluctuera, la viabilité, l’importance et la puissance de l’État en soi demeureront les considérations les plus importantes sur les plans géopolitique et interne. Les citoyens continueront de s’en remettre aux gouvernements nationaux pour assurer leur sécurité et préserver leur identité. Des pressions internes continueront d’inciter les États à se livrer à des agressions armées contre les populations voisines et nationales. La concurrence pour les ressources ainsi que les efforts déployés pour augmenter la sécurité et l’influence s’intensifieront. Un large éventail d’acteurs non étatiques comme des organisations internationales, des organisations non gouvernementales, des intérêts commerciaux et des groupes du crime organisé ont une influence de plus en plus marquée dans le domaine de la défense et de la sécurité. Si les objectifs d’une grande partie de ces intervenants resteront probablement bénins, voire bénéfiques, sur le plan de la sécurité, ceux de certains autres constitueront des défis et des menaces. Tous compliqueront l’environnement de sécurité émergente. Il est certain que les conflits de l’avenir auront beaucoup de points en commun avec ceux d’aujourd’hui. Toutefois, une différence importante réside dans le fait que les adversaires éventuels seront probablement encore plus adaptables et constitueront des menaces encore plus variées, multidimensionnelles et dangereuses. Les changements technologiques exponentiels procureront aux intervenants la 16 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES capacité d’avoir une influence et un accès jamais inégalés. Combinée à l’ingéniosité de l’homme, cette capacité accrue de s’organiser et de présenter des défis importants sur plusieurs fronts, grâce à un meilleur accès à une gamme de capacités habilitantes — notamment les moyens de communications, les armes et la mobilité, le rayon d’action et le pouvoir meurtrier de l’adversaire s’accroîtront considérablement. Tout porte à croire que l’environnement de sécurité de l’avenir sera de plus en plus complexe, incertain, instable et meurtrier. ENVIRONNEMENT DE SÉCURITÉ NATIONAL Les forces en présence sur la scène mondiale auront des conséquences à l’échelle nationale en raison du chevauchement de plus en plus important entre les influences et les intérêts nationaux et internationaux en matière de sécurité. Alors que certaines caractéristiques fondamentales de l’État canadien et de la société canadienne perdureront, comme l’étendue du territoire géographique, la faible densité de population et la démocratie parlementaire, un éventail de forces modifieront le paysage politique, économique et socioculturel du pays. Par exemple, la population canadienne deviendra encore plus multiculturelle et cosmopolite qu’elle ne l’est aujourd’hui. L’immigration sera responsable en grande partie de la croissance de la population du Canada alors que la croissance naturelle de la population diminuera 5. La société canadienne se concentrera de plus en plus dans les milieux urbains, et les villes deviendront des centres de créativité et de dynamisme économique. Une main‑d’œuvre scolarisée et compétente permettra au Canada de continuer à être concurrentiel dans l’économie mondiale de demain. Les ressources naturelles nombreuses du Canada continueront d’être une source de prospérité6. De plus, puisque les changements climatiques mondiaux élèveront la température dans le Nord du Canada, les occasions d’exploiter les ressources extractives — particulièrement le pétrole et le gaz naturel —, et de favoriser le développement des communautés du Nord devraient se multiplier. L’abondance d’eau douce au Canada permettra au pays de se tailler une place fort enviable puisque l’eau douce est en passe de devenir une ressource mondiale essentielle de plus en plus limitée. Cela dit, la mondialisation aura des effets négatifs sur le Canada et les Canadiens au pays. La facilité avec laquelle il est possible d’effectuer des voyages outre‑mer accroîtra les menaces découlant des maladies infectieuses ainsi que les risques de pandémies. L’exploitation intentionnelle des vulnérabilités sociétales et la 5.Projections démographiques pour le Canada, les provinces et les territoires, 2005–2031, http://www.statcan.gc.ca/pub/91-520-x/00105/4095095-fra.htm. 6.Par exemple, le Canada devrait demeurer un exportateur net de pétrole jusqu’en 2030. RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 17 perturbation de la société canadienne sont les objectifs énoncés de nos adversaires les plus résolus. L’infiltration de terroristes et les attaques armées, l’espionnage d’État et industriel, les actes criminels tels que la traite de personnes, le trafic d’armes et le trafic de stupéfiants, ainsi que les cyberattaques délibérées des infrastructures financières représentent quelques‑unes des possibilités les plus graves. Les gains découlant de la créativité et de la force économique de la société du Canada, laquelle est avancée sur le plan technologique et de plus en plus interconnectée et multiculturelle, risquent d’être atténués en raison des effets du vieillissement de la population. Les risques que les pénuries de main‑d’œuvre potentielles augmentent — risques qui ne sont atténués qu’en partie par la croissance prévue due à l’immigration —, pourraient entraîner une diminution du produit intérieur brut. Même aujourd’hui, les finances publiques subissent des pressions de plus en plus importantes en raison de l’augmentation des prestations de retraite et des coûts rattachés aux soins de santé. Les changements qui se produisent dans l’environnement naturel comporteront également leur lot de risques. Il est fort probable que la fréquence et la gravité des effets des feux de forêt, des températures extrêmes et des inondations continueront de s’accroître. Puisque l’accès au Nord canadien s’accroît, il en ira de même des risques d’accidents écologiques et de dégradation de l’environnement, des intrusions dans le territoire et la souveraineté du Canada, et de la conduite d’activités illégales par ceux qui veulent exploiter la région arctique et les peuples qui l’habitent à des fins personnelles. L’Armée de terre, en tant qu’élément des Forces canadiennes, doit être en mesure de contribuer à la défense du Canada et, aux côtés de ses partenaires continentaux, à la défense de l’Amérique du Nord. L’Armée de terre jouera un rôle phare dans la sécurité des Canadiens et dans l’affirmation de la souveraineté du pays. Elle doit également être prête à assurer la sécurité publique en temps de crise. « L’atteinte de l’excellence au pays exige de ses forces armées qu’elles soient avisées de tout ce qui se passe sur le territoire ou à proximité, de dissuader la perpétration de tout acte qui présente une menace à notre sécurité, sur le territoire ou à proximité, et de réagir de façon appropriée aux événements qui se produisent n’importe où au pays7. » 7.Stratégie de défense — Le Canada d’abord, Ottawa, MDN, 2008, p. 7. 18 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES L’ENVIRONNEMENT OPÉRATIONNEL DE L’AVENIR »Les formations et les groupements tactiques de l’Armée de terre de demain opéreront tant dans des environnements ruraux que dans des environnements urbains, souvent simultanément, et pratiquement sur tous les types de terrains. »Les opérations côtières en milieu urbain seront de plus en plus fréquentes et continueront de constituer les plus grands défis en raison de leur complexité sur les plans humain, environnemental et géographique. »L’Arctique doit être considéré comme une nouvelle frontière qui nécessitera un engagement accru de la part de l’Armée de terre. »L’Armée de terre de demain continuera d’être définie par les capacités requises pour mener des opérations expéditionnaires. L’ENVIRONNEMENT OPÉR ATIONNEL MONDIAL L’environnement de sécurité de l’avenir constitue un défi considérable pour les planificateurs des capacités. Il est fort probable qu’au fil du temps, l’Armée de terre soit appelée à participer à un large éventail d’opérations complexes dans des États ou des régions fragiles du monde en développement mettant en jeu un large éventail d’acteurs dans des contextes multidimensionnels. Plus de la moitié de la population de la planète habite maintenant en ville, et 60 p. 100 de la population vit à 100 kilomètres ou moins d’un océan8. Dans ce contexte, c’est souvent dans des régions urbaines que des conflits violents éclateront, et les adversaires tireront pleinement parti de l’environnement physique, moral et informationnel complexe qui caractérise les grandes villes densément peuplées. La possibilité que des combats de grande ampleur force contre force surviennent ne disparaîtra pas, mais des guerres irrégulières conduites par des adversaires extrêmement adaptables et soutenus par une technologie de pointe, des États voyous qui s’érigent contre le statu quo, et des organisations criminelles transnationales continueront de constituer les menaces les plus probables à la défense et à la sécurité. Tout en s’articulant principalement en vue des opérations de moyenne intensité dans des environnements complexes — dans le cadre desquelles il y a un équilibre relatif sur le plan des efforts entre les tâches de combat et de stabilité —, l’Armée de terre doit demeurer capable d’effectuer une transition rapide afin de mener efficacement des opérations de combat d’une grande intensité. Les formations et les groupements tactiques de l’Armée de terre de demain opéreront tant dans des environnements ruraux que dans des environnements 8. J oint Operating Environment: Trends & Challenges for the Future Joint Force Through 2030, Norfolk, USJFCOM, 2007, p. 15–16. RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 19 urbains, souvent simultanément, et sur pratiquement tous les types de terrains, notamment le désert, les montagnes, la jungle, les forêts, la savane et l’Arctique. Les opérations en milieu urbain devraient être de plus en plus fréquentes et elles continueront de poser les plus grands défis en raison de leur complexité sur les plans humain, environnemental et géographique. Il est probable que ces caractéristiques accroissent le nombre d’incidents liés à la maladie, la pollution et l’exposition aux dangers des déchets industriels, et qu’elles nuisent à notre capacité d’intervenir de manière décisive et efficace. Dans certaines situations, on s’attend à ce que les adversaires s’organisent et opèrent en cellules et en groupes semi‑indépendants relativement dispersés et intégrés au sein de la population. Selon le principe voulant que l’Armée de terre évolue au sein d’une alliance ou d’une coalition solide avec une supériorité des forces sur le plan physique, les opérations de façonnage devraient réduire les forces d’opposition classiques à des niveaux maîtrisables. Selon un tel scénario, il est possible que des éléments résiduels de véhicules de combat, de chars, de mortiers, d’artillerie et de roquettes de l’infanterie pouvant atteindre la taille d’un groupe‑bataillon soient présents dans le combat rapproché lorsque l’espace d’opérations aura été façonné par des ressources interarmées multinationales. Il est peu probable que des attaques d’avions à réaction hostiles surviennent dans l’environnement opérationnel de l’avenir9; toutefois, des hélicoptères, des avions civils modifiés, des véhicules téléguidés et des missiles de croisière improvisés pourraient être utilisés. Les mines et les dispositifs explosifs de circonstance continueront d’être extrêmement dangereux, allant des engins les plus simples (p. ex. des mines empilées, des kamikazes) jusqu’à des engins extrêmement sophistiqués. Les grenades propulsées par fusée auront une force de frappe améliorée qui mettra au défi nos avancées en matière de blindage protectif et réactif et d’autres technologies de riposte. Il est également fort probable qu’on utilise des produits commerciaux comme armes, notamment des matières industrielles toxiques, quoique la capacité de l’adversaire d’utiliser ces matières efficacement risque d’être irrégulière. Les technologies qui sont à la disposition de l’adversaire comprennent les gilets de protection balistique, les dispositifs de vision de nuit et les systèmes de communication protégés de pointe. Il n’est pas aisé de classer les opérations de demain par catégorie puisqu’elles ne deviendront claires que lorsqu’elles se dérouleront. Isolément, ces opérations comprendront sans aucun doute quelques caractéristiques d’un ou de plusieurs des thèmes suivants : 9.Voir le document Projection de la puissance : la Force aérienne du Canada en 2035, Trenton, CGAFC, 2009, p. 31–40. 20 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES >combat majeur caractérisé par des combats fréquents, dispersés et intenses contre des adversaires employant des versions modernes des tactiques classiques; >contreinsurrection caractérisée par la nature politique de la crise et le besoin de façonner des facettes multiples de l’environnement dans lequel les forces armées jouent un rôle de soutien clé pour la sécurité; >opérations de soutien de la paix — y compris la prévention des conflits, le rétablissement de la paix, l’imposition de la paix et la consolidation de la paix — pour promouvoir la stabilité; >intervention directe limitée ayant une portée et des objectifs précis; >opérations nationales où la force militaire jouera un rôle de soutien pour d’autres organismes gouvernementaux en raison de la nature de la crise. En raison de la nature des conflits violents dans l’environnement opérationnel de l’Armée de terre de demain, l’Armée de terre devra être capable d’employer des stratégies, d’exécuter des opérations et d’exploiter des tactiques adaptables visant à : >comprendre l’environnement social et culturel dans lequel les opérations sont menées de manière à influencer adéquatement et efficacement le comportement humain; >miner la détermination et la volonté de l’adversaire; >garder l’initiative dans la sphère physique10. L’Armée de terre devra également être prête et apte à entreprendre des opérations offensives, défensives et de stabilité dans un continuum allant de l’engagement militaire en temps de paix au soutien de la paix, et de la contre‑insurrection au combat majeur. L’Armée de terre doit par conséquent continuer à s’adapter aux réalités d’environnements plus complexes, en s’assurant qu’elle possède tant des capacités de feux que des capacités d’influence, et bénéficiant de l’appui des niveaux appropriés de mobilité, de surviabilité, de viabilité et de compréhension commune, 10. V oir le document Opérations terrestres 2021 : opérations adaptables et dispersées : le concept d’emploi de la force de l’Armée de terre canadienne de demain, Kingston, DCSFT, 2007, p. 5–7. RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 21 pour créer les effets désirés tout en assurant la protection des gens. Un bon équilibre entre ces fonctions sera essentiel puisque la force devra participer à des opérations de formation, d’unité et de sous-unité contre des adversaires qui seront sans doute encore plus adaptables et aptes au combat que ceux qu’elle a affrontés à ce jour. Toute mesure qui pourrait compromettre l’équilibre de la force accroîtra le risque d’exploitation des faiblesses qui pourraient ainsi être créées. Il existe d’autres implications importantes de la nature changeante des conflits violents qui doivent guider la planification du positionnement de l’Armée de terre de demain. En fonction des ressources dont ils disposeront, les adversaires de demain auront inévitablement recours à un mélange de capacités, de stratégies et de tactiques adaptables et personnalisées pour arriver à leurs fins. Au lieu d’adversaires distincts ayant des approches fondamentalement différentes (classiques, irrégulières ou terroristes), on peut s’attendre à faire face à des adversaires qui emploieront toutes les formes de guerre, notamment les actes criminels, et ce, peut‑être simultanément. Les conflits mettront en jeu une gamme d’acteurs transnationaux, d’États, de groupes et de personnes qui mèneront leurs activités tant à l’échelle mondiale qu’à l’échelle locale […] Les [N]ations pourraient être témoins dans un même temps de violence, de terrorisme, de sédition, de criminalité profonde et de désordre généralisé intercommunaux. Les tactiques, les techniques et les technologies continueront de se transformer alors que les adversaires s’adaptent rapidement à la recherche d’avantages et d’influence, notamment par des moyens économiques, financiers, juridiques et diplomatiques11. [Traduction] Il est même possible que cette « menace hybride » incarne une coopération, du moins à certains niveaux, entre un certain nombre d’adversaires non traditionnels et des ennemis plutôt conventionnels, et qu’elle mène à une fusion des problèmes de sécurité publique, de sécurité humaine et de sécurité nationale. L’engagement de l’Armée de terre dans tous les types d’opérations doit être viable du point de vue des lignes de communications stratégiques et de la capacité de mise sur pied d’une force. La capacité de mener des opérations avec efficacité dépend de forces possédant des fonctions opérationnelles équilibrées — commandement, détection, action, protection et maintien en puissance — et qui ont la capacité intrinsèque de créer les résultats souhaités. L’Armée de terre doit donc avoir à sa disposition les niveaux 11.ABCA Future Concept 2020–2030, rapport de l’ABCA numéro 088, Washington, ABCA, 2010, p. 10. 22 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES adéquats de mobilité, d’armement, de surviabilité, de viabilité et d’information sur les plans tactique, opérationnel et stratégique. Toute mesure n’allant pas dans le sens d’une force équilibrée, efficace et agile créera un risque inacceptable. L’ENVIRONNEMENT OPÉR ATIONNEL NATIONAL À la lumière de l’expérience acquise, on s’attend à ce que les opérations les plus susceptibles de se produire à l’échelle nationale et mettant à contribution des forces terrestres surviennent à la suite de catastrophes naturelles ou causées par l’homme. La fréquence et la gravité de ces événements ont connu une croissance constante au fil des ans et leurs répercussions devraient continuer de s’accroître puisque la densité et la distribution de la population continuent de s’accroître également. L’effet stabilisant sur les populations civiles attribuables au déploiement de soldats canadiens en temps de crise est en règle générale positif et disproportionné par rapport aux ressources mises à contribution. Le public canadien continue de s’attendre à ce que les Forces canadiennes offrent de l’aide en temps de crise, et les gouvernements à l’échelle du pays continuent de compter sur les forces militaires lorsqu’ils ne peuvent répondre efficacement aux demandes liées aux événements locaux qui surviennent. L’Armée de terre devra être prête à intervenir rapidement pour sauver des vies et aider à rétablir le cours normal des choses. Le Nord canadien sera une grande priorité du gouvernement pour l’avenir prévisible. La Force aérienne et la Marine continueront d’assumer des responsabilités nationales plus directes et routinières pour protéger les approches aériennes et maritimes du Canada dans le cadre de leur mandat, mais les opérations nationales mettant à contribution l’Armée de terre pour protéger la souveraineté et la sécurité nationale demeureront des tâches essentielles. Bien que l’Armée de terre ait toujours eu les capacités nécessaires pour mener des opérations dans le Nord, elle devra désormais acquérir de nouvelles capacités, en plus d’accroître son potentiel et son engagement. RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 23 L’ÉTAT DE LA TECHNOLOGIE EN 2021 »Le monde vit actuellement une révolution technologique continue et de plus en plus rapide. »Il y a convergence entre divers secteurs de la technologie comme la nanotechnologie et la technologie des matériaux, la robotique, la biologie et la génétique, les technologies de l’information et des communications et la neuroscience. »L’organisation qui fait preuve de prévoyance, qui se prépare aux changements et qui réagit bien à ces derniers sera celle qui prospérera. Au sein des sociétés modernes et de leurs forces militaires, la technologie est omniprésente. Malheureusement, malgré l’omniprésence de la technologie, un grand nombre de personnes en ont une conception très étroite, croyant qu’elle ne touche que les ordinateurs, l’électronique et Internet. Dans son sens le plus large, la technologie est le processus par lequel l’humain modifie la nature pour répondre à ses besoins et à ses désirs. La technologie ne se limite pas seulement qu’à des produits et à des objets; elle englobe également les connaissances et les processus requis pour créer de tels produits et les exploiter. Qui plus est, la technologie comprend également l’intégralité de notre infrastructure matérielle12. Le monde vit actuellement une révolution technologique mondiale sans précédent dans tous les domaines convergents, notamment la nanotechnologie et la technologie des matériaux, la biotechnologie et la génétique, les technologies de l’information et des communications ainsi que la neuroscience. Cette convergence donnera naissance à de nouvelles capacités qui n’ont à ce jour existé que dans le domaine de la science-fiction. Il est probable que ces technologies convergentes soient dirigées vers deux axes principaux. En premier lieu, elles seront orientées vers l’intérieur afin de comprendre et d’améliorer l’esprit et le corps humain. En deuxième lieu, elles seront orientées vers les technologies de robotique autonome ou, en des termes plus généraux, vers l’automatisation intelligente de l’environnement. Il y aura donc, dans ces deux secteurs d’intérêt, une émergence de nouvelles capacités ainsi qu’une croissance exponentielle dans un éventail de disciplines connexes, ce qui aura pour effet d’apporter des changements radicaux et imprévisibles dans toutes les dimensions de la vie. Les systèmes social, économique et militaire seront grandement touchés. Il est important de tenir compte des trajectoires que ces deux disciplines convergentes pourraient prendre. 12.Greg Pearson et A. Thomas Young, éd., Technically Speaking: Why All Americans Need to Know More About Technology, Committee on Technological Literacy, National Academy of Engineering, National Research Council, Washington, National Academy Press, 2002. 24 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES L’anticipation technologique ainsi que la vitesse organisationnelle deviendront des catalyseurs de plus en plus importants de la résilience institutionnelle. Des techniques de prévision seront requises pour comprendre la nature et l’importance des événements possibles avant qu’ils ne surviennent de manière à atténuer les risques potentiels pour la sécurité du Canada. À cette fin, il faudra effectuer une analyse active des nouvelles technologies et des signes précurseurs des nouvelles utilisations des technologies existantes. L’expérience nous enseigne que les efforts déployés pour effectuer des prévisions technologiques et stratégiques solides et durables sont rentables. L’ambiguïté liée à l’innovation future présentera un défi quant aux efforts déployés actuellement pour le développement des capacités puisque la vitesse d’acquisition a aujourd’hui plus d’importance qu’auparavant. Cela dit, les coûts aussi sont importants. Il faudra donc s’attacher à trouver un équilibre entre ces deux facteurs. À une époque où les changements s’opèrent avec une grande rapidité, l’organisation qui réussira à tirer son épingle du jeu sera celle qui réussira le mieux à s’adapter aux changements. Les efforts destinés au développement des capacités devront être axés sur l’optimisation des capacités dans certains secteurs technologiques stratégiques émergents. Ces efforts ne seront peut‑être pas centrés sur les armes, l’équipement et les véhicules traditionnels, mais ces éléments bénéficieront également des nouvelles avancées technologiques. Les tendances technologiques vers la convergence, la miniaturisation, l’intégration et la numérisation semblent toutes indiquer que les menaces se manifesteront sur des supports de plus en plus petits avec une plus grande capacité qu’auparavant. À titre d’exemple, un virus modifié par génie génétique représentera à la fois un instrument de pouvoir ainsi qu’une menace disponible dans un format microscopique. On s’attend également à ce que des agents logiciels intelligents de pointe circulent dans le cyberespace. La projection de la puissance est rendue possible grâce à l’utilisation d’information plutôt que par le seul déplacement des forces. Ainsi, de petites entités hautement réseautées et collaboratives seront en mesure de vaincre des organisations plus grandes et plus puissantes. Les avancées importantes dans le domaine des technologies de miniaturisation découleront en grande partie de la demande commerciale à l’échelle internationale plutôt que des investissements propres au domaine militaire. Il faudra donc pouvoir compter sur une communauté étendue dans le domaine des alertes technologiques qui cherchera à comprendre et à prévoir les tendances dans ce domaine. Cette communauté devrait être jumelée à une force axée sur les principes d’agilité et d’adaptabilité organisationnelles capable de modifier ses fondements technologiques rapidement. La souplesse, la résilience et la pertinence institutionnelles dépendent RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 25 donc de l’atteinte du bon équilibre entre l’efficacité et l’efficience au chapitre du développement des capacités nationales. Pour relever les défis que pose la technologie, il faudra déployer les efforts nécessaires, y compris la reconnaissance par l’institution de l’importance et de la nature essentielle de pratiques d’acquisition judicieuses. Il faudrait se détacher de l’approche actuelle en matière de gestion de projets pour plutôt adopter le développement en spirale ou des points d’insertion prévus de la technologie où chaque module de développement est fondé sur une technologie éprouvée plutôt que sur une technologie anticipée. Les méthodes actuelles augmentent les coûts, retardent l’exécution des projets et compromettent les objectifs en matière de capacités. LA DIMENSION HUMAINE »Les gens continueront de constituer la ressource la plus importante de l’Armée de terre. »La culture de l’Armée de terre sera inextricablement liée à la culture canadienne, et deviendra de plus en plus diversifiée et représentative de la société. »La confiance dans les confrères d’armes, le leadership et l’institution est à la base de la cohésion au sein de l’Armée de terre. »C’est grâce à un processus décisionnel amélioré que les gains les plus importants seront obtenus quant aux applications militaires. »La base de recrutement au sein de la société canadienne exigera une plus grande souplesse professionnelle au sein de l’Armée de terre. CONTE X TE Les gens continueront de constituer le capital premier grâce auquel l’Armée de terre existe, fonctionne, réussit et dure. L’Armée de terre recrute ses soldats à même la société qu’elle se doit de protéger; par conséquent, sa force et son succès continu dépendent directement de sa capacité d’être pertinente et rentable, et à comprendre un échantillon représentatif de la population canadienne dynamique et qui ne cesse d’évoluer. Pour continuer à atteindre ses objectifs, l’Armée de terre devra, en tant qu’institution, reconnaître, cultiver, protéger et conserver certaines caractéristiques permanentes au sein de son capital humain. CAR AC TÉRISTIQUES HUMAINES Peu d’éléments donnent à penser que la nature humaine subira de profonds changements pendant l’ère de l’Armée de terre de demain. Les caractéristiques humaines et les besoins de base qui ont façonné le développement de l’homme 26 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES par le passé demeureront une considération essentielle pour le développement des capacités et des structures de l’Armée de terre. L’homme a besoin de faire partie d’une organisation qui répond à ses besoins sur les plans physique, psychologique et social, alors qu’il demeure primordial qu’elle lui confère un sentiment de respect et d’accomplissement. Le désir d’appartenance et de respect, le lien spécial qui l’unit au groupe ainsi que la confiance dans ses capacités et la cause qu’il sert sont les éléments qui continueront d’inciter le soldat à servir efficacement — et même vaillamment — au cours des opérations. Alors que ces caractéristiques essentielles devraient demeurer inchangées, a capacité et les préférences sociétales évolueront. La population canadienne est vieillissante et le niveau moyen de forme physique continue de décroître. La société canadienne devrait devenir de plus en plus dépendante des technologies, des suppléments et des améliorations qui changeront la façon dont les gens travaillent, communiquent, établissent des contacts, se comportent, se perçoivent et perçoivent le monde. Alors que ces phénomènes tendent à améliorer le niveau de vie, ils élèvent également le niveau de complexité au sein de la société. Par conséquent, il faudra élever les niveaux de savoir et d’éducation individuels et collectifs au sein de la population en général. CULTURE La culture de l’Armée de terre est intimement liée à la culture canadienne en général. Elle se diversifie de plus en plus et représente de mieux en mieux la mosaïque que constitue la population mondiale. Devenant de plus en plus urbaines, cosmopolites et interdépendantes, les « cultures » canadiennes modifient profondément le profil de la société canadienne. Alors que ces tendances constituent des défis pour le pays et l’Armée de terre, elles offrent également des forces et possibilités. La vitalité de l’Armée de terre et sa capacité de comprendre son rôle reposent sur un lien efficace et intime avec la population canadienne. Il est important que l’Armée de terre se mette à l’écoute de la culture et des valeurs les plus précieuses des Canadiens, qu’elle les comprenne, les adopte et les représente. L’Armée de terre doit se positionner et se présenter comme un instrument essentiel de puissance nationale prêt à aider, à défendre et à protéger le peuple canadien ainsi que ses intérêts au pays et à l’étranger. Pour y arriver, elle doit avoir recours à l’interaction — aux contacts humains fréquents —, c’est‑à‑dire aux contacts qui ne peuvent être établis seulement par des moyens virtuels, et qui ne reposent pas uniquement sur les bulletins de nouvelles et les messages relayés par les médias de masse. L’Armée de terre se doit d’être une partie visible et intégrante de la société canadienne, en s’établissant dans les milieux de vie, de travail et d’apprentissage des Canadiens. RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 27 ÉTHOS Les soldats canadiens continuent de provenir et d’être représentatifs d’un large amalgame culturel de la société canadienne. Bien que cette diversité consolide l’institution, il est également essentiel d’établir une Armée de terre cohésive fondée sur un éthos et un ensemble de principes d’éthique communs. Le milieu diversifié, complexe et de plus en plus transparent qui caractérise l’ère de l’Armée de terre de demain est de plus en plus exigeant pour les fondements éthiques et moraux et la force psychologique des soldats. Le précepte voulant qu’un bon soldat soit d’abord et avant tout une bonne personne est encore plus pertinent. Un milieu éthique sain est primordial pour assurer la légitimité et la réussite des opérations. Puisque les processus militaires ont le potentiel de causer un grand préjudice tout comme ils peuvent accomplir un grand bien, et puisque les soldats se sont engagés à assumer une responsabilité illimitée envers l’État, il est primordial que tous les soldats soient unis par le devoir et l’allégeance envers le Canada et qu’ils respectent la chaîne de commandement, leurs pairs au sein de la chaîne de commandement ainsi que leurs subordonnés. Il est essentiel que les soldats, tous grades confondus, fassent preuve de courage pour agir comme ils le doivent, peu importe la difficulté physique ou psychologique, les risques en jeu ou les répercussions négatives potentielles sur l’avancement personnel ou la popularité. CONFIANCE La confiance envers les camarades, les dirigeants et l’institution demeure le lien essentiel qui assure la cohésion de l’Armée de terre, puisqu’elle jette les bases de la discipline et de l’efficacité, établit l’engagement personnel à l’égard de l’organisation et des opérations et ouvre la voie à la réussite dans les conditions physiques les plus ardues et les plus horribles sur le plan psychologique. Même si des motifs comme la reconnaissance personnelle, les récompenses, la rémunération ou l’aventure attirent certains au service militaire, ils ne suffisent pas à garder les soldats au sein de la force, ou à les amener à poursuivre sans réserve des objectifs militaires. La conviction des soldats que leur institution et leurs dirigeants, et que les personnes avec qui ils mènent des opérations, interviendront de façon anticipée et appropriée à toute situation et rempliront leurs promesses conformément aux valeurs et aux attentes mutuelles, a une incidence directe sur leur disposition à mettre leur vie en danger. Les soldats s’attendent à ce que toutes les causes pour lesquelles ils doivent travailler soient justes et qu’ils soient eux‑mêmes reconnus et traités convenablement pour les préjudices qu’ils subissent et les sacrifices qu’ils consentent. De plus, il est également important d’établir et d’entretenir un lien de confiance avec les familles de nos soldats. Ces familles s’attendent à ce qu’on leur accorde 28 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES l’estime, la compréhension, la reconnaissance, le respect et les soins qu’elles méritent en raison des sacrifices que l’on attend d’elles. Elles insisteront pour que les Forces canadiennes préparent les soldats canadiens correctement afin que ces derniers puissent faire face aux difficultés qu’ils vivront lors des opérations, qu’elles subviennent à tous leurs besoins pendant leur service en opérations et qu’elles assurent leur réintégration dans la société canadienne à la fin des opérations. Au fur et à mesure que la société canadienne évoluera, la réussite de l’Armée de terre dépendra de sa capacité d’établir et de maintenir un lien de confiance avec les Canadiens. On s’attend à ce que la conduite et les actes des soldats soient justes et qu’ils respectent une norme morale élevée. Non seulement le peuple canadien exige que ses représentants armés fassent les choses correctement, mais il s’attend également à ce qu’ils fassent ce qui est bien. INTERFACE AVEC L A TECHNOLOGIE La supériorité technologique demeurera un atout précieux pour la réussite de l’Armée de terre au cours des opérations. Les adversaires continueront de recourir à divers moyens pour atteindre leurs objectifs, et certains d’entre eux auront la faculté d’employer une technologie de pointe pour créer des brèches dans les capacités et en tirer parti. Parallèlement, la technologie demeurera une partie importante de la solution qui permettra d’habiliter et de protéger nos soldats. Alors que les développements technologiques progressent à un rythme exponentiel dans pratiquement tous les domaines, c’est dans le domaine de l’enrichissement de la démarche décisionnelle que les gains technologiques devraient être les plus profitables aux applications militaires. La surveillance continue et omniprésente, la fusion et la présentation de données, la création de plans d’action et d’outils d’analyse, ainsi que les communications facilitées par réseau seront requises pour offrir les capacités que doivent posséder les commandants canadiens pour avoir l’avantage sur leurs adversaires sur les plans tactique, opérationnel et stratégique. Cela dit, pour atteindre cet objectif, il faudra améliorer l’interface homme‑machine. Alors que la faculté innée de l’homme de synthétiser des problèmes quant à leur nombre, leur profondeur, leur portée et leur complexité ne subira que peu de changements, l’objectif de la capacité consistera à fusionner l’homme et la technologie de manière à tirer parti des forces de l’homme en matière de synthèse, d’innovation et de créativité tout en exploitant la rapidité et la réactivité des systèmes automatisés. Alors que les innovations technologiques sont de plus en plus facilement accessibles, il semble y avoir une séparation physique de plus en plus marquée entre les soldats, les alliés, les parties neutres et les adversaires. Un équilibre doit exister entre le besoin de protection et le besoin opérationnel d’influer sur l’environnement RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 29 humain grâce à des interactions personnelles. Dans certaines situations, la séparation sera inévitable, mais puisque l’Armée de terre est une institution humaine et que la réussite ou l’échec des opérations dépend de leurs effets sur l’homme, on doit veiller à réduire au minimum le risque que la technologie fasse obstacle aux contacts personnels et à l’établissement et au maintien de relations et de liens de confiance. CHANGEMENT ORGANISATIONNEL Les projections actuelles concernant l’influence des progrès technologiques sur les structures organisationnelles militaires futures donnent souvent à penser qu’il faudra modifier radicalement les organisations qui comportent un grand nombre d’inefficacités et de niveaux hiérarchiques. Alors que les progrès technologiques, surtout les outils d’aide à la décision et les communications réseautées, constituent une aide et assurent l’efficacité dans ces secteurs, les limites innées des capacités de l’homme continueront de définir la mesure dans laquelle un changement radical peut être apporté. La capacité de synthèse, d’apprentissage et d’adaptation de l’homme ainsi que ses préférences et ses besoins émotionnels et structuraux de base nécessitent que des personnes occupent certains rôles et que des structures organisationnelles familières et habilitantes restent en place. Ce sont là des considérations pragmatiques qui constituent un argument solide en faveur de la perpétuation d’un système de commandement hiérarchique. Il y a lieu d’optimiser jusqu’à un certain point les structures et les organisations existantes afin d’accroître l’efficacité globale et d’améliorer l’efficience institutionnelle. Le fait d’apporter des changements par souci d’économie dans un domaine peut souvent créer des besoins supplémentaires dans d’autres. Les organisations et les spécialités dédiées aux secteurs où de nouvelles technologies ont remplacé de vieilles méthodes ont des besoins moins nombreux en personnel à un endroit, mais puisque les nouvelles technologies peuvent nécessiter plus d’attention et d’entretien, elles peuvent par conséquent nécessiter plus de personnel ailleurs. Dans un avenir rapproché, la technologie augmentera la nécessité d’établir des exigences liées à la spécialisation, à l’instruction et à l’éducation. La systémique, qui vise à obtenir des avantages en changeant les processus et les outils de façon synchronisée, pourrait aider à atténuer ce problème. La tension entre les exigences liées à des structures et à des processus optimisés pour l’emploi de la force et celles liées à des structures et processus optimisés pour le développement, la mise sur pied et le maintien en puissance de la force ne s’estompera pas. La nécessité d’intégrer des spécialistes fonctionnels dans les unités et les formations en opérations continuera d’exister, d’où la nécessité de fusionner des entités diverses en un tout harmonieux. Il faudra continuer à s’organiser en 30 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES tant que hiérarchie et à utiliser les divisions fonctionnelles au sein des structures et des organisations de carrière pour favoriser l’ordre et l’efficacité. En raison des exigences physiques et cognitives des emplois et de tâches diverses, les catégories des travailleurs et des gestionnaires devront être conservées. Les aptitudes, le potentiel et les préférences continueront de constituer les critères de sélection clés dans l’avenir; la structure devra donc être multidimensionnelle. La gestion des connaissances continuera de prendre de plus en plus d’importance, et il en sera de même pour l’expertise requise pour opérationnaliser les nouvelles capacités. NORMES ET PR ATIQUES INSTITUTIONNELLES Le désir personnel de performer efficacement au sein de l’Armée de terre sera, dans bien des cas, le facteur déterminant de l’emploi et de l’avancement. Les déplacements latéraux au sein de l’Armée de terre, des Forces canadiennes, de la fonction publique, du monde universitaire et d’organisations non gouvernementales ou d’autres emplois civils seront plutôt la règle que l’exception. La séparation traditionnelle entre la Force régulière et la Force de réserve sera également redéfinie pour favoriser les options viables d’emplois et des transferts rapides pour tous les Canadiens qui souhaitent occuper des rôles différents, tout en offrant une plus grande marge de manœuvre à l’organisation. L’Armée de terre devra utiliser des outils de sélection modernes et objectifs, y compris l’établissement de profils psychométriques, afin d’optimiser la sélection du personnel pour les spécialités, l’instruction, l’éducation, les équipes, les promotions et le commandement. RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 31 L’ARMÉE DE TERRE DE DEMAIN : CONCEPTS DE DOCTRINE DURABLES »Une doctrine durable est la composante clé de la conception de l’Armée de terre de demain. »La guerre de manœuvre se réalise en façonnant la compréhension, en attaquant et en érodant la volonté, et en brisant la cohésion. »La puissance militaire repose sur des composantes morale, physique et intellectuelle et est générée par elles. »Le commandement de mission habilite l’approche « manœuvrière » des opérations militaires. La puissance militaire13 s’appuie sur ses diverses composantes, et est générée par elles : la composante morale (plan psychologique, y compris le moral et la cohésion), laquelle décrit la capacité et la volonté des soldats de livrer combat; la composante physique (puissance sur le plan physique), qui constitue le moyen d’exécuter des opérations; et la composante intellectuelle (les éléments conceptuels de la doctrine et de l’éducation), qui est à la base de la compréhension de la situation et de la prise de décisions. L’élaboration et la combinaison correctes de ces trois composantes sont les bases de la création de la puissance militaire. La puissance militaire est organisée et appliquée selon trois structures : >Les éléments de la composante physique de la puissance militaire — soit les forces, leurs activités et leur structure de commandement — sont organisés dans le temps et l’espace au sein de l’environnement. Il s’agit de la structure de l’espace d’opérations; >La puissance militaire est ensuite appliquée au moyen de l’intégration et de l’exécution synchronisée des capacités fonctionnelles, soit les cinq fonctions opérationnelles et les fonctions centrales (trouver, fixer, frapper et exploiter) par l’organisation des activités au sein de l’environnement dans une « structure de manœuvre ». L’assignation d’activités tactiques est effectuée au moyen d’un plan tactique; >La puissance militaire est appliquée sur les plans physique et psychologique au moyen d’activités assignées en vue de produire les effets désirés 13.La « puissance militaire » est désignée sous le nom de « puissance de guerre » dans le document B‑GL‑300‑001/FP-002 Opérations terrestres, Kingston, DDAT, 2008, p. 4–1. 32 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES (c’est‑à‑dire les résultats). L’objet de ces effets, et les opérations conçues pour les créer, sont les effets de façonnage, les effets décisifs et les effets de maintien en puissance. L’agencement des différents effets, l’un par rapport à l’autre, par rapport à l’objectif et en fonction de l’environnement constitue la « structure des effets ». La puissance militaire a traditionnellement été associée à l’idée d’une force de destruction. Cependant, elle permet également de résoudre divers problèmes pouvant survenir au cours d’une campagne qui nécessitent d’autres solutions. Elle peut par exemple assurer la stabilité dans une région en conflit ou permettre l’acheminement sécuritaire d’aide humanitaire ou le rétablissement de services essentiels afin de protéger une population et de gagner son appui. Elle doit être en mesure d’influencer la perception, la volonté et les actions d’un large éventail d’acteurs dans l’espace d’opérations. La puissance militaire est donc utilisée pour produire les effets désirés sur les plans physique et psychologique. Le concept de guerre de manœuvre est défini comme « une approche des opérations dans laquelle briser la cohésion globale de l’ennemi et sa volonté de combattre est primordial14. » Elle s’accomplit en façonnant la compréhension, en attaquant et en érodant la volonté, et en brisant la cohésion. Elle s’effectue simultanément sur les plans physique et psychologique de manière complémentaire. Le commandement de mission habilite une approche « manœuvrière » des opérations qui s’applique aux activités sur les plans physique et psychologique. On peut atteindre un objectif par des feux ou des activités d’influence, ou par une combinaison des deux. Alors qu’on utilise couramment le terme « objectif » pour faire référence à un objet physique contre lequel une action est exécutée, un objectif est souvent un élément beaucoup plus abstrait, en particulier s’il se situe sur le plan psychologique ou s’il s’agit d’un ensemble de circonstances ou de conditions à créer. Les effets potentiels de deuxième et de troisième ordres sont des considérations importantes. Le commandement de mission habilite l’approche manœuvrière par trois principes : >l’importance de comprendre l’intention du commandant supérieur; >la responsabilité claire des subordonnés de réaliser cette intention; >la prise de décisions en temps opportun. 14.B‑GL‑300‑001/FP-002 Opérations terrestres, Kingston, DDAT, 2008, p. 5–69, citant la publication interalliée interarmées (AJP) 3.2 : Allied Joint Doctrine for Land Operations (projet de ratification 2007). RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 33 LE CONCEPT D’OPÉRATION DE L’ARMÉE DE TERRE DE DEMAIN : DES OPÉRATIONS ADAPTABLES ET DISPERSÉES »Les opérations adaptables et dispersées sont fondées sur la théorie de la guerre de manœuvre. »Les principes fondamentaux des opérations adaptables et dispersées sont élaborés à partir des fonctions centrales consistant à trouver, fixer et frapper. »Les opérations adaptables et dispersées appuient une approche exhaustive au sein d’un environnement interarmées, interorganisationnel, multinational et public (IIMP) et, en retour, cette approche les soutient. »La capacité d’exécuter avec succès des opérations adaptables et dispersées est fondée sur un leadership efficace à tous les niveaux. »Les opérations facilitées par réseau constitueront le moyen clé de s’assurer que l’Armée de terre est suffisamment adaptable, agile et apte au combat. Pour faire suite à une analyse des environnements de sécurité et opérationnels de l’avenir, l’Armée de terre a publié son concept d’opérations de l’Armée de terre de demain, soit le document Opérations terrestres 2021 : opérations adaptables et dispersées : le concept d’emploi de la force de l’Armée de terre canadienne de demain. Les opérations adaptables et dispersées sont fondées sur la théorie de la guerre de manœuvre et sur une approche manœuvrière des opérations militaires qui « vise à établir et à maintenir l’avantage opérationnel sur des adversaires habiles et adaptables, grâce à l’emploi de forces terrestres adaptables qui tour à tour se dispersent et se regroupent dans l’ensemble de l’espace [d’opérations] multidimensionnel15. » Le but est de créer et d’exploiter des occasions, de maîtriser la cadence des opérations et de confondre l’adversaire dans sa compréhension. Essentiellement, les opérations adaptables et dispersées permettent de mener des actions coordonnées et interdépendantes dans l’ensemble du spectre, grâce à l’utilisation d’équipes très dispersées dans l’espace d’opérations moral, physique et informationnel, et ordonnées et reliées à l’intérieur d’un concept opérationnel élaboré pour atteindre un état final donné. Les principes fondamentaux des opérations dispersées, élaborés à partir des fonctions centrales consistant à trouver, fixer et frapper, consistent notamment à : >définir les situations avant le contact, ou reprendre rapidement l’initiative après le contact; 15.Opérations terrestres 2021 : opérations adaptables et dispersées : le concept d’emploi de la force de l’Armée de terre canadienne de demain, Kingston, DCSFT, 2007, p. 20. 34 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES >manœuvrer pour gagner des positions avantageuses; >agir sur l’adversaire au‑delà de sa capacité d’influer sur la situation avec des feux et d’autres capacités; >détruire la cohésion, la volonté et le soutien de l’ennemi, à l’aide de feux de précision et de zone, létaux et non létaux; >exécuter des combats et des engagements rapprochés au moment et à l’endroit de notre choix; >passer d’une opération à une autre sans perdre l’objectif de vue ni l’élan. La dispersion, dans ce contexte, est fonction du temps (la décentralisation du processus décisionnel par l’entremise du commandement de mission et d’une connaissance de la situation facilitée par réseau), de l’espace (les forces tour à tour se dispersent et se regroupent sur de grandes distances) et du but (opérations dans un continuum qui englobe des actions offensives, défensives et de stabilisation). Étant donné la nature complexe, multidimensionnelle et en constante évolution de l’environnement opérationnel, les forces terrestres doivent être agiles, précises, habilitées par réseau, polyvalentes et capables de mener des opérations dans l’ensemble du spectre. Le niveau de complexité associé à l’environnement de sécurité de l’avenir modifiera considérablement la façon dont l’Armée de terre abordera les conflits futurs. La nature d’une menace « hybride » et le grand nombre d’interdépendances de nature sociale, économique et politique au sein des États entraîneront des situations imprévisibles et très difficiles. Même lorsqu’elle réussira à mener un problème d’une telle complexité vers un état final, la force aura du mal à mesurer les progrès accomplis. Les problèmes de sécurité complexes exigeront une collaboration accrue avec des experts en la matière de l’extérieur de la sphère militaire. Le besoin de réaliser une compréhension commune sera au cœur d’une telle collaboration. En plus de favoriser les perspectives de coopération et de développement d’objectifs communs chez les divers partenaires pour atteindre un état final souhaité, la reconnaissance et la compréhension de l’environnement interarmées, interorganisationnel, multinational et public (IIMP) facilitent une approche des opérations où diverses ressources peuvent être utilisées plus efficacement pour créer les résultats voulus. Une approche exhaustive des opérations cherche à mettre à contribution des ressources diplomatiques, de défense, de développement et commerciales qui seront harmonisées et coordonnées au sein d’un plan de campagne intégré. RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 35 Pour établir la collaboration interministérielle et multinationale nécessaire pour résoudre les crises dans les États fragiles et les États en déroute, il faudra instaurer une méthodologie comprise par tous qui permettra de résoudre des problèmes complexes. Cette méthodologie devrait comprendre des discussions collaboratives dynamiques et des représentations graphiques pour établir une image commune de la situation opérationnelle ou créer un modèle du problème. Les échanges et leurs résultats devront être mis à la disposition de tous les décideurs de tous les échelons à l’échelle de la force pour atteindre l’unité de but grâce à une compréhension et une intention communes. Les opérations adaptables et dispersées exigent des décisions audacieuses prises rapidement par les chefs subalternes en fonction des principes du commandement de la mission. Les commandants de tous les niveaux doivent avoir confiance en la capacité de leurs subordonnés de comprendre leur intention et de prendre rapidement des mesures décisives dans le but d’atteindre l’état final souhaité. Bien que la confiance d’un commandant en ses subordonnés repose en partie sur sa confiance en l’instruction reçue par ces derniers, elle devra aussi reposer sur une culture du leadership qui encourage la prise de décisions décentralisée et la planification concertée. Les opérations facilitées par réseau seront un moyen clé de s’assurer que l’Armée de terre est extrêmement adaptable, agile et efficace au combat au sein de l’environnement IIMP. Ce concept suppose l’intégration d’un réseau de forces tactiques et d’autres éléments appuyés par des capteurs, des feux directs et indirects, le soutien logistique du combat, des activités d’influence et des systèmes de commande et de contrôle reliés par des systèmes de transmission en phonie et de données afin de créer une connaissance de la situation, une mobilité et un soutien qui confondront l’adversaire dans sa compréhension de l’espace d’opérations et excéderont ses capacités de réaction. DÉVELOPPEMENT DES CAPACITÉS »Un message cohérent lié au développement des capacités est essential pour réussir. »Faute de complètement accepter le processus de développement des capacités est peu rentable. APERÇU Le vaste système dans lequel le développement des capacités de l’Armée de terre canadienne s’inscrit comporte un grand nombre de défis. Ces derniers découlent des changements que subissent le leadership, les finances, les technologies, les besoins 36 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN Figure 1 : Continuum du développement des capacités de la Force terrestre, Décembre 2009 » 37 fondés sur les contextes mondial et national en constante évolution, ainsi que d’un système d’acquisition complexe et très long. Pour connaître du succès dans un tel environnement, l’Armée de terre doit, dans son ensemble, offrir un message cohérent reposant sur une approche pragmatique de ses aspirations liées au développement des capacités. Pour y arriver, l’Armée de terre n’aura d’autres choix que d’adopter pleinement son processus de développement des capacités existant, sans quoi des projets inabordables et mal conçus continueront d’accaparer les ressources et le personnel de l’Armée de terre en offrant aucun ou très peu de gains en matière de capacités utiles. LE PROCESSUS DE DÉ VELOPPEMENT DES CAPACITÉS DE L’ARMÉE DE TERRE Le Chef d’état‑major — Stratégie (Terre) (Directeur général — Développement des capacités de la Force terrestre) supervise le développement des capacités au nom du Chef d’état‑major adjoint de l’Armée de terre (ACEMAT). Intégré aux pratiques et aux méthodologies du développement des forces (DF) gouvernées par le Chef — Développement des Forces (CDP), et comme il est indiqué en détail dans le Manuel de prise de décisions stratégiques de l’Armée, l’État‑major de l’Armée de terre supervise le développement des capacités et la gestion des forces par son engagement envers le continuum du développement des capacités de la Force terrestre. Le continuum repose sur les quatre piliers suivants : imaginer, concevoir, élaborer et gérer; le processus de développement des capacités est contenu dans les trois premiers piliers. Un organisme chargé de gérer le processus, de diriger l’analyse et de rédiger la documentation nécessaire pour guider la capacité jusqu’à l’étape de sa réalisation est assigné à chacun des piliers. Le travail accompli sous chaque pilier crée les fondements et les conditions nécessaires à la réalisation des activités ultérieures. Voir figure 1 p. 37. DOSSIER DU DÉ VELOPPEMENT DES CAPACITÉS Le dossier de développement des capacités est une composante essentielle du processus de développement des capacités de la Force terrestre. Sous l’égide du Conseil de développement des capacités de l’Armée de terre (CDCAT)16, avec l’appui du Conseil de recherche de l’Armée de terre et du Groupe de travail sur le 16.Le Conseil de développement des capacités de l’Armée de terre est composé des directeurs du Chef ’état‑major — Stratégie (Terre), des directeurs de la doctrine et de l’instruction de l’Armée de terre, de conseillers armes et de conseillers de branche, ainsi que de représentants de la communauté scientifique et technologique, et il bénéficie de l’appui direct et de la collaboration d’autres directions de l’état‑major de l’Armée de terre et du Chef — Développement des Forces. La composition du Conseil de recherche de l’Armée de terre est semblable à celle du Conseil de développement des capacités de l’Armée de terre, mais elle exclut les conseillers armes et les conseillers de branche. Elle comprend toutefois des représentants du domaine de la recherche et du développement ainsi que du secteur de la science et de la technologie des cinq fonctions opérationnelles ainsi que l’Équipe de recherche opérationnelle pour le développement des capacités terrestres. 38 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES développement de la Force terrestre, le dossier du développement des capacités est un outil qui s’inscrit dans le processus visant à atteindre les objectifs de capacité souhaités figurant dans le portefeuille des capacités de l’Armée de terre de demain.17 Le dossier de développement des capacités est le mécanisme dans le cadre duquel le Chef d’état-major — Stratégie (Terre) réalise et consigne les travaux en cours sous les piliers « Imaginer » et « Concevoir » et prépare les travaux qui seront réalisés par la suite sous le pilier « Élaborer » par le Groupe de travail sur le développement de la Force terrestre, le programme de projets d’immobilisations de l’Armée de terre et les groupes de travail respectifs. On considère que le dossier de développement des capacités a été mené à bien lorsque le Conseil de développement des capacités de l’Armée de terre ou, au besoin, le Conseil du programme de l’Armée de terre approuve l’aperçu de la doctrine (un concept opérationnel pour obtenir les effets souhaités), la structure d’emploi de la force, le projet d’équipement pertinent, ainsi que le plan de mise en œuvre principal requis pour pleinement développer, intégrer et produire des capacités pertinentes. Un dossier de développement des capacités sert de référence clé pour les activités qui seront entreprises par la collectivité du pilier « Élaborer » (DDFT, DBRT, DCIT, etc.), en vue d’y inclure la réalisation de l’analyse PRICIE18 par le Groupe de travail sur le développement de la Force terrestre (GTDFT) ainsi qu’un énoncé clair des lacunes sur le plan des capacités opérationnelles. Il convient de noter que le développement des capacités, particulièrement celles qui nécessitent des projets d’équipement d’envergure, dépend des phases de gestion et des processus du Système de gestion de la Défense. De plus, il y a souvent lieu d’examiner les projets à avancement rapide ou les besoins opérationnels non planifiés (BONP) pour s’assurer qu’ils s’intègrent bien et qu’ils servent de complément au concept opérationnel global. Pilier 1 — Imaginer (Élaboration des concepts) Les objectifs du premier pilier (Imaginer) consistent à énoncer un besoin ou une lacune liée aux capacités, à effectuer une analyse PRICIE préliminaire pour examiner plus en détail les objectifs établis en matière de capacités et à étudier les interdépendances fonctionnelles. De plus, les priorités en matière de développement de concepts et d’expérimentation sont établies, 17. L es opérations terrestres en 2021 : un concept en devenir — Études à l’appui du concept d’emploi de la force de l’Armée de terre de demain, Kingston, DCFST, 2009, Annexe B. 18.PRICIE est un acronyme qui décrit les éléments fonctionnels des Forces canadiennes en matière de capacités. Une analyse complète permettra d’examiner tous les aspects d’une capacité, notamment : le personnel, l’instruction individuelle et le leadership; la recherche, le développement, et la recherche opérationnelle; l’infrastructure, l’environnement et l’organisation; les concepts, la doctrine et l’instruction collective; la gestion de l’information et la technologie; ainsi que l’équipement et le soutien. RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 39 et il en va de même pour la confirmation de la recherche et du développement, de la recherche opérationnelle, du Programme international de la Force terrestre, et des priorités en matière de leçons retenues. Enfin, s’ils sont suffisamment évidents, on tentera de placer des indicateurs pour les projets d’immobilisations dans le plan d’investissement ministériel. Les résultats attendus du pilier 1 (Imaginer) sont les suivants : un énoncé des lacunes relatives aux capacités, une ébauche du besoin, ainsi qu’une analyse PRICIE préliminaire. Pilier 2 — Concevoir (Conception des capacités) Les objectifs du deuxième pilier (Concevoir) consistent à préciser l’analyse PRICIE et, plus précisément, à élaborer un « modèle » de développement qui décrit les résultats qui doivent être obtenus grâce à la capacité souhaitée. De plus, c’est sous ce pilier que les structures en développement et la mise sur pied de la force d’emploi de la force sont conçues. Les sous‑concepts pour les cinq fonctions opérationnelles ainsi que le capital social sont élaborés pour aider à décrire les résultats souhaités. En ce qui a trait aux besoins en équipement approuvés sous le pilier 1 (Imaginer), la description des résultats souhaités permettra de remplir les sections Concept de l’opération et Concept de soutien de l’Énoncé des besoins opérationnels (EBO). Dans la même veine, conformément aux phases de gestion et aux processus du Système de gestion de la Défense, la Feuille de synthèse (Identification) devrait être remplie aux fins d’approbation par le Chef d’état‑major de l’Armée de terre et le besoin devrait être consigné dans la Base de données des investissements pour les capacités et, ensuite, dans le plan d’investissement. L’étape de « l’analyse des options », qui devra comprendre la Charte de projet, le Profil de projet, l’évaluation des risques, l’EBO et la Feuille de synthèse (Approbation préliminaire de projet), devrait être entreprise. Enfin, le programme de campagne à l’appui de l’expérience sur le développement des capacités est essentiel à la réalisation des cinq éléments de conception et à la réussite de tous les dossiers de développement des capacités en cours tout au long des piliers 1 (Imaginer) et 2 (Concevoir). Ce programme offre un appui à la simulation, à l’expérimentation et à l’analyse des options pour le développement des concepts et des schémas. De plus, ce programme est lié à ses contreparties nationales et internationales et il bénéficie de l’appui direct du Centre d’expérimentation de l’Armée de terre de la Direction — Environnements synthétiques de l’Armée de terre (DESAT). Pilier 3 — Élaborer (Intégration des capacités) L’objectif du pilier 3 (Élaborer) est l’élaboration d’un plan de mise en œuvre principal qui permet d’atteindre les capacités grâce à un état de préparation géré efficace. Par conséquent, par l’entremise 40 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES du Groupe de travail sur le développement de la Force terrestre, l’analyse PRICIE doit être complétée. De plus, une stratégie d’instruction et une analyse des besoins visant à répondre aux exigences du plan d’action pour la mise sur pied de la force doivent être élaborées. Le Conseil de développement des capacités de l’Armée de terre doit établir les priorités pour lesquelles il y a lieu de se pencher sur les lacunes ou les excédents (effort et ressources de l’état‑major). Conformément aux phases de gestion et aux processus du Système de gestion de la Défense, les travaux seront menés à terme pour faire approuver la Feuille de synthèse (Approbation préliminaire de projet) et la Feuille de synthèse (Approbation définitive de projet) par le Comité supérieur de révision (CSR), le Conseil de gestion du programme (CGP) et le Conseil du Trésor. Si de l’équipement est en jeu, il faudra mettre à jour et présenter l’Énoncé des besoins opérationnels pertinent au Chef d’état‑major de l’Armée de terre aux fins d’approbation. De plus, en fonction de l’analyse PRICIE visant le concept opérationnel au sein du concept d’emploi de la force, des plans d’action visant la mise sur pied de la force doivent être établis pour offrir un éventail de solutions pour le concept opérationnel. Les solutions peuvent varier sur les plans de la forme, de la structure, de l’équipement ou du temps, mais elles doivent clairement indiquer comment elles permettent de bien pallier les lacunes ou gérer les redondances en matière de capacités. Les résultats attendus du pilier 3 (Élaborer) sont la production d’un rapport de décision du Groupe de travail sur le développement de la Force terrestre pertinent et, ultimement, la production d’un plan de mise en œuvre principal ou de directives semblables pour la réalisation des capacités. Pilier 4 — Gérer (Gestion de la force) Des plans de mise en œuvre principaux seront élaborés pour mettre en œuvre les capacités sous le pilier 4 (Gérer) et pour confirmer les attributions d’équipement et les priorités liées à la distribution aux fins de l’acquisition et de la mise en service. La gestion de la force relève de lignes de gouvernance autres que celles liées au développement des capacités. Elle comprend généralement tous les processus et toutes les activités qui favorisent la gestion de l’état de préparation de l’Armée de terre afin que cette dernière soit employée dans le cadre d’opérations à l’appui des buts et des objectifs du gouvernement du Canada figurant dans la Stratégie de défense — Le Canada d’abord. RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 41 DEUXIÈME PARTIE CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES 44 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CADRE CONCEPTUEL GLOBAL INTRODUCTION Les activités de l’Armée de terre de demain continueront d’être menées dans des environnements terrestres, maritimes, aériens, spatiaux et cybernétiques (y compris le spectre électromagnétique), et chaque environnement nécessitera son propre éventail de capacités opérationnelles technologiques. Les activités menées au sein de ces environnements se déroulent sur le plan physique, mais les effets se font sentir sur les plans physique, informationnel et moral. C’est sur le plan moral que les efforts produisent le plus de résultats durables puisque c’est à ce niveau que la dimension humaine est influencée. C’est également à ce niveau que la compréhension est façonnée, renforcée ou minée, et que la cohésion est consolidée ou brisée. Enfin, c’est aussi sur le plan moral que reposent l’opinion nationale et la légitimité opérationnelle, que s’installe la confiance au sein de l’approche exhaustive et que sont gagnés ce qu’on appelle communément « les cœurs et les esprits ». Les activités qui ont lieu dans les environnements physiques sont effectuées en vue de produire un effet souhaité dans la dimension humaine. La prolifération quasi omniprésente de dispositifs capables de saisir et de diffuser de l’information et la capacité de plus en plus élaborée des adversaires potentiels de manipuler cette information continueront de constituer des défis importants pour les forces terrestres. Ces dernières doivent bénéficier d’une perception de légitimité sur les plans local, national et mondial pour favoriser la réalisation d’opérations et assurer leur maintien en puissance dans le temps pour assurer la réussite des campagnes. Au sein de ce climat où l’information occupe une place de plus en plus importante, il sera nécessaire d’accorder une plus grande importance aux communications efficaces dans toutes les dimensions, notamment à l’interne, avec les alliés, avec la population canadienne, à l’échelle internationale, avec les populations dans le théâtre des opérations et avec les adversaires au besoin. Alors que les populations de l’ère de l’Armée de terre de demain seront plus aptes à discerner la crédibilité des sources d’information, leur inclination très humaine à maintenir des notions préconçues concernant les tendances et la légitimité nécessitera une dévotion inébranlable à l’égard d’un code d’éthique commun et une franchise absolue en tout temps. L’exploitation efficace du plan informationnel jouera un rôle clé pour produire l’effet souhaité dans la dimension humaine. RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 45 CONTRAINTES LIÉES À LA PLANIFICATION L’Armée de terre de demain sera mise sur pied au sein du cadre des Forces canadiennes et elle respectera entièrement sa vision. Les Forces canadiennes, par l’entremise d’une plus grande intégration de leurs forces navales, terrestres, aériennes et de leurs forces d’opérations spéciales, renforceront la défense du Canada et la sécurité de l’Amérique du Nord. De plus, elles deviendront plus pertinentes, réactives et efficaces mondialement pour ainsi exercer une plus grande influence dans le façonnement de l’environnement international, conformément aux intérêts et aux valeurs des Canadiens 19. [Traduction] L’Armée de terre de demain englobe la mission à long terme de l’Armée de terre qui consiste à « mettre sur pied des forces terrestres polyvalentes et efficaces au combat, afin d’atteindre les objectifs de la défense du Canada 20. » L’Armée de terre doit continuer à être capable de soutenir le mandat plus large des Forces canadiennes qui consiste à exécuter les six missions de sa Stratégie de défense — Le Canada d’abord : >exécuter des opérations quotidiennes nationales et continentales, y compris dans l’Arctique et par l’entremise du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD); >offrir leur soutien dans le cadre d’un évènement international important au Canada, comme les Jeux olympiques de 2010; >répondre à une attaque terroriste importante; >appuyer les autorités civiles en cas de crise au Canada, par exemple en cas de catastrophe naturelle; >diriger et/ou exécuter une opération internationale importante durant une période prolongée; 19.Concept opérationnel intégré des Forces canadiennes, ébauche, version 01, 18 mars 2005. 20. L’Armée de terre : engagés vers l’avant, 2 e édition, Ottawa, CFT, 2009, p. 15. 46 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES >déployer des forces en cas de crise à l’étranger pour une période de plus courte durée21. Tout en demeurant pleinement capable de mettre sur pied des éléments de force qui seront employés au cours des missions clés, l’Armée de terre de demain sera conçue pour mener principalement des opérations internationales. Ces opérations constituent la mission la plus exigeante pour l’Armée de terre, et les capacités requises pour mener avec succès ces opérations permettront de mener à bien toutes les autres missions clés. L’ARMÉE DE TERRE DE DEMAIN : SURVOL L’engagement du Canada envers la sécurité et la stabilité sur la scène mondiale au cours du dernier siècle est à la base du respect et de l’influence dont le Canada continue de jouir en tant que pays développé. Le Canada est toujours intervenu en temps d’instabilité internationale en mettant à contribution les forces requises pour répondre aux menaces et aux défis auxquels il devait faire face dans un environnement de sécurité mondial. Aujourd’hui, un grand nombre de facteurs déstabilisants favorisent l’instabilité et l’incertitude. Un nombre inquiétant d’États risquent inévitablement de devenir vulnérables, fragiles, fragmentés ou en déroute. Des cas précis d’instabilité sont susceptibles d’occasionner un plus grand nombre de conflits violents et déstabilisants. Le monde continue d’être touché par divers degrés de conflits violents qui perdurent et qui sont caractérisés par des adversaires extrêmement adaptables, difficiles à atteindre et soutenus par une technologie de pointe. Ces adversaires continueront à avoir la faculté de produire rapidement des forces aptes au combat, tant sur des terrains découverts que sur des terrains complexes, tout en étant capables de se fondre parmi la population au moment et à l’endroit qui leur convient. Le monde devrait demeurer dans un état où des conflits soutenus et mondiaux de faible à moyenne intensité ont cours et où la menace d’un conflit moderne entre États persiste. Dans cet environnement de sécurité de l’avenir, le Canada ne sera pas à l’abri des répercussions d’un conflit mondial et, en tant que membre responsable de la collectivité mondiale — grandement tributaire du commerce international —, il mettra de toute évidence ses forces à contribution chaque fois et partout où sa sécurité, ses valeurs et ses intérêts seront directement menacés. 21.Stratégie de la défense — Le Canada d’abord, Ottawa, MDN, 2008, p. 3. RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 47 Pour connaître du succès dans ce nouvel environnement de sécurité, l’Armée de terre de demain doit posséder les caractéristiques suivantes : >Les processus de commandement de l’Armée de terre de demain doivent répondre aux exigences des environnements complexes caractérisés par le besoin de mener simultanément des missions de combat et de stabilité dans le cadre d’une approche exhaustive; >En raison de la nature complexe de l’environnement, les forces de l’Armée de terre de demain doivent développer et maintenir une agilité intellectuelle pour dominer des menaces extrêmement adaptables et difficiles à cerner. Pour instaurer cette agilité, il faut propager dans l’ensemble de la force une compréhension totale de l’environnement opérationnel. Cette image commune de la situation opérationnelle — un modèle mental — devra être élaborée, maintenue, partagée et mise à jour pour améliorer l’adaptabilité de l’ensemble de la force; >L’Armée de terre de demain doit être composée de structures modulaires et interchangeables qui reposent sur les plus petits modules de capacités efficaces afin d’offrir une marge de manœuvre pour la mise sur pied et l’emploi de la force. L’Armée de terre de demain doit principalement être axée sur le groupement tactique dans un contexte de formation interarmées. Les formations devront offrir ces capacités qui sont limitées et devront aussi posséder les ressources essentielles requises pour créer les conditions propices au succès, mais qui ne peuvent être gérées entièrement par un groupement tactique; >L’Armée de terre de demain doit reconnaître la dimension humaine des conflits et tenir compte des forces et des limites de la cohorte pouvant être recrutée; >L’Armée de terre de demain doit se doter d’une structure pragmatique qui produit avec efficacité et efficience les compétences spécialisées requises pour avoir du succès en opérations. Cette structure devrait reposer sur la connaissance du fait que les combats et les engagements rapprochés sont les compétences de base de l’Armée de terre, et que les éléments responsables d’offrir ces compétences constituent les assises de l’Armée de terre. La conception des structures de mise sur pied et d’emploi de la force devrait reposer sur le principe voulant que toutes les capacités requises pour mener 48 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES et réussir les combats et les engagements rapprochés doivent être établies au sein des groupements tactiques chaque fois que cette mesure ne nuit pas à la tenue à jour des compétences spécialisées ni à la mise sur pied de la force à l’échelle de l’Armée de terre, ou qu’elle n’excède pas la capacité de gestion efficace du groupement tactique; >L’Armée de terre de demain doit posséder un effectif suffisant pour exécuter efficacement des tâches de combats et d’engagements rapprochés, et pour assurer sa viabilité. La possession de capacités en nombre suffisant, et de la plus grande qualité possible, est souvent un gage de réussite. En se dotant de suffisamment de soldats et de capacités, on peut ainsi réagir aux menaces imprévues; >L’Armée de terre de demain doit protéger sa capacité institutionnelle d’adaptation si elle désire demeurer efficace dans l’environnement de sécurité mondiale en constante évolution; >L’Armée de terre de demain doit, philosophiquement, être de taille moyenne. Elle doit notamment être : »capable d’exécuter des tâches de combat et de stabilité dans tout le continuum des opérations; »pertinente (efficace, rapide, déployable, viable); »extrêmement mobile et agile; »munie d’outils technologiques pour obtenir une efficacité maximale, mais ne dépendant pas uniquement de la technologie; »réseautée pour favoriser une compréhension commune, une dispersion accrue, la création d’effets plus précis (quant au temps, à l’espace et au but) ainsi qu’un meilleur soutien pour le regroupement rapide des forces; >L’Armée de terre de demain doit posséder un système d’instruction efficace, efficient et intégré; RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 49 >L’Armée de terre de demain doit avoir une capacité de commandement et de contrôle pour diriger des opérations internationales (c.‑à‑d. un quartier général de formation déployable); >L’Armée de terre de demain doit posséder le plus petit nombre de familles de véhicules possible ayant la plus grande communité réalisable entre eux. Elle a besoin du plus petit nombre de types de plates-formes possible à l’appui du nombre de configurations fonctionnelles requis. Toutes les plates‑formes d’équipement de base doivent posséder un nombre maximal d’attributs en commun (p. ex. la configuration des postes de conducteur, des pièces interchangeables), avoir un niveau élevé de modularité (p. ex. « apte à recevoir, mais pas équipé »), et être facilement modifiables (p. ex. architecture ouverte) pour atténuer rapidement les nouvelles faiblesses tout en augmentant la souplesse et la durabilité de la plate‑forme. L’Armée de terre de demain doit être efficace, souple, viable et efficiente tout en étant capable de : >mener avec succès un éventail d’opérations de combat et de stabilité dans des conditions difficiles; >diriger et maintenir en puissance des opérations terrestres complexes pendant des périodes prolongées au pays et à l’étranger; >répondre avec les forces appropriées, et rapidement, aux besoins nationaux et internationaux. Les missions tactiques attendues de l’Armée de terre de demain sont celles décrites dans la doctrine des opérations terrestres.22 Alors que le cadre des tâches peut changer au fil du temps, la manière dont les tâches diverses sont exécutées et la fréquence de ces dernières devraient changer plus rapidement. C’est là un élément important dont il faut tenir compte lorsque l’on conçoit l’Armée de terre de demain puisqu’il s’agit d’une considération fondamentale liée au développement de la profondeur et de la portée des capacités et de leurs structures correspondantes. En fonction de l’environnement opérationnel de l’avenir, on s’attend à ce que l’Armée 22.B‑GL‑300‑001/FP-002 Opérations terrestres, Kingston, DDAT, 2008. 50 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES de terre de demain soit souvent appelée à participer à des opérations menées par des compagnies et des équipes de combat, réparties entre des tâches de combat et de stabilité, et souvent dans des endroits plutôt isolés. Bien qu’elles soient inévitables, les opérations menées par des groupements tactiques et des formations seront moins fréquentes. On devrait s’attendre à ce que toutes les tâches soient exécutées sur de grandes régions géographiques et qu’elles impliquent fréquemment les populations locales. Les activités d’influence seront omniprésentes. Ces caractéristiques définissent le modèle de l’Armée de terre de demain. L’Armée de terre de demain doit être une armée viable qui est pertinente sur le plan stratégique, capable de s’adapter sur le plan opérationnel et décisive sur le plan tactique dans l’ensemble du continuum des opérations. L’Armée de terre de demain doit être optimisée pour atteindre un équilibre entre les tâches de combat et de stabilité dans le contexte d’opérations avec des partenaires interarmées, interorganisationnels, multinationaux et publics (IIMP) dans des environnements complexes. COMPÉTENCES ET PRINCIPES DE BASE Pour mener à bien les missions qui lui sont confiées pour remplir l’objectif des Forces canadiennes qui consiste à défendre le Canada, ses habitants ainsi que les valeurs canadiennes, l’Armée de terre ne peut se permettre d’être une force spécialisée ni une force de créneau. Pour remplir ses missions de manière durable, l’Armée de terre doit être une force polyvalente largement homogène, mais qui comprend les éléments essentiels lui permettant de mener ses opérations avec succès dans les limites extrêmes des opérations de combat et de stabilité. Le concept de l’Armée de terre de demain se situe au point du continuum des opérations qui est le plus complexe et le plus difficile, soit le point où les tâches de combat et de stabilité sont présentes environ dans les mêmes proportions. Les forces terrestres doivent également être capables de mener des tâches de combat et de stabilité, et être en mesure d’assurer la transition des efforts requis en fonction des situations changeantes. À l’extrémité supérieure du spectre, l’Armée de terre sera capable de se joindre aux partenaires d’une coalition dans le cadre d’opérations de combat importantes contre un ennemi traditionnel important. Il est possible que l’Armée de terre ne soit pas capable d’exécuter toutes les tâches de façon autonome. À l’extrémité inférieure du spectre, alors que l’Armée de terre sera compétente pour effectuer des tâches de stabilité, elle sera relativement limitée par sa taille en ce qui a trait à l’ampleur des opérations qu’elle peut entreprendre. Compte tenu des restrictions des ressources prévues quant à la taille de l’Armée de terre de demain, et des demandes continues dont elle fera l’objet, l’Armée de terre ne sera pas en mesure de posséder des capacités de créneau spécialisées RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 51 Figure 2 : L’Armée de terre de demain — Une force terrestre viable, pertinente sur le plan stratégique, adaptable sur le plan opérationnel et efficace dans l’ensemble du continuum des opérations. pour des points précis du continuum. C’est donc dire que l’Armée de terre ne sera pas suffisamment grande pour être hétérogène. Ainsi, pour avoir la profondeur nécessaire pour se maintenir en puissance au cours des opérations, l’Armée de terre de demain devra posséder une structure centrale homogène dotée des éléments de combat et de stabilité appropriés pour créer les conditions essentielles pour réussir dans l’ensemble du continuum des opérations. Voir figure 2 ci-dessus. Des opérations ou des conflits précis peuvent exiger une orientation centrale autre que celle choisie comme but de la conception de l’Armée de terre canadienne de demain. Ce qui est à retenir de l’orientation centrale de la conception, c’est que c’est à ce point du continuum que les opérations sont les plus complexes et qu’elles exigent que l’Armée de terre possède la capacité de répondre aux initiatives de l’adversaire à la fois au-dessous et en deçà de la zone de son orientation centrale. Par exemple, si un adversaire devait lancer une opération de combat importante, la force posséderait déjà la capacité de l’emporter, bien qu’il soit possible qu’elle ait à compter sur les partenaires de la coalition pour obtenir des outils opérationnels ou stratégiques précis essentiels au combat. L’Armée de terre de demain aura la 52 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES faculté d’employer des capacités technologiques à la fine pointe d’une plus grande magnitude que les systèmes d’armes traditionnels qui sont davantage axés sur le poids et la masse. L’Armée de terre de demain s’appuiera sur sa capacité d’exercer ses compétences de base. Toutes les capacités seront conçues pour exécuter des fonctions qui offrent ou appuient ces compétences de base. Ces dernières sont les suivantes : >la capacité de gagner les combats rapprochés; >la capacité d’exécuter des engagements rapprochés (tâches de stabilité); >la capacité d’établir les conditions essentielles pour assurer le succès lors des combats et des engagements rapprochés. L’Armée de terre doit être en mesure de mener ces opérations selon une approche exhaustive dans un environnement IIMP. Par conséquent, l’effort de conception de l’Armée de terre de demain doit être axé sur l’imagination, la conception, l’élaboration et la gestion d’un noyau de forces aptes aux combats et aux engagements rapprochés, ainsi que des outils habilitants organiques de la stabilité et des combats terrestres, et des capacités essentielles requises pour assurer le maintien en puissance de la force en opérations. L’Armée de terre de demain ne doit ménager aucun effort pour continuer le développement d’outils habilitants non organiques (c.‑à‑d. interarmées) qui demeurent importants pour assurer, dans l’ensemble, le succès des missions. Dans un avenir incertain, le succès de l’Armée de terre de demain dépendra des principes de conception suivants : >Taille. L’Armée de terre de demain doit avoir une étendue et une profondeur suffisantes pour assurer la conduite réussie des opérations à l’appui de la Stratégie de défense — Le Canada d’abord tout en exécutant des activités liées à la mise sur pied de la force; >Adaptabilité. L’Armée de terre de demain doit avoir une étendue, une profondeur et une modularité suffisantes au sein des structures de mise sur pied et d’emploi de la force pour offrir la capacité d’organisation et de reconfiguration requise pour satisfaire aux exigences opérationnelles. Ce degré de modularité sera important pour atteindre l’agilité requise pour mener avec succès des opérations adaptables et dispersées; RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 53 >Viabilité. La structure de l’Armée de terre de demain (dont la profondeur et la souplesse sont suffisantes) doit être abordable au fil du temps dans toutes les catégories de ressources (p. ex. personnel, matériel, finances, temps et instruction); >Agilité. L’Armée de terre de demain doit posséder la force intellectuelle inhérente, la culture de résilience, l’instruction et la doctrine nécessaires pour s’adapter rapidement et répondre aux nouvelles demandes opérationnelles; >Souplesse institutionnelle. L’Armée de terre de demain doit pouvoir maintenir un état‑major suffisant et un accès à des ressources en capital suffisantes pour être prête à se transformer facilement de manière à répondre aux exigences de l’environnement de sécurité qui évolue de plus en plus rapidement. CHANGEMENT PERPÉTUEL ET RY THME DU CHANGEMENT La capacité décisionnelle de notre institution constituera un aspect essentiel de la capacité de l’Armée de terre de vaincre des adversaires adaptables et élusifs. La philosophie de la conception de l’Armée de terre de demain doit, de manière délibérée et holistique, faciliter les changements rapides et efficaces requis d’elle pour demeurer pertinente. Des forces homogènes, des forces modulaires, des schémas d’équipement évolutifs ainsi qu’une culture du savoir et de souplesse sont tous des exemples de composantes essentielles de cette capacité. La tentation de se tourner vers l’ultra‑spécialisation doit être tempérée par la nécessité de protéger la capacité de l’ensemble de changer rapidement. Cela ne veut pas dire pour autant que le changement devrait se produire sans le soutien d’une analyse rigoureuse, mais plutôt qu’il faut institutionnaliser un processus qui cible, vérifie et favorise les changements cohérents perpétuels au sein de la culture et des processus. Pour y arriver, il faudra trouver un équilibre entre le besoin de s’adapter aux changements perpétuels et de plus en plus rapides et la nécessité de s’assurer que les ressources sont utilisées efficacement. Pour demeurer un instrument légitime de pouvoir national au XXIe siècle, l’Armée de terre du Canada doit, en tant qu’institution, s’engager à développer une culture profonde et durable d’innovation perpétuelle. À cette fin, il faudra investir davantage dans les organisations intellectuelles et internes de l’Armée de terre de manière à ce que ses concepts, ses schémas, ses tests et sa mise en œuvre respectent entièrement les pratiques de gestion et d’ingénierie des systèmes. L’Armée de terre de demain continuera de se manifester de plus en plus au cours des 10 prochaines années et au‑delà de cette période, et une culture d’innovation perpétuelle fondée 54 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES sur une démarche rigoureuse à l’égard de l’ingénierie et de la gestion des systèmes permettra à ses concepteurs de suivre le rythme des changements qui s’opèrent dans d’autres domaines. De cette façon, l’Armée de terre pourra continuer à assurer la production rapide de technologies et de procédés nouveaux et fiables en respectant un budget prévisible. La rapidité d’exécution continue d’être un élément clé dans le processus d’acquisition des capacités du gouvernement. L’Armée de terre doit donc faire face aux contraintes qui découlent de cette considération. Les investissements disciplinés et durables effectués au cours des premières étapes du processus de développement des capacités seront très rentables ultérieurement. En plus de réduire le temps total requis pour réaliser un projet de sa conception à son déploiement, le respect des principes de conception permet également à l’Armée de terre de saisir les occasions d’acquisition plus rapidement lorsqu’il y a lieu. L’ENVIRONNEMENT EN ÉVOLUTION Les activités de l’Armée de terre de demain continueront d’être menées dans des environnements terrestres, maritimes, aériens, spatiaux et cybernétiques (y compris le spectre électromagnétique), et chaque environnement nécessitera son propre éventail de capacités opérationnelles technologiques. Les activités menées au sein de ces environnements se déroulent sur le plan physique, mais les effets se font sentir sur les plans physique, informationnel et moral. C’est sur le plan moral que les efforts produisent le plus de résultats durables puisque c’est à ce niveau que la dimension humaine est influencée. C’est également à ce niveau que la compréhension est façonnée, renforcée ou minée, et que la cohésion est consolidée ou brisée. Enfin, c’est aussi sur le plan moral que reposent l’opinion nationale et la légitimité opérationnelle, que s’installe la confiance au sein de l’approche exhaustive et que sont gagnés ce qu’on appelle communément « les cœurs et les esprits ». Les activités qui ont lieu dans les environnements physiques sont effectuées en vue de produire un effet souhaité dans la dimension humaine. La prolifération quasi omniprésente de dispositifs capables de saisir et de diffuser de l’information et la capacité de plus en plus élaborée des adversaires potentiels de manipuler cette information continueront de constituer des défis importants pour les forces terrestres. Ces dernières doivent bénéficier d’une perception de légitimité sur les plans local, national et mondial pour favoriser la réalisation d’opérations et assurer leur maintien en puissance dans le temps pour assurer la réussite des campagnes. Au sein de ce climat où l’information occupe RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 55 une place de plus en plus importante, il sera nécessaire d’accorder une plus grande importance aux communications efficaces dans toutes les dimensions, notamment à l’interne, avec les alliés, avec la population canadienne, à l’échelle internationale, avec les populations dans le théâtre des opérations et avec les adversaires au besoin. Alors que les populations de l’ère de l’Armée de terre de demain seront plus aptes à discerner la crédibilité des sources d’information, leur inclination très humaine à maintenir des notions préconçues concernant les tendances et la légitimité nécessitera une dévotion inébranlable à l’égard d’un code d’éthique commun et une franchise absolue en tout temps. L’exploitation efficace du plan informationnel jouera un rôle clé pour produire l’effet souhaité dans la dimension humaine. ÉLÉMENTS CLÉS DE LA CONCEPTION DE L’ARMÉE DE TERRE DE DEMAIN LES SOLDATS — LE CŒUR DE L’ARMÉE DE TERRE Il faudra tenter de comprendre et, si c’est possible, de prévoir les défis à venir au sein de la dimension humaine pour parvenir à une planification efficace. Les études anthropologiques récentes portant sur la base de recrutement traditionnelle de l’Armée de terre ont relevé une tendance importante concernant les changements d’attitude à l’égard de l’éthique, des institutions hiérarchiques et de la stabilité professionnelle. Or, la taille de cette cohorte de plus en plus scolarisée et douée sur le plan technologique est malheureusement en train de décroître; ainsi, d’ici 2021, l’environnement de recrutement sera farouchement concurrentiel dans tous les secteurs économiques. En revanche, les progrès technologiques permettront aux Canadiens de vivre plus longtemps et en meilleure santé, ce qui leur permettra du coup de rester productifs plus longtemps. L’Armée de terre devra explorer de nouveaux mécanismes de recrutement, de souplesse professionnelle et de nouvelles approches visant le maintien de l’effectif afin de demeurer efficace dans l’environnement de l’Armée de terre de demain. En effet, il y a lieu de réviser la législation, les politiques et les salaires afin d’attirer et de conserver un nombre suffisant de Canadiens dans la profession des armes. Un aspect essentiel de ce problème grandissant lié à la mise sur pied de la force exige une réévaluation du modèle traditionnel Force régulière — Première réserve, où les réservistes sont principalement considérés comme une source de renforts pour la Force régulière. Ce modèle doit être modifié si l’on souhaite atténuer les effets négatifs des tendances actuelles en matière de recrutement et assurer le maintien d’une capacité de défense crédible au Canada. 56 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES Depuis le XVIIe siècle, la défense du Canada a grandement été tributaire de l’engagement des citoyens‑soldats à l’égard du service militaire, que ce soit à temps partiel ou à temps plein. Ce système s’est avéré extrêmement précieux, surtout en temps de guerre totale, lorsque le pays pouvait accroître ses forces régulières de moins grande envergure en mettant à contribution les ressources très nombreuses et la capacité de sa milice de taille beaucoup plus importante. Depuis la fin de la guerre froide, l’Armée de terre canadienne a continué à dépendre fortement de sa Force de réserve, tirant généralement plus de 20 p. 100 de sa force expéditionnaire de cette communauté. Cette tendance reflète les attentes professionnelles et le mode de vie changeants de tous les citoyens‑soldats du pays, ce qui met en évidence une fois de plus le besoin de revoir et d’améliorer le modèle de service Force régulière — Première réserve. Afin de dissiper les pires effets de ces tendances qui perdurent, l’Armée de terre canadienne doit s’engager à créer un concept nouveau et véritable d’une seule Armée de terre où tous les membres s’enrôleront en fonction de conditions de service, de modalités et d’obligations législatives et juridiques semblables, et passeront harmonieusement du service à temps partiel au service à temps plein tout au long de leur carrière. Ce changement nécessitera quelques modifications à la législation, principalement dans les domaines de l’entente signée par les soldats, de l’administration des carrières, de la solde, des avantages sociaux et de la pension. On pourrait ainsi offrir un éventail de possibilités de carrière aux militaires, allant de postes à temps plein à des postes à temps partiel, et même de postes liés au service supplémentaire. De nouveaux parcours professionnels non linéaires — sans doute autogérés, dans une certaine mesure — doivent devenir la nouvelle norme, ce qui permettra aux professionnels de passer harmonieusement d’un poste à temps partiel à un poste à temps plein et vice versa en fonction des besoins des Forces canadiennes ainsi que de leur désir personnel de servir leur pays. FORMER L’ARMÉE DE TERRE DE DEMAIN — PRÉPARER LES SOLDATS La capacité de l’Armée de terre de mener des opérations efficacement dépend de sa capacité de recruter, de former et de conserver son personnel. L’instruction vise à développer la force morale, intellectuelle et physique des hommes et des femmes, laquelle leur permet par la suite de former une force opérationnelle compétente, cohésive, confiante et collectivement disciplinée. L’instruction est fondée sur la doctrine, axée sur les opérations et bonifiée par des leçons qui sont tirées et appliquées. En raison de la nature progressive de l’instruction, l’Armée de terre doit continuer à former des unités et des formations au cours de périodes tour à tour de faible et de grande préparation opérationnelle. L’efficacité et l’efficience de RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 57 l’instruction dépendent largement d’un niveau raisonnable de stabilité du personnel et de niveaux viables d’instruction collective. L’instruction peut être individuelle — pour produire des soldats capables d’exécuter des fonctions précises au sein d’une entité collective —, ou encore collective pour développer des capacités complètes. L’éducation, tant professionnelle que générale, constitue l’assise sur laquelle l’instruction est offerte. L’expérience et le perfectionnement personnel guidé servent à améliorer et à dynamiser les connaissances, les compétences et l’attitude développées grâce à l’éducation et à l’instruction. Une éducation générale liée à des études sociales et culturelles contribue à la préparation générale des soldats en vue d’opérations dans l’ensemble du spectre dans un environnement IIMP, alors qu’une grande partie de l’instruction est axée sur la capacité de base de l’Armée de terre qui consiste à mener des combats rapprochés. Les facteurs humains limitatifs — sur les plans physique et cognitif — devraient, en grande partie, demeurer inchangés. Cette situation continuera de définir la portion de l’instruction qui peut être transmise à une personne et retenue par cette dernière au cours d’une période donnée. Alors que les tendances font état d’une diminution des niveaux de condition physique au sein de la population canadienne en général, le développement et le maintien de la force physique demeureront des éléments importants de l’instruction en raison de ses avantages directs sur la santé en général et sur la résilience mentale. C’est dans le domaine intellectuel et cognitif que l’Armée de terre pourrait avoir à relever les défis les plus importants, principalement en raison de deux exigences : >La conduite d’opérations dans l’ensemble du continuum des opérations dans un contexte IIMP — en s’attardant au point le plus complexe et exigeant de ce continuum — fera en sorte que les commandants, du moins au plus expérimenté, devront faire face à un volume et à une diversité d’information qui exigeront des compétences solides et des niveaux d’aptitudes élevés pour la comprendre, faire des associations holistiques et la gérer; >L’instruction individuelle et l’instruction d’équipage sont intrinsèquement liées à la technologie par l’entremise de l’équipement. L’instruction collective repose largement sur l’emploi de capacités multiples et complémentaires, lesquelles sont largement supportées par la technologie, de façon cohérente. Même si on s’attend souvent à ce que la promotion des progrès technologiques entraîne une diminution des besoins en matière d’instruction, il a été prouvé qu’il s’agit d’un objectif illusoire. Alors que les jeunes Canadiens vivent aujourd’hui dans un milieu hautement 58 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES technologique, et que leur développement s’effectue à l’unisson avec les technologies en évolution, il sera difficile, même pour la cohorte la plus talentueuse et la plus immergée dans ce milieu, de suivre le rythme des changements technologiques exponentiels de l’avenir. Pour effectuer la planification, contrôler le contenu et veiller au bon déroulement de l’instruction, un système d’instruction cohérent est requis. Il devrait continuer à regrouper des quartiers généraux, des établissements d’instruction ainsi que des champs de tir et des secteurs d’entraînement, tous directement ou indirectement liés. Les quartiers généraux assureront le commandement et le contrôle des établissements d’instruction assignés et offriront des directives sur l’instruction dans trois secteurs fonctionnels : le contrôle qualitatif, le contrôle quantitatif et la gestion des ressources23. En plus d’un système consacré à l’instruction, les unités et les formations de campagne continueront sans doute à tenir de nombreuses activités d’instruction individuelle et collective. Les secteurs clés suivants requièrent une attention immédiate et continue : >Sélection. L’instruction est une ressource précieuse qui doit être utilisée judicieusement. Les sciences sociales doivent être exploitées pour mesurer la pertinence des métiers et des rôles, y compris les aptitudes pour le commandement; >Érosion des compétences. Les connaissances, les compétences et les aptitudes acquises au cours de l’instruction ont tendance à s’éroder au fil du temps. Le besoin d’instruction continue et de recyclage doit être mesuré empiriquement pour éviter la perte des compétences; >Spécialisation et généralisation. La tension continuera d’exister entre le besoin de spécialistes et le besoin de généralistes. En raison de l’équipement complexe et des tâches faisant appel à des compétences qui s’érodent rapidement, on aura besoin de soldats spécialisés, mais puisque les opérations évoluent rapidement et qu’il faut maintenir les compétences de base du soldat, on doit trouver un équilibre entre ces deux impératifs; 23.Le contrôle qualitatif renvoie au processus cyclique grâce auquel les objectifs de l’instruction sont analysés, conçus, développés, réalisés, évalués et validés, et où les résultats des dernières phases sont intégrés dans la première. Le contrôle quantitatif est le processus grâce auquel l’instruction est programmée par l’entremise des places sont allouées dans les activités d’instruction individuelle officielles (cours) et des normes collectives d’aptitude au combat assignées. L’allocation des ressources correspondant aux ressources d’instruction (temps, cadres d’instructeurs, munitions, ressources de simulation, champs de tir et secteurs d’entraînement, etc.) accordées aux unités et aux formations est conforme aux tâches d’instruction qui leur sont assignées. RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 59 >Interface homme‑machine. L’utilisation de l’équipement doit être intuitive, pratique, adaptable aux préférences individuelles et aussi commune que faire se peut, minimisant ainsi l’instruction de conversion entre les familles d’équipements au fur et à mesure qu’elles sont achetées, converties ou mises à niveau; >Maximisation de l’expérience au cours de l’instruction. La prise de décisions dans un environnement complexe sous la contrainte du temps contre un adversaire intelligent et adaptable est plus efficace si elle est effectuée intuitivement et à la lumière de l’expérience. L’expérience doit reposer sur de multiples répétitions de tâches identiques, ou semblables, dans des circonstances variées. La modélisation et la simulation comptent parmi les outils les plus efficaces pour créer des expériences virtuelles, d’autant plus qu’elles peuvent être adaptées à une variété de tâches opérationnelles et de scénarios d’instruction; >Gestion du risque. Le risque fait partie intégrante des opérations militaires. On doit enseigner aux chefs et aux soldats comment évaluer un large éventail de facteurs de risques, leur probabilité relative et leurs retombées, et prendre les mesures d’atténuation qui s’imposent; >Adaptation. Les opérations seront menées dans un environnement d’une complexité sans précédent. De plus, le rythme de plus en plus rapide des changements rendra difficile l’application directe dans les opérations subséquentes des leçons retenues dans le cadre d’opérations antérieures. L’instruction visant cet environnement doit mettre l’accent sur l’agilité dans la prise de décisions fondée sur des principes généraux plutôt que sur des procédures détaillées et prescriptives; >Autonomie accrue. Compte tenu de la tendance historique vers la dispersion géographique accrue, de plus petits éléments et leurs commandants seront de plus en plus souvent séparés de leurs supérieurs dans le temps et l’espace. Les chefs et les soldats devront posséder les compétences nécessaires pour mieux comprendre leur environnement opérationnel en intégrant une grande variété de capacités militaires et non militaires; >Considérations éthiques. Alors que les opérations seront de plus en plus axées sur les personnes plutôt que sur le terrain géographique, l’interaction 60 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES entre les soldats, les civils locaux, nationaux et étrangers, les adversaires et les autorités ou les forces de sécurité du pays hôte seront de plus en plus courantes. L’application judicieuse de la force, y compris les responsabilités liées au maintien de l’ordre, exigera une certaine éducation et de l’instruction pour orienter la conduite des soldats. Par souci d’efficacité, la prestation de l’instruction doit précisément être conforme aux grandes catégories d’opérations les plus susceptibles d’être menées. Elle doit également demeurer suffisamment générale pour favoriser l’agilité et l’efficience. Pour y arriver, il faut s’assurer de maintenir suffisamment de ressources dédiées à l’instruction et de réduire au minimum la perte des compétences en instruction grâce à une instruction continue et donnée au bon moment, et en passant systématiquement et progressivement vers des niveaux de complexité plus élevés. L’arrivée ou l’amélioration des technologies devrait rendre l’instruction plus facile, et non le contraire. L’ARMÉE DE TERRE DE DEMAIN : ÉQUIPEMENT — HABILITER LES SOLDATS Le cadre de la famille des systèmes de combat terrestre (FSCT) n’est pas universel; il a plutôt été élaboré pour aider à exposer clairement la complexité des systèmes terrestres. Chaque domaine d’étude particulier est complexe en soi, mais ce cadre devient un système complexe de systèmes lorsqu’on se penche sur les liens étroits qui le composent. L’état-major a déployé beaucoup d’efforts pour effectuer des études sur la FSCT en vue de fournir des conseils sur les besoins de l’Armée de terre de demain en matière d’équipement. Ces conseils précis ne figurent pas dans le présent document, mais les tendances et les thèmes ciblés y sont présentés. Voir figure 3 p. 62. Avant d’investir des ressources pour acquérir de l’équipement, il demeure essentiel de déterminer si le rendement de l’équipement actuel nécessite l’investissement requis pour le remplacer. En ayant des ressources relativement fixes, et lorsqu’une pléthore d’acquisitions potentielles s’offre, le processus de sélection des capacités dans lesquelles on investira est extrêmement important. Dans cet effort constant visant à établir un équilibre entre les besoins, il est peu probable que les améliorations graduelles touchant la technologie des systèmes d’armes offrent à l’Armée de terre de demain des avantages quasi semblables à ceux d’un investissement pragmatique et durable pour développer le réseau, des suites de capteurs et d’autres capacités qui favorisent la connaissance de la situation et la supériorité sur le plan de l’information. Des systèmes d’armes efficaces demeureront une composante essentielle de la force, et la précision est un progrès technologique de plus en plus important. Cela dit, RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 61 Figure 3 : La famille des systèmes de combat terrestre (FSCT). la plupart des armes que l’Armée de terre possède actuellement devraient sans doute demeurer très efficaces contre les adversaires qu’elle risque d’affronter dans un avenir prévisible. Notre plus grand défi consistera encore à trouver et à fixer nos ennemis afin d’employer nos armes au moment et à l’endroit de notre choix. L’Armée de terre qui voit, qui sait et qui comprend le mieux sera en mesure de tirer un meilleur parti de ses ressources. L’Armée de terre possédant de meilleurs réseaux et des informations plus précises sera plus efficace sur les plans physique et moral. Chaque plate-forme est un compromis entre la puissance de feu ou la charge utile (ce qu’on appelle les « effets »), la surviabilité, la mobilité, l’information et les facteurs humains. En fonction d’une enveloppe budgétaire établie, le fait d’accorder une trop grande importance à un aspect particulier entraîne généralement une 62 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES réduction dans un autre aspect. Le fait d’accorder trop d’importance à la protection physique d’une plate‑forme contre une menace précise pourrait se traduire par des systèmes trop dispendieux qui seront vulnérables à d’autres égards ou moins aptes à mener la mission pour laquelle ils ont été acquis. Plus précisément, le fait de déployer trop d’efforts pour résister aux dispositifs explosifs de circonstance (IED) grâce à la masse du véhicule peut nuire à la mise au point de moyens plus efficaces et généraux pour atténuer la menace. À long terme, la fascination exercée par un nombre moins élevé de plates-formes plus dispendieuses et plus lourdes réduira inévitablement la marge de manœuvre, l’agilité et l’adaptabilité de la force. Si un tel scénario se produisait, d’autres éléments de la force seraient nécessairement dotés de plates‑formes moins aptes au combat, ce qui accroîtrait la vulnérabilité globale de la force. D’un point de vue réaliste, et dans la perspective de l’équipement prévu pour l’Armée de terre de demain, une Armée de terre dotée principalement de véhicules blindés légers III offrirait la souplesse, l’efficacité et l’efficience souhaitées. Il est fort probable que les véhicules, les armes et l’équipement nouvellement acquis demeureront dans l’inventaire de l’Armée de terre pendant une longue période. Il est donc essentiel que les critères de sélection privilégient les architectures ouvertes qui favorisent une évolution continue sur le plan technologique. Ces critères doivent tenir compte de la transférabilité technologique afin de maximiser la probabilité de la pertinence à long terme. Les acquisitions qui n’offrent pas ces types d’améliorations ne devraient être envisagées que pour répondre aux besoins urgents pour lesquels il n’existe aucune autre solution. Les capacités de soutien rapproché requises pour établir les conditions essentielles et façonner l’espace d’opérations en faveur de la réussite des combats et des engagements rapprochés — sous la forme d’éléments de soutien de la force — doivent être dotées de plates-formes ayant une mobilité et une protection semblables à celles des forces appuyées. La vulnérabilité des capacités de soutien générales constitue souvent le point faible des forces modernes, et ces capacités peuvent également être la cible de menaces agressives. Les capacités de soutien intégré, rapproché et général doivent faire l’objet d’autant d’attention que l’équipement de l’échelon F. Par respect des principes de simplicité et d’économie, il faudrait, dans la mesure du possible, réduire au minimum le nombre de familles de véhicules. On devrait accorder une très grande importance à la communauté entre les familles de véhicules. L’objectif ultime est un poste de conduite commun à toutes les familles de véhicules. Bien qu’il s’agisse d’un objectif difficile à atteindre, la réduction de l’instruction apporterait, à elle seule, un avantage énorme. Lorsque c’est possible, des ensembles de capacités modulaires « aptes à recevoir, mais pas équipés », ainsi que des ensembles fonctionnels configurés d’avance ou palettisés devraient constituer la norme. RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 63 Pour faciliter le maintien de la force et l’exploitation des ressources disponibles, on doit continuer à déployer tous les efforts possibles pour réduire l’usure non essentielle des familles de véhicules opérationnelles. L’utilisation de simulations, de plates-formes de substitution, de surblindages et d’un programme d’instruction géré continuera de constituer un aspect vital de la gestion de l’équipement de l’Armée de terre de demain. Pour que l’Armée de terre de demain soit pertinente sur le plan stratégique, capable de s’adapter sur le plan opérationnel et décisive sur le plan tactique, la grande majorité de ses véhicules, de ses armes et de ses suites d’équipement doit être de taille moyenne. C’est donc dire qu’elle doit avoir des niveaux adéquats de protection, de connectivité de réseaux, d’intégration de la dimension humaine, de puissance de feu et de charge utile, ainsi qu’une excellente mobilité sur les plans stratégique, opérationnel et tactique. La grande partie de sa famille de véhicules principale — tant les véhicules blindés de combat que les véhicules de soutien logistique — devrait tendre vers l’aérotransportabilité par moyens de transport stratégiques et tactiques. Malgré la nature du système d’acquisition des capacités, les principes présentés ici devront être respectés dans la mesure du possible afin de maintenir l’efficacité globale de l’Armée de terre de demain grâce à l’acquisition des capacités les plus appropriées. En raison de la complexité croissante de la FSCT, il faut tâcher d’intégrer la simplicité partout où c’est possible. Le processus du développement des capacités doit répondre à la demande fortement grandissante pour que la force devienne plus souple, plus adaptable et plus agile lors de sa mise sur pied et de son emploi. UNE APPROCHE E XHAUSTIVE DES OPÉR ATIONS — L A MENTALITÉ Dans l’environnement opérationnel de l’avenir, la puissance militaire ne pourra à elle seule garantir le succès des interventions. Dans un monde où les problèmes liés à la sécurité sont multidimensionnels, la capacité d’exploiter tous les instruments de puissance et de pouvoir nationaux et multinationaux pour s’attaquer à un problème d’une manière exhaustive, opportune et coordonnée sera essentielle pour obtenir des résultats concrets. Il en va de même en ce qui concerne la capacité de répondre aux perceptions et aux réactions du public, au pays comme à l’étranger, et à celles des médias, et d’en tirer parti pour soutenir les opérations en cours. L’Armée de terre canadienne utilise depuis longtemps une approche exhaustive des opérations. Bien que les définitions du terme aient changé au fil du temps, des travaux récents effectués par le groupe de travail interministériel sur l’approche exhaustive indiquent que cette approche peut être définie de la façon suivante : 64 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES L’interaction entre un éventail d’acteurs divers effectuée de façon coopérative, collaborative et constructive afin de rendre cohérentes la planification, la mise en œuvre et l’évaluation des efforts pour résoudre des problèmes complexes24. [Traduction] L’adoption d’une approche exhaustive nécessitera une collaboration plus étroite entre les organismes pour atteindre des objectifs de politique au niveau stratégique. Elle exigera le développement de la capacité d’interagir avec divers acteurs de manière coopérative et constructive. Ce faisant, les chances d’atteindre une meilleure interopérabilité et une meilleure collaboration entre les principales parties sur le plan opérationnel seront accrues, et il en sera de même pour la capacité de développer les capacités et les compétences de réseautage requises pour atteindre les objectifs nationaux dans l’environnement de sécurité de l’avenir. Pour que l’Armée de terre soit en mesure de donner un nouvel élan à l’approche exhaustive, elle devra mettre sur pied une force dotée d’une capacité IIMP. Une force dotée d’une capacité IIMP peut interagir avec d’autres acteurs dans quatre domaines : >interarmées : d’autres éléments militaires et des organismes de soutien nationaux; >interorganisationnel : d’autres ministères ou organismes gouvernementaux, tant au Canada qu’à l’étranger (notamment, les ministères du pays hôte, y compris les forces de sécurité, les ministères et les organismes gouvernementaux des pays qui fournissent un soutien de même que les organismes internationaux comme ceux de l’ONU); >multinational : un ou plusieurs alliés ou partenaires de coalition internationale; >public : différents éléments, notamment, le public national et international, y compris la population du pays hôte, les médias, les organisations non gouvernementales (ONG), les organisations publiques de bénévoles, les organisations internationales, les intérêts commerciaux qui participent aux programmes de reconstruction ou de développement, ainsi que les agences privées de sécurité recrutées pour soutenir le gouvernement. 24.Voir le document du groupe de travail interministériel sur l’approche exhaustive : Strategic Level Concept — The Comprehensive Approach (Expeditionary) Discussion Paper, 17 décembre 2009, p. 7. RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 65 La création d’une Armée de terre de demain dotée d’une capacité IIMP nécessitera l’adoption d’une approche des opérations à jour, tant sur le plan national qu’international, en permettant aux collaborateurs d’interagir plus efficacement à tous les niveaux. Elle supposera également l’adoption d’une approche inclusive et systémique à la résolution de problèmes qui repose sur un examen holistique et sur la coordination entre toutes les parties intéressées. Elle nécessitera une capacité d’interagir avec un large éventail d’organisations et de groupes en vue d’atteindre des objectifs généraux communs. Une Armée de terre efficace et dotée d’une capacité IIMP devra interagir avec les organismes et organisations gouvernementaux, des groupes privés, le public et des organisations non gouvernementales. Dans un environnement opérationnel dans lequel les menaces hybrides continueront de surgir sans relâche et dans lequel les médias internationaux s’assureront de plus en plus que les opérations se déroulent devant un large public, il sera important de porter attention aux civils présents dans l’espace d’opérations ainsi qu’aux aspects informationnels et moraux des opérations pour connaître du succès. Il faudra donc continuer à améliorer la sensibilisation, les communications et, si c’est possible, la coordination et la coopération avec les partenaires IIMP. La création d’une force dotée d’une capacité IIMP nécessitera les mesures suivantes : >l’adoption d’une démarche « d’équipe » regroupant tous les organismes et possiblement dirigée par des civils qui permettra d’élaborer un plan de campagne intégré pour atteindre les objectifs opérationnels poursuivis dans l’ensemble du spectre; >l’utilisation de processus de planification plus accessibles pour le personnel non militaire; >une formation interorganismes plus fréquente; >la nécessité de tenir compte des effets de deuxième et troisième ordres — particulièrement dans la dimension humaine — durant le processus de planification; >la capacité pour tous les partenaires de se brancher aux systèmes interarmées d’exploitation de l’espace de combat afin d’interopérer efficacement; 66 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES >la capacité d’établir une interopérabilité interorganisationnelle et multinationale grâce à des occasions d’interaction, à de l’éducation commune et à des détachements et affectations, ainsi qu’à des mécanismes et à des protocoles de planification concertés; >la capacité de connecter les organismes non gouvernementaux avec l’architecture opérationnelle des FC et d’assurer la liaison afin d’aider ces organismes et d’accepter leur soutien dans l’exécution de la mission; >la capacité d’établir une communication efficace avec les organismes interarmées et multinationaux, y compris les forces spéciales; >la capacité d’accéder rapidement et efficacement à l’information clé et de la recueillir, de la colliger, de l’évaluer, de l’analyser et de la gérer afin de cerner les cibles qui doivent être attaquées et influencées et de déterminer les ressources des partenaires requises pour les opérations; >la capacité de communiquer clairement et efficacement à un public plus vaste le rôle de l’Armée de terre lié dans l’atteinte des buts, la réalisation des objectifs et l’exécution des actions de la mission; >un quartier général de mission déployable doté d’une capacité IIMP. L’atteinte de ces objectifs demandera temps et efforts. En raison de la diversité des organismes susceptibles de caractériser l’environnement opérationnel de l’avenir — chacun possédant une culture, une mentalité, des préjugés et des capacités qui lui sont propres —, il est fort probable que la planification et les activités se heurtent à de nombreuses contraintes et restrictions. L’échange d’informations entre les organisations posera inévitablement des obstacles, surtout en ce qui a trait aux préoccupations liées à la sécurité opérationnelle et à la protection des renseignements personnels en fonction des concepts courants en matière de bien collectif. Il faudra faire preuve de beaucoup de diplomatie et de compétences pour assurer une coordination et une coopération efficaces entre les divers groupes, certains ayant des programmes et des objectifs différents et contradictoires. Les résultats potentiels d’une approche exhaustive des opérations institutionnalisée sont essentiels. Une approche exhaustive soigneusement conçue et appliquée permettra à l’armée et aux autres organisations concernées de mieux se familiariser avec les exigences diverses et les contributions importantes que chacun RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 67 peut apporter à la résolution des problèmes dans l’environnement de sécurité de l’avenir. Une telle démarche permettra de découvrir, de respecter et d’apprécier davantage les ressources que les différents acteurs fournissent, et elle favorisera la coopération entre ces acteurs quand la situation s’y prête et l’exige. Elle favorisera un soutien élargi aux opérations futures provenant d’une large variété de sources. La création d’une approche exhaustive des opérations est essentielle pour mettre sur pied des solutions plus efficaces pour faire face aux menaces et aux défis de plus en plus variés et multidimensionnels que l’environnement de sécurité présentera inévitablement sur l’horizon de l’Armée de terre de demain. LE RÉSE AU — L A COHÉSION Lorsqu’on se penche sur la conception du réseau de l’avenir, il convient de répéter que le commandement est une activité humaine fondée sur les qualités des personnes qui assument les rôles clés dans le processus décisionnel, et sur les rapports entre les commandants et leurs subordonnés. Par conséquent, la première exigence de tout réseau de l’avenir sera de favoriser une interaction et un rendement humain améliorés, puisque le facteur humain est essentiel. Le développement d’un réseau de l’avenir constitue une évolution complexe vers une technologie émergente des systèmes d’information qui devra habiliter davantage les personnes, les organisations et les processus. En raison de la grande importance de la fonction de commandement, le développement d’un réseau de l’avenir doit progresser au même rythme que les personnes et les processus, au sein d’un environnement intégré, multinational et civilo‑militaire, de la façon suivante : >Transition de l’information améliorée. Pour améliorer la transition de l’information, des efforts considérables doivent être déployés pour comprendre la dimension humaine relative aux cheminements de l’information et à l’échange d’information multidimensionnels qui donnent lieu ultimement à une interface homme‑machine utilisable et améliorée qui porte sur l’intégration fonctionnelle cognitive. Le mieux serait d’investir dans des outils de visualisation des champs de bataille haute‑fidélité qui, idéalement, intégreraient des caractéristiques de réalité amplifiée25 ou de réalités virtuelles, destinées à améliorer l’affichage de l’information, le rendement, la viabilité du système et l’intégration de la conception; 25.http://www.wired.com/gadgetlab/2009/08/augmented-reality/#more-22882 68 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES >Portée améliorée. En améliorant la portée, on cherche à élargir le public ou les destinataires de l’information au sein du réseau. La capacité requise la plus importante pour améliorer la portée prendra la forme d’un réseau numérique d’information de tous les destinataires. Ce réseau devra être caractérisé par un degré élevé de disponibilité et de redondance, offrant une transmission multiprotocole, et permettant aux utilisateurs de communiquer oralement, textuellement ou graphiquement; >Capteurs en réseau. La liaison de plusieurs capteurs entre eux permettra le partage des produits des capteurs, la répartition judicieuse des capteurs ainsi que la collaboration machine‑machine; >Couverture accrue. Le réseau de l’avenir doit offrir une meilleure couverture, y compris la connectivité en mouvement. Il doit améliorer la couverture des systèmes de communication en offrant des capacités d’élargissement de la couverture telles que des aérostats de retransmission automatique; >Collaboration améliorée. Le réseau de l’avenir doit permettre à l’utilisateur de trouver et d’échanger de l’information dans divers dépôts, formats et niveaux de sécurité. Des outils améliorés de planification et de soutien en commun permettront aux commandants et aux états‑majors de mieux comprendre la situation plus rapidement; >Gestion de l’information. La gestion efficace et systémique de l’information sera un facteur essentiel pour la réalisation de la valeur inhérente du système. L’exactitude et la fiabilité de l’information sont primordiales, mais l’information doit également être bien organisée. Cette capacité reposera sur une gestion cohérente de l’information; sans celle‑ci, une surabondance de données non reliées et peu fiables pourrait nuire à l’utilisation d’un système qui pourrait habiliter la force en lui permettant d’accéder à la bonne information, au bon moment et au bon endroit; >Philosophie de commandement adaptable. Le réseau de l’avenir ne sera pas dans une configuration permanente sur le champ de bataille. Ses composants vont être plus ou moins nombreux au gré de la disponibilité des ressources, de la topographie, des conditions atmosphériques et de la tâche opérationnelle. Le commandant doit donc apprendre à adapter son style de commandement pour être efficace dans un réseau bien développé RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 69 aussi bien que dans un réseau rudimentaire. Cette capacité d’adaptation renforce la nécessité du commandement de mission dans l’avenir. L’Armée de terre doit être réseautée, capable d’échanger de l’information latéralement et verticalement entre les capteurs, les armes, les véhicules et les noeuds de commandement et de contrôle, et de rendre l’information accessible à la bonne personne et au bon moment. Le commandement de l’Armée de terre de demain sera caractérisé par un rythme opérationnel accru dans de vastes zones de terrain complexe. Le réseau de l’avenir, tout en cherchant à offrir une connaissance de la situation en temps quasi réel, doit également faciliter des cycles de prise de décisions plus rapides, encourager la prise de décisions à l’échelon le plus bas et permettre aux commandants sur place de saisir les occasions qui se présentent. L’Armée de terre continuera de mettre l’accent sur l’aspect humain du commandement, dans l’exercice duquel une approche centrée sur le commandement et façonnée par les principes du commandement de mission conduira à des actions décisives et à l’état final recherché. La réussite de l’Armée de terre de demain dans la conduite d’opérations adaptables et dispersées est tributaire d’un réseau solide doté de systèmes de secours et d’autres mesures d’atténuation pour s’assurer que le réseau ne devient pas également sa plus grande vulnérabilité. LE MAINTIEN EN PUISSANCE — LE PRINCIPE VITAL La nécessité pour l’Armée de terre de demain de fournir un soutien garanti à des forces terrestres très dispersées exige une chaîne de maintien en puissance dont le niveau d’intégration, de souplesse et d’adaptabilité est extrêmement élevé. On présume qu’avec l’accroissement de la dispersion d’une force, la chaîne de maintien en puissance passera d’un état principalement terrestre à un état davantage axé sur le soutien aérien, bien qu’il soit fort probable que les activités de maintien en puissance soient à la fois terrestres et aériennes dans la plupart des opérations. La dépendance excessive d’une chaîne de maintien en puissance par voie terrestre dans un environnement de sécurité non permissif risque de compromettre les opérations tactiques. Une capacité logistique ciblée contribuera à la pertinence, à l’agilité et au caractère décisif de la force grâce à un soutien logistique du combat qui est assuré avec le degré de certitude le plus élevé qui soit. Cette capacité logistique ciblée permettra de fournir le soutien approprié au bon endroit et au bon moment. Elle dépendra de la projection totale de capacités adaptées à toutes les tâches envisagées et comprendra des capacités de gestion de l’information totale et de prestations de services de précision à la fine pointe de la technologie, bien protégées, économiques 70 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES et viables. Elle mettra l’accent sur la vitesse au sein de la chaîne d’approvisionnement plutôt que sur les réserves stratégiques et les entrepôts. Des outils réseautés de planification du maintien en puissance et des méthodes de prestation spécialisées sont le fondement d’une capacité logistique ciblée. L’assurance du soutien est la caractéristique essentielle de la logistique ciblée et cette assurance sera largement tributaire d’un système intégré, adaptable et souple, mais également résistant. L’intégration est liée à l’habileté avec laquelle tous les éléments de la chaîne de maintien en puissance fonctionnent à l’intérieur d’un système de prestation de services fiable, unifié et bien coordonné. Pour cela, il faut un système technocentrique de gestion de l’information sur le maintien en puissance ainsi qu’une mentalité profondément axée sur le service au sein de l’état‑major et du personnel associés au maintien en puissance. L’adaptabilité renvoie d’abord à la variabilité et à la souplesse des échelons qui s’adaptent en fonction de la capacité précise dont la force soutenue a immédiatement besoin. Cette adaptabilité ne concerne pas seulement l’arrangement de la taille des échelons de l’organisation et des quantités de stocks en fonction de la tâche à accomplir, mais également la capacité physique et mentale nécessaire pour s’accorder au rythme de combat et aux conditions opérationnelles de la mission. La notion de souplesse repose sur la capacité d’offrir à la force le choix des moyens et des méthodes de soutien grâce à l’utilisation efficace d’une variété de plates-formes, à la visibilité globale des ressources ainsi qu’au commandement et au contrôle grâce à de bons outils de planification logistique intégrés. La robustesse exige que la chaîne de maintien soit dotée de ressources adéquates à tous les niveaux, mais surtout aux niveaux tactiques les plus bas. CONSIDÉR ATIONS NATIONALES — L A SITUATION AU PAYS Opérations nationales La Stratégie de défense — Le Canada d’abord présente une vision pour les opérations futures qui oriente les Forces canadiennes afin qu’elles mènent à bien des opérations au pays, qu’elles soient un partenaire clé en matière de défense continentale et qu’elles assument un rôle de leader à l’étranger. Le titre Stratégie de défense — Le Canada d’abord ne fait pas référence uniquement à la conduite d’opérations au Canada, mais vise plutôt à habiliter les Forces canadiennes pour qu’elles défendent la souveraineté du Canada, les Canadiens ainsi que les intérêts stratégiques du pays lorsqu’il y a lieu, tant au pays qu’à l’étranger. Même si le Canada est indéniablement le point central de cette stratégie, dans bien des cas, il sera plus efficient, efficace et nécessaire d’exécuter des tâches de défense à l’étranger. Cela dit, la Stratégie de défense — Le Canada d’abord signifie sans conteste que l’Armée de terre doit être bien préparée pour participer rapidement et de façon décisive à la tâche indéfectible qui consiste à défendre les Canadiens au pays. RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 71 Les capacités de l’Armée de terre de demain seront conçues, en règle générale, en fonction des exigences associées à l’exécution d’opérations expéditionnaires. Ce positionnement de la force ne dépend d’aucune priorité relative entre les opérations nationales et les opérations expéditionnaires. En effet, il repose plutôt, comme on l’a démontré à mainte fois au cours de l’histoire du Canada, sur la possession des capacités nécessaires pour exécuter avec succès les tâches assignées par le gouvernement du Canada; ainsi, nous devons être prêts à accomplir les tâches les plus probables, les plus complexes et les plus difficiles. Pour mener à bien les opérations de l’avenir, l’Armée de terre devra être en mesure d’exécuter des tâches de combat et de stabilisation complexes, y compris un large éventail d’opérations nationales. Ces opérations sont généralement bien exécutées à l’aide de capacités conçues pour les opérations internationales et les missions de combat, mais dans certains domaines particuliers, comme les opérations dans l’Arctique, certaines capacités supplémentaires précises peuvent être requises. Un déploiement au Canada peut constituer une aventure aussi titanesque que l’opération internationale la plus difficile si l’on tient compte de l’étendue géographique, du climat aride et du manque d’infrastructures dans la plupart des régions de notre pays. Au cours des crises nationales importantes, toutes les ressources militaires disponibles seraient mises à contribution au cours des opérations d’aide. Cela dit, contrairement aux opérations de défense du Canada, l’Armée de terre n’est ni conçue ni équipée pour agir à titre de force de dernier recours pour faire face aux catastrophes naturelles ou causées par l’homme. Répartition géographique des forces On s’attend, et on continuera de s’attendre, à ce que les Forces canadiennes fournissent de l’aide au cours des crises nationales. Lorsque des crises surviennent, elles peuvent constituer des situations qui sont au‑delà de la capacité du premier répondant de les gérer efficacement. L’Armée de terre sera alors sollicitée et elle devra intervenir rapidement pour sauver des vies et pour réduire la douleur et la souffrance. Pour établir les conditions requises pour le positionnement de l’Armée de terre afin qu’elle mène à bien les opérations nationales, il faudra que les capacités appropriées soient positionnées de façon à être utilisées au moment et à l’endroit où on en a besoin. La réussite dans le théâtre d’opérations de déploiement au pays sera tributaire de l’application uniforme du concept d’emploi de forces dans des opérations adaptables et dispersées. L’Armée de terre de demain doit continuer à porter son attention principalement sur le peuple canadien. Conformément à ce principe fondamental, l’Armée de terre de demain devra s’établir là où elle peut créer un lien avec la majorité de la population canadienne et la servir avec le plus d’efficience et 72 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES d’efficacité possible. Par conséquent, elle doit s’établir à proximité des endroits où vivent la majorité des Canadiens, soit près des grands centres urbains. Pour servir les Canadiens qui ne vivent pas près ou en périphérie de ces grands centres ou des régions ayant une importance stratégique sur le plan national, l’Armée de terre devra assurer une présence pour effectuer des tâches de liaison, de planification et de connaissance de la situation et posséder une capacité de projection de la force à disposition pour se rendre vers les populations du Canada ayant besoin d’aide et pour mener des opérations à ces endroits. La dégradation de l’environnement qui se produit en ce moment à l’échelle de la planète et les pénuries de ressources imminentes entraîneront des risques accrus à l’échelle du pays, mais particulièrement dans les régions côtières. En raison de ces influences importantes et de l’intérêt accru à l’égard de la récolte de ressources naturelles dans les régions côtières fragiles de l’Arctique, les menaces qui pèsent sur le Nord du Canada s’accroîtront. Ces menaces se feront surtout sentir dans les domaines de la sûreté publique et de la sécurité. Or, étant donné que les Forces canadiennes jouent généralement un rôle de leader uniquement sur le plan de la défense, et vu qu’il n’y a qu’une infime possibilité qu’une menace militaire terrestre vise directement la souveraineté territoriale du Canada pendant l’ère de l’Armée de terre de demain, le principe des opérations adaptables et dispersées qui consiste à se positionner près des endroits où vivent la majorité des Canadiens et à effectuer des déploiements au besoin dans les régions éloignées demeure valide. Il est fort probable que l’Armée de terre jouera à l’occasion un rôle de soutien lors des opérations menées dans le Nord du Canada. Ainsi, il sera important que l’Armée de terre acquière des capacités à des niveaux appropriés d’état de préparation pour appuyer les opérations d’autres ministères gouvernementaux à cet endroit. L’Armée de terre devra se concentrer davantage sur l’instruction, l’équipement et l’état de préparation en vue d’une utilisation dans diverses conditions propres à l’Arctique. Une meilleure utilisation d’une base de recrutement élargie, un accès amélioré aux établissements d’éducation et d’instruction, un positionnement visant une meilleure intervention nationale et les influences géopolitiques sont tous des facteurs qui pourraient orienter l’Armée de terre vers une plus grande décentralisation au profit de l’efficacité. Il sera également important d’établir des liens avec la population canadienne et d’être à son service de manière à répondre à ses attentes. La tendance historique la plus récente est la centralisation par souci d’économie, de facilité d’instruction et d’efficacité. Des gains sur le plan de l’efficience peuvent être réalisés en limitant les biens immobiliers à ceux qui sont essentiels pour le positionnement, l’instruction et le maintien en puissance. L’établissement d’un équilibre adéquat entre l’efficacité et l’efficience lors du positionnement de l’Armée de terre à l’échelle RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 73 du Canada mérite qu’on lui accorde davantage de réflexion qu’on ne lui en a accordé au cours des dernières années. Commandement et contrôle Lorsqu’on envisage la répartition des éléments de commandement et contrôle de l’Armée de terre, on doit évaluer les influences politiques, culturelles, linguistiques et géographiques dans leur globalité. Ainsi, il est impératif que la fonction de commandement et contrôle de l’Armée de terre soit structurée et située de manière à communiquer efficacement avec les centres stratégiques nationaux essentiels (avant tout le Quartier général de la Défense nationale) et à établir des niveaux de communication appropriés avec les six structures organisationnelles fédérales et régionales du gouvernement du Canada. La mise sur pied du Quartier général de la 1re Division du Canada apportera une capacité de commandement et contrôle nouvelle et souhaitable à l’Armée de terre. Il devra non seulement refléter les besoins auxquels il a été conçu pour répondre, mais devra être adapté au cadre élargi de la structure de commandement et contrôle de l’Armée de terre. Même si le commandement et contrôle de l’Armée de terre existera au sein d’une structure évolutive des Forces canadiennes plus vaste, il doit aussi permettre d’assurer un certain nombre de fonctions, peu importe les changements des structures organisationnelles de plus haut niveau. Les sousparagraphes qui suivent décrivent brièvement certaines des fonctions de commandement et contrôle de base de l’Armée de terre de demain. La hiérarchie est utilisée par souci de commodité et ne vise pas à suggérer que ces fonctions doivent être ancrées dans les organisations traditionnelles. Ce qui importe est que toute structure organisationnelle tienne compte des limites inhérentes à l’étendue intellectuelle et physique du contrôle : >Quartier général stratégique. L’état-major stratégique de l' Armée de terre communique avec le gouvernement du Canada, le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes pour gérer et exécuter la planification stratégique, les communications et l’intendance, et pour commander les formations subordonnées d’instruction et d’éducation, de mise sur pied des forces et d’infrastructures; >Quartier général opérationnel de l’instruction et de l’éducation. Le quartier général opérationnel de l’instruction et de l’éducation de l’Armée de terre communique avec l'état-major stratégique de l'Armée de terre ainsi qu’avec le quartier général régional de la mise sur pied des forces afin de gérer et d’exécuter l’instruction collective à l’échelle de l’Armée 74 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES de terre, la planification de l’instruction individuelle et de l’éducation, les communications et l’intendance, et de commander les formations et les unités subordonnées d’instruction individuelle et d’éducation; >Quartiers généraux opérationnels de mise sur pied des forces. Les quartiers généraux régionaux de mise sur pied des forces de l'Armée de terre interagissent avec l'état-major stratégique de l'Armée de terre ainsi qu’avec le quartier général d'emploi des forces des Forces canadiennes, le quartier général de la force opérationnelle, des organes fédéraux régionaux du gouvernement du Canada pour gérer et exécuter la planification opérationnelle, les communications et l’intendance, et commander les formations et les unités subordonnées de mise sur pied des forces, en mettant l’accent sur la gestion et la supervision de la mise sur pied des forces au niveau de l’unité, l’administration du personnel et la gestion des carrières de la Force de réserve; >Quartiers généraux opérationnels des infrastructures. Les quartiers généraux opérationnels des infrastructures de l’Armée de terre interagissent avec d’autres quartiers généraux opérationnels ou en font partie intégrante, et planifient et gèrent le soutien des infrastructures et de la logistique; >Quartiers généraux tactiques. Les quartiers généraux tactiques interagissent avec leurs quartiers généraux opérationnels supérieurs afin de gérer et d’exécuter la planification tactique, les communications et l’intendance, et de commander les unités subordonnées. Il est important de souligner que quel que soit le nombre de niveaux des quartiers généraux, on comptera le même nombre de tâches à réaliser. La variable réside dans le degré de centralisation ou de décentralisation et la taille des quartiers généraux concernés. Parmi les moyens s’étant avérés efficaces pour limiter la croissance inutile des organisations, citons la rationalisation périodique des tâches et les réductions connexes qui tiennent compte des secteurs connaissant un essor des activités de base et coupent dans les secteurs devenus moins pertinents pour les activités de base ou qui se sont développés en raison de la tendance naturelle des humains à développer les bureaucraties. Ainsi, lorsqu’on rationalise la taille des quartiers généraux, on y parvient non pas en diminuant ou en augmentant leur nombre, mais en régissant rigoureusement leurs responsabilités et la taille de leur état-major. RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 75 Les facteurs suivants doivent être pris en considération en déterminant les options d’emplacement des éléments de l’Armée de terre : >la répartition de la population; >les ressources nationales vitales (économiques et politiques); >les contraintes géographiques (y compris les distances); >le niveau actuel des infrastructures développées et leur accessibilité (p. ex. l’accès aux secteurs d’entraînement); >les considérations régionales, politiques, culturelles et linguistiques, y compris l’établissement et le maintien de relations et de centres d’expertise régionaux solides; >l’amélioration de la rapidité d’intervention nationale. FAC TEURS EN JEU À L’E X TÉRIEUR DU CANADA Les Forces canadiennes combattent à l’extérieur du Canada comme elles mènent des opérations nationales; par l’entremise d’un quartier général d’emploi des forces et d’un quartier général de force opérationnelle, et en vertu d’une approche pangouvernementale. Par contre, les contingents canadiens en opérations à l’extérieur du Canada doivent être compatibles avec les structures de C2 de l’alliance ou de la coalition en cause. Cela crée la nécessité pour le réseau de l’Armée de terre de demain de pouvoir se brancher aux réseaux supérieurs de ladite alliance/coalition. L’ARMÉE DE TERRE DE DEMAIN : CAPACITÉS CONTE X TE Mis à part le cas d’une menace existentielle perçue à l’égard du Canada, c’est-à-dire une situation de guerre totale, le pays n’a jamais été en mesure de se payer une force militaire permanente capable d’affronter toutes les menaces prévues. Par conséquent, des forces permanentes de taille adéquate conçues pour répondre aux besoins de défense du Canada et de sa politique étrangère doivent être souples, agiles et adaptables pour parer rapidement aux menaces changeantes. La clé de cette capacité réside dans 76 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES la supériorité sur le plan de l’information, des soldats supérieurs, des vecteurs de précision des feux et des activités d’influence et un réseau solide. Pour que ces forces permanentes soient suffisamment agiles et de taille appropriée, il faudra faire une analyse rigoureuse des besoins anticipés et un travail considérable en vue de parvenir à l’équilibre optimal en diversité (quels types de force) et en profondeur (combien de soldats) de la capacité dans la structure de nos forces. Une diversité suffisante est requise pour répondre à l’éventail des besoins, et une profondeur adéquate est nécessaire pour maintenir une masse appropriée et viable pour la mise sur pied et l’emploi des forces. Au vu des exigences liées au maintien, à la projection et à la viabilité d’une capacité abordable permettant d’affronter les menaces les plus probables et les plus dangereuses, l’Armée de terre de demain ne devra pas être trop spécialisée, ni trop investir dans les capacités de créneau offrant peu de possibilités d’emploi. Chaque nouvel élément potentiel dans la structure et chaque nouvelle capacité choisie dans le portefeuille doivent être étudiés dans le contexte de la construction de l’Armée de terre de demain dans son ensemble, y compris les coûts d’achats, les infrastructures, l’instruction, les opérations, la maintenance, les effets en cascade et la capacité de modernisation. Même si au premier abord le coût d’introduction de nouvelles capacités indépendantes peut sembler raisonnable, chaque introduction de capacité doit être évaluée dans le cadre de la conception globale de la force. L’Armée de terre doit acquérir la capacité de s’adapter rapidement pour pouvoir faire face à des situations changeantes dans l’environnement de sécurité de l’avenir. Grâce à un processus rigoureux de développement des capacités, l’Armée de terre est en mesure de viser des objectifs réalistes en matière de conception de la force qui concordent avec les tendances dans l’environnement opérationnel et sont pertinents pour l’environnement de sécurité de l’avenir, tout en maintenant un potentiel d’adaptation rapide en réserve. Le principe de création d’une force hétérogène comportant une symétrie relative dans les structures de mise sur pied de la force et une prépondérance de véhicules blindés légers III de poids moyen pour l’équiper, permet un meilleur niveau de préparation, de déployabilité, de viabilité, de pertinence, d’efficacité et, enfin, d’efficience. Ce type de force sera plus facile à gérer sur de longues périodes, et ses coûts réels en argent, en ressources humaines et en temps seront plus prévisibles. Il est reconnu que l’avenir se dévoilera de façons qui sont imprévisibles à ce jour et qui mettront sans aucun doute la structure de notre force à l’épreuve. Cependant, pour atténuer les risques d’un avenir imprévisible, l’Armée de terre devra établir une structure de force équilibrée, viable et efficace au combat, qui permet une souplesse institutionnelle maximale et une capacité de s’adapter rapidement et efficacement au changement. L’Armée de terre doit revoir son analyse régulièrement pour s’assurer que les changements dans l’environnement de sécurité sont bien pris en compte. RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 77 DÉFINIR L A CAPACITÉ DE L’ARMÉE DE TERRE DE DEMAIN : LES FONC TIONS OPÉR ATIONNELLES Les fonctions opérationnelles, notamment le commandement, la détection, l’action, la protection et le maintien en puissance fournissent un cadre adéquat aux fins du développement des capacités. L’un des objectifs du cadre des fonctions opérationnelles est de s’assurer que toutes les capacités contribuent à la création d’une puissance militaire d’une manière équilibrée et bien articulée. Les fonctions opérationnelles n’ont jamais eu pour but de constituer simplement un autre moyen de diviser les domaines de capacités dans des catégories bien distinctes pour faciliter la gestion du développement des capacités. Les fonctions opérationnelles visent à promouvoir une vision exhaustive de la capacité; chaque capacité intégrant dans une certaine mesure des aspects de chaque autre fonction : >Commandement. L’Armée de terre de demain exige un système de commandement et contrôle qui appuie les commandants dans l’application des principes du commandement de mission et de la guerre de manœuvre. Ce système doit avoir les attributs de portée, de mobilité et de surviabilité, et constituer la base d’une force numérisée et réseautée. Le quartier général doit pouvoir être efficace dans les opérations nationales et expéditionnaires, y compris pour assurer le rôle de pays chef de file, notamment par une combinaison équilibrée de capacités de base et modulaires (échelonnables) (appuyées par du personnel qualifié et de la formation en leadership). Ces capacités doivent inclure les outils d’analyse, de planification et d’opérations nécessaires pour planifier et coordonner les feux et la création de résultats intégrés dans une zone d’opérations vaste et complexe. Ce système doit pouvoir être configuré rapidement aux fins d’intégration et de collaboration dans le cadre de coalitions et d’autres structures nationales de commandement et contrôle; >Détection. L’Armée de terre de demain a besoin d’un système intégré de renseignement, de surveillance, d’acquisition des objectifs et de reconnaissance (ISTAR) permettant de recueillir et d’analyser des données pour appuyer la communication opportune de renseignements exacts et la compréhension de l’espace d’opérations dans des conditions extrêmement complexes. Ce système exige un ensemble diversifié de détecteurs, notamment des véhicules aériens sans pilote, des systèmes autonomes au sol et d’autres systèmes autonomes et semi-autonomes en réseau reliés à des capacités de renseignement souples et à d’autres outils d’analyse. Des liens capteur-tireur efficaces et adéquats doivent être disponibles, notamment 78 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES des dispositifs d’attaque autonomes munis de détecteurs appropriés et combinés à des réseaux de commande et contrôle. L’environnement opérationnel de l’avenir exigera également un accent accru sur des capacités de collecte et d’analyse spécifiques comme celles qui sont offertes par une capacité élargie de guerre électronique et de renseignement humain, et nécessitera une meilleure capacité d’extraction des données à partir de toutes les sources générales disponibles (p. ex. soldats, partenaires IIMP). La capacité de détection dans le spectre électromagnétique constituera une capacité essentielle dont la valeur augmentera dans l’avenir. Même si l’aptitude à détecter dans des environnements complexes est essentielle, le besoin d’une capacité de détection en terrain découvert et dans l’espace aérien demeure; >Action. L’Armée de terre nécessite un éventail de capacités permettant de produire un certain nombre de résultats d’une manière synchronisée contre divers objectifs et dans des circonstances très variées. Il sera particulièrement important de produire ces résultats de façon précise en ne touchant que l’objectif et en minimisant les dommages collatéraux : »Tir direct. Les armes à tir direct de l’Armée de terre de demain devront offrir un éventail de systèmes superposés, échelonnables, souples (polyvalents) et complémentaires pour appuyer aussi bien le soldat individuel que l’unité et la formation. Ce système inclura nécessairement des systèmes embarqués et débarqués permettant aux soldats de s’appuyer réciproquement face à la plupart des menaces; »Tir indirect. La capacité de tir indirect requise comprend les attributs de portée, d’interdiction de zone de haute précision, de variabilité entre létale et non létale, de précision, de réactivité et de fiabilité (garantie de fonctionnement). Il y a un besoin urgent d’investissements plus importants dans les dispositifs d’attaque autonomes liés au détecteur et aux réseaux de commandement et contrôle appropriés, au sol ou dans les airs. Même s’il n’est pas nécessaire d’intégrer toutes les ressources de tir indirect dans l’Armée de terre, celles qui sont essentielles pour l’autodéfense devront l’être. La capacité de tir indirect s’appuiera sur plusieurs systèmes de guidage; RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 79 »Activités d’influence. Pour un fonctionnement efficace face à la complexité de l’environnement opérationnel de l’avenir, il sera nécessaire de mettre l’accent sur la communication efficace sous toutes ses dimensions, notamment à l’interne, avec les partenaires IIMP, les Canadiens, la communauté internationale, les populations dans le théâtre des opérations et l’ennemi. Les moyens de cibler l’ennemi sur le plan moral et de communiquer avec les populations pour influencer efficacement les gens dans l’espace d’opérations, constitueront des outils importants pour mener des opérations dans l’ensemble du spectre dans l’environnement de sécurité de l’avenir; >Protection. L’Armée de terre de demain doit assurer la protection sur les plans physique (y compris électromagnétique), informationnel et moral. Même si la prépondérance des menaces physiques directes auxquelles l’Armée de terre fera face ne sera pas nouvelle, l’accès facile par l’ennemi à des technologies peu coûteuses, à des armes militaires classiques (p. ex. mines, explosifs, grenades propulsées par fusée) et à des matières chimiques et biologiques, combiné à son ingéniosité et à sa détermination, lui offriront des moyens de plus en plus efficaces de s’attaquer à nos vulnérabilités. Parer à ces menaces impliquera un processus évolutif qui sera fondé sur une approche souple et agile, mais aussi structurée et rigoureuse du développement des capacités. Le fait de trop se concentrer sur la protection physique de la plate-forme pour contrer une menace particulière se traduira probablement par des systèmes trop coûteux qui sont vulnérables sous d’autres aspects ou moins aptes à réaliser la mission pour laquelle ils ont été acquis; >Maintien en puissance. L’Armée de terre de demain aura besoin d’un système de maintien en puissance moderne disposant de ressources adéquates pour pouvoir fonctionner efficacement dans l’environnement non linéaire et non contigu. Ainsi, tous les soldats du soutien logistique du combat doivent être bien formés et bien équipés pour survivre dans l’environnement opérationnel de l’avenir, en partant du niveau des sous‑unités à celui des plates-formes individuelles. Le système de maintien en puissance doit être robuste, intégré, modulaire et conteneurisé pour fournir la souplesse (options de soutien), l’adaptabilité (variation de niveau) et l’agilité essentielles. Il doit, en outre, comprendre des dispositifs de suivi et de visibilité des ressources ainsi que des outils de gestion du maintien en puissance. Les capacités de maintenance incluront une numérisation accrue de l’équipement pour 80 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES Figure 4 : Fonctions de l’AT de demain. CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 81 évaluer et corriger les problèmes avant que les pannes ne surviennent, ainsi qu’une plate-forme de récupération protégée capable de récupérer tous types de véhicules. L’Armée de terre de demain a également besoin de l’accès à un système médical souple ayant une portée plus importante que les systèmes existants et qui permettra aux blessés très dispersés de recevoir les soins appropriés rapidement. Le futur système médical utilisera la numérisation pour surveiller continuellement l’état et l’emplacement des blessés en temps réel afin de garantir la meilleure intervention médicale possible. L’ARMÉE DE TERRE DE DEMAIN : FONC TIONS Même si les fonctions opérationnelles fournissent un cadre utile (dans un sens large) pour le processus de développement des capacités de l’Armée de terre, le processus de conception exige d’examiner de plus près chacune des fonctions de l’Armée de terre de demain. L‘image suivante représente les principales fonctions nécessaires de l’Armée de terre de demain. Voir figure 4 p. 81. Des capacités organiques et externes seront requises à des niveaux différents pour permettre de mettre en œuvre chacune de ces fonctions. Cette image ne se veut pas exhaustive, mais vise plutôt à illustrer l’approche philosophique générale à adopter pour la conception de la force globale et celle-ci est un point de départ pour d’autres développements. PHILOSOPHIE FONC TIONNELLE L’Armée de terre de demain efficace au combat et polyvalente doit se fonder sur les capacités qui permettent de mener des combats et des engagements rapprochés (tâches de stabilité). Les capacités qui fournissent ces fonctions doivent être habilitées et maintenues par des éléments habilitants qui établissent les conditions de réussite en situation de combat et d’engagement rapprochés. Ainsi, ces éléments habilitants essentiels doivent constituer une partie importante de la force, mais seulement par rapport aux capacités d’exécution des combats et engagements rapprochés. Autrement dit, le modèle mathématique de l’Armée de terre de demain est basé sur le nombre de capacités de combat et d’engagement rapprochés, et les types et quantités d’éléments habilitants doivent être fonction de leur rôle d’appui et de la taille des éléments appuyés. En utilisant cette approche proportionnelle, la structure de l’Armée de terre de demain et sa capacité d’accomplir des missions seront définies par les ressources (principalement humaines) qui sont appliquées. Une fois les ressources connues, l’ampleur relative du combat et de l’engagement rapprochés ainsi que des capacités habilitantes et de maintien en puissance pourront être déterminées et, par conséquent, le nombre, la taille, les types et la viabilité des lignes simultanées et consécutives d’opérations pourront être établis. À titre de 82 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES principe, compte tenu de la nature fermée de l’équation globale liée à l’Armée de terre et de la vérité évidente que la réussite tactique est procurée par des forces de combat et d’engagement rapprochés, on peut affirmer que la quantité des ressources consacrées aux capacités habilitantes et de maintien en puissance doit être réduite au niveau essentiel pour mettre en œuvre et maintenir la capacité de base. Même si les capacités interarmées et de coalition, ainsi que celles d’autres partenaires seront exploitées afin d’accroître l’efficacité de l’Armée de terre de demain, notamment en ce qui a trait aux éléments habilitants opérationnels et stratégiques, nos forces doivent posséder, intégralement et obligatoirement, les capacités qui sont essentielles à leur autodéfense. Nos forces ne seront pas intentionnellement placées dans des situations où elles n’ont pas les capacités requises pour garantir leur sécurité. Le risque de lacunes de capacités importantes doit, par conséquent, être bien étudié pour chaque opération et réduit au niveau pratique le plus bas. STRUCTURES DE MISE EN ŒUVRE DE L’ARMÉE DE TERRE DE DEMAIN Les principaux domaines sur lesquels on doit se concentrer pour la transition vers l'Armée de terre de demain : »le capital social et intellectuel; »la détection et l’interprétation; »la compréhension partagée et l’intention commune; »des méthodes collaboratives de résolution de problèmes complexes; »l’harmonisation de cultures organisationnelles différentes; »la précision; »l'amélioration de l'interface humain-technologie face à l’environnement complexe. CONTE X TE Les quatre groupes sociaux dominants dans le développement des capacités sont les soldats, les scientifiques, les gestionnaires et les administrateurs qui ont tous une vision concurrentielle des priorités et de l’action. De façon caractéristique, les soldats aiment l’action simultanée, tandis que les gestionnaires de projet préfèrent l’exécution par phases. Les scientifiques préfèrent la réflexion collective, tandis que les administrateurs sont plus à l’aise avec l’étoffement hiérarchique. La caricature négative de la bureaucratie découle des impressions crées par ces cultures concurrentes. RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 83 Par conséquent, l’adoption de principes pour une conception disciplinée offrira la meilleure opportunité de bien gérer les projets et les programmes avec un contrôle des coûts efficace tout au long de leur élaboration. Il s’agit, en fait, de structures de gestion et d’ingénierie des systèmes qui relient les divers éléments dans le contexte élargi de résolution de problèmes militaires. PERSONNEL ET ORGANISATIONS Les structures et les traditions qui contribuent grandement à la force morale de l’Armée de terre seront conservées lorsqu’il sera pratique de le faire. Un défi constant qui continuera de frustrer la phase d’élaboration des capacités sera de créer une souplesse adéquate au sein du personnel pour doter les éléments de force essentiels (force de campagne) et le fondement de l’Armée de terre (la partie institutionnelle). Pour créer cette souplesse, on doit continuer d’examiner attentivement la situation pour réaffecter le personnel là où il est le plus nécessaire. Dans l’idéal, une immense souplesse serait possible en inculquant toutes les compétences à tous les soldats, sans définir de corps de métier distincts. Ce modèle idéal permettrait à des soldats « généralistes » de réaliser toutes les tâches nécessaires, grâce à l’instruction et à la technologie. Ce but ne sera jamais complètement atteint car il y aura toujours des tâches nécessitant des compétences hautement spécialisées pour lesquelles des capacités inhérentes et une instruction spéciale seront requises. Cependant, il est important d’accepter que pour parvenir à une efficacité maximale, la tendance doit être de minimiser le nombre de champs professionnels, en fonction seulement du besoin de compétence et d’efficacité. On peut prévoir que certaines des limites techniques qui ont empêché l’émergence de ce modèle seront franchies. Compte tenu de cette évolution, on verra certains métiers se combiner, tandis que d’autres évolueront pour en créer de nouveaux plus utiles. Dans ce contexte, la tendance sera probablement que les corps et les branches harmoniseront leur raison d’être avec une ou plusieurs des activités de combat rapproché, d’engagement rapproché, de façonnage ou d’habilitation (établissement des conditions de réussite du combat et de l’engagement rapprochés) ou le maintien en puissance de la force. Les soldats de chaque métier doivent posséder suffisamment d’aptitudes de combat et d’engagement rapprochés — afin de ne pas être une responsabilité à l’ensemble de la force. En plus d’améliorer la capacité des soldats ainsi que leur protection contre des dangers particuliers, on doit s’intéresser activement aux technologies qui offrent le potentiel de remplacer les soldats dans des environnements particuliers. Par exemple, les appareils de communication modernes peuvent et doivent être simples et intuitifs au point que peu ou pas d’instruction sera requise, ce qui 84 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES permettra de réduire le personnel et le temps nécessaires pour l’instruction et la maintenance. Au fil des progrès technologiques dans l’horizon de l’Armée de terre de demain, d’autres possibilités s’offriront, comme remplacer les conducteurs par des robots dans les convois. S’il existe un groupe de compétences et de fonctions distinctes qui ne peuvent être maintenues de façon pratique par des soldats ou des organisations de combat ou d’engagement rapprochés sans nuire à leur capacité de demeurer compétents dans leur domaine d’expertise, un corps ou une branche distinct sera requis. À l’inverse, les corps et les branches ne devraient exister que s’ils offrent des capacités fonctionnelles uniques suffisantes ne pouvant être assurées viablement par les organisations de combat et d’engagement rapprochés. Ces corps et branches devraient avoir pour but d’offrir les capacités requises avec le moins de ressources possible, notamment humaines. À l’image de la hiérarchie des compétences de base, les structures de l’Armée de terre de demain mettront l’accent sur les capacités et les organisations de combat et d’engagement rapprochés. En règle générale, toutes les ressources en personnel qui ne sont pas essentielles pour soutenir, habiliter ou maintenir ces capacités fonctionnelles seront utilisées pour développer la capacité dans ce domaine. Ces ajustements augmenteront la profondeur, la souplesse et l’homogénéité (p. ex. simplicité) au sein de la force, en garantissant que l’accent reste fermement sur la mise sur pied, la projection, l’emploi et le maintien des compétences centrales. STRUC TURES ET SOUPLESSE ORGANISATIONNELLES Pour réduire les perturbations et les longs cycles d’instruction et faciliter la cohésion, les principales fonctions requises pour mener les combats et engagements rapprochés dans le cadre d’opérations de déploiement devraient être groupées intégralement dans les unités et formations, si cela s’avère pratique. Les éléments qui nuiraient à la capacité d’une unité ou d’une formation tactique de se concentrer sur ses compétences centrales qui exigent une formation spécialisée prolongée ou qui ne sont pas en nombre suffisant pour être mis sur pied efficacement de l’intérieur de la structure de l’unité ou de la formation, seront mis sur pied en dehors de cette structure et intégrés durant l’instruction préparatoire à la mission. Par exemple, un groupement tactique d’infanterie avec des sous-spécialités intégrées, telles que des pionniers d’assaut et des mortiers, constitue une organisation de mise sur pied d’une force plus viable que celui qui comprendrait des éléments du génie et de l’artillerie intégrés en permanence. Cette approche libère des capacités plus spécialisées et à plus faible densité pour leur permettre de se concentrer sur leurs domaines d’expertise et produit, à terme, un emploi plus efficace et efficient des forces. D’un autre côté, posséder des capacités telles qu’un Centre de coordination ISTAR, un Centre RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 85 de coordination des activités d’influence et une Équipe de soutien du renseignement intégrés en permanence dans une unité améliore substantiellement la capacité par comparaison à l’intégration de ces éléments en fonction de la tâche dans un contexte de brigade. Au sein de l’Armée de terre de demain, la pratique du groupement et du regroupement, un principe fondamental de longue date au sein des opérations terrestres, demeurera un mécanisme important pour la mise sur pied et l’emploi d’une force. Pour habiliter ce mécanisme, les capacités doivent être développées de manière à pouvoir être employées dans le plus petit élément capable de remplir la fonction prévue, c’est-à-dire un module de capacité de base. Chaque module de base doit être conçu de façon à pouvoir être directement combiné au sein d’une structure déployable, telle qu’un groupement tactique, ou pour former des structures plus grandes qui assurent la même fonction. La modularité fournira à l’Armée de demain la souplesse requise pour déployer en opérations des capacités adaptées à la tâche. La structure optimale pour l’emploi dans des opérations devrait être basée sur un groupement tactique (ou des groupements) déployé avec les capacités requises pour exécuter et maintenir en puissance, au niveau tactique, les combats et engagements rapprochés faisant partie intégrante de leur organisation, et ce, au sein d’une structure de formation qui fournit les capacités requises pour créer les conditions propices au succès, mais qui excèdent la capacité de gestion du groupement tactique. Pour faciliter la planification, les groupements tactiques devraient avoir des éléments de soutien logistique du combat identiquement structurés et conçus pour s’intégrer aux structures de la formation. Dans les situations où un groupement tactique est déployé pour des opérations à l’extérieur du contexte d’une formation canadienne, il peut être nécessaire de transférer au groupement tactique certaines capacités normalement propres au niveau de la formation, et d’augmenter la capacité intégrale de commandement et contrôle du groupement tactique proportionnellement au fardeau supplémentaire ajouté. CONCE VOIR L A STRUC TURE PAR L’INTERMÉDIAIRE DU PROCESSUS DE DÉ VELOPPEMENT DES CAPACITÉS La conception d’une structure militaire est le procédé qui consiste à organiser des capacités (groupes de personnes, processus, équipement et instruction) pour la mise sur pied et l’emploi d’une force. Lorsque l’on parle de structure, on a tendance à se concentrer sur l’aspect le plus visible de la capacité militaire, notamment le capital structurel. Ce dernier correspond aux aspects physiques ou tangibles d’une capacité, tels que l’équipement, l’infrastructure et l’instruction. Il existe également 86 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES des composantes moins visibles de ce modèle de capacité qui ont finalement une influence plus importante sur la détermination de l’efficacité d’une capacité militaire. Ses composantes clés sont le capital intellectuel et le capital social. Le capital intellectuel comprend les concepts, l’éducation, la doctrine, les compétences de base et l’expérience liés à une capacité particulière, tandis que le capital social regroupe l’aspect moral de la culture organisationnelle, de l’identité, des relations, du leadership, de la cohésion ainsi que la réputation d’une force26. Le plus grand potentiel d’amélioration de la capacité militaire de l’Armée de terre de demain réside déjà dans le capital structurel, intellectuel et social d’aujourd’hui. Les structures de la doctrine reposent sur des principes éprouvés et constituent la fondation à partir de laquelle l’Armée de terre s’adapte pour répondre aux menaces perçues. Les structures de développement des capacités sont créées en combinant des concepts nouveaux et émergents aux principes et organisations de la doctrine. Les structures de développement des capacités qui en résultent sont ensuite validées à l’aide d’expériences, de recherches et d’analyses opérationnelles et d’essais pour éclairer le processus de transformation des capacités d’aujourd’hui en celles de l’Armée de terre de demain. Durant la phase d’élaboration, les réalités des contraintes touchant les ressources comme le personnel, les finances, le temps et les infrastructures existantes sont prises en compte dans les solutions choisies. TENDANCES ET IMPLICATIONS STRUC TURELLES DE L’ARMÉE DE TERRE DE DEMAIN Le travail de perfectionnement de structures nouvelles et émergentes pour l’Armée de terre de demain s’inscrit dans un processus continu de changement visant à affronter les conflits violents de l’avenir en général, au lieu de se concentrer sur un théâtre d’opérations particulier. Les changements jugés nécessaires découlent d’observations, de recherches, d’expériences et d’analyses approfondies liées à l’environnement de sécurité et à l’environnement opérationnel de l’avenir qui sont décrits dans la partie I de ce manuel. Voici les facteurs majeurs dont l’Armée de terre de demain devra tenir compte ainsi que les déductions et implications générales qui en découlent. On note trois tendances principales liées à l’environnement de sécurité de l’avenir qui exigent de changer la façon dont l’Armée de terre opérera dans l’environnement opérationnel de l’avenir : 26.Voir Nick Jans et David Schmidtchen, The Real C-Cubed: culture, careers and climate and how they affect capability, Strategic Defence Studies Centre, Australian National University, Canberra, 2002. RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 87 >Un ennemi évolutif, polyvalent et insaisissable. L’ennemi formera un réseau adaptable d’acteurs conventionnels, irréguliers, criminels et transnationaux. Nombre de ces acteurs seront difficiles à repérer, et s’ils le sont, ils auront la capacité de se fondre immédiatement dans la population. Son repérage nécessitera de nouvelles méthodes de détection, de reconnaissance et de marquage; >Une appréciation accrue des complexités du conflit. L’appréciation accrue par l’Armée de terre des complexités d’un conflit persistant au sein de la population, et le réseau caché d’interdépendances connexe exigent un plus haut niveau d’analyse et de compréhension de l’environnement afin de parvenir à la réussite. Aucun instrument particulier de la puissance nationale n’a l’expertise nécessaire pour s’attaquer à tous les aspects du conflit. Ce genre de conflit exige une approche collaborative et intégrée impliquant une expertise interarmées, organisationnelle, multinationale et publique; >Une intolérance croissante pour un usage imprécis de la force. Les avancées technologiques combinées aux reportages planétaires des médias et au besoin de protéger les perceptions de légitimité ont entraîné une augmentation des attentes de minimisation des dommages collatéraux. L’intolérance mondiale croissante à l’égard des décès et de la destruction inutiles, et les répercussions stratégiques connexes exigent l’emploi de capacités de plus en plus précises et modulables en intensité. Ces facteurs ne sont pas nouveaux dans les conflits. Cependant, chacun représente un changement évolutif récent par rapport à l’environnement opérationnel traditionnel de la guerre froide. L’évolution de ces trois facteurs évolutifs combinés représente un défi significatif pour le maintien de l’efficacité militaire dans l’environnement de sécurité de l’avenir. L’appréciation plus poussée de la multitude d’interdépendances associées à un conflit violent depuis la fin de la guerre froide, combinée à une plus grande intolérance mondiale à l’égard des décès et de la destruction inutiles, exige une application précise et judicieuse de la force contre un ennemi insaisissable et adaptable. À la lumière de ces tendances, l’Armée de terre de demain devra s’appliquer à comprendre l’environnement dans lequel elle opère et à s’y adapter rapidement et de nombreuses manières : 88 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES >La fonction de renseignement. On confond souvent la fonction de renseignement et la Direction générale du renseignement (un groupe de personnes chargé de la coordination et de la gestion de la fonction de renseignement au nom des décideurs des Forces canadiennes à tous les niveaux). Pour acquérir une connaissance de la situation et comprendre l’environnement opérationnel, la fonction de renseignement doit être assurée par un groupe multidisciplinaire d’experts issus de l’ensemble des Forces canadiennes, d’établissements universitaires, d’organismes du gouvernement et d’autres organismes. La doctrine du renseignement doit refléter le changement d’orientation d’un concept traditionnel de l’ennemi en faveur d’une orientation basée sur l’environnement afin de s’adapter aux complexités de l’environnement opérationnel de l’avenir. Ce changement de perspective sera requis pour permettre aux décideurs d’avoir une appréciation plus holistique de la situation et pour faciliter l’approche exhaustive. Un tel changement nécessitera, en outre, une expertise analytique plus large et plus approfondie, ainsi que de meilleures politiques de partage de l’information entre les ministères et organismes nationaux et multinationaux. La réussite exigera de passer d’une perspective de « besoin de connaître » à une perspective de « besoin de partager ». Afin de faciliter ce changement, un ensemble uniforme et intégré d’outils sera nécessaire pour aider à coordonner et à discipliner la fonction analytique, et permettre ainsi l’établissement d’un réseau virtuel partout dans le monde. Même si une cellule toutes sources, un centre de renseignement toutes sources et une cellule de renseignement nationale sont des capacités essentielles pour l’appui des opérations de déploiement, une connectivité suffisante aiderait à réduire la taille de la force dans le théâtre en ne déployant que le personnel de la fonction de renseignement absolument requis sur place, auprès des décideurs dans le théâtre, jusqu’au niveau des sous‑unités; >La fonction de renseignement au niveau de l’unité tactique et aux niveaux inférieurs. Les défis actuels liés à l’« alimentation » de la fonction de renseignement, à la rapidité de production du renseignement et à l’accessibilité aux renseignements, et à la culture organisationnelle de l’opérateur par rapport à celle de l’analyste doivent être résolus pour établir une force plus informée et adaptable. Même si les unités tactiques jouissent de capacités de renseignement présentes au niveau des quartiers généraux des unités statiques, les sous-unités déployées sont limitées dans leur RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 89 capacité de transmettre des renseignements et informations importants et d’y accéder en temps opportun. Offrir les services techniques et la largeur de bande nécessaires au soldat individuel pour habiliter les opérations adaptables et dispersées sera essentiel, mais ne relèvera qu’une partie du défi. Créer la mentalité requise d’un opérateur chez l’analyste, et inversement chez l’opérateur, est nécessaire pour améliorer la fonction de renseignement au niveau de l’unité tactique et aux niveaux inférieurs. L’emploi d’analystes du renseignement au niveau des sous‑unités et, inversement, un plus grand nombre d’opérateurs dans la fonction d’analyse aux niveaux des unités et des formations tactiques, constitueront la base de cette compréhension mutuelle et aideront à résoudre les problèmes de rapidité et d’accessibilité. Une méthode complémentaire d’amélioration de la fonction de renseignement sera d’offrir aux opérateurs des sous-unités une formation sur les méthodes d’analyse, et d’éduquer et de revigorer chaque soldat en tant que capteur par le perfectionnement et la formation professionnels; >Amélioration du leadership et de la prise de décisions. Les complexités des opérations modernes ont dépassé notre capacité d’organiser l’information nécessaire pour améliorer la prise de décisions. Il faudra disposer d’un ensemble intégré d’outils du niveau de l’unité tactique à celui de la formation comprenant, au minimum, les fonctions de renseignement et de planification. Avec le développement supplémentaire de cet ensemble d’outils, les fonctions de ciblage, de feux interarmées et d’opérations en cours doivent aussi y être intégrées jusqu’au niveau du système individuel du soldat. Cet ensemble d’outils devrait être basé sur un système des systèmes et sur l’approche manœuvrière de manière à appuyer les principes fondamentaux du commandement de mission dans l’Armée de terre de demain. Il devrait également faciliter la collaboration avec tous les partenaires IIMP pour réaliser l’intention de l’approche exhaustive. Un autre facteur plus important que cet ensemble d’outils est le besoin d’éduquer les décideurs à tous les niveaux sur les moyens de faire face aux complexités de l’environnement opérationnel de l’avenir. La nature des problèmes complexes se distingue de celle des problèmes tactiques précédemment rencontrés dans le contexte des représentations traditionnelles d’un ennemi conventionnel. Il existe un corpus important de connaissances dans ce domaine, principalement dans les domaines de la reconnaissance des modèles, de la modélisation graphique et des échanges collaboratifs. Au fur et à mesure que ce corpus de connaissances évoluera, il devra conditionner le concept de l’ensemble 90 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES d’outils et la meilleure éducation et instruction à donner pour favoriser de nouvelles approches de résolution de problèmes. Il est probable que les leaders possédant certains traits de caractère et de personnalité particuliers seront plus aptes à gérer ces complexités que d’autres. Des mécanismes plus objectifs pour quantifier les qualités de leadership dans l’avenir devront être incorporés dans les outils de sélection et les régimes de perfectionnement professionnel. Par exemple, une combinaison de profilage psychométrique et d’évaluation tous azimuts pourrait fournir une base de sélection et améliorer le rendement de la sélection de candidats aux postes de commandement et d’état-major. À la lumière du besoin accru de relations plus étroites avec des ministères et des organismes gouvernementaux, dans le cadre d’une approche exhaustive des opérations, ce modèle améliorerait la capacité de l’Armée de terre de demain d’aligner son leadership sur des missions spécifiques; >Gagner le combat rapproché. La nécessité de gagner le combat rapproché précède tous les autres besoins de l’Armée de terre, aujourd’hui et demain. Pour s’assurer de satisfaire cette nécessité, l’Armée de terre concevra et mettra en service des capacités qui garantiront que nos unités tactiques disposent du matériel, des armes et des tactiques requis pour vaincre n’importe quel ennemi en combat rapproché, sans égard au terrain, à la saison ou aux conditions climatiques. Les responsables de la conception de l’Armée de terre de demain sont d’avis que la prochaine évolution en guerre terrestre devra répondre à la nécessité pour les commandants de l’armée au niveau tactique de dominer l’espace aérien immédiatement au-dessus de l’ennemi présumé ou identifié. L’acquisition de véhicules aériens inhabités capables de transporter des capacités de RSR, des missiles de tir direct et des relais de communication — s’ils sont bien reliés aux commandants tactiques au sol et capables de réagir à leurs demandes — constituera un progrès prodigieux dans la capacité de l’Armée de terre de repérer précisément, de fixer et de finir un ennemi. En combinant cette capacité à une capacité améliorée de commandement et contrôle de l’insertion aéromobile et par hélicoptère, l’Armée de terre de demain disposera du pouvoir réel de dominer l’espace aérien et de priver l’ennemi de toutes options pour tenir le terrain efficacement ou se disperser avant que nos ressources de combat rapproché plus conventionnelles soient en mesure de l’engager; RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 91 >ISTAR. (renseignement, surveillance, acquisition d’objectifs et reconnaissance). L’ISTAR est le processus qui synchronise la collecte, le traitement et la diffusion de renseignements pour fournir la connaissance de la situation et appuyer le ciblage et la prise de décisions. L’ISTAR constitue l’aspect de détection et d’interprétation de la prise de décisions. Pour favoriser le succès dans l’environnement opérationnel de l’avenir, l’Armée de terre de demain aura besoin d’une éducation et d’une instruction qui communiquent l’importance de la fonction de détection. La reconnaissance et la surveillance ne seront pas uniquement liées à des organisations particulières et spécialisées, mais bien à des tâches que chaque soldat devra accomplir. Un niveau concerté de participation et d’engagement sera nécessaire pour améliorer la vitesse et la capacité de compréhension de l’Armée de terre des problèmes auxquels elle est confrontée. La force devra être équipée, jusqu’au niveau du système du soldat individuel, de technologies et de détecteurs portatifs de collecte de données géoréférencées. Promouvoir une culture d’apprentissage à large base dans l’ensemble de l’Armée de terre, sans doter cette dernière des moyens d’exploiter son apprentissage et d’améliorer son rendement revient à l’exposer systématiquement à l’échec et à la déception. Pour améliorer l’efficacité opérationnelle et maximiser la protection des forces sur l’horizon de l’Armée de terre de demain, le contrôle des détecteurs et le filtrage des données devront être intégrés dans les unités jusqu’au niveau des pelotons. La technologie ne sera pas une panacée à tous les problèmes liés à l’environnement de sécurité de l’avenir; cependant, la clé permettant de comprendre l’environnement sera une force bien informée et mentalement agile qui adopte en permanence une culture d’apprentissage et qui est habilitée par la technologie actuelle; >Gestion de l’information et réseau technique. Quiconque possède la meilleure information et celle qui est le plus à jour ainsi que les moyens et les mécanismes pour l’exploiter efficacement aura un avantage certain dans les opérations de l’avenir. La puissance des ordinateurs permettra de plus en plus d’organiser et de présenter l’information d’une façon qui appuie directement l’esprit humain dans la reconnaissance rapide des tendances, la déduction de conclusions et la prise de décisions plus éclairées. La gestion systémique de l’information et, en fin de compte, la gestion des connaissances seront les principales clés qui permettront de tirer parti de cet outil habilitant efficace. Pour exploiter pleinement ce potentiel, l’Armée 92 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES de terre de demain devra intégrer de nouveaux processus, structures et procédures dans l’ensemble de la force. Ce système sera basé sur une base de données opérationnelle bien organisée et constamment alimentée par tous les niveaux de l’organisation. Le réseau de l’avenir doit garantir un accès fiable au spectre électromagnétique; >Développement d’outils habilitants d’activités d’influence par les forces. Les opérations adaptables et dispersées seront plus axées sur les personnes (le domaine humain) dans l’environnement opérationnel de l’avenir. Les activités exécutées sur le plan physique devront l’être en vue de produire les effets désirés sur le plan moral (c.-à-d., la dimension humaine). Des capacités telles que la coopération civilo‑militaire (COCIM), les opérations psychologiques, les opérations médiatiques et les affaires publiques doivent être institutionnalisées au sein de l’Armée de terre de demain. Les soldats auront besoin de formation et d’expérience dans ces fonctions; >Approvisionnement des structures de soutien logistique du combat. La capacité de l’Armée de terre de demain d’exécuter des opérations adaptables et dispersées à rythme élevé dépendra de la capacité du système de soutien logistique de la maintenir en puissance dans ses opérations et sera limitée par elle. Si des éléments du système pourront être fournis par des organisations de services de l’extérieur, les unités et les sous-unités de manœuvre auront besoin d’éléments intégraux de soutien exclusifs. Les groupements tactiques et les compagnies devront être suffisamment sûrs que les ressources nécessaires seront disponibles pour que leur attention ne soit pas détournée de leurs opérations tactiques. Le soutien logistique sera projeté à l’extérieur de zones sûres grâce à des échelons exclusifs adaptés à la tâche disposant d’une mobilité, d’une protection et d’une connaissance de la situation équivalentes à celles des forces soutenues et proportionnelles aux tâches prévues. Tous les lignes et niveaux de soutien devront être conçus avec suffisamment de personnel, d’équipement et de ressources de base, ainsi qu’avec une modularité adéquate pour desservir toutes les unités et sous-unités simultanément. Les capacités de livraison non traditionnelles, comme l’aérolargage de précision ou la livraison par aéronefs constitueront une importante capacité d’appoint dans le système de maintien en puissance. Bien qu’il puisse être difficile d’approvisionner complètement la capacité de soutien logistique dans les structures de mise sur pied des forces, il sera impératif de le faire pour conférer suffisamment RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 93 de résilience aux forces en opérations. Les programmes de modernisation doivent inclure la recherche dynamique de technologies habilitantes pour faciliter la distribution, réduire la demande, améliorer la fiabilité, diminuer l’entretien, améliorer les soins aux blessés et leur évacuation, et assurer le maintien en bonne santé de nos soldats; >Échelons. Les autorités d’approvisionnement, des services et de coordination devront être organisées à l’aide d’une structure par échelons. La profondeur et la diversité des capacités de maintien en puissance à tous les niveaux seront ajustables par l’ajout ou le retranchement d’éléments de capacité (modules de base). L’échelon sera composé de spécialistes et de soldats des armes de combat, mais tout le personnel des échelons sera constitué de soldats compétents et efficaces. La force exploitera pleinement une meilleure connaissance de la situation ainsi que les avantages inhérents à un système proactif basé sur la distribution. La précision en matière de planification et d’exécution, combinée à la souplesse des moyens de prestation des services et à une redondance adéquate, permettra d’abandonner les systèmes de ravitaillement rigides; >Le soldat débarqué. Un conflit violent est fondamentalement une activité humaine et le soldat débarqué demeure la meilleure ressource de combat et d’engagement rapprochés. Même si les soldats seront habilités et protégés par les nouvelles technologies, ces dernières ne seront pas suffisantes pour garantir le succès en opérations. Pour que les soldats soient bien préparés en vue des conflits de l’avenir, il faudra leur offrir une éducation et une instruction professionnelles rigoureuses. Dans le contexte de l’environnement de sécurité de l’avenir et d’une approche exhaustive des opérations, les leaders à tous les niveaux seront mieux préparés à réussir leurs missions grâce à une meilleure compréhension ainsi qu’à une application et une mise en pratique cohérentes des principes et fondements éprouvés du bon leadership; >Développement et enrichissement de l’expertise au niveau de la formation tactique. On prévoit que le Canada continuera de déployer des unités et des formations tactiques pour intervenir dans les conflits violents sur la scène internationale. L’Armée de terre de demain devra s’assurer que les établissements d’éducation et d’instruction se concentrent sur la production d’officiers d’état-major efficaces pour les quartiers généraux de groupement tactique, de brigade et de division. 94 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES LA VOIE À SUIVRE DÉVELOPPEMENT ET EXPÉRIMENTATION DE CONCEPTS L’état-major de l’Armée de terre supervise le développement des capacités et la gestion de la force par son engagement dans le continuum de développement des capacités de la Force terrestre. Le développement des concepts pour l’Armée de terre du Canada commence par une recherche continuelle sur l’environnement de sécurité de l’avenir, et sur le sousensemble de ce dernier, l’environnement opérationnel de l’avenir, dans lequel l’Armée de terre de demain doit être en mesure d’opérer efficacement. Ces travaux constituent la base sur laquelle un concept d’emploi de la force dans l’avenir est élaboré. Le document intitulé « Opérations terrestres 2021 : opérations adaptables et dispersées : le concept d’emploi de la force de l’Armée de terre canadienne de demain » a été publié en 2007 et « sert de guide au développement de la Force terrestre jusqu’à l’an 2021 » 27. Il constitue un modèle conceptuel qui décrit de manière générale la façon dont l’Armée de terre de demain devrait être en mesure d’opérer, mais ne fournit pas, à lui seul, les détails requis pour orienter et habiliter le pilier Élaboration du continuum de développement des capacités de la Force terrestre. Les dossiers de développement des capacités sont le point central des travaux liés aux piliers Imaginer et Concevoir d’une grande variété de domaines de capacités reflétés en général par les composantes de la famille des systèmes de combats terrestres et les structures d’emploi de la force en développement. Les concepts des capacités de l’avenir et leurs concepts opérationnels envisagés constituent la partie principale des dossiers de développement des capacités. L’objectif du travail lié au pilier Conception consigné dans le dossier de développement des capacités est d’inclure suffisamment de contexte, d’orientations et de directives pour assurer la cohérence du travail lié au pilier Élaboration subséquent qui, en partie, a lieu dans le cadre des processus de l’Armée de terre comme les groupes de travail sur le développement de la Force terrestre et les projets de biens d’équipement. En particulier, un énoncé clair des besoins ou lacunes de capacités opérationnelles doit être inclus. La documentation doit s’appuyer sur un engagement ferme au sein de l’état27.Extrait de la préface du commandant du Commandement de la Force terrestre du document Opérations terrestres 2021 : opérations adaptables et dispersées : le concept d’emploi de la force de l’Armée de terre canadienne de demain. RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 95 major de l’Armée de terre et du Chef du développement des Forces, ainsi que de la part du personnel d’autres services afin de réaliser le passage du pilier Conception au pilier Élaboration. Afin de fournir les orientations nécessaires et suffisamment de détails pour informer l’équipe d’élaboration, l’état-major de l’Armée de terre utilise un programme d’expérimentation pour le développement des capacités. Ce programme permet d’évaluer et de peaufiner de façon holistique les propositions de concepts, de capacités et de structures prévues ou envisagées par l’Armée de terre de demain et un examen supplémentaire des éléments PRICIE clés de la capacité future en vertu d’une approche de système de systèmes. Le programme d’expérimentation pour le développement des capacités s’exécutera dans le cadre des orientations et des directives fournies par le Conseil de développement des capacités de l’Armée de terre et le Conseil du programme de l’Armée de terre, et il inclura et exploitera d’autres ressources des Forces canadiennes et du gouvernement du Canada, au besoin. Ces orientations et directives sur le développement des concepts pour l’avenir et leur expérimentation à l’appui du processus de développement des capacités se trouveront dans le Plan opérationnel de l’Armée de terre. Le programme d’expérimentation pour le développement des capacités inclura des activités d’envergure et de portée diverses. L’activité centrale sera une expérience intégrée de grande envergure à laquelle participeront tous les membres du Conseil de développement des capacités de l’Armée de terre. Cette activité intégrée sera située dans un contexte interarmées et sera normalement menée sur une base annuelle ou bisannuelle. Des activités de plus petite envergure portant sur des domaines de recherche précis, souvent avec des degrés de fidélité élevés, auront lieu entre les activités intégrées de grande envergure afin de suivre des pistes de recherche particulières ou en préparation de l’activité intégrée de grande envergure suivante. Les activités peuvent être menées en tant qu’études, utiliser des environnements synthétiques ou impliquer des unités et des soldats réels. Le programme d’expérimentation pour le développement des capacités abordera les questions de haut niveau les plus pressantes auxquelles doit faire face la communauté de développement des capacités de l’Armée de terre. Avant tout, le concept des opérations adaptables et dispersées fera l’objet d’examens continuels des points de vue de l’applicabilité et de la pertinence, au fur et à mesure que notre compréhension de l’environnement opérationnel de l’avenir évolue. En outre, les systèmes de l’Armée de terre de demain, c’estàdire le programme d’équipement de l’Armée de terre (actuel, planifié, prévu) et les futures structures organisationnelles seront évalués et validés à la lumière des exigences sans cesse croissantes faites à l’Armée de terre de s’entraîner en vue des opérations et de les exécuter avec succès. 96 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES LES YEUX TOURNÉS VERS LE FUTUR L’environnement de sécurité décrit dans la partie I suggère un avenir parsemé d’un certain nombre de défis considérables. Il n’est pas nécessaire d’avoir beaucoup d’imagination pour envisager les répercussions des pénuries de ressources, notamment dans le domaine de l’énergie non renouvelable et de l’eau douce, de même que le vaste éventail d’effets potentiels liés aux changements climatiques, pour conclure que toute description précise de la nature, de l’emplacement et de la gravité des menaces et des défis auxquels l’Armée de terre de demain fera face dans l’avenir demeure difficile. Une conclusion sûre, tirée d’un examen de l’environnement de sécurité de l’avenir, est que des changements rapides, une forte incertitude et une grande volatilité seront très probablement au rendez-vous. Les planificateurs et analystes de la défense continueront à surveiller attentivement l’environnement de sécurité en évolution ainsi que les diverses tendances qui le caractérisent, en portant une attention particulière aux répercussions potentielles des tendances et de leur interaction et, plus important encore, aux implications potentielles qu’elles ont pour le développement des forces de l’Armée de terre de demain. C’est alors seulement qu’il nous sera possible de nous assurer que nous sommes réellement capables d’atteindre le niveau d’adaptation requis pour relever efficacement les défis que poseront certainement l’environnement de sécurité de l’avenir et les environnements opérationnels. Le changement technologique est et continuera d’être le facteur le plus dynamique qui influencera l’environnement de sécurité de l’avenir. Les forces de la mondialisation et de la commercialisation de la science et de la technologie donnent aux ennemis actuels et futurs un accès facile à des technologies avancées ainsi que les connaissances et l’expertise requises pour les exploiter28. Il existe une multitude de technologies en évolution dont les avancées sont stimulées par les communautés commerciales, mondiales, scientifiques et techniques. Les sociétés humaines ne se mobilisent pas pour se battre à mains nues; elles préfèrent accroître leurs capacités humaines naturelles avec des technologies. Ainsi, elles augmentent leur portée, leur pouvoir de destruction et leurs chances de réussite. Même si la guerre demeure fondamentalement une activité spécifiquement humaine, la conduite de la guerre est indubitablement une activité humaine et technologique. 28.Ruth A. David, Avoiding Surprise in an Era of Global Technology Advances, Committee on Defense Intelligence Agency Technology Forecasts and Reviews, National Research Council, THE NATIONAL ACADEMIES PRESS, 500 Fifth Street, N.W. Washington, DC 20001. RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 97 RISQUE Ce manuel vise à se préparer à affronter un avenir incertain. Étant donné que les tendances décrites et les extrapolations faites seront certainement imprécises, toutes conclusions et déductions particulières fondées sur ces prévisions seront aussi imprécises. Par conséquent, le message clé est que l’Armée de terre doit élaborer des forces adaptables et viables, mais surtout favoriser une culture de souplesse tout en créant et en protégeant les moyens institutionnels d’apporter des changements. CONCLUSION Le monde entre dans une période de changement perpétuel et intense, ainsi que d’instabilité accrue; le Canada, les Forces canadiennes et l’Armée de terre devront donc faire face à d’importants défis dans cet environnement afin de défendre le Canada, les Canadiens et les intérêts canadiens. Pour être efficace dans l’environnement de sécurité de l’avenir, l’Armée de terre de demain devra évoluer plus rapidement et plus profondément que jamais par le passé, hors des situations de guerre. Ces changements toucheront tous les aspects de l’institution; cependant, aucun de ces changements ne sera plus important ou plus difficile à faire que celui du capital intellectuel et social de l’Armée de terre. Mais le changement est incontournable. La communication de ce besoin pressant de changements et la conduite de l’Armée de terre à travers les changements nécessaires pour parvenir à l’Armée de terre de demain exigeront une vision globale, un plan cohérent et stable, et un leadership fort. 98 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES GLOSSAIRE Lors de la rédaction du présent document, les définitions abrégées suivantes liées au développement des capacités ont été utilisées. Capacité. Faculté (pouvoir) d’accomplir quelque chose (composé de personnes, de processus, d’équipement et d’instruction). Fonction. Description de ce que la capacité est censée accomplir (l’objet). Compétences de base (centrales, principales). Fonctions ou groupes de fonctions les plus importantes qui définissent l’objectif fondamental de l’Armée de terre de demain. Organisation ou structure. Regroupement de capacités. Caractéristique ou attribut. Nature et qualités d’une chose. Fondement ou principe. Base ou fondement. Adaptabilité. Faculté d’adapter une capacité ou une organisation à une nouvelle fin. Souplesse. Mesure et rapidité avec lesquelles une capacité ou une organisation peut s’adapter (une mesure de l’efficacité du changement). Agilité. Facilité d’adaptation (un critère d’efficacité du changement). Les fonctions opérationnelles. L’Armée de terre utilise cinq fonctions opérationnelles comme cadre d’élaboration des concepts et de développement des capacités. L’importance des fonctions opérationnelles émane de l’intégration indivisible des capacités et de l’inclusion des plans physique, moral et informationnel. Ces fonctions conservent toute leur viabilité dans un continuum allant du niveau stratégique jusqu’aux soldats : RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 99 >Commandement intègre toutes les fonctions opérationnelles en un concept unique et complet de niveau stratégique, opérationnel ou tactique. Elle est le centre de toutes les activités et intègre toutes les autres fonctions opérationnelles en vue de l’atteinte d’objectifs opérationnels précis. La dimension humaine du commandement continuera d’être primordiale et c’est ainsi que le commandement de mission façonnera une approche axée sur le commandement; >Détection intègre les capteurs et leurs capacités d’analyse en un seul concept. Cette initiative brise le cloisonnement des capteurs et de leurs informations et permet la fusion globale des capteurs et l’analyse des informations de toutes sources au sein d’un système unique. Allant au‑delà de la simple recherche de données ou d’informations, ce concept permet aux commandants d’obtenir une connaissance pertinente en temps opportun; >Action intègre la manœuvre, la puissance de feu et les opérations d’information offensives en vue d’obtenir un effet souhaité et un état final par l’application synchronisée de tout l’éventail des moyens disponibles, aussi bien létaux que non létaux. Ce concept s’applique dans tout le continuum des opérations, des missions nationales et humanitaires jusqu’aux opérations de combat; >Protection assure la protection de la capacité de survie et de la liberté d’action d’une force. La protection est une fonction opérationnelle stratifiée, intégrée et complète qui vise à éviter tout effet de nature physique, morale et informationnelle qui pourrait nuire à la surviabilité ou la liberté d’action des forces amies; >Maintien en puissance intègre le soutien de niveau stratégique, opérationnel et tactique afin de mettre une force sur pied et d’en entretenir les capacités. Il s’agit ici d’un maintien en puissance sur les plans physique et moral, c’estàdire du soutien en termes de matériel et de personnel nécessaire au maintien de la puissance de combat. Tous les niveaux sont intégrés en vue de la réalisation de cet objectif, et un lien est établi entre les activités de combat et la base nationale. 100 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES RESSOURCES 1.Canada. Directorate of Land Strategic Concepts. The Future Security Environment. Kingston: Department of National Defence, 1999. 2.Canada. Directorate of Land Strategic Concepts. Future Army Capabilities. Kingston: Department of National Defence, 2001. 3.Canada. Directorate of Land Strategic Planning. Advancing with Purpose: The Army Strategy. Ottawa: Department of National Defence, 2002. 4.Canada. Directorate of Land Strategic Concepts. Future Force: Concepts for Future Army Capabilities. Kingston: Department of National Defence, 2003. 5.Canada. Directorate of Army Doctrine. Purpose Defined: The Force Employment Concept for the Army. Kingston: Department of National Defence, 2004. 6.American, British, Canadian, Australian and New Zealand Armies Program. Strategic Assessment of the Security Environment. ABCA Report. Washington, 2004. 7.Canada. Directorate of Land Strategic Concepts. Crisis in Zefra. Kingston: Department of National Defence, 2005. 8.American, British, Canadian, Australian and New Zealand Armies Program. ABCA Future Concept 2015–2020. ABCA Report Number 017. Washington, 2006. 9.Canada. Directorate of Land Concepts and Designs. Land Operations 2021, Adaptive dispersed Operations. Kingston: Department of National Defence, 2007 10.C anada. Canada First Defence Strategy. Ottawa: Department of National Defence, 2008. 11.C anada. Directorate of Army Doctrine. B-GL-300-001/FP-001 Land Operations. Kingston: Department of National Defence, 2008. 12.American, British, Canadian, Australian and New Zealand Armies Program. Strategic Assessment of the Security Environment 2008–2030. ABCA Report Number 048. Washington, 2008. 13.C anada. Directorate of Land Strategic Planning. The Army: Advancing with Purpose, 2nd edition. Ottawa: Department of National Defence, 2009. 14.C anada. Directorate of Land Concepts and Designs. Toward Land Operations 2021. Kingston: Department of National Defence, 2009. 15.American, British, Canadian, Australian and New Zealand Armies Program. ABCA Future Concept 2020–2030. ABCA Report Number 088. Washington, 2010. 16.C anada. Directorate of Land Concepts and Designs. Army 2040, First Look. Kingston: Department of National Defence, 2011. 17.C anada. Directorate of Land Concepts and Designs. Crisis in Urlia. Kingston: Department of National Defence, Forthcoming (2011). 18.http://lfdts.kingston.mil.ca/dlcd-dcsft/default_e.asp RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 101 102 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN » 103 104 « CONCEVOIR L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE DE DEMAIN RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES La conception d’une Armée de terre apte à faire face aux incertitudes de l’avenir est tout un défi, qui consiste à équilibrer un grand nombre de facteurs divergents. La présente publication vise à orienter la conception de cette armée de demain en balisant la situation, en décrivant les tendances et en énonçant à grands traits les philosophies, les fondements, les principes et les caractéristiques qui doivent essentiellement inspirer la construction d’une force efficace et viable. Elle servira de guide dans l’examen des facteurs les plus importants dont il faut tenir compte dans la genèse d’une force. Concevoir l’Armée de terre de demain vise un lectorat diversifié. Les dirigeants de l’Armée de terre y trouveront un instantané utile des aspects les plus importants de l’analyse de l’environnement de sécurité de l’avenir et des problèmes urgents de développement de concepts et capacités auxquels fait face l’institution de l’Armée de terre. Les responsables du développement des capacités de l’Armée de terre y percevront une image plus claire et mieux définie des conséquences de l’adoption des orientations énoncées dans la publication Opérations terrestres 2021 — Opérations adaptables et dispersées : Le concept d’emploi de la force de l’Armée de terre canadienne de demain comme concept d’opérations terrestres des Forces canadiennes. Leurs homologues des Forces canadiennes et des nations partenaires en tireront peutêtre des modèles utiles mis au point grâce au processus bien mûri de développement des capacités de l’Armée de terre qui s’appuie sur des recherches rigoureuses. Du point de vue plus général de la communauté militaire, du gouvernement et du public, la présente publication vulgarise jusqu’à un certain point le processus qui préside à la transformation d’idées en capacités pertinentes. RETOUR À LA TABLE DES MATIÈRES
* Your assessment is very important for improving the work of artificial intelligence, which forms the content of this project
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