LE BULLETIN DE L ARMÉE DE TERRE Le journal professionnel de l’Armée de terre du Canada Volume 4, No 4, Hiver 2001 - 2002 ISSN 1712-9753 INCOMPRÉHENSION DE MARS ET DE MINERVE : L’incapacité de l’Armée de terre à définir la doctrine opérationnelle par le lieutenant-colonel Ian Hope, CD L’EXPÉRIENCE DANS LE PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL DES OFFICERS : Un pilier menacé par le colonel Stuart A. Beare, CD OPÉRATION « ANGER » : La victoire canadienne peu connue à Arnhem en 1945 par le capitaine S.F. King, CD L’ESCADRON ANTIBLINDÉS AU NIVEAU DU GROUPE-BRIGADE par le capitaine J.R. McKay UN PROJECTILE DE 105 MM AMÉLIORÉ POUR LES CHARS : Une nécessité par le major L.R. Mader, CD LE CONTINUUM DU LEADERSHIP : Un modèle pour l’avenir par le sergent Arthur Majoor L’INSTRUCTION PRÉALABLE AU DÉPLOIEMENT DANS LE CAS D’OPÉRATIONS DE SOUTIEN DE LA PAIX : Une analyse révisionniste par le capitaine A.J. Vivian LE CHAR : LE MOT TABOU DE L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE par le major Lee J. Hammond, CD Publication trimestrielle Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Le journal professionnel de l’Armée de terre du Canada C e bulletin est une publication officielle du Commandement de la Force terrestre et paraît trimestriellement. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre a pour objet de diffuser de l’information, à tous les membres de l’Armée de terre ainsi qu’aux civils intéressés, et de susciter des échanges sur les idées et concepts de doctrine et d’instruction et sur d’autres questions militaires. Nous acceptons les articles portant sur des sujets tels que le leadership, l’éthique, la technologie et l’histoire militaire. Les débats réfléchis et bien exprimés sont essentiels à la santé intellectuelle de l’Armée de terre et à la production d’une doctrine et de politiques d’instruction valables. Les articles qui favorisent la réflexion ou la discussion sont donc les bienvenus. Les militaires de tous grades ainsi que le personnel d’autres éléments sont invités à soumettre leurs écrits. Les opinions exprimées dans ce Bulletin n’engagent que l’auteur concerné. Elles ne représentent pas une politique ministérielle ou des Forces canadiennes et elles ne confèrent à personne l’autorité d’agir dans quelque domaine que ce soit. Tous les articles qui y sont publiés demeurent la propriété du ministère de la Défense nationale et peuvent être reproduits sur autorisation écrite du rédacteur en chef. P R É S E N TAT I O N D E S A RT I C L E S DIFFUSION ET COPIES ÉLECTRONIQUES Les articles de toute longueur, idéalement entre 3 000 à 6 000 mots seront considérés pour publication. Les articles peuvent être soumis dans l’une ou l’autre des deux langues officielles. L’usage et l’orthographe des mots doivent être conformes aux dispositions des manuels suivants : The Canadian Style: A Guide to Writing and Editing (Travaux publics et Services gouvernementaux du Canada, 1997), Le guide du rédacteur, Bureau de la traduction (TPSGC, 1996) qui sont tous les deux disponibles sur www.pwgsc.gc.ca/ termium ou en bibliothèque ou en librairie; et The Concise Oxford Dictionary ou Le Petit Robert. Tout document de référence, tableau, graphique ou image, doit être fourni par l’auteur et ne doit pas être intégré au corps du texte mais placé à part. Les articles doivent comprendre des notes de fin de document. Les contributeurs doivent inclure une brève notice biographique énonçant leur titres de scolarité, leur cheminement militaire, les cours dignes de mention qu’ils ont suivis et le poste qu’ils occupent actuellement. Les articles peuvent être soumis par courriel ou par courrier postal (avec copie sur disquette). Les articles seront revus par un comité de rédaction et les collaborateurs seront informés par le rédacteur en chef de l’étape où en est leur article dans le processus décisionnel. Le rédacteur en chef se réserve le droit de corriger le style et la grammaire des manuscrits et mais n’y apportera pas de changement majeur sans consulter l’auteur. Le Bulletin est diffusé à toute l’Armée de terre ainsi qu’à certains éléments du QGDN, du Commandement maritime, du Commandement aérien, du SREIFC et de l’OSID. Des exemplaires sont également acheminés à des organismes liés à la défense, à des armées alliées et à certains membres choisis du grand public et du milieu universitaire. Pour obtenir des renseignements en ce qui concerne la diffusion, prière de s’adresser au rédacteur en chef. Vous trouverez une version électronique du Bulletin au www.army.dnd.ca/ael/. P R É S E N TAT I O N D ’ A RT I C L E S P O U R L A « TRIBUNE LIBRE » Les articles pour la « Tribune libre » ne doivent pas dépasser 1 000 mots et peuvent être soumis n’importe quand. Nous nous efforcerons de les publier le plus tôt possible. Les commentaires au sujet d’articles devraient être soumis aussi tôt que possible après la publication de l’article. D AT E S D E T O M B É E Veuillez communiquer avec le rédacteur en chef pour confirmer les dates de tombée. Printemps : Été : Automne : Hiver : avant le 15 septembre avant le 15 décembre avant le 31 mars avant le 30 juin CORRESPONDANCE Tous les articles ou commentaires doivent être envoyés au rédacteur en chef, le major John R. Grodzinski : Rédacteur en chef Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Système de la doctrine et de l’instruction de la Force terrestre CP 17 000, succ. Forces Kingston ON K7K 7B4 Tél. : (613) 541-5010, poste 4874 Téléc. : (613) 541-4478 Courriel Internet : [email protected] R É V I S I O N E T M I S E E N PA G E S Le Bureau de publications de l’Armée de terre, Système de la doctrine et de l’instruction de la Force terrestre, est responsable de la révision de chaque article. Révision – anglais : Le lieutenant de vaisseau Brian Lawrie-Munro, Mme Sandra Hanisch, Mme Karen Johnstone, M. Greg Taylor Révision – français et anglais : M. Gilles Langlois, M. Geoffrey Meyer Révision – français : Mme Thérèse Lessard, Mme Melissa Martin Services de mise en pages et de correction d’épreuves par le Centre de production du matériel d’instruction des FC (204) 833-2500, poste 5356 ISSN 1480-9826 Convention de publication no 1882732 Table des matières COLLABORATION SPÉCIALE : SOLDAT ET ÉRUDIT - DEUX ÉLÉMENTS INCONCILIABLES? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 par le lieutenant-colonel Bernd Horn, CD MOT DU RÉDACTEUR EN CHEF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .9 MISE À JOUR DE LA DIRECTION DE L’INSTRUCTION DE L’ARMÉE DE TERRE . . . . . .11 INCOMPRÉHENSION DE MARS ET DE MINERVE : L’INCAPACITÉ DE L’ARMÉE DE TERRE À DÉFINIR LA DOCTRINE OPÉRATIONNELLE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19 par le lieutenant-colonel Ian Hope, CD L’EXPÉRIENCE DANS LE PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL DES OFFICERS : UN PILIER MENACÉ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .41 par le colonel Stuart A. Beare, CD OPÉRATION « ANGER » : LA VICTORIE CANADIENNE PEU CONNUE À ARNHEM EN 1945 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .56 par le capitaine S.F. King, CD L’ESCADRON ANTIBLINDÉS AU NIVEAU DU GROUPE-BRIGADE . . . . . . . . . . . . . . . . . .61 par le capitaine J.R. McKay UN PROJECTILE DE 105 MM AMÉLIORÉ POUR LES CHARS : UNE NÉCESSITÉ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .66 par le major L.R. Mader, CD LE CONTINUUM DU LEADERSHIP : UN MODÈLE POUR L’AVENIR . . . . . . . . . . . . . . . . .71 par le sergent Arthur Majoor L’INSTRUCTION PRÉALABLE AU DÉPLOIEMENT DANS LE CAS D’OPÉRATIONS DE SOUTIEN DE LA PAIX : UNE ANALYSE RÉVISIONNISTE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .79 par le capitaine A.J. Vivian Table des matières LE CHAR : LE MOT TABOU DE L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE . . . . . . . . . . . . . . . .84 par le major Lee J. Hammond, CD PROBLÈMES TACTIQUES : « CHOIX DE L’OBJECTIF » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .94 par Tacite TRIBUNE LIBRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .95 CRITIQUES DE LIVRES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .99 Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 i Épisodes de notre histoire… Cavaliers, souvenez-vous! Un soldat du Corps de cavalerie. Cette unité, qui a existé du mois de mai 1759 jusqu’au mois de Un soldat du South septembre 1760, était constituée de 200 volontaires canadiens et cinq officiers français. Le Corps de cavalerie a été la première unité à cheval formée au Canada. (gracieuseté de la Direction – Histoire et Épisodes de notre histoire patrimoine) ii Alberta Regiment en Un cavalier des tenue d’hiver d’homme Un pilote de la Canadian Light d’équipage, vers 1944. « Bubble Troop » ou Dragoons en 1813. Cette (gracieuseté de la de la troupe aérienne unité a été formée dans Direction – Histoire et de l’Escadron de la région de Montréal patrimoine) reconnaissance qui a en avril 1813 et existé de 1962 démantelée en mai jusqu’aux environs de 1815. En 1813, elle a 1970. Les équipage participé à plusieurs des hélicoptères opérations, plus CH-112 Nomad précisément, à celles de étaient composés Beaver Dams, de d’officiers et de Schlosser, de Black Rock sergents du corps et de Moraviantown. blindé. (gracieuseté (gracieuseté de la de la Direction – Direction – Histoire et Histoire et patrimoine) patrimoine) Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Concours de rédaction d’essais sur la conduite de la guerre du Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre de 2001 Concours de rédaction d’essais sur la conduite de la guerre du Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre de 2001 Deux prix seront remis aux auteurs des deux meilleurs articles. Premier prix : Deuxième prix : 250 $ en argent Certificat de 100 $ remis par Vanwell Publications, le plus grand fournisseur d’ouvrages militaires du Canada e concours est ouvert à tout le personnel de l’Armée de terre en service dans l’ensemble des Forces canadiennes. Les essais doivent être rédigés sous forme d’argumentations convaincantes sur la tactique, la doctrine, l’instruction, la structure des forces, l’étude et le développement des méthodes de combat, les opérations, l’histoire ou d’autres questions reliées à la Force terrestre. C Modalités d’inscription : Les essais doivent être originaux et n’avoir jamais été soumis ou publiés ailleurs auparavant. Ils doivent compter entre 2000 et 4000 mots. Les textes doivent être présentés en version imprimée à double interligne de même que sur une disquette compatible IBM. Un nom de guerre devra remplacer le nom de l’auteur sur la page de titre. Le véritable nom de l’auteur, ses coordonnées et une brève notice biographique (niveau de scolarité, principaux cours et emplois, et poste actuel) doivent être fournis dans une enveloppe scellée à l’extérieur de laquelle le nom de guerre sera clairement inscrit. Évaluation : Tous les textes soumis seront revus par un comité composé du commandant du Collège de commandement et d’état-major de la Force terrestre canadienne, des représentants de la Direction de la doctrine de l’Armée de terre et de la Direction de l’instruction de l’Armée de terre ainsi que d’un membre du personnel enseignant du Collège militaire royal du Canada, le rédacteur en chef servant de secrétaire. Les noms des gagnants seront annoncés en janvier 2002 et leurs textes seront publiés dans le numéro du printemps 2002 du Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre. Date limite : Les essais doivent avoir été expédiés le ou avant le 31 décembre 2001, le cachet de la poste faisant foi. Pour obtenir plus de renseignements ou pour vous inscrire, communiquez avec : Le major John R. Grodzinski Rédacteur en chef Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre C. P. 17000 succ Forces Kingston ON K7K 7B4 Téléphone : (613) 541-5010, Courriel : [email protected] poste 4874 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre remercie Vanwell Publications d’avoir rendu le concours possible et de leur soutien constant des activités parrainées par le Bulletin. Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 1 Évidemment, nous avons eu un trop bel été… Errata pour le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre, Vol. 4, No 3, Automne 2001 A près avoir reçu le numéro de l’automne 2001 du Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre, Vol. 4, No 3 de l’imprimeur, le rédacteur en chef s’est aperçu que plusieurs erreurs éditoriales s’y étaient glissées au cours de la révision. Nous voudrions profiter de cette occasion pour les rectifier. L’article de Lee Windsor, « Le professionnalisme dans le feu de l’action : Mise en application de l’Accord de Medak par le Canada, Croatie 1993 » (p. 22-30) est une réimpression de l’article qui a paru originalement dans le Canadian Militar y Histor y, Vol. 9, No 3, Été 2000. Nous nous excusons auprès du personnel de la rédaction du Canadian Militar y Histor y pour ne pas l’avoir reconnu de nous avoir donné la permission de réimprimer l’article de monsieur Windsor. La note biographique pour le brigadier-général Nordick à la fin de son article, « Combat dans les zones bâties : Nous pouvous le faire, alors faisons-le » (p. 31-35), mentionne qu’il a commandé le 1er Groupe-brigade mécanisé du Canada entre 1991 et 2001. Bien que le général Nordick ait bien voulu avoir commandé la brigade pour une décennie, son mandat était en fait de 1999 à 2001. Le titre de l’article du professeur Rob Citino, « Die Gedanken sind frei » (p. 51-59) contenait une erreur typographique, sur la couverture et à la Table des matières (p. i) du Bulletin. Sind s’est transformé, on ne sait trop comment, en sid. Dans le même article, les légendes de la p. 53 et de la p. 57 furent interverties. Nous présentons nos excuses à l’auteur pour ces négligences. L’article du lieutenant-colonel (ret.) Jarymowycz, « Doctrine : un bref commentaire », contenait deux erreurs. Les légendes des pages 66 et 68 furent interverties et un appel de note à la page 69 fut ajouté à la note biographique, en erreur. Encore une fois, nous présentons nos excuses à l’auteur pour ces erreurs. Errata Nous aimerions remercier les lecteurs du Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre qui nous ont aussi fait remarquer ces erreurs. 2 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Collaboration spéciale: Soldat et érudit - Deux éléments inconciliables? La guerre étant une science si obscure et si imparfaite, sa seule raison d’être et sa seule assise ne peuvent être que les coutumes et les préjugés renforcés par l’ignorance. — Maréchal de France, Herman Maurice, comte de Saxe L’ esprit militaire classique est conservateur, fonctionnel et sceptique. Par-dessus tout, il se sert de l’expérience comme filtre pour déterminer ce qui est possible, ce qui est utile et, même, ce qui est vrai et réel. En termes simples, l’expérience est empirique et concrète; des décisions sont prises, des actions ont lieu et les résultats de ces décisions et de ces actions sont visibles, voire perceptibles. L’expérience contribue à la confiance et favorise la compétence, tant individuelle que collective. En fait, la culture militaire vénère et reconnaît avec raison l’expérience individuelle. Les rubans de campagne, les insignes de qualification et de spécialité ainsi que les médailles d’ancienneté prouvent instantanément l’expérience de la personne qui les arbore et, plus souvent qu’autrement, ces éléments confèrent à celle-ci un certain degré de crédibilité. Il ne s’agit pas de dénigrer ou de dévaloriser l’expérience, car l’observation des faits ou des événements de même que les connaissances et(ou) les habiletés découlant de cette observation sont de puissants outils pédagogiques. Pour les officiers et les soldats, l’expérience est reconnue comme un moyen crucial de perfectionnement. En cas de crise, toute personne rationnelle préférerait être dirigée par (ou faire équipe avec) quelqu’un d’expérimenté ou quelqu’un qui a vécu une situation similaire. Toutefois, comme l’Armée de terre était Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 obnubilée par l’expérience au point d’en faire l’outil de perfectionnement préféré sinon exclusif, il s’est développé et perpétué une attitude qui, historiquement, a éloigné les officiers et les soldats de tout ce qui avait trait à l’intellectualisme et à l’érudition. Il n’est certainement pas exceptionnel d’affirmer que jusqu’à tout récemment au moins, les militaires étaient largement et typiquement hostiles aux intellectuels. Dans ce contexte, nous posons la question qui constitue le titre de cet éditorial. Un soldat peut-il aussi être un érudit? Du point de vue des Forces canadiennes (FC) et, plus particulièrement, de l’Armée de terre, cette question est intéressante. La tumultueuse décennie des années 1990 a fait éclater, à bien des égards, les FC et l’Armée de terre. Dans leur ensemble, les FC ont perdu la confiance du public et du gouvernement à la suite d’une série de scandales ayant mis en lumière un manque apparent de déontologie et de leadership ainsi qu’une incapacité à s’adapter ou à faire face aux changements touchant la société et le milieu militaire. Cette consternante situation a entraîné une analyse en profondeur des FC. Cette analyse n’a pas été confiée à des militaires, mais bien à une commission d’enquête composée d’érudits et d’universitaires. Un point ayant fait maintes fois l’objet de Un soldat peut-il aussi être un érudit? critiques fut l’absence de rigueur intellectuelle et le manque de formation supérieure des membres du corps des officiers. Pareille critique n’aurait pas dû causer de surprise. Les études supérieures n’ont jamais été un préalable pour devenir officier au sein des FC ou de l’Armée de terre, surtout pendant la guerre froide. La réflexion pure et l’étude de l’histoire, bien moins importantes que dans le cas des arts libéraux, étaient des activités jugées suspectes et, à vrai dire, peu appropriées pour un soldat. En termes simples, l’érudition ne pouvait être associée à un véritable guerrier. Cette attitude était solidement ancrée dans la culture de l’Armée de terre, voire des FC. Honnêtement, il faut aussi reconnaître que cette critique vaut aussi pour la plupart des autres armées. Dans son ouvrage précurseur intitulé On the Psychology of Militar y Incompetence, Norman Dixon écrit : Que les lacunes intellectuelles soient ou non à la base de beaucoup de cas d’incompétence dans l’armée, il reste que les militaires sont reconnus comme étant anti-intellectuels. Même s’il existe des causes bien plus profondes à ces lacunes des militaires que la simple ignorance ou la lenteur d’esprit, ce culte n’a certes pas eu d’effet positif. Le fait, qu’entre les guerres, des généraux et des amiraux dénigraient les penseurs progressifs et déversaient leur fiel sur les auteurs de livres critiquant des pratiques établies a sûrement provoqué la mise en veilleuse toute réflexion progressiste et a incité les gens intelligents à ne pas embrasser la carrière militaire. Comme Robert McNamara le faisait remarquer : « Les cerveaux sont comme des cœurs; ils vont là où ils sont appréciés »1. Néanmoins, comme mentionné précédemment, l’anti-intellectualisme était endémique au sein des FC. Il est bien connu que la culture est liée à ce que l’on apprécie, à ce que l’on 3 Collaboration spéciale : Soldat et érudit - Deux éléments inconciliables? par le lieutenant-colonel Bernd Horn, CD Commandant, 1er Bataillon, The Royal Canadian Regiment contrôle et à ce que l’on récompense. À leur tour, les valeurs culturelles déterminent ce que nous sommes ainsi que ce qui est acceptable en matière de pensée et de comportement. Donc, l’anti-intellectualisme qui était nettement présent constituait le gouffre profond séparant le soldat et l’érudit. Ancien chef d’état-major de la Défense (CEMD), le général Maurice Baril, mentionnait ce qui suit : Le lieutenant-colonel Bernd Horn, CD Au cours des vingt-cinq dernières années, nous nous sommes concentrés presque exclusivement sur le volet pratique. En ce qui concerne la formation des officiers, par exemple, les officiers n’ont eu que peu d’occasions ou d’encouragements pour entreprendre des études académiques. Il était généralement reconnu que consacrer du temps aux études supérieures ne pouvait que nuire à sa carrière2. De nouveau, il ne s’agit pas là d’une grande révélation. L’attitude était courante et évidente et elle était parfaitement visible (et audible) dans toute l’Armée de terre. Les doués (ceux qui présentent un grand potentiel professionnel et qui sont destinés à gravir les plus hauts échelons de la hiérarchie) n’étaient normalement pas affectés aux écoles et ne disposaient pas de temps pour obtenir un diplôme universitaire supérieur ou un baccalauréat. Ceux qui désiraient poursuivre des études supérieures devaient le faire seuls et cela était souvent considéré comme suspect et leur loyauté était mise en doute. Les études supérieures étaient considérées comme une activité intéressée et une étape vers le « côté obscur », soit la vie civile. Il n’est pas surprenant de constater que d’entreprendre des études supérieures mettait un frein à la carrière. Paradoxalement, les rares bourses d’études supérieures disponibles étaient accordées à des personnes se trouvant au bas de la liste des candidats par ordre de mérite et, souvent, à des gens qui arrivaient en fin de carrière. Plutôt que de servir à former les futurs chefs et à améliorer ainsi le commandement au sein des FC, ces bourses étaient des prix de consolation décernés à des militaires de carrière qui n’avaient pu décrocher de grades élevés. Les études supérieures 4 étaient un effort visant à étoffer un CV et à préparer la seconde carrière. Le seul autre motif accepté, pour les études supérieures, était la nécessité de combler un besoin particulier. En 1988, le lieutenant-général R.J. Evraire écrivait que la formation supérieure n’avait pas pour but de développer les connaissances des officiers, mais qu’il s’agissait plutôt d’une activité axée sur les tâches visant l’acquisition d’habiletés pour lesquelles il y avait un besoin évident et immédiat, particulièrement dans les domaines techniques3 . L’attitude anti-intellectuelle ne se limitait pas au cas des études supérieures. Révélateur aussi était le manque d’ouverture face aux idées nouvelles, face à la critique ou à l’autocritique. Le conformisme et la loyauté passaient bien avant l’intellect et l’esprit critique. Du point de vue de la carrière, il n’était pas souhaitable de mettre en doute les croyances en vigueur et de vouloir accélérer les changements. L’innovation pouvait être applaudie, mais le conformisme était constamment récompensé. remarquablement mal formé les membres du corps des officiers et qu’il s’agit sûrement de l’un des pires du monde occidental ». Il soulignait que 53,29 % des officiers seulement possédaient un diplôme universitaire et qu’une maigre proportion de 6,79 % détenaient des diplômes universitaires supérieurs, surtout dans des disciplines techniques5 . Le professeur Albert Legault était tout aussi cinglant et affirmait que « le niveau de formation, au sein des Forces canadiennes, laissait particulièrement à désirer pour un pays démocratique qui se targue d’être un modèle et un exemple pour le monde occidental »6. Ancien officier maintenant historien militaire, Desmond Morton, autre consultant choisi par le MDN, affirmait « qu’au moment où un Canadien sur cinq détient un tel diplôme (baccalauréat) ou un diplôme équivalent, on ne peut parler d’élitisme lorsqu’on exige pareil diplôme pour obtenir une commission au sein des Forces canadiennes. Aucune profession digne de ce nom ne saurait être moins exigeante7 . » Les rapports d’appréciation du rendement (RAR) annuels rappelaient chaque année en quoi consistait la culture approuvée4 . La formation n’avait que peu de poids car elle n’était pas considérée comme un élément important chez un militaire. La réussite du cours de Ranger (sans vouloir dénigrer la valeur de ce cours du point de vue de la formation tactique ou de l’endurance personnelle) était plus efficace pour l’avancement d’un militaire que l’obtention d’un diplôme universitaire (ou le cheminement vers un diplôme). De plus, au moment d’évaluer les qualités personnelles et lorsque les restrictions interdisaient des notes élevées pour toutes les qualités, l’intellect était souvent sacrifié au profit d’autres qualités censément plus importantes, comme la loyauté et le comportement. Mais alors, pourquoi les chiffres auraient-ils dû être supérieurs? Comme indiqué auparavant, il y avait au sein des FC une forte croyance selon laquelle les soldats ne pouvaient pas et, franchement, ne devaient pas, être des érudits. Alors que beaucoup de chefs supérieurs avaient obtenu leur grade et leur poste sans détenir de diplôme universitaire, pourquoi ceux-ci devraient-ils insister sur cette exigence, exigence qui pouvait être interprétée comme une lacune dans leur cas personnel et qui, apparemment, ne les avait pas empêchés de réussir? Mais cette attitude découlait d’une ignorance totale de l’importance de la formation au sein de l’armée. En outre, la distinction entre l’instruction et la formation est mal comprise. L’accent traditionnel sur l’instruction, « une réaction prévisible face à une situation prévisible », était souvent mal interprété, ou l’instruction était confondue avec la formation qui, selon le professeur Ron Haycock, se définit comme « une réponse raisonnée à une situation imprévisible – un esprit critique face à l’inconnu »8 . Du fait de l’excellence de l’instruction au sein des FC, on semblait croire que les besoins S’il devait encore y avoir un doute à propos de l’anti-intellectualisme culturel des FC, il suffit de jeter un regard sur la composition de son corps des officiers. En mars 1997, Jack Granatstein, historien militaire canadien renommé, indiquait au ministre de la Défense nationale (MDN) que « les FC ont Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre lumière des diverses crises qui ont secoué les FC au cours de la dernière décennie. Paradoxalement, l’importance de la formation au sein de l’armée a été reconnue dès 1969 par le CEMD d’alors, Jean Victor Allard, qui écrivait : « Il importe peu que les Forces disposent de leurs effectifs et de La formation facilite le raisonnement qui, à son tour, est essentiel pour faire face à l’imprévu. déjà été) suffisante pour doter les chefs d’outils voulus pour faire face aux défis du monde moderne. Simplement, comme l’explique le major David Last, professeur de sciences politiques au Collège militaire royal du Canada (CMR), « la formation consiste à façonner l’esprit »9 . La formation facilite le raisonnement qui, à son tour, est essentiel pour faire face à l’imprévu. Cet élément est crucial pour les soldats, les sous-officiers supérieurs, les adjudants et, particulièrement, les officiers. Tout aussi importante est la capacité de positionner le but ultime des FC et de ses opérations dans un contexte plus vaste. Ni les FC ni l’Armée de terre ni les éléments qui la composent n’existent par et pour euxmêmes. Comme le soutient le major Last, les officiers de carrière sont des gestionnaires de la violence. Il ajoute ce qui suit : Leur formation doit leur permettre de comprendre. La violence a toujours fait partie des conditions humaines que nous appelons guerre, conflit et paix. Dans le monde complexe d’aujourd’hui et de demain, notre connaissance de ces conditions doit être plus poussée qu’auparavant. Cela est plus important que la technologie, la doctrine et la stratégie car tout est subordonné au but. Il n’y a pas de but sans connaissances. Les connaissances de l’officier doivent équivaloir à celles de la société, sinon il ne peut la servir10. Au sein de l’armée et particulièrement dans le monde post-moderne, l’importance de la formation devrait être l’évidence même, surtout à la Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 leur budget actuels ou de la moitié d’entre eux ou du double; sans un corps des officiers bien formé et bien entraîné, les Forces sont condamnées au mieux à la médiocrité et au pire, au désastre 11. » De toute évidence, la formation axée sur l’esprit critique, la résolution de problèmes et la recherche analytique préparent mieux les gens à faire face aux situations et problèmes imprévus. La formation aide à accepter le changement, mais aussi à s’y adapter et à l’anticiper. Plus important encore, elle confère aux gens l’attitude et l’aptitude voulues pour apprendre constamment de son environnement et pour se préparer et réagir correctement. Le réputé historien militaire britannique Sir Michael Howard écrivait ce qui suit : ... les études peuvent fournir les connaissances, l’intuition et les habiletés analytiques qui constituent la base requise pour une discussion pondérée d’abord, puis pour l’action. Elles constituent un forum et génèrent les qualités qui permettent à l’étudiant, à l’enseignant, au politicien, au fonctionnaire, au philosophe tout comme au soldat de bien connaître les problèmes auxquels tous font face, même s’il est inévitable que les solutions soient la cause de divergences. Le dialogue est la pierre d’assise de la civilisation; sans lui, les sociétés disparaissent12. De la même façon, plus près de chez nous, le directeur du CMR, le John Cowan, Ph.D., insistait sur la nécessité de la formation des militaires lors d’une allocation prononcée dans le cadre d’une cérémonie de remise de diplômes : Aujourd’hui, alors qu’un jeune officier peut être appelé à devenir un chef compétent, un expert technique, un diplomate, un guerrier et même un interprète et un expert en matière d’aide, nul doute qu’une bonne instruction est loin de suffire. Les habiletés sont également insuffisantes. Pareilles tâches exigent du jugement, ce sous-produit de la formation, cette chose qui demeure quand les souvenirs se sont envolés ou se sont transformés en opinion; cette chose ne peut être enseignée directement, mais elle doit être apprise. Sans jugement assuré découlant de la formation, il y a un retour vers les réflexes, qui sont parfaits face à des situations connues mais qui sont manifestement inadaptés face à de nouveaux défis13 . Inutile de préciser, comme l’affirme Cowan, qu’il y aura toujours de nouveaux défis. Mais nul n’est conscient de ce qu’il ignore. Par conséquent, une culture générée par l’expérience du 4e Groupebrigade mécanisé du Canada et par la possibilité de devoir repousser des hordes russes surgissant par la Fulda, ne permettait pas de prendre conscience de la valeur, voire de la nécessité, d’une formation supérieure. Cette culture collait bien à la réalité de la guerre froide. L’expérience était le facteur clé d’avancement tandis que la formation supérieure ne signifiait rien. Ce qui importait était la progression passant par une série de postes clés et d’affectations géographiques, surtout en Europe. Un bon rendement lors de ces affectations et à ces postes était jugé suffisant pour permettre d’accéder aux grades et responsabilités supérieurs. Malheureusement, la faible envergure de pensée et une pensée centrée vers l’intérieur n’ont pas permis de constater la faiblesse du modèle accepté. En ellemême, l’expérience est quelque chose de valable et d’irremplaçable, mais elle est aussi limitée par le temps, la géographie et la mémoire. L’expérience d’une personne, surtout si elle est liée à un endroit et à un moment précis, n’englobe pas nécessairement les connaissances ou les habiletés requises 5 Collaboration spéciale : Soldat et érudit - Deux éléments inconciliables? en formation étaient correctement remplis. Toutefois, il manquait quelque chose : la mise en pratique d’idées et de méthodes, ainsi que les drills et les fiches d’évaluation, sont tous des éléments ayant un objet et une utilité bien concrète, mais cette façon de faire n’était plus (en supposant qu’elle l’ait Le lieutenant-colonel Bernd Horn, CD pour qu’une institution puisse progresser. De plus, à partir d’un trou d’obus, d’une tourelle ou d’un poste de commandement, les perspectives sont fort limitées. Les nécessités du service se définissent par elles-mêmes, sans lien avec le contexte sociétal. Par-dessus tout, un système qui fait de l’expérience le seul arbitre de la réalité est inévitablement marqué par l’arrogance humaine et les défauts humains. Au milieu des années 1930, le major Seiberg écrivait : « Nous constatons que jusqu’à maintenant, la guerre civile d’Espagne n’a rien révélé de vraiment nouveau et que les soldats ne jugent aucune expérience valable sauf la leur. En d’autres termes, il serait impossible de répéter les erreurs qui ont mené à l’échec au cours de la Première Guerre mondiale14 . » Plus simplement, ceux qui refusent d’élargir leurs idées sont condamnés à conserver leurs opinions étroites, limitées et dépassées. Dans cette condamnation du perfectionnement professionnel basé presque exclusivement sur l’expérience, le côté véridique s’est imposé au cours des années 1990. Comme l’écrivait le général Baril : « Il est indéniable que les années 1990 furent le témoin du premier véritable test du corps moderne des officiers des FC et tout n’a pas été satisfaisant; l’expérience en soi n’était pas suffisante15 . » Le général a plus tard mentionné « qu’au cours des 10 dernières années […] nous nous sommes constamment trouvés face à l’inconnu. Notre leadership a été mis à l’épreuve dans le cadre d’opérations complexes, ambiguës, à forte teneur politique et, en outre, nous avons dû faire face à des dilemmes d’ordre moral. » Le général Baril a également indiqué « qu’ici, au Canada, nous avons été lents à comprendre et à assimiler les grands changements sociaux découlant de la fin de la guerre froide et, par conséquent, nous n’étions pas prêts à faire face à ces demandes »16 . L’avertissement donné par le général Allard plus de deux décennies auparavant fut ignoré, si bien que sa prédiction s’est réalisée. Cette situation difficile fut parfaitement résumée par le chef d’état-major actuel de la Défense, le lieutenant-général M.K. Jeffery, qui souligna que « le manque de discipline intellectuelle dans le passé nous a mené 6 là où nous en sommes aujourd’hui; si nous ne changeons pas, nous périrons. Plus longtemps nous résisterons, plus ce sera difficile pour d’autres17 . » Ainsi, les choses ont-elles changé parce que les années 1990 ont été mouvementées? Les réformes imposées par le ministre (et qui ont été étudiées avec soin par le comité de surveillance du ministre) ont-elles porté fruit et fournissent-elles les conditions propices à l’élimination de la culture de l’antiintellectualisme au sein des FC? L’écart entre le soldat et l’érudit diminue-t-il? Il est triste de constater que la vieille culture demeure fortement incrustée. Au début, la directive ministérielle précisant que tous les officiers devaient détenir un diplôme universitaire a créé une course éperdue aux titres. Il fallait une reconnaissance académique sanctionnant l’expérience ainsi que l’instruction technique antérieures. Il est permis de se demander ce que les officiers supérieurs diraient si les universitaires du CMR exigeaient un grade équivalant à leur poste sous prétexte qu’ils ont étudié tous les aspects des opérations militaires et de la science militaire, qu’ils ont enseigné ces matières et ont écrit des livres sur elles. En outre, le CMR fut fortement incité à reconnaître les cours existants du collège d’état-major, sans tenir compte de leur manque de rigueur. Il s’agissait purement nouvelle exigence relative aux diplômes universitaires puisqu’il avait obtenu son grade actuel sans posséder de diplôme universitaire et qu’il ne jugeait donc pas cela important. On peut se demander si ce général avait bien compris ce qui s’était passé pendant cette décennie. Plus récemment, un autre brigadier-général soulignait qu’au point où il en était, professionnellement, il préférerait largement disposer d’un tas de subordonnés pleins d’énergie plutôt que bardés de diplômes. Certes, même s’il est facile d’imaginer la frustration ressentie face à un subordonné très intelligent mais bourru et susceptible, la préférence apparente pour un despotisme éclairé ou la croyance voulant que le grade assure une sagesse telle qu’il ne manque que des abrutis pleins d’énergie pour exécuter les directives requises sont autant d’éléments décourageants. Également trouble est le message encore transmis par certains gestionnaires de carrières. Lorsqu’un militaire en était rendu à sa dernière période d’affectation en carrière, il lui était possible d’aller au CMR qui cherchait activement des instructeurs. Dans tous les cas, les personnes retenues étaient impatientes d’enseigner au collège. Il est toutefois surprenant de constater que certaines de ces affectations se sont heurtées à la résistance du personnel du Directeur – Carrières militaires parce que, selon les termes …ceux qui refusent d’élargir leurs idées sont condamnés à conserver leurs opinions étroites, limitées et dépassées. et simplement d’une course contre la montre. Clairement, le message à propos du leadership s’était perdu. La formation et l’expérience ce ne sont pas la même chose. L’une ne remplace pas forcément l’autre. Ces deux éléments se complètent et, avec l’instruction, ils constituent une base solide pour la profession militaire. En ce qui concerne les attitudes ancrées, les messages verbaux transmis par certains officiers généraux furent également inquiétants. Par exemple, à la fin des années 1990, un brigadier-général faisait savoir qu’il n’appuyait pas la d’un gestionnaire de carrières, la carrière de la personne en question « était encore récupérable », mais qu’elle en souffrirait à ce stade, si la personne était affectée au CMR. Heureusement, cette attitude fut rare, du moins ouvertement. Néanmoins, avec raison ou non, le personnel du CMR estime toujours que dans le cadre des conseils de promotion, tout poste d’état-major surpasse un poste d’enseignant à plein temps. Le reliquat de culture militaire n’est pas le seul obstacle empêchant de combler le gouffre entre le soldat et Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Le portrait que je trace de la situation semble bien morne, mais ce n’est pas le cas. Même s’il reste du travail à faire, le vent du changement est présent et il souffle de plus en plus fort. Les changements profonds exigent du temps, des efforts et un engagement constant. Ils sont en cours actuellement. Un signe encourageant est l’effort, entrepris pendant les années 1990 et se poursuivant toujours, visant à faire en sorte que les éléments prometteurs obtiennent un diplôme universitaire de premier cycle ou un diplôme universitaire supérieur. Cet effort permet de sortir de la rhétorique et il constitue un signal clair quant à ce qui est important pour notre leadership. En plus, la réorganisation du curriculum du collège d’état-major, la restructuration du cours d’études militaires avancées (AMSC) et du cours avancé sur la sécurité nationale (NSSC) pour s’assurer que ces programmes sont conformes aux normes et exigences universitaires relatives à leur pleine reconnaissance constituent autant de points positifs importants. Tout aussi important est l’accent mis cette année sur l’effectif du CMR par le Directeur – Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 Carrières militaires; il est évident que le fait de mettre en place des instructeurs qualifiés qui ne sont pas en fin de carrière est un pas décisif dans la bonne direction. Un autre aspect révélateur du changement est la tolérance, aussi difficile soit-elle, face au débat critique et à l’autocritique. Des publications comme Le journal militaire canadien et Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre ainsi qu’une série de livres, Warrior Chiefs et Generalship and the Art of the Admiral, ont été appuyés (et continuent de l’être) par les plus hauts dirigeants du MDN et des FC. Il s’agit là d’humbles débuts, mais qui rapporteront gros. Ces efforts permettront de concrétiser le cri de combat du lieutenant-général (à la retraite) Roméo Dallaire : « Jamais plus dans l’ignorance ». La nouvelle importance accordée à la formation transparaît aussi dans les statistiques. Le bureau de la formation continue du CMR connaît une croissance fulgurante; pendant l’année scolaire 1999/2000, 983 étudiants du premier cycle et 299 étudiants du second cycle y étaient inscrits. Au cours de cette même période, cinq étudiants inscrits aux études supérieures, 146 étudiants inscrits au second cycle et 254 nouveaux étudiants du premier cycle figuraient dans les dossiers de la formation continue. Depuis 1996, 576 étudiants du second cycle et des études supérieures et 2,124 étudiants du premier cycle sont passés par le bureau de la formation continue18 . Mais le plus important est que la nouvelle directive stratégique ministérielle à propos du corps des officiers et du système de développement professionnel des officiers, intitulée L’officier militaire canadien au XXI e siècle (L’officier en 2020), consacre la nécessité de la formation et insiste sur l’obligation d’un esprit critique, du développement intellectuel et de l’évolution de l’environnement d’apprentissage. L’ancien chef d’état-major de la Défense écrivait que « les officiers doivent avoir la bonne attitude pour changer et faire évoluer la profession; la connaissance doit être un ingrédient clé de notre croissance personnelle et de celle de notre profession »19 . Donc, un soldat peut-il aussi être un érudit? Oui, certainement. Les nombreux dogmes de l’érudition — précision, recherche poussée, communications, étendue des connaissances, capacité de replacer les événements dans leur contexte économique, politique et social, aptitude à tirer des conclusions et tenter d’en déduire des thèmes, puis coucher ces thèmes sur papier et les développer de façon que les lecteurs puissent saisir l’argumentation et enrichir leurs connaissances — sont autant d’habiletés nécessaires à un soldat. Ce type d’étude donne aussi accès à l’expérience d’autrui, ce qui est également important. Comme expliqué précédemment, l’expérience est considérée comme irremplaçable et, avec raison, on insiste beaucoup sur cette notion. Toutefois, à cause des restrictions qu’impose la vie quotidienne, l’expérience est souvent limitée dans le temps et dans l’espace. D’un autre côté, l’érudition donne accès à une expérience virtuelle illimitée dans le temps et portant sur une large gamme d’activités et de circonstances. Elle procure aux soldats un répertoire plus étendu de scénarios, de solutions possibles et de contextes dans lequel ils peuvent puiser. Le soldat/l’érudit contribue aussi à la formation en fournissant un élément intangible de compréhension des événements passés. L’engagement du soldat — confusion, désespoir, fatigue, peur et solitude; en quelques mots, les frictions de Clausewitz — expérimenté à tous les niveaux ajoute à la compréhension des événements passés. Ceux qui ont fait l’expérience de ces « frictions » au premier plan peuvent comprendre et, sans doute, interpréter avec plus de précision les événements du passé en puisant à même leur propre expérience. Réciproquement, l’étude du passé et une analyse savante des raisons pour lesquelles les choses se sont mal déroulées peuvent aider le soldat à éviter la répétition d’erreurs car ce dernier tente de contrôler, de corriger ou de gérer un maximum d’anomalies. Au-delà de l’aspect pratique, il y a l’intangible. Cela signifie que des connaissances plus étendues, l’ouverture 7 Collaboration spéciale : Soldat et érudit - Deux éléments inconciliables? l’érudit. Il y a aussi une certaine forme d’hostilité dans le milieu universitaire. Il arrive parfois, sur le campus, que les intellectuels militaires ne soient pas pris au sérieux. Après tout, comment est-il possible de mener de front deux carrières exigeantes? Souvent, un universitaire civil a consacré des décennies à lire, à étudier et à enseigner. Donc, comment un néophyte qui a passé toutes ces années à courir dans les bois peut-il se considérer comme un collègue? De plus, qu’en est-il du dévouement ou du professionnalisme, puisqu’une affectation au CMR ne porte que sur une période de deux ou trois ans? Enfin, il y a toujours une certaine crainte. Si des universitaires militaires commencent à occuper les postes d’enseignement, quelle sécurité d’emploi y a-t-il pour les civils? Un exemple révélateur de cette attitude a été donné lors d’une récente réunion de département; à cette occasion, un nouveau membre militaire de la faculté était accueilli par un civil en ces termes : « Vous êtes maintenant l’un d’entre nous! » Ce à quoi un autre membre civil de la faculté a immédiatement répliqué : « Non; il ne sera jamais l’un des nôtres ». aux opinions et aux idées différentes, la capacité d’accepter les débats et les discussions critiques, le perfectionnement des habiletés analytiques ainsi que le contact avec des écrits et des pensées totalement différents sont autant d’éléments qui favorisent l’ouverture d’esprit et la polyvalence du soldat. Soldat et érudit : deux éléments inconciliables? Absolument pas! Pendant trop longtemps, ces deux éléments sont demeurés à part alors qu’en réalité, ils auraient dû NOTES (Toronto, Institut canadien des études stratégiques, 2000), p. 26. 10. Ibid., p. 9. 11. Ministère de la Défense nationale, « The Report on the Officer Development Board » (Rapport Rowley), Ottawa, mars 1969, p. v. 12. Michael Howard, « The Causes of War » (New York, Harvard University Press, 1984), p. 83. Major-général, l’Honorable W.A. Griesbach indiquait : « Comme les guerres ne peuvent être commandées uniquement pour former les officiers, il s’ensuit qu’au cours de longues périodes de paix, la formation militaire des officiers ne peut provenir que de la lecture et de l’étude. » « Military Study: Notes of a Lecture », Revue canadienne de défense, octobre 1931, p. 19. 13. John Scott Cowan, Ph.D., allocution prononcée dans le cadre d’une cérémonie de remise de diplômes au CMR, 4 octobre 1999, Kingston Ontario. Voir aussi l’ouvrage d’Eliot Cohen et de John Gooch, « Military Misfortunes. The Anatomy of Failure in War » (New York, Vintage Books, 1991), p. 233-237. 14. Major Sieberg, « Char ou antichar? La guerre civile d’Espagne permet-elle de désigner le vainqueur? » Traduction d’un article paru dans la revue Militar-Wochenblatt, numéro du 11 février 1937, Archives nationales, MG 31, G6, vol. 9, Dossier : Articles, documents, discours – U. 15. Baril, p. 140. 16. Canada, « L’officier militaire canadien au XXIe siècle (L’officier en 2020). Orientation stratégique à l’intention du corps des officiers et du système de perfectionnement professionnel des officiers des Forces canadiennes » (Ottawa, MDN, 2001), Avant-propos, p. iii. 17. Lieutenant-général M.K. Jeffery; allocution dans le cadre du cours de commandants d’unité, 2001, 21 juin 2001, Fort Frontenac, Kingston Ontario. 18. Rapport historique annuel du bureau de la formation continue, décembre 2000. 19. Général Maurice Baril, lettre de présentation, « L’officier militaire canadien au XXIe siècle » (L’officier en 2020) Lancement de la mise en œuvre, 2 mai 2001, p. 3. Le lieutenant-colonel Bernd Horn, CD 1. Norman Dixon, On the Psychology of Military Incompetence (Londres, Pimlico, 1994), p. 161. 2. Général Maurice Baril, « Officership: A Personal Reflection » dans « Generalship and the Art of the Admiral », Ed. Bernd Horn et Stephen Harris (St. Catherines, Vanwell Press, 2001), p. 139. 3. Lieutenant-général R.J. Evraire, « General and Senior Officers Professional Development in the Canadian Forces », octobre 1988, p. 75. 4. Toute la question de la nature subjective des Rapports d’appréciation du rendement (RAR) peut être résumée par le commentaire de Lord Palmerston : « Le mérite? L’opinion d’un homme à propos d’un autre. » Voir l’ouvrage de John A. English, « Lament for an Army », (Toronto, Irwin Publishing, 1998), p. 55. Voir aussi l’ouvrage du brigadier-général Ken Hague, « Strategic Thinking General / Flag Officers: The Role of Education » dans « Generalship and the Art of the Admiral », Ed. Bernd Horn et Stephen Harris (St. Catherines, Vanwell Press, 2001), p. 516-517. 5. Jack Granatstein, « A Paper Prepared for the Minister of National Defence by Dr. J.L. Granatstein Canadian Institute of International Affairs », 25 mars 1997, p. 19. 6. Albert Legault, « A Paper Prepared for the Minister of National Defence by Professor Albert Legault Laval University », 25 mars 1997, p. 40. 7. Desmond Morton, « A Paper Prepared for the Minister of National Defence by Desmond Morton McGill Institute for the Study of Canada », 25 mars 1997, p. 23-24. 8. Ronald Haycock, Ph.D., ancien doyen de la faculté des Arts du Collège militaire royal (CMR), « Clio and Mars in Canada: The Need for Military Education », présentation au Canadian Club, Kingston Ontario, 11 novembre 1999. 9. Major David Last, « Educating Officers: Post Modern Professionals to Control and Prevent Violence », dans « Contemporary Issues in Officership: A Canadian Perspective », Éd. Lieutenant-colonel Bernd Horn être fusionnés, ce qui aurait été à l’avantage de l’un comme de l’autre. 8 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Mot du rédacteur en chef La liste d’ouvrages recommandés de l’Armée de terre du Canada par le major John R. Grodzinski, CD Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 Comme on l’explique dans l’avantpropos à la liste, cette dernière a pour objet de : « [procurer] aux membres de la Force terrestre un guide à caractère instructif qui leur permet d’explorer les œuvres relatives à un sujet donné qui conviennent le mieux. La liste n’est pas exhaustive et il n’y a pas non plus de limite à ce que nous lisons; elle est plutôt pour les personnes qui recherchent des connaissances professionnelles un point de départ vers l’acquisition de nouvelles connaissances. J’encourage tous les membres de la Force terrestre à utiliser la liste, à lire les ouvrages qui y figurent et à discuter en long et en large de leur contenu au travail, dans les mess ou dans des revues professionnelles. » Les ouvrages énumérés ne s’adressent à aucun niveau de grade particulier et ne portent sur aucune période de perfectionnement donnée, chose qui serait possible si l’Armée de terre avait une culture littéraire bien enracinée; mais, jusqu’à ce que ce soit le cas, les ouvrages qui figurent sur la liste s’adressent aux militaires tous grades confondus. Un certain nombre de titres devraient être relus au cours de l’avancement dans la profession, car nos perspectives changent lorsque nous avançons en grade et que nous acquérons de l’expérience, et les livres, en les relisant, nous apportent alors un nouvel éclairage. Comme je l’ai mentionné, cette liste n’est pas exhaustive et ne comprend pas d’articles tirés d’autres revues professionnelles3 . Elle complète les listes d’unité ou autres. Comme il s’agit de la liste officielle de l’Armée de terre, les usagers ne peuvent pas la modifier pour ensuite la rediffuser comme étant « la » seule véritable liste. Il n’y a que le chef d’état-major de la Défense qui peut modifier la Liste d’ouvrages recommandés de l’Armée de terre du Canada : Un guide de lectures professionnelles, alors que l’officier d’état-major responsable de cette dernière est le rédacteur en chef du Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre. Les lecteurs peuvent se demander pourquoi certains titres ne figurent pas sur la liste. On a choisi chaque ouvrage en fonction de sa capacité de parfaire les connaissances et la compréhension professionnelles des lecteurs ou d’offrir des perspectives nouvelles et différentes. Lorsqu’il y avait un certain nombre d’éditions d’un même ouvrage, on a choisi la meilleure. Les ouvrages ont également été choisis à même l’ensemble de la documentation dans les catégories données. En un mot, on a séparé le bon grain de l’ivraie. Il s’est également avéré nécessaire de limiter la longueur de la liste pour des raisons pratiques. Au fur et à mesure que de nouveaux documents importants seront publiés ou que d’anciens titres seront redécouverts, la liste sera mise à jour. On ne sait pas encore si cette dernière sera réimprimée sous forme de brochure; toutefois, on publiera annuellement une liste revue et corrigée sur le site Web de la Bibliothèque électronique de l’Armée de terre. Si nécessaire, de plus amples détails seront donnés dans le Bulletin ou par d’autres moyens. On invite donc les lecteurs à faire des suggestions. On leur demande, le cas échéant, de préciser toutes les données bibliographiques des ouvrages proposés, le tout accompagné d’un bref résumé. La liste d’ouvrages recommandés de l’Armée de terre du Canada : Un guide de lectures professionnelles est publiée dans le présent numéro du Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de 9 Mot du rédacteur en chef L e présent numéro du Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre marque une étape importante dans l’autoperfectionnement des professionnels de l’Armée de terre canadienne. La liste d’ouvrages recommandés de l’Armée de terre du Canada : Un guide de lectures professionnelles constitue une première liste du genre publiée à l’intention de l’ensemble de la Force terrestre. Amorcée par une invitation aux lecteurs à proposer des titres dans un numéro précédent du Bulletin1 et élaborée sous la gouverne du Lieutenant-général Mike Jeffery alors qu’il assumait les fonctions d’autorité d’instruction de l’Armée de terre2 , la liste a été établie sur une période de deux ans. Elle comprend des renvois à d’autres listes, y compris celles de la US Army, du US Marine Corps, de l’Armée de la Nouvelle-Zélande, de l’École de l’Infanterie, du Collège de commandement et d’état-major de la Force terrestre canadienne, et à des listes d’ouvrages recommandés dans le cadre de cours universitaires donnés au Collège militaire royal du Canada. Un certain nombre de personnes, à titre de représentantes de plusieurs organismes militaires et d’enseignement ou de leur propre chef, ont suggéré également des ouvrages et fait des commentaires généraux, notamment M. Sean Maloney, Ph.D. (Collège militaire royal du Canada), M. Steve Harris, Ph.D. (Direction – Histoire et patrimoine), le professeur Rob Citino (Université du Michigan), le brigadier-général Marc Lessard (alors commandant du Collège de commandement et d’état-major de la Force terrestre canadienne), le lieutenantcolonel Shane Fisher (alors membre du personnel instructeur du Collège de commandement et d’état-major de la Force terrestre canadienne), le lieutenantcolonel Ian Hope, le capitaine Kristian Gustafson et le capitaine Bob Herold. Nous remercions ces personnes de leur contribution. terre sous forme d’encart. On peut en obtenir des copies additionnelles en s’adressant au rédacteur en chef (dont les coordonnées figurent au verso de la page couverture) ou en visitant le site de la Bibliothèque électronique de l’Armée de terre à l’adresse suivante : www.army.dnd.ca/ael/. Nous espérons que la La liste d’ouvrages recommandés de l’Armée de terre du Canada : Un guide de lectures professionnelles s’avèrera un outil utile et important pour tous les militaires de l’Armée de terre. NOTES 1. « La liste de livres recommandés pour les professionnels de l’Armée de terre », Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre, vol. 2, no 3 (août 1999), p. 6. 2. Jusqu’à l’établissement officielle du Système de la doctrine et de l’instruction de la Force terrestre (SDIFT) en juillet 1999, le majorgénéral Jefferey occupait le poste de commandant de la 1re Division du 10 Canada et celui d’autorité de l’instruction de l’Armée de terre; à ce titre, il devait piloter la planification du perfectionnement professionnel pour le SDIFT. 3. À noter qu’on examine actuellement la possibilité de publier des listes d’articles d’intérêt professionnel. On a déjà publié dans le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre des listes de ce type, mais il a été impossible de continuer à le faire pour des raisons matérielles. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Mise à jour de la Direction de l’instruction de l’Armée de terre A La mission de la Direction – Instruction de l’Armée de terre se résume ainsi : Fournir à la Force terrestre un soutien spécialisé en matière d’instruction professionnelle. La vision de la Direction – Instruction de l’Armée de terre se résume ainsi : Fournir à tous les échelons une instruction de qualité supérieure afin que l’Armée de terre de la force totale puisse respecter ses engagements dans l’ensemble de ses rôles et de ses missions. Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 Organigramme de la DIAT DIRECTEUR DIAT COL JORGENSEN DA DIAT LCOL TARRANT Coordination Perspective Administration DIAT 3 LCOL TATTERSALL DIAT 5 MAJ GAUVIN DIAT 6 LCOL THOMSON Normes individuelles et collectives de préparation opérationnelle Perfectionnement professionnel Gestion et élaboration de l’instruction Le colonel Mike Jorgensen est le directeur de la DIAT depuis l’été, arrivant du Collège de commandement et d’état-major de la Force terrestre canadienne où il était membre du personnel d’instruction. La Direction est organisée en fonction de plusieurs chefs de section et d’un directeur adjoint. Ce dernier, le lieutenantcolonel Tom Tarrant, est chargé de la prospective mais il est actuellement affecté à une mission de maintien de la paix. C’est le lieutenant-colonel John Tattersall, ancien commandant de l’École du génie militaire des Forces canadiennes et responsable de la troisième section de la DIAT depuis l’été, qui cumule ses fonctions. Le major Gauvin dirige la cinquième section, le lieutenant-colonel Mark Thomson, la sixième, et le lieutenant-colonel Peter Haindl, la septième. Le diagramme cidessous illustre l’organisation courante de la DIAT. Depuis sa création, la DIAT a entrepris une vaste gamme de projets. En voici les résultats les plus récents : • Les descriptions des exigences fondamentales des officiers et des militaires du rang (MR) des Forces DIAT 7 LCOL HAINDL Instruction collective canadiennes, et les descriptions des exigences des groupes professionnels militaires (GPM) de l’Armée de terre, ont fait l’objet d’un examen exhaustif, ce qui a permis de réviser en profondeur la plupart des normes de qualification et tout aspect intéressant l’instruction individuelle relative à l’Armée. Ainsi, les militaires de l’Armée seront mieux préparés à faire face à l’avenir. • Une révision en profondeur de l’instruction des officiers de la Réserve pour améliorer le profil de formation a permis de réaliser un juste équilibre entre les normes élevées mais très onéreuses du programme d’intégration à la Réserve – Officiers (PIR O) et les normes minimales de l’ancien système de modules. • Des listes des qualifications de l’unité (LQU) ont été établies pour aider à gérer plus facilement le volume d’instruction que devrait fournir le Système d’information de gestion – Instruction individuelle (SIGII). Ainsi, il est possible de veiller à ce que l’instruction soit fournie uniquement à ceux qui en 11 Mise à jour u moment de la réorganisation et du déménagement du Quartier général du Commandement de la Force terrestre (QG CFT) en 1996, le Centre d’instruction au combat (CIC), à Gagetown, et la Direction – Instruction de l’Armée de terre (DIAT), établie à Kingston, se sont partagé les fonctions de gestion de l’instruction stratégique. Ainsi, le CIC héritait de la gestion des normes d’instruction individuelle relatives aux niveaux de qualification, ainsi que la planification du calendrier des cours et l’inscription. La DIAT se gardait les autres fonctions de gestion de l’instruction stratégique, y compris la politique, les descriptions des exigences militaires fondamentales et professionnelles, les normes individuelles et collectives d’aptitude au combat, et d’autres fonctions connexes. Kingston accueillait l’ensemble des fonctions de gestion de l’instruction collective exécutées auparavant à Montréal. Un an plus tard, les fonctions de gestion de l’instruction collective sont confiées au Directeur – Disponibilité opérationnelle de la Force terrestre (DDOFT), au sein de l’état-major de l’Armée de terre, à Ottawa, et elles sont combinées avec les fonctions de gestion de l’instruction exécutées à l’étranger. En avril 2001, on décide de confier ces fonctions à la DIAT de nouveau afin d’être en mesure de mieux synchroniser les éléments individuels et collectifs de l’instruction. La DIAT participe au Système de la doctrine et de l’instruction de la Force terrestre, établi en l’an 2000. ont besoin et de dégager les ressources pour les affecter aux endroits de plus grande nécessité. • • • De la Direction de l’instruction de l’Armée de terre • Évaluation de l’utilité d’un nouveau cours cyclique. • Élaboration d’une approche propre à l’Armée relativement au téléapprentissage de concert avec le projet du Réseau d’apprentissage de la Défense en vigueur au QGDN, y compris l’élaboration d’une politique de l’Armée sur le téléapprentissage. • Élaboration d’une stratégie d’instruction de l’Armée s’intégrant au CIOAT pour réaliser un équilibre entre l’instruction individuelle et l’instruction collective. L’instauration des normes d’aptitudes au combat a permis de mieux définir l’objet de l’instruction collective ainsi que les critères d’évaluation des compétences individuelles que doivent posséder les militaires de l’Armée en matière de combat. Le manuel clé, intitulé L’instruction de l’Armée de terre du Canada (B-GL 300-008/FP/002), décrivant en détail l’approche et le processus d’instruction de l’Armée, à été publié. Une copie électronique du document figure dans le site du Système de la doctrine et de l’instruction de la Force terrestre (SDIFT) à l’adresse : http://lfdts.army.mil.ca/dat/draftebauche.asp. Le manuel intitulé La sécurité de l’entraînement (B-GL 381001/FP-001) a été publié. Une copie électronique du document figure dans le site du SDIFT à l’adresse : http://lfdts.army.mil.ca/ ael/new-nouveau.asp. La création et la validation du Cadre d’instruction et d’opérations de l’Armée de terre (CIOAT) a été une étape importante versla résolution des difficultés relatives au rythme opérationnel et à la synchronisation de l’instruction individuelle et collective. Voici quelques-uns des projets actuels et des projets d’avenir de la DIAT : • Intégration de l’enseignement portant sur le CIOAT au programme de perfectionnement professionnel des officiers et des MR de l’Armée. • Élaboration de politiques et de programmes relativement : 12 • • au conditionnement physique; • à l’entraînement « Tirer pour vivre », y compris l’intégration et l’évaluation de simulateurs SMART. • des Ressources humaines militaires (SMA [RH-Mil]). • Redresser les normes de qualification et les normes individuelles d’aptitude au combat, au besoin, en fonction de nouvel équipement, de nouvelle doctrine ou des changements effectués aux tâches ou à l’emploi d’un GPM. • Aider le CIC dans le développement de plans d’instruction. • Répondre aux nombreuses demandes provenant du Quartier général de secteur de la force terrestre (QGSFT) et d’autres agences (recrutement et sélection, entre autres) concernant des questions d’instruction individuelle. • Intégrer au programme d’instruction courant des GPM les exigences de perfectionnement professionnel promulguées par la DIAT 5 pour les officiers et les MR. • Veiller à ce que les solutions en matière d’instruction individuelle répondent aux exigences de la Réserve. • Gérer les concours destinés aux militaires de l’Armée et en fournir la politique. • Fournir aux réunions de militaires des divers corps et branches des renseignements sur les questions d’instruction courantes et les développements intéressant les GPM. Transfert vers l’Armée de la gestion de l’instruction de certains métiers d’appui opérationnel. Voici un aperçu des diverses sections de la DIAT. DIAT 3 – NORMES INDIVIDUELLES ET COLLECTIVES DE PRÉPARATION OPÉRATIONNELLE L a section des normes individuelles et collectives de préparation opérationnelle (NICPO), la DIAT 3, s’assure du respect des normes de qualification et de la pertinence des descriptions de spécialité de tous les GPM de l’Armée. Elle est responsable de gérer l’instruction des cours actuels et d’établir des politiques sur l’instruction individuelle des militaires. C’est la plus grande des sections de la DIAT, composée à la fois d’officiers d’état-major et de MR supérieurs représentant les GPM des armes de combat, soit les blindés, l’artillerie, l’infanterie et le génie, ainsi que les GPM de soutien, soit les transmissions, le renseignement, le soutien logistique du combat et l’aviation de l’Armée de terre. Il y a aussi un membre du personnel chargé de la liaison avec le Directeur – Besoins en ressources terrestres (DBRT) relativement aux nouveaux projets et à l’exécution de l’évaluation des besoins de formation à l’égard de ces projets. Les autres responsabilités de la section sont : • Fournir l’apport de l’Armée concernant les descriptions de spécialités militaires retenues au bureau du sous-ministre adjoint D I AT 4 – P R O S P E C T I V E L a section de la prospective (DIAT 4) avait déjà son propre créneau, mais elle sera dorénavant confiée au directeur adjoint lorsque ce dernier reviendra de la Sierra Leone. La section voit au développement et à la mise en œuvre de politiques et de plans conçus pour favoriser la transformation de l’Armée d’aujourd’hui en l’Armée de demain. La DIAT 3 en assume actuellement les responsabilités, y compris les fonctions suivantes : • Développer la stratégie inhérente au CIOAT pour répondre aux exigences opérationnelles de Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Planifier la mise en place du Centre canadien d’entraînement aux manœuvres. • Développer le processus des leçons retenues de l’Armée pour appuyer la mise en œuvre du CIOAT. • Développer, de concert avec le Centre de simulation de l’Armée, une stratégie d’entraînement par simulateur, ce qui implique le développement, l’achat, l’intégration et l’exploitation d’une technologie d’entraînement par simulateur servant à la fois à l’instruction individuelle et à l’instruction collective. • Développer le modèle d’évaluation des risques de l’Armée. • Fournir l’apport en matière d’instruction aux Directives et orientations stratégiques de la Force terrestre (DOSFT). • Intégrer au programme d’instruction de l’Armée le Système d’information de commandement et de contrôle de la Force terrestre (SICCFT). • Planifier l’instruction relative aux étapes trois et quatre du plan de mobilisation. • Veiller à répondre aux besoins de la première Réserve dans l’élaboration de la prospective. • Établir des politiques et des procédures relatives au développement, à la production, à la dissémination et à l’intégration du téléapprentissage. DIAT 5 – PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL Il aurait été difficile dans les deux dernières années au sein de l’Armée ou d’un autre élément des Forces canadiennes de ne pas avoir entendu parler des changements effectués dans le domaine de l’instruction ou de ne pas avoir été influencé par eux. Depuis l’été dernier, les nouvelles recrues et les aspirants officiers de la Force régulière reçoivent leur instruction selon « le nouveau modèle de perfectionnement ». Ainsi, les recrues participent au cours de qualification militaire de base (QMB) et les aspirants officiers, à la période d’instruction élémentaire des officiers (PIEO). Tout au long de l’exposé sur le changement dans le domaine du perfectionnement professionnel, le lecteur est conseillé de se reporter au glossaire des termes nouveaux qui met fin à la description de la section. Le graphique ci-dessous, intitulé Figure 1, résume le processus de la transformation d’un besoin d’instruction en un plan d’instruction. Pour atteindre le but, cependant, on devait laisser intactes les descriptions des exigences militaires tout en facilitant la gestion du programme d’instruction pour permettre à la Réserve d’en faire la mise en œuvre. Cela a mené à l’élaboration d’une classification (Tableau 1) conçue aux fins de gestion. Ainsi, le matériel d’instruction devait être catégorisé en modules dont la taille correspondrait au moins à un objectif de rendement. La norme de qualification et le plan d’instruction sont le mieux adaptés à cette catégorisation. Le but des changements effectués au modèle était de : En janvier et février 2001, des réunions de comités de rédaction composés de réservistes provenant de toutes les régions du pays ont eu lieu à la demande de la DIAT. Chaque comité, selon la norme de qualification qui lui avait été affectée, devait examiner le travail effectué dans la Force régulière et recommander un sous-ensemble d’exigences pour les réservistes, officiers et MR. On stipulait que ces sous-ensembles devaient correspondre aux besoins des réservistes tout en satisfaisant les exigences des FC. « Fournir aux réservistes de l’Armée en service de classe A, officiers ou MR, un parcours de perfectionnement professionnel dans toutes les périodes de perfectionnement. » À ce jour, le Conseil de l’Armée a approuvé la mise en œuvre de seulement deux périodes de perfectionnement (PP1 et PP2) pour les MR de la Réserve. La prestation de la partie du cours de Les changements dans le modèle de perfectionnement professionnel de l’Armée, ainsi que l’effet des changements sur la Réserve de l’Armée, tant à l’échelle des FC qu’à celle de l’Armée, sont décrits dans le présent exposé. On décrira plus tard l’instruction destinée aux professionnels de métiers particuliers. Descriptions des exigences militaires Norme de qualification Fonction Habileté Connaissance Données des forces de campagne Plan d’instruction Résultat Mise à jour • sionnel (DIAT 5) est responsable du développement des nouveaux modèles de perfectionnement professionnel destinés aux officiers et aux MR de l’Armée. L’instruction des réservistes a fait l’objet d’un des changements les plus importants. Voici une description sommaire de la première période de perfectionnement (PP) des officiers, et de la première et la deuxième PP des MR de la Réserve de l’Armée, selon le modèle qui leur est propre. Besoin l’Armée au moyen d’une instruction progressive; le processus figure dans la publication L’instruction de l’Armée de terre du Canada. D ans la foulée des modifications apportées aux descriptions des exigences militaires fondamentales, la section du perfectionnement profes- Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 Figure 1 : Processus d’établissement d’une norme de qualification 13 Instruction essentielle Tâches et connaissances nécessaires au réserviste de l’Armée dans l’exécution de ses fonctions en service de classe A ou dans les opérations domestiques. Les contraintes au chapitre des intrants doivent être considérées dans la détermination de ce qui constitue une instruction essentielle. Instruction supplémentaire Instruction résiduelle Tâches et connaissances non essentielles au service de classe A mais dont certaines composantes peuvent être nécessaires pour l’exécution des fonctions dans le cadre d’une mission à temps plein. Ces composantes feront l’objet d’une instruction (p. ex. « delta » d’instruction) avant l’occupation d’un emploi à temps plein. Tâches et connaissances non comprises dans l’instruction essentielle ou supplémentaire mais qui pourraient être nécessaires au moment du transfert d’un réserviste à la Force régulière. De la Direction de l’instruction de l’Armée de terre Tableau 1 qualification élémentaire en leadership (QEL) donnée en PP2 était prévue pour l’automne 2001, tandis que la prestation de la partie du cours de qualification militaire de base (QMB Rés) donnée en PP1 l’était pour janvier 2002. profession, ils améliorent la connaissance de leur fonction essentielle de combat (FEC) et sont affectés à une fonction secondaire de combat (FSC). Certains obtiennent la qualification élémentaire en leadership (QEL). Autrefois, il fallait 61 jours à une nouvelle recrue pour obtenir deux niveaux de qualification (NQ2 et NQ3). Dans les deux dernières années, cette période a été réduite à 39 jours. Bref, les comités de rédaction sur les normes de qualification ont déterminé que l’instruction de la PP1 consistera en trois modules de 20 jours chacun, soit le cours de QMB Rés, le cours de qualification de soldat de la Réserve (QS Rés) et le cours de groupe professionnel militaire de la Réserve (GPM Rés). Ce n’est qu’après avoir réussi l’ensemble de ces trois modules que la recrue sera considérée comme soldat qualifié. Les candidats choisis en prévision d’une formation au commandement doivent compléter les six modules du cours de la QEL. Reconnue à l’échelle nationale, cette qualification répond aux exigences de tous les éléments. Les modules du cours de la QEL sont les suivants : La flexibilité dans la prestation des cours aux réservistes est d’une importance majeure en raison de l’unique constitution de la Réserve. Bien que le cours de QMB doive être suivi en premier lieu, il est possible de modifier l’ordre de prestation des cours QS Rés et GPM Rés. Il est possible aussi de faire la prestation d’un ou l’autre des cours dans un endroit centralisé ou dans un manège militaire autonome. De plus, on peut disposer de multiples dates de début. Quoi qu’il en soit, normalement tout dépend des ressources disponibles. Les soldats qui réussissent la PP1 sont admis immédiatement à la PP2, période pendant laquelle, selon leur 14 Module 1 – Instruction d’entraînement physique Module 2 – Méthode d’instruction Module 3 – Sécurité du champ de tir Module 4 – Discipline Module 5 – Connaissances militaires générales Module 6 – Compétences techniques d’armée appliquées À l’exception du module 5 qui doit être complété avant le module 6, l’ordre dans lequel les modules sont complétés importe peu. En ce qui concerne les officiers de la Réserve, seule la PP1 a été approuvée et sa mise en œuvre est prévue pour janvier 2002. Dans la Réserve, les aspirants officiers ont toujours été répartis en deux groupes, ceux qui occupent un emploi et les étudiants, et la planification du programme d’instruction tient compte de cette réalité. À la différence des MR, le corps des officiers de la Réserve disposait autrefois de deux voies de formation distinctes menant vers deux classes d’officiers distinctes. Certains officiers de la Réserve qui occupaient un emploi civil étaient contraints de suivre deux semaines de formation, habituellement l’été, pendant six ans. Ainsi, il leur fallait tout ce temps pour se qualifier comme commandant de peloton ou de troupe. Dans l’autre voie, les aspirants officiers s’inscrivaient aux cours de la Force régulière et obtenaient le code de qualification nationale de la Force régulière. Le comité de rédaction sur les normes de qualification des officiers a déterminé que la formation ne devrait pas s’étendre sur plus de trois ans et qu’il fallait enlever l’écart de compétences et de connaissances entre les groupes d’officiers. Toujours selon la perspective de l’instruction essentielle, supplémentaire ou résiduelle, le comité de rédaction sur les normes de qualification des réservistes a établi que la PP1 des officiers de la Réserve comprendrait 90 jours de formation, soit la période d’instruction élémentaire des officiers (PIEO Rés), de 25 jours, la phase commune de l’Armée de terre (PCAT Rés), de 25 jours, et le cours du groupe professionnel militaire (GPM Rés), de 40 jours. À l’instar des MR, seul l’aspirant officier ayant réussi toutes les composantes de la formation sera considéré comme officier qualifié. Selon le temps dont ils disposent, les réservistes peuvent compléter le programme de la PP1 en suivant une série de sessions de deux semaines ou de tout un été. De toute manière, les officiers de la Réserve recevront tous la même formation. Comme dans le programme de formation des MR, dans la mesure du possible, il y a de la flexibilité dans la prestation des cours d’officiers. S’il n’y a pas un nombre suffisant d’aspirants officiers à un endroit, par exemple, le comité de rédaction sur les normes de qualification a déterminé que certains candidats pourraient être autorisés à suivre le cours de QMB Rés en plus d’une session de cinq jours portant sur les qualités attendues d’un officier. Une équivalence à la PIEO Rés serait ensuite conférée. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre GLOSSAIRE Perfectionnement professionnel – éducation permanente, instruction, expérience et autoperfectionnement nécessaires au développement de l’officier ou du MR de la Force régulière ou de la Réserve, à partir du moment de son enrôlement jusqu’à sa retraite ou sa libération. Le programme de perfectionnement se divise en périodes de perfectionnement [PP] : chez les MR, il y a les PP1, PP2, PP3, PP4 et PP5, et chez les officiers, les PP1, PP2, PP3a, PP3b et PP4. Ces périodes sont déterminées en fonction de l’éducation, de l’instruction, de l’expérience et de l’autoperfectionnement nécessaires pour accomplir les tâches énoncées dans les descriptions des exigences militaires fondamentales. Descriptions des exigences militaires – documents de politiques et de normes applicables à l’ensemble des FC et décrivant l’efficacité fonctionnelle générale que doivent manifester les officiers et les MR dans leurs professions respectives, selon les besoins des éléments et la période de perfectionnement en vigueur. Nor me de qualification (NORQUAL) – document décrivant en termes de performance opérationnelle le résultat de l’instruction individuelle et de l’éducation (II&E). Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 Plan d’instruction (PLANIN) – document qui prescrit la façon dont l’établissement d’instruction individuelle et d’éducation (II&E) doit procéder pour respecter la norme de qualification. Fonction secondaire de combat (FSC) – cours sur le métier secondaire du MR ou de l’officier et dans lequel les inscrits augmentent leurs connaissances du métier. Description de spécialité (DS) – document décrivant les exigences d’une profession militaire particulière. DIAT 6 – GESTION ET ÉLABORATION DE L’INSTRUCTION Comité de rédaction – groupe d’experts réunis pour déterminer le contenu d’un cours et les normes de réussite. Qualification militaire de base (Réserve) (QMB Rés) – cours dans lequel les nouvelles recrues sont initiées à la vie militaire et acquièrent les habiletés et les connaissances militaires élémentaires. Qualification de soldat (Réserve) (QS Rés) – cours dans lequel les nouvelles recrues acquièrent la connaissance des fonctions militaires générales mais uniques à leur élément, et y sont initiés, tous les métiers confondus. Code de groupe professionnel militaire (Réser ve) (CGPM Rés) – dénote un cours dans lequel un MR ou un officier acquiert la connaissance et les habiletés nécessaires pour exécuter les fonctions de sa profession. Qualification élémentaire en leadership (QEL) – cours pour les caporaux se destinant au grade de caporal-chef (cplc) en prévision d’une affectation à titre de chef subalterne. Période d’instruction élémentaire des officiers (Réserve) (PIEO Rés) – cours dans lequel les nouveaux aspirants officiers sont initiés à la vie militaire et acquièrent les habiletés et les connaissances militaires élémentaires. Phase commune de l’Armée de terre (Réser ve) (PCAT Rés) – cours dans lequel les nouveaux aspirants officiers acquièrent la connaissance des fonctions militaires générales mais uniques à leur élément, et y sont initié, tous les métiers confondus. Fonction essentielle de combat (FEC) – cours sur le métier principal du MR ou de l’officier et dans lequel les inscrits augmentent leurs connaissances du métier. L’ état-major responsable de la gestion et de l’élaboration de l’instruction (DIAT 6) est en train d’établir deux ordonnances du Commandement de la Force terrestre (OCFT) pour aider l’étatmajor et les instructeurs de l’Armée à effectuer leur travail. La première, l’OCFT 24-8, est destinée aux instructeurs et portesur les politiques et les procédures en matière d’instruction individuelle et d’éducation (II&E). La seconde, l’OCFT 24-20, s’adresse particulièrement à l’étatmajor dans les régions et porte sur les équivalences en matière d’instruction et sur le rétablissement des qualifications. Les OCFT sont décrites plus en détail cidessous. INSTRUCTION INDIVIDUELLE E T É D U C AT I O N - P O L I T I Q U E S ET PROCÉDURES (OCFT 24-8) L’ approche systémique de l’instruction de l’Armée de terre (ASIAT) devrait faciliter la préparation des militaires de l’Armée en vue des opérations. Les Forces canadiennes établissent des directives sur le niveau stratégique, qu’elles énoncent dans diverses consignes et dans la série A-P9050-000/PT des manuels du Système de l’instruction individuelle et de l’éducation des Forces canadiennes (SIIEFC). Néanmoins, il incombe à l’Armée de préciser les politiques et les procédures gouvernant le contrôle de la qualité et de la quantité de toute instruction individuelle et éducation effectuées dans ses rangs. L’OCFT 24-8 établit ces politiques et procédures. L’OCFT 24-8 précise les mécanismes qui permettent de contrôler la qualité et la quantité de l’instruction individuelle et de l’éducation au sein de l’Armée. Elle fournit particulièrement une description du procédé de contrôle de la qualité dans le cadre de l’ASIAT, une description des documents de contrôle à l’appui de l’instruction individuelle et l’éducation et une description des responsabilités des 15 Mise à jour Pendant les mois d’août et de septembre 2001, des représentants de la DIAT ont effectué une visite du pays auprès des états-majors de régions et de brigades, des commandants et des sergents-majors de régiments en vue de présenter un exposé sur le modèle de perfectionnement professionnel des réservistes de l’Armée. Même si l’on s’entendait sur le fait qu’il s’agissait d’un travail en cours, la plupart des participants étaient de l’avis que le programme améliorait sensiblement la position de l’Armée. Le fait que l’instruction des réservistes est fondée sur les exigences essentielles, et que l’on reconnaît les différences entre la Réserve et la Force régulière pour en tenir compte, est considéré par toutes les personnes intéressées comme un avantage certain. De la Direction de l’instruction de l’Armée de terre principaux organismes mandatés d’en faire la prestation. L’ordonnance fournit une politique sur la liaison entre le SDIFT et les principaux organismes d’instruction de l’Armée et des FC. Elle décrit aussi les principaux comités, groupes de travail et rassemblements régissant l’instruction de l’Armée, y compris leurs objectifs et leurs responsabilités. Le Conseil supérieur de révision en matière de perfectionnement professionnel dans l’Armée, le Groupe de travail sur l’instruction individuelle et l’éducation dans l’Armée de terre (GT II et E AT) et la Conférence sur l’instruction individuelle de l’Armée de terre (CIIAT) comptent parmi ces organes. Les normes sont la base du succès de l’instruction. C’est pourquoi l’OCFT 24-8 décrit le rôle et les fonctions de l’officier en chef des normes du Commandement (OCNC), les procédures de visite, le format du rapport de visite et les procédures de l’évaluation des progrès. L’ordonnance décrit aussi les politiques et les procédures de validation, les procédures du contrôle de la quantité, ainsi qu’un système de contrôle de la gestion des documents exploité pour gérer les normes de qualification, les plans d’instruction et d’autres documents d’instruction. Bref, l’OCFT 24-8 a été conçu pour seconder le CEMAT dans sa vision « une armée – une norme ». Elle donne à tous les instructeurs de l’Armée les directives sur les politiques et les procédures en matière d’instruction. leur expérience, si possible en leur octroyant une qualification officielle des FC. L’OCFT 24-20 établit deux procédures, soit l’octroi d’équivalences et le rétablissement de qualifications. L’ordonnance s’adresse à l’état-major de l’Armée, aux secteurs de la Force terrestre et aux unités et donne une directive sur ces procédures. Elle décrit aussi la politique sur les qualifications de conducteur. Dans l’Armée, les demandes d’équivalences relatives aux armes de combat ou aux domaines généraux sont acheminées par l’entremise de la chaîne de commandement à la DIAT, et les demandes relatives aux groupes professionnels de soutien sont acheminées au Groupe du soutien de l’instruction des Forces canadiennes, à Borden. Pour le rétablissement d’une qualification, la politique se résume à ce qui suit : • • POLITIQUES ET PROCÉDURES S U R L E S É Q U I VA L E N C E S E T L E R É TA B L I S S E M E N T D E QUALIFICATIONS (OCFT 24-20) 16 Si l’écart de service est entre trois et cinq ans, les commandants des secteurs de la Force terrestre peuvent autoriser le rétablissement des qualifications de FEC et de leadership. Il incombe aux AG appropriées de rétablir les autres qualifications. D I AT 7 – I N S T R U C T I O N COLLECTIVE L a section responsable de la planification et de la gestion journalières de l’instruction collective (DIAT 7), la plus récente de toutes les sections de la DIAT, a vu le jour le 1er avril 2001. Anciennement le DDOFT 5, la section est située à l’état-major de l’Armée de terre, à Ottawa. Au nom du commandant du SDIFT, elle a pour mission de planifier, de gérer et de coordonner l’instruction collective de l’effectif opérationnel et, dans le cadre d’un commandement interarmées ou combiné, du CEMAT. De façon générale, la section exécute sa mission sur quatre plans : • Instruction collective de l’Armée en fonction des opérations actuelles ou imprévues, telles que l’opération « Eclipse » ou la Force de réaction immédiate (Terre) • Instruction militaire étrangère – particulièrement l’entraînement de l’Armée britannique au Canada. • Planification et gestion de l’instruction collective selon les directives stratégiques sur les opérations et les ressources (DSOR) (Niveau 2) et selon le modèle de financement de la Force terrestre. Planification et gestion de toutes les composantes des munitions d’instruction selon la perspective des opérateurs. • Si l’écart de service est entre cinq et dix ans, il incombe aux AG appropriées de rétablir les qualifications. • • Si l’écart de service est plus de dix ans, aucune qualification d’armée sera rétablie. Néanmoins, le dossier sera acheminé au Groupe de recrutement des Forces canadiennes qui pourrait rétablir la qualification d’instruction élémentaire. Au jour le jour, le personnel de la section gère plusieurs dossiers particuliers qui se rattachent aux quatre plans mentionnés ci-dessus, soit : L es candidats à l’enrôlement dans l’Armée ou les militaires qui effectuent un reclassement (RECL) ou un transfert de catégorie de service (TCS) au sein des FC ont souvent des qualifications et de l’expérience militaires et civiles qui correspondent à leur nouveau choix de carrière ou de métier. De plus, les militaires déjà en poste dans l’Armée continuent d’acquérir des qualifications et de l’expérience à l’extérieur de leur emploi ordinaire dans les FC. C’est pourquoi il faut être en mesure de reconnaître ces individus et de profiter pleinement de leurs qualifications et de Si l’écart de service est moins de trois ans, l’autorité peut rétablir les qualifications de l’Armée et de services de soutien au combat (SSC) de l’Armée. Il incombe aux autorités de gestion (AG)1 appropriées de rétablir les autres qualifications. personnel et de réduire les besoins et les délais en matière de dotation. Le respect de l’ordonnance assure le traitement juste, équitable et en temps opportun de toutes les demandes d’équivalences et de rétablissement de qualifications. L’OCFT 24-20 a été établie pour permettre de profiter des qualifications et de l’expérience acquises par le • Exercices dans le cadre du Partenariat pour la paix • Programme d’aide à l’instruction militaire • Échange entre petites unités Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre • Exercices de souveraineté dans le Grand Nord • Entraînement au Canada des Allemands et des Néerlandais • Demandes relatives aux mouvements transfrontaliers de forces terrestres en provenance ou en partance du Canada ou des États-Unis • Planification, gestion et coordination de l’aérotransport et des demandes d’heures de vol de l’aviation de l’Armée de terre CONCLUSION l’Armée de terre du Canada (BGL-300 - 008/FP-002). • Mettre en œuvre les modèles du perfectionnement professionnel des officiers et des militaires du rang, tant de la Force régulière que de la Réserve, au niveau des exigences fondamentales de l’Armée. • Mettre en œuvre les modèles du perfectionnement professionnel des officiers et des militaires du rang, tant de la Force régulière que de la Réserve, au niveau de la classification des groupes professionnels militaires. • Maximiser l’exploitation des moyens de communication externes comme le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre et la page Web de la DIAT dans le réseau d’information de la Défense. P our mieux cerner les objectifs du DIAT, le directeur a établi les axes suivants : • En général – harmonisation, rationalisation et synchronisation de l’instruction individuelle et de l’instruction collective. • Remettre l’accent qui convient sur l’instruction collective. • Mettre en application les concepts et la théorie décrits dans la publication L’instruction de Mise à jour La DIAT 7 ne chôme pas. La mise en œuvre du CIOAT est la plus récente des questions à laquelle la section s’intéresse. Les concepts et la théorie du CIOAT sont décrits dans la publication L’instruction de l’Armée de terre du Canada (B-GL-300 - 008/FP-002). La DIAT a mandaté la section en vue d’effectuer une campagne d’information pour renseigner tous les membres de l’Armée sur cette publication et sur le CIOAT. L’effectif de la force de campagne aura alors l’occasion d’examiner la logique et l’analyse derrière l’élaboration de ces deux produits. Des équipes d’instruction sillonneront le pays pendant l’automne et l’hiver 2001-2002 pour rejoindre le plus de militaires possible (en espérant que vous y serez!). Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 17 De la Direction de l’instruction de l’Armée de terre Poste Grade Prénom Nom de famille Directeur Directeur adjoint Coord DIAT Officier administration DIAT Commis en chef DIAT Commis DIAT DIAT 3 Normes de préparation opéraionnelle individuelle et collective DIAT 3-2 Blindés DIAT 3-2-2 Blindés DIAT 3-2-3 Blindés DIAT 3-3 Artillerie DIAT 3-3-2 Artillerie DIAT 3-3-3 Artillerie de campagne DIAT 3-4 Génie DIAT 3-4-3 Génie DIAT 3-5 Transmissions DIAT 3-5-3 Transmissions DIAT 3-6 Infanterie DIAT 3-6-2 Infanterie DIAT 3-7 Aviation DIAT 3-8 SSC DIAT 3-8-3 SSC DIAT 3-9 Renseignement DIAT 3-10 Équipment DIAT 4-2 Concepts DIAT 4-3 C2 Concepts DIAT 4-4 Apprentissage DIAT 4-5 Leçons retenues DIAT 4-6 Intégration de la Réserve DIAT 5-3 Perfectionnement professionnel DIAT 5-3 Perfectionnement professionnel DIAT 5-3-3 PP MR DIAT 5-4 Séléction DIAT 5-4-3 Adjoint à la recherche DIAT 5-5 Perfectionnement professionel - Réserve DIAT 5-5-2 Perfectionnement professionel des officiers - Réserve DIAT 5-5-3 PP MR Réserve DIAT Officier de liaison - CMR DIAT 6 Développement de l’instruction de gestion DIAT 6-2 Instruction individuelle et éducation DIAT 6-2-2 Contrôle de la qualité DIAT 6-2-3 Équivalences DIAT 6-2-3 Validation et gestion du contrôle DIAT 6-2-3-5 Commis à la validation DIAT 6-3-2 Aptitude physique DAT 6-3-3 NIAC DIAT 7 Instruction collective DIAT 7-2 Instruction collective DIAT 7-2-3 Instruction collective nationale DIAT 7-3 Instruction militaire étrangère DIAT 7-3-2 IMÉ/transfrontière DIAT 7-3-3 Commis / Coord IMÉ DIAT 7-4 Gestion des ressources DIAT 7-6 Plans et normes col lcol maj capt MCp Mike Tom Peter Ann Tom Jorgensen Tarrant Brown Lavallée Rutledge 4809 4922 4820 4807 4804 4819 lCol maj capt adjuc maj capt adjuc maj adjuc maj adjuc Maj capt maj maj adjuc maj maj maj maj Maj Maj capt lcol maj adjuc lcdr mcpl maj John Tattersall Kendrick Michel Sproul Tassé Dale Dick LaFreniere Montague Wayne Louis Anthony Graham S. (Sam) Jeff Will Raymond Jim Frank Nick Steven Jurek Ford Xenos Fequet Blackman Pengelly Smyth McCutcheon Aubin Godefroy Delanghe Martyn Beattie Romaniec 4823 4832 4938 4892 4833 4833 4674 4829 4943 4831 4650 4834 4834 4910 4835 4956 5247 4826 5273 5268 4842 James Randy Ken Denis Mike John John McKay Stowell Hynes Levesque Parkes Courtney Spence 4827 4841 4836 4944 4592 5300 4821 Shawn Dan Ronald Mark Serge Garry Matthew Marcel Jasmine Dan Bruce Peter Jerry Dan Ed Robert Debbie Denis Bart Herron Lander Roy Thomson Ouellet Hewett Charlesworth Ducharme Krlin Fullerton Prendergast Haindl Walsh McNeil Urbanowicz Lajoie Landry Lahaie Gauvin capt adjuc capt lcol lcdr capt Sgt capt cpl mcpl capt lcol maj capt maj capt sgt capt maj Numéro de téléphone* 4512 4513 6772 4822 4569 4825 4334 4846 4522 4530 4511 613-945-0428 613-945-0427 613-945-0408 613-945-0448 613-945-0449 613-945-0389 613-945-0237 4836 *Tous les numéros de Kingston sont: 613-541-5010. 18 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Incompréhension de Mars et de Minerve L’incapacité de l’Armée de terre à définir la doctrine opérationnelle Mars, Mars, fléau des mortels, souillé de meurtres, qui attaque les villes, ne laisserons-nous pas combattre entre eux les Troyens et les Argiens? Homère (L’Iliade, chant V, 72)1 Dis-nous l’histoire du cheval de bois, que fit avec Épeios Athéna [Minerve], et comment le divin Ulysse introduisit ce piège dans la ville. Homère (L’Odyssée, viii, 492-533)2 offensive-défensive ont persuadé les militaires de la prééminence de l’offensive (l’offensive à l’outrance). Cette vue étroite, largement répandue en Europe au cours des décennies qui ont précédé 1914, était entretenue avec un tel zèle religieux que des généraux ont sacrifié en son nom des milliers de soldats pendant la Première Guerre mondiale4 . Les discussions modernes au sujet de la prééminence de la guerre de manœuvre sur la guerre d’attrition comportent un aspect sinistre semblable. à l’outrance. Mes arguments sont présentés progressivement; premièrement, je remets en question l’utilité de la dichotomie en tant que fondement d’une « doctrine globale »; puis, j’examine les limites de la théorie de la guerre de manœuvre qui est axée sur le niveau tactique, son manque de pertinence par rapport aux situations stratégiques courantes et la façon dont elle entrave la compréhension de l’art opérationnel. L’article comprend cinq sections. humanité emploie la Depuis le milieu des années 1970, les Dans la deuxième section, j’examine les dichotomie, par exemple armées anglophones ont tendance à origines de la théorie sur la guerre de l’art et les sciences, le positif décrire l’art de la guerre par une manœuvre, de sa naissance dans les et le négatif, le bien et le dichotomie : l’attrition et la manœuvre. années 1970 (résultat de l’interprétation mal, le yin et le yang afin d’améliorer la L’Armée de terre a proclamé de la doctrine allemande pendant la compréhension par la perception d’un officiellement qu’elle est une armée Deuxième Guerre mondiale), jusqu’à son monde polarisé où tout est défini par « manoeuvriste »5 . Les armées de la élaboration dans les doctrines canadienne rapport à ces pôles. Cela vaut aussi pour Grande-Bretagne, de l’Australie, de la et alliée courantes. Dans la section la guerre. Dans suivante, je réfute la l’ancienneté, il existait notion qu’une armée …que la perspective dichotomique deux dieux de la puisse tout simplement attrition-manœuvre est fausse, qu’il guerre. Le premier, adopter la théorie sur la Mars, bienfaiteur de guerre de manœuvre s’agit d’une incompréhension de la Rome, ne se souciait comme doctrine. nature de la guerre ni des causes ni de la J’examine les rôles justice et était toujours traditionnels de la assoiffé de sang. Son style de combat Nouvelle-Zélande et le US Marine Corps doctrine, c’est-à-dire les rôles conceptuel, était simple, mais violent et puissant; il ont fait de même. La « doctrine » de la organisationnel, matériel, procédural et recherchait la mort et la destruction3 . guerre de manœuvre – une descendante moral. J’en conclus qu’une doctrine Sa némésis était Minerve – fondatrice de de Minerve – a été adoptée parce qu’elle efficace doit être globale et influer sur Athènes, déesse de la sagesse, de la promet une victoire concluante et rapide tous les aspects de la préparation d’une guerre et des arts – dont les méthodes avec un minimum de pertes. On déteste armée à la guerre. Je présente deux de guerre comprenaient la ruse et le le concept de la guerre par attrition – un exemples de doctrine globale afin stratagème et dont les désirs étaient descendant de Mars. d’illustrer, par comparaison, jusqu’à quel modérés par la raison et la compassion. point « la doctrine sur la guerre de Les cités-États rendaient hommage à Dans le présent article, je fais valoir manœuvre » n’est qu’un composant l’un ou à l’autre de ces dieux de la que la perspective dichotomique conceptuel abstrait de l’étude et du guerre. De même, les armées modernes attrition-manœuvre est fausse, qu’il développement des méthodes de combat. se sont souvent identifiées à l’une des s’agit d’une incompréhension de la Dans la quatrième section, j’étudie deux parties d’une dichotomie martiale. nature de la guerre qui a entraîné l’absence de justifications historiques et Par exemple, au XXIe siècle, les l’élaboration d’une doctrine aussi théoriques de la dichotomie attritioninterprétations d’une dichotomie dangereusement limitée que l’offensive manœuvre. Puis, je présente l’évolution L’ Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 19 Incompréhension de Mars et de Minerve : L’incapacité de l’Armée de terre à définir la doctrine opérationnelle par le lieutenant-colonel Ian Hope, CD correspondent au contexte des réalités stratégiques et que leur utilité dans le domaine de la gestion des forces soit améliorée. La nouvelle version doit refléter la pensée opérationnelle canadienne et tenir compte de l’interopérabilité, sans plagier en gros la doctrine militaire britannique ou les théories des militaires américains6 . Ce que nous demandons de nos soldats exige que notre doctrine soit juste. (gracieuseté de l’UPFC) Le lieutenant-colonel Ian Hope, CD de l’art opérationnel. Mon point de vue est qu’aucune théorie de la guerre n’est une panacée : la doctrine doit être alignée sur la planification de la guerre fondée sur des réalités géo-stratégiques; c’est la condition à laquelle l’art opérationnel peut être exercé. Puis, j’examine dans la dernière section la pertinence de la guerre de manœuvre, c’est-à-dire la doctrine opérationnelle soutenue par l’Armée de terre. La compréhension du niveau opérationnel de la guerre, de la doctrine opérationnelle et de l’art opérationnel est l’élément fondamental de ma thèse. Je prétends que la doctrine du niveau opérationnel joue un rôle de synthèse qui rapproche les fausses dichotomies et élimine la confusion qu’elles entraînent. Mes arguments s’appuient en grande partie sur la « théorie du système général » qui doit servir de fondement à l’élaboration et à l’application d’une doctrine efficace dans le contexte de l’étude et du développement des méthodes de combat et qui est la clé d’une compréhension approfondie du phénomène complexe qu’est la guerre. J’en conclus que les manuels de doctrine canadiens des niveaux opérationnel et tactique doivent être repensés et réécrits afin qu’ils 20 Bien que l’article insiste sur la nécessité d’un examen de la doctrine, je reconnais qu’il n’y a pas de consensus entre les armées sur la définition et le rôle de la doctrine. On a longtemps défini la doctrine dans les dictionnaires comme « ce qui est enseigné »7 . Selon J.F.C. Fuller, la doctrine est la « notion centrale d’une armée »8 . Selon l’OTAN, la doctrine représente les « principes fondamentaux qui régissent les actions entreprises par les forces militaires afin d’atteindre leurs objectifs »9 . La définition canadienne de la doctrine est une adoption textuelle de la doctrine britannique approuvée par le British Army Board en 1993 et acceptée par le Conseil de doctrine et de tactique de l’Armée de terre en 1994, puis présentée dans la publication des Forces canadiennes B-GL-300-001/FP-000, Conduite des opérations terrestres : La doctrine militaire est l’expression formelle de la connaissance et de la pensée militaires que l’Armée de terre considère pertinentes à un point dans le temps; elle traite de la nature du conflit, de la préparation de l’Armée de terre en vue du conflit et de la manière de s’engager dans le conflit pour obtenir du succès10 . Cependant, la doctrine de l’Armée de terre se distingue de celle de l’armée britannique par sa structure et son rôle. clairement définis. Elle diverge également considérablement de la doctrine de l’armée américaine par son rôle12 . La doctrine de l’Armée de terre n’est pas un « moteur de changement ». Elle est simplement considérée comme l’un des nombreux résultats du Processus de planification stratégique de l’Armée de terre (PPSAT)13 . Selon ce processus de développement linéaire, la doctrine est l’une de nombreuses parties subordonnées égales et non l’élément clé qui relie toutes les parties. La doctrine canadienne n’est pas non plus directement liée aux impératifs stratégiques établis du Canada. Elle est considérée comme un outil cognitif – qui sert à la compréhension conceptuelle et non à réglementer les interventions. Je suis d’avis qu’en raison de l’absence de lien entre la doctrine et les impératifs stratégiques ainsi que les réalités opérationnelles, la doctrine de l’Armée de terre subit trop l’influence des théories d’interprétation, comme ce fut le cas pour la « guerre de manœuvre », qui ne se rapporte pas clairement aux opérations en cours. L’utilité stratégique de la doctrine de l’Armée de terre laisse à désirer et ne peut assurer une cohérence au niveau opérationnel pour les chefs de l’armée. En outre, le manque de compréhension au niveau opérationnel empêche l’élaboration complète d’une approche axée sur le système au sein du PPSAT ainsi que la compréhension de l’art opérationnel durant les opérations de l’Armée de terre. Et pourtant, puisque le Canada possède très peu d’expérience en matière de doctrine au niveau opérationnel et d’art opérationnel14 , le rôle de la doctrine comme canal de communication de la connaissance de l’art opérationnel est plus important que jamais. …il n’y a pas de consensus entre les armées sur la définition et le rôle de la doctrine. En effet, la doctrine canadienne ne fait pas de distinction entre les doctrines « militaire, opérationnelle et tactique »11; de plus, son contenu descriptif et son contenu normatif ne sont pas Si la doctrine canadienne continue à n’enseigner que les conditions tactiques exigées pour la guerre de manœuvre, elle continuera de ne pas être pertinente. Elle favorisera, au lieu Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre ADOPTION DE LA GUERRE DE MANŒUVRE L e concept de la guerre de manœuvre est relativement récent. Il a pris naissance durant la période 1976-1989 consacrée au « débat sur la réforme de la doctrine » américaine; ce débat résultait de la révision par le général William E. Depuy de la doctrine de l’armée américaine en vue de l’édition 1976 du Field Manual 100-5 Operations 15 . Le concept de « défense active » de Depuy a été sévèrement critiqué, ce qui a entraîné une saine introspection et réévaluation de la doctrine de l’armée américaine ainsi que du processus d’élaboration de cette dernière. Les critiques les plus sévères étaient des chercheurs et des auteurs ne faisant pas partie de l’armée américaine. Les plus importants étaient les analystes de défense William S. Lind et Edward Luttwak. William S. Lind a présenté pour la première fois ses critiques dans un article publié dans Military Review en 197716. Lind était l’un des conseillers du sénateur Gary Hart et exerçait sur ce dernier une influence considérable. Son article paru dans Militar y Review constituait l’annexe G du White Paper on Defense publié par le sénateur Hart en 197817. Cet article est à l’origine de la théorie sur la guerre de manœuvre. Selon Lind, il existait deux types de doctrine militaire – l’attrition ou la manœuvre. Selon la doctrine de l’attrition, on recherche la victoire par la « réduction physique des forces adverses » Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 Le Canada a une histoire de succès à la guerre, mais y-a-t-il une façon canadienne de faire la guerre? (gracieuseté de l’UPFC) tandis que « l’objectif premier » de la doctrine de manœuvre serait de « briser le moral et la volonté du haut commandement ennemi en créant des situations stratégiques et opérationnelles défavorables et non en décimant les troupes ou en détruisant l’équipement de l’ennemi »18. Suivant la doctrine de manœuvre, la manœuvre devient une fin en soi. Cette théorie a été corroborée presque exclusivement au moyen d’une interprétation de la Blitzkrieg par B.H. Liddell Hart et le général Heinz Guderian. « Les Allemands ont élaboré la doctrine de manœuvre avant et pendant la Deuxième Guerre mondiale : de bien des façons, les Soviétiques l’ont adoptée19. » Selon l’interprétation de Lind, la guerre d’attrition exigeait une supériorité technologique ou numérique, contrairement à la guerre de manœuvre. Les deux doctrines étaient incompatibles; par conséquent, il était logique que les forces américaines qui faisaient face à une guerre en Europe contre des forces soviétiques supérieures en nombre utilisent la doctrine de manœuvre. Les critiques de l’édition de 1976 du FM 100-5 Operations estimaient que ce dernier était vraiment attritionniste, trop dépendant de la défense, de la puissance de feu et de la destruction progressive de l’ennemi pour remporter la soi-disant « première bataille » de la prochaine guerre. Par la suite, Edward Luttwak a reproduit la dichotomie attritionmanœuvre de Lind dans ses écrits20 . Luttwak utilisait l’expression « manœuvre relationnelle » pour décrire ce qui, selon lui, était un « style de guerre » supérieur : un style qui visait la « perturbation systématique » des militaires ennemis et non leur « destruction cumulative »21 . Pour Luttwak aussi, la Blitzkrieg était un modèle exemplaire. Il prétendait qu’aucune doctrine ne pouvait être purement attritionniste ou manœuvriste et qu’elle pencherait vers l’un ou l’autre de ces deux extrêmes théoriques. Les « styles de guerre » de Lind et de Luttwak ont été présentés comme des dispositifs conceptuels, des conceptions théoriques visant à illustrer le point de mire et l’emphase inappropriés, selon eux, de la doctrine américaine de cette époque. Leurs explications comprenaient des exemples de quelques procédures tactiques de la Wehrmacht, mais aucune analyse des tactiques globales de la guerre de manœuvre et d’attrition ou de leurs besoins organisationnels ou matériels éventuels. Les opinions de Lind et de Luttwak ont quelque peu influencé les examens de la doctrine qui ont entraîné l’élaboration du combat aéroterrestre de l’armée américaine. En 1981, on a invité ces analystes à étudier l’ébauche d’un nouveau FM 100-5 et à en discuter. Ils ont été déçus du fait que l’armée américaine n’adopte pas officiellement leurs théories et ont continué à penser que l’armée était trop orientée sur l’attrition22 . Ce faisant, ils étaient inextricablement liés aux ordres 21 Incompréhension de Mars et de Minerve : L’incapacité de l’Armée de terre à définir la doctrine opérationnelle de rapprocher, la fausse dichotomie de l’attrition et de la manœuvre et empêchera la compréhension de l’art opérationnel en temps de guerre. Il s’agit d’une lacune fatale. La guerre de manœuvre n’est avantageuse que lorsqu’on prépare des guerres de courte durée et concluantes. L’histoire canadienne montre qu’il faut accorder autant d’attention à la mobilisation sur une grande échelle en prévision d’une guerre prolongée – qui, si elle n’est pas prévue et planifiée, entraînera de terribles sacrifices. La guerre de manœuvre exige que les soldats canadiens rendent hommage à Minerve tout en ignorant Mars, prépondérant et immortel. du jour politiques du « Defense Reform Caucus »23 . Quant à l’armée, elle considérait que la théorie de la guerre de manœuvre était beaucoup trop simpliste24 . Bien que la théorie fut intéressante, elle dépendait beaucoup trop d’une dichotomie attritionmanœuvre apparemment irréconciliable qui s’opposait à la coalescence de la théorie en une doctrine globale et cohérente. Le lieutenant-colonel Ian Hope, CD L’armée américaine a donc poursuivi une analyse plus approfondie de l’histoire et de la théorie militaires. Bien que la nouvelle doctrine publiée dans le FM 100-5 en 1982 ait reconnu le point de vue « manœuvriste », elle cherchait également à rapprocher la dichotomie attrition-manœuvre en étant axée sur les activités au niveau opérationnel25 . Vers le milieu des années 1980, le « culte de la Blitzkrieg » allemande s’est affaibli à la suite d’études théoriques approfondies et l’influence des théoriciens soviétiques s’est accrue régulièrement26 . La doctrine de l’armée américaine a été révisée davantage et publiée dans l’édition de 1986 du FM 100-5 où l’on expliquait le concept du combat aéroterrestre dans le contexte de « l’art opérationnel ». La doctrine globale et cohérente du combat aéroterrestre l’a emporté complètement sur la théorie de la guerre de manœuvre. L’armée américaine a abandonné le débat sur la doctrine d’attrition et de manœuvre lorsqu’elle a établi le combat aéroterrestre. Au même moment, le US Marine Corps et l’armée britannique venaient tout juste de se joindre au débat après avoir découvert la « théorie sur la manœuvre ». William S. Lind a exercé une grande influence sur le Major-général A.M. Gray – le futur commandant du US Marine Corps. En 1985, Lind a exposé une théorie plus approfondie sur la manœuvre dans Maneuver War fare Hand-book 27 . Le Marine Corps a résumé ses notions dans sa propre nouvelle doctrine publiée en 1989 dans le Fleet Marine Force Manual 1 (FMFM 1) Warfighting. Les membres du Corps estimaient que la doctrine était d’abord et avant tout un outil conceptuel qui servait à harmoniser la réflexion. Cela permettait d’accepter facilement la théorie sur la guerre de 22 manœuvre qui n’est pas fondée sur des armes ou des organisations précises. En raison de son accent sur la vitesse, le mouvement, la décentralisation du commandement et l’économie des forces, la théorie a conservé un attrait psychologique. Pourtant – comme l’attestent une multitude d’articles et de thèses – le Marine Corps a connu pendant 10 ans des tensions internes relatives à la dichotomie attritionmanœuvre qui ont été résolues lorsqu’il a pris des distances par rapport à la théorie de Lind et amélioré la structure de la guerre de manœuvre. Cela a entraîné l’élaboration de concepts plus approfondis sur l’organisation, l’équipement et les exercices du Corps28 . Dans l’armée britannique, c’est un théoricien militaire, le brigadier Richard Simpkin29 , plus authentique et moins lié à la politique, qui a suscité l’intérêt pour la réforme de la doctrine. Simpkin a beaucoup écrit et donné de nombreux exposés sur la « théorie de manœuvre ». Il a énoncé ses notions opérationnelles dans Race to the Swift. Appuyant la dichotomie attritionmanœuvre, il a intégré des concepts soviétiques dans sa théorie et a apporté des éclaircissements sur la dynamique physique de l’art de la guerre. Cet ouvrage « desservi par une prose complexe » a néanmoins été choisi par le Général J.L. Chapple, chef de l’étatmajor général, comme point de départ d’une révision de la doctrine britannique énoncée en 1989 dans The British Militar y Doctrine et dans des manuels de campagne ultérieurs de l’armée30 . Dans cette doctrine, la dichotomie attrition-manœuvre a servi à illustrer les changements promis par la doctrine. On considérait la guerre de manœuvre comme un moyen de s’éloigner d’un style de guerre de positionnement incarné dans la défense de l’Europe de l’Ouest de l’OTAN. On considérait également qu’il s’agissait d’un moyen par lequel des armées peu nombreuses pouvaient obtenir des résultats opérationnels plus concluants. Les débats sur la supériorité de la manœuvre par rapport à l’attrition comme « styles de guerre » se poursuivent; en soi, c’est un indice d’un manque de synthèse, sinon d’une confusion en matière de doctrine31 . Pendant que l’armée américaine s’éloignait de la confusion suscitée par le débat sur l’attrition ou la manœuvre afin d’enseigner et d’appliquer le combat aéroterrestre, l’Armée de terre utilisait sa propre « approche systémique » pour définir sa doctrine tactique en prévision d’un combat du corps d’armée en Europe centrale, qui a été formulée dans les Combat Systems Studies (CSS). Cette théorie a été officialisée durant les années 1980 dans la publication Combat Systems Studies 1996-2005: The Corps Study Model, sous l’égide du Cycle de développement de la capacité de combat de la Force terrestre. Au moyen d’un scénario où un corps d’armée canadien était déployé au cours d’une mission défensive en Europe centrale, les CSS décrivaient les grandes lignes de la menace envisagée, les fonctions intégrées du corps d’armée, l’organisation de ses composantes ainsi que leurs systèmes d’armes. Le concept opérationnel de l’étude et du développement des méthodes de combat canadien est le résultat de ce scénario de menace. L’organisation, l’acquisition d’équipement et la doctrine tactique canadiennes ont été en grande partie définies par ce concept. Le résumé des CSS a finalement été publié dans le Canadian Land Forces Synopsis of Operational Concepts for the Period 1996-2005 en juillet 1989, quatre mois avant la chute du mur de Berlin. Lorsque les Soviétiques se sont retirés de l’Europe centrale, la pertinence des CSS a diminué. Le retour au Canada des Forces canadiennes déployées en Allemagne a clairement souligné la fin de la légitimité des concepts opérationnels sous-jacents des CSS. Par contre, des composantes importantes des CSS ont continué à faire partie du processus de l’étude et du développement des méthodes de combat canadiennes, notamment un engagement à l’égard d’un catalogue de fonctions de combat, une catégorisation de 11 fonctions initiales (il n’en reste maintenant plus que six – le commandement, l’information, la manœuvre, la puissance de feu, la protection et le maintien en puissance) qui a contribué à la mise au point de capacités essentielles pour l’Armée de terre. Pendant l’application Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre manœuvre principalement à cause de la confusion relative à cette expression34 . Ils ont plutôt adopté les termes et les concepts de Simpkin qui étaient bien formulés dans les manuels de doctrine britanniques. L’Armée de terre a adopté la doctrine manœuvriste britannique sans définir clairement un concept opérationnel autre que l’engagement permanent du Canada envers l’OTAN. Au cours de la rédaction des manuels de …les doctrines écrites prépondérantes étaient celles de l’armée britannique et du US Marine Corps, non pas en raison de leur concept mais plutôt de leurs arguments convaincants. comme une solution de rechange. Contrairement aux CSS, elle n’était pas fondée sur un impératif stratégique réel, mais on considérait qu’elle était universellement applicable. Progressivement, l’Armée de terre a accepté la guerre de manœuvre en tant que concept opérationnel. Ce ne fut pas un processus délibéré. Les notions de la guerre de manœuvre n’ont pas été choisies par les généraux supérieurs de l’armée, comme ce fut le cas au sein du US Marine Corps et de l’armée britannique. Ces notions ont été débattues de façon officieuse dans des articles et des documents parus entre 1988 et 199432 . En 1994, on a décidé qu’il fallait réviser la doctrine de l’Armée de terre et qu’on procéderait en examinant la doctrine alliée, puis en reformulant la doctrine canadienne conformément aux publications alliées33 . À l’époque, les doctrines écrites prépondérantes étaient celles de l’armée britannique et du US Marine Corps, non pas en raison de leur concept mais plutôt de leurs arguments convaincants. Les auteurs des manuels-clés (B-GL300-000/FP-000, L’Armée de terre du Canada et la PFC B-GL-300-1/FP-000, Conduite des opérations terrestres – Doctrine du niveau opérationnel de l’Armée de terre) ont choisi de ne pas utiliser l’expression guerre de Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 doctrine tactique subséquents, on s’est éloigné des publications L’Armée de terre du Canada et Conduite des opérations terrestres en présentant officiellement l’expression « guerre de manœuvre » et en adoptant la définition donnée par William Lind. L’utilisation bien intentionnée du concept de guerre de manœuvre de Lind n’a fait qu’augmenter la confusion relative à cette expression et empêcher toute tentative de cohérence entre la Conduite des opérations terrestres et la B-GL-300-002/FP-000, Doctrine du niveau tactique de l’Armée de terre. La confusion est aggravée par le fait que la guerre de manœuvre, que ce soit à titre de concept opérationnel ou de doctrine35 , ne comprend aucune considération organisationnelle, matérielle ou procédurale. Tout comme celle du US Marine Corps, la doctrine canadienne est devenue un outil cognitif, « un état d’esprit ». Mais contrairement au USMC, l’Armée de terre n’a pas cherché à améliorer la structure du modèle conceptuel de la guerre de manœuvre. Dans la prochaine section, j’examine les problèmes relatifs à cette perspective, je démontre à quel point la guerre de manœuvre ne constitue pas une doctrine globale et je souligne le besoin de réorganiser « l’approche systémique » utilisée antérieurement dans les Combat Systems Studies afin d’éliminer la confusion qui règne actuellement dans la doctrine canadienne. LE RÔLE INSTITUTIONNEL DE LA DOCTRINE L a guerre de mouvement est avant tout un état d’esprit. Il n’y a ni liste de contrôle ni manuel de tactique qui renferme une formule toute faite sur la façon de mener la guerre de mouvement36 . Le concept actuel de guerre de manœuvre du Canada est trop superficiel pour jouer le rôle institutionnel d’une doctrine. J’allègue dans la présente section que le concept opérationnel d’une armée ne doit pas être seulement un outil cognitif – un « état d’esprit » – comme le suggère la citation cidessus extraite du manuel-clé de doctrine du niveau tactique du Canada. Afin d’être utile sur le plan institutionnel, le concept opérationnel d’une armée doit être clairement formulé comme une doctrine afin de pouvoir combler les besoins de tous les aspects de la gestion des forces et d’unifier toute la doctrine subordonnée – c’est-à-dire la tactique, les techniques et les procédures d’une armée ayant un but stratégique. Malgré son but cognitif, la définition de la doctrine canadienne ne remplit pas la fonction traditionnelle de la doctrine, c’est-à-dire uniformiser et contrôler les qualités organisationnelles, procédurales, matérielles ou morales d’une armée, particulièrement face à des changements technologiques et géostratégiques. Une doctrine doit être holistique et intégrée et elle doit regrouper toutes les activités militaires qui ont pour but de réglementer la formation, l’instruction et le rendement des armées durant les opérations et de fournir des méthodes à cet effet37. La doctrine est la force de cohésion d’une armée. Elle ne contient pas seulement des principes sur l’art de la guerre : elle vise également leur application, ce qui comprend des méthodes, des structures, des procédures et même des règles. Lorsqu’on considère la doctrine comme un « état d’esprit », on se limite à sa qualité conceptuelle ou cognitive : une véritable doctrine doit être beaucoup plus globale. Elle a des composantes cognitives, procédurales, organisationnelles, matérielles et morales. Les éléments cognitifs servent à formuler 23 Incompréhension de Mars et de Minerve : L’incapacité de l’Armée de terre à définir la doctrine opérationnelle des CSS, ces fonctions étaient regroupées dans une doctrine commune résultant d’un concept opérationnel d’alliance. Sa pertinence était évidente et le but commun – la composante unificatrice de n’importe quel système – était manifeste. Suite à l’affaissement des fondations des CSS, on a commencé à chercher un nouveau concept opérationnel. C’est alors que la guerre de manœuvre est apparue Le lieutenant-colonel Ian Hope, CD un concept d’opération particulier se rapportant à un moment précis, qui constitue le fondement d’une compréhension commune de la guerre. Les éléments cognitifs comprennent l’attitude de l’armée par rapport aux buts supérieurs des opérations – c’est-à-dire leur lien avec la stratégie et la politique nationale – ainsi que la philosophie de commandement et de contrôle de l’armée. Les éléments procéduraux de la doctrine orientent l’enseignement et la pratique du concept opérationnel : ils sont souvent présentés sous forme de service des armées en campagne et comprennent la tactique enseignée et appliquée. L’élément organisationnel de la doctrine sert à s’assurer que les structures de l’armée correspondent à l’approche opérationnelle. L’élément matériel de la doctrine assure que l’armée est équipée de façon appropriée pour effectuer les opérations conformément au concept opérationnel (en profitant au maximum des technologies mises en service ou en expérimentant de nouvelles technologies). Enfin, la composante morale (y compris psychologique) de la doctrine sert à améliorer la façon de combattre des soldats, vise l’emploi éthique de la force et le moral de l’armée. Elle comprend les méthodes de leadership au sein de l’armée. Donc, la doctrine comprend de multiples facettes – cognitive, procédurale, organisationnelle, matérielle et morale : le but de chaque facette est d’assurer l’uniformisation et un degré élevé de qualité au sein d’une armée. Aucune des composantes ne peut à elle seule constituer le fondement complet d’une doctrine. Dans une certaine mesure, les composantes doivent être intégrées afin de former un tout plus cohérent. L’argument sous-jacent de la présente thèse est que les meilleures doctrines de l’histoire furent celles où l’on avait le mieux intégré tous ces facteurs. On comprend mieux la pertinence de la doctrine dans l’histoire à la lumière de cette définition générale. Tout au long de l’histoire militaire, il est évident que la doctrine écrite constitue le point commun de tous les aspects des activités militaires. La rédaction de la doctrine militaire reflète la quête éternelle de « règles universelles » par l’homme. Sun Tzu a déterminé cinq facteurs de la guerre qu’il fallait comprendre – le cinquième étant les lois régissant l’organisation militaire, les 24 règlements, le commandement et la logistique38. Dans son ouvrage intitulé De Re Militari (rédigé à la fin du quatrième siècle avant Jésus-Christ), Végèce a tenté de promouvoir un renouveau de l’ancienne force romaine en « proposant un remède systématique pour les soidisant lacunes militaires en matière de recrutement et d’instruction, d’organisation et de stratégie de l’armée, d’armes et d’équipement »39 . Dans son ouvrage intitulé The Art of War40, Machiavelli tente également de restaurer les méthodes organisationnelles et procédurales romaines et son ouvrage intitulé Virtu est l’un des meilleurs exemples de doctrine morale qui soit41. Raimondo Montecuccolli42, Maurice Prince d’Orange-Nassau43 , Saxe, Frederick et d’autres ont par la suite publié des ouvrages rigoureux qui définissaient une doctrine globale44. Ce n’est cependant pas avant la deuxième moitié du XIXe siècle que la doctrine s’est modernisée. Les révolutions intellectuelles et industrielles et la levée d’armées nationales considérables ont suscité de grands défis pour la planification de la guerre et l’on ne pouvait plus se limiter à comprendre ou à pratiquer la guerre dans la seule perspective étroite des procédures tactiques. La levée en masse d’armées, les industries de l’armement, les voies ferrées, le télégraphe et l’expansion des états-majors militaires ont entraîné une mobilisation rapide et une « manœuvre répartie » d’armées très considérables sur des distances trop grandes pour qu’un seul commandant puisse les contrôler45. Cela a nécessité l’établissement d’un échelon de commandement distinct dont le rôle consistait à combler l’écart entre la stratégie militaire et la tactique de combat : c’est ce que l’on a appelé le niveau opérationnel. Préconisé pour la première fois par Moltke sous le nom de operativ, il a échappé à la connaissance militaire pendant la plus grande partie du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Si les Soviétiques l’ont élaboré délibérément après la Première Guerre mondiale, les Allemands ne l’ont fait que par accident. Le niveau opérationnel exigeait une doctrine qui assurait une pertinence entre les buts stratégiques et l’activité tactique effectuée sur de grandes distances, tant horizontalement qu’en profondeur. Suite à l’industrialisation de l’art de la guerre au XXe siècle, la conduite de la manœuvre répartie est devenue de plus en plus difficile. Une doctrine commune a contribué à l’uniformisation des questions de procédures, de matériel et d’organisation durant la planification et le déroulement de manœuvres largement dispersées. La doctrine servait également à combler l’écart entre les aspects moraux et cognitifs des niveaux stratégique et tactique. Au cours d’opérations réparties, la perspective de ces deux réalités était profondément différente. La doctrine moderne a donc eu pour rôle d’unifier les forces dans tous les domaines – cognitif, matériel, organisationnel, procédural et moral – afin de réduire la discordance entre les niveaux stratégique et tactique. Ce rôle fut particulièrement crucial durant et après la Première Guerre mondiale lorsque les répercussions éventuelles de la révolution industrielle et le progrès des technologies de communication avancées ont laissé entrevoir une expansion des opérations sur des distances jusque-là inimaginables. C’est à cette époque difficile que la véritable doctrine globale a pris naissance. Au XXe siècle, la taille et la complexité des armées et des fonctions militaires ont exigé des normes d’organisation, d’approvisionnement, d’instruction, de mouvement et de combat que l’on ne pouvait atteindre en respectant simplement les conditions exigées par Jomini. On a fusionné les facteurs et les méthodes utilisés dans la société, particulièrement au sein de l’industrie, avec la pensée militaire pour créer une doctrine complexe. À cet égard, la quintessence a été atteinte par les armées soviétique et allemande de l’entredeux guerres et par l’armée américaine après la guerre du Vietnam. L’examen de leurs doctrines sur l’art de la guerre révèle ce que l’on a appelé une « approche systémique » de la préparation et de la conduite de la guerre. La meilleure analyse théorique de l’unification de la doctrine moderne est peut-être celle de Shimon Naveh intitulée In Pursuit of Military Excellence46 . Naveh a allégué de façon convaincante que l’approche la plus efficace de l’organisation et de la fonction militaires est « l’approche Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Selon la « théorie des systèmes », la société et la technologie modernes sont tellement complexes que les méthodes traditionnelles utilisées pour comprendre et régler les problèmes sont maintenant inadéquates. De nouvelles approches holistiques – ou des systèmes – interdisciplinaires constituent une solution de rechange48 . La théorie des systèmes emprunte la terminologie du génie et des sciences naturelles pour définir le monde en termes de rétroaction, d’équilibre, de mécanismes de contrôle et de stabilité dans des systèmes socio-économiques dynamiques. Un « système » est un regroupement de parties qui interagissent les unes avec les autres pour fonctionner comme un tout. Les systèmes militaires modernes comprennent de multiples sous-systèmes et « agents », et leurs interactions sont très complexes49 . Afin de comprendre ces systèmes, on a besoin d’une méthode qui est à l’opposé du réductionnisme scientifique. Au lieu de diviser les éléments en leurs plus petites parties pour obtenir un développement optimal de l’une des composantes du tout, la science des systèmes cherche plutôt à reconnaître les systèmes critiques et les interactions essentielles entre les systèmes et les sous-systèmes et à perfectionner ces processus interactifs afin d’améliorer l’ensemble du système. Il s’agit d’une approche généraliste au lieu d’une approche spécialisée. Elle tient compte du fait que tout est relié et que l’on ne peut jamais résoudre un problème par une seule action, même « une action considérable ». En résumé, c’est l’essentiel de la théorie sousjacente des opérations interarmes et de l’orchestration des opérations interarmées et interarmes sur un théâtre. Elle est également importante pour les processus d’étude et de développement des méthodes de combat. L’intégration de la doctrine, des acquisitions, de l’organisation, de Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 préparation et la conduite de la guerre. Dans un tel environnement, la doctrine doit être beaucoup plus qu’un « état d’esprit », elle doit avoir des « résultats » tangibles. Durant les années 1980, les CSS de l’Armée de terre ont utilisé la théorie des systèmes afin d’assurer la cohérence du processus d’étude et de développement des méthodes de combat. Bien qu’elle ne fut pas nouvelle, l’application de la théorie des systèmes n’a pas été constante. Selon Naveh, le respect rigoureux des principes sous-jacents de la théorie des systèmes a mené autrefois à l’excellence militaire tandis que l’absence d’une approche systémique cohérente garantit la friction et peut-être la défaite. Cela vaut particulièrement au niveau opérationnel de la guerre. La stratégie politique ou militaire est principalement une abstraction et exige un certain degré de créativité. La tactique relève de l’immédiat et est mécanique – elle s’applique à des soldats et à de la machinerie qui se déplacent malgré les obstacles du terrain pour engager d’autres soldats et d’autres machines50 . Tandis qu’une seule vision stratégique suffit, il existe inévitablement de multiples réalités tactiques. C’est au niveau opérationnel que les systèmes tactiques autonomes et les commandements tactiques sont intégrés dans un système militaire universel commun, un système qui incorpore un concept opérationnel se rapportant à la stratégie militaire d’une nation51 . Le système regroupe la multitude d’éléments qui forment une armée moderne et il assure la cohésion de ces éléments afin d’obtenir des effets constitutifs (synergiques) par opposition à des résultats de sommation. Ce processus est utile en temps de paix, par exemple pour l’étude et le développement des méthodes de combat, et il doctrine (fondée sur un concept opérationnel pertinent) qui regroupe des parties distinctes dans un but commun. Les parties du système militaire qui se rapportent à la structuration et à la mobilisation des forces, à la recherche et à l’acquisition, aux normes d’instruction et à l’instruction, au leadership et aux méthodes de commandement – c’est-àdire les éléments organisationnel, matériel, procédural, cognitif et moral d’une armée – sont réunis au niveau opérationnel sous l’égide d’une doctrine opérationnelle globale. Bien que les doctrines aient souvent eu tendance à mettre l’accent sur un ou deux de ces éléments clés au détriment des autres, l’approche systémique appliquée aux méthodes militaires modernes veille à ce que la doctrine intègre toutes les composantes. Dans le système militaire, la doctrine opérationnelle doit jouer le rôle d’une force globale de liaison. Elle doit être beaucoup plus qu’un « état d’esprit »; elle doit permettre de dissiper toutes les tensions matérielles, organisationnelles, procédurales et morales éventuelles entre l’abstraction de la stratégie et l’atteinte des buts stratégiques par des actions mécaniques au niveau tactique. L’histoire nous fournit un certain nombre de bons exemples du rôle unificateur d’une doctrine globale : nous allons en utiliser deux pour illustrer la pertinence d’une telle doctrine, celle de l’armée allemande de 1923 à 1941 et celle de l’armée américaine de 1982 à 1991. Ces deux doctrines montrent l’importance d’une compréhension militaire commune – exprimée sous forme de doctrine globale qui est intégrée dans une « approche systémique » – pour la préparation et la conduite des opérations militaires. 25 Incompréhension de Mars et de Minerve : L’incapacité de l’Armée de terre à définir la doctrine opérationnelle systémique » découlant de la General l’instruction et des opérations (ainsi constitue une fonction de comSystems Theory47 . La théorie des systèmes que de leurs mécanismes inhérents de mandement en temps de guerre. Dans peut être appliquée dans toute une rétroaction) est fondamentale pour la les deux cas, il représente le rôle de la gamme de domaines et elle a été adoptée par les organisations occidentales Dans le système militaire, la doctrine opérationnelle les plus complexes en vue doit jouer le rôle d’une force globale de liaison. d’assurer la croissance et la gestion des organisations. L’ A R M É E A L L E M A N D E D E 1923 À 1941 Le lieutenant-colonel Ian Hope, CD L es succès remportés par la Wehrmacht en Pologne et en France de 1939 à 1940 ont acquis une réputation mythique, principalement à cause de l’attention excessive portée à la Blitzkrieg par B.H. Liddell Hart et le Général Heinz Guderian52 . En vérité, ces succès sont beaucoup moins sensationnels et beaucoup plus complexes. Les victoires allemandes furent le résultat de meilleures tactiques, d’un meilleur entraînement, d’un meilleur leadership et d’une meilleure organisation liés par un concept opérationnel cohérent formulé dans deux éditions des manuels-clés de doctrine – Army Regulation 487: Leadership and Battle with Combined Arms, Partie 1 (1921), Partie 2 (1923), et Army Regulation 300: Troop Leadership (Truppenführung) (1933) 53 . La Blitzkrieg n’était pas un concept opérationnel de l’armée allemande, et en fait, elle n’a jamais été élaborée dans la doctrine de cette dernière54 . Le véritable concept opérationnel résultait de la planification de la guerre contre les deux plus proches ennemis de l’Allemagne, la Pologne et la France. Il visait une défaite rapide des deux pays, successivement, au cours de combats conçus pour envelopper et anéantir les échelons tactiques de l’ennemi55. C’est ce qu’on appelait les Kesselschlachten, des batailles de chaudron, qui consistaient à piéger les armées ennemies et à les détruire au moyen de vastes campagnes d’anéantissement. Ce concept était conforme à la tradition militaire allemande héritée de von Moltke et de von Schlieffen56. On a maintenu ce concept opérationnel durant toute la période qui a précédé la guerre ainsi que pendant la planification et l’exécution des campagnes menées de 1939 à 1940. La notion de Blitzkrieg est le fruit des occasions fortuites qui se sont présentées à des généraux allemands clés durant l’exécution de ces campagnes. Grâce à la souplesse inhérente de la doctrine allemande, on a pu tirer profit de ces occasions. La véritable force de la Wehrmacht ne résidait pas dans le concept de Panzer de Guderian, mais dans le fait qu’une doctrine globale, mais pourtant adaptable, était mise en pratique dans l’ensemble des forces allemandes. Les 26 « Vous savez (dit le soldat à son barbier), parfois c’est vraiment mêlant. Je ne sais pas si je suis avec Mars ou avec Minerve! » ouvrages Army Regulations 487 et 300 ont joué un rôle dans les premières victoires tactiques des Allemands. Les Army Regulations des Allemands constituaient le fondement d’une approche systémique de la gestion des forces de ces derniers, ce qui permettait l’intégration des éléments cognitif, organisationnel, matériel, procédural et moral57 . Le Traité de Versailles a sévèrement limité les éléments matériel et organisationnel de l’armée – jusqu’en 1933. Ces restrictions ont été compensées par la décision délibérée de von Seeckt d’améliorer les aspects cognitif, procédural et moral de la force afin de créer la Führerheer – l’armée d’un chef – dans laquelle tous les s/off et les officiers recevaient une instruction de haute qualité sur les tactiques interarmes et l’initiative en matière de leadership. L’évolution de la tactique interarmes commençait par une évaluation exhaustive des leçons tirées de la Première Guerre mondiale à laquelle quelque 500 officiers allemands ont participé au début des années 192058 . Les leçons ont été intégrées dans la doctrine, c’est-à-dire le document Regulation 487, qui établissait des organisations divisionnaires et des procédures tactiques tenant compte des articulations toutes armes. On déterminait également dans cet ouvrage les attentes procédurales et morales des commandants subalternes et supérieurs durant le combat. Le document Regulation 487 est devenu un guide pour les manuels de doctrine de combat subséquents qui sont devenus les ouvrages de référence standard pour l’instruction des officiers et des s/off59. Les méthodes procédurales et organisationnelles préconisées dans le document Regulation 487 laissaient une marge de manœuvre pour expérimenter et progresser à mesure que les progrès technologiques et la mécanisation contribuaient à améliorer l’accent toutes armes de l’armée60 . Cela a donné un élan à l’évolution progressive vers la doctrine de l’arme blindée durant les années 192061 et a contribué à l’évolution des concepts sur les éléments motorisés, blindés et sur la force aérienne. Ces derniers ont été perfectionnés dans le document Regulation 300 (Truppenführung). La publication du Truppenführung en 1933 a considérablement rapproché la Wehrmacht de la cohérence opérationnelle et tactique. La partie I était axée sur l’instruction cognitive de TOUS les commandants de l’armée, des caporaux aux généraux; elle contenait également des stipulations procédurales et morales détaillées. La partie II décrivait tous les mouvements et toutes les organisations. Les besoins de l’armée Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre L’ A R M É E A M É R I C A I N E D E 1976 À 1991 L a réforme de l’armée américaine qui s’est étendue de 1976 à 1991 a donné naissance à un deuxième excellent modèle de doctrine globale. Suite à cette réforme, le combat aéroterrestre évolué relevait du US Army’s Training and Doctrine Command (TRADOC). La planification de la guerre a été, comme dans le cas de l’Allemagne dans les années 1920, à l’origine du changement de doctrine, plus particulièrement lorsque le Général Creighton Abrahms a compris que les forces de l’OTAN en 1975 ne pouvaient contrer une attaque soviétique. Influencés grandement par la guerre israëlo-arabe de 1973, Abrahms et le Général William Depuy se sont mis à réviser le concept opérationnel de l’armée. Depuy a élaboré le concept de la « défense active »63 qui n’a pas réussi à instaurer Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 une pensée commune, mais a officialisé une approche systémique du développement de l’armée. Tout le concept du TRADOC est le résultat d’une approche « systémique »64 . Le manuelclé de doctrine de l’armée, le FM 100-5 Operations, est devenu pour le TRADOC un outil constituant le fondement cognitif du développement organisationnel, procédural, matériel, moral ainsi que de l’étude et du développement des méthodes de combat dans l’ensemble de l’armée. Ce manuel donnait un but opérationnel commun aux organisations et aux unités très complexes et disparates de l’armée, favorisait la cohérence parmi les multiples fonctions, tout en suscitant une rétroaction pertinente afin de poursuivre le perfectionnement du concept opérationnel et des principaux manuels de doctrine. Cela était évident dans la nouvelle publication du FM 100-5 en 1982 et sa révision en 198665 . Ces ouvrages fournissaient des directives morales et cognitives aux commandants tactiques. Ils contenaient des conseils sur une nouvelle famille de systèmes d’armes66 , soutenaient les structures organisationnelles et présentaient de nouveaux concepts procéduraux (dont le plus important était le « combat en profondeur ») qui se distinguaient des concepts antérieurs et permettaient d’améliorer la pensée de l’armée en matière de feu et mouvement ainsi que la pratique de cette technique. Cette doctrine était formulée et enseignée dans une structure systémique complètement intégrée. L’acquisition des armes et l’instruction constituaient le point de mire du concept opérationnel. On a commencé à mettre à l’essai systématiquement la maîtrise du combat aéroterrestre au nouveau National Training Center67 . Les membres du Center for Army Lessons Learned consignaient les observations critiques faites durant l’instruction et les opérations afin de fournir un mécanisme de rétroaction à la structure systémique du TRADOC. Les leçons retenues ont été intégrées dans les manuels tactiques révisés. On a tenu compte des leçons essentielles durant l’examen continu du FM 100-5. L’approche systématique du développement et de la gestion de l’armée a contribué à l’obtention d’effets constitutifs et d’améliorations combinées de l’organisation, des procédures, de l’armement et des méthodes de l’armée. Tous ces éléments ont été regroupés dans l’élaboration globale du combat aéroterrestre, une doctrine victorieuse. Il est difficile de contester que le combat aéroterrestre a été consacré durant l’opération « Tempête du désert »68. Le rendement remarquable de l’armée américaine durant cette opération a été grandement facilité par une compréhension commune du concept opérationnel de l’armée énoncé dans le manuel de doctrine FM 100-5. Les ouvrages Army Regulation 487, Truppenführung et le combat aéroterrestre sont des exemples de doctrine globale. Ils ont favorisé l’adoption d’une approche systémique du développement et de la gestion des forces. Ils comportaient tous une composante cognitive, procédurale et morale distincte qui a servi à organiser et à équiper les forces afin qu’elles puissent appliquer la méthode tactique choisie. Les trois publications ont entraîné l’élaboration d’une doctrine subordonnée qui a été enseignée. Elles ont permis d’obtenir les « résultats » nécessaires pour permettre à d’autres composantes des systèmes de l’armée de fonctionner de façon intégrante. Les doctrines ont joué également un rôle important dans la formation du leadership au sein de l’armée en favorisant une meilleure compréhension commune de la guerre qui a entraîné l’établissement de normes de combat élevées uniformes. Ces doctrines dépassaient de beaucoup la notion « d’état d’esprit ». Dans la perspective canadienne actuelle de la doctrine qui considère que cette dernière a seulement un but cognitif, on ne pourra obtenir les effets synergiques d’une doctrine globale. Bien que la guerre de manœuvre puisse remplir pleinement le rôle d’élément conceptuel de la doctrine, l’absence d’exigences organisationnelles, matérielles et procédurales l’empêche de contribuer à une approche systémique de la gestion des forces. Une deuxième caractéristique tout aussi préoccupante de la guerre de manœuvre est l’accent mis exclusivement sur le niveau tactique. Nous allons l’examiner ci-dessous et 27 Incompréhension de Mars et de Minerve : L’incapacité de l’Armée de terre à définir la doctrine opérationnelle en matière de matériel étaient implicites dans le Truppenführung puisque le réarmement de l’Allemagne ne faisait que commencer au moment de sa publication. Le fait que le Truppenführung n’ait pas changé malgré l’expansion massive de l’armée de 1933 à 1939 et l’acquisition de technologies et d’équipement complètement nouveaux atteste de son utilité en tant que doctrine globale. Il illustre le potentiel d’une armée « fondée sur la doctrine » par opposition à une armée « polyvalente ». La première est, de par sa nature, même plus adaptative et plus cohésive puisqu’elle s’appuie sur des méthodes cognitives, procédurales et morales communes. Le Truppenführung est le manuel qui a régi la façon dont les Allemands ont mené la Deuxième Guerre mondiale. C’est ce document, et non les possibilités fortuites de Blitzkrieg, qui est la clé du succès tactique allemand. La Wehrmacht a conservé sa cohésion fondamentale tant durant l’offensive que durant la défense stratégique, en grande partie grâce aux normes établies dans la doctrine de l’armée62 . À titre de doctrine unificatrice, le Truppenführung continue d’être un modèle de pensée opérationnelle cohérente résultant d’une approche systémique intégrée. montrer comment cet accent tactique empêche l’obtention d’une compétence au niveau opérationnel et la réalisation de l’art opérationnel. L’ A RT O P É R AT I O N N E L – COMMENT ASSURER LA P E RT I N E N C E D E L A D O C T R I N E I Le lieutenant-colonel Ian Hope, CD l est essentiel que la doctrine militaire élimine la tension inhérente qui existe entre les niveaux stratégique et tactique. Le meilleur moyen consiste à élaborer une doctrine claire, au niveau opérationnel, qui se rapporte à l’environnement stratégique et tient compte des réalités tactiques qu’une armée devra affronter. Dans la présente section, j’examine l’incapacité de la guerre de manœuvre à jouer ce rôle de liaison. Dans la première partie de la section, j’analyse la justification historique de la guerre de manœuvre afin d’exposer la faiblesse des fondations théoriques du concept. J’insiste également sur l’accent qui est mis exclusivement sur le niveau tactique. Dans la deuxième partie de la section, j’étudie l’évolution de l’art opérationnel et de la théorie soviétique sur la manœuvre afin d’illustrer dans quelle mesure la guerre de manœuvre ne réussit pas à promouvoir une compréhension des fonctions du niveau opérationnel et de l’art opérationnel. Les défenseurs de la guerre de manœuvre ont continuellement utilisé certaines parties de l’histoire pour illustrer leur « style de guerre supérieur ». Parmi les nombreux exemples historiques de guerre de manœuvre qui ont été cités, le plus fréquent est celui de l’armée allemande de 1939 à 1941. Lind, Luttwak et leurs partisans prétendent que la guerre de manœuvre a été élaborée et mise en pratique par la Wehrmacht et que ce concept opérationnel s’applique encore aujourd’hui. Il s’agit là d’allégations frauduleuses69 . Selon le concept de la guerre de manœuvre, on remporte la victoire par la « perturbation systématique » de l’ennemi par la manœuvre, causant ainsi sa défaite sans qu’on ait besoin de le détruire. Pour ce faire, il faut trouver les points faibles de l’ennemi – ses « brèches » par opposition à ses 28 « centres de résistance » – au moyen d’une technique « d’exploitation de la reconnaissance »70 . Une fois que ces « brèches » ont été repérées, on les attaque vigoureusement afin de produire un double effet. Premièrement, l’exploitation d’une faiblesse permet de pénétrer dans le secteur en profondeur de l’ennemi et de disloquer ses forces, puis de perturber son commandement ainsi que ses moyens de communication. Deuxièmement, en conservant l’initiative (au moyen de l’offensive), l’attaquant agit plus vite que l’ennemi disloqué qui est lent à réagir, paralysant ainsi son commandement. La défaite s’ensuit. Tout cela exige une décentralisation du commandement et du contrôle afin que l’attaquant puisse agir très rapidement et saisir les occasions à mesure qu’elles se présentent71 . La formule demeure identique dans tous les types de guerre, à tous les niveaux de la guerre et dans tous les environnements de guerre. Son application est universelle, à condition que les commandants militaires aient la liberté de poursuivre la guerre de manœuvre sans être limités par la politique au niveau tactique72 . Le rendement de l’armée allemande pendant la Deuxième Guerre mondiale est toujours cité comme l’exemple suprême de la guerre de manœuvre. Cependant, l’analyse historique n’appuie pas cette interprétation73 . La stratégie allemande durant la Deuxième Guerre mondiale n’avait pas pour but de perturber systématiquement l’ennemi grâce à la manœuvre et ce n’était pas non plus le concept opérationnel de la Wehrmacht. La stratégie allemande reconnaissait la dualité des buts postulée par l’historien Hans Delbruck dans son ouvrage monumental intitulé Histor y of Warfare 4 . En interprétant la façon dont la tactique a servi à atteindre les buts stratégiques, Delbruck a énoncé une théorie convaincante selon laquelle les nations ne peuvent avoir que deux formes distinctes de stratégie – l’anéantissement et l’épuisement75 . Une stratégie d’anéantissement est une stratégie « unipolaire » – qui vise à anéantir les forces militaires de l’ennemi au cours d’une seule bataille décisive. C’est la stratégie adoptée par une force supérieure qui a des buts Alors que d’autres ont construit une doctrine qui sert à leurs besoins, savons-nous ce que nous faisons et rassemblons-nous les bons éléments? illimités (p. ex., la défaite totale d’un adversaire). La deuxième forme de stratégie – l’épuisement – est utilisée par des puissances plus faibles dont les buts sont limités et qui sont incapables de remporter la victoire au moyen d’une bataille tactique décisive. De telles nations appliquent une stratégie « bipolaire » c’est-à-dire combattre et manœuvrer pour éviter le combat afin d’atteindre leur but politique en épuisant l’ennemi – sur le plan matériel ou moral – jusqu’à ce qu’elles puissent mettre fin au conflit dans des conditions favorables ou sur un pied d’égalité76 . La deuxième stratégie n’est pas inférieure à la première, elle peut comporter moins de risques et de coûts, mais elle peut également être beaucoup moins décisive. On a utilisé le paradigme de Delbruck pour comprendre l’histoire militaire sous l’angle des méthodes, des moyens et des buts nationaux : faire le lien entre les méthodes et les moyens tactiques et les buts stratégiques. Durant la Deuxième Guerre mondiale, l’armée allemande avait adopté une stratégie d’anéantissement, la Vernich-tungsgedanke, qui comportait des batailles d’encerclement sur une grande échelle. En raison des traditions militaires allemandes et du problème géostratégique de l’Allemagne, les Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 29 Incompréhension de Mars et de Minerve : L’incapacité de l’Armée de terre à définir la doctrine opérationnelle Allemands demeuraient résolus à la Kesselschlacten, tactique selon laquelle des unités blindées seraient rattachées à des formations d’infanterie pour appuyer et l’anéantissement par le choc, elle comprend des techniques de pénétration tactique allemandes (p. ex., la tactique des centres de résistance et des brèches) qui sont historiquement contraires à la manœuvre en L’histoire ne justifie aucunement que la guerre de profondeur envisagée par manœuvre […] est un « style de guerre » supérieur Lind ou à la manœuvre progressive considérée par Boyd84 . guerre et la doctrine allemandes étaient la destruction complète de forces mues par des facteurs empiriques dont ennemies enveloppées81. La nécessité Ces buts contradictoires ont créé le principal était la nécessité de garantir d’effectuer une pénétration et des d’énormes tensions aux niveaux de la survie nationale en vainquant ses manœuvres en profondeur était commandement de l’armée allemande deux adversaires les plus menaçants – la déterminée par les distances à parcourir durant les campagnes de 1939-194085 . Pologne et la France78 . Pour vaincre pour encercler les formations polonaises Et pourtant, en raison de la capacité l’ennemi, les Allemands devaient et françaises clés au cours d’une bataille militaire allemande de se projeter en employer la Kesselschlachten c’est-à-dire d’enveloppement et d’anéantissement. profondeur au niveau opérationnel, envelopper des portions considérables Donc, la stratégie allemande était encore combinée à l’utilisation et à l’exploides forces combattantes d’un ennemi et axée sur la bataille bien qu’une tation d’opportunités tactiques selon le les vaincre par la destruction et la planification au niveau opérationnel fut concept du Truppenfuhrung, les nécessaire pour assurer l’ampleur de la opérations menées en Pologne, en capture79 . bataille envisagée. Europe occidentale, en Scandinavie et dans les Balkans ont été fructueuses. Ces La naissance de « l’école de l’arme Lorsque les plans de guerre de succès étaient attribuables à la marge de blindée » après 1935 a remis en question le « moyen » opérationnel de l’Allemagne ont été mis en application, manœuvre laissée à l’innovation dans le la stratégie d’anéantissement alle- la Blitzkrieg est devenue un accessoire système militaire allemand et non à une mande. Guderian et d’autres partisans du concept opérationnel reconnu de la doctrine cohérente sur la Blitzkrieg ou ont tenté de modifier le point de mire Wehrmacht. Les éléments procéduraux la guerre de manœuvre. de la manœuvre offensive, c’est-à-dire de la théorie sur la pénétration Flächen und Les tensions entre la tradition couper les voies de communication et –Schwerpunkt, « paralyser » le système de com- Lückentaktik, Aufrollen – et la institutionnelle et doctrinale de mandement ennemi au lieu de détruire composition organisationnelle des l’encerclement et la notion de choc les forces de campagne de l’ennemi. Le articulations de combat offensives stratégique ont causé la perte de moyen choisi pour atteindre ce but faisaient déjà partie de la doctrine l’armée allemande pendant l’opération devait être une concentration con- d’enveloppement allemande82 . Ils ont « Barbarossa » et par la suite. Durant sidérable de forces blindées fonc- facilité les succès tactiques initiaux toutes les opérations offensives, la tionnant jusqu’à un certain point de nécessaires pour la Blitzkrieg, mais par Wehrmacht est demeurée fidèle à sa façon autonome tandis qu’elles la suite, ils sont allés à l’encontre de la propre doctrine86 , et bien qu’elle ait pénétraient dans le territoire en méthode blindée. La théorie allemande tenté de profiter de certaines occasions profondeur de l’ennemi. C’est ce sur la pénétration était involon- pour effectuer la Blitzkrieg, les moyen que les « manœuvristes » tairement conjuguée au concept de Allemands n’ont pas compris leurs modernes considèrent comme le Kesselschlachten qui interdisait le propres limites logistiques et la mesure fondement de la guerre de manœuvre. contournement des formations dans laquelle les militaires soviétiques ennemies et la poursuite de la mesuraient la profondeur opérationCependant, la « méthode blindée » pénétration dans le secteur opéra- nelle et stratégique. Sur le vaste n’a pas été acceptée comme la nouvelle tionnel en profondeur de ce dernier. territoire de la Russie où l’ennemi doctrine au sein de la Wehrmacht. Le Bien que le but stratégique de la semblait disposer d’une capacité infinie nouveau concept n’a pas été adopté en Blitzkrieg et de la Kesselschlachten fut de lever des armées, le concept raison de la tendance allemande « l’anéantissement » (une victoire opérationnel de l’armée allemande et traditionnelle vers des batailles décisive rapide), les méthodes et les les opportunités de la Blitzkrieg d’anéantissement, d’un manque de moyens tactiques sont devenus n’étaient plus du tout pertinents87 . Lors capacité technologique pour la mécani- différents. Cela est crucial pour la de cette défaite, les Allemands ont sation et de l’accent mis surtout sur compréhension des failles de la théorie également perdu leur capacité l’infanterie80. La doctrine de l’armée moderne sur la manœuvre. On peut d’appliquer l’art opérationnel88 . allemande tenait compte du dévelop- considérer la guerre de manœuvre pement évolutif des unités blindées et comme une variation de cette stratégie L’histoire ne justifie aucunement comprenait la notion de pénétration en d’anéantissement83 . Bien qu’elle que la guerre de manœuvre – fondée profondeur par les blindés, mais les préconise une pénétration en profondeur sur la Blitzkrieg des Allemands pendant dirigeants allemands s’en sont tenus incontestablement à cette stratégie77 . Avant la guerre, la recherche opérationnelle, la planification de la la Deuxième Guerre mondiale – est un « style de guerre » supérieur ou que l’application opérationnelle des doctrines de la Blitzkrieg est universelle. Il est également faux de prétendre que les armées anglophones ont traditionnellement et exclusivement adopté le style de guerre inférieur qu’est l’attrition89 . Le concept original de la guerre de manœuvre reposait sur des fondations théoriques faibles. Bien que son but stratégique soit « l’anéantissement » par le choc, les méthodes et les moyens d’atteindre ce but sont contradictoires, soit la tactique d’infiltration et la théorie sur la pénétration, soit la Kesselschlacten, alors que dans les deux cas, l’accent tactique est mis sur l’engagement et la destruction de l’ennemi au cours d’un combat90. En réfutant les fondations historiques de la guerre de manœuvre, on expose sa véritable nature : il s’agit d’une élaboration aux fins d’un débat, accompagnée d’un programme politique. Son utilité se limitait à faciliter la compréhension de la nature de la manœuvre en temps de guerre, à une époque de la guerre froide où la défense avancée était considérée comme périlleuse. La guerre de manœuvre n’a plus d’utilité. La théorie de la guerre de manœuvre a été remplacée par une analyse beaucoup plus approfondie et judicieuse de l’art de la guerre qui a pris racine au sein de l’armée américaine dans les années 1980 et a atteint son zénith au moment de l’élaboration du concept de l’art opérationnel dans la doctrine. L A N A I S S A N C E D E L’ A RT O P É R AT I O N N E L Le lieutenant-colonel Ian Hope, CD D urant la Deuxième Guerre mondiale, la doctrine allemande s’est avérée pertinente pendant les opérations menées dans le contexte de leur stratégie envisagée avant la guerre. Lorsqu’ils ont commencé à effectuer des opérations hors de ce contexte, l’accent mis sur des batailles d’anéantissement a perdu sa cohérence et ils ont été entraînés dans une longue guerre d’épuisement. Au cours de cette dernière, leur concept opérationnel est devenu discutable. Les limites de leur doctrine et de leur concept opérationnel empiriques et le degré d’abstraction stratégique entretenu par Hitler ont empêché l’application constante de l’art opérationnel. 30 De même, la théorie moderne sur la guerre de manœuvre (élaborée par le USMC, l’armée britannique et William Lind) a des qualités limitées sur le plan tactique, mais aucune pertinence évidente dans l’environnement stratégique des forces modernes. La guerre de manœuvre n’est pas axée sur le niveau opérationnel et ne peut être appliquée à ce niveau parce qu’elle ne comporte aucun lien direct avec la stratégie énoncée et les tactiques utilisées91 . Le niveau opérationnel est l’élément de contrôle de l’instrument militaire choisi pour l’exécution d’une opération particulière. On exerce le contrôle en énonçant clairement le concept opérationnel et les objectifs opérationnels nécessaires pour la réalisation des objectifs stratégiques dans le théâtre en question. Le concept opérationnel et les objectifs déterminent les plans tactiques. Durant la préparation et l’exécution des plans, il est impératif de maintenir l’uniformité du but « comme point commun conceptuel pour tous les participants au processus opérationnel... »92 . Les différents commandants tactiques qui participent à une opération doivent avoir un but commun afin que l’ensemble de l’entreprise militaire soit effectué de façon coordonnée et efficace, produise une synergie et limite le choc de la confusion et des pertes sur le champ de bataille. En termes simples, il faut exercer l’art opérationnel. L’art opérationnel est la capacité d’effectuer des activités militaires, des engagements et des batailles complémentaires, de façon simultanée et séquentielle, dans toute la largeur et la profondeur d’une zone d’opération afin de réaliser un but stratégique commun93. Cet art consiste à envisager les effets constitutifs d’engagements et de batailles multiples – les réalités mécaniques du niveau tactique – en vue d’appliquer une abstraction stratégique94 . Le concept de l’art opérationnel a été formulé pour la première fois dans les années 1920 par Aleksandr A. Svechin dans ses brillants ouvrages95 . Pour Svechin, il s’agissait du moyen par lequel des commandants pouvaient orchestrer des actions tactiques sur des distances considérables en vue de la réalisation d’un but stratégique commun sur le théâtre. Son concept faisait partie du cadre du paradigme stratégique prédominant à cette période, le dualisme des stratégies d’anéantissement par opposition aux stratégies d’épuisement mis en lumière par Delbruk96 . Svechin estimait que les réalités géostratégiques (les caractéristiques de la géographie nationale, de la démographie, ainsi que du potentiel industriel et militaire) régissaient la stratégie – l’anéantissement ou l’épuisement – appropriée pour une nation à un moment donné. Suite à la destruction de l’Allemagne pendant la Première Guerre mondiale, Svechin fut d’avis que la guerre industrialisée empêchait les Soviétiques d’adopter la stratégie de l’anéantissement. L’époque à laquelle une bataille décisive pouvait à elle seule permettre d’appliquer une décision stratégique avait pris fin. Il a donc préconisé plutôt une stratégie d’épuisement fondée sur des préparatifs de guerre « en profondeur » aux niveaux militaire, géographique et industriel nationaux97 . Le général V.K. Triandifillov a perfectionné les travaux de Svechin et élaboré les constituantes matérielle, organisationnelle et procédurale de l’art opérationnel. Dans son ouvrage intitulé The Nature of the Operations of Modern Armies (1929), il préconisait la mise sur pied d’une armée mécanisée massive appuyée par une économie industrielle développée98 . Il a établi le concept de « l’armée de choc » comme instrument de pénétration (en espérant réussir deux pénétrations sur un même théâtre) jusqu’à un point critique dans le secteur en profondeur de l’ennemi (à travers la zone défensive tactique de l’ennemi – une bataille « d’insertion » jusqu’à une profondeur de 30-36 km)99 . Cette pénétration serait suivie d’une opération intermédiaire visant à poursuivre et à détruire l’ennemi jusqu’à une profondeur de 150-200 km, puis d’opérations finales visant à vaincre le reste de l’ennemi à environ 30-50 km plus loin encore. Les armées de choc (et leurs unités subordonnées) étaient des organisations toutes armes. Triandifillov ne préconisait aucune opération Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Svechin et Triandifillov ont estimé que la meilleure politique militaire pour l’URSS était des concepts opérationnels dans le cadre d’une stratégie d’épuisement. Ils s’opposaient ainsi au général M.N. Tukhachevskii100 . Tukhachevskii a été influencé par les concepts de manœuvre mécanisée et de manœuvre de la force aérienne de Fuller qui visaient à anéantir un ennemi en étant plus rapide que lui. Tukhachevsky a également emprunté des notions de Triandifillov en préparation de la guerre a émergé; elle reliait les productions politiques, militaires, économiques et industrielles connexes ainsi que les considérations relatives à la géographie et à l’infrastructure en une formulation cohérente appuyée par une doctrine militaire « unifiée »101. La connaissance de l’art opérationnel était essentielle à cette évolution. Elle permettait de synthétiser les fonctions tactiques qui rapprochaient les dichotomies offensivedéfensive et manœuvre-position prédominantes dans les autres pays à cette époque. La destruction par le feu et mouvement était aussi essentielle pour Tukhachevskii que pour Triandifillov. La distribution des forces militaires dans dans ce conflit. Par la suite, il a remis en question la loyauté de Tukhachevskii et a fait exécuter le général en 1937103. Les préparatifs militaires se sont poursuivis, mais de façon diffuse. Lorsque l’armée soviétique s’est engagée dans la Deuxième Guerre mondiale, elle avait été diminuée par « les purges » et leurs effets sur le processus de préparation de la guerre. Bien que la théorie moderne sur la manœuvre ne soit pas justifiée par la Blitzkrieg, elle pourrait bien l’être par le combat en profondeur de Tukhachevskii. En fait, Richard Simpkin le laisse entendre104 . Le combat en profondeur de Tukhachevskii a le même but que la guerre de manœuvre moderne, c’estIl est particulièrement préoccupant qu’on ait choisi à-dire la défaite rapide et décisive de l’ennemi par la certaines parties des théories et de l’histoire pour paralysie de sa capacité de démontrer que de petites armées peuvent remporter commandement et de la victoire par une action de choc – sans destruction. contrôle. Cependant, ce concept n’est pas un modèle pour des forces envisageant l’utilisation d’armées de l’ensemble de la largeur et de la professionnelles restreintes. Le concept choc pendant la pénétration, mais en profondeur de la zone d’opération de Tukhachevskii nécessitait une volonté conjonction avec des forces massives signifiait que les batailles d’attrition et les politique considérable, un apport important, un appui aéroportées et des forces aériennes manœuvres en profondeur étaient toutes industriel mécanisées qui seraient insérées à deux très importantes et non des pôles économique massif et des formations l’arrière de l’ennemi afin de disloquer opposés de l’art de la guerre. En Union suffisamment nombreuses pour causer complètement ses défenses jusqu’à soviétique, la planification opérationnelle un choc en effectuant des actions une profondeur opérationnelle. Ce visait à réaliser des opérations intégrées militaires simultanées réparties sur des « combat en profondeur » devait être dans l’ensemble d’un théâtre de guerre en distances considérables. Le combat en décisif et permettre d’anéantir établissant un but commun pour toutes les profondeur ne peut être le concept rapidement l’ennemi par le choc plutôt activités militaires. La doctrine soviétique opérationnel d’armées restreintes. que par la destruction. Il n’était pas essayait de demeurer pertinente par Tukhachevskii l’a illustré comme suit : nécessaire de mener des opérations rapport à la situation géostratégique et de successives suivant une stratégie faire le lien entre les buts stratégiques Imaginons une guerre entre la d’épuisement; le combat en profondeur abstraits du pays et les préparatifs de Grande-Bretagne et les É.-U., par n’était pas censé être une seule bataille guerre au niveau tactique. Comme exemple le long de la frontière décisive, mais bien une seule « opération » Svechin l’énonçait : canadienne. Les deux armées sont décisive comprenant des manœuvres et un mécanisées, mais les Britanniques grand nombre de combats en profondeur … tout comme le tacticien et le possèdent disons les cadres de 18 répartis sur une distance considérable et spécialiste des opérations, un divisions de Fuller et les Américains, exigeant une application remarquable stratège n’est pas complètement 180 divisions. Les Britanniques de l’art opérationnel. Dans l’histoire, autonome dans son domaine. Tout possèdent 5 000 chars et 3 000 c’est le combat en profondeur de comme la tactique est un aéronefs, tandis que l’armée Tukhachevskii et non la Blitzkrieg qui prolongement de l’art opérationnel américaine est équipée de 50 000 s’approche le plus de l’idéal de la et l’art opérationnel est un chars et de 30 000 aéronefs. La petite guerre de manœuvre qui vise la défaite prolongement de la stratégie, la armée britannique serait tout par le choc. stratégie est un prolongement de la simplement écrasée. N’est-il pas déjà politique102 . En Union soviétique, le grand débat sur les mérites de l’épuisement par rapport à ceux de l’anéantissement a duré jusque dans les années 1930. Durant ce débat, une approche systématique de la Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 Même durant les débats stratégiques acerbes, le développement de l’armée soviétique a progressé. En fin de compte, Staline a pris le parti de Tukhachevskii évident que les discours sur le rôle de petites armées mobiles et mécanisées durant des guerres importantes constituent une histoire à dormir debout? Seules des personnes frivoles peuvent s’y attarder sérieusement105. 31 Incompréhension de Mars et de Minerve : L’incapacité de l’Armée de terre à définir la doctrine opérationnelle décisive majeure, mais insistait sur la nécessité d’opérations successives menant progressivement à la victoire stratégique. Tandis que les Soviétiques s’étaient détachés avant la guerre des contraintes d’un point de mire sur le niveau tactique, la plupart des pays de l’Europe occidentale n’avaient pas fait de même. Les Britanniques et les Français ont continué d’analyser les problèmes de l’impasse tactique de la Première Guerre mondiale. En Angleterre, Fuller et Liddell Hart ont tenté d’amener les militaires britanniques à une meilleure compréhension de la guerre industrialisée. Cependant, les simplifications surestimées de Liddell Hart106, l’incapacité de Fuller de comprendre les notions de masse et de profondeur au niveau opérationnel ainsi que l’anti-intellectualisme de l’armée britannique107 ont empêché leur concept de devenir cohérent et de se répandre dans le milieu professionnel militaire en Angleterre. En France, en raison de l’accent mis sur la tactique dans la doctrine et du penchant des Français pour la logique cartésienne, on n’a pas compris l’utilité éventuelle de forces mécanisées massives durant des opérations de manœuvre libre. Ces deux armées ont élaboré des concepts opérationnels et des doctrines tactiques qui ne tenaient pas compte des distances et de la profondeur au niveau opérationnel que l’industrialisation et la mécanisation de l’armement permettaient. Elles ont toutes deux souffert de l’illusion selon laquelle des armées professionnelles plus restreintes appuyées par des forces de réserve considérables pourraient répondre à des impératifs stratégiques. justification historique réelle. Il est particulièrement préoccupant qu’on ait choisi certaines parties des théories et de l’histoire pour démontrer que de petites armées peuvent remporter la victoire par une action de choc – sans destruction. Au contraire, l’histoire montre qu’une telle victoire peut habituellement survenir seulement au niveau stratégique (par opposition au niveau tactique ou opérationnel) et uniquement si les vainqueurs surclassent de loin leur adversaire en termes d’effectifs, de technologies ou de volonté politique. L E C A N A D A E T L’ A RT O P É R AT I O N N E L L Le lieutenant-colonel Ian Hope, CD L es États-Unis et les Britanniques ont élaboré une doctrine fondée sur les théories allemande et soviétique. Mais contrairement à la doctrine américaine, la doctrine britannique s’appuie sur la reconnaissance de la dichotomie attritionmanœuvre créée par des théoriciens dans les années 1970. L’armée britannique, et par conséquent l’Armée de terre, ont choisi, à partir de cette dichotomie, de mettre l’accent sur la guerre de manœuvre parce qu’elle semblait permettre à une petite armée de remporter la victoire au cours d’une manœuvre décisive considérable (dans le temps ou dans l’espace) peu coûteuse. Les critiques canadiens et britanniques n’ont pas compris qu’un tel concept n’avait aucune 32 On n’a pas souligné le fait que la guerre de manœuvre, malgré ses soidisant possibilités d’application universelle, est d’une pertinence limitée dans le contexte géostratégique actuel de la Grande-Bretagne et du Canada. Il est peut-être encore plus inquiétant que l’adoption de la guerre de manœuvre empêche la compréhension de l’art opérationnel parce que la nature de la dichotomie va à contre-courant de la fonction intégrante de l’art opérationnel. Cela pourrait faire en sorte que les développements tactiques de l’Armée de terre répondent très mal aux besoins stratégiques canadiens. Dans la prochaine section, j’examine l’applicabilité de la guerre de manœuvre aux impératifs stratégiques de l’Armée de terre. CONCLUSION – LA S T R AT É G I E C A N A D I E N N E E T LA GUERRE DE MANŒUVRE a doctrine de l’Armée de terre est maintenant fondée sur une compréhension de la dichotomie attrition-manœuvre qui mène à la reconnaissance explicite de la guerre de manœuvre comme un style de guerre supérieur. Cette compréhension ne tient pas compte des impératifs stratégiques et des réalités opérationnelles actuelles du Canada. La doctrine ne découle pas d’un concept opérationnel prédominant qui fait en sorte que la planification soit axée sur la réalisation de buts stratégiques précis. Par conséquent, les liens entre la stratégie et la doctrine sont faibles. De plus, comme la doctrine sur la guerre de manœuvre est considérée simplement comme un outil conceptuel et ne sert pas de doctrine globale pour la gestion des forces, le lien entre cette doctrine et d’autres composantes du PPSAT est également ténu. La guerre de manœuvre ne peut servir au développement d’une force axée sur la doctrine ou à la planification d’opérations fondées sur la doctrine. Son utilité pour l’Armée de terre est limitée. Les armées que nous avons étudiées ci-dessus étaient axées sur la « doctrine » : en temps de paix, la doctrine écrite servait de lien entre la vision stratégique, un concept opérationnel cohérent et le développement et l’étude des méthodes de combat tactique, tandis qu’en temps de guerre, elle faisait la liaison entre les plans stratégiques et les actions tactiques. Par contraste, l’Armée de terre est « polyvalente »108. Son organisation et son équipement reflètent le besoin reconnu de maintenir une petite force polyvalente apte au combat. La polyvalence est assurée par six fonctions de combat (commandement, information, manœuvre, puissance de feu, maintien en puissance et protection) au sein de certaines unités de l’armée qui peuvent être organisées de multiples façons en fonction des tâches afin de répondre aux besoins d’une mission particulière. Il s’agit de fonctions au niveau tactique puisqu’on suppose que les fonctions des échelons plus élevés que celui de la brigade seront remplies par les armées alliées (c’est-à-dire les armées britannique et américaine ou une structure divisionnaire multinationale)109. L’Armée de terre est polyvalente parce que la stratégie du Canada à l’égard de l’utilisation des forces militaires comme instrument de puissance nationale ne découle pas de plans de guerre. Cette stratégie ne vise pas une guerre d’anéantissement, une guerre d’épuisement ou n’importe quel ennemi en particulier. La stratégie militaire canadienne tient plutôt compte des restrictions financières et envisage le besoin d’un bataillon polyvalent et de forces de la taille d’une brigade, capables de participer à des opérations interalliées et interarmes, conformément aux missions assignées de l’Armée. La nature de ces missions est multiple, notamment : « la défense du Canada », « la défense de l’Amérique du Nord » et « contribuer à la sécurité internationale ». Il est difficile de formuler un seul concept opérationnel et une seule doctrine qui font le lien adéquatement entre les Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre L’adoption par l’Armée de terre d’une approche polyvalente tient compte des restrictions financières, matérielles et politiques qui lui sont imposées. Les capacités que l’Armée de terre peut se permettre déterminent les engagements opérationnels qu’elle peut prendre et l’approche qu’elle peut utiliser pour mener ces opérations. Les conditions exigées pour la guerre de manœuvre ne sont pas du tout pertinentes. En raison des effectifs de l’Armée de terre, elle ne peut – sauf durant les opérations domestiques les moins considérables – concentrer une puissance de combat suffisante pour obtenir le surclassement nécessaire afin de disloquer, de perturber ou de Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 restre ou même des Combat Systems Studies et par l’absence d’une réflexion et d’une planification en vue de guerres sur une grande échelle. La vision stratégique de l’Armée de terre exige une force polyvalente et le PPSAT contribue à déterminer les capacités distinctes de chacune des fonctions de combat de cette force. Cependant, aucune doctrine opérationnelle efficace ne fait le lien entre la vision stratégique et le développement des six fonctions de combat. Il n’y a pas de cohérence entre les buts et les moyens pour les atteindre. Bien que le PPSAT tente de mettre sur pied le développement de l’armée, il n’existe pas de doctrine opérationnelle globale intégrante fournissant un but commun et un point de mire à chacune des composantes du processus. Par conséquent, le développement de la fonction de combat est assujetti à l’influence diffuse d’explorations autonomes de technologies naissantes, de concepts à la mode qui n’ont aucun rapport avec la doctrine opérationnelle et de programmes politiques112. Parallèlement, l’absence de liens clairs entre la stratégie, les opérations, la doctrine et les autres composantes du PPSAT a entravé l’élaboration d’une doctrine au niveau tactique et de normes d’instruction mesurables. Cela a pour effet de gêner le processus de leçons retenues, ce qui complique le processus de révision de la doctrine. Le PPSAT n’utilise pas l’absence de liens clairs entre la stratégie, les opérations, la doctrine et les autres composantes du PPSAT a entravé élaboration d’une doctrine au niveau tactique et de normes d’instruction mesurables. Bien que les lacunes de l’art opérationnel ne soient pas apparentes durant des déploiements tactiques au cours de conflits de faible intensité, le problème canadien de la compréhension du niveau opérationnel se manifeste par l’absence d’une « approche systémique » de la gestion des forces comparable à celle du Truppenführung, du combat aéroter- l’approche systémique tellement bien conçue par le TRADOC. La doctrine canadienne ne découle pas d’un concept opérationnel cohérent et le rôle de la doctrine elle-même est restreint – elle n’est pas le « moteur du changement » comme dans le cas du TRADOC. Elle n’est pas non plus le filtre important au moyen duquel on examine les nouvelles idées et les nouveaux concepts et on traite 33 Incompréhension de Mars et de Minerve : L’incapacité de l’Armée de terre à définir la doctrine opérationnelle devancer un ennemi comme la théorie de manœuvre l’exige111 . De plus, la capacité d’avoir des cycles de décisionaction plus rapides ne s’applique virtuellement pas durant des opérations de soutien de la paix où la décision n’est Les conditions exigées dans la B-GL- pas appliquée au moyen de la paralysie 300-001/FP-000 et dans la B-GL-300- rapide des forces adverses et où les 002/FP-000 au sujet de la guerre de opérations d’information et les affaires manœuvre sont très abstraites et ne peuvent civiles ont de la difficulté à réaliser le guère servir à préparer l’Armée de terre à surclassement nécessaire pour « profiter des points faibles » des forces autochtones. La doctrine ne peut Durant ces opérations, il faut absolument être seulement un concept. appliquer des stratégies d’épuisement au cours n’importe quelle opération particulière desquelles la présence à long terme dans les trois zones de mission. Le but entraîne progressivement des chanénoncé de la guerre de manœuvre est de gements. De même, l’application d’un vaincre un ennemi en perturbant son cycle de décision-action plus rapide moral et sa cohésion physique plutôt qu’en durant une guerre conventionnelle n’est le détruisant au moyen de l’attrition pas pertinente lorsque la brigade progressive. Il s’agit d’attaquer les canadienne fonctionne dans le cadre principaux points faibles d’un ennemi afin d’une division de coalition. C’est en effet qu’il ne puisse réagir à l’évolution de la la formation supérieure qui détermine le situation, de paralyser ses systèmes et de rythme des opérations et ce sont des perturber ses actions. Aucun des deux formations à un niveau plus élevé qui manuels de doctrine n’explique établissent le cadre opérationnel des exactement comment une brigade forces combattantes. L’hypothèse selon canadienne peut appliquer ce concept laquelle une brigade canadienne opérationnel. Ils ne contiennent aucun disposerait de la souplesse nécessaire énoncé des organisations, des besoins en pour tenter une manœuvre décisive ou équipement, des tactiques, des techniques pourrait établir un rythme décisif, ou des procédures qui serviraient à conformément à la doctrine opéral’accomplissement des buts de la guerre de tionnelle canadienne, est plutôt farfelue manœuvre. Certaines techniques ont été et son application est certainement endossées dans des écrits non doctrinaux limitée et non pas universelle. sur la guerre de manœuvre, mais leur perspective est assez étroite et leur application limitée110. impératifs stratégiques et les réalités tactiques dans ces trois zones de mission. Ce n’est certainement pas la guerre de manœuvre qui permettra de faire une telle liaison. Le lieutenant-colonel Ian Hope, CD la rétroaction. Dans le PPSAT, la doctrine n’est pas non plus la norme d’après laquelle on mesure toutes les autres activités du développement de la force. Ce manquement de la doctrine est attribuable en partie au fait que la guerre de manœuvre est simplement un « état d’esprit » et non une doctrine. tactiques canadiennes durant une guerre de coalition, une mission de maintien de la paix, des opérations domestiques autonomes, et des conflits sur une grande échelle nécessitant une mobilisation nationale. Cela ne sera pas une tâche facile parce que les penseurs militaires d’épuisement que peu de personnes désirent envisager aujourd’hui, mais que l’on ne peut ignorer, comme l’histoire nous l’a appris. Il est vrai que l’Armée de terre n’a pas besoin d’un concept opérationnel distinct pour mener des guerres sur une grande échelle puisqu’en pareil …l’Armée de terre est cas, elle agira toujours au sein La doctrine ne peut être d’une coalition avec les armées seulement un concept. La piégée dans la dichotomie américaines ou britanniques. formulation, l’enseignement et attrition-manœuvre Cependant, il faut enseigner aux l’application efficaces de la officiers de l’Armée de terre les doctrine exigent une approche systémique conçue pour intégrer de canadiens doivent partir de zéro, utiliser différents concepts opérationnels des façon non rectiligne les composantes des processus contre-intuitifs et des armées américaines et britanniques afin cognitive, matérielle, organisationnelle, observations critiques pour déterminer la que nos formations tactiques puissent être procédurale et morale d’une armée en pertinence de toutes les théories de utilisées dans l’un ou l’autre de ces un tout cohérent. Lorsque l’écart guerre et restreindre l’influence puissante systèmes sans être considérablement augmente entre l’action tactique, des auteurs étrangers et des théories à modifiées. confinée dans le temps et l’espace, et le la mode. De plus, la compréhension de la besoin stratégique, qui s’accroît Durant la révision de la doctrine stratégie militaire par les officiers continuellement dans le temps et l’espace, le risque de tensions cognitives canadienne, il faut élaborer le concept du canadiens doit être vaste. Bien que entre ces deux réalités s’accroît niveau opérationnel de l’armée. Ce l’Armée de terre n’ait pas les moyens également. La doctrine militaire doit concept doit tenir compte du contexte d’appliquer elle-même la méthode de combler cet écart. Afin qu’elle soit canadien. Il doit tenir compte des l’anéantissement, il est fort probable efficace dans les structures extrême- structures et des missions actuelles, mais qu’une formation canadienne ne jouera ment complexes des armées modernes aussi prévoir des mobilisations sur une qu’un rôle tactique limité au cours d’une et dans des environnements extrême- grande échelle de tous les éléments de la opération d’anéantissement dirigée par ment complexes, la doctrine doit être puissance nationale en vue d’une guerre les Américains ou les Britanniques. Les cohérente grâce à une analyse de prolongée. Cela permettrait d’établir le Canadiens doivent en comprendre les l’impératif stratégique et à la cadre d’une meilleure connaissance d’un implications. Le rythme et les manœuvres formulation des meilleurs moyens niveau opérationnel canadien distinct. La d’une brigade expéditionnaire canadienne d’atteindre les buts stratégiques. La doctrine du niveau opérationnel doit seraient déterminés par des formations l’application de l’art supérieures et non laissés à la discrétion guerre de manœuvre ne peut remplir expliquer opérationnel durant les opérations des notions des commandants canadiens cette fonction. domestiques canadiennes. Elle doit sur la guerre de manœuvre. Inversement, Il faut reformuler et réécrire les également permettre d’enseigner au l’armée serait négligeante si elle ne doctrines canadiennes des niveaux corps des officiers les théories militaires considérait pas les implications de opérationnel et tactique afin que la classiques (les stratégies d’anéantissement l’incapacité d’une stratégie alliée stratégie militaire canadienne actuelle et et d’épuisement) et dans quelle mesure d’obtenir une victoire rapide – ce qui future soit cohérente. La nouvelle elles se manifestent dans la réflexion l’obligerait à s’en remettre à une stratégie doctrine doit être le fondement d’une stratégique américaine et britannique, d’épuisement nécessitant autre chose application globale de la doctrine dans le sans recommander l’adoption totale de qu’une « approche manœuvriste ». cadre d’un processus renouvelé de l’une ou de l’autre. Elle doit établir un Les officiers canadiens doivent développement et d’étude des méthodes cadre tactique pour le développement de de combat qui doit remplacer le PPSAT. la force qui serait conforme à également comprendre les concepts Dans la nouvelle formulation de la l’interopérabilité tout en étant pertinent stratégiques et opérationnels qui sont doctrine, on doit rejeter la dichotomie pour les réalités et les possibilités pertinents pour les opérations hors attrition-manœuvre et la théorie sur la canadiennes. Ce cadre doit permettre de guerre. Bien que la pensée militaire guerre de manœuvre pour les remplacer rapprocher la dichotomie attrition- américaine penche fortement vers par une théorie générale de la conduite de manœuvre et promouvoir le déve- les stratégies d’anéantissement, les la guerre dont le but est de fournir aux loppement équilibré des forces fondé sur opérations en Bosnie et au Kosovo laissent chefs de l’Armée de terre une les équipes toutes armes canadiennes entendre qu’il s’agit bien plus compréhension cognitive de la pensée traditionnelles, tant en temps de guerre d’opérations d’épuisement durant stratégique classique, une compréhension que durant les opérations hors guerre. Il lesquelles il est impossible d’effectuer des de l’art opérationnel et une doit également structurer l’expansion de actions décisives et rapides. Ce que cela compréhension de la façon dont ces l’Armée de terre au moyen de la implique au niveau militaire est éléments se rapportent aux actions mobilisation afin de mener la guerre évident – les contingents canadiens 34 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Une doctrine écrite est fondamentale pour le bien-être d’une armée et l’application d’une approche systémique de la gestion des forces. La nouvelle doctrine de l’Armée de terre doit être rédigée par des Canadiens. Elle doit être clairement pertinente pour le contexte canadien et servir de fondement à l’enseignement professionnel sur l’art opérationnel. Elle doit tenir compte des méthodes tactiques des alliés et fournir un cadre pour la compréhension des tactiques et des procédures canadiennes durant les opérations de guerre, tant sur une petite que sur une grande échelle, et durant les opérations hors guerre. Enfin, elle doit être utile pour toutes les composantes d’un PPSAT réorganisé, fondé sur les systèmes, fournir une contribution clé à l’étude et au développement des méthodes de combat au sujet de la structure de la force, de l’équipement, de l’instruction et de la doctrine subordonnée et permettre d’obtenir une rétroaction à partir de ce système. Si l’Armée de terre ne peut établir une doctrine opérationnelle se À P R O P O S D E L’ A U T E U R … Le lieutenant-colonel, titulaire d’un baccalauréat en histoire de l’université d’Acadie (Acadia). Il travaille actuellement à titre d’officier d’infanterie; il a occupé plusieurs postes dans la Princess Patricia’s Canadian Light Infantry. Le lieutenant-colonel Hope est diplômé du US Army Command and General Staff College, où il a gagné le prix JC41 en matière de rédaction et le prix de William E. Dupuy au US Army School of Advanced Military Studies, où il a obtenu sa maîtrise. Le lieutenantcolonel Hope travaille pour la Direction des concepts stratégiques, provenant de Kingston (Ontario). NOTES 1. Homère, L’Iliade, traduite par Robert Fagles (New York: Penguin Books, 1990), Livre 5, 34. Mars est le nom que les Romains donnaient à Arès - le dieu grec de la guerre. 2. Homère, L’Odyssée traduite par Robert Fagles (New York: Penguin Books, 1996), Livre 8, 552. Minerve est le nom que les Romains donnaient à la déesse grecque Athéna – la déesse de la guerre. Les traductions de Fagles sont en versets modernes, ce qui rend les ouvrages de Homère accessibles à ceux qui ne sont pas familiers avec les classiques. Ses traductions sont claires et convaincantes. À elles seules, les introductions de Bernard Knox justifient le prix des ouvrages. Aux yeux de Fagles et de Knox, la meilleure traduction de L’Iliade est celle de Alexander Pope dont la prose est sans pareil. 3. Cela est perceptible dans L’Iliade, mais les interprétations modernes sont encore plus condamnatoires dans leur simplicité; un exemple récent est l’ouvrage de John Arquilla et de David Ronfeldt, éd. In Athena’s Camp: Preparing for Conflict in the Information Age (Santa Monica: RAND, 1997), p. 8. 4. Ce sujet est bien débattu dans l’ouvrage de John A. English, Marching Through Chaos: The Descent of Armies in Theory and Practice (Westport: Praeger, 1998), p. 81-82. L’original est l’ouvrage de Ardent du Picq, Battle Studies, traduit par le Col J.N. Greely et le Maj R.C. Cotton (Harrisburg: Military Service Publishing Co., 1947), p. 118-127. Pour des commentaires sur les généraux de la Première Guerre mondiale, voir l’ouvrage de J.F.C. Fuller, Generalship: Its Diseases and Their Cure (Harrisburg: Military Service Publishing Co., 1936). 5. La « guerre de manœuvre » et le terme « manœuvriste » sont définis dans la publication des Forces canadienne (PFC) 300-2, Force terrestre, volume 2 – Doctrine du niveau tactique de l’Armée de terre, p. 1-7 et dans le vol. 5 Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 rapportant à la fois aux impératifs stratégiques et aux actions tactiques actuelles, elle ne maîtrisera jamais l’art opérationnel et ne pourra jamais adopter l’approche systémique. À l’heure actuelle, l’Armée de terre est piégée dans la dichotomie attrition-manœuvre, vénère Minerve et ignore la cruauté de Mars d’une manière semblable à l’ancienne vénération de l’offensive à l’outrance113. L’armée devra travailler fort pour échapper à ce piège et acquérir une connaissance intégrante du niveau opérationnel, espérons-le avant que Mars ne nous rappelle une fois de plus sa puissance et son courroux. no 1 de Dépêches du Centre des leçons retenues de l’Armée de terre. L’adoption de l’approche « manœuvriste » par l’Armée de terre est consacrée dans les Directives et orientations stratégiques de la Force terrestre, 1-2-8. 6. La totalité du paragraphe 17, p. 1-9 à 1-11 de la PFC 300-2, Doctrine du niveau tactique de l’Armée de terre est extraite de l’ouvrage de William S. Lind, Maneuver Warfare Handbook (Boulder: Westview Press, 1985). Des parties considérables de la PFC 300-1, Force terrestre, volume 1 – Conduite des opérations terrestres – Doctrine du niveau opérationnel de l’Armée de terre (Ottawa : Publication de la Défense nationale, 1996) sont des extraits textuels du US Army FM 100-5 Operations (1993) et de la publication de doctrine de l’armée britannique, volume 1 – Operations. Je peux l’affirmer avec une certitude absolue puisque j’ai été l’un des principaux auteurs de la PFC 300-1. 7. The Pocket Oxford Dictionary of Current English, septième édition, R.E. Allen éd. (Oxford: Clarendon Press, 1984); et Nuttall’s Standard Dictionary of the English Language, W.J. Gordon éd. (London, Willaim Clowes & Sons, Limited, 1910). Voir également Design for Military Operations - The British Military Doctrine (BMD) (Army Code 71451, 1989), p.3. 8. J.F.C. Fuller, The Foundations of the Science of War (Leavenworth : réimpression par USACGSC Press, 1993), p. 254. 9. BMD, 3. Le US Marine Corps (USMC) considère également que la doctrine est le moyen de transmettre le point de vue du Corps sur la guerre – sa nature, la théorie et la préparation de la guerre et son déroulement. La doctrine du USMC ne comprend pas de tactiques, de techniques ou de procédures particulières pour les combats ou les opérations; elle constitue plutôt un fondement conceptuel « pour des actions harmonieuses et une compréhension mutuelle ». Marine Corps Doctrine Publication 1 (MCDP 1) Warfighting (Washington, Department of the Navy, 1997), p. 56. 10. Publication des Forces canadiennes (PFC) 300-1, Conduite des opérations terrestres - Doctrine du niveau opérationnel de l’Armée de terre, (Ottawa : publication des Forces canadiennes, 1996), p. v. 11. La doctrine britannique est divisée en trois niveaux– militaire, opérationnel et tactique. La doctrine militaire découle de la politique gouvernementale et traite du but du maintien d’une armée, de la nature des guerres qu’elle compte mener et de la façon dont elle prévoit gagner ces guerres. Le rôle de la doctrine militaire est d’établir le cadre pour la compréhension de l’approche de l’art de la guerre afin de fournir le fondement de son application pratique (BMD, 3-4). Son but est d’assurer la compréhension et ne vise pas l’instruction. Par contraste, la doctrine opérationnelle s’applique à des théâtres particuliers et vise à la fois la compréhension et l’instruction. Quant à la doctrine tactique, c’est ce qui est enseigné et mis en pratique. 12. La définition de la doctrine américaine est moins structurée et d’une plus grande utilité. Le rôle de la doctrine est de fournir un énoncé expliquant comment l’armée va mener la guerre et effectuer des opérations hors guerre. United States Army Field Manual (FM) 100-5 Operations (Washington, 35 Incompréhension de Mars et de Minerve : L’incapacité de l’Armée de terre à définir la doctrine opérationnelle doivent posséder une organisation en profondeur afin de pouvoir effectuer des rotations à long terme sans que les habiletés de combat ne se détériorent beaucoup. Afin d’assurer une organisation en profondeur et des normes d’instruction suffisantes, l’étude et le développement des méthodes de combat doivent être fondés sur une solide connaissance des exigences de la guerre limitée et de la guerre illimitée. Le lieutenant-colonel Ian Hope, CD Department of the Army, 1993), p. 1-1. La doctrine sert à faciliter les communications entre les soldats et à étayer le programme d’étude des écoles militaires. Le point commun des tactiques, des techniques et des procédures enseignées et mises en pratique est la doctrine très importante énoncée dans le Field Manual (FM) 100-5 Operations. De plus, la doctrine de l’armée américaine est un outil qui coordonne la multitude d’activités et de notions d’une organisation complexe... une expression des concepts par rapport auxquels les chercheurs mettent à l’essai l’équipement ainsi qu’une voie de communication qui sert à influer sur les activités et la réflexion de l’armée de campagne. Les généraux Frederick Franks et Gordon Sullivan la considéraient comme le moteur du changement (Gordon R. Sullivan & Michale V. Harper, Hope is Not a Method [New York: Random House, 1996], p. 10.) fournissant la structure intellectuelle en appui à la doctrine, à l’instruction, au développement des chefs et aux décisions relatives à la structure de la force. Elle reflète les répercussions de la stratégie, de la technologie, des relations entre les services, des décisions politiques et des capacités que l’armée doit posséder (US Army publication, TRADOC: Where Tomorrow’s Victories Begin (Fort Monroe: US Army Training and Doctrine Command Publication, 1993), p. 5. La définition américaine se distingue principalement par le rôle institutionnel explicite de la doctrine qui va bien plus loin que le rôle conceptuel sous-entendu dans la doctrine des armées européennes et de l’USMC. 13. Manuel de la politique et des procédures (G3 Pol et Prog), Processus de planification stratégique de l’Armée de terre, août 2000. Ce document englobe les efforts déployés actuellement par l’Armée de terre pour gérer le développement de la force ainsi que l’étude et le développement des méthodes de combat. C’est un document extrêmement axé sur le processus où l’on utilise des processus « stratégiques » dans un contexte de gestion d’affaire. Il se démarque beaucoup de la planification stratégique militaire traditionnelle ainsi que de l’étude et du développement conventionnels des méthodes de combat. Bien que la planification stratégique militaire doive être mue par les processus, elle vise les plans opérationnels et non l’étude et le développement des méthodes de combat. Par ailleurs, n’importe quelle méthodologie courante d’étude et de développement des méthodes de combat qui est strictement axée sur les processus, par opposition à l’orientation vers les systèmes, comportera automatiquement des failles. Par conséquent, le nom du processus PPSAT est mal choisi et la structure de ce processus contient des lacunes. 14. Cet énoncé doit être défini dans une certaine mesure puisque l’expression « niveau opérationnel » a été beaucoup utilisée, mais reste plutôt nébuleuse. On trouve la définition la plus convaincante du niveau opérationnel et de l’art opérationnel dans « Theoretical implications of Operational Art » de James J. Schneider dans On Operational Art, Clayton R. Newell et Michael D. Krause éd. (Washington: Centre of Military History US Army, 1994), p. 18-20. Selon Schneider, l’art opérationnel se caractérise par une manœuvre répartie librement au cours d’une série de combats répartis menant à la dispersion de la force de combat sur le champ de bataille et dans le temps. Cela correspond à des opérations interarmées considérables menées simultanément et les unes à la suite des autres dans toute la profondeur d’un théâtre d’opérations, dans un même but stratégique commun. La portée de ce niveau et de cette ampleur des opérations excèdent la capacité de l’Armée de terre dont le rôle en temps de guerre a toujours été axé sur le déroulement de batailles et d’engagements (au niveau tactique). Bien que certaines batailles canadiennes aient été pertinentes au niveau opérationnel (p. ex., la conquête de la crête de Vimy ou la bataille de Rimini), cela ne suppose pas en soi une expérience en matière de commandement au niveau opérationnel. Jusqu’en 1945, les questions stratégiques militaires canadiennes relevaient de la politique britannique impériale, et par la suite, de l’orientation stratégique de l’OTAN. Bien que les soldats canadiens aient participé aux deux Guerres mondiales et à des missions de l’OTAN et des Nations Unies depuis 1947, la responsabilité de l’Armée de terre au niveau opérationnel s’est limitée à des campagnes domestiques. 15. L’élaboration de la défense active et du combat aéroterrestre est traitée dans l’ouvrage de John L. Romjue, From Active Defense to Airland Battle: The Development of the Army Doctrine 1973-1982 (Fort Monroe, VA: The US Army Training and Doctrine Command Historical Monograph Series, 1984) ou dans celui de Paul H. Herbert Deciding What Has to be Done: General Willaim E. Depuy and the 1976 edition of FM 100-5, Operations (Leavenworth Papers No. 16) (Fort Leavenworth, KS: Combat Studies Institute, 1988). Pour de plus amples informations sur les effets de la défense active comme catalyseur du changement institutionnel, voir l’ouvrage de Edward Elme Blankenhagen, Organizational Learning in the Development of Doctrine in the US Army, 1976-1986: A Historical Case Study (Ann Arbor: UMI Dissertation Services, 1995). 16. William S. Lind « Some Doctrinal Questions for the United States Army » 36 Military Review, Vol. LVII, No. 3, March 1977 (Fort Leavenworth, KS: US Army Command and General Staff College, 1977), p. 54. 17. Robert Taft, Jr., en collaboration avec le sénateur Gary Hart, White Paper on Defense: 1978 Edition: A Modern Military Strategy for the United States (Washington: 15 May 1978). 18. Lind, « Some Doctrinal Questions », p. 58. Lind prétend que la doctrine de l’attrition est fondée sur la puissance de feu et vouée à la destruction tandis que le but de la manœuvre est de détruire l’ennemi. Ses opinions sur la « guerre de manœuvre » sont clairement associées à la Blitzkrieg – des opérations offensives conçues pour produire un effet de choc entraînant l’effondrement de l’ennemi. Il modifiera plus tard le concept de la guerre de manœuvre en associant sa théorie à la fameuse boucle d’observation, d’orientation, de décision et d’exécution de John Boyd et en la fondant moins sur des manœuvres terrestres à grande échelle; voir la note complémentaire 27 ci-dessous qui fait référence à John Boyd. 19. Ibid., p. 57. Lind a cité seulement trois auteurs afin de justifier sa théorie, J.F.C. Fuller, B. H. Liddell Hart et Heinz Guderian. Le noyau de sa théorie est une réincarnation de la Blitzkrieg. 20. Voir Edward N. Luttwak, « The American Style of Warfare and the Military Balance » Survival vol XXI, no 2, mars/avril 1979, p. 57 et « The Operational Level of War » International Security vol. 5, no 3, hiver 19801981, p. 61; voir aussi Strategy: The Logic of War and Peace (Cambridge: Harvard University Press, 1987). Luttwak était fortement influencé par l’histoire militaire allemande; dans ses premiers ouvrages, il a cité la Blitzkrieg comme un exemple de guerre de manœuvre relationnelle (par opposition à la guerre d’attrition). Il était également d’avis que l’OTAN devrait s’inspirer de la théorie de la « défense élastique » allemande. Il s’est servi de cet argument dans sa rédaction historique, utilisant la défense élastique pour illustrer une stratégie de défense optimale des Romains; voir The Grand Strategy of the Roman Empire: From the First century A.D. to the Third (Baltimore: Johns Hopkins University Press, 1976). 21. Luttwak, “The American Style”, p. 64-67. 22. Romjue, From Active Defense to Airland Battle, p. 58. 23. La guerre de manœuvre était une politique partisane favorite du Defense Reform Caucus (James J. Schneider « The legacy of V.K. Triandifillov », Introduction de The Nature of the Operations of Modern Armies by V.K. Triandifillov, Jacob W. Kipp éd. (Portland: Frank Cass, 1994), p. xxvi.). Pour de plus amples informations sur le Reform Caucus, voir l’article de James W. Reed, « Congress and the Politics of Defense Reform » dans The Defense Reform Debate: Issues and Analysis Asa A. Clark, Peter W. Chiarelli, Jeffrey S. McKitrick et James W. Reed éd. (Baltimore: Johns Hopkins University Press, 1984), p. 230. La participation de Lind au débat a été considérable et peut-être intéressée; ses arguments sont résumés dans l’ouvrage qu’il a publié avec le sénateur Gary Hart, America Can Win (Bethesda, Md.: Alder and Alder Publishing, 1987). 24. Romju, From Active Defense to Airland Battle, p. 58. Voir également l’article de Huba Wass de Czege « Army Doctrinal Reform » dans The Defense Reform Debate: Issues and Analysis, p. 101-120. Wass de Czege était le lieutenant-colonel responsable de la rédaction de l’ébauche du FM 100-5, Operations en 1982 (un résumé du combat aéroterrestre), en collaboration avec les lieutenantscolonels Holder et Henriques. 25. Il est indiscutable que l’armée a accepté la dichotomie manœuvre-attrition comme un outil de compréhension. Le général Donn A. Starry s’en est servi dans son avant-propos de l’ouvrage de Richard Simpkin Race to the Swift: Thoughts on Twenty-First Century Warfare (London: Brassey’s Defense Publishers: 1985). L’exclusion de la dichotomie et du terme « guerre de manœuvre » de la doctrine écrite est plus révélatrice. D’après l’ouvrage de Richard M. Swain, Selected Papers of General William E. Depuy (Fort Leavenworth, KS: Combat Studies Institute, 1994), il est évident que le sujet a été débattu dans le milieu de l’armée; voir plus particulièrement les articles publiés aux p. 315 et 339 où l’on invoque la nécessité d’équilibrer l’accent mis sur la puissance de feu-la manœuvre et les méthodes de commandement centralisé-décentralisé. 26. James J. Schneider, “The legacy of V.K. Triandifillov”, Introduction de l’ouvrage The Nature of the Operations of Modern Armies de Triandifillov, p. xxv-xxvii. 27. William S. Lind, Maneuver Warfare Handbook (Boulder: Westview Press, 1985). Le concept de la guerre de manœuvre de Lind en 1985 diffère quelque peu de celui de ses articles de 1977 qui est fondé principalement sur la théorie de l’art de la guerre du Colonel John Boyd de la force aérienne, c’est-à-dire des cycles « décision-action » rapides; ce dernier supposait qu’une armée qui pouvait constamment recueillir de l’information et prendre et exécuter des décisions plus rapidement que son adversaire remporterait inévitablement la victoire. Boyd a écrit très peu de traités : sa théorie a été d’abord énoncée de façon exhaustive dans un briefing de 1977 intitulé « Patterns of Conflict », qui Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 préparation de publications ultérieures sur la doctrine subordonnée que d’autres auteurs ont utilisé et défini l’expression « guerre de manœuvre ». 35. La controverse est évidente dans des articles publiés dans le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre : « Confiance, guerre de manœuvre, commandement de mission et l’Armée de terre canadienne » du Lcol Oliviero, p. 26-30 et « Groupement tactique, progression et guerre de manœuvre » du Col W. Semianiw, p. 54-58, vol. 1, no 1 (août 1998). Voir également « La guerre de manœuvre et le commandement depuis l’avant » du Col Semianiw, « La doctrine et l’Armée de terre du Canada » – la séduction exercée par le dogme étranger : Essayons d’affronter notre réalité » du Lcol Roman J. Jarymowycz et « Puissance de feu : Introduction au nouveau manuel », vol. 2, no 3 (août 1999) qui illustrent la diversité des opinions relatives à la guerre de manœuvre. 36. PFC 300-2, Force terrestre, volume 2 – Doctrine du niveau tactique de l’Armée de terre, p. 1-8. Directives et orientations stratégiques de la Force terrestre (DOSFT), Partie 1, chapitre 2, p 8/18. En fait, la guerre de manœuvre n’est mentionnée qu’une seule fois dans la Publication des Forces canadiennes (PFC) 300-1 Force terrestre, volume 1 – Conduite des opérations terrestres – Doctrine du niveau opérationnel de l’Armée de terre (Ottawa : Publication de la Défense nationale, 1996), dans la note complémentaire de la p. 2-3. Les auteurs ont choisi délibérément de ne pas utiliser l’expression « guerre de manœuvre » parce que la doctrine qui était en train d’être rédigée et qui était plutôt « manœuvriste » s’écartait de celle adoptée par William S. Lind, Robert Leonhard et Richard Simpkin. Les auteurs de la PFC 300-2, Force terrestre, volume 2 – Doctrine du niveau tactique de l’Armée de terre ne partageaient pas ce point de vue et ont utilisé abondamment l’expression et les définitions de la guerre de manœuvre qu’ils préconisaient; voir à la p. 1-8 la description de la guerre de manœuvre à laquelle il est fait référence dans les DOSFT. 37. Tout au long de l’histoire moderne, la définition et le rôle de la doctrine ont été des sujets litigieux dans la plupart des armées. L’opinion sur le but élargi de la doctrine est devenue prédominante dans trois des armées étudiées aux présentes – l’armée allemande de 1860 à 1945, l’armée soviétique de 1920 à 1989 et l’armée américaine de 1976 à 1999. La perspective de la doctrine préconisée dans la présente thèse découle d’un point commun dans l’utilisation de la doctrine dans ces trois armées. L’approche allemande de la doctrine entre 1860 et 1945 était cohérente en raison du rôle institutionnel de la doctrine exprimé sous forme de concept opérationnel (Kriegsführung) au sein de l’état-major général. Ce système était très bien intégré; le concept opérationnel apportait une contribution à la planification de la mobilisation nationale et la section historique de l’état-major supérieur se servait des leçons retenues empiriques pour contribuer au système. Le système permettait l’intégration des technologies. De plus, les mécanismes du système d’état-major examinaient les composantes organisationnelles essentielles à la réalisation du concept opérationnel. Pour plus de détails sur l’organisation et la fonction du système allemand, voir l’ouvrage du Major Theodore Schwan, Report on the Organization of the German Army (Office of the Assistant Adjutant General US Army, Washington: Government Printing Office, 1894); l’ouvrage de Herbert Rosinski, The German Army (New York: Preager 1966); celui de Mathew Cooper, The German Army 1933-1945 (London: Scarborough House, 1978); de Denis Showalter, Railroads and Rifles: Soldiers Technology and the Unification of Germany (Hamden: Archon Press, 1986); de Martin Samuels, Command or Control (London: Frank Cass, 1995); de James S. Corum, The Roots of Blitzkrieg (Lawrence: University Press of Kansas, 1992); et de Walter Goerlitz, History of the German General Staff 1657-1945 (New York: Praeger, 1962). De par sa nature intégrante, la perspective soviétique de la doctrine est semblable et est clairement présentée dans la conception de la « Unified Military Doctrine » de M.V. Frunze : « … Une doctrine militaire unifiée constitue l’enseignement donné au sein de l’armée d’un État, qui établit la nature du développement organisationnel des forces armées de la nation, les méthodes de l’instruction au combat des troupes et de leur leadership d’après les opinions prédominantes au sein de l’État sur la nature des tâches militaires auxquelles elles doivent faire face et les méthodes permettant de les résoudre... déterminé par le niveau de développement des forces productives de la nation ». Citation extraite de l’ouvrage de M.A. Gareev, M.V. Frunze, Military Theorist (Washington: Pergamon-Brassey’s, 1988) p. 103. Cette perspective de la doctrine constitue l’essence des grands débats sur la doctrine entre Frunze et Trostky durant les années 1920, qui sont à l’origine de l’approche systématique relativement cohérente de l’étude et du développement des méthodes de combat qui a caractérisé l’activité militaire soviétique de 1920 à 1937; voir The Evolution of Soviet Operational Art, 1927-1991: The Documentary Basis traduit par Harold S. Orenstein (London: Frank Cass, 1995). La similitude avec « l’approche systémique » de la doctrine adoptée par l’armée américaine, qui souligne que la doctrine est le « moteur du changement », sera traitée plus loin dans la section IV. 37 Incompréhension de Mars et de Minerve : L’incapacité de l’Armée de terre à définir la doctrine opérationnelle fut modifié en 1986. L’auteur a révisé ces briefings, mais ils n’ont pas été publiés. Voir également la monographie du Major Robert B. Polk « A Critique of the Boyd Theory – Is It Relevant to the Army? » (Fort Leavenworth: School of Advanced Military Studies, 99-00). 28. William Lind est mécontent de l’absence de progrès, au sein du USMC, vers l’institutionnalisation de sa théorie sur la guerre de manœuvre. Il blâme l’intransigeance institutionnelle et non le caractère superficiel de son propre concept; voir l’ouvrage de W.S. Lind « What Great Victory? What Revolution? » dans le USMC Tactical Notebook (mai 1993). C’est dans une monographie non publiée du Major Craig A. Tucker « False Prophets: The Myth of Maneuver Warfare and the Inadequacies of FMFM-1 Warfighting » (Fort Leavenworth: School of Advanced Military Studies, 1994) que l’on trouve la condamnation interne la plus convaincante de la doctrine du USMC. On peut trouver des indices du mécontentement à l’égard de la doctrine dans des articles de la Marine Corps Gazette relatifs à la « guerre de manœuvre », publiés entre 1986 et 1996; par exemple, l’article de Kenneth F. MacKenzie « They Shoot Synchronizers Don’t They? » Marine Corps Gazette 78 (août 1994) : p. 30-33, et de John S. Schmitt « Out of Sync With Maneuver Warfare » Marine Corps Gazette 78 (août 1994), p. 16-22. Les critiques les plus sévères sont axées sur la négligence de l’utilisation de la puissance de feu dans la doctrine rédigée; la puissance de feu est considérée comme l’antithèse de la manœuvre et l’instrument de l’attrition. La tradition du USMC de se fier à la puissance de feu et la fierté relative à l’héritage laissé par l’artillerie de la Marine ainsi que par l’appui-feu naval et aérien alimentent le mécontentement au sujet de cette négligence. L’autre aspect du problème est le fait que le FMFM-1 n’ait pas aidé adéquatement le USMC à organiser et à équiper le Corps – car il ne contenait aucune TTP claire pour la guerre de manœuvre qui aurait pu orienter de telles activités de gestion de la Force. La doctrine modifiée du USMC – MDCP-1 – le nouveau concept opérationnel du Corps – Operational Maneuver From the Sea – comble les lacunes de la théorie de Lind sur la manœuvre, et tous les autres manuels de la Marine structurent davantage le concept de guerre de manœuvre du USMC. 29. Le Brigadier Richard E. Simpkin a pris sa retraite de l’armée britannique en 1971 après trente ans de service dans le Royal Tank Regiment et le Royal Armoured Corps. C’est un spécialiste des domaines techniques et un traducteur multilingue. Après sa retraite, il a fondé une entreprise de traduction commerciale et a donné de nombreux exposés et rédigé de nombreux écrits sur les technologies et la guerre du futur. Il est à noter que l’on ne relève aucun intérêt personnel ou politique dans ses écrits. Voir Simpkin, Race to the Swift. 30. Citation de l’ouvrage de Brian Holden Reid, Military Power: Land Warfare in Theory and Practice ( Portland: Frank Cass, 1997), p. 193. Selon Reid, l’ouvrage de Simpkin a donné à la théorie sur la manœuvre une réputation d’obscurité impénétrable et est moins convaincant pour un militaire que l’ouvrage de Lind, Maneuver Warfare Handbook, qui était mieux connu au Army Staff College à Camberley. Il serait incorrect de prétendre que les théories de Simpkin sont le seul fondement du Design for Military Operations: British Military Doctrine (London: Army Code No. 71451, 1989); J.F.C. Fuller a également joué un rôle dans cette publication fondamentale de l’armée, tout comme Frank Kitson, en ce qui concerne l’explication des opérations hors guerre. 31. Les articles du Brigadier J.B.A. Bailey MBE « Deep Battle 1914-1941: The Birth of the Modern Style of Warfare » et « The Century of Firepower » dans The British Army Review, no 120, en sont un parfait exemple. Bailey réfute le fondement même de la théorie sur la manœuvre sans la défier ouvertement. Son principal argument est qu’on a mis beaucoup trop l’accent sur la manœuvre pendant la guerre moderne et que la puissance de feu est plus pertinente et concluante que le combat en profondeur. En s’exprimant ainsi, il montre qu’il est attiré par l’autre pôle de la dichotomie attrition-manœuvre. 32. Le premier article paru dans une revue canadienne fut celui du major C.S. Oliviero intitulé « Manoeuvre Warfare: Smaller can be Better », publié dans la Revue trimestrielle de la Défense vol. 18, no 2 (automne 1988), p. 67-72. L’un des articles les plus approfondis est celui du Capitaine I. Hope intitulé « Changing a Military Culture: Maneouvre Warfare and a Canadian Operational Doctrine », paru dans la Revue trimestrielle de la Défense vol. 5, no 1/2 (printemps 1995), p. 1-7. 33. L’auteur a participé directement à cette expérience en tant que principal rédacteur de la PFC 300 et de la PFC 300-1. 34. L’expression « guerre de manœuvre » ne paraît qu’une seule fois dans ces deux publications, à la p. 2-3 de la PFC 300-1. Les auteurs (le Major Ian Hope, PPCLI et le Major Brad Bergstram, génie) ont choisi d’éviter la confusion relative à cette expression. Les rédacteurs en chef ont donné leur accord. Cependant, l’expression a été utilisée dans des briefings, des exposés et des articles à la grandeur de l’Armée de terre. C’est seulement durant la Le lieutenant-colonel Ian Hope, CD 38. Sun Tzu, Art of War traduit par Ralph D. Sawyer (Boulder: Westview Press), p. 167. 39. Végèce s’est inspiré d’anciennes autorités en la matière – Caton, Celus, Frontinus et Paternus – en compilant les doctrines militaires antérieures oubliées; voir l’ouvrage de N.P. Milner, Vegetius: Epitome of Military Science (Liverpool: Liverpool University Press, 1993), p. xiv – xxi. Voir également l’ouvrage de Delbruck, History of the Art of War, Volume II: The Barbarian Invasions traduit par Walter J. Renfroe, Jr. (Lincoln: University of Nebraska Press, 1975), p. 202-205 et celui de Thomas R. Phillips, éd. Roots of Strategy: the 5 Greatest Military Classics of All Time (Harrisburg: StackPole Books, 1985) p. 67. 40. L’ouvrage de Machiavelli est organisé de la même façon que celui de Végèce : les réflexions de Végèce sur le service militaire, l’instruction, les drills et les exercices sont exposées dans le livre I tandis que Machiavelli traite des mêmes sujets, dans le même ordre, dans son deuxième ouvrage. Le livre III de Végèce sur la tactique et les généraux correspond aux livres IV et V de Machiavelli. 41. Voir le livre II de Machiavelli, The Art of War, édition Neal Wood, p. 76-80. Virtu se caractérise par l’audace, la bravoure, l’esprit de décision et la détermination – la capacité de mener à terme un plan d’action. Il s’agit d’une qualité à la fois individuelle et collective. Voir également les commentaires de Wood liv-lvi. 42. Barker Thomas M. The Military Intellectual in Battle: Raimondo Montecuccoli and the Thirty Years War. (Albany: State University of New York Press, 1975), p. 5 et 58. Montecuccoli, un général de l’armée impériale autrichienne, d’origine italienne, est le fondateur de l’armée autrichienne moderne. Il a élaboré une théorie de l’organisation militaire fondée sur une armée permanente interarmes de 48 000 soldats bien équipés et bien entraînés à la guerre. Il a conçu des tactiques pour les opérations de cavalerie et les opérations débarquées ainsi qu’une méthode opérationnelle qui visait à toujours prendre l’initiative. Il a également formulé une stratégie pour des opérations limitées et des guerres d’attrition de la façon dont on les menait au XVIIIe siècle. Voir l’ouvrage de Barker, p. 60-61. Son approche ne se limitait pas à une méthode scientifique primitive car sa doctrine comprenait une composante morale manifeste dans son examen des qualités du leadership en temps de guerre : voir Makers of Modern Strategy, p. 62 et Barker, p. 64-71. Pour la composante morale, Montecuccoli a été influencé par Virtu de Machiavelli et Constantia de Lipsius. L’accent mis par Montecuccoli sur les préparatifs militaires professionnels est également examiné dans l’ouvrage Makers of Modern Strategy, Paret éd., p. 61. 43. Les ouvrages de doctrine reflétaient la quête de lois immuables en temps de guerre. Dans Mes rêveries, le maréchal Maurice de Saxe déclarait que l’application soignée des manœuvres tactiques et que le souci de la logistique pouvaient « garantir » le succès. On a commencé à rédiger des ouvrages techniques sur l’habileté militaire, dont le plus remarquable est celui de Sébastien Le Prestre de Vauban sur la fortification, qui est demeuré une référence jusqu’au XIXe siècle (des écoles de génie ont été établies à Woolwich en 1721, l’École militaire en 1751 et l’académie de génie de Potsdam en 1768). Au XVIIIe siècle, la science et la technologie commençaient à devenir des thèmes persistants dans l’éducation militaire et Vauban a joué un rôle prépondérant à cet égard; voir Makers of Modern Strategy, Paret, éd., p. 7273. Les Instructions for His Generals de Frederick le Grand constituaient probablement la première doctrine globale des temps modernes. Tout en préconisant des tactiques et des procédures standard, Frederick considère également les aspects moraux de la doctrine propres à la stricte discipline de l’armée prussienne. Par ailleurs, ses Instructions sont uniques parce qu’elles expriment des concepts d’opération précis pour les campagnes futures de l’armée prussienne. T.R. Phillips, éd. Roots of Strategy: The Five Greatest Military Classics of All Time (Harrisburg: Stackpole, 1985); voir l’ouvrage de Saxe « My Reveries Upon the Art of War », p. 177 et « The Instruction of Frederick the Great For his Generals, 1747 », p. 301. Notons d’autres ouvrages de Frederick : Principes généraux de la guerre, Testament militaire, Éléments de castramétrie et de tactique, dont les noms décrivent à eux seuls l’approche systématique adoptée à l’époque pour toutes les activités militaires. Dans ses Instructions, il a donné à ses subordonnés en un seul volume une doctrine qui est conforme à son but stratégique reconnu. Son but était clair : « transformer l’armée en un instrument doté d’une seule et même volonté ». Paret, éd. Makers of Modern Strategy, p. 99. 44. Ibid. Hans Delbruck prétendait que la révolution française n’a pas seulement produit un nouveau « type d’armée, mais aussi des tactiques et finalement une stratégie, et qu’elle a été le point de départ d’une nouvelle période dans l’histoire de l’art de la guerre ». Delbruck, History of the Art of War, Volume IV, p. 390. Mais de telles nouvelles tactiques et stratégies n’ont pas émergé spontanément de la révolution : on s’est inspiré de Guibert et de son Essai général de tactique (1770) et de sa Défense du système de guerre (1779), ibid., 38 p. 407 pour mettre l’accent sur la mobilité et l’organisation divisionnaire – des éléments qui furent concluants pour Napoléon; voir également l’ouvrage de R.R. Palmer, « Frederick the Great, Guibert, Bulow: From Dynastic to National War » chez Paret, éd. Makers of Modern Strategy, p. 91. Gribeauval a fourni à Napoléon une artillerie améliorée. Sous le règne de Napoléon, les directives contenues dans les anciens textes de doctrine ont été combinées pour former un nouveau et puissant système de guerre qui n’était pas cependant fondé sur un seul traité écrit, et qui était donc susceptible d’être interprété après la défaite de Napoléon. 45. James J. Schneider, The Structure of Strategic Revolution: Total War and the Roots of Soviet Warfare State (Novato: Presidio Press, 1994), p. 32-53. Voir aussi « Theoretical implications of Operational Art » de James J. Schneider dans On Operational Art, Clayton R. Newell et Michael D. Krause éd. (Washington: Center of Military History US Army, 1994), p. 18 et Vulcan’s Anvil document théorique no 4 (Leavenworth, School of Advanced Military Studies, 1991), p. 30-32. 46. Shimon Naveh, In Pursuit of Military Excellence: The Evolution of Operational Theory (Portland: Frank Cass, 1997). 47. Ibid., p. 6. 48. Bertalanffy, General System Theory, p. xx. 49. Dietrich Dorner, The Logic of Failure: Why Things Go Wrong and What We Can Do to Make Them Right (New York: Metropolitan Books, 1996), p. 38. 50. Naveh, In Pursuit, p. 7. 51. Ibid., p. 14. 52. James J. Corum, The Roots of Blitzkrieg: Hans von Seeckt and German Military Reform (Lawrence: University Press of Kansas, 1992), p. 137. 53. Ibid., p. 202-203. 54. Mathew Cooper, The German Army 1933-1945 (London: Scarborough House, 1978),p. 115-117. 55. Les officiers qui ne faisaient pas partie de l’état-major général (dissimulé sous le nom de Truppenamt), ne faisaient pas de spéculation stratégique ou de politique – ils se concentraient professionnellement sur la maîtrise du niveau tactique. Toutefois, la pensée stratégique et l’élaboration de politique avaient lieu durant l’instruction et la planification du Truppenamt. Le besoin traditionnel d’éviter la guerre sur deux fronts a amené le Truppennamt à envisager comme stratégie de vaincre la Pologne et la France par des opérations de manœuvre. Voir Corum, Roots, p. 87 et 95. 56. (Corum 51, Cooper). Jeduha L. Wallach, The Dogma of the Battle of Annihilation: The Theories of Clausewitz and Schlieffen and Their Impact on the German Conduct of Two World Wars (Westport: Greenwood Press, 1986), p. 210211. Von Seeckt s’est démarqué de l’appui traditionnel sur des armées massives : il considérait que l’armée allemande avait deux rôles, celui d’une petite force de frappe d’élite et de base pour une armée élargie. Voir Corum, Roots, p. 52, 55 et 69. 57. Corum, Roots, p. 49. 58. Ibid., p. 38. 59. Ibid., p. 84 et 87. 60. Ibid., p. 54 et chapitres 5 et 8. 61. Ibid., p. 122-125. Guderian a beaucoup critiqué les dirigeants de l’armée allemande pour leur apparente intransigeance à l’égard du développement de l’arme blindée. En réalité, von Seeckt a appuyé ce développement, Volckheim a établi le programme d’instruction sur les blindés en 1924 et von Fritsch, von Blomberg et le Truppennamt visaient tous des organisations blindées autonomes. L’armée allemande de cette période était une « organisation en apprentissage » et elle s’était engagée à découvrir le meilleur usage des blindés. Cependant, elle n’était pas prête à rejeter la tradition de « l’anéantissement » afin de satisfaire l’école des blindés. 62. Voir Martin Van Crevald, Fighting Power: German and US Army Performance, 1939-1945 (Westport: Greenwood Press, 1982). Van Crevald a montré statistiquement l’efficacité continue de l’armée allemande tout au long de la Deuxième Guerre mondiale. Il laisse entendre que son système militaire était rudimentaire, comparativement aux normes américaines, mais efficace. Sa critique du système très structuré de l’armée américaine ne tient pas compte suffisamment du fait que c’est cette dernière qui a fini par l’emporter. 63. Department of the Army, Field Manual (FM) 100-5, Operations (Washington: 1976). 64. Edward Elme Blankenhagen, Organizational Learning in the Development of Doctrine in the US Army, 1976-1986: A Historical Case Study (Ann Arbor: UMI Dissertation Services, 1995). 65. US Army Field Manual (FM) 100-5, Operations (Washington: Department of the Army, 1982), and US Army Field Manual (FM) 100-5, Operations (Washington: Department of the Army, 1986). 66. Plus particulièrement l’hélicoptère Apache, les lance-roquettes Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 House, 1978), p. 133-138. Jeduha L. Wallach discute de l’influence de Shlieffen et de sa prédilection pour l’anéantissement dans The Dogma of the Battle of Annihilation: The Theories of Clausewitz and Schlieffen and Their Impact on the German Conduct of Two World Wars (Westport: Greenwood Press, 1986), p. 210-211. Dans les années 1920, von Seeckt a respecté la tradition de l’anéantissement, mais il a innové en recherchant l’anéantissement au moyen d’une armée professionnelle possédant des technologies supérieures et non grâce à une force levée en masse; voir James J. Corum The Roots of Blitzkrieg: Hans von Seeckt and German Military Reform (Lawrence: University Press of Kansas, 1992), p. 51-54. 78. Les risques de désastre associés au fait de mener une guerre simultanément sur deux fronts sont un héritage de l’époque de Frederick le Grand et ils ont défini le problème allemand de la survie nationale. Dans son ouvrage intitulé The Evolution of Blitzkrieg Tactics: Germany Defends Itself Against Poland 1918-1933 (Westport: Greenwood Press, 1987), Robert M. Citino allègue que la menace polonaise a été un catalyseur de la mise au point de la Blitzkrieg pour résoudre le dilemme stratégique auquel l’Allemagne faisait face. James Corum estime que cette explication est trop simpliste et affirme que les Allemands considéraient également la menace française (voir Corum, Roots, p. xi et 197); cependant, l’argument de Corum ne diminue en rien le mérite de l’observation de Citino selon laquelle la situation géostratégique et la planification de la guerre ont eu un effet considérable sur la mise au point des capacités de l’armée allemande. Dans The Sources of Military Doctrine: France Britain, and Germany Between the World Wars (Ithaca: Cornell University Press, 1984), Barry Posen allègue que c’est l’influence prédominante de la « théorie organisationnelle » qui a amené l’armée allemande à adopter une doctrine offensive (d’anéantissement) et non un besoin géostratégique perçu. Les arguments de Posen sont traités de façon satisfaisante par Corum (Roots, p. 66). 79. Cooper, The German Army, p. 137-138. Cette méthode est expliquée dans les articles 314-329 du German Field Service Regulations Truppenführung (Troop Leading) 1933, qui ont été traduits et reproduits par l’armée américaine (LaCrosse, Wisconsin : Digital Production, date inconnue). 80. Dans les articles 355-371 du Truppenführung, on explique l’accent mis sur l’infanterie et la mesure limitée dans laquelle les Allemands se fiaient en 1933 sur les chars comme principale arme offensive. 81. Corum, Roots, chapitre 6, 122-168. Shimon Naveh discute de la tension entre l’armée traditionnelle et l’école blindée dans In Pursuit of Military Excellence: the Evolution of Operational Theory (Portland: Frank Cass, 1997), chapitre 4, p. 105-163. 82. Naveh, Pursuit, p. 124; voir également John A. English, A Perspective on Infantry (New York: Praeger, 1981), p. 95-96. 83. Il s’agit ici de l’interprétation de l’auteur fondée sur l’hypothèse selon laquelle la guerre de manœuvre à la Blitzkrieg (c’est-à-dire la forme préconisée par ses concepteurs) vise une décision rapide au moyen d’une capitulation « totale » de l’ennemi. Dans cette perspective, le rôle de la bataille et de la destruction des forces est secondaire. Il importe peu que l’ennemi lutte ou non, qu’il se rende parce que sa structure de commandement est paralysée, parce que sa volonté politique et militaire a été anéantie, parce qu’on craint pour les civils, en raison des pertes subies ou d’une combinaison de tous ces éléments; ce qui importe, c’est qu’il se rende rapidement et de façon décisive. On a émis un autre point de vue selon lequel la défaite rapide et décisive d’un ennemi sans la destruction de ses forces constitue effectivement une troisième forme de stratégie, différente de celle de l’anéantissement (au combat) ou de l’épuisement : voir James J. Schneider « A New Form of Warfare » dans Military Review, vol. LXXX, janvier-février 2000, no 1 (Fort Leavenworth: US Army Command and General Staff College, 2000), p. 56. Naveh, Pursuit, p. 124 et John A. English, A Perspective on Infantry (New York: Praeger, 1981), p. 95-96. 84. Lind, Maneuver Warfare Handbook, p. 73. 85. Naveh, In Pursuit, p. 125. Le plan adopté par Manstein pour la campagne de 1940 en France consistait à concentrer des forces blindées afin de causer un choc qui permettrait de les diviser, de les encercler et d’anéantir (par destruction) des formations combattantes clés; le choc n’était pas considéré comme une fin en soi. C’est seulement lorsque Guderian a obtenu un succès imprévu et a perçu une occasion que la tension entre les deux concepts est née. 86. Naveh, In Pursuit, p. 150; selon lui, la fidélité des Allemands à une simple formule tactique (pénétration x mécanisation x encerclement = destruction) « excède les limites de la logique professionnelle et humaine et constitue une tentative de se conformer aux fluctuations frénétiques d’une stratégie incohérente ». 87. J.F.C. Fuller, Armament and History (New York: Da Capo Press, 1998), p. 148. 88. Naveh, In Pursuit, p. 140-144. 89. Tucker, “False Phrophets”, p. 12. 90. Ibid. p. 143-144. 91. Cette affirmation sera contestée par les manœuvristes. Au début de 39 Incompréhension de Mars et de Minerve : L’incapacité de l’Armée de terre à définir la doctrine opérationnelle multiples, le M1, le M2 et les systèmes de surveillance JSTARS. 67. Blankenhagen a présenté dans Organizational Learning, p. 102-112, une interprétation succincte de l’approche systémique, plus particulièrement des systèmes « d’interprétation » (de rétroaction) (y compris le NTC et le CALL) établis à la suite des réformes de Starry. Voir également l’ouvrage de Ann W. Chapman, The Army’s Training Revolution 1973-1990: An Overview (Fort Monroe: US Army Training and doctrine Command, 1991). 68. Cette allégation est documentée dans l’ouvrage de Chapman, Training Revolution. Elle est présentée par Harry Summers dans On Strategy II: A Critical Analysis of the Gulf War (New York: Dell Publishing, 1992), chapitre 8. 69. Voir Daniel J. Hughes, « The Abuses of German Military History » Military Review, décembre 1986. 70. Voir Lind, Handbook, p. 18 et 73-80. Dans ses explications, Lind s’appuie sur trois sources principales : les écrits de B.H. Liddell Hart « The man-inthe-Dark » Theory of Infantry Tactics and the « Expanding Torrent System of Attack » dans le Journal of the Royal United Services Institute février 1921, 13; l’ouvrage influant de Timothy Lupfer, The Dynamics of Doctrine: The Changes in German Tactical Doctrine During the First World War, Leavenworth Paper No. 4 (Fort Leavenworth, KS: US Army Command and General Staff College, 1981); et la brochure 20-269 du Department of the Army Small Unit Operations During the German Campaign in Russia (Washington: US Army, 1953). 71. Dans le présent document, on établit une distinction claire entre la guerre de manœuvre et la philosophie de commandement qui vise la décentralisation. Il s’agit de concepts distincts qui ne sont pas nécessairement dépendants. La philosophie du commandement décentralisé a toujours été pertinente et utilisée en temps de guerre à condition qu’il existe une compréhension cognitive de la nécessité absolue, durant certaines opérations, d’exercer un contrôle tactique serré afin d’assurer la synchronisation. Encore une fois, comme dans le cas de la manœuvre et de l’attrition, il faut considérer la dichotomie sous son vrai jour – un concept – et ne pas être esclave de l’une ou l’autre de ses parties. L’ouvrage de J.F.C. Fuller, Sir John Moore’s System of Training (London: Hutchison & Co., 1924) constitue un magnifique exemple de l’institutionnalisation des méthodes de commandement décentralisées au cours de l’histoire, hors du contexte de la guerre de manœuvre. Un autre exemple est la tradition de l’infanterie légère de l’armée britannique de 1745 à 1815, tout comme la marge de manœuvre pour l’initiative au sein du corps canadien de 1916 à 1918; voir Bill Rawling, Surviving Trench Warfare: Technology and the Canadian Corps, 1914-1918 (Toronto: University of Toronto Press, 1992). L’emphase mise sur le commandement décentralisé dans la guerre de manœuvre illustre bien l’influence profonde de l’Allemagne. Pendant la Première Guerre mondiale, l’armée allemande a innové en institutionnalisant la décentralisation et cette innovation a été retenue dans les ouvrages Army Regulation 487 et Truppenführung. Cependant, avec l’arrivée de la numérisation, la décentralisation du commandement n’est plus essentielle dans la guerre de manœuvre. Voir Robert Leonhard « Maneuver Warfare and the US Army » dans Maneuver Warfare, and Anthology, Richard D. Hooker éd. (Novato: Presidio, 1993), p. 43-52 et Robert Leonhard The Principles of War for the Information Age (Novato: Presidio, 1998), p. 179-180. 72. Voir Hart et Lind, America Can Win, p. 33-34. 73. Craig Tucker présente une critique très bien formulée des fondements historiques de la théorie sur la guerre de manœuvre dans « False Prophets », p. 14-27. 74. Hans Delbruck, History of the Art of War traduit par Walter J. Renfroe, Jr. (Lincoln: University of Nebraska Press, 1975). 75. Delbruck, History, Vol I, p. 135-139; voir aussi Gordan A. Craig, « Delbruck: The Military Historian » dans Makers of Modern Strategy: from Machiavelli to the Nuclear Age Peter Paret éd. (Princeton: Princeton University Press, 1986), p. 341. Voir également Arden Bucholtz, Hans Delbruck and the German Miliatry Establishment (Iowa City: University of Iowa Press, 1985). L’interprétation par Delbruck d’une dualité stratégique est fondée sur la dualité limitée et illimitée de la guerre avancée par Carl von Clausewitz; voir sa note du 10 juillet 1827 expliquant cette dualité qui prédomine dans des parties clés de son chef-d’œuvre On War traduit par Michael Howard et Peter Paret éd. (Princeton: Princeton University Press, 1984), p. 69 et Livre 8, chapitres 5, 6 et 7. 76. L’une des meilleures explications de la dichotomie de Delbruck, dans le cadre d’une discussion sur les niveaux de commandement, la guerre et la paix et la guerre de guérilla par opposition aux opérations conventionnelles, figure dans l’ouvrage de Mao Tse-Tung Selected Military Writings of Mao Tse-Tung compilé par le Combat Studies Institute (Fort Leavenworth: US Army Command and General Staff College, 1991), p. 142, 187, 210, 229-257. L’utilité de la dichotomie de Delbruk y est manifeste. 77. L’importance de la tradition dans l’art de la guerre allemand est traitée par Mathew Cooper dans The German Army 1933-1945 (London: Scarborough Le lieutenant-colonel Ian Hope, CD l’élaboration de la guerre de manœuvre, on a innové en présentant le concept du niveau opérationnel de la guerre comme un niveau intermédiaire entre la tactique et la stratégie. Cependant, puisque les auteurs étaient fidèles à la dichotomie attrition-manœuvre, ils ont associé l’attrition uniquement au niveau tactique et la manœuvre au niveau opérationnel libérateur. Cela a évidemment éliminé toute possibilité de réaliser la synthèse que le niveau opérationnel permet. Voir Edward N. Luttwak, « The Operational Level of War », International Security, vol. 5, no 3, hiver 1980-1981, p. 61. 92. Shimon Naveh, In Pursuit, p. 15. 93. James J. Schneider « Theoretical implications of Operational Art » dans On Operational Art Clayton R. Newell et Michael D. Krause éd. (Washington: Centre of Military History US Army, 1994), p. 18-20. 94. Naveh, In Pursuit, p. 1. 95. Svechin, Strategy, p. 68. Les travaux de Svechin ont été publiés pour la première fois en 1927. L’importance d’un lien au niveau opérationnel entre la politique, la stratégie et la tactique n’a pas toujours été si évidente. La compréhension de ce lien essentiel a été démontrée pour la première fois à l’ère moderne pendant la deuxième moitié de la guerre de Sécession américaine (voir James Schneider « Theoretical Implications » p. 18-19), mais à la suite de cette guerre, les États-Unis sont revenus à la pensée au niveau tactique. À la même époque, Helmut Graf von Moltke commençait à comprendre le rapport entre la planification de la guerre et les réalités géostratégiques, mais il refusait de codifier une doctrine du niveau opérationnel et ne voulait pas que les opérations soient régies par la politique une fois les hostilités entamées. (Voir Moltke, On the Art of War: Selected Writings, Daniel J. Hughes éd. (Novato: Presidio, 1993). C’est ainsi qu’il s’est détaché de Clausewitz. Son héritage est demeuré – pour le malheur ultérieur des Allemands – axé sur la tactique. Voir également l’ouvrage de Donald Cranz « Understanding Change: Sigismund von Schlichting and the Operational Level of War », une monographie de la School of Advanced Military Studies (Fort Leavenworth: US Army Command and General Staff College, 1989), où il examine l’amélioration de la compréhension opérationnelle au sein de l’armée allemande à la fin du XIXe siècle. I.S. Bloch (également connu sous le nom de Jean de Bloch) démontre clairement dans son ouvrage monumental de 1898 The Future of War (Fort Leavenworth: Combat Studies Institute Reprint) une compréhension du lien dans son argument sur le but de la guerre de l’ère industrielle à titre d’instrument politique. Malheureusement, les armées européennes ont ignoré les arguments de Bloch pendant la préparation des plans de mobilisation avant 1914. 96. Le rôle de l’attrition et de la manœuvre dans les stratégies d’anéantissement et d’épuisement est intéressant. L’attrition est essentielle pour les deux stratégies – c’est le moyen par lequel on peut effectuer l’anéantissement. La bataille décisive est une tentative d’utiliser l’attrition rapide des moyens de l’ennemi pour obtenir une décision. Cela n’empêche pas la manœuvre parce que c’est grâce à cette dernière que les forces se placent dans la meilleure position possible pour un engagement décisif. Lors des batailles de Leuctres, de Cannes et d’innombrables autres batailles décisives, on a eu besoin de la manœuvre pour causer l’attrition nécessaire à l’anéantissement. De même, l’attrition est nécessaire à la stratégie d’épuisement. On recherche l’attrition progressive par la manœuvre (jusqu’à des positions avantageuses par rapport à l’ennemi) et par l’engagement de l’adversaire (afin de l’affaiblir physiquement et moralement). Ici, les effets de l’attrition sont graduels. Avant la Première Guerre mondiale, les stratégies d’anéantissement durant de brèves guerres décisives comme la guerre francoallemande ou les guerres napoléoniennes étaient la tradition en Europe. Mais le moule européen a été brisé durant la Deuxième Guerre mondiale. Les stratégies n’ont pas tenu compte des effets de la révolution industrielle sur l’art de la guerre. L’incapacité d’un des adversaires d’effectuer un anéantissement décisif a entraîné les nations, par défaut, dans une guerre d’épuisement coûteuse – contraire à tout ce que Delbruk avait envisagé. Après la « course vers l’océan », la manœuvre en vue d’une bataille décisive était exclue, tout comme l’anéantissement et la manœuvre en vue d’éviter une bataille décisive. La seule alternative était l’attrition sur un front dont les limites n’avaient jamais été aussi vastes. Durant l’analyse de la Première Guerre mondiale dans les années 1920 et 1930, la plupart des armées ont cherché à éviter les stratégies d’épuisement en découvrant des moyens de restaurer la mobilité pendant la guerre. Les Soviétiques et les Allemands ont effectué une analyse approfondie. Celle des Soviétiques était plus détaillée, meilleure que celle des Allemands, parce qu’elle établissait de façon officielle le lien entre la politique, la stratégie et la tactique et produisait ainsi la première « doctrine unifiée » mondiale; voir Svechin, Strategy et Makhmut A. Gareev M.V. Frunze Military Theorist (London: Pergamon-Brassey’s, 1988), p. 103. La nature complémentaire et non convaincante de l’attrition et de la manœuvre dans la dualité anéantissement-épuisement de Delbruk a joué un rôle important dans la démonstration que la dichotomie attrition-manœuvre ne constitue pas un 40 fondement judicieux pour une théorie sur la guerre. 97. Svechin était d’avis que durant les préparatifs de guerre, il fallait formuler une « hypothèse de travail » au sujet de la stratégie absolument essentielle. La situation géopolitique devait déterminer les menaces probables qui, à leur tour, définissaient les buts nationaux par rapport à ces menaces, ce qui permettait ensuite aux chefs politiques et militaires de s’entendre sur la stratégie militaire appropriée – l’anéantissement ou l’épuisement. Ibid., p. 97. 98. V.K. Triandifillov, The Nature of the Operations of Modern Armies, éd. par Jacob W. Kipp (Portland: Frank Cass, 1994). 99. Ibid., p. 159-179. Dans la préface de son livre, Jacob Kipp, Ph. D., déclare que Triandifillov a utilisé la science appliquée pour dresser les plans des opérations (p. xvii). Voir également James J. Schneider, The Structure of Strategic Revolution: Total War and the Roots of the Soviet Warfare State (Novato: Presidio Press, 1994), p. 188. 100. M. N. Tukhachevskii, New Problems in Warfare, reproduction de trois chapitres des auteurs, 1931, par the Art of War Colloqium – US Army Carlisle Barracks, 1983 (Fort Leavenworth: School of Advanced Military Studies Reprint). Voir également les ouvrages de Richard Simpkin, Deep Battle: The Brainchild of Marshal Tukhachevskii (London: Brassey’s Defence Publications, 1987) et de Schneider, The Structure, p. 218-222. 101. Cela ressemble beaucoup à ce que Svechin avait originalement préconisé dans son ouvrage Strategy. Bien sûr, ce nouveau concept était beaucoup plus rationalisé au sein de l’idéologie de l’état communiste où la guerre totale et la lutte des classes étaient liées de façon inhérente. Voir Schneider, The Structure, p. 217-218. 102. Aleksandr A. Svechin, Strategy, Kent D. Lee éd. (Minneapolis: East View Publications, 1992), p. 70. 103. Mao Tse-Tung, Selected Military Writings of Mao Tse-Tung compilé par the Combat Studies Institute (Fort Leavenworth: US Army Command and General Staff College, 1991), p. 142, 187, 210, 229-257. 104. En fait, c’était exactement le but de Simpkin dans ses ouvrages Race to the Swift et Deep Battle, tandis que les manœuvristes du American Reform Caucus sont demeurés cloués sur place par la Blitzkrieg. 105. Citation de Tukhachevskii (préface de Reformation of War de Fuller) citée dans Svechin, Strategy, dans la préface de Jacob Kipp, Ph.D., p. 50. 106. Voir B.H. Liddell Hart, Strategy (New York: Henry Holt & company, 1991). Comparativement à l’interprétation de la stratégie au cours de l’histoire faite par Delbruk et à la démonstration par Svechin de la nécessité d’un lien entre les éléments politiques, économiques, diplomatiques et militaires dans la stratégie, l’ouvrage de Liddell Hart est beaucoup trop simple et sa perspective beaucoup trop étroite. Sa défense de « l’approche indirecte » est surestimée, à tel point qu’elle devient confuse. Fuller a également fait preuve d’une étroitesse d’esprit similaire dans sa défense d’une force de manœuvre décisive fondée uniquement sur des blindés; voir Armored Warfare: Lectures on F.S.R. III (Operations Between mechanized Forces (Harrisburg: The Military Services Publishing Company, 1955). 107. Brian Holden Reid, Military Power: Land Warfare in Theory and Practice (Portland: Frank Cass, 1997), p. 194-195. 108. Directives et orientations stratégiques de la Force terrestre (DOSFT) Partie 1, chapitre 1, page 9/9 et chapitre 2, p. 7-9/18. 109. Ibid., Partie 1, chapitre 2, p. 7/18. 110. On en trouve un exemple dans les propres publications de doctrine de l’Armée de terre; voir l’article du Col Walter Semianiw « Groupement tactique, progression et guerre de manœuvre » dans le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre, vol. 1, no 1, août 1998. 111. Cela vaut particulièrement si l’on envisage la guerre de manœuvre suivant le combat en profondeur de M.N. Tukhachevskii; voir New Problems in Warfare, reproduction de trois chapitres des auteurs, 1931, par the Art of War Colloqium – US Army Carlisle Barracks, 1983 (Fort Leavenworth: School of Advanced Military Studies Reprint). Voir également Richard Simpkin, Deep Battle: The Brainchild of Marshal Tukhachevskii (London: Brassey’s Defence Publications, 1987). 112. Directives et orientations stratégiques de la Force terrestre (DOSFT) Partie 1, chapitre 2, p. 8/18. Ici, on considère cinq nouveaux processus de combat – le tir, la détection, la protection, le commandement et le soutien. Cela n’est évidemment pas conforme à la doctrine de manœuvre, ce qui démontre l’utilité limitée de cette dernière à titre de doctrine ou de théorie et la mesure dans laquelle de nouvelles théories peuvent empêcher et empêcheront toute possibilité de cohérence de la doctrine au sein du PGFT actuel. 113. Pour une analyse convaincante de l’incapacité des militaires canadiens de comprendre les concepts militaires supérieurs – et de ses effets fatals – voir John A. English, Failure in High Command: The Canadian Army in the Normandy Campaign (Ottawa: The Golden Dog Press, 1995). Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre L’expérience dans le perfectionnement professionnel des officers : Un pilier menacé trait aux avantages qui sont tirés du service accompli au cours des opérations, qu’il s’agisse d’activités d’entraînement réalistes et exigeantes ou à proprement parler d’opérations. Ce genre d’expérience met l’accent sur les habiletés et les compétences liées au combat. Il est impossible de la reproduire ailleurs et elle a de profondes répercussions sur l’aptitude du militaire à bien exercer un commandement. L’expérience du commandement peut être acquise dans un contexte professionnel aussi bien qu’opérationnel. Cette expérience repose sur le temps cumulé dans des fonctions de commandement qui consolide l’aptitude à mener et à diriger des subordonnés. Le SPPO reconnaît que ne définit pas non plus la façon dont l’expérience en question doit être intégrée à l’ensemble du processus de perfectionnement. À une époque où les besoins relatifs à des habiletés supérieures abondent et où les mesures associées au PPO exigent une attention accrue à l’instruction et à l’éducation qui se donnent dans les écoles, les pressions auxquelles est soumis l’officier, en termes de temps, sont maintenant énormes. Les FC risquent de priver leurs officiers de l’occasion d’acquérir de l’expérience parce qu’elles n’ont pas adopté une formule qui équilibre les exigences touchant l’instruction et l’éducation et les besoins essentiels touchant l’expérience. L’officier des FC est membre d’une Si les efforts de perfectionnement ne sont institution qui « exige de ses membres pas équilibrés, les officiers une compétence qui implique vont se retrouver dans un une préparation intensive interminable processus À une époque où les continue passant par l’édud’instruction et d’éducation cation, l’instruction, l’autobesoins relatifs à des habiletés et ne profiteront pas perfectionnement et une supérieures abondent […] les d’occasions suffisantes de expérience pratique touchant commander et de mettre tous les aspects du métier des pressions auxquelles est soumis en pratique leur leaderarmes moderne1 » (traduction l’officier, en termes de temps, ship et leurs techniques libre). Le SPPO appuie la de combat avec leurs mission du corps des officiers en sont maintenant énormes. soldats, leurs marins et développant chez tous les leurs aviateurs, à l’unité, officiers les qualités qui permettent d’exceller au com- l’expérience du commandement joue un dans des conditions opérationnelles mandement. Ce facteur est le principe rôle capital dans le perfectionnement de réalistes. dominant qui guide le PPO. Selon la l’officier de carrière, mais il prévient que Nous soutenons dans le présent article définition que donne le SPPO, tous n’auront pas, à cause du nombre limité des occasions de commander que que les FC doivent gérer, à l’intérieur l’expérience est le milieu dans lequel l’instruction et l’éducation sont mises en les FC sont en mesure d’offrir, la du SPPO, la totalité des activités de perfectionnement professionnel comme contexte, poussées plus loin, élargies et possibilité d’avoir un commandement2. un système de systèmes dans lequel le pilier consolidées par la répétition des Bien que le SPPO mette en évidence de l’expérience est un élément essentiel affaires quotidiennes pratiques. Dans le SPPO, l’expérience se ramifie en les genres d’expérience qui sont de la stratégie de perfectionnement une expérience professionnelle, en nécessaires pour former l’officier de professionnel. Nous constatons que une expérience des opérations et en une carrière et qu’il oriente les activités l’expérience est reconnue comme un pilier expérience du commandement. L’expé- d’instruction et d’éducation qui appuient de perfectionnement important mais rience professionnelle concerne la l’exercice du leadership et du que rien ne permet d’en établir gestion du personnel, des ressources et commandement, il n’établit pas un quantitativement ou qualitativement la des activités dans les affaires quotidiennes système qui assure au niveau individuel valeur dans l’ensemble du SPPO. des FC. L’expérience des opérations a l’acquisition de l’expérience nécessaire. Il L’expérience est importante, mais elle n’est L’ expérience est le ciment qui fait tenir l’excellence professionnelle. Elle constitue l’un des quatre piliers du système de perfectionnement professionnel des officiers (SPPO), les trois autres étant l’éducation, l’instruction et l’auto–perfectionnement. L’expérience doit être programmée, planifiée et conçue de manière à permettre à chacun de profiter d’un maximum d’occasions de perfectionnement et à donner en même temps aux Forces canadiennes (FC) des chefs compétents et crédibles. Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 41 L’expérience dans le perfectionnement professionnel des officers : Un pilier menacé par le colonel Stuart A. Beare, CD Le colonel Stuart A. Beare, CD pas gérée en harmonie avec ses homologues que sont l’instruction et l’éducation. L’expérience est importante, mais sa gestion ne relève pas d’un champion unifié. L’expérience est importante, mais elle ne dispose pas d’un niveau de ressources comparable à celui des autres activités de PP. Enfin, l’expérience est importante, mais nous ne tirons pas profit de sa valeur grâce à un environnement d’apprentissage productif appuyé par un processus de rétroaction individuelle et institutionnelle uniforme et unifié. ne manquent pas. Nous lisons dans Vision 2020 que les exigences qui s’appliquent à tout le spectre et la métacognitives essentielles pour bien faire face aux scénarios complexes dont parle le général Krulak. Les documents selon lesquels les personnes qui exercent le métier des armes au XXIe siècle doivent posséder de nouvelles aptitudes au commandement ne manquent pas. Au cours des dix dernières années, les forces armées du Canada ont eu leur part de problèmes de croissance et de leçons à retenir associés aux zones chaudes telles que la Somalie, l’exYougoslavie, le Rwanda, Haïti et le L’article conclut que les occasions Kosovo. Certains des succès tactiques permettant d’acquérir de l’expérience majeurs des FC ont été l’objet d’une sont essentielles à l’acquisition des reconnaissance relativement universelle. qualités de leadership et des Toutefois, les carences en matière de compétences de commandement qui leadership et l’examen minutieux public sont exigées aujourd’hui et qui le seront et interne du fonctionnement des FC à l’avenir. De fait, l’expérience est la ont amené les Forces à déterminer qu’il source de la confiance en soi et de la leur faut reprendre l’initiative dans la compétence qui sont essentielles pour formation des chefs d’aujourd’hui, de bien exercer le commandement. L’article demain et de l’avenir6 . Se penchant sur expose les tendances du contexte du PPO qui ont une incidence sur les occasions les exigences des dix dernières années, permettant d’acquérir une expérience le chef de l’état-major de la Défense précieuse et met en évidence les (CEMD) a constaté qu’une partie du conséquences possibles. Il affirme que corps des officiers souffrait de certaines l’expérience est l’activité la plus lacunes et « que l’expérience à elle importante du chemin qui mène à la seule était insuffisante »7 . En consécompétence professionnelle et soutient quence, en 1999, le général Baril a qu’une politique doit orienter la gestion chargé le lieutenant-général Dallaire de l’expérience dans le système de PPO. Ainsi que le général Krulak l’écrit d’exprimer clairement les lacunes et les Enfin, l’article présente les éléments du dans Three Block War, « l’inévitable exigences touchant les qualités de chef cadre qui s’avère nécessaire pour leçon des […] récentes opérations, qu’il du corps des officiers qui sont jugées nécessaires pour réaliser la vision des FC pour 2020. Une équipe de PPO de l’an … le […] CEMD a constaté qu’une partie du corps 2020 a été formée en fonction de ce mandat et des officiers souffrait de certaines lacunes et une stratégie ministérielle a « que l’expérience à elle seule était insuffisante ». été mise au point en vue « d’articuler la base – intellectuelle, morale et garantir que l’expérience devient un s’agisse d’aide humanitaire, de maintien professionnelle – de la réforme du corps véritable moyen de perfectionnement de la paix ou de missions de combat des officiers des FC en fonction des qui profite tant au militaire qu’à traditionnelles, est que leur issue peut besoins prévus pour l’an 2020 »8. l’ensemble des FC. dépendre de décisions prises par les chefs des petites unités et des actions L A S T R AT É G I E D E exécutées au plus bas palier »5 . Ce P E R F E C T I O N N E M E N T LES EXIGENCES TOUCHANT niveau accru de responsabilité et de PROFESSIONNEL DES OFFICIERS DE NOUVELLES HABILETÉS pouvoir des petites unités exige des es documents selon lesquels les facultés supérieures de raisonnement et e SPPO est un système bien établi personnes qui exercent le métier des de prise de décisions aux paliers les plus qui reconnaît la nécessité d’intégrer armes au XXIe siècle doivent posséder bas. Ces facteurs exigent l’acquisition les quatre piliers du PP afin de fournir à de nouvelles aptitudes au commandement à un stade précoce des qualités tous les niveaux des FC des chefs L 42 compression tactico-stratégique des opérations qui ont caractérisé les années 1990 vont continuer de prédominer. Les opérations vont inclure au niveau tactique une dimension civilo-militaire intégrée et les combattants vont être des militaires et des non-militaires3 . Le lieutenant-général Dallaire écrit que les techniques de combat classiques ne suffisent plus pour satisfaire les besoins contemporains et les besoins futurs, et que les officiers doivent, afin de réaliser les opérations dont notre gouvernement devrait normalement nous charger, élargir leur éventail d’habiletés de manière à inclure un lexique complètement renouvelé de verbes d’action. La constitution d’équipes formées d’organismes multiples, la sensibilisation culturelle et des techniques de communications supérieures sont certains des nouveaux outils qui sont selon lui nécessaires4. L Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Les habiletés et les qualités de chef sont acquises au fil de quatre périodes de perfectionnement (PD). La PP 1 vise avant tout à préparer l’officier au premier poste qu’il occupera et fournit des officiers subalternes aux forces de campagne, principalement par le truchement de programmes d’instruction et d’éducation. La PP 2 concerne le perfectionnement des officiers subalternes, principalement du point de vue des armées et des groupes professionnels. La stratégie de la PP 2 consiste à faire acquérir des habiletés surtout grâce à l’expérience professionnelle et à une instruction complémentaire. Agissant pour le compte des chefs d’état-major des armées (CEMA), les gestionnaires de carrières gèrent les occasions d’instruction et d’emploi de l’officier. La PP 3 initie les majors et les lieutenants-colonels aux activités interarmées et interalliées, les prépare à commander des sous-unités et des unités et s’appuie principalement pour ce faire sur l’éducation et l’instruction. À ce niveau, la gestion des carrières commence à être plus centralisée, en particulier pour ce qui est de l’affectation à des postes de commandant et d’officier d’état-major interarmées. Enfin, les colonels et les généraux se perfectionnent durant la PP 4 par le truchement de programmes d’éducation militaire professionnelle et d’une expérience professionnelle centralisée9. La gestion du SPPO est assurée par le Conseil du PPO des FC relevant du CEMD qui est l’autorité ministérielle en Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 matière de PPO. Le Sous-ministre adjoint (Ressources humaines – Militaires) (SMA [RH-Mil]) est la source de l’orientation et des lignes directrices pertinentes, les CEMA et le SMA (RH-Mil) sont les autorités de gestion et le commandant du Service du recrutement, de l’éducation et de l’instruction des Forces canadiennes (SREIFC) assure la gestion du système et conseille le Conseil du PPO10 . Si le document sur le SPPO indique qu’il faut équilibrer les piliers du perfectionnement, il ne donne pas de directives sur la façon dont cela doit se faire. Le SMA (RH-Mil) est chargé de faire en sorte que le SPPO forme un tout intégré et les CEMA sont chargés de faire fonctionner leur part du système et de surveiller la qualité. Le gestionnaire du système, c’està-dire le commandant du SREIFC, est un commandant hiérarchique et un coordonnateur et il est responsable du bon fonctionnement de l’élément centralisé (et des institutions) d’instruction et d’éducation des FC dont les armées dépendent. Les produits du gestionnaire du système, ce qui inclut le document du SPPO et les rapports complémentaires de son groupe de travail, visent donc de façon prédominante à fixer les objectifs d’instruction et d’éducation. Ils abordent la progression professionnelle sous l’angle des « cours suivis » plutôt que sous celui de la « compétence démontrée » et ne donnent pas de directives détaillées sur la place de l’expérience professionnelle11. Cette intégration se fait au sein des branches et des armées et entre les gestionnaires de carrières, les commandants d’unités et les CEMA, mais cette façon de faire ne tient pas compte de l’équilibre qui doit exister dans le temps qu’un officier consacre à chacun des piliers de perfectionnement. Par conséquent, lorsque de nouvelles exigences touchant les ressources de perfectionnement professionnel sont étudiées, il n’existe pas de tribune qui concilie les besoins dans l’ensemble du spectre et qui attribue un ordre de priorité aux activités de perfectionnement du système dans son ensemble. Les personnes associées au SPPO ont énormément aidé à l’amener au niveau qu’il a atteint. Ils doivent maintenant également relever le défi de transformer le système pour qu’il satisfasse aux exigences de la vision des FC pour l’an 2020. Comme nous l’avons déjà montré, le PPO de l’an 2020 reconnaît dans son énoncé de vision la nécessité d’équilibrer les piliers et de permettre un perfectionnement au niveau individuel par des stratégies d’exécution souple et d’apprentissage dynamique, comme le mentorat en cours d’emploi. Le document mentionne à maintes reprises la nécessité de susciter des niveaux d’habiletés et de connaissances sans précédent au sein du futur corps des officiers grâce à une formation continue et à une expérience pratique et donne au SPPO instruction de veiller à ce que les quatre piliers soient équilibrés. Toutefois, comme dans le cas du SPPO, les mesures associées au PPO de l’an 2020 sont de façon prédominante centrées sur l’instruction et l’éducation. De fait, les mesures les plus importantes du programme touchant la gouvernance et la mise en œuvre sont entièrement axées sur l’éducation12 . L’officier canadien au XXIe siècle fait porter dans une large mesure la réussite de la mise en œuvre du programme sur les épaules des généraux et des officiers généraux de la marine. Il les charge d’insister comme il se doit « sur l’importance pour les officiers d’obtenir l’expérience et l’éducation nécessaires pour remplir leurs fonctions et leurs responsabilités et (de) leur offrir le soutien institutionnel dont ils ont besoin pour apprendre et s’améliorer13 ». Attribuer cette responsabilité aux généraux et aux officiers généraux dans leur ensemble constitue un si large mandat que c’est comme s’il n’y avait pas de mandat. Tout comme le SPPO, le PPO de l’an 2020 ne fournit pas le cadre nécessaire pour orienter et ordonner l’équilibre requis entre l’expérience et les trois autres piliers de perfectionnement. UNE AUTRE VISION DES CHOSES C’est le leadership qui détermine si une organisation atteindra le plein potentiel de son leadership14 . L es critiques touchant le SPPO et le PPO de l’an 2020 ne diminuent pas ce qu’ils ont accompli et sont censés accomplir. De fait, rares sont les SPPO occidentaux qui ont su allier correctement l’expérience, l’instruction 43 L’expérience dans le perfectionnement professionnel des officers : Un pilier menacé compétents et sûrs de soi. Il considère l’éducation comme la pierre angulaire du système et comme le facteur déterminant de l’emploi, de l’instruction et de l’éducation subséquents. Le pilier de l’instruction met l’accent sur la formation individuelle qui se rapporte aux besoins des FC, des militaires pris individuellement et des branches et des groupes professionnels, conformément aux descriptions de qualification (DQ). L’expérience a pour but de faire acquérir les qualités de chef et l’aptitude au commandement par une application pratique des connaissances et des habiletés. L’auto-perfectionnement est laissé au militaire, qui le réalise en fonction de ses propres objectifs et de sa motivation personnelle. Le colonel Stuart A. Beare, CD et l’éducation. Les États-Unis sont le pays qui s’est le plus approché du but en élaborant un système fondé sur la doctrine qui guide toutes les personnes qui jouent un rôle dans le processus du PPO. Pour l’armée américaine, trois piliers lient les valeurs militaires aux objectifs de perfectionnement des chefs : l’instruction et l’éducation institutionnelles, les affectations opérationnelles et l’autoperfectionnement15 . L’instruction et l’éducation donnent le fondement théorique de l’apprentissage, tandis que les affectations opérationnelles donnent le contexte qui permet de passer de la théorie à la pratique et de transformer les idées en réalités. L’armée américaine met de l’avant l’expérience des opérations comme le moyen qui permet d’acquérir et de démontrer la confiance en soi et la compétence requises pour assumer des fonctions plus complexes aux niveaux supérieurs. La doctrine du leadership charge la chaîne de commandement de former en cours d’emploi les subordonnés au moyen d’affectations stimulantes et d’évaluations critiques et, dans l’application de leurs habiletés, par des mesures d’encadrement et de perfectionnement16 . postes. La doctrine américaine affirme très clairement que « les chefs […] se forment avec le temps au fil d’une progression conçue avec soin de cours, d’expériences de travail et d’activités entreprises au niveau individuel […] qui est le siège d’un cycle continu d’éducation et d’instruction, d’expérience, d’évaluation, de rétroaction, de consolidation et de rattrapage »17 . De même, au cours du processus, la doctrine américaine répartit également entre les dirigeants du système d’éducation et d’instruction, la chaîne de commandement et les chefs euxmêmes la responsabilité du perfectionnement des chefs. Quand on examine le système américain de près, il est évident qu’un cheminement progressif lie des genres précis de milieu de travail, d’expériences de commandement et d’expériences des opérations aux activités d’instruction et d’éducation. Le cheminement en question est soutenu par des politiques et des lignes directrices claires qui montrent les échanges entre les piliers de perfectionnement et les conditions propres à chacun, en particulier les expériences professionnelles qu’il faut vivre pour procurer les occasions de perfectionnement nécessaires18 . carrières plus satisfaisantes »19. Du point de vue australien, cette politique se concentre sur la mesure dans laquelle l’officier contribue au potentiel de combat de son pays. Elle dépend de la façon dont le travail et les carrières sont gérés pour appuyer des objectifs aussi bien institutionnels qu’individuels et concerne autant l’accroissement des occasions permettant d’utiliser les compétences de l’officier que les compétences elles-mêmes. Si les PP de l’Australie sont nettement semblables à celles des FC, elles mettent très largement l’accent sur l’emploi, l’essentiel de l’instruction et de l’éducation servant à susciter des occasions d’emploi. La PP 2 est axée sur les fonctions qui consistent à mener des troupes au combat. La PP 3 reconnaît que certains officiers vont occuper un poste de commandant et d’autres pas et permet une spécialisation professionnelle (voie du commandement ou de l’étatmajor). Enfin, la PP 4 appuie les titulaires des postes supérieurs de commandement du niveau tactique (les personnes destinées à avoir un commandement) tout en préparant les chefs du niveau stratégique à occuper les Le système de perfectionnement postes où ils sont le plus utiles20. Des des chefs de l’armée américaine (que lignes directrices et des instructions L’armée britannique et l’armée claires sur l’emploi (durée et conditions) décrit le document 350-58, Leader Development for America’s Army, du australienne tentent de mettre sur pied soutiennent toute la stratégie dans toutes Department of the Army) repose sur des systèmes de PP qui intègrent bien les phases de perfectionnement. Par deux principes : la nécessité d’ordonner l’expérience à l’instruction et à exemple, les officiers passent un correctement l’instruction et l’éducation, l’éducation. L’expérience la plus minimum de six ans au grade de les affectations opérationnelles et les intéressante est celle du corps des capitaine et les officiers supérieurs un occasions d’auto-perfectionnement et officiers de l’Australie, qui met l’accent minimum de deux à cinq ans dans des l’adoption de modèles progressifs sur la compétence, soit l’état final, plutôt postes de direction. Au contraire du et séquentiels de perfectionnement que sur le perfectionnement, soit les système canadien, qui met l’accent sur le professionnel. Trois des douze impé- moyens pris pour l’atteindre. La perfectionnement, le système australien ratifs de leur système sont directement politique de compétence professionnelle vise principalement à la fois à développer liés à l’expérience. Ces et à utiliser les talents et les impératifs sont la nécessité habiletés acquis avec le temps de faire acquérir les et ne cherche pas à faire Au contraire du système expériences essentielles entrer tous les officiers dans le canadien, qui met l’accent sur nécessaires pour l’avenir, la même moule. Comme on le nécessité d’attribuer des lit dans le programme, la le perfectionnement, le système ressources et de réaliser au politique de compétence australien […] ne cherche pas niveau de l’unité et de la professionnelle des officiers de formation des activités l’armée australienne va à faire entrer tous les officiers d’entraînement afin de « grâce à un accent accru sur dans le même moule. faire vivre des expériences le leadership stratégique, à d’apprentissage à l’unité et une plus grande spécialisation l’affectation des chefs en et à un allongement des fonction des priorités et des besoins de des officiers de l’armée australienne affectations, donner des officiers et une perfectionnement des chefs – non pas cherche à « accroître la compétence de organisation d’une plus grande afin d’être équitable ou de doter des l’armée tout en offrant à ses officiers des compétence »21. 44 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre D’une application inhabituelle au devoir vient le pouvoir d’amener les autres à le faire22 . Le général S. L. A. Marshall I prendre des décisions dans un contexte opérationnel. Il mentionne dans ses recherche deux officiers renommés de la Wehrmacht pour qui la confiance en soi est un élément essentiel du leadership au combat. D’après eux, la confiance en soi est « la source de laquelle coule la volonté (du chef) à assumer des responsabilités et à faire preuve d’initiative »25 . Ainsi que le déclare le général Dubik, c’est par l’expérience et la pratique que les chefs acquièrent les habiletés, la confiance en soi et la souplesse mentale dont ils ont besoin pour prendre des décisions et faire preuve d’initiative au combat26 . rétroaction, ce qui permet à l’esprit de fusionner la complexité des détails et la complexité dynamique. Peter Senge affirme en conclusion que « c’est pourquoi la pratique est si importante, et même essentielle, pour que se produise une interaction significative du conscient et du subconscient. Un apprentissage conceptuel ne suffit pas28. » l devrait être aussi nécessaire de Dans sa recherche intitulée Tactical présenter aux personnes responIntuition, le major Brian Reinwald a sables du PP des arguments en faveur de trouvé trois traits communs dans les l’expérience que de convaincre un nombreuses descriptions de l’intuition : pompier de ne pas jouer avec des le phénomène de la pensée inallumettes. Dans un monde parfait consciente, une forte dépendance sur les où on aurait tout, le temps nécessaire connaissances basées sur à l’instruction, une éducal’expérience et une tion de qualité, une abondémarche de la pensée dance d’occasions d’emploi …les chefs doivent acquérir des qui est globale et sans et du temps à consacrer à habiletés intuitives et créatives pour retenue29. Il a trouvé une la réflexion et à l’autoforte corrélation entre pouvoir prendre des décisions dans formation, ce serait de fait l’intuition d’un commanle cas. Toutefois, comme un contexte opérationnel. dant et les succès obtenus l’indiquent les exigences au combat au niveau relatives à de nouvelles habiletés et l’élargissement des com- L’expérience est essentielle pour tactique et affirmé que si « en temps de pétences professionnelles requises, les devenir apte à bien mener les autres paix elle (l’intuition) est insignifiante […] elle est en temps de guerre piliers que sont l’instruction, l’éducation quand les choses sont incertaines. l’élément des décisions de commanet l’expérience, et à plus forte raison Une étude de Patton en tant dement et le précurseur de la victoire »30. l’auto-perfectionnement, se disputent que le lieutenant-colonel des ressources qui diminuent sans cesse, qu’innovateur dans les opérations Ainsi d’information mène à la conclusion que Nowowiejski le déclare, Patton est, par en particulier le temps. les commandants qui ont du succès ont une autoformation énergique et son un sens de l’intuition qui leur permet application en opérations, parvenu à un Arguments isolés en faveur du d’être au bon endroit au bon moment degré particulièrement vif de vision et pilier de l’expérience de la bataille afin, par leur force d’intuition qui a été pour lui un guide personnelle, d’influer sur son issue. Le utile dans ses différents commanUne pratique constante mène à un 23 lieutenant-colonel Nowowiejski demande dements31. D’après Roger H. Nye, dans leadership vif, précis et fiable . pour la forme comment un commandant The Patton Mind, le génie de Patton es commandants qui ont eu du acquiert les qualités d’adaptabilité, avait sa source dans ses lectures et les succès ainsi que les historiens ont d’intuition et d’imagination que ses connaissances acquises en cours directement et indirectement appuyé fonctions exigent et conclut que d’emploi plutôt que dans la formation les arguments en faveur de l’expé- l’éducation et les postes occupés sont les reçue dans les écoles32. Des affectations rience, mais cette contribution est en sources les plus probables de répétitives en campagne, une instruction grande partie un fait isolé. Les l’expérience qui rehausse ces qualités. Il exigeante et réaliste, une éducation historiens se préoccupent normalement conclut que « (ces qualités) n’ont militaire professionnelle substantielle et surtout des événements qui se assurément chez personne un caractère concentrée et une large éducation produisent pendant les guerres pro- inné, car l’intuition à elle seule est une personnelle sont des facteurs déterprement dites et écrivent relativement qualité qui ne peut s’acquérir que par minants de l’acquisition de l’intuition33. peu de choses sur les détails liés à l’expérience. L’intuition est l’aptitude à Après avoir commandé pendant l’instruction et aux événements qui les se représenter les éléments restants de ont précédés24 . Il est à espérer que ce l’expérience à partir d’une image deux ans la force d’opposition (FOROP point n’affaiblira pas leurs observations mentale partielle basée sur les éléments – un régiment calqué sur le modèle relevés de l’image formée antérieure- soviétique qui est utilisé dans les à ce sujet. ment. Une très grande expérience rend épreuves de force contre force contre Dans son mémoire intitulé les éléments de l’image plus faciles à des formations de l’armée américaine à Training for Uncertainty, le major reconnaître27 . » Peter Senge appuie son National Training Center) de Hodges pose comme principe que les cette notion en faisant du subconscient l’armée américaine, le colonel James E. chefs doivent acquérir des habiletés le véhicule qui assimile simultanément Zenol a conclu que c’était de intuitives et créatives pour pouvoir des centaines de mécanismes de l’expérience qu’il avait le plus appris et L Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 45 L’expérience dans le perfectionnement professionnel des officers : Un pilier menacé L E S A R G U M E N T S E N FAV E U R D E L’ E X P É R I E N C E Le colonel Stuart A. Beare, CD qu’elle était « le lubrifiant qui permet le mieux de surmonter la friction de la guerre ». Sans guerre, déclare-t-il, « une instruction répétitive, dure et réaliste est le meilleur moyen d’inculquer aux commandants les habiletés qui se rapportent au commandement au combat34 ». Le général Frederick M. Franks attribue la transformation de l’armée américaine et le succès qu’elle a obtenu au cours de la guerre du Golfe au fait qu’une doctrine commune a été inculquée et à l’expérience de combat que les soldats et leurs chefs ont acquise dans des exercices à caractère répétitif dans les Centres d’instruction au combat (CIC) contre des éléments semblables à la FOROP de James Zenol35 . Partant des expériences qu’il avait vécues dans les CIC, en tant que commandant du VIIe Corps d’armée et au Vietnam, le général Franks savait que malgré la large gamme de systèmes de communications dont il disposait, sa place, durant la guerre du Golfe, était à l’avant. Il s’entretenait face à face avec ses commandants subordonnés pour être sûr qu’ils avaient tous la même perception de la bataille et de la voie à suivre. Il a dans une mesure inférieure à 50 % exercé son commandement à l’aide de moyens techniques36 . Comme pour Patton avant lui, c’est l’expérience qui a guidé l’intuition du général Franks dans le commandement au combat. Dans une étude de la façon dont les personnes qui commandent au combat sont formées, le major Reisweber remarque que, comme l’art des opérations, le commandement au combat est « difficile [...] à définir, même si la plupart des gens le reconnaissent quand ils sont en sa présence »37. Dans la terminologie américaine, le commandement au combat est la très grande « suggérant que les habiletés associées au commandement au combat sont fonction non seulement d’un talent brut mais aussi d’années de pratique, d’expérience et de maturation38 » ne manquent pas. Les qualités nécessaires pour mettre le commandement au combat en pratique sont la complexité cognitive (c’est-à-dire l’aptitude à composer avec la complexité relationnelle, à percevoir des éléments abstraits et à prendre des décisions) et la complexité comportementale (c’est-àdire l’aptitude à s’acquitter de ses fonctions, à communiquer et à inciter d’autres personnes à agir). S’il est possible d’en enseigner les principes, l’affectation à des fonctions et à des tâches difficiles qui exigent un relèvement de la réflexion, de la visualisation et du comportement joue un rôle crucial dans leur acquisition39. Le général George C. Marshall écrivait que les capacités de raisonnement de haut niveau s’acquéraient par une expérience considérable de la résolution de nombreux types différents de problèmes et par le fait que la personne en cause était en mesure de prendre des décisions claires40. Appuyée par l’éducation, l’expérience est essentielle dans l’acquisition des qualités que sont la complexité cognitive et la complexité comportementale. Une rare étude sur le commandement au combat a été réalisée afin de déterminer les effets de l’expérience et du manque d’expérience des chefs qui se sont manifestés durant les batailles du réservoir de Chosin, en Corée, en 195041 . Dans ses recherches à ce sujet, Faris R. Kirkland a découvert que tous les commandants de division et de régiment des Marines avaient commandé des troupes au combat durant la Seconde Guerre mondiale et que, par contre, 79 % de Le succès consiste à aller d’échec en échec sans [...] perdre son enthousiasme habilité à percevoir le champ de bataille, à se représenter mentalement un état final et à communiquer une intention qui vise à transformer l’état final en réalité. Selon le major Reisweber, les preuves 46 leurs collègues de l’Armée de terre n’avaient pas cette expérience. Durant les opérations qui se sont alors déroulées, les Marines ont réussi à rompre, en combattant, l’encerclement des Chinois tandis que les unités de l’Armée étaient défaites ou perdaient toute cohésion. Il conclut que les connaissances découlant de l’expérience ont servi directement à résoudre les problèmes pratiques du combat, surtout en présence d’un grave stress situationnel et environnemental. Durant cette campagne, l’expérience a eu pour avantage indirect le fait que les chefs ont eu la confiance nécessaire pour tenir tête à leurs supérieurs et aux autorités et pour exercer l’autorité morale permettant de présenter des arguments soutenant des opérations de combat fructueuses. Comme cette situation l’a montré, on ne dispose pas, après le début des hostilités, de temps pour apprendre aux commandants des formations de combat à bien jouer leur rôle. L’expérience est un facteur déterminant pour ce qui est de former des chefs qui ont confiance dans leurs connaissances et dans leurs capacités et qui sont compétents. À propos du rôle du leadership en temps de paix dans la formation des personnes qui commandent en temps de guerre, le major Daniel Roper a noté que les chefs exceptionnels n’apparaissent pas simplement sur le champ de bataille et qu’ils sont plutôt le résultat d’années de travail, d’efforts intenses et de préparatifs qu’ils font pour être prêts en vue des rares moments critiques qui existent au combat42. Il raconte comment un rapport de la US Military Academy est parvenu à la conclusion que le principal indicateur d’un commandant qui connaît le succès au combat était un commandement fructueux en temps de paix, en particulier au niveau de l’unité. Cette expérience devait toutefois, pour être jugée utile dans le perfectionnement du chef, être acquise dans un contexte où les décisions sont prises sous la pression. Les commandants peuvent échouer dans des tâches et des actions tout en parvenant à satisfaire leurs besoins en matière de perfectionnement professionnel. Churchill lui-même était un partisan de l’expérience et il considérait que les leçons qu’il avait tirées de ses erreurs l’avaient aidé à avoir du succès comme chef en temps de guerre. Comme il le dit lui-même, « le succès consiste à aller d’échec en échec sans [...] perdre son enthousiasme »43. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre D’un point de vue anecdotique, donc, la valeur évidente de l’expérience peut être liée aux qualités et aux habiletés exigées des chefs d’aujourd’hui et de l’avenir. La confiance en soi, la complexité cognitive et comportementale, l’intuition, le leadership manifesté dans des conditions d’incertitude et la compétence professionnelle ne sont que quelques-unes des qualités que seule l’expérience permet de perfectionner, une expérience que les chefs doivent accumuler avant de commander des soldats, des marins et des aviateurs au combat. Arguments en faveur de l’expérience – Le point de v u e d e s c h e rc h e u r s Si vous voulez vraiment apprendre à faire votre travail – allez en ligne45 . Ardant du Picq L a recherche sur la valeur de l’expérience par rapport aux autres moyens de perfectionnement n’est pas très abondante, mais certains chercheurs ont essayé d’étudier la question d’un point de vue scientifique. En 1996, Stephen Zaccaro, qui est membre du US Army Research Institute for the Behavioral and Social Sciences, a publié un mémoire détaillé intitulé Models and Theories of Executive Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 Leadership qui visait à découvrir les facteurs qui donnent un leadership fructueux au niveau supérieur et au niveau de la direction. Le mémoire justifie nos précédentes conclusions de nature anecdotique sur les qualités et les caractéristiques nécessaires : la complexité conceptuelle, la complexité comportementale, la prise de décisions de nature stratégique et un leadership visionnaire ou qui inspire46 . Dans son étude de différents modèles conceptuels de leadership qui appuient l’élaboration et la démonstration des qualités en question, Stephen Zaccaro parle des exigences en matière de perfectionnement et propose quelques éléments utiles à la dimension de l’expérience. Comme Churchill avant lui, il constate que la complexité cognitive ne peut pas découler purement de l’étude et qu’il faut vivre des échecs dans le monde réel pour élargir ses horizons intellectuels et trouver de nouveaux modes de réflexion. D’après Stephen Zaccaro, ce n’est possible que si le chef est affecté conformément à un plan à des postes de plus en plus exigeants où un mentor peut l’aider dans le milieu plus compliqué où il ou elle travaille47 . Les théoriciens contestent également l’efficacité d’une modification du comportement par l’éducation dans les cas où les conditions de travail risquent tant de différer du contexte dans lequel le chef est formé. Ils concluent que c’est par l’expérience liée au travail, un milieu de travail favorable et une réflexion constructive sur l’expérience en question que le comportement se transforme le mieux48 . Le leadership visionnaire, aussi appelé leadership transformationnel, est basé sur les contributions de toute une vie qui comprennent : l’apprentissage de méthodes qui permettent de composer avec les émotions vécues; une réflexion sur les occasions et les expériences de leadership antérieures; la volonté de se perfectionner et une participation concrète à des activités de perfectionnement et une attitude conformément à laquelle le chef considère les expériences comme des activités d’apprentissage et y pense sous cet angle. D’après ses recherches, Stephen Zaccaro constate que les principes du leadership transformationnel peuvent être enseignés mais que les résultats doivent venir d’une mise en pratique49 . Les recherches de Stephen Zaccaro donnent à penser que la formation des cadres supérieurs exige « des activités d’instruction et des activités pratiques qui poussent le chef aux limites des éléments et des comportements qu’il ou elle a retenus, (car), lorsque ces derniers sont inadéquats, les personnes qui réussissent le font par l’acquisition d’éléments et de modes de comportement nouveaux50 ». Pour nous éviter d’avoir à deviner comment les expériences d’instruction et les expériences pratiques peuvent être structurées, il renvoie au travail de plusieurs spécialistes du comportement afin de présenter cinq types d’expérience professionnelle qui peuvent donner cet environnement d’apprentissage. Il s’agit notamment de l’affectation à des postes qui portent : sur la transformation du chef (il s’agit d’assigner au chef des responsabilités inhabituelles afin de le soumettre à une pression additionnelle); sur des changements (des parties importantes des changements institutionnels sont confiées au chef); sur des niveaux de responsabilité élevés (notamment la responsabilité d’enjeux élevés, une surcharge de travail, la réaction à une pression externe); sur des liens qui ne sont pas associés à un pouvoir (le succès dépend d’une exécution de la tâche bien que le chef n’en ait pas explicitement le pouvoir) et sur des obstacles (par exemple des conditions d’exécution défavorables, le manque de soutien de la part des autorités supérieures et du personnel et même le fait d’avoir un patron difficile)51. On peut légitimement affirmer que ces conditions reflètent une journée moyenne de la vie de l’officier d’état-major canadien, mais elles doivent, pour que leur application donne de bons résultats, avoir été prescrites à des fins de perfectionnement. De plus, le chef doit être soutenu par une approche fondée sur le mentorat qui favorise l’introspection, la rétroaction et des moyens permettant de consigner la valeur de l’expérience d’apprentissage. Même s’il ne porte pas spécifiquement sur le déséquilibre entre les exigences liées à l’expérience et à l’éducation, le travail de Stephen Zaccaro donne tout de même des indices sur la relation qui devrait exister entre ces deux piliers. Pour ce qui est des niveaux de perfectionnement, il 47 L’expérience dans le perfectionnement professionnel des officers : Un pilier menacé La dernière observation sur ce qui pourrait être un examen agréable mais interminable des arguments isolés en faveur de l’expérience revient à un officier moins élevé en grade. Voici ce qu’écrit le capitaine des Marines Robert A. Jones : « Il n’existe pas d’éducation militaire professionnelle, de drill exécuté dans le bac à sable ou d’étude d’une bataille qui inculque à un commandant de compagnie les leçons qu’il va assimiler après un exercice de tir réel réalisé avec tout le soutien nécessaire au champ de tir numéro 400 à Twentynine Palms ou après avoir pendant une semaine donné le maximum dans un exercice à libre action tel que l’exercice BATTLE GRIFFIN. Le fait de se tenir à côté d’un tableau TacWar [...] ne reproduit tout simplement pas l’inconfort physique, les stimulus qui vont à l’encontre du but recherché, le manque de sommeil et l’incertitude qui peuvent influer sur la prise des décisions44. » Le colonel Stuart A. Beare, CD conclut que le perfectionnement au niveau subalterne repose largement sur l’expérience, tandis que le perfectionnement au niveau supérieur est davantage, lorsqu’une base solide existe au niveau subalterne, influencé par l’éducation reçue dans les écoles et par l’instruction soutenue par les fonctions occupées pour façonner les nouvelles habiletés conceptuelles52 . Dans Transformational Leadership, Bernard M. Bass appuie le concept de l’expérience acquise au niveau subalterne et constate qu’une expérience antérieure précédente ajoutait 20 % au bon rendement prédit des commandants de compagnie de l’armée américaine53 . Même s’il a été prouvé que la formation reçue dans une école peut élargir l’esprit, elle n’a pas automatiquement un effet sur la capacité conceptuelle. La formation reçue dans une école facilite toutefois les changements conceptuels requis et, lorsqu’elle est combinée aux expériences connexes, permet à leur mise en pratique de se transformer en qualités qui sont ancrées. Si Stephen Zaccaro contribue quoi que ce soit à la question, c’est la conclusion que les piliers de l’éducation et de l’expérience doivent être intégrés et entretenus sous la forme d’un système de systèmes54 . Le document qui fait école sur le rôle de l’expérience dans le perfectionnement professionnel est probablement le livre de Morgan McCall, High Flyers: Developing the Next Generation of Leaders. Ce dernier appuie les conclusions de Stephen Zaccaro et donne des conseils sur la façon dont une organisation peut parvenir à un perfectionnement fondé sur l’expérience. Il attribue complètement aux gestionnaires hiérarchiques (à la chaîne de commandement) la responsabilité du perfectionnement professionnel et estime que « l’expérience acquise en cours d’emploi est la principale classe où les capacités de chef sont acquises et que cette ressource cruciale relève des supérieurs hiérarchiques [...] pas des états-majors » 55. Il écrit qu’une organisation qui permet que le perfectionnement des cadres supérieurs soit fondé sur « la survie des plus aptes » se nourrit d’elle-même, ce qui risque de gaspiller du talent56 . Il n’est pas nécessaire de répéter 48 les arguments qui appuient le perfectionnement des cadres supérieurs, mais il est utile de noter que dans son modèle le PP passe avant tout par des affectations programmées. Pour que le pilier de l’expérience donne des résultats, il doit toutefois être appuyé par un encadrement, un mentorat et une stratégie globale qui voit en bout de ligne des chefs formés plutôt que des produits57 , car ses résultats doivent l’appuyer. La plus grande contribution de Morgan McCall à cette discussion porte sur la nécessité d’un modèle de perfectionnement des chefs fondé sur l’expérience58 . Nous reviendrons plus loin dans le présent article sur ce point quand nous explorerons les politiques en matière de PP. Comme nous l’avons déjà exposé, les mérites de l’apprentissage fondé sur l’expérience vont encore de soi. Il est particulièrement important lorsque ce pilier est menacé d’en retrouver la valeur et de l’équilibrer par rapport aux autres exigences en matière de PP. Les FC vivent-elles pour ce qui est de l’expérience une crise en puissance? Bien qu’il n’existe pas de données empiriques permettant de déterminer si c’est le cas, les tendances qui existent dans les autres forces armées qui partagent les mêmes pressions stratégiques que les FC et un examen subjectif des tendances qui se manifestent chez nous sont à cet égard instructifs. qui est liée à la maturité émotionnelle et au degré de perfectionnement de la personne en cause. Le plus intéressant est toutefois la conclusion du rapport selon laquelle cette compétence repose sur une base solide d’entraînement en équilibre avec l’instruction et que l’entraînement disputait aux autres véhicules de perfectionnement le temps et l’effort nécessaires61. Préoccupé par les affirmations des commandants de l’armée américaine concernant une éventuelle détérioration de la compétence tactique des chefs de l’avenir, le US Army Forces Command a commandé à la société RAND une étude sur les changements touchant la base de l’expérience du corps des officiers de l’armée américaine. Son rapport, publié en 1999, traduisait les préoccupations de bon nombre des personnes qui ont intérêt à ce que l’armée américaine soit efficace. Du point de vue du Congrès, « nous sommes en train de former des commandants qui, plus que jamais avant, ont de moins en moins l’expérience de leurs fonctions62 ». Le Secrétaire de l’Armée s’inquiétait du fait que l’armée américaine puisse être en train d’éliminer la source d’une force de combat compétente. Il exprimait ainsi ses sentiments : « Comme leur instruction est maintenant tronquée, les officiers subalternes n’auront pas, quand ils commanderont plus tard, des bataillons et des brigades l’expérience nécessaire63. » L’ é ro s i o n d e l ’ e x p é r i e n c e Une armée a besoin de chefs qui ont la fermeté des décisions de commandement qui découle de l’habitude59 . Ardant du Picq S teven Stewart a découvert dans une étude de l’armée américaine sur l’évaluation de la formation dont les commandants de bataillon ont besoin que, à la fin des années 1980, les commandants de brigade ont jugé que les plus grandes faiblesses de leurs commandants subordonnés étaient la compétence technique et tactique et leur aptitude à déléguer des responsabilités et à accepter des risques60. Pour eux, les commandants qui ont du succès sont ceux qui peuvent lâcher prise, aptitude Tenant compte de ces perceptions, les chercheurs de la société RAND ont procédé à un examen généralisé de la façon dont l’armée américaine aborde le PPO et se sont concentrés sur les tendances touchant l’expérience des dix années écoulées depuis la guerre du Golfe. Ils ont remis un rapport favorable sur la façon dont les États-Unis abordent le PP tout en attirant l’attention sur les liens indissociables entre l’éducation, l’instruction et l’expérience professionnelle. Ils ont donné du poids à l’argument selon lequel l’éducation est la source du contenu et du but tandis que l’expérience acquise en cours d’emploi est la source de savoir-faire – ce dernier étant un élément tacite et un facteur qui croît en fonction de l’expérience acquise dans un domaine donné64 . Ils ont constaté à la suite de leurs entrevues Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 49 L’expérience dans le perfectionnement professionnel des officers : Un pilier menacé que les attitudes et les perceptions des plus complète de la valeur du temps à donner un Cours des études de subordonnés étaient, plus que le passé à l’unité (l’emploi) pour sécurité nationale d’une durée d’un an comportement du chef, les facteurs qui le perfectionnement, améliorerait accroissent dans tous les cas le déterminent le rendement d’une unité. Les attitudes des soldats étaient principalement …les effets des exigences opérationnelles et du influencées par la confiance caractère limité des ressources mènent à une crise qui unit les chefs et les suiveurs et la confiance était possible touchant le maintien de l’excellence basée sur la compétence tactique dans tout l’éventail des conflits. tactique des chefs, qualité qui, lorsque des vies sont en jeu, est « cruciale pour l’intégrité de l’unité et l’exécution fidèle des certainement les jugements concernant déséquilibre entre l’éducation et directives »65 . les modifications qu’il faut apporter au l’expérience. À titre d’exemple, la PP 1 SPPO dans son ensemble et permettrait va passer d’une moyenne de 47 à 77 Si le reste du rapport de la société la prise de décisions éclairées sur la semaines, ce qui va faire tomber la RAND appuie les conclusions anté- répartition relative de l’effort entre les durée de la PP 2 d’une moyenne de 14 ans à 11,5 ans. Dans le cas de l’Armée rieures de nos spécialistes du com- piliers qui le soutiennent. de terre, la durée combinée des cours portement, ses constatations sur le fossé C’est le lieutenant-général Holder, des PP 2 et 3 passe de 55 à 58 semaines croissant touchant l’expérience au niveau de l’unité sont ce qu’il y a de plus qui s’est fait connaître durant la guerre et les retombées des modifications instructif. Les chercheurs de la société du Golfe, qui évalue de la façon la plus touchants les PP 3 et 4 n’ont pas RAND ont constaté que les occasions succincte l’état des compétences dont encore été entièrement intégrées à permettant de mettre les habiletés en l’armée américaine est aujourd’hui la l’équation. Lorsqu’on ajoute les pratique dans un contexte opérationnel source. Il note que la formation reçue exigences relatives au fait que le corps au niveau de l’unité ont diminué de dans une école recouvre tous les des officiers doit avoir une formation façon significative dans l’armée amé- officiers d’un léger vernis tactique universitaire et être bilingue et que les ricaine. Ils attribuent ce phénomène aux mais qu’elle « ne forme pas des officiers supérieurs doivent avoir une exigences de la cadence contemporaine commandants intuitifs dotés d’une formation post-universitaire, la portion des opérations, au taux réduit des compréhension de haut niveau des de la carrière qui peut encore consacrée à l’expérience activités d’instruction des unités et à la choses tactiques fermement ancrée dans être modification du profil des carrières. Si l’art de la guerre ». Il observe que, au professionnelle devient encore plus les capacités de chef requises entre 1990 combat, la perception du champ de congrue69 . La question, ici, n’est pas le et 1999 n’avaient pas changé, les bataille par les chefs sera égale à leur besoin reconnu relativement aux chercheurs auraient présenté un genre compétence dans la conduite de la occasions en question d’éducation ou un autre d’« écart » quantifiable guerre et que le programme actuel de militaire professionnelle basées sur les expliquant les niveaux conséquents de perfectionnement des chefs de l’armée descriptions de qualification. La compétence des chefs. Ainsi qu’ils l’ont américaine met l’accent sur la question est que le modèle de PPO et toutefois découvert, les exigences formation de chefs compétents et sûrs son cadre de gestion ne comptent touchant les qualités et les capacités des de soi – pas sur celle d’experts de la aucun moyen permettant de quantifier chefs ont augmenté et ils peuvent conduite de la guerre68 . l’équilibre concernant le temps seulement faire état du fait qu’il existe, consacré à l’instruction et à l’éducation concernant les compétences, un écart Les expériences américaines par rapport à l’expérience professioncroissant qu’il n’est pas possible de décrites ici sont analogues à la réalité nelle et qu’ils ne qualifient pas les quantifier66 . Ils concluent que la canadienne. Les conditions stratégiques mérites relatifs de ces piliers distincts compétence tactique du corps des et opérationnelles des années 1990 ont mais interdépendants. Sans cette officiers passe par une consolidation de été semblables et les effets des exigences perspective globale, les exigences la supervision des évaluations des unités opérationnelles et du caractère limité touchant l’éducation et l’instruction et la mise en place de mécanismes de des ressources mènent à une crise vont continuer d’être surreprésentées rétroaction servant à faire acquérir les possible touchant le maintien de par les états-majors centralisés chargés compétences individuelles et collectives. l’excellence tactique dans tout l’éventail de l’instruction et de l’éducation (qui Même si le rapport de la société RAND des conflits. De fait, l’effort actuel visant représentent l’équipe de gestion des traitait uniquement du niveau tactique à réformer le SPPO par le truchement systèmes) tandis que les arguments en dans un contexte propre à l’Armée, de mesures nouvelles telles que le faveur d’un PPO fondé sur l’expérience ses conclusions peuvent s’appliquer modèle rehaussé de leadership de la PP 1, souffrent d’un manque de visibilité et nouvelle façon d’aborder de l’absence d’une approche unifiée au au pilier de l’expérience dans son une ensemble de même qu’au lien qui l’instruction de commandement et niveau du Conseil du PPO. Les arguments en faveur d’une existe avec les autres piliers de d’état-major de la PP 3 et le fait que la perfectionnement67. Une compréhension PP 4 pourrait être allongée de manière expérience fondée sur l’emploi sont encore aussi solides qu’ils l’ont jamais été. De fait, dans un monde où la résolution des conflits exige une disponibilité quasi immédiate, nous ne pouvons pas dépendre de longues périodes de mobilisation pour faire acquérir aux chefs l’expérience que leurs compétences exigent. Le SPPO doit continuer de surveiller l’équilibre requis entre l’expérience et les piliers de perfectionnement qui l’appuient. Une expérience non planifiée et non orientée n’accroît toutefois pas beaucoup la valeur du processus de perfectionnement professionnel. Tout comme ses homologues que sont l’instruction et l’éducation, l’expérience doit avoir un but précis et elle doit être réglementée et intégrée à l’ensemble du PP. Toutefois, ce qui n’est pas le cas de l’instruction et de l’éducation, l’élaboration et la gestion d’occasions d’acquérir de l’expérience relèvent presque entièrement de la chaîne de commandement, pas du système de l’instruction et de l’éducation. Cela étant dit, passons à l’exploration des éléments d’une politique de PPO qui intègre l’expérience à l’ensemble du PP. UNE POLITIQUE ET UN E N V I R O N M E N T R E L AT I F S AU PPO FONDÉS SUR L’ E X P É R I E N C E U n e p o l i t i q u e d ’ e n c a d re m e n t fondée sur l’expérience Le colonel Stuart A. Beare, CD Les commandants [...] doivent être guidés par leur propre expérience ou leur propre génie [...] les qualités du général ne s’acquièrent que par l’expérience et l’étude des campagnes des grands capitaines70 . Napoléon M organ McCall a formulé un modèle en vue d’un perfectionnement fructueux fondé sur l’emploi. Dans High Flyers, il décrit la solution optimale de perfectionnement des chefs, qui est basée sur le développement conscient et systématique du talent. D’abord, un énoncé clair des objectifs stratégiques dans lequel le perfectionnement constitue une priorité, l’acceptation du risque, la mise en place d’occasions de travail permettant d’acquérir de l’expérience et 50 la volonté de participer des autorités supérieures doivent devancer la politique. Ensuite, les occasions d’acquérir de l’expérience doivent être liées à des objectifs stratégiques, elles doivent être définies en fonction de ce qui est disponible et de ce qu’elles enseignent et l’organisation doit déterminer ce dont elle peut être la source et ce qui doit avoir d’autres sources. Enfin, le modèle doit chercher à évaluer le talent par rapport aux aptitudes éventuelles applicables à un niveau supérieur. Il faut en particulier déterminer tôt l’aptitude d’un chef à apprendre de l’expérience et intégrer les objectifs de perfectionnement d’un chef donné aux évaluations annuelles et l’organisation doit pouvoir suivre son perfectionnement au fil du temps71. Une comparaison de ces qualités au SPPO actuel, au PPO de l’an 2020 et au Système d’évaluation du personnel des Forces canadiennes (SEPFC) indique qu’une majorité de ces éléments existe sous une forme ou une autre dans les systèmes de PPO et de gestion du personnel, mais ils ne sont pas réunis dans un cadre stratégique ou dans un cadre de gestion qui les lie de la manière que Morgan McCall suggère. Ainsi que Morgan McCall l’admet lui-même, son modèle doit être soutenu dans un milieu où l’auto-réflexion, l’évaluation, l’encadrement et le mentorat font pénétrer les leçons. Beaucoup de choses ont été écrites sur le mentorat et l’encadrement, mais ces activités ne sont pas abondamment définies dans les FC, pas plus que l’identité des personnes qui devraient s’en charger et la marche à suivre. L’encadrement a été défini comme une activité liant un supérieur à un subordonné qui met l’accent sur une rétroaction immédiate appliquée au rendement et au perfectionnement d’un subordonné72. Le SEPFC donne la base de l’encadrement par le truchement des revues trimestrielles de développement du personnel (RDP) et fait clairement de l’encadrement une responsabilité de la chaîne de commandement. L’application de cette responsabilité continue de dépendre des personnes en cause et risque peu de donner des résultats uniformes si les habiletés liées à l’encadrement ne sont pas inculquées clairement à l’ensemble des chefs73. Par contre, le mentorat est un « processus qui sert à faire croître les capacités de raisonnement et les cadres de référence en vue d’un perfectionnement séquentiel et progressif du chef74 ». La plupart des liens de mentorat ont un caractère professionnel et psychosocial. Le mentorat professionnel met l’accent sur des affectations stimulantes, sur l’exposition et la visibilité du chef et sur le fait que le parrain assure un certain encadrement et une certaine protection. Le mentorat psychosocial, lui, met l’accent sur l’imitation des fonctions professionnelles, l’orientation et une certaine amitié entre le mentor et la personne qui fait l’objet du mentorat75 . Un mentorat fructueux se situe à l’extérieur de la chaîne de commandement et les mentors savent s’acquitter de cette tâche dans laquelle ils ont une grande influence76 . Étant donné la nature de l’activité, le mentorat peut sembler enfreindre les règles institutionnelles admises de commandement et de contrôle. Pour qu’il soit dorénavant appuyé, la politique pertinente doit préciser sa place dans la chaîne de commandement et, ce qui est de la plus haute importance, l’institution doit reconnaître et accepter les risques que le mentorat comporte au niveau individuel et au niveau de l’organisation, ce qui suppose nécessairement que l’organisation doit décider si l’institution a pour objectif le perfectionnement du chef ou une garantie de résultat 77 . L’exposé du général Ulmer sur le leadership militaire au XXIe siècle postule un point de vue semblable mais plus systématique sur les meilleures méthodes de perfectionnement des chefs. Il préconise vivement des occasions d’emploi précoces qui appuient le perfectionnement des chefs. Il appuie une doctrine codifiée de leadership et de comportement des chefs et un système permettant d’observer les qualités et le comportement des chefs et de les communiquer aux intéressés. Il présente des arguments en faveur d’une rétroaction et d’un mentorat liés au perfectionnement et souligne les lacunes actuelles des politiques, des procédures et des habiletés en matière de mentorat de même que l’absence d’un mécanisme de rétroaction plus éclairé basé sur un examen tous azimuts du rendement d’un Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre La doctrine relative à la formation joue un grand rôle pour ce qui est de tirer le maximum des activités d’entraînement aux fins du perfectionnement. Ici encore, la PFC 308 représente un progrès en exigeant que les La doctrine relative à la formation joue un grand rôle pour ce qui est de tirer le maximum des activités d’entraînement aux fins du perfectionnement. mesure de la compétence individuelle et collective. Le général Ulmer souligne les risques intrinsèques de décisions de promotion qui dépendent d’une évaluation unique (celle que fait le supérieur immédiat) et conseille le passage à un mécanisme de promotion fondé sur un cadre d’évaluation plus global (selon lui, 20 % au moins des commandants échouent dans leurs fonctions, mais le cadre d’évaluation actuel qui fonctionne du haut vers le bas fait qu’ils ne sont pas toujours détectés)78. Comme le signale l’évaluation des besoins de l’armée américaine en matière de formation, c’est, hormis les situations de combat, l’entraînement qui donne le milieu de perfectionnement le plus stimulant et c’est sur l’entraînement que le perfectionnement opérationnel des chefs devrait mettre l’accent79. L’entraînement doit être intégré au pilier de l’expérience sous une forme quantitative (temps et événements) qui permet de qualifier par différents moyens (habiletés et compétence) la progression de la personne en cause. L’actuel dossier des emplois à l’unité est un moyen manuel qui ne réussit pas à donner une idée objective ou même qualitative des activités d’entraînement. L’ébauche de la PFC 308 de l’Armée, L’instruction de l’Armée de terre du Canada, prend les premières mesures visant à intégrer la gestion des formations individuelle et collective assurées à l’unité et à assurer leur intégration aux tâches opérationnelles. D’un autre côté, la doctrine n’indique toujours pas comment le perfectionnement d’une personne est géré dans ce contexte de capacités collectives ou comment les cycles de la formation et des opérations peuvent être intégrés au pilier de l’éducation80. Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 activités de formation soient abordées de façon progressive, par une progression claire des préparatifs à la planification et à l’exécution et le processus obligatoire de l’évaluation et de l’examen postaction (EPA) qui fait pénétrer les leçons. Dans Hope Is Not A Method, le général Sullivan vante l’EPA comme l’innovation la plus substantielle de la méthodologie de l’entraînement de l’armée américaine. L’EPA n’est pas une critique, mais c’est un moyen qui permet de déterminer le succès ou l’échec. Comme il l’écrit : « Dans le processus de l’EPA, la détermination du succès ou de l’échec, qui se fait parfois d’une façon très précise (et douloureuse), est simplement un outil qui permet d’apprendre81. » Comme nous le décrivons plus haut, une large gamme d’exigences et de restrictions touchant les ressources continue de limiter le temps consacré à l’instruction. La politique doit fixer les expériences d’entraînement dont les chefs, individuellement, et les unités ont besoin et les conditions dans lesquelles l’entraînement va se dérouler. Des activités d’entraînement faites au hasard ne permettent pas de tirer aux fins de l’apprentissage le maximum de ces occasions cruciales et coûteuses. Comme le déclare un auteur, « il est plus avantageux de s’entraîner à exécuter trois tâches en incluant des exercices préparatoires et une RPE (révision postexercice) que de s’entraîner à en exécuter cinq sans rien d’autre »82. La politique doit également, pour garantir que les expériences d’apprentissage appropriées ont lieu, soit allonger le temps pendant lequel une personne occupe un poste clé, soit accroître le rythme auquel les unités s’entraînent83 . L’initiative stratégique appuyant un SPPO fondé sur l’expérience qui est peut-être la plus durable est la prescription des expériences qui sont nécessaires avant que des activités d’instruction ou d’éducation ou des affectations (y compris des promotions) soient envisagées. L’armée australienne a montré qu’il était possible d’édifier un modèle de ce genre et les États-Unis ont, conformément à la loi Goldwater–Nichols, adopté cette approche dans une formule qui combine éducation et emploi en vue de l’avancement des officiers supérieurs84 . De fait, le général canadien Evraire conseille de réduire l’agitation qui entoure les affectations à des unités de campagne et à des postes d’état-major par un allongement des périodes de service et une certaine spécialisation, comme dans le modèle australien85 . Afin d’appuyer cette initiative et d’autres mesures, le Conseil du PPO doit se rendre maître du pilier de l’expérience du SPPO. Le conseil doit mettre au point les moyens permettant de quantifier et de qualifier les événements requis permettant d’acquérir de l’expérience que nous avons déjà mentionnés, mettre au point et instituer un mécanisme de surveillance et de rétroaction et réglementer l’équilibre des ressources (en particulier le temps) qui servent à soutenir les piliers du PP. Une compréhension plus fine de ce que les unités sont réellement en mesure de faire améliorerait l’évaluation des modifications qui doivent être apportées au SPPO et aiderait à prendre des décisions éclairées sur l’équilibre de l’ensemble des efforts de PP86 . Le Conseil du PPO doit être soutenu par un personnel qui peut observer tous les piliers de perfectionnement et faire objectivement et avec exactitude rapport sur les questions liées au PP. Le personnel en question ne devrait pas être chargé de gérer aucun des programmes de perfectionnement complémentaires; il doit plutôt avoir pour fonction principale de satisfaire les besoins du Conseil. Dans des FC où les effectifs sont réduits, cela reste difficile, mais les avantages du maintien d’un portrait objectif et équilibré complété par des moyens de coordination indépendants méritent que nous allions dans cette voie. 51 L’expérience dans le perfectionnement professionnel des officers : Un pilier menacé chef. L’institution doit prendre des mesures pour évaluer le climat organisationnel, ce qui lui permettrait de maintenir de façon plus proactive un environnement d’apprentissage, et il faut apprendre aux chefs des techniques de Une politique ne peut pas à elle seule garantir un PP efficace. Pour donner des résultats, la politique doit se situer dans un milieu qui accepte des risques et le concept d’un apprentissage par la pratique. Ce milieu ne peut avoir pour seule source une politique. Examinons maintenant certains des obstacles qu’il faut surmonter pour obtenir un véritable environnement d’apprentissage qui appuie le perfectionnement professionnel. donner des explications que des instructions et d’écouter que de parler. Afin de compléter le cycle, le chef façonne l’environnement au moyen de leçons du passé, montre la voie à suivre en choisissant avec soin des projets, en attitude prédomine ou que la chaîne de commandement des FC l’appuie aujourd’hui dans une large mesure. Si la réticence à assumer au combat des risques inutiles est compréhensible, les FC peuvent apprendre à tolérer bien plus les risques Malheureusement, les forces armées du Canada sont encore de la plupart des points de vue très prudentes… L’environnement d’apprentissage Le but [...] est de corriger les erreurs et de tirer des leçons de [...] l’expérience, pas de cacher les erreurs par crainte de la critique du public [...] L’élimination de cette crainte est la condition préalable numéro un de l’apprentissage87. » Martin van Creveld Le colonel Stuart A. Beare, CD L e général Sullivan est à juste titre fier de la transformation à laquelle l’armée américaine a procédé au cours des 20 dernières années du XXe siècle. Comme il le souligne avec justesse, le chef qui est en apprentissage profite de ce processus et il le soutient en édifiant un environnement d’apprentissage que, toutefois, il faut surveiller et faire évoluer de concert avec les changements culturels, technologiques et stratégiques. Le général Sullivan avance par conséquent la théorie d’un cycle des actions du chef qui soutient le processus dans un environnement d’apprentissage. Le cycle n’est pas seulement caractérisé par des types d’activités et des objectifs stratégiques; en effet, ce qui est plus important, il prescrit un ensemble d’attitudes qui doivent prédominer pour avoir du succès. Le cycle des actions du chef est lancé par la définition de l’environnement d’apprentissage qu’il est censé donner. Il faut, pour ce faire, bien comprendre les événements et les tendances qui existent, séparer ce qui est important de ce qui ne l’est pas et obtenir le contexte et une vision commune qui mettent pour l’avenir l’accent sur un développement intellectuel et physique. L’enseignement se fait à coup de répétitions et par l’exemple. Le général Sullivan souligne ici qu’il est souvent plus important de 52 consolidant le succès et en modifiant le déroulement de l’apprentissage en fonction des leçons apprises88 . Pour le major Hodges, l’environnement d’apprentissage est un environnement où les chefs sont disposés à faire preuve d’initiative, où une confiance réciproque basée sur les habiletés techniques et tactiques et le comportement du chef est établie et où une conception uniforme de l’apprentissage s’applique aussi bien en garnison qu’en campagne. Il résume ce point en affirmant que « la dignité et le respect accordés aux soldats commencent par la mise en place d’un climat de commandement qui favorise l’apprentissage, permet les erreurs faites de bonne foi et encourage des communications ouvertes et le désaccord sans danger de punition »89 . Les chefs jouent dans l’environnement d’apprentissage un rôle actif par leur participation personnelle et l’exemple qu’ils donnent. Ils doivent reconnaître leurs lacunes en matière d’expérience et celles de leurs subordonnés et trouver des moyens de les combler qui n’abusent pas nécessairement d’organisations hiérarchiques et d’organisations d’étatmajor qui ont déjà beaucoup à faire90. De plus, ce qui est plus important, les chefs doivent décider s’ils nomment des personnes à des postes de responsabilité pour leur permettre de se perfectionner ou pour obtenir des résultats à court terme. Ce choix suppose que le chef accepte le risque d’échecs à court terme en échange d’un perfectionnement des chefs à plus long terme, qualité qui n’est pas nécessairement récompensée dans une institution qui recherche la perfection et qui redoute les risques. Il existe peu de preuves empiriques démontrant que cette dans leurs activités d’instruction et d’étatmajor de temps de paix. Malheureusement, les forces armées du Canada sont encore de la plupart des points de vue très prudentes et, comme le souligne Morgan McCall, « les attitudes prudentes enseignent la prudence »91. Comme nous le disons dans la section sur un cadre stratégique applicable au PPO, l’environnement d’apprentissage est soutenu par des séances d’encadrement et de mentorat régulières et crédibles et par une rétroaction et une évaluation assurées par plus d’un évaluateur. Une politique relative à ces activités ne suffit pas; le leadership institutionnel doit savoir les réaliser, il doit les exécuter conformément à une orientation unifiée et il doit les lier aux besoins en matière de perfectionnement de l’organisation et de la personne en cause92. Ici encore, la chaîne de commandement prédomine dans une mise en œuvre réussie du système du PPO, comme il se doit. En termes simples, l’application globale d’une conception du perfectionnement professionnel exige un cadre institutionnalisé qui définit et qui guide les parties et l’ensemble des activités de perfectionnement professionnel. Le cadre doit inclure une structure qui entraîne et qui réglemente la politique et les objectifs et un organe d’exécution qui englobe les institutions d’éducation et d’instruction, le personnel chargé de l’instruction et de l’éducation et la chaîne de commandement. Les activités de perfectionnement professionnel doivent se dérouler dans un environnement qui tolère de façon manifeste les risques, qui est communicatif et qui peut observer et appliquer les leçons retenues pour améliorer le milieu du perfectionnement. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Le défi qui se pose à nous est d’entrer dans le XXIe siècle avec une bonne expérience pratique, pas seulement avec un solide bagage théorique93 . Général Ulmer L es exigences de la dernière décennie et des décennies à venir vont obliger les officiers à posséder des habiletés nouvelles et améliorées. Ces dernières exigent pour leur part une attention accrue aux capacités intellectuelles et physiques de l’officier de même qu’une grande adaptabilité et une grande créativité. Le SPPO du Canada et les intentions relatives au PPO de l’an 2020 reconnaissent ces exigences et concluent que l’officier doit les acquérir dans un système qui inclut l’instruction, l’éducation, l’expérience et l’auto-perfectionnement. Les insuffisances de l’approche canadienne tiennent toutefois au fait que le SPPO et ses stratégies pour l’an 2020 concernent presque exclusivement l’instruction et l’éducation et qu’ils ne donnent pas une politique ou une réglementation officielles relativement à la gestion de l’expérience en tant qu’élément essentiel du PPO. Les arguments en faveur d’un PPO fondé sur l’expérience sont très convaincants. Une analyse subjective mène à la constatation que l’expérience est l’élément essentiel dont une personne tire la confiance en soi et la compétence nécessaires pour s’acquitter de ses fonctions. C’est seulement grâce à cette confiance fondée sur l’expérience qu’un chef peut agir de façon décisive et acquérir la complexité cognitive et comportementale qu’une visualisation et une communication efficaces exigent. Les chercheurs sont d’accord avec les appréciations subjectives, car ils considèrent la formation reçue dans une école comme une activité stimulante qui appuie un apprentissage fondé sur l’expérience. Les chefs apprennent par le succès et par l’échec. C’est en agissant et en prenant des décisions qu’ils développent à fond leur capacité conceptuelle. Les chercheurs ajoutent que pour que l’expérience apporte Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 quelque chose au perfectionnement des chefs, elle doit être planifiée et conçue en fonction d’un objectif de perfectionnement. De plus, ce qui est plus important, la chaîne de commandement doit assumer la responsabilité du perfectionnement fondé sur l’expérience et doit avoir à rendre des comptes pour appuyer le perfectionnement de ses subordonnés par l’encadrement, le mentorat et la rétroaction associée à l’évaluation. Même si elle constitue un pilier reconnu du PPO, l’expérience professionnelle est de plus en plus limitée à cause des exigences accrues applicables à l’apprentissage en milieu scolaire, de la cadence des opérations et des exigences actuelles auxquelles notre plus précieuse ressource non humaine – le temps – est soumise. L’armée américaine a constaté que l’expérience des opérations au niveau tactique décline et que, parce que les habiletés requises augmentent, un fossé en matière d’expérience s’est formé et qu’il continue de s’élargir à un rythme alarmant. Le Canada est soumis aux mêmes conditions stratégiques et environnementales que l’armée américaine et fait assurément face au même dilemme pour ce qui est du fossé en matière d’expérience. Si, dans l’ensemble, les forces armées occidentales reconnaissent l’importance de l’expérience pour le PPO, quelques-unes seulement ont réussi à intégrer à leur SPPO les éléments qui le réglementent. L’Australie a choisi de faire avant tout de la compétence du chef l’objet du PP et a adopté des politiques qui prescrivent les genres d’emplois et la durée de chaque phase de perfectionnement. L’Australie reconnaît que les officiers ne sont pas tous aptes à commander ou capables de le faire et tient compte de cette réalité en donnant aux intéressés, en milieu de carrière, une possibilité de se spécialiser qui satisfait aussi bien leurs objectifs en matière de perfectionnement que le besoin de l’institution de compter sur des chefs compétents aux niveaux supérieurs. Bien que cette formule soit appliquée de façon non officielle dans certaines branches et dans certains groupes professionnels des FC, une solution officielle de ce genre aiderait beaucoup à éliminer la confusion qui existe en matière de gestion au milieu de la carrière et orienterait de façon particulière le perfectionnement de nos officiers les plus élevés en grade. Les États-Unis sont le pays qui a le SPPO le plus élaboré. Ils lient dans chaque phase de perfectionnement l’instruction à l’éducation et à l’emploi, l’accent étant mis à chaque niveau sur des exigences obligatoires en matière d’expérience. La planification des occasions d’acquérir de l’expérience est une responsabilité que la chaîne de commandement et le système de gestion du personnel se partagent, mais la gestion des occasions d’acquérir de l’expérience qui inclut l’encadrement et la rétroaction associée à l’évaluation relève clairement de la chaîne de commandement. Le SPPO américain est unique pour ce qui est de la mesure dans laquelle les occasions d’acquérir de l’expérience sont assignées, réglementées et gérées et dans laquelle toutes les personnes qui participent au PPO y sont soumises. Les FC doivent maintenant faire de l’expérience professionnelle le principal pilier de perfectionnement des chefs du SPPO. Elles ne peuvent le faire qu’en élargissant le cadre stratégique et le cadre de gestion qui régit le PPO de manière à inclure clairement et explicitement dans l’équipe du PPO les états-majors du perfectionnement professionnel, les écoles et la chaîne de commandement. Les objectifs en matière d’expérience doivent être liés à des objectifs institutionnels et individuels de perfectionnement et les occasions qui s’y rapportent doivent être gérées de manière à garantir que l’intéressé et les FC profitent de chaque occasion d’emploi. Si l’équipe du SPPO a un rôle clé à jouer pour ce qui est d’assigner et de réglementer les événements au cours desquels l’expérience s’acquiert, c’est la chaîne de commandement qui détermine la qualité de leur réalisation par l’encadrement, l’évaluation et le mentorat. Cette responsabilité exige que le rôle et la responsabilité de la chaîne de commandement soient exprimés clairement dans notre propre PPO. Plus important, peut-être, encore, le milieu de travail doit être organisé de 53 L’expérience dans le perfectionnement professionnel des officers : Un pilier menacé CONCLUSION manière à permettre un apprentissage l’appui d’un personnel qui est à la fois fossé de plus en plus grand qui est de fondé sur l’expérience. Une façon de chargé de gérer le système dans son façon alarmante impossible à quantifier. faire qui recherche la perfection et qui ensemble et de veiller à l’exécution des Les conflits d’aujourd’hui et de l’avenir redoute les risques s’oppose à un éléments essentiels des piliers de exigent des chefs qu’ils soient prêts surenvironnement d’apprentissage positif. l’éducation et de l’instruction. Le travail le-champ, c’est-à-dire des chefs compétents et sûrs de soi Si la formation d’un corps des qui ont, par l’aptitude dont officiers compétent est ils ont fait preuve à réellement l’héritage des Les conflits d’aujourd’hui et avec l’environautorités militaires de l’avenir exigent des chefs qu’ils composer nement dans lequel le d’aujourd’hui, elles doivent, conflit se déroule, gagné la par l’exemple qu’elles soient prêts sur-le-champ… confiance de leurs donnent, être à la tête de la subordonnés. Les FC ne mise sur pied de l’environnement d’apprentissage en qui est exigé de ce personnel et le rôle doivent pas se limiter à parler pour la crucial qu’il joue sont clairement en forme dans leur SPPO de l’expérience. question. conflit. Le cadre de gestion qui Elles doivent agir en fonction de Les FC ont fait de grands progrès oriente et qui guide l’expérience l’importance qu’elles accordent au vers un SPPO global et complet et professionnelle dans le PPO est un perfectionnement fondé sur l’expérience s’emploient à façonner l’environnement cadre spécial et il ne peut pas et le gérer, de même que les piliers qui du PPO de manière à guider le réglementer la conception d’un l’appuient, à la façon d’un système de perfectionnement de nos chefs de ensemble équilibré de piliers de PP systèmes qui contribue à l’efficacité l’avenir. La formule actuelle ne constituant un système de systèmes. opérationnelle aussi bien individuelle correspond toutefois pas à l’importance Enfin, des mesures nouvelles et les qu’institutionnelle. qui est accordée à l’expérience dans le exigences concernant le temps consacré système. Il n’existe pas de moyen au PP attaquent les occasions limitées permettant de quantifier ou de qualifier d’acquérir de l’expérience qui existent les mérites absolus ou relatifs de chacun aujourd’hui et elles contribuent à des piliers de PP. Le Conseil du PPO a creuser, en matière d’expérience, un NOTES Le colonel Stuart A. Beare, CD À P R O P O S D E L’ A U T E U R … Le colonel Beare est entré dans les Forces canadiennes en juin 1978 et a obtenu un baccalauréat en génie du Collège militaire royal à Saint-Jean (Québec) et du Collège militaire royal du Canada à Kingston (Ontario). Il a notamment servi au sein du 1er Régiment de l’Artillerie royale canadienne à Lahr, en Allemagne de l’Ouest, et occupé le poste de commandant de la batterie E (Para) du 2e Régiment, Royal Canadian Horse Artillery, et de commandant du 2e Régiment, Royal Canadian Horse Artillery. Le colonel Beare a servi au sein de contingents du Canada à Chypre et au quartier général de la Force de protection des Nations Unies à Zagreb et a été chef d’étatmajor du commandement du secteur de Bihac jusqu’à la fin de la mission en ex-Yougoslavie, en décembre 1995. Le colonel Beare a aussi servi à la Direction - Besoins en ressources terrestres, où il a été l’officier de l’instruction de l’équipe d’intervention en cas de catastrophe, et comme officier d’état-major au quartier général de la 1re Division du Canada. Il a été le premier chef d’état-major du Système de la doctrine et de l’instruction de la Force terrestre. Le colonel Beare est diplômé du Royal Military College of Science de Shrivenham, en Angleterre, et il commande actuellement le 1er Groupe-brigade mécanisé du Canada à Edmonton (Alberta). 54 1. A-PD-007, Document sur le système de perfectionnement professionnel des officiers (SPPO), 1997, p. 1. 2. SPPO, p. 7. 3. Vision 2020 4. Lieutenant-général (à la retraite) Roméo A. Dallaire, « The Theatre Commander in Conflict Resolution », Canadian Generalship/Admiralship (à paraître), p. 197. 5. Général Charles C. Krulak, « Strategic Corporal: Leadership in the Three Block War », Marines, Vol. 28, numéro 1 (janvier 1999), p. 26. 6. Lieutenant-Colonel Bernd Horn, « Perfectionnement professionnel des officiers 2020 », http://www.vcds.dnd.ca/dgsp/dsc/d2000nws/1999/nov99/ art01_e.as/htm . 7. L’officier militaire canadien au XXIe siècle (L’officier en 2020) – Orientation stratégique à l’intention du corps des officiers et du système de perfectionnement professionnel des officiers des Forces canadiennes (PPO 2020), octobre 2000 (ébauche), p. I-1. 8. Horn, « Perfectionnement professionnel des officiers ». 9. SPPO, p. 3. 10. SPPO, p. B-1. 11. SPPO, p. 1, et Le rapport final du groupe de travail sur le perfectionnement professionnel des officiers, 31 juillet 1996. 12. PPO 2020, p. I-1, I-27, I-30, I-35. 13. PPO 2020, p. I-41. 14. Morgan W. McCall, Jr., High Flyers: Developing the Next Generation of Leaders (Boston, Harvard Business School Press, 1998), p. 8. 15. Department of the Army Pamphlet (DOAP) 350-58, Leader Development for America’s Army (Washington, DC, 1994), p. 2. 16. DOAP 350-58, p. 3. 17. DOAP 350-58, p. 5. 18. US Army Regulation 614-100, Officer Assignment Policies, Details and Transfers (Washington, DC, 1990). 19. Project Opera – « The Australian Army Officer Corps of the Future », Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 51. Zaccaro, p. 412, 413. 52. Zaccaro, p. 195. 53. Bernard M. Bass, Transformational Leadership (Mahwah, NJ, Lawrence Erlbaum Assoc., 1998), p. 93. 54. Zaccaro, p. 414, 415. 55. McCall, p. xii. 56. McCall, p. 192. 57. McCall, p. 188-193 58. McCall, p. 193, 194 59. Ardant du Picq, cité dans Reinwald, p. 5/12. 60. Thomas O. Jacobs et Guy L. Siebold, « Leader Development Training Needs Assessment for US Army Battalion Commanders » (US Army Research Institute for the Behavioral and Social Sciences, Nov 92), p. 4. 61. Jacobs et Siebold, p. 15. 62. Leed, p. 1. 63. Leed, p. 1. 64. Leed, p. 12. 65. Leed, p. 15. 66. Leed, p. 98. 67. Leed, p. 100. 68. Reinwald, p. 7. 69. Briefing sur l’instruction de la Direction de l’instruction de l’Armée de terre au Conseil de l’Armée, 17 oct 00. 70. Napoléon, cité dans Reinwald, p. 5/12. 71. McCall, p. 193. 72. Colonel Gail W. Wood, « Mentoring: A Useful Concept for Leader Development in the Army? », US Army War College, Pennsylvania, 1990, p. 5. 73. Système d’évaluation du personnel des Forces canadiennes. 74. Jacobs et Siebold, p. vii. 75. Wood, p. 7. 76. Wood, p. 12. 77. McCall, p. 185. 78. Walter F. Ulmer, Jr., « Le leadership militaire au XXIe siècle : encore un objectif qui n’est pas à notre portée? », 8/22 (“Military Leadership into the 21st Century: Another “Bridge Too Far?”, Parameters, Spring 1998, p. 5/19) http://carlisle-www.army.mil/usawc/parameters/98spring/ulmer.htm. 79. Jacobs et Siebold, p. vii. 80. Publication des Forces canadiennes (PFC) 308, L’instruction de l’Armée de terre du Canada, ébauche, automne 2000. 81. Gordon R. Sullivan et Michael V. Harper, Hope is Not a Method (Toronto, Random House, 1996), p. 196. 82. Hodges, p. 10. 83. Leed, p. 83. 84. Ike Skelton, « JPME: Are We There Yet? », Military Review, vol. 77, no 1 (Jan/Feb 97), p. 102. 85. Lieutenant-général Richard Evraire, « General and Senior Officer Professional Development in the Canadian Forces », Revue canadienne de défense, vol. 20, n°3 (Hiver 90), p. 34. 86. Leed, p. 94,100. 87. Martin van Creveld, cité dans Hodges, p. 32. 88. Sullivan et Harper, p. 218. 89. Hodges, p. 6 et 29. 90. Leed, p. 92. 91. McCall, p. xvi. 92. McCall, p. 189. 93. Ulmer, p. 18/22 (15/19). 55 L’expérience dans le perfectionnement professionnel des officers : Un pilier menacé http://www.army.gov.au/special/opera/handbook/handbook.pdf, p. 2. 20. Project Opera, p. 5-7. 21. Project Opera, p. 9. 22. Général S. L. A. Marshall, « Mainsprings of Leadership », Military Leadership: In Pursuit of Excellence, Robert L. Taylor et William E. Rosenbach (Boulder, Westview Press, 1984), p. 72. 23. Hodges, p. 7. 24. Mauren Leed, Keeping the Warfighting Edge: An Empirical Analysis of Army Officiers’ Tactical Expertise Over the 1990s, RAND, 2000, p. 95. http://www.rand.org/publications/RGSD/RGSD152/. 25. Major Frederick B. Hodges, « Training For Uncertainty », School of Advanced Military Studies, Fort Leavenworth, Kansas, 1993, p. 20. 26. James M. Dubik, cité dans Hodges, p. 20. 27. Lieutenant-colonel Dean A. Nowowiejski, « Concepts of Information Warfare in Practice: General George S. Patton and the Third Army Information Service, August-December, 1994 », School of Advanced Military Studies, Fort Leavenworth, Kansas, 1995, p. 6,7. 28. Peter Senge, The Fifth Discipline. The Art & Practice of the Learning Organization (New York, Currency/Doubleday, 1990), p. 367. 29. Major Brian R. Reinwald, « Tactical Intuition », Military Review (Sep/Oct 00) p. 2/12. http://www-cgsc.army.mil/milrev/english/SepOct00/rein.htm. 30. Reinwald, p. 3/12. 31. Nowowiejski, p. 13. 32. Roger H. Nye, « The Patton Mind: the Professional Development of an Extraordinary Leader », Military Review, vol. 73, no 8 (Aug 93), p. 68. 33. Reinwald, p. 6. 34. James E. Zanol, « Battle Command Insights », Armor, vol. 107, no 5 (Sep/Oct 98), p. 17. 35. Tom Clancy et le général Fred Franks, Jr., Into the Storm (New York, G.P. Putnam’s Sons, 1997). 36. Lieutenant-général Paul E. Blackwell et lieutenant-colonel Gregory J. Bozek, « Leadership for the New Millennium », Military Review, May/Jun 98, p. 5/7. http://www-cgsc.army.mil/milrev/english/MayJun98/bla.htm. 37. Major Deborah Reisweber, « Battle Command: Will We Have It When We Need It? », Military Review, Sep/Oct 97, p. 1/9. http://www.cgsc.army.mil/milrev/english/SepOct97/reisweb.htm. 38. Reisweber, p. 1/9. 39. Reisweber, p. 7/9. 40. Reisweber, p. 3/9. 41. Faris R. Kirkland, « Soldiers and Marines at Chosin Reservoir: Criteria for Assignment to Combat Command », Armed Forces and Society, vol 22, no 2 (Winter 1995/96), p. 257. 42. Major Daniel S. Roper, « Peacetime leadership: A Critical Element of Combat Power », Military Review, May/Jun 99, p. 1/5. http://www.cgsc.army.mil/milrev/english/MayJun99/Roper.htm. 43. Steven F. Hayword, Churchill On Leadership (Rocklin, California, Prima Publishing, 1997), p. 28. 44. Capitaine Robert A. Jones, « A Moot Point », Marine Corps Gazette, vol. 80, no 7 (Jul 96), p. 52. 45. Ardant du Picq, cité dans Reinwald, p. 5/12. 46. Stephen J. Zaccaro, Models and Theories of Executive Leadership: A Conceptual/Empirical Review and Integration (US Army Research Institute for the Behavioral and Social Sciences: 1997), p. xvii, xviii. 47. Zaccaro, p. 156. 48. Zaccaro, p. 224. 49. Zaccaro, p. 318, 348. 50. Zaccaro, p. 410. Opération « Anger » : La victoire canadienne peu connue à Arnhem en 1945 Le capitaine S.F. King, CD par le capitaine S.F. King, CD Mot du rédacteur en chef : Depuis quelques années, un certain nombre de régiments ont reçu des honneurs de guerre qui ne leur avaient pas été accordés en raison d’une erreur ou de l’ignorance de l’histoire opérationnelle d’une unité. Par exemple, dans les années 1990, un officier d’étatmajor de la Direction – Histoire et patrimoine a découvert qu’un honneur de guerre n’avait pas été remis au Lincoln and Welland Regiment parce que personne ne s’était aperçu que la liste officielle était imprimée au recto et au verso du document! Le décernement d’honneurs est d’autant plus difficile lorsqu’un régiment, comme le Princess Louise Fusiliers, n’a jamais combattu en tant que bataillon. Il a cependant fourni du soutien au niveau de la compagnie aux brigades d’infanterie de la 5th Armoured Division. Bien que la 11th Independent Machine Gun Company (The Princess Louise Fusiliers) n’a pas joué un rôle de premier plan dans la bataille de Arnhem, son histoire dans cette bataille n’a jamais été pleinement décrite ni inscrite dans les honneurs de guerre de l’unité. Le capitaine Sanchez King, membre du régiment The Princess Louise Fusiliers, a tenté pendant plusieurs années de prouver que The Princess Louise Fusiliers était admissible à la mention « Arnhem 1945 ». Après avoir effectué de nombreuses recherches difficiles et fait face à une certaine opposition à son projet, la détermination du capitaine King a porté fruit et s’est traduite par l’attribution de « Arnhem 1945 » à son régiment en 1999. Nous adressons toutes nos félicitations au Capitaine King pour ses recherches talentueuses, sa persévérance et sa constance, ainsi qu’au régiment The Princess Louise Fusiliers pour cet honneur incontestable. L’article ci-dessous résume le combat mené par The Princess Louise Fusiliers et d’autres unités en 1945. A la Deuxième Guerre mondiale, elle mérite certainement une étude occasionnelle. rnhem. Ce nom évoque instantanément les images de parachutistes britanniques et polonais engagés dans une lutte héroïque, mais vouée à l’échec, contre des forces écrasantes. Il peut également évoquer le pont de Arnhem, tellement crucial pour les Alliés dans leurs efforts de mettre un terme à la guerre à la fin de l’année 1944. Ces images font partie de la culture populaire de l’histoire militaire principalement en raison du livre épique de Cornelius Ryan, Un pont trop loin, et du film portant le même nom. La gloire et la tragédie qui caractérisent la première bataille à Arnhem ont tendance à éclipser les efforts déployés par les troupes terrestres canadiennes et britanniques environ six mois plus tard pour libérer cette ville hollandaise importante. En général, la bataille de Arnhem en 1945 ne fait pas l’objet d’une analyse historique ou d’un récit dramatique, mais comme de nombreuses batailles canadiennes durant 56 Après l’invasion de la Normandie en juin 1944, le Quartier général suprême des forces expéditionnaires alliées comprit que pour que la guerre se termine rapidement, les armées alliées devaient atteindre le centre En théorie, le plan de Montgomery, qui portait le nom de « Market Garden », était impressionnant. La partie de l’opération intitulée « Market » consistait en une attaque aéroportée massive menée par la Première armée aéroportée alliée. Durant l’opération « Garden », des forces terrestres composées principalement des chars du XXX Corps du lieutenant-général Brian Horrocks devaient se hâter de faire la jonction avec les troupes aéroportées par planeur et les troupes parachutées. Les villes hollandaises de Eindhoven, de Grave, de Nijmegen et de Arnhem étaient les cibles de l’attaque aéroportée. Ces villes, qui formaient une ligne verticale du sud au nord, dominaient les ponts essentiels permettant de franchir plusieurs cours d’eaux qui pouvaient ralentir n’importe quelle progression blindée. Selon le plan, la 101st US Airborne Division devait s’emparer de Eindhoven et de plusieurs ponts situés au nord. La 82nd US Airborne Division devait s’emparer des villes et des ponts de Grave et de Nijmegen ouvrant ainsi la voie aux forces à prédominance blindée de Horrocks. Cependant, l’élément clé du plan était le pont de Arnhem. Les forces alliées devaient l’emprunter pour se diriger vers le cœur de l’Allemagne. La capture de Arnhem fut assignée à la En général, la bataille de Arnhem en 1945 ne fait pas l’objet d’une analyse historique ou d’un récit dramatique… industriel de l’Allemagne. L’avance des Alliés devait viser principalement à arrêter les forces allemandes qui battaient en retraite dans le nord de la Hollande, puis à se diriger vers l’est dans la vallée de la Ruhr. Le maréchal Bernard Montgomery estimait que pour atteindre ce but, il fallait préparer un plan audacieux et il en avait un. 1st British Airborne Division avec le 1st Polish Independent Parachute Brigade Group en sous ordre1 . Au départ, l’opposition au plan était presque généralisée. À la fin d’août, tandis que la campagne piétinait sur place en Europe, le général Eisenhower fut obligé d’accepter le plan Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Les Hollandais continuaient d’exercer La planification initiale de des pressions, et contrairement aux l’opération menée à Arnhem avait été souhaits de Montgomery, l’ennemi entreprise à la fin de mars. Le plan du ne se désengagea pas. Le 5 avril, 1er Corps canadien était de s’emparer Montgomery ordonna au général de « l’Île » située au sud de la Neder Rijn. Le largage des troupes commença Crerar qui commandait la Première L’opération, qui portait le nom de le 17 septembre. Les 82nd et 101st Armée canadienne d’utiliser un de opération « Destroyer », devait avoir divisions atteignirent rapidement leurs ses corps d’armée pour objectifs. Cependant, à Arnhem, les entamer le nettoyage Britanniques n’eurent pas autant de méthodique de l’ouest de Cependant, dans l’ouest de la chance. Dès le début, les parachutistes la Hollande. Cette tâche fut er britanniques furent gênés par de assignée au 1 Corps Hollande, l’armée allemande mauvaises communications. Il fallut canadien, dirigé par le demeurait retranchée… deux jours pour larguer la totalité des lieutenant-général Charles troupes de la 1st Airborne Division qui Foulkes. Ce corps comensuite furent engagées dans de violents prenait la 5 e Division combats avec des troupes ennemies plus blindée canadienne qui arrivait d’Italie lieu au début d’avril. Une fois que la nombreuses que prévu. Seule une petite et la 49th (West Riding) Division 5e Division blindée canadienne se serait force centrée sur le 2nd Battalion, The britannique. Le corps était arrivé dans la emparée de « l’Île », la 49th Division, Parachute Regiment, put se rendre à région de Arnhem le 2 avril et avait commandée par le major-général S.B. Arnhem et atteindre le pont critique. participé aux opérations visant à Rawlins, attaquerait Arnhem. Lorsque les Sous le commandement du lieutenant- étendre « l’Île » située au sud de la troupes britanniques auraient solidifié la colonel John Frost, elle a vaillamment riviére Neder Rijn (Bas-Rhin)3 . tête de pont, la 5e Division se frayerait un tenu bon pendant neuf jours. Lorsque chemin pour se ruer en direction de la le XXX Corps, ralenti par le terrain Sur le plan géographique, la région ville hollandaise de Otterloo. marécageux et des routes étroites, a entre Nijmegen et Arnhem fait partie du finalement atteint le pont de Arnhem, delta du Rhin et est connue sous le nom de L’opération « Destroyer » a eu lieu les Allemands le contrôlaient et « l’Île ». Le bras principal du Rhin, en les 2 et 3 avril et permit au 1er Corps de avaient solidifié leur position. Le plan provenance du sud-est, se divise en deux à s’emparer de « l’Île » et d’agrandir le « Market Garden » avait échoué, et 16 kilomètres à l’est de Nijmegen pour territoire libéré. La planification en détail tout espoir d’une victoire rapide s’était former la Waal et la Neder Rijn. Cette de l’attaque assignée à la 49th Division évanoui2. dernière s’écoule vers le nord-ouest jusqu’à commença immédiatement. Cette Arnhem où la rivière Ijssel se forme tout attaque, qui porta le nom de opération En mars 1945, la situation en juste au nord de la ville. Puis, la Neder Rijn « Anger »5 , consistait en un franHollande avait changé considérable- poursuit son chemin à l’ouest de Arnhem. chissement d’assaut. Le plan de Rawlins ment. Le port de Antwerp avait été Au nord de la ville, les terres atteignent une comportait trois phases. Premièrement, libéré et les Alliés avaient remporté la hauteur d’environ 100 mètres au-dessus du le 56th Infantry Brigade Group devait effectuer le franchissement d’assaut de la Neder Rijn à l’ouest de The Princess Louise Fusiliers étaient en sous-ordre Arnhem, mettre en place une tête de pont limitée et nettoyer le [...] du 49th Division Machine Gun Battalion secteur situé au sud de la ville. Ensuite, le 146th Infantry Brigade Group devait traverser les lignes du dure bataille de l’estuaire Scheldt. À niveau de la mer, mais le long des canaux 56th Brigade Group et agrandir la tête l’est, les Pays-Bas avaient été libérés. du Rhin et en remontant la rivière Ijssel, le de pont. Finalement, le 147th Infantry Cependant, dans l’ouest de la Hollande, pays n’est qu’un réseau de canaux et de Brigade Group devait s’emparer des hauteurs à l’ouest de Arnhem6. l’armée allemande demeurait re- fossés d’irrigation4. tranchée et le gouvernement hollandais basé à Londres exerçait de plus en plus Une partie de la région autour de Un soutien considérable pour de pressions sur les Alliés. Les Arnhem, désignée sous le nom pompeux l’opération était prévu. Toute une Hollandais désiraient que les Pays-Bas de Festung Holland (forteresse gamme d’unités du génie, d’unités de soient libérés le plus tôt possible tandis Hollande), était défendue par la 346e véhicules amphibie (y compris des que Montgomery voulait détruire Division allemande composée du 858th véhicules amphibies Buffalo et DUKW l’armée allemande sur le terrain et Grenadier Regiment et de diverses et deux unités canadiennes, le 11th estimait que la libération de l’ouest de la unités, y compris une École de combat Canadian Armoured Regiment (Ontario Hollande lui soutirerait une partie des divisionnaire. Comme les effectifs et la Regiment) et le 11th Independent maigres ressources dont il disposait pour composition des forces allemandes Machine Gun Company (The Princess ce faire. Il se disait que les Allemands se situées à Arnhem étaient mal connus, il Louise Fusiliers)8 étaient en sous-ordre. désengageraient bien assez tôt. ne fallait prendre aucun risque. Durant l’opération, l’Ontario Regiment Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 57 Opération « Anger » : La victoire canadienne peu connue à Arnhem en 1945 de Montgomery. Après plusieurs démarrages manqués, la date du lancement de l’opération « Market Garden » fut fixée à la mi-septembre. devait appuyer l’attaque menée par les brigades tandis que les Princess Louise’s devait être en sous-ordre du 49th Division Machine Gun Battalion, le 2nd Battalion, Kensington Regiment9 . positions ennemies. Elles n’ont guère recueilli de renseignements, mais ont pu confirmer que l’ennemi occupait un complexe industriel situé du côté est de Arnhem13 . Plusieurs unités canadiennes étaient en appui, y compris les groupes d’artillerie de la Première Armée et de la 5th Division10 ainsi que les 1er et 10e Escadrons de campagne, du génie canadien. La Royal Navy devait fournir la 552 Landing Craft Flotilla et la Royal Air Force devait assurer un appui aérien composé des appareils Spitfire et Typhoon11 . Le plan devait être modifié à la fin de la journée du 7 avril. Le général Foulkes a décidé qu’il fallait s’approcher de Arnhem à partir de l’est, face à la rivière Ijssel, plutôt que de l’ouest. Les Allemands, qui couvraient la route menant à la Ruhr, avaient conçu leurs positions à Arnhem de façon à contrer un ennemi venant de l’ouest. Foulkes doutait également de l’efficacité des écrans de fumée dont le but était de cacher les activités de reconnaissance et d’acheminement des approvisionnements le long de la Neder Rijn. Il craignait que les Allemands n’aient amplement le temps de se préparer à un assaut en provenance de l’ouest. Foulkes a établi l’heure H à la tombée de la nuit, le 11 avril14 . Les préparatifs de l’opération « Anger » comprenaient la formation d’une structure assez particulière; les sapeurs canadiens avaient fabriqué à l’avance un pont flottant Bailey à Doornenberg, en amont, et l’avaient posté en attente près de la rivière Ijssel. Le but était de déplacer le pont en aval et de le mettre en place afin de prendre l’ennemi par surprise et d’augmenter considérablement la capacité divisionnaire de faire traverser les troupes et les véhicules de l’autre côté de la rivière12 . Durant la soirée du 4 avril et à l’aube du 5 avril, des patrouilles en provenance de certains bataillons d’infanterie ont traversé la Neder Rijn afin de tenter d’obtenir des informations plus exactes sur les Du 8 au 10 avril, le regroupement eut lieu et les formations furent modifiées. Le 10 avril, l’heure H fut changée. Il fallait donner le temps à plusieurs autres unités et formations canadiennes de se mettre en place pour appuyer l’opération. Sur la gauche, le long de la rive sud de la Neder Rijn, une organisation connue sous le nom de Murphyforce avait pris la relève des éléments de la 5th Division. La Le capitaine S.F. King, CD RIVIÈRE IJSSEL RIVIÈRE WAAL 58 Murphyforce était composée d’éléments blindés et de l’infanterie provenant principalement de la 1st Canadian Armoured Brigade, qui devaient faire diversion. Il fallait aussi donner le temps aux 11th et 12th Regiments du Special Air Service d’être largués derrière l’ennemi afin d’appuyer les activités de la division. La nouvelle heure H fut fixée à 22 h 40 le 12 avril15 . À l’aube du 12 avril, 36 sorties Spitfire et 83 sorties Typhoon de la RAF effectuèrent des frappes aériennes pour déstabiliser la position allemande autour de Arnhem en se concentrant sur un centre de résistance situé dans un ancien fort hollandais. À 19 h 40, la Murphyforce entamait son plan de feux de diversion dans la région de Heaveadorp, l’emplacement original de l’assaut de la 56th Brigade. La riposte des Allemands a certainement laissé entendre qu’ils étaient très bien préparés à un assaut en provenance de l’ouest. À 20 h 40, les tirs d’artillerie et les tirs d’appui commençaient. L’écho des salves des batteries de lance-roquettes avait un effet psychologique marqué, même sur les troupes amies. Les mitrailleuses et les mortiers du Kensingtons et du régiment Princess Louise’s concentrèrent leurs tirs afin de tenter d’anéantir la puissance de feu ennemie lors du franchissement initial. Cependant, plusieurs problèmes se manifestèrent. Douze péniches de débarquement qui devaient arriver à 21 h 00 n’étaient pas sur place. Elles avaient été retardées par un « bouchon » sur la rivière causé par plusieurs barges chargées de fournitures divisionnaires. La situation s’est encore détériorée lorsque les charges qui avaient été installées sur le côté ennemi de la rive pour faciliter le débarquement avaient été perturbées par les frappes de la RAF et n’avaient pas explosé. Les Buffalo ont dû se tracer un chemin d’approche improvisé, ce qui retarda les débarquements16 . Ce n’est qu’à 23 h 15 que le premier bataillon d’infanterie posa le pied sur la rive nord de la Ijssel17 . Malgré les débarquements chaotiques, la montée en puissance progressait bien. Au début, la plus grande résistance s’était manifestée à l’ancien fort. Appuyées par les mitrailleuses des Princess Louise installées bien à l’avant18 , les troupes de la 56th Brigade Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre exemple intéressant de collaboration entre l’infanterie et les blindés s’est produit. poursuivre sa route vers Otterloo. L’opération « Anger » était terminée23. La guerre avait prélevé un lourd tribut dans la ville. Selon le journal de guerre de la 49th Division, « l’ennemi avait systématiquement et gratuitement pillé chaque maison et chaque édifice de Arnhem, emportant avec lui beaucoup de meubles, détruisant la majeure partie de ce qui était resté sur place et endommageant chaque maison […] jamais auparavant une ville n’avait été détruite aussi gratuitement24 . » Le char à bord duquel le lieutenant MacDonald se trouvait progressait dans la ville en compagnie d’un peloton d’infanterie lorsque l’officier et le sergent du peloton furent tués simultanément. Le peloton se désorganisa et la Les combats dans les progression s’arrêta. Le zones bâties de Arnhem lieutenant MacDonald fit rapidement preuve de se sont révélés difficiles. leadership. S’extirpant de Avec le recul, l’opération « Anger » son char, il rassembla les et la libération de Arnhem n’ont pas mais l’appui blindé assuré par l’Escadron isolés et dressa un nouveau plan d’action l’éclat des actions spectaculaires. TouteA du Ontario Regiment ne put faire de avec les chefs de section. En quelques fois, des éléments sont certainement même que lorsque les traversiers minutes, le peloton avait repris sa dignes de mention, tels que l’utilisation devinrent opérationnels, vers 8 h 45. À progression. Pendant cette journée, la innovatrice du pont flottant préfa10 h 45, les sapeurs et la Royal Navy troupe du lieutenant MacDonald a fait briqué, mais la majeure partie de avaient mis leur pont en place ce qui 200 prisonniers22 . l’opération n’était qu’une manœuvre permettait d’entreprendre la phase 2. La réglementaire. À ce stade de la 146th Brigade et l’Escadron C du Le lieutenant MacDonald reçut la guerre, les troupes effectuaient des Ontario Regiment purent rapidement Croix militaire pour son leadership ce franchissements d’assaut et combattaient franchir le pont, et vers le milieu de la jour-là. dans des zones bâties tout natujournée, la 146th Brigade avait traversé rellement, et l’infanterie et les blindés le secteur de la 56th Brigade19. habitués à collaborer. À la tombée de la nuit le 13 avril, la étaient résistance allemande s’était largement L’opération « Anger » est intéressante Les combats dans les zones bâties effritée. Durant la nuit, on s’était efforcé parce qu’elle donne un aperçu de ces de Arnhem se sont révélés difficiles. principalement de consolider la tête de unités britanniques et canadiennes, des Selon l’histoire officielle du Ontario Regiment : « Les combats qui se sont Il se peut que la légende de Arnhem déroulés dans la ville nous ont ralentis parce qu’il fallait nettoyer les nids de demeure seulement connue du Parachute mitrailleuses et éliminer les tireurs Regiment, mais la fierté de la victoire d’élite postés dans les bâtiments à mesure que nous progressions20 . » revient aux régiments qui ont reçu Les troupes se heurtèrent à une usine située à l’est de Arnhem. Ce complexe avait été transformé en une forteresse improvisée. Les Allemands se défendirent tellement désespérément qu’à 11 h, la progression n’avait toujours pas repris21. Dans l’après-midi du 13 avril, le 4th Lincoln Regiment, un bataillon de la 146th Brigade, reçut l’ordre de s’emparer de l’usine à l’est de Arnhem. Le 4th Lincoln était appuyé par une troupe de chars canadiens commandée par le lieutenant H.W. MacDonald. C’est durant cette attaque qu’un Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 l’honneur de guerre Arnhem 1945. pont et de permettre à la 147th Brigade de traverser la Ijssel pour qu’elle soit en position d’effectuer une percée le lendemain matin. Les patrouilles d’infanterie ne rencontrèrent guère d’ennemis et à l’aube, les brigades étaient prêtes à continuer de nettoyer Arnhem. À 16 h, les brigades avaient atteint leurs objectifs et les véhicules alliés empruntaient le pont de Arnhem. En tout, la 49th Division avait capturé 601 Allemands. La 5e Blindée était maintenant prête à traverser le secteur de la 49th Division et à formations bien entraînées, expérimentées, qui avaient probablement atteint le maximum de leur efficacité; elles agissaient de façon méthodique, tout en conservant une touche d’originalité. Il se peut que la légende de Arnhem demeure seulement connue du Parachute Regiment, mais la fierté de la victoire revient aux régiments qui ont reçu l’honneur de guerre Arnhem 194525. 59 Opération « Anger » : La victoire canadienne peu connue à Arnhem en 1945 déjouèrent les mines terrestres et le tir nourri de l’ennemi afin de neutraliser le centre de résistance. En peu de temps, la situation s’était stabilisée à tel point qu’à 0 h 5, le 13 avril, le pont flottant préfabriqué put être mis en place. À 7 h, les trois bataillons d’infanterie de la 56th Brigade avaient traversé la rivière, À P R O P O S D E L’ A U T E U R … Le capitaine Sanchez King s’est joint aux Princess Louise Fusiliers en 1982 et a reçu son brevet en 1984. Il a obtenu son diplôme d’histoire de l’université Mount Saint Vincent avant de fréquenter l’Atlantic School of Theology où il a suivi des études plus poussées. Le capitaine King détient aussi un diplôme de deuxième cycle du Collège de commandement et d’état-major de la Force terrestre canadienne. Il a occupé plusieurs postes de commandement dans son régiment et au sein d’autres écoles de formation. Il a également été affecté à des postes au niveau de la brigade, de la division et du secteur de la Force terrestre. En ce moment, il agit à titre d’officier des plans de coopération civilo-militaire au Quartier général de la Force terrestre de la région atlantique. NOTES Le capitaine S.F. King, CD 1. Cornelius Ryan, Un pont trop loin (Paris : Éd R. Laffont, 1974), p. 75-92. 2. Leo Heaps, The Grey Goose of Arnhem (London : Weidefeld and Nicolson), 1976, p. 16-22. 3. C.P. Stacy, L’Armée canadienne 1939-1945 (Ottawa : King’s Printer, 1948), p. 271-272. 4. L. Schragg, History of the Ontario Regiment 1866-1951 (General Printers Limited, sans date). 5. C.P. Stacy, La campagne de la victoire (Ottawa : Queen’s Printer, 1960), p. 603-604. 6. Les mots codes « Anger » and « Quick Anger » ont été utilisés pour désigner l’attaque de Arnhem. La 49th (WR) Division a employé le nom « Anger » tout au long de l’opération. 7. C.P. Stacy, La campagne de la victoire, p. 603. 8. Le régiment Princess Louise Fusiliers fut mobilisé le 1er janvier 1941, et devint ultérieurement un bataillon motorisé dans la 5th Canadian Armoured Division. En 1943, à la réorganisation des divisions blindées canadiennes, le régiment fut reconnu comme étant excédentaire à l’effectif et, le 31 janvier de la même année, fut redésigné le 11th Infantry Brigade Support Group (The Princess Louise Fusiliers). Cette unité de la taille d’une compagnie fournissait le soutien en mitrailleuses et en mortiers aux bataillons d’infanterie de la 5th Canadian Armoured Division. Le 1er juillet 1944, l’unité fut renommée le 11th Independent Machine Gun Company (The Princess Louise Fusiliers). En juillet 1944, lorsqu’une deuxième brigade d’infanterie fut ajoutée à la division, un autre élément PL Fus fut formé dont le 12th Independent Machine Gun Company (The Princess Louise Fusiliers). Il fut démantelé en mars 1945. 9. 2 Kensingtions, Ordre d’opération no 8, Op « Anger », WO 171/5218, 11 avril 1945. 10. Les unités d’artillerie canadiennes : le 1er, le 2e, le 3e et le 5e Régiment d’artillerie moyenne, le 51e Régiment d’artillerie lourde, le 8e Régiment d’artillerie de campagne et les 1re et 2e Batterie de lanceroquettes. 11. 49th (West Riding) Infantry Division, O Op no 8, Op « Anger », WO 171/4230, 5 avril 1945. 12. C.P. Stacy, La campagne de la victoire, p. 604. 13. 49th (West Riding) Infantry Division, Journal de guerre, WO 171/4230, 4-5 avril 1945. 14. Ibid. 7 avril 1945. 15. Ibid. 10-11 avril 1945. 16. Ibid. 12 avril 1945. 17. Schragg, op. cit., p. 259. 18. G. Bauld and P.B. Kennedy, « Hardened in Italy for Final Mop-Up » The Halifax Herald, 30 juin 1945 19. 49th (West Riding) Infantry Division, Journal de guerre, op. cit., 13 avril 1945. 20. Schragg, op. cit., p. 260. 21. Ibid. p. 260. 22. Ibid. p. 261. 23. 49th (West Riding) Infantry Division, Journal de guerre, op. cit., 14-15 avril 1945. 24. Ibid. 13 avril 1945. 25. En 1999, 54 ans après la bataille et des recherches considérables, The Princess Louise Fusiliers a enfin reçu l’honneur de guerre « Arnhem 1945 ». 60 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre L’escadron antiblindés au niveau du groupe-brigade par le capitaine J.R. McKay S i les personnes qui peuvent découvrir des problèmes touchant l’Armée de terre du Canada abondent, il n’en va pas de même des solutions, en partie à cause de la tendance naturelle qui consiste à séparer les problèmes pour qu’ils soient plus faciles à définir et à comprendre. Certains problèmes touchant le potentiel de combat, la structure des forces et les rôles ne sont toutefois pas sans solutions. Nous allons traiter de façon particulière de deux problèmes connexes : • la structure actuelle des trois groupes-brigades mécanisés du Canada (GBMC) et des régiments blindés de la Force régulière, qui ne donne pas des forces aptes à affronter avec succès un ennemi mécanisé; • certains problèmes associés aux rôles et à l’équipement des unités de réserve du Corps blindé royal canadien (CBRC). de combat principal (CCP), est donc toujours une décision de nature politique. Le personnel actif doit par conséquent considérer les décisions de ce genre comme inaltérables. Le résultat de l’absence d’un parc important de CCP (200 ou plus) est que les brigades de la reconnaissance Coyote, tant la version « avec mât » que la version « sans mât ». Le nombre de Leopard signifie que le « régiment » peut configurer un ou deux escadrons de chars, selon la taille des troupes (à raison de trois ou de quatre chars par troupe). Si un des S’il ne compte pas quatre escadrons de chars, le groupe-brigade n’a pas une puissance de feu et une mobilité significatives… Force régulière, qui constituent le gros des forces de combat de l’Armée de terre du Canada, n’ont pas un nombre suffisant de véhicules blindés lourds pour affronter un adversaire mécanisé1 . Chacun des trois régiments blindés de la Force régulière (The Royal Canadian Dragoons, le Lord Strathcona’s Horse (Royal Canadians) et le 12e Régiment blindé du Canada) compte actuellement environ 20 chars Leopard C2 et l’équivalent de deux escadrons de véhicules de escadrons de Coyote est retiré pour donner à la brigade un escadron de reconnaissance, le régiment blindé en question ne compte plus qu’un ou deux escadrons de Leopard (selon leur taille) et un escadron de Coyote (sans avoir les moyens de surveillance associés à leurs « mâts »). Le commandant de la brigade ne peut donc former qu’un ou deux groupements tactiques d’infanterie et aucun groupement tactique blindé, ce qui complique la situation tactique. S’il Le présent article cherche en traitant de ces deux problèmes à préconiser des changements. Il va proposer à titre de solution optimale la constitution dans la Réserve de trois escadrons antiblindés chargés de compléter les groupes-brigades de la Force régulière. STRUCTURE ACTUELLE DU GROUPE-BRIGADE MÉCANISÉ DU CANADA A vant de parler de la structure du groupe-brigade, il faut se rappeler que la structure actuelle est le résultat de décisions qui s’appliquent à l’équipement plutôt qu’au personnel. La décision d’acheter ou de ne pas acheter des systèmes coûteux, par exemple un char Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 Figure 1 : Les actifs corporels antiblindés du Canada2 61 L’escadron antibindés au niveau du groupe-brigade INTRODUCTION certaine distance, la durée de trajet donne à l’ennemi le temps de détecter le lancement du missile et de riposter et de détruire le véhicule ou rompre le verrouillage sur la cible, ce qui cause la perte du missile. Si les objectifs sont pris à partie à une moins grande distance, l’ennemi a moins de temps pour détecter le véhicule et tirer sur lui, mais il est plus probable que son tir réussira, à tout le moins, à distraire les opérateurs, s’ils ne sont pas tués sur le coup. La figure 3 compare différentes distances de l’objectif et la durée de trajet. Il existe entre l’efficacité et la surviabilité un compromis certain qui limite la qualité de l’utilisation du missile TOW. Le missile a une signature au lancement importante et le fait qu’il est filoguidé soumet son utilisation à des restrictions additionnelles. Figure 2 : Les armes antiblindés de la FORCE GÉNÉRIQUE ne compte pas quatre escadrons de chars, le groupe-brigade n’a pas une puissance de feu et une mobilité significatives, il ne peut pas former le groupement tactique blindé qui donne une force de frappe offensive ou qui permet d’exécuter des contre-mouvements et il ne peut donc pas de façon réaliste faire face à une menace mécanisée sans recevoir une puissance de feu additionnelle. Si les Kodiak de l’infanterie vont aider, il n’est pas possible de compter sur eux pour arrêter un adversaire équipé de CCP. La structure actuelle du régiment blindé ne donne donc pas le vrai potentiel nécessaire pour affronter adéquatement des formations mécanisées ennemies au cours de toutes les phases de la guerre. LES MOYENS ANTIBLINDÉS DE L’ARMÉE DE TERRE DU CANADA Le capitaine J.R. McKay L e groupe-brigade compte d’autres moyens qui peuvent aider à détruire un adversaire équipé de CCP. Chacun des trois bataillons d’infanterie du groupe-brigade compte un peloton antiblindés de huit véhicules, ce qui donne un total de 24 systèmes d’arme. Ces huit véhicules antiblindés, actuellement équipés du TOW (qui doit dans un proche avenir être retiré), donnent à chaque bataillon un important potentiel antiblindés à longue portée qui s’ajoute au potentiel déjà important qu’offre le missile Eryx (150-600 m) attribué à la section d’infanterie. Vous trouverez les portées correspondantes à la figure 1. 62 Il faut aussi être conscient de la limite majeure qui s’applique à tous les systèmes antiblindés du Canada, que l’on parle de chars ou de missiles. Lorsqu’on les compare aux systèmes d’arme de nos adversaires possibles (qui s’articulent autour des forces équipées de matériel de l’ancien Pacte de Varsovie – voir la figure 2), les nôtres, bien qu’efficaces, ont une portée inférieure à certains systèmes adverses. Autrement dit, un adversaire pourrait dans certaines conditions utiliser ses armes antiblindés sans craindre d’être la cible d’un tir direct efficace. Dans la doctrine actuelle, le TOW est généralement utilisé en peloton sous le contrôle du groupement tactique, ce qui impose des limites majeures. Si chaque groupement tactique peut en théorie influer sur les événements à 3000 mètres devant lui, il n’existe pas de ressource du groupe-brigade qui ait le même potentiel. Des préoccupations et des problèmes importants touchent de plus les systèmes existants en service. Étant donné sa durée de trajet, l’espérance de vie du TOW est de fait peu élevée, car les caractéristiques « d’autonomie après lancement » ont rendu le système désuet. Sa désuétude découle du fait qu’il faut une seconde et demie au moteur de lancement pour s’allumer, après quoi le missile se déplace à 200 mètres à la seconde. S’il faut prendre des objectifs à partie à une Si le TOW a des limites, des facteurs différents s’appliquent aux systèmes destinés à le remplacer, que l’on parle du Gill/Spike ou du Javelin. Les deux systèmes sont « autonomes après lancement », ce qui signifie que l’opérateur peut lancer le missile sans avoir à maintenir le repère de visée sur l’objectif, ce qui résout le problème de la durée de trajet, mais le problème de la surviabilité subsiste. Ce dernier tient principalement au fait que les lanceurs Distance en mètres Durée de trajet (en seconds) 200 2,5 400 3,5 600 800 1000 1200 1400 4,5 5,5 6,5 7,5 8,5 1600 9,5 1800 2000 2200 10,5 11,5 12,5 2400 2600 13,5 14,5 2800 3000 15,5 16,5 3200 3400 3600 17,5 18,5 19,5 3750 20,25 Figure 3 : Distance et durée de trajet Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre RÔLES ET ÉQUIPEMENT DES U N I T É S D E R É S E RV E D U C B R C I l semble que, étant donné la mise en vigueur du tableau d’effectif de la Réserve de l’Armée de terre et la restructuration imminente de la Réserve de la Force terrestre, le nombre des sousunités blindées de réserve soit nettement disproportionné par rapport au nombre des véhicules affectés à l’instruction. Par exemple, on trouve au sein du SCFT cinq escadrons de Cougar mais seulement 20 véhicules (voir les détails à la figure 4). En termes pratiques, cela signifie qu’un escadron de Cougar de n’importe laquelle des trois unités de Cougar a accès aux véhicules seulement une fois toutes les cinq semaines. Étant donné le taux de VHU associé à un parc de véhicules vieillissant, il serait très optimiste de penser compter sur 20 systèmes. Il est pour cette raison très difficile pour toutes les unités de Cougar de respecter toutes les exigences de l’instruction et encore plus de vraiment atteindre le niveau minimal de capacité occupationnelle Cougar (NMCO) 2. Rien, dans la situation actuelle, n’indique une amélioration, ce qui suggère qu’il pourrait être bon d’étudier une autre solution pour les unités de Cougar. Différentes solutions à ce problème s’offrent à l’Armée de terre du Canada, puisque le Cougar va progressivement, d’ici à 2010, être retiré de la dotation de la Réserve. La première serait de donner aux réservistes la formation applicable au Coyote ou au VBL III pour qu’ils soient davantage aptes à compléter les rangs des unités de la Force régulière dans un contexte opérationnel. Cette idée a un certain mérite, à première vue, mais elle ne règle pas tout. En premier lieu, elle n’aborde pas le problème fondamental du rôle actuel du Cougar, car il sera encore très difficile d’avoir accès à l’équipement. En second lieu, étant donné la complexité du VBL III, les équipages des VBL des bataillons d’infanterie de la Force régulière auront beaucoup de mal à rester compétents et le temps limité dont les unités de réserve disposent peut se révéler insurmontable. La seconde solution consisterait à assigner un nouveau rôle aux unités de Cougar. Cette solution pourrait toutefois être un cauchemar politico-militaire, car la majorité des régiments de Cougar résisteraient probablement à l’adoption de nouveaux rôles qu’ils trouvent peu agréables, ce qui donnerait lieu à une opposition politique suffisante pour paralyser le processus si rien d’intéressant n’est proposé. Le passage à un rôle de combat intéressant et réaliste accroîtrait le soutien de tous les intéressés. Comment, donc, peut-on régler ces deux problèmes? Je propose pour améliorer le potentiel antiblindés des GBMC de la Force régulière et en même temps la structure du CBRC de la Réserve Reconnaissance Véhicules (org) 20 (selon le nombre de VHU) 2 esc de 18 véh Ont R 1 esc de 18 véh 1H 1 esc de 18 véh 1 1 esc 1 2 Figure 4 : Éléments blindes attributés au Secteur du centre de la Force Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 2x VULR-T 1x VULR 2 VULR-T/ détachement Figure 5 : Structure proposée que trois escadrons antiblindés de réserve du CBRC soient formés. Ma proposition est basée sur une formation hybride prenant pour modèle l’organisation de l’escadron de reconnaissance mais dotée de systèmes TOW plutôt que de véhicules de reconnaissance sur roues. L’escadron antiblindés serait une ressource du groupe-brigade. Cet escadron n’est pas censé remplacer les 24 systèmes antiblindés existants des pelotons antiblindés des bataillons d’infanterie; il est plutôt censé constituer une unité additionnelle destinée à accroître l’aptitude de la brigade à faire face à des forces mécanisées. La figure 5 montre la structure proposée de trois troupes de neuf véhicules (8 véhicules TOW, un véhicule de munitions). Pour éviter le jeu à somme nulle résultant du manque d’équipement, les escadrons de la Réserve devraient à titre provisoire être équipés du TOW sur affût, qui serait par la suite remplacé par le système choisi à la suite du projet de système d’arme antiblindés, ce qui donnerait aussi une plus grande souplesse en termes de véhicules et d’utilisation. CONCLUSION CI du SCFT (Meaford GCHG 2x PC, 3x VULR La surviabilité découlerait de la masse. L’escadron pourrait être massé en termes de tir, sensiblement comme l’escadron de reconnaissance masse ses moyens d’observation. Si les 32 lanceurs étaient sous le contrôle du commandant de l’escadron, les tirs pourraient être massés de manière à donner un effet similaire à ce qui se passe quand un officier observateur avancé masse des tirs d’artillerie dans l’espace et dans le temps. Si le contrôle des tirs était centralisé et si les unités étaient massées, la surviabilité, au niveau individuel, serait moins préoccupante, car elle serait compensée par l’aptitude de l’escadron ou encore de 63 L’escadron antibindés au niveau du groupe-brigade tendent à être utilisés en moins grand nombre, ce qui en diminue l’efficacité. Il n’est pas difficile de détecter huit systèmes antiblindés et de s’en occuper, surtout s’ils sont installés sur un VBC. Il est beaucoup plus difficile pour un adversaire de neutraliser plusieurs lanceurs installés sur des plates-formes plus petites et plus agiles soumises à un contrôle plus centralisé. Peu importe la vitesse du missile, le lancement même d’un missile donne une signature détectable d’un genre ou d’un autre et attire ainsi des tirs directs ou encore indirects. Le problème se pose davantage en termes de commandement et contrôle qu’en termes de surviabilité découlant de la durée de trajet. Un contrôle centralisé est nécessaire pour que les systèmes antiblindés soient bien utilisés au maximum de leur potentiel. Il est complètement faux que les missiles antiblindés appartiennent exclusivement à la branche de l’infanterie. L’identité de la branche à laquelle les opérateurs des missiles appartiennent n’a pas une bien grande importance; c’est l’ensemble de compétences qui importe le plus. Les Il est complètement faux détachements antiblindés doivent savoir se déplacer que les missiles antiblindés sans être détectés, savoir appartiennent exclusivement tirer avec précision et savoir communiquer. La conduite à la branche de l’infanterie. en situation tactique, les armes collectives et les comparer le lanceur individuel à une communications constituent l’ensemble de abeille ou à une guêpe. Après une piqûre, compétences pertinent propre au Corps l’insecte (ou le lanceur) est facile à blindé. Si ces compétences existent aussi détecter et à détruire. Massées, des piqûres dans l’infanterie, il faut plus de ressources multiples peuvent abattre un adversaire de pour faire d’un fusilier du NQ 3 de bien plus grande taille. La clé du l’infanterie un opérateur d’armes problème de la concentration de la masse antiblindés que d’un homme d’équipage et de l’aptitude à infliger des « piqûres » du NQ 3 de l’arme blindée. multiples réside dans la centralisation du Le problème de la formation serait contrôle sous une entité unique. C’est à bien des égards le but que vise l’actuelle facilement réglé si l’unité de réserve structure du peloton antiblindés des s’entraînait à l’aide du VULR équipé pour le moment d’un lanceur TOW. Si les bataillons d’infanterie mécanisée. bataillons d’infanterie mécanisée de la Bien que le choc que des chars font Force régulière sont équipés du TOW subir à un adversaire ne soit pas à la sous blindage (TSB), on trouve dans le portée d’une organisation de ce genre, service de l’approvisionnement 89 ces escadrons antiblindés pourraient à lanceurs TOW sur affût (qui font tout le moins compenser le manque de principalement partie de la dotation des puissance de feu directe qui résulte de bataillons d’infanterie de la Force l’absence d’un nombre de chars suffisant régulière). Ces lanceurs pourraient dans l’Armée de terre du Canada. Ils utilisés à condition qu’il existe des stocks priveraient l’adversaire de l’aptitude à suffisants de pièces de rechange aussi bien faire de même, car des lanceurs massés, pour les lanceurs des TSB que pour les d’une portée à peu près égale à celle des lanceurs sur affût servir à équiper les armes de la FORGÉN, seraient capables escadrons proposés. De plus, des d’infliger des pertes importantes aux simulateurs TOW devraient être attribués unités ennemies qui se retrouvent à moins à chaque unité antiblindés pour garantir de 4000 mètres de nos forces. Même si le maintien des compétences des servants. cette situation ne semble pas l’idéal, elle Malheureusement, en raison du coût des permettrait aux escadrons de servir de missiles, le tir réel est hors de prix, ce qui, toutefois, est également vrai pour les force de protection ou de couverture. bataillons d’infanterie de la Force Comme toutes les organisations régulière. Le TOW pourrait être remplacé militaires, l’Armée de terre du Canada par les nouveaux systèmes au fur et à craint le changement au statut quo. Il est mesure qu’ils deviennent disponibles. connu que, dans toutes les organisations La formation « d’hommes militaires, l’objectif principal est la préservation ou encore l’amélioration de la d’équipage antiblindés » au niveau structure des forces, pas l’efficacité globale individuel continue de poser des de la force. Cet effet est naturellement plus problèmes, mais ce n’est pas un obstacle grand en temps de paix qu’en temps de insurmontable. Chaque secteur de la guerre, lorsqu’il faut par-dessus tout faire Force terrestre compte trois pelotons preuve de pragmatisme et éviter l’échec, la antiblindés qui pourraient être chargés de donner ou d’appuyer les premiers défaite et des pertes massives. Le capitaine J.R. McKay la troupe à détecter les véhicules ennemis et à les détruire. Il serait aussi possible de préparer des plans antiblindés vraiment échelonnés en profondeur qui useraient progressivement l’ennemi. Il est tentant d’employer une analogie organique et de 64 cours d’opérateur de TOW. Les unités en question pourraient donner les parties subséquentes au fur et à mesure que les unités de réserve acquièrent les compétences voulues. Il est à noter que l’accès aux munitions risque de constituer un problème, mais le recours à la simulation permettrait au personnel d’acquérir les compétences et de les mettre périodiquement en pratique. Même s’il s’agissait d’unités de réserve intégrées à la structure de chacune des brigades de la Force régulière, elles pourraient être rattachées, à des fins administratives, aux groupes-brigades régionaux de la Réserve. Le commandant de l’unité rendrait compte au commandant de la brigade de la Force régulière pour ce qui est de l’efficacité opérationnelle, mais il recevrait le soutien administratif nécessaire pour fonctionner de la même façon que toutes les autres unités de réserve. La formation dans les brigades de la Réserve d’escadrons antiblindés destinés aux brigades de la Force régulière pourrait constituer la solution optimale à deux problèmes différents au sein de l’Armée de terre du Canada : certains régiments blindés de la Réserve pourraient se voir attribuer au sein des armes de combat un rôle clair et défini et les effectifs de la brigade de la Force régulière pourraient être complétés et ses moyens antiblindés pourraient être accrus. L’Armée de terre du Canada aurait en conséquence un potentiel de combat global supérieur. L’auteur désire remercier le chef d’étatmajor du 31e Groupe-brigade du Canada, le Lieutenant-colonel R. W. McBride, le commandant du 1st Hussars, le Lieutenantcolonel C.O. Judd, le major P. H. McAdam, de la Direction de la doctrine de l’Armée de terre, et le G4 Approvisionnement 2 du quartier général du 31e Groupe-brigade du Canada, l’Adjum Juraszko pour l’information et l’aide dont ils ont été les sources. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre NOTES À P R O P O S D E L’ A U T E U R … Le capitaine McKay a été commissionné au Sherbrooke Hussars en 1991 et a depuis occupé différents postes régimentaires et été officier d’état-major du sous-ministre adjoint (Ressources humaines - Militaires). Il a un baccalauréat en histoire de l’université Bishop et une maîtrise en polémologie du Collège militaire royal du Canada. Il occupe actuellement le poste de DIAT 4-7 (Instruction de la Réserve) et fait en même temps son doctorat en polémologie au King’s College de l’université de Londres, au R.-U. 1. Il n’existe pas de CCP dans la structure des groupes-brigades de la Réserve. Pour plus de détails sur la structure des régiments blindés de la Force régulière, voir : Capitaine Paul Gillies, « Le nouveau régiment blindé », « Journal de l’Arme blindée », volume 33, numéro 1 (2000), p. 19-22. 2. Les systèmes antichars MILAN, Gill/Spike et Javelin ne sont actuellement pas en dotation dans l’Armée de terre du Canada. L’équipe du projet de système d’arme antiblindés étudie actuellement les systèmes antichars Gill/Spike et Javelin et le système MILAN est mentionné uniquement à titre informatif. Une nouvelle publication d’intérêt pour nos lecteurs… Canada at War and Peace II : A Millennium of Military Heritage Les écrits de 46 historiens, journalistes et anciens combattants canadiens recueillis en deux volumes offrent un aperçu historique agréable à lire et parfois très personnel aux gens intéressés à en apprendre davantage sur le fascinant patrimoine militaire canadien. L’escadron antibindés au niveau du groupe-brigade Le volume I, sous-titré Forged in Fire, se penche sur les premiers empiètements européens en l’an 1000 jusqu’au Traité de Versailles en 1919. Le volume II, In Defence of Others, examine le Canada en périodes de conflit et de maintien de la paix, de 1920 à l’an 2000. Chaque volume est présenté de façon chronologique et comprend un index complet, ce qui fait de cet ouvrage un outil de recherche utile. Détails pertinents : Deux volumes, cartonnés, cousus sur des bandes de tête et de queue 460 pages, 64 en couleur Chaque volume mesure 8 3/8 po sur 10 7/8 po Publié par Esprit de Corps Books, ISBN 1-895896-12-6 (ensemble de 2 volumes) Prix : 259.99 $ Pour commander cet ouvrage ou pour obtenir plus de renseignements, veuillez communiquer avec : Esprit de Corps 1066, rue Somerset Ouest, pièce 204 Ottawa ON Canada K1Y 4Y3 Téléphone : (613) 725-5060 Télécopieur : (613) 725-1019 Courriel : [email protected] Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 65 Un projectile de 105 mm amélioré pour les chars Une nécessité par le major L.R. Mader, CD INTRODUCTION L es penseurs militaires occidentaux tentent depuis quelque temps de déterminer si oui ou non se produit actuellement une révolution dans les affaires militaires (RAM). De nombreux articles parus dans des revues militaires canadiennes et d’autres pays occidentaux posent la question, discutent des avantages et évaluent les risques potentiels1. Les tenants de la RAM affirment souvent que la mise en service sur une grande échelle d’équipement militaire informatisé a provoqué un changement fondamental dans la façon dont les guerres seront menées. Les Toffler, dans leur best-seller Guerre et contre-guerre, prétendent en effet que les militaires de l’ère de l’information vaincront les militaires de l’ère industrielle ou de l’ère agricole avec la même facilité que les militaires de l’ère industrielle ont eu raison de ceux qui étaient « restés » à l’ère agricole2. Le major L.R. Mader, CD Ce genre de thèse offre un avenir prometteur aux armées de l’ère de l’information concernées. Pour ces dernières, la guerre est considérée comme une aventure aseptisée où il n’y aura presque pas d’effusion de sang; les hordes d’ennemis ignorants de l’ère agricole ou de l’ère industrielle avanceront pour être vaincues par une force armée de l’ère de mission et l’approche manœuvrière aux opérations4 augmenteront les chances de réduire les pertes des forces amies en [L’]impératif militaire primordial […] soulève la question suivante : la Force terrestre canadienne peut-elle réaliser de[s] […] missions de combat avec l’équipement dont elle dispose actuellement? évitant les combats rapprochés sanglants et en attaquant de façon plus subtile le moral de l’ennemi. Il est clair que cette façon « propre » de faire la guerre exerce beaucoup d’attrait sur les forces armées, et plus particulièrement sur celles qui sont appelées à mener des opérations dans lesquelles n’entre pas en jeu un intérêt national vital. Il faut donc faire tout ce qui doit être fait pour concrétiser la promesse des tenants de la RAM et de l’approche manœuvrière aux opérations. Une telle poursuite ne doit pas, cependant, occulter la possibilité d’un ennemi rusé ou encore d’une guerre ou d’un conflit désespéré (et peut-être impossible à gagner). La promesse de la RAM n’est pas une garantie. Les forces militaires doivent Les forces militaires doivent demeurer capables de mener des opérations de combat et de remporter une victoire militaire. l’information omniprésente et omnisciente qui ne subira que peu ou pas de pertes. Ce genre de guerre se déroulerait un peu comme un roman de Tom Clancy3. On considère que le commandement par 66 situation par rapport au status quo ante. Mais les manœuvres de déception et la connaissance totale du champ de bataille demeurer capables de mener des opérations de combat et de remporter une victoire militaire. Les dirigeants nationaux peuvent menacer d’utiliser une telle force pour faire cesser un conflit et améliorer la ne signifient rien si nos forces n’ont pas la capacité, lorsque c’est nécessaire, d’infliger des pertes5 afin de modeler les événements le long des lignes d’opération menant au centre de gravité de l’ennemi6. Cet impératif militaire primordial, c’est-à-dire être capable d’actions létales lorsque c’est nécessaire, soulève la question suivante : la Force terrestre canadienne peut-elle réaliser de telles missions de combat avec l’équipement dont elle dispose actuellement? De nombreux articles parus dans le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre et ailleurs ont traité de l’état de l’équipement de l’Armée de terre et de la façon de rendre cet équipement plus apte au combat et mieux en mesure d’appuyer les unités combattantes. Pour cela, l’équipement doit être capable d’affronter, entre autres, tous les chars déployés contre une force canadienne. S’il ne peut le faire, nos plus petites unités et sous-unités de combat seront alors toujours dépendantes d’un appui extérieur pour repousser de façon efficace les blindés hostiles. Une telle situation laisse ces unités et sous-unités exposées à la défaite et aux pertes inutiles étant donné que les frictions de la guerre feront inévitablement en sorte Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Type Russie CEI (moins la Russie) Souscontinent indien OTAN Balkans Europe (Reste) Afrique MoyenOrient Asie Total 14 900 6 903 1 988 10 638 797 1 289 607 4 132 640 que tout ne fonctionnera pas toujours aussi bien que le prétendent les théoriciens7. situation de combat du char Leopard C2 ou du véhicule blindé de combat (VBC) armé d’un canon de 105 mm. Le présent article a pour but d’examiner la capacité de la Force terrestre d’engager les chars ennemis dans des situations de combat et de proposer des améliorations possibles. Six études récentes de la DRO fournissent de l’information pertinente à la présente discussion. Il s’agit des études suivantes : • Iron Noble10 (VBC employés dans le cadre d’opérations hors guerre [OHG]) – escadrons de VBC (ou de Cougar) employés dans le cadre d’OHG auprès de divers groupes de troupes amies; • Bronze Pike11 (opérations d’escadron de reconnaissance [reco] blindé) – deux structures différentes d’escadron de reco, dont l’une utilisait le VBC dans un rôle de contre-reco/antichar; • Quarré de fer12 (VBC au combat) – groupement tactique de VBC (ou de chars M1A2 ) effectuant des opérations de flanc-garde; • Iron Renaissance13 (VBL III en situation de combat) – des éléments d’un groupement tactique de VBL III comprenant un escadron de chars Leopard C2 et menant des opérations défensives de groupement tactique et des opérations offensives de groupe-compagnie; LA MENACE, LA RECHERCHE OPÉRATIONNELLE ET, À PARTIR DE LÀ, OÙ ALLONS-NOUS? U ne étude de documents non classifiés révèle qu’il existe dans le monde quelque 41 894 chars modernes armés de canons de 120 mm/125 mm. La répartition générale de ces chars est indiquée au tableau I. Même si tous ces chars ne sont pas déployés sur la ligne de front, les données fort conservatrices du tableau 1 indiquent qu’au moins 5 000 chars modernes sont à la disposition de pays où les Forces canadiennes pourraient être appelées à mener des opérations. Ne figurent pas dans le tableau 1 les dizaines de milliers de chars moins modernes encore présents dans nombre de pays partout au monde9. Même s’il ne s’agit pas d’une capacité de première ligne, ces chars plus anciens peuvent causer de lourdes pertes à des forces incapables de les affronter de façon efficace. De récentes études opérationnelles fondées sur des jeux de guerre et effectuées par la Division de la recherche opérationnelle (DRO) ont fait ressortir l’importance des véhicules de tir d’appui direct (VTAD) armés de canons de 105 mm mis à la disposition des Forces canadiennes pour contrer la menace que posent ces chars. Ces études nous ont également donné un précieux aperçu de l’utilité de ces véhicules blindés de combat (VBC) en situation de combat. Le présent article s’inspire de ces résultats pour proposer quelques déductions sur l’emploi en Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 • • Bronze Shield14 (étude classifiée sur les munitions volumétriques) – fondée sur le scénario défensif de l’étude Iron Renaissance. L’escadron de VTAD du groupement tactique a employé divers chars ainsi que des VTAD sur différents parcours; Iron Unguis15 (une étude mixte infanterie-antiblindé) – des éléments d’un groupement tactique de VBL III comprenant un escadron (-) de chars Leopard C2 et menant des opérations de flanc-garde. Pour collecter les observations dans l’analyse opérationnelle, ces études ont fait appel au jeu de guerre de l’ordinateur Janus. Pour chacune de ces études, les soldats canadiens menaient des opérations de combat contre une Force rouge mécanisée présentant les caractéristiques demandées par les parrains des études. Les forces des deux parties en présence étaient équipées de différentes combinaisons et de différents types de VBC. Aux fins de l’étude, on a décidé de ne pas doter la Force bleue de toute la gamme d’équipements de combat que nous aimerions voir mise à la disposition des soldats canadiens chargés de mener des opérations de combat dans le cadre d’une coalition ou d’une alliance. Les mêmes limites étaient imposées à la Force rouge. Ces restrictions n’ont eu aucune répercussion sur la validité des études; au contraire, elles ont même aidé à répondre aux questions présentant un intérêt pour les parrains des études. En même temps, ces études nous ont donné une idée du prix que nos forces terrestres auraient à payer dans un combat où elles ne pourraient pas compter sur toute la panoplie d’équipements d’appui des forces alliées ou coalisées16. Parmi toutes ces études, il serait bon de résumer tout particulièrement celle qui a été réalisée sur le Leopard C2/VBC. Pour certaines études, le Leopard C2/VBC était parfois doté du missile à l’intérieur du tube de l’arme principale (TBM) et parfois non. Pour les autres études, aucun missile de ce genre n’armait le VTAD utilisé. Le premier point à noter concernant la présence du Leopard C2/VBC et qui peut paraître évident est l’importance du rôle joué par ce véhicule dans la conduite des opérations de la Force bleue et ce, même dans les études qui ne mettaient pas l’accent spécifiquement sur ce véhicule. Malgré la présence de pièces d’artillerie de 155 mm et d’armes antiblindés d’infanterie, 67 Un projectile de 105 mm amélioré pour les chars - Une nécessité Tableau 1 : Répartition des chars armés de canons de ± 120 mm8 Le major L.R. Mader, CD dont le missile TOW, le Leopard C2/VBC était généralement, pour la Force bleue, le plus important système de destruction des armes de la Force rouge. Dans le cadre de ces études, le taux de contribution du Leopard C2/VBC varie de 37,5 % à 80 %. Ainsi, au cours de l’exercice Iron Unguis, le groupement tactique mécanisé (-) a détruit, grâce au Leopard C2/VBC, 37,5 % des principaux systèmes de la Force rouge tandis que lors de l’exercice Quarré de Fer17, le groupement tactique blindé a réussi à détruire 80 % des principaux systèmes de la Force rouge grâce au Leopard C2/VBC. Même lorsque seulement six Leopard étaient utilisés au sein d’un escadron de reco blindé équipé de 39 autres VBC18, les Leopard C2 ont infligé des pertes aux systèmes de la Force rouge correspondant à 7 %, à 33,3 % et à 69,6 % de l’ensemble des coups au but de l’escadron, selon la mission de l’escadron19. Les escadrons de Leopard C2/VBC concernés ont dû cependant payer un prix pour ce haut niveau de contribution. En effet, la faiblesse du canon de char L7 de 105 mm contre le blindage des chars de combat principaux modernes, comme le T80U, et le faible blindage du Leopard C2/VBC ont constitué, pour la Force bleue, un sérieux désavantage face à une Force rouge moderne. Lors des combats en question, les Leopard C2/VBC ont subi des pertes de l’ordre de 17 % à plus de 70 %20. Pendant l’exercice Quarré de Fer, lorsqu’un demi-escadron de VBC a dû attaquer une force rapidement déployée comptant moins du quart de ses effectifs, il a perdu plus de 55 % de ses effectifs21. Même dans l’arène plus furtive de la reco blindée, l’élément de VBC de l’escadron de reco de l’exercice Bronze Pike a perdu 11,1 %, 22,2 % et 77,8 % de ses effectifs22, le taux de pertes étant fonction, une fois de plus, de la mission de l’escadron. Les succès et échecs du principal système d’arme de guerre terrestre du Canada sont résumés de juste façon dans la citation suivante extraite du compte rendu de l’exercice Quarré de Fer : Les lacunes du VBC (Nota : qui s’appliquent également au Leopard C2) ont limité de façon importante la souplesse tactique de la Force BLEUE et ont provoqué de graves problèmes de déploiement lors des opérations 68 défensives … lorsque le VBC utilise une tactique d’embuscade de flanc et le tir depuis une position défilée, il réussit à détruire la Force ROUGE et tout particulièrement le T80U. Cependant, une fois que le VBC a été repéré, la puissance de feu supérieure de la Force ROUGE et la distance de sécurité accrue associée au manque de protection blindée du VBC font de ce dernier une cible extrêmement vulnérable … à toutes distances et à tous égards23. Compte tenu du nombre limité de VTAD mis à la disposition des formations canadiennes, le niveau de pertes subi lors de ces études est impossible à absorber. On soulèverait de graves questions morales et de moral s’il fallait se lancer dans des opérations de combat en prévoyant de telles pertes. Il faut donc trouver des moyens de réduire ces pertes. En admettant qu’un véhicule plus performant ne soit pas une option politiquement acceptable ou techniquement réalisable, il faut trouver des façons d’accroître la surviabilité et la létalité du Leopard C2 ou du VBC. L’étude Quarré de Fer s’est penchée sur cette question et en est venue à la proposition suivante : • • • ajout d’un blindage suffisant sur l’angle de 60o de la partie avant du VBC pour résister à un projectile SABOT de 12 mm lancé à une distance de 1 000 m; ou ajout d’un missile à l’intérieur du tube de l’arme principale (TBM) capable de percer le blindage frontal d’un T80U; ou ajout de blindage supplémentaire et du TBM24 . Selon l’étude Quarré de Fer, l’ajout d’un TBM constituerait l’amélioration la plus pratique et la plus efficace des trois options25 . Voyons maintenant si les autres études mentionnées appuient cette conclusion. Aux fins de l’étude Iron Noble, on n’a pas utilisé de VBC armé de TBM. Cependant, le compte rendu du projet mentionnait à plusieurs reprises que l’ajout d’un TBM aurait été souhaitable pour les OHG (opérations hors guerre) étudiées26. On fait état d’une situation similaire dans le compte rendu du projet Bronze Pike où le VBC n’était pas non plus équipé de TBM. Le compte rendu de cette étude mentionne souvent l’utilité d’un VBC possédant une capacité longue portée, comme celle qui est offerte par ce type d’arme (TBM)27 . Cette capacité aurait donné à la Force bleue la possibilité de décimer les troupes ennemies dès le début des combats, une possibilité dont la valeur, en termes de réduction des pertes chez la Force bleue et d’amélioration du rapport des potentiels, a été clairement démontrée au cours de l’étude Iron Unguis.28 Même si cette dernière étude ne mentionne pas de façon spécifique les TBM, elle recommande cependant que la Force terrestre « trouve un moyen de donner au LEO C2 la capacité de détruire les chars modernes de face » [traduction]29. Le TBM fournirait cette capacité. Dans le cadre du projet Iron Renaissance, on a utilisé un Leopard C2 équipé d’un TBM et un Leopard C2 sans TBM. Cette étude comparative a fait ressortir la valeur du TBM. Elle a montré que lors d’opérations défensives, même avec des champs de tir Charactéristiques Spear LAHAT Portée 5 000 m Au moins 6 000 m Calibre de lancement 105 mm 105 mm / 120 mm Pénétration 650 – 700 mm Non indiqué Type de cône de charge Tandem HEAT Tandem HEAT Mode de gidage Faisceau laser Guidage laser par véhicule de lancement ou sutre marqueur laser Statut Fabriqué par la Tirs d’essai effectués Russie et l’Allemagne Tableau 2 : Fiches techniques - TBM32 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Le projet Bronze Shield appuie également cette conclusion. En ce qui a trait au succès de sa mission et au rapport des potentiels, la Force bleue présente un bilan beaucoup moins bon dans les opérations défensives menées sans TBM que dans les opérations défensives menées avec TBM31 . L’emploi des TBM n’est pas un concept farfelu. Les chars russes sont équipés de missiles AT-8, AT-10 et AT-11 depuis déjà des années. Deux TBM compatibles avec le canon de char L7 de 105 mm sont en voie de développement. Il s’agit du Spear russe/allemand et du LAHAT israélien. On trouvera au tableau 2 des précisions sur ces TBM. Il faut prendre garde de ne pas considérer le TBM comme une panacée à toutes les lacunes du Leopard C2 ou du VBC. Ce n’est qu’indirectement, en décimant rapidement les troupes ennemies et en infligeant davantage de pertes – et de préférence de loin, que cette technologie peut réduire les pertes de la Force bleue. Le Leopard C2 et le VBC demeurent vulnérables face à tous les chars munis d’armes de gros calibres et à toutes les armes antichars modernes. Le projet Quarré de Fer a démontré que lorsque le VBC (et par extension le Leopard C2) devait manœuvrer en présence de l’ennemi, « il était toujours très vulnérable au tir direct et au tir indirect » [traduction]33. Cependant, dans un contexte où les Forces canadiennes ne peuvent pas corriger toutes les lacunes existantes, le fait de s’attaquer à un problème majeur de puissance de combat représente toujours une amélioration. CONCLUSION O n affirme fréquemment que l’on vit actuellement une RAM, que cette révolution est en train de changer la façon dont les guerres sont menées et vécues par les armées qui maîtrisent Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 l’équipement et les armes de l’ère de l’information. Les tenants de la RAM tracent parfois une image très idéalisée des guerres du futur qui résulteront inévitablement en une victoire sans effusion de sang. parfois de 60 % à 70 % des véhicules (Leopard C2/VBC) déployés. On a donc tout lieu de croire que les escadrons de Leopard C2/VBC déployés dans le cadre d’opérations de combat subiront des pertes insoutenables. Comme leur importance les place à l’avant-plan du combat et attire l’attention hostile de l’ennemi, la faiblesse du blindage de ces Toutefois, les écrits de Clausewitz, les propres manuels de doctrine de l’Armée de terre canadienne et les nombreux exemples tirés de On a donc tout lieu de l’histoire nous avertissent tous que les opérations militaires croire que les escadrons de ne se déroulent pas toujours Leopard C2/VBC déployés comme prévu. En raison de dans le cadre d’opérations ce caractère imprévisible, il serait imprudent de se lancer de combat subiront des dans un combat en se fiant pertes insoutenables. sur les autres pour fournir la capacité de combat fondamentale. Les formations de l’Armée véhicules et le manque de pénétration du de terre canadienne engagées dans des canon de 105 mm les désavantagent opérations de combat devraient donc considérablement. avoir le plein contrôle des fonctions de Pour améliorer la performance du combat fondamentales dont elles ont besoin pour combattre, survivre et char Leopard C2 et du VBC, on avait vaincre. Une de ces fonctions est la doté, dans le cadre de quelques-unes capacité de détruire les chars ennemis et de ces études, les Leopard C2 et les VBC d’un TBM comme le LAHAT autres VBC. israélien ou le Spear russo-allemand. Selon des estimations non classifiées, Cet ajout a considérablement augles armées du monde possèdent plus de menté la capacité de ces véhicules de 40 000 chars de combat principaux détruire les véhicules de combat modernes et des dizaines de milliers de ennemis, et tout particulièrement les chars plus anciens, mais toujours aussi chars ennemis. Cette capacité accrue a meurtriers. Nombre de ces chars se également réduit de façon significative trouvent, ou pourraient se trouver dans (jusqu’à 33 %) les pertes de la force des régions où les Forces canadiennes canadienne, ce qui a permis à cette pourraient être appelées à œuvrer et dernière de vaincre l’ennemi et de appartenir peut-être à des nations ou à des poursuivre sa mission. groupes qui poursuivent des buts opposés L’ajout d’un tel missile ne conà ceux de la force canadienne déployée. stitue pas une solution à toutes Des études opérationnelles cana- les lacunes du Leopard C2/VBC. diennes récentes donnent une idée du prix Cependant, devant l’incapacité ou le que devraient payer les soldats canadiens manque de volonté de fournir un face à ces chars. Ces études indiquent que véhicule de remplacement approprié, les formations et groupements tactiques il serait profitable de fournir à ces canadiens devront énormément compter véhicules la capacité de décimer les sur le rendement de leur VTAD, soit troupes ennemies très tôt au cours le Leopard C2 actuel et peut-être d’une opération. prochainement un VBC, pour repousser Par conséquent, l’auteur recommande ces chars et leurs forces mécanisées d’appui. Dans le cadre de ces études, le que l’Armée de terre considère Leopard C2/VBC a souvent infligé plus de sérieusement la possibilité de doter d’un missile TBM le Leopard C2 et tout 48 % des pertes chez l’ennemi. VBC envisagé. Ces mêmes études ont démontré que le Leopard C2/VBC a subi de lourdes pertes, soit des taux atteignant même 69 Un projectile de 105 mm amélioré pour les chars - Une nécessité relativement courts (comparés à la portée réelle maximale du missile), les Forces bleues équipées d’un Leopard C2 sans TBM ont subi 1,5 fois plus de pertes que lorsqu’un TBM était présent. De plus, lorsque l’escadron de Leopard C2 s’est déployé sans TBM, il a perdu au combat 16 de ses 19 chars, comparativement à 12 au cours du projet Iron Renaissance30. À P R O P O S D E L’ A U T E U R … Le major Les Mader est diplômé du Collège militaire royal de Saint-Jean et de la Division II du Cours de commandement et d’état-major (Shrivenham). Il a servi au sein d’unités de défense antiaérienne et d’artillerie de campagne en Allemagne, à Valcartier et à Chypre. Il travaille actuellement avec l’équipe des jeux de guerre de recherche de la Division de la recherche opérationnelle au Quartier général de la Défense nationale. Le major L.R. Mader, CD NOTES 1. L’article fort intéressant du Capitaine Simon Bernard, Prenez garde à la révolution dans les affaires militaires, paru dans le numéro hiver 2000/printemps 2001 du Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre (vol. 3, no 4/vol. 4, no 1), constitue une introduction utile à la présente discussion et expose un point de vue réfléchi sur le sujet de la RAM. Le rapport no 2000/14, Canada and the Revolution in Military Affairs, (Publications du gouvernement du Canada, Ottawa, 2000) relatif au projet A du D Strat et rédigé par le Dr E.C. Sloan, donne un autre point de vue souvent entendu. 2. Paraphrase personnelle de formules tirées du livre des Toffler et de l’article du Capitaine Simon Bernard mentionné ci-dessus. 3. Par exemple : Tom Clancy, The Bear and The Dragon (G.P. Putnam’s Sons, New York, 2000). 4. B-GL-300-001/FP-000, La conduite des opérations terrestres, chap. 1 et 2. 5. B-GL-300-000/FP-000, L’Armée de terre du Canada : Protégeons nos foyers et nos droits (Services de création du DGAP, Ottawa, 1998), p. 114. 6. Voir La conduite des opérations terrestres, chapitres 3 et 5, pour plus de renseignements sur les liens entre les lignes d’opérations, les points de décision et les centres de gravité dans la mise en application d’un plan de campagne. 7. Voir le point de vue de Clausewitz sur la friction. Exemple de référence : Clausewitz On War (ed. Anatol Rapoport, Penguin Books, Middlesex, Angleterre, 1968). Une autre référence mettant en lumière l’importance de la friction est : L’Armée de terre du Canada : Protégeons nos foyers et nos droits (Services de création du DGAP, Ottawa, 1998), p. 77. Un article paru récemment dans le Marine Corps Gazette fait ressortir la possibilité que même les accords formels d’appui entre des nations et des forces armées peuvent s’effondrer sous le stress d’une crise. Dans le cas cité, l’Armée de terre américaine n’a pas entièrement rempli les engagements qu’elle avait pris de fournir un soutien en matière de transport aux Marines lors de l’opération Desert Shield; Marine Corps Gazette, mai 2001, p. 77. 8. Le Tableau 1 tient compte des M1A1/M1A2, des Challenger 1 et 2, des T64, T72, T80, T90, du Type 90 japonais, du LeClerc, du Leopard 2, du Type 88C chinois, du Type 98 et du type 85-IIAP, ainsi que des 3 chars de combat Merkava. Ce tableau a été élaboré à partir du site Jane de l’Intranet de la Défense 2001 et de The Military Balance 2000 – 2001 (Oxford University Press, Londres, 2001). 9. Par exemple, le site Jane de l’Intranet de la Défense continue d’indiquer qu’il y a plus de 20 000 T54/T55 en service dans le monde. 10. Major D.C. Wilkinson et M.K. Ormrod, Compte rendu de projet DRO PR 9607 IRON NOBLE : Étude sur les véhicules blindés de combat (Publications du gouvernement du Canada, Ottawa, 1996). 11. Major R.J. Round et F.W.P. Cameron, Compte rendu de projet DRO PR 9708 BRONZE PIKE – Étude sur le VBL de reco (COYOTE) (Publications du gouvernement du Canada, Ottawa, 1997). 12. M.K. Ormrod, Noël de Tilly et major J.J.L.C. Bender, Compte rendu de projet DRO PR 9817 QUARRÉ de FER : Analyse des VBC dans des tâches de guerre (Publications du gouvernement du Canada, Ottawa, 1998). 13. M.K. Ormrod, P.R.S. Bender et major D.T. Davison, Compte rendu de projet DRO PR 9905 IRON RENAISSANCE : Évaluation de l’équipe de combat dotée de VBL III au cours d’opérations de guerre conventionnelle (Publications du gouvernement du Canada, Ottawa, 1999). 14. Major L.R. Mader, P.S. Ladouceur et P. Bender, Compte rendu de 70 projet DRO PR 0002 BRONZE SHIELD : Évaluation de la menace que constituent les munitions volumétriques dans un combat interarmes (NC) (Publications du gouvernement du Canada, Ottawa, 2000) (SECRET AUSCANUKUS). 15. Major J. De Carufel, M.K. Ormrod et P.R.S. Bender, Compte rendu de projet DRO PR 2001/06, IRON UNGUIS : Une analyse des options en matière d’armes antiblindés pour l’infanterie (Publications du gouvernement du Canada, Ottawa, 2001). 16. Notamment, les hélicoptères d’attaque, les aéronefs à voilure fixe et l’équipement ISTAR. 17. Pendant le projet IRON NOBLE, les VBC ont causé respectivement 49 % et 55 % des pertes en VBC ennemis lors des opérations défensives et offensives d’équipe de combat/de groupe-compagnie dans le cadre d’OHG. Compte rendu du projet IRON NOBLE, tableaux VI et XVIII. Dans le cadre du projet IRON RENAISSANCE, le Leopard C2 a causé 52,4 % des pertes en principaux systèmes de la Force rouge pendant les opérations défensives de la Force bleue. Compte rendu du projet IRON RENAISSANCE, fig. 6. Dans le cadre du projet QUARRÉ de FER, le VBC a causé 85,6 % et 86,8 % des pertes en principaux systèmes de la Force rouge pendant les opérations défensives et offensives menées par un groupement tactique blindé. Compte rendu du projet QUARRÉ de FER, fig. 5 et 9. Dans le cadre du projet IRON UNGUIS, le Leopard C2 a causé, en moyenne, 37,5 % des pertes en principaux systèmes de la Force rouge lors des opérations de défense improvisée. Compte rendu du projet IRON UNGUIS, fig. 10. Dans des opérations défensives menées au cours du projet BRONZE SHIELD, les Leopard C2 ont infligé, en moyenne, 48 % des pertes totales subies par la Force rouge. Compte rendu du projet BRONZE SHIELD, fig. 11. 18. Vingt-deux Coyote, 12 véhicules blindés de reconnaissance sur roues, quatre véhicules de transport de troupes d’appui et un VBL III. Compte rendu du projet BRONZE PIKE, fig. 2. 19. Ibid. p. G-4 – G-6, G-16 et G-29. 20. Les VBC ont subi respectivement 57,6 % et 17,4 % de pertes pendant les opérations défensives et offensives d’équipe de combat/de groupe-compagnie lors d’OHG. Compte rendu du projet IRON NOBLE, tableaux VII et XIX. Dans le scénario défensif du projet IRON RENAISSANCE, les Forces bleues ont perdu 12 des 19 Leopard. Compte rendu du projet IRON RENAISSANCE, p. 36. Les pertes en VBC dans le cadre du projet QUARRÉ de FER s’élevaient à 26 % dans le scénario défensif et à 37 % dans le scénario de contre-attaque; données déduites de la structure de la Force bleue et des pertes indiquées aux figures 6 et 10 du compte rendu du projet QUARRÉ de FER Dans le scénario de défense improvisée du projet IRON UNGUIS, les Forces bleues ont perdu, en moyenne, 60,8 % des 12 Leopard C2 utilisés. Compte rendu du projet IRON UNGUIS, figure 11. Dans le cadre du projet BRONZE SHIELD, les Forces bleues ont perdu plus de 70 % de leurs Leopard C2 lors des opérations défensives. Compte rendu du projet BRONZE SHIELD, figure 7. 21. Compte rendu du projet QUARRÉ de FER, tableau 3. 22. Extrait du compte rendu du projet BRONZE PIKE, p. G-8, G-16 et G-29 – G-30. 23. Compte rendu du projet QUARRÉ de FER, p. 19. 24. Ibid. p. 8. 25. Ibid. p. 40. 26. Compte rendu du projet IRON NOBLE, p. 38, 49, 62 et 84. 27. BRONZE PIKE, p. 37, 53, 57, 68 et G-26. 28. Compte rendu du projet IRON UNGUIS, p. iii. 29. Ibid. p. 41. 30. Compte rendu du projet IRON RENAISSANCE, p. 36. 31. Compte rendu du projet BRONZE SHIELD, figures 15 et 16. 32. Information tirée du site Jane de l’Intranet de la Défense et de la Jane’s International Defence Review 12/1998, p. 17. 33. Compte rendu du projet QUARRÉ de FER, p. 38. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Le continuum du leadership Un modèle pour l’avenir par le sergent Arthur Majoor INTRODUCTION L’ effet combiné des changements démographiques, de l’évolution technologique et de l’environnement de sécurité au pays et sur la scène internationale exigeront une restructuration en profondeur de l’organisation des Forces canadiennes. En effet, dorénavant, des Forces canadiennes réduites devront être capables de se déployer rapidement en cas de crise et, une fois dans le théâtre, elles devront prendre l’initiative pour atteindre les buts souhaités. environnement de sécurité en mutation, les hiérarchies et les organisations traditionnelles devront être démantelées afin d’accélérer la prise de décision, d’accroître la responsabilisation, d’améliorer la mobilité tactique et stratégique et de conserver les effectifs. Ce démantèlement aura, entre autres, pour résultat une déstratification de la structure des grades et l’élimination du grade traditionnel de sous-officier (s/off). Cette restructuration se fera en deux étapes. Pour la création de l’Armée de terre de demain, les organisations actuelles devront faire l’objet d’une rationalisation pour être en mesure de conserver une main-d’œuvre de plus en plus rare, de se déployer efficacement et d’utiliser l’architecture de commandement, de contrôle, de communication, d’informatique et de renseignement (C3IR) de la Révolution dans les affaires militaires (RAM). Au sein de l’Armée de terre de l’avenir, la norme sera la cellule autonome, et non la structure hiérarchique. Les unités seront contrôlées par une organisation interne qui reposera sur un ensemble de règles simples comprises par tous les membres de tous les niveaux. D E L’ A R M É E D E T E R R E D ’ H I E R À L’ A R M É E D E TERRE D’AUJOURD’HUI D epuis l’époque de la poudre noire, les armées n’ont cessé d’évoluer pour devenir des organisations extrêmement hiérarchisées. Cheville ouvrière de ce système depuis l’apparition des régiments dans les années 1600, les s/off ont formé et supervisé étroitement une multitude de soldats sans éducation et souvent peu motivés. La colonne supplémentaire que l’on remarque lors des défilés est un vestige du rôle que jouaient les sergents sur la ligne de tir de mousquets : rassembler les soldats afin d’obtenir une puissance de feu maximale et empêcher ces derniers de prendre « la poudre d’escampette » en ayant recours à la force si nécessaire. La présence d’un grand nombre de s/off a À l’avenir, le succès des organisations reposera sur la capacité de ces dernières de recueillir de l’information, de l’analyser et de réagir rapidement en conséquence. Il est possible que, pour y parvenir, on ait besoin d’organisations et de structures non hiérarchisées qui délégueront la prise de décision au plus bas niveau possible. Verra-t-on à l’avenir diminuer le nombre de grades de s/off1 ? [traduction] Pour créer une armée de terre plus petite, plus rapide et plus « intelligente », capable de composer avec un Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 Les rôles et les relations des officiers et des militaires du rang devraient-ils changer étant donné les changements technologiques et sociaux des quatre derniers siècles? (gracieuseté des Archives nationales du Canada) 71 Le continuum du leadership - Un modèle pour l’avenir Note du directeur-rédacteur en chef : Nous tenons à informer les lecteurs que le terme « sous-officier ou s/off » employé par l’auteur dans le cadre du présent article a été élargi pour englober les adjudants. Traditionnellement, le groupe des sous-officiers comprend les caporaux, les s/off supérieurs et les sergents. De leur côté, les adjudants forment un groupe distinct (composé de trois grades). Au sein des Forces canadiennes, l’emploi de l’expression « s/off supérieurs » pour parler à la fois des sergents et des adjudants est incorrect et doit être évité. infrastructure de s/off. Une hiérarchie complexe de grades et de postes servant à délimiter les responsabilités, à assurer la cohésion interne et à créer des possibilités d’avancement dans la carrière s’est développée parallèlement à la taille du corps des s/off. Les types d’opérations vont également changer. Les soldats canadiens feront désormais face à des menaces asymétriques et non conventionnelles. Le faible rapport force/ Les états-majors généraux, qui ont espace et la grande mobilité des deux vu le jour dans les années 1800, ont été parties en présence feront en sorte que créés dans le but de coordonner et de les batailles linéaires seront presque chose du passé. Les conflits Au cours des prochaines années, le profil démographique pourront s’étendre à du Canada subira une telle modification qu’il y aura de l’échelle mondiale et prendre la forme moins en moins de personnes en âge de s’enrôler. d’attaques dans le cyberespace, ou encore d’actions d’organisations transnationales contrôler des armées de plus en plus FA C T E U R S I N F L U A N T S U R nombreuses et de gérer les ressources L’ORGANISATION DE L’ARMÉE comme les groupes criminels et les organisations terroristes dont les nationales de manière à soutenir ces DE TERRE DE DEMAIN Tigres de la libération de l’Eelam armées en campagne. Comme les étatsmajors augmentaient en taille et en u cours des prochaines années, le tamoul (TLET), qui capturent des importance, on commença à affecter à profil démographique du Canada hommes et de l’équipement dans un ces derniers des techniciens pour subira une telle modification qu’il y pays et mènent des opérations ailleurs assurer une circulation continue de aura de moins en moins de personnes sur le globe. La cadence accrue des l’information. Au début, ces s/off en âge de s’enrôler2 . Les Forces cana- opérations exigera des prises de classaient les dossiers et traitaient la diennes seront en concurrence avec décision plus rapides. Les batailles correspondance; par la suite, ils l’économie civile face à un bassin plus militaires prendront probablement la devinrent responsables de la mise en petit de personnes compétentes. Pour forme de courtes embuscades de forte place et du fonctionnement des prendre de l’expansion, les Forces intensité ou encore d’échanges de feu télégraphes, des téléphones, des postes canadiennes devront compter sur une tous azimuts4 . Les pouvoirs devront être radio et, plus récemment, de l’équi- base de ressources plus restreinte alors délégués au plus bas niveau possible pement des technologies de l’infor- qu’elles devront peut-être, en même afin que les sous-unités et sous-sousmation (TI). Les s/off accomplissent temps, faire face à une multiplication unités puissent rapidement prendre des également d’autres fonctions de soutien des opérations en raison de l’aug- décisions et les mettre à exécution, auprès des états-majors, lesquelles n’ont mentation des facteurs susceptibles de même en l’absence d’information cessé d’augmenter au cours du dernier provoquer des conflits3 . complète. siècle pour finir par englober les ressources nécessaires à l’appui des intentions du commandant. également préservé la cohésion et le leadership d’unités ayant subi des pertes. Le sergent Arthur Majoor A La dernière cause de l’augmentation du corps des s/off fut l’avènement de la mécanisation. Au fur et à mesure que les armées se mécanisaient, de plus en plus de personnes compétentes étaient requises pour faire l’entretien de l’équipement et encore davantage pour accomplir les tâches administratives essentielles liées à l’approvisionnement en carburant, en munitions et en pièces de rechange d’un bout à l’autre de la chaîne logistique. Sans s/off d’expérience pour former et diriger ce personnel technique, les forces mécanisées auraient été incapables de fonctionner. Le grand nombre de soldats à superviser, la maintenance de grands parcs d’équipements complexes et la nécessité de déceler les erreurs aux divers niveaux de l’organisation ont donné naissance à une immense 72 Figure 1 : Cadre théorique5. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre STRUCTURE CONCEPTUELLE C haque niveau d’activité s’insère dans un « espace d’opération » (c.-à-d. le lieu physique où se déroulent les activités) ainsi que dans un « espace d’influence » qui inclut les liens entre toutes les activités et tous les lieux afin d’appuyer les événements qui se déroulent dans l’« espace d’opération ». L’espace d’opération et l’espace d’influence sont fonction de la taille de l’organisation en cause. Les opérations de grande envergure faisant appel à des groupements tactiques ou à des organisations coalisées pourraient s’accompagner de nombreux espaces d’opération et d’influence, à la manière d’un ensemble de cubes emboîtés les uns dans les autres (Figure 1)8 . Dans une telle structure, les rôles de leadership seront divisés entre les activités de l’espace d’opération et celles de l’espace d’influence. Pour assurer une prise de décision rapide, une coordination des activités et la responsabilisation, cette structure ne devrait compter qu’un nombre minimum de personnes, le minimum absolu étant deux personnes. Toutes les unités de tous les niveaux suivraient donc la « règle de deux ». Au sein de l’espace d’opération, le leadership serait conféré à « un officier exécutif » Ce dernier devrait assurer l’orientation de la mission et le commandement tactique de l’unité au sein de l’espace d’opération qui lui serait assigné. L’officier exécutif recevrait ses directives des échelons supérieurs, mais dirigerait ses missions et communiquerait horizontalement avec ses pairs des secteurs adjacents afin de connaître la situation et d’employer des tactiques d’attaque en bande contre les ennemis identifiés. Figure 2 : Organigramme de type « canevas ». Pour plus de clarté, une organisation de la taille d’une compagnie est illustrée. Les voies de communication horizontales relient les commandants en second tandis que les voies de communication verticales relient les officers de soutien. Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 Au sein de l’espace d’influence, le leadership serait conféré à « un officier de soutien ». Ce dernier coordonnerait les ressources au nom de l’officier exécutif. Pour soutenir l’unité lors d’opérations prolongées, l’officier de soutien communiquerait verticalement avec les échelons supérieurs pour obtenir des ressources extérieures et horizontalement, avec ses pairs, pour partager les ressources existantes. LE CONTINUUM DU LEADERSHIP C omme le même modèle de rôles de leadership et de responsabilités serait adopté dans l’ensemble de l’organisation, il serait possible d’établir une progression continue du leadership, depuis les niveaux les plus bas jusqu’aux niveaux les plus élevés. La différence entre officiers « commissionnés » et officiers « non commissionnés » n’aurait plus sa raison d’être. Le premier poste de leadership serait celui d’officier de soutien de section, l’équivalent du caporal-chef actuel. Les possibilités d’avancement du titulaire de ce poste seraient fonction de la qualité de l’accomplissement des tâches et des fonctions confiées. Le pouvoir de commandement s’exercerait par la procédure de sélection, d’évaluation et d’instruction, tandis que les fonctions de commandement s’exerceraient par le biais de tâches et de responsabilités au niveau de leadership atteint. Toute personne choisie en vue d’une promotion devrait d’abord suivre un cours d’officier de soutien et être nommée à un tel poste au niveau approprié. Après une période de service satisfaisante comme officier de soutien, cette personne serait alors admissible à une instruction et à une promotion et deviendrait officier exécutif à ce même niveau. Les officiers exécutifs devraient assumer l’importante tâche secondaire de préparer leurs officiers de soutien à assurer leur relève à titre d’officiers exécutifs. De son côté, l’officier exécutif serait ensuite promu à un poste d’officier de soutien au niveau de commandement suivant dans la hiérarchie 9 . Ainsi, un officier de soutien de section deviendrait officier 73 Le continuum du leadership - Un modèle pour l’avenir Les changements technologiques joueront également un rôle important dans la restructuration de l’Armée de terre de l’avenir. Une architecture automatisée de commandement et de contrôle chapeautera toutes les activités courantes, ce qui aura pour effet de réduire le nombre de personnes requises pour contrôler et superviser certaines tâches administratives et logistiques. Au sein des armes de combat, les rôles vont s’amalgamer. Les unités d’armes deviendront de facto des équipes interarmes (p. ex., bataillons d’infanterie VBL)6 . Les hiérarchies et organisations traditionnelles des bureaux d’état-major seront désormais inutiles. Les unités de service devront axer leur intervention sur les « résultats » plutôt que sur les « moyens »6 . exécutif de section (le sergent actuel) avant de devenir officier de soutien de peloton (l’adjudant actuel), puis officier exécutif de peloton (le lieutenant actuel) et ainsi de suite. S’il est considéré comme essentiel que les leaders possèdent des diplômes d’études supérieures, les leaders promus auraient alors la possibilité de suivre des cours par téléapprentissage. De même, les cours de leadership pourraient être conçus de façon à être crédités pour l’obtention d’un diplôme d’études supérieures. Le sergent Arthur Majoor Les rôles traditionnels des adjudants et des s/off supérieurs qui consistaient à former, à conseiller et à soutenir les officiers et les s/off subalternes seraient assumés par la chaîne de commandement que formeraient les officiers exécutifs et leurs officiers de soutien. De même, la chaîne verticale formée par les officiers de soutien des différents niveaux constituerait une autre voie de formation, de conseils et de soutien. Les officiers exécutifs des unités bénéficieraient de ces sources de soutien pendant leur période de service à titre d’officiers de soutien et se soutiendraient mutuellement pendant leur période de service en tant qu’officiers exécutifs. Pour se faire une idée du lien entre les éléments exécutifs et les éléments de soutien au sein de l’organisation, il faut oublier l’organigramme « unidimensionnel » traditionnel. Il faut plutôt élaborer un organigramme « tridimensionnel ». Le lecteur devrait voir un réseau de tétraèdres (solides géométriques à quatre faces formés de triangles équilatéraux), dont chaque sommet représenterait une sous-unité ou sous-sous-unité et où les côtés représenteraient les lignes de communication (Figure 2). Les officiers exécutifs communiqueraient principalement le long des plans formés par la jonction des bases des tétraèdres, tandis que les officiers de soutien communiqueraient principalement, de façon ascendante et descendante, le long des côtés verticaux. Semblable à une pyramide, la structure serait intrinsèquement forte puisque le travail et l’information emprunteraient de multiples voies. 74 CHANGEMENTS AU SEIN DE L’ É TAT- M A J O R D ans l’Armée de terre de demain, les états-majors des quartiers généraux seront beaucoup moins nombreux. Bien des facteurs provoqueront ce changement. Premièrement, le processus décisionnel et la responsabilisation sont beaucoup plus directs au sein d’une petite organisation. Deuxièmement, les petits états-majors jouissent d’une plus grande mobilité tactique et stratégique. De plus, un état-major plus petit, plus facile à déplacer et à dissimuler, est mieux protégé contre les actions ennemies. Plusieurs facteurs technologiques entreront également en ligne de compte. L’implantation d’une l’architecture automatisée C3IR permettra un traitement plus rapide et plus précis des données et ce, sans faire appel à une intervention humaine spécialisée à chaque étape. Pour assurer le meilleur fonctionnement possible des systèmes automatisés, il faudra rationaliser les fonctions d’état-major et réduire les tâches secondaires n’ayant pas de lien avec la tâche principale10. Des facteurs extérieurs interviendront également. Compte tenu de la base de recrutement qui sera plus petite, il faudra conserver la main-d’œuvre pour « le sommet » de la structure. Grâce à la déstratification et à la réduction absolue du nombre de postes, des états-majors plus petits représenteront également des économies pour l’ensemble de l’organisation de même qu’une économie en ce qui concerne les frais généraux. Conformément à la « règle de deux », chaque cellule d’état-major (y compris la cellule de commandement) ne compterait que deux personnes aux postes de leadership (c.-à-d. un officier exécutif pour diriger les événements dans l’espace d’opération et un officier de soutien pour fournir le soutien depuis l’espace d’influence). Les autres membres des bureaux d’étatmajor pourraient agir à titre de spécialistes ou de conseillers techniques auprès des officiers exécutifs ou de soutien, selon leur rôle. Les conseillers et les spécialistes des bureaux d’état-major relèveraient de leurs officiers respectifs et n’assumeraient pas de fonctions de commandement. On pourrait également placer ici des s/off, des contractuels civils et du personnel de direction suivant une instruction de longue durée (p. ex., dans un collège d’état-major), tout comme les anciens officiers exécutifs et de soutien ayant atteint les niveaux supérieurs et qui ne sont plus intéressés à obtenir de l’avancement ou qui ne peuvent plus obtenir d’avancement. L’automatisation des tâches courantes entraînera une réduction draconienne des besoins en maind’œuvre. Cette réduction permettra de réaffecter le personnel restant à des postes où une intervention humaine spécialisée sera toujours requise. Parmi ces postes, mentionnons le bureau du G2 étant donné que la recherche, l’exploitation et la diffusion de l’information sont les derniers multiplicateurs de force au sein d’une armée mue par la RAM. De son côté, le bureau du G5 aura besoin de nombreux spécialistes pour assurer le lien entre les Forces canadiennes, les autorités civiles et les organisations non gouvernementales (ONG), tout particulièrement lors d’opérations autres que la guerre (OAG) ou dans le cadre de scénarios de « guerre de quartier ». La liaison avec les forces policières locales et internationales sera également importante dans le cadre d’opérations contre des « armées d’entreprises criminelles » (AEC). Le bureau du G8 sera également extrêmement important puisque les opérations seront de plus en plus dirigées par des coalitions, sans parler des opérations unilatérales au-delà des frontières nationales et internationales (comme la poursuite des AEC). L’utilisation généralisée de bases de données sur le personnel et autres fonctions automatisées aura pour effet de réduire le bureau du G1. Les données relatives à la solde et les renseignements médicaux et personnels pourraient être stockés sur des « cartes à puces » et, lorsqu’il s’agira de soutenir les soldats et les unités, le principe de l’approvisionnement sur demande par les officiers de soutien des unités remplacera « l’approvisionnement automatique par l’état-major ». Le bureau du G3 sera relativement plus petit puisque les objectifs stratégiques auront été définis avant le lancement Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre primes de spécialistes afin de tenir compte de l’amélioration de leur niveau d’éducation, de compétence et d’expérience dans leur emploi. Ce modèle permettrait également le recrutement latéral de spécialistes de Pour que les Forces canadiennes puissent obtenir et maintenir un avantage sur le plan de l’information, de nombreux changements devront être apportés. raison de l’automatisation de l’approvisionnement. Cette situation sera le reflet des méthodes que l’on retrouve dans de nombreuses organisations et entreprises civiles. Les innovations technologiques, comme l’IPv6, fournissent suffisamment d’adresses informatiques pour qu’on puisse, si nécessaire, attribuer un identificateur unique à chaque projectile11 . Le bureau du G6 sera peut-être le plus important bureau fonctionnel étant donné que c’est là que sera planifiée et implantée l’architecture automatisée C3IR. Les progrès technologiques, comme les réseaux neuronaux autoprogrammables et l’intégration des fonctionnalités, pourraient réduire le grand nombre de spécialistes des TI requis12 . l’économie civile et fournirait un moyen de conserver les talents à l’intérieur des forces armées en leur offrant des incitatifs semblables à ceux qui sont offerts sur le marché. En confiant à chaque personne un grand nombre de responsabilités, on pourrait réduire le nombre de grades de superviseurs. La mise en application des principes suivants entraînerait la cohésion interne et la loyauté : • • LE RÔLE DES SPÉCIALISTES DU SOUTIEN • L e personnel du soutien logistique du combat, les conseillers des bureaux d’état-major et les spécialistes sont requis pour leurs connaissances techniques et non pour leur capacité à diriger. Il n’est donc pas vraiment nécessaire que ces personnes détiennent des pouvoirs de leadership, quoiqu’il serait judicieux d’évaluer périodiquement le potentiel de leader de ces personnes et d’aiguiller les meilleurs vers la voie menant au leadership afin qu’ils puissent suivre une instruction et obtenir de l’avancement. Le modèle d’avancement dans la carrière de ces personnes reposerait sur une série progressive d’incitatifs qui leur permettraient de recevoir des augmentations de traitement et des Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 • Chacun doit être traité de façon équitable; tous les membres d’une équipe participante partagent les récompenses. Chaque membre de l’équipe doit recevoir une formation polyvalente des tâches de ses coéquipiers dans un but de compréhension mutuelle et de coopération. Tous les membres doivent contribuer à trouver des solutions aux problèmes et à relever les défis. Des responsabilités significatives doivent être confiées aux membres de l’équipe. Des compagnies aussi diverses que Volvo, Saturn, Consolidated Diesel13 et Norsk Hydro14 utilisent cette approche d’équipe pour habiliter leurs ouvriers. Résultats : productivité accrue, faible roulement de la main-d’œuvre et réduction draconienne du nombre requis de superviseurs. Les équipes peuvent s’adapter rapidement aux changements provoqués par les forces du marché ou des événements internes (p. ex., panne de courant et bris de machinerie) sans que l’ensemble de l’organisation ne ressente ni contrecoup ou désorganisation. FA C T E U R S I N F L U A N T S U R L’ORGANISATION DE L’ARMÉE DE TERRE DE L’AVENIR P our contrer l’avantage que possèdent les pays occidentaux grâce à leurs forces hautement mobiles, dirigées par capteurs et mues par la RAM, les opposants potentiels devront intervenir là où la technologie des capteurs ne fonctionne pas et mettre au point des tactiques contre les ressources d’information. Il faudra disposer d’information de grande qualité pour trouver l’ennemi et prendre des mesures efficaces contre lui. Pour que les Forces canadiennes puissent obtenir et maintenir un avantage sur le plan de l’information, de nombreux changements devront être apportés. La RAM entraînera l’implantation d’une architecture automatisée de commandement et de contrôle pour la plupart des activités. Des topologies de communications aux mailles très serrées seront créées pour transférer l’information. Tout l’équipement sera doté de fonctionnalités intégrées de niveau supérieur afin de créer automatiquement des grilles d’information. Que voulons-nous qu’ils fassent et comment vont-ils le faire? (gracieuseté de l’UPFC) 75 Le continuum du leadership - Un modèle pour l’avenir même d’une opération. Les opérations en appui à la stratégie seront, de façon générale, élaborées et exécutées par les officiers exécutifs des unités, de concert avec leurs pairs. Le bureau du G4 verra également ses effectifs réduits en complètement le concept de « chaîne logistique » et réduiront les besoins en personnel spécialisé pour la faire fonctionner. Des unités pourraient être presque autosuffisantes, ne requérant, pour fonctionner, que des matières premières, de l’énergie et des gabarits. La taille d’une telle unité cellulaire serait fonction de la taille et de la complexité des dispositifs de soutien. Des « fabricateurs » mobiles de la taille d’un camion limiteraient l’unité cellulaire à la taille d’une compagnie, alors que des « fabricateurs » de la taille d’une imprimante pourraient être transportés à dos d’homme et feraient de la section l’unité cellulaire de base. Le concept de l’espace d’influence sera davantage axé sur l’information au fur et à mesure que proliféreront les topologies de communications à mailles serrées. Le sergent Arthur Majoor Figure 3 : unité automme tactique (UAT) avec trois niveaux de récursivité. La présente figure illustre une UAT de la taille d’une bataillon, regroupant des unités cellulaires de la taille d’un peloton. Pour plus de clarté, seule une sous-unité complète est illustrée dans le diagramme. Les rapports entre les divers éléments sont tracés à la surface et à l’interieur de la sphère qu’ils occupent. tandis que le QG est situé au centre de sa sphére, et simultanément, à la surface de la sphère plus grande suivante. Les unités seront remodelées afin de devenir des organisations plus cellulaires intégrant à l’architecture automatisée de commandement et de contrôle de l’Armée de terre de demain de nouvelles technologies récemment arrivées à maturité. L’amalgamation des « armes » se poursuivra au point où il ne sera peut-être plus possible de dire qu’une unité appartient à une arme donnée. On pourrait, par exemple, faire monter les soldats d’infanterie dans des aéronefs à essor vertical armés d’un canon électromagnétique et équipés de capteurs ultra-sensibles. Une telle unité combinerait les caractéristiques de l’infanterie aéro-mobile à la puissance de feu et aux capacités d’appui-feu des blindés et de l’artillerie15 . Une autre possibilité consisterait à doter les unités de dispositifs d’aide cybernétiques et robotiques qui fourniraient une 76 capacité étendue de détection et donneraient aux unités de la taille d’une section une puissance de feu de longue et de courte portées16 . Le concept des opérations des FC fait appel à la mise en service « d’unités tactiques autosuffisantes » (UTAS)17 . Pour créer et faire fonctionner de telles unités, l’architecture C3IR sophistiquée mise au point pour l’Armée de terre de demain sera amalgamée à des technologies arrivées à maturité qui libéreront des unités de la chaîne d’approvisionnement. Les futurs progrès technologiques, comme la fabrication « sur place » de pièces électroniques sophistiquées18 , la stéréolithographie19 , la transformation du carburant en hydrogène20 , l’énergie télédiffusée pour alimenter les véhicules et les systèmes de même que la nanotechnologie21 , transformeront Des topologies de communications à mailles serrées seraient automatiquement créées au fur et à mesure que les unités et les systèmes s’uniraient pour mener les opérations. Ce maillage laisserait passer l’information de grande qualité, ce qui permettrait aux équipes auto-dirigées de prendre des décisions fondées sur des données précises, sur la mise en application d’ensembles de règles et sur l’interprétation de l’intention du commandant. Pour être en mesure d’envisager les topologies de communications sans perdre de leur souplesse, les organisations seraient peut-être mieux représentées si elles plaçaient les sous-sous-unités sur la surface d’une sphère et la sous-unité de commandement au centre de cette même sphère. Les lignes de communication sont définies par des traits qui traversent la surface et passent par le centre de la sphère. La sous-unité de commandement doit ensuite être placée sur la surface d’une sphère plus grande, avec les autres unités similaires, et relèvera d’un QG qui se trouvera au centre de cette sphère (Figure 3), de même que sur la surface d’une sphère encore plus grande représentant l’échelon supérieur suivant. Ce modèle prévoit de multiples niveaux de récursion, de la cellule à la compagnie, à l’UTAS, au groupement tactique, au secteur, à la formation coalisée et ainsi de suite22 . Il évite également la rigidité des modèles fondés sur une géométrie Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre • • • Les états-majors, tels qu’on les connaît maintenant, disparaîtront. La majeure partie de la coordination des unités et des ressources se fera au moyen d’ensembles de règles communes mises en application par des unités partageant des configurations similaires. La création « d’équipes d’urgence » qui mettront en commun l’information disponible et leur puissance informatique et qui se déplaceront dans l’espace d’influence pour avoir accès à des ressources de niveaux supérieurs (c.-à-d. nationales ou de formations coalisées) permettra de faire face aux situations inhabituelles. La liaison avec les forces alliées, les forces policières et les ONG incombera à l’officier de soutien sur place, lequel sera aidé, si nécessaire, par des conseillers spéciaux. Les structures non hiérarchisées peuvent continuer de fonctionner même lorsque de larges pans en sont endommagés ou détruits. Les unités arrivent à s’auto-organiser et à se coordonner par l’adoption d’une organisation fondée sur des règles simples. Des organisations cellulaires autonomes pourront effectuer des missions et travailler en mode coopératif grâce à l’auto-organisation, de la même façon qu’un groupe d’oiseaux ou qu’un banc de poissons arrive à demeurer un tout cohérent sans direction centrale. La programmation d’individus, dans une simulation appelée « Boids » (créatures de simulation), afin de leur faire suivre quatre règles simples peut ressembler au comportement d’un vol d’oiseaux dans un programme informatique : • Ne vous approchez pas trop de quoi que ce soit, y compris des autres « boids ». Essayez d’adapter votre vitesse à celles des autres « boids » autour de vous. Déplacez-vous toujours vers le centre du groupe de « boids » qui se trouve à proximité. Évitez les obstacles23. Des algorithmes simples, imitant le comportement des colonies de fourmis, se sont révélés extrêmement puissants dans des domaines aussi divers que l’analyse de modèles, la planification d’itinéraires et la distribution coopérative des ressources24 . Au fur et à mesure que l’on acquiert des connaissances dans ce domaine, l’autoorganisation sur des échelles de plus en plus grandes deviendra possible en formant des personnes et en programmant des systèmes de manière qu’ils suivent les mêmes ensembles de règles simples établis en fonction des intentions claires du commandant25 . CONCLUSION L a compression de la structure des grades au sein de Forces canadiennes mues par la RAM repose sur la convergence de nombreux facteurs. Compte tenu des changements démographiques et de la concurrence pour attirer des personnes compétentes, de moins en moins de gens en âge de s’enrôler seront désormais disponibles. Il n’y aura plus de cohortes de soldats à superviser, ni de grandes quantités d’équipements complexes exigeant une chaîne logistique élaborée. Il ne sera plus nécessaire de contrôler les erreurs aux divers niveaux de l’organisation. Des fonctions rationalisées et automatisées réduiront le nombre de spécialistes requis pour diriger et superviser de nombreuses tâches qui, aujourd’hui, font appel à un s/off ou plus. La supervision d’un grand nombre de personnes sans qualifications sera remplacée par l’auto-direction d’équipes et de personnes compétentes pour effectuer ces tâches. La création de ces nouvelles organisations se fera en deux temps. La réduction de la main-d’œuvre disponible et l’implantation de l’architecture automatisée C3 IR constitueront les moteurs de la réorganisation de la structure des grades de l’Armée de terre de l’avenir. Les progrès réalisés dans le domaine de la technologie de l’organisation, des communications et de la logistique formeront la base à partir de laquelle seront créées les structures cellulaires qui remplaceront les hiérarchies traditionnelles dans l’Armée de terre de l’avenir. Les organisations militaires bâties selon ces critères seront capables de recueillir et d’analyser rapidement l’information et de réagir sans délai. Plus petites, plus rapides et plus « intelligentes » que les unités qu’elles remplacent, elles pourront réagir rapidement lorsqu’elles seront déployées et, une fois dans le théâtre, elles pourront prendre l’initiative afin d’atteindre les buts visés. Les hiérarchies et structures de grades traditionnelles ne pourront plus s’appliquer ou ne seront plus appropriées au sein de ces nouvelles organisations. Il en résultera une déstratification de la structure de grades qui marquera la fin du s/off traditionnel. À P R O P O S D E L’ A U T E U R … Le sergent Arthur Majoor est titulaire d’un diplôme en finances d’entreprise du Fanshawe College et suit actuellement le cours de Certified Systems Engineer de Microsoft. Il s’est enrôlé dans les Forces canadiennes en 1981, a servi dans la Force régulière jusqu’en 1986, puis a été muté à la Réserve. Son expérience des opérations comprend une période de service à Chypre et la participation à l’aide apportée lors de la tempête de verglas en 1998. Le sergent Majoor occupe actuellement le poste de G6 Administrateur TI au Quartier-général du 31e Groupe-brigade du Canada, à London en Ontario. Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 77 Le continuum du leadership - Un modèle pour l’avenir solide puisque, pour s’adapter à un modèle géométrique, une unité doit posséder un nombre arbitraire de sousunités basé sur le nombre de sommets disponibles plutôt que sur les besoins opérationnels. Le sergent Arthur Majoor NOTES 1. Brigadier-général J.C. Lemieux, Research Hypothesis Question, Annexe A 4500-3 (Conseiller spécial CEMD [PD]), correspondance, 18 décembre 2000. 2. Voir Capitaine (M) Okros, « The Future Soldier », Symposium sur le sous-officier dans l’Armée de terre de l’avenir, 28 juin 1999, Université Queen’s, Kingston, Ontario; Lieutenant-colonel McQuitty, « Crisis or Not? », Briefing G1 Armée de terre, 6 novembre 2000. Les effectifs prévus pour les forces armées en 2003 sont de 45 000 troupes et le plafond autorisé est de 60 000 troupes. 3. Robert Kaplan, « The Coming Anarchy », Atlantic Monthly Press, février 1994, p.44-78. 4. Mark Bowden, « Blackhawk Down », Atlantic Monthly Press, 1999. Description graphique des événements entourant la bataille de Mogadishu, 3 octobre 1993, et épreuve de la « Force opérationnelle Ranger. » Le film « Heat » (écrit et réalisé par Michael Mann, Warner Brothers, 1996), même s’il raconte une histoire fictive, renferme une séquence remarquable qui donne au spectateur une idée de ce que serait un échange de feu tous azimuts dans un contexte urbain. Timothy L. Thomas, « The Battle of Grozny: Deadly Classroom for Urban Combat », Parameters, été 1999, p. 87-102. 5. Maj Sean B. MacFarland, « A Framework for Peace Operations » Bulletin des Blindés (janv.-févr. 1997) p. 29-31. Ceci est une adaptation généralisée de son cadre théorique. 6. À la suite de la mise en service du VBL III, les unités d’infanterie ont une plate-forme dotée d’une arme principale stabilisée et d’une capacité antiblindé limitée. Compte tenu du petit nombre de chars mis à la disposition des FC, les VBL sont forcés de fournir la « puissance de feu et de choc » d’une équipe de combat. Les « troupes d’assaut » du corps blindé sont des sous-unités de la taille d’un peloton composées de soldats de l’Arme blindée assumant des rôles de fantassins. Les développements à venir dans le domaine des canons de gros calibre, comme les munitions amorcées par capteur et les TBM, permettront aux chars ou aux VBC d’agir comme véhicules de tir d’appui et de compléter l’artillerie dans certaines situations. 7. Ralph Peters, « The Future of Armored Warfare », Parameters, automne 1997, p. 50-59. Les unités de service devraient se montrer plus intéressées à obtenir un résultat qu’aux moyens utilisés pour obtenir ce résultat. Les services qui ne seront pas axés sur les résultats risquent de devenir statiques et non pertinents sur le champ de bataille de l’information. 8. Major Sean B. MacFarland, « A Framework for Peace Operations », Armor (janv-févr 1997) p. 29-31. Adaptation généralisée de cette structure, la « Force opérationnelle Eagle » a défini un ensemble de limites en Bosnie (son espace d’opération), mais a dû aller aussi loin qu’en Allemagne pour l’entretien et le soutien des hélicoptères (son espace d’influence). 9. Major B. P. Beardsley, « Attaque de section – Le double enveloppement », Journal de l’infanterie (hiver 1995) p. 8-16. L’évaluation des aspirants-leaders et le processus de formation en cours d’emploi au sein de l’Armée populaire rwandaise sont abordés aux pages 9 et 10. Les leaders qui réussissaient étaient responsables de la formation de leurs remplaçants éventuels. 10. Major-général (à la retraite) Marc Terreau, « The Ethics Wave », National Network News (automne-hiver 1999) p. 26-29. À la page 27, il fait remarquer qu’au sein des organisations qui ont réduit leurs effectifs sans pour autant réduire leurs missions et leurs objectifs, les personnes qui restent ont souvent tendance à contourner des méthodes de gestion éprouvées afin que « le travail soit fait ». En rationalisant les missions et les objectifs de façon à tenir compte des ressources disponibles, on évite la tentation de contourner des méthodes de gestion qui ont fait leur preuve. 78 11. « Updating the Internet », Economist, Technology Quarterly, 24-30 mars 2001, p. 32-36. Les protocoles d’adresses Internet IPv6 fourniraient « 4 milliards d’adresses pour chacun des 4 milliards d’habitants de chacune des 4 milliards de planètes dans chacune des 4 milliards de galaxies. » Des identificateurs uniques peuvent être placés sur chaque article de la chaîne d’approvisionnement et le contrôle et le suivi peuvent être effectués grâce à une base de données centrale. 12. « The Oxygen Project », Scientific American, août 1999, p. 52-63. Le supplément spécial fait état de nombreuses expériences en cours au MIT Media Lab pour améliorer la connectivité de haut niveau et le réseautage. 13. Curtis Sittenfeld, « Powered by the People », Fast Company, juilletaoût 1999, p. 178-189. Consolidated Diesel est une entreprise coopérative entre Cummins Engine Co. et J.I. Case Co. L’habilitation des employés a conduit à des statistiques impressionnantes. Le taux de roulement du personnel est de 2 %, l’usine emploie un superviseur par groupe de 100 employés (dans la plupart des usines, la moyenne est d’un superviseur par 25 employés) et le taux d’accidents de travail correspond au cinquième de la moyenne nationale américaine. 14. Charles Fishman, « The Way to Enough », Fast Company, juilletaoût, p. 160-174. Norsk Hydro est un conglomérat norvégien qui œuvre dans le domaine de l’énergie, de l’agriculture et des mines. 15. Ralph Peters, « The War in 2020 », Pocket Books, 1991. Le « US 7th Cavalry Regiment » fictif illustre les nombreuses possibilités d’une unité interarmes qui utilise de l’équipement de haute technologie. 16. Sergent Arthur Majoor, « Changements de structures pour les chefs de demain », Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre, vol. 3, no 2, été 2000, p. 26-30. 17. Planification stratégique des capacités des Forces canadiennes, http://www.vcds.dnd.ca/dgsp/dda/strat/intro_e.asp 18. Stephan Mihm, « Print Your Next Computer », Technology Review, nov-déc 2000, p. 66-70. Projet du MIT Media Lab pour créer des équipements électroniques de classe pentium au moyen de la technologie des imprimantes. 19. « The Solid Future of Rapid Prototyping », Economist, Technology Quarterly, 24-30 mars 2001, p. 49-51. Cette technologie est déjà utilisée pour créer des prototypes de plastique à exemplaire unique, mais elle ne cesse de s’améliorer en ce qui a trait à la gamme et aux types de matériaux qui peuvent être manipulés, dont les matériaux biomédicaux pour les implants médicaux. 20. Peter Fairley, « Fill’er up with Hydrogen », Technology Review, novdéc 2000, p. 54-62. Daimler Chrysler et Ballard Power sont en train de mettre au point un dispositif servant à transformer les combustibles hydrocarbonés en hydrogène pour des piles à combustible. Le dispositif doit réagir instantanément à l’action du conducteur et doit s’insérer sous le capot d’un véhicule conventionnel. 21. K. Eric Drexler, Engines of Creation, (Doubleday, 1986). Ce livre est le premier livre sur la nanotechnologie et a été écrit par le fondateur de cette discipline. En théorie, la nanotechnologie permettrait la transformation, atome par atome, de toute matière première en tout produit fini. Il s’agit d’un projet à long terme. 22. Selon ce modèle, on suppose que la cellule de base est de la taille d’un peloton et que l’UTAS équivaut au bataillon actuel. En modifiant la taille de la cellule, on ne fait qu’augmenter ou diminuer le nombre de récursions requises pour représenter de grandes formations. 23. Sawn Carlson, « Boids of a Feather Flock Together », Scientific American, novembre 2000, p. 112-114 24. Eric Bonabeau et Guy Theraulaz, « Swarm Smarts », Scientific American, mars 2000, p. 73-79 25. Thomas K. Adams, « The Real Military Revolution », Parameters, automne 2000, p. 54-65 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre L’instruction préalable au déploiement dans le cas d’opérations de soutien de la paix Une analyse révisionniste Les membres du personnel des armes de combat qui servent au sein de la Force régulière depuis 1992 ont certainement vécu plus d’une fois l’expérience du déploiement dans le cadre d’une opération de soutien de la paix. Récemment, le capitaine Vivian, alors lieutenant, a eu l’occasion de partager cette expérience que beaucoup d’autres ont vécue avant lui. Cependant, certains aspects du rôle qu’il a joué à titre de commandant d’un peloton sur le point d’être déployé à l’étranger rendent cette expérience vraiment unique. Alors commandant d’un peloton au sein du 2e Bataillon, Princess Patricia’s Canadian Light Infantry, l’auteur a été chargé de donner l’instruction préalable au déploiement à un peloton complet qui devait se déployer avec le groupement tactique du 3e Bataillon, Princess Patricia’s Canadian Light Infantry pour la Rotation 6. Les limites imposées exigeaient que l’instruction ait lieu au niveau du peloton, à Winnipeg, et indépendamment du reste du groupement tactique. Le fait d’avoir, à titre de commandant de peloton, planifié l’instruction préalable au déploiement et donné l’instruction dans sa totalité au niveau du peloton place l’auteur dans une position avantageuse peu commune chez les officiers subalternes et à partir de laquelle il peut formuler son analyse et demander une réforme. INTRODUCTION C onçu pour préparer une unité, une sous-unité ou un groupe de soldats à effectuer une mission de soutien de la paix outre-mer, l’actuel programme d’instruction préalable au déploiement est coûteux en temps et en argent en plus d’être très redondant. En supposant que Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 Entraînement avant le déploiement. Débarqués d’un véhicule blindé, des membres du 3e Bataillon, Royal 22e régiment font un sprint dans une attaque de section. (gracieuseté de l’UPFC) les Forces canadiennes continuent de participer à des missions prolongées comme en Bosnie ainsi qu’à des missions exigeant un déploiement relativement faire en sorte que les unités restent, de façon constante, à un niveau élevé de préparation avant tout déploiement outremer et, comme but secondaire, de …l’actuel programme d’instruction préalable au déploiement est coûteux en temps et en argent en plus d’être très redondant. rapide comme au Kosovo, on ne peut arriver qu’à une seule et unique conclusion, soit la nécessité impérative d’élaborer un modèle plus efficace d’instruction préalable au déploiement. En fait, un programme qui exigerait moins de temps et qui, surtout, permettrait aux unités et sous-unités d’être toujours prêtes sur le plan opérationnel à quelques jours d’avis (plutôt qu’à des semaines ou à des mois). Ce nouveau modèle s’intégrerait au cycle d’instruction annuelle ou continue des unités et aurait comme but premier de réduire les perturbations associées au modèle actuel d’instruction préalable au déploiement. NORMES INDIVIDUELLES D ’ A P T I T U D E A U C O M B AT I l est assez paradoxal qu’une Armée de terre comme la nôtre impose, au sein d’une même organisation ou formation, deux ensembles différents de normes d’aptitude au combat (c’està-dire des normes acceptables pour les 79 L’instruction préalable au déploiement dans le cas d’opérations de soutien de la paix par le capitaine A.J. Vivian en vue de conflits d’intensité moyenne à élevée, il est logique que les mêmes normes, ou peut-être même des normes moins élevées, s’appliquent aux conflits de faible intensité ou aux opérations de soutien de la paix. Grâce à un programme plus efficace d’instruction préalable au déploiement, il n’existerait qu’une seule norme individuelle d’aptitude Entraînement réel. Un membre du 2e Régiment du génie au combat pour toutes court pour s’éloigner de la torpille Bangalore qu’il vient les unités qui suivent un d’allumer et avertit ses compagnons soldats de s’abriter cycle d’instruction au dans le cadre d’un exercice de tir réel et d’entraînement Canada, y compris celles de trois jours afin de permettre aux troupes du Groupement tactique canadien posté à Drvar, en qui se préparent à partir Bosnie-Herzégovine, de pratiquer des attaques de en service opérationnel. Tous les soldats de section et de peloton. (gracieuseté de l’UPFC) la Force régulière reunités qui ne se déploient pas et cevraient une instruction de même d’autres pour les unités qui se niveau, soit exactement le niveau déploient). Le niveau de capacité d’instruction qui serait exigé d’eux dans opérationnelle minimal (NCOM) l’éventualité où ils seraient déployés et ce, établit la norme minimale d’aptitude peu importe l’endroit et le type de au combat que doivent atteindre toutes mission. Non seulement éliminerait-on les unités d’infanterie, mais il existe ainsi une très grande partie de une autre norme, plus élevée, que l’instruction préalable au déploiement de doivent atteindre les unités avant de se l’ancien modèle, mais les commandants déployer dans le cadre de missions de pourraient désormais compter sur des soutien de la paix et c’est le niveau de unités toujours entraînées et dont le capacité opérationnelle pour le niveau de préparation serait accru. déploiement (NCOD). APTITUDES COLLECTIVES Grâce à un nouveau programme d’instruction préalable au déploiement, les exercices collectifs de tir fictif et réel toutes armes seraient, de façon générale, effectués et évalués au niveau du groupement tactique et aux niveaux subalternes. En plus d’axer l’instruction toujours sur les mêmes points, cette méthode ferait en sorte que les unités opérationnelles figurant dans l’ordre de bataille seraient, théoriquement, entraînées à un niveau standard de préparation au déploiement en ce qui a trait à la capacité de combattre, ce qui réduirait de façon significative le temps consacré à l’ancien modèle d’instruction préalable au déploiement. Au lieu de passer de nombreuses semaines loin de la maison pour participer à des exercices de guerre collectifs toutes armes dans le but d’atteindre une norme acceptable juste avant le déploiement, les unités se concentreraient à Les normes minimales acceptables À L A G U E R R E d’aptitude au combat devraient correspondre au niveau de compétence es opérations combinées menées au minimal acceptable que doivent posséder niveau de l’équipe de combat et les tous les soldats pour effectuer les tâches aptitudes collectives à la guerre que l’on associées à leur principale fonction de combat. Cela signifie qu’il ne devrait pas y avoir de …l’instruction adaptée à la mission, qui joue différence entre le nombre de grenades réelles lancées ou de tirs actuellement le rôle de simple élément du système d’armes antiblindés portatives par phases, deviendrait l’effort principal. exigé des unités qui s’entraînent au Canada dans le cadre d’exercices d’entraînement en campagne et le nombre de grenades retrouve depuis le peloton jusqu’à la maintenir ces aptitudes à un niveau qui lancées ou de tirs exigé des unités qui se demi-section et à l’équipe de tir, y n’exigerait pas d’évaluation de dernière préparent à un déploiement dans le compris le tir réel, constituent les minute. cadre d’une opération de soutien de la principaux éléments d’une instruction paix. À coup sûr, si une série de normes universelle préalable au déploiement Comme c’est le cas pour les normes d’aptitude au combat se justifie pour les dans le cadre de missions de soutien de individuelles d’aptitude au combat, le unités qui s’entraînent au Canada la paix. L’instruction collective en paradoxe entre le NCOM et le NCOD L Le capitaine A.J. Vivian groupes opérationnels et tactiques accroît la coopération toutes armes ainsi que la cohésion des sous-unités en plus d’instaurer une confiance latérale entre les formations à tous les niveaux de commandement. Il est tout à fait logique de s’entraîner en vue de scénarios de conflit d’intensité élevée lorsqu’on essaie d’imposer la paix dans un climat politique relativement instable et souvent belliqueux et hostile. Ce type d’entraînement de haute intensité se justifie pleinement lorsqu’on considère sa pertinence avant un déploiement en vue d’opérations de soutien de la paix. C’est plutôt l’absence d’une telle instruction continue pendant les cycles d’instruction courante des Forces canadiennes qui est illogique. 80 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre INSTRUCTION ADAPTÉE À LA MISSION D ans le cadre d’un programme révisé d’instruction préalable au déploiement, l’instruction adaptée à la mission, qui joue actuellement le rôle de simple élément du système par phases, deviendrait l’effort principal. Les exercices d’entraînement adaptés à la mission, dont le but serait d’illustrer de façon réaliste la géographie rurale et urbaine et d’intégrer les missions probables des unités et des sous-unités grâce à un cadre de participants entraînés, formeraient la base de la méthodologie de cette instruction. Cette méthodologie aurait pour but de faire acquérir la maîtrise d’un ensemble d’habiletés adaptées à la mission, unique aux opérations de soutien de la paix menées dans des climats géopolitiques bien précis. Selon le système proposé, le but de l’instruction adaptée à la mission demeurerait pour ainsi dire inchangé, c’est-à-dire préparer les unités à déployer à des tâches extrêmement spécialisées exécutées selon des méthodes de fonctionnement relativement complexes ou inconnues, dont les règles d’engagement. Une vision révisée de l’instruction adaptée à la mission facilitera une compréhension beaucoup plus approfondie des climats géopolitiques cibles et non seulement préparera mieux les commandants et les soldats à accomplir leur mission, mais leur permettra également de relever les défis propres à la région. Le nouveau système continuerait de reposer sur l’instruction donnée par le Centre de formation des Forces canadiennes pour le soutien de la paix (CFFCSP) pour ce qui est de la plupart des « cours intensifs » de type exposé portant sur la langue et les coutumes locales ainsi que sur la théorie relative aux règles d’engagement (RE). On Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 insisterait cependant davantage sur l’application pratique des procédures d’escalade de la force, sur les techniques de médiation et sur les campagnes d’opérations d’information au moyen d’exercices à « libre action ». Ces exercices d’un nouveau type pourraient également faciliter l’acquisition et le développement de compétences dans des domaines autrefois négligés qui demeurent néanmoins essentiels au succès des opérations de soutien de la paix, comme la confrontation des foules et la recherche du renseignement humain. Les exercices « à libre action », même si l’on reconnaît qu’ils exigent beaucoup de participants et d’arbitres, serviraient de transition entre le maintien continu de la capacité de guerre pour le déploiement et les opérations de soutien de la paix. Selon le nouveau programme, cette partie de l’instruction préalable au déploiement serait beaucoup plus longue qu’avec l’ancien modèle, mais elle serait encore beaucoup plus efficace. Une partie du temps gaspillé dans le cadre du programme actuel à donner une instruction redondante, inférieure aux normes et coûteuse (transition entre le NCOM et le NCOD) pourrait être employée à donner un entraînement plus efficace axé sur les exigences propres à la mission. C O N S I D É R AT I O N S A D M I N I S T R AT I V E S L es problèmes administratifs individuels associés au modèle actuel d’instruction préalable au déploiement sont, de loin, l’aspect le plus inexcusable et exigent une réforme immédiate. Selon le système actuel, les normes d’unité applicables à la capacité de déploiement administrative individuelle ne sont revues que lorsque l’unité est avisée qu’elle sera déployée dans le cadre d’une opération de soutien de la paix. Au lieu de concentrer toutes les ressources à l’acquisition d’un ensemble de compétences normalisées adaptées à la mission, l’effort principal porte sur la modification des dates des rendez-vous chez le dentiste, la vaccination de groupe et les démarches auprès du bureau des passeports pour qu’il délivre Quel est le rôle des Réserves? Un soldat du régiment The Queen’s Own Rifles of Canada de la compagnie de parachutistes, 3e Bataillon, The Royal Canadian Regiment, monte la garde auprès de l’aire d’attérissage d’hélicoptères au Camp Normandie, Tomislavgrad, en Bosnie-Herzégovine, en avril 2001. (gracieuseté de l’UPFC) des passeports individuels en l’absence de certificats de citoyenneté canadienne. Le fait que les unités négligent constamment de mettre en application des normes administratives individuelles nuit à l’état de préparation des unités, lequel dépend de l’état de préparation de son personnel. L’absence de mesures de contrôle courantes a donc contribué à faire dévier l’effort principal, lequel ne consiste plus à donner une instruction de qualité, mais à montrer à « cocher la case appropriée ». Avec un système préalable au déploiement révisé, toutes les formalités administratives liées à la déclaration de préparation opérationnelle du soldat auraient déjà été réglées et les documents seraient constamment mis à jour. Les formalités d’arrivée des nouveaux membres des unités incluraient une demande de passeport ainsi que tous les rendez-vous chez le dentiste et chez le médecin nécessaires en cas de déploiement. Un contrôle continu 81 L’instruction préalable au déploiement dans le cas d’opérations de soutien de la paix en ce qui concerne les aptitudes collectives à la guerre n’est désormais plus acceptable. Les unités doivent toujours s’entraîner de façon à pouvoir se déployer, à court préavis, dans n’importe quel climat politique, sans avoir à suivre une instruction préalable au déploiement inutilement longue. du niveau d’état de préparation délaisser l’instruction collective à la combat de la Force régulière. Le administratif individuel serait exercé guerre qui a été donnée dans un passé nombre limité de jours d’instruction par la mise en application de méthodes relativement récent lors d’exercices annuels des unités de la Réserve et la rigoureuses à suivre par le groupe d’entraînement en campagne. La partie taille relativement petite de ces unités d’aide au départ (GAD) qui se réunit de des fonds actuellement allouée aux ne leur permettent pas, en dépit de trois à quatre fois au cours du cycle unités pour une instruction redondante la meilleure volonté du monde, d’instruction annuelle. Tous les et inappropriée pourrait être réaffectée d’atteindre les niveaux d’aptitude requis de chaque soldat pour membres du personnel être en mesure de de l’unité seraient tenus …les Forces canadiennes ne s’intégrer directement d’assister à un certain à des groupements tacnombre de réunions des peuvent plus désormais justifier tiques interarmes opégroupes d’aide au départ le financement de programmes rationnellement prêts afin de s’assurer que de la Force régulière. leurs affaires sont en qui ne contribuent pas à l’état de Même si les soldats des ordre. Les documents, préparation opérationnelle. unités de soutien de comme le passeport et les la Force régulière carnets de vaccination, seraient annexés au dossier personnel et divisée entre toutes les unités tenues comptent suffisamment de journées du militaire. Dans l’éventualité d’un de maintenir ce haut niveau de d’instruction pour conserver l’état de préparation opérationnelle exigé, l’effort déploiement individuel ou collectif, il préparation. principal doit être axé sur l’état de préparsuffirait alors tout simplement d’obtenir Les sommes requises pour le ation opérationnelle dans leur rôle les dossiers pertinents du bureau d’administration de l’unité. Non maintien de l’état de préparation premier – qu’il s’agisse d’arpenter seulement ce contrôle continu de l’état opérationnelle pourraient, si nécessaire, et de construire de nouvelles pistes de préparation administratif individuel être augmentées aux dépens de d’atterrissage ou d’améliorer leur augmenterait-il l’état de préparation programmes non essentiels des Forces capacité de consolider et d’interpréter le opérationnelle des unités hiérarchiques, canadiennes car les Forces canadiennes renseignement. mais il permettrait également aux com- ne peuvent plus désormais justifier le Il faut, avant tout déploiement, mandants d’identifier les problèmes financement de programmes qui ne administratifs individuels de leur contribuent pas à l’état de préparation identifier suffisamment tôt le personnel personnel clé avant la réception de opérationnelle. Si les activités financées d’augmentation de la Réserve ainsi que l’ordre d’avertissement. Les commandants par les Forces canadiennes ne servent les membres des unités de la Force auraient alors le pouvoir de faire pas à atteindre ce but et à réaliser régulière qui ne sont pas capables de pression auprès des personnes concernées l’objectif ultime qui est de maintenir un maintenir un niveau élevé d’état de pour qu’elles assument la responsabilité niveau élevé de préparation opéra- préparation en matière de NIAC afin de qui leur incombe d’atteindre les normes tionnelle, ces activités doivent donc, les joindre à des unités des armes de administratives de base exigées pour un selon le nouveau système, être combat pour un entraînement collectif abandonnées au profit de notre mandat d’une durée suffisante pour permettre déploiement. opérationnel. On peut juger du leur pleine intégration. Pour les statut professionnel d’une armée à déploiements à court préavis, aucun FINANCEMENT l’engagement moral de ses chefs de membre de la Réserve ne pourrait être e nouveau système d’état de maintenir l’état de préparation opéra- appelé en renfort, sauf dans des cas préparation continu proposé est tionnelle promis au lieu de se lancer extrêmes (ce qui, indirectement, milite cependant limité par un facteur dans des aventures inutiles qui fortement en faveur de la dotation des important, soit le financement. En fait, n’améliorent pas sa capacité à déployer, unités aux niveaux appropriés dans le même mes jeunes contemporains se à court préavis, ses soldats et ses unités but d’atteindre un niveau plus élevé sont empressés de critiquer ce dans le cadre d’opérations de dif- d’état de préparation continu, peu importe les coupures que devront subir programme en affirmant qu’il avait été férentes intensités. les programmes financés par les Forces conçu dans un vide financier. Je canadiennes et qui ne sont pas prétends plutôt le contraire. En effet, F O R C E S D E R É S E RV E E T essentiels à la mission). les fonds auparavant utilisés pour U N I T É S D E S O U T I E N l’instruction redondante et coûteuse sur la norme individuelle d’aptitude au inalement, il faut examiner le rôle C O N C L U S I O N combat (NIAC) devraient être réalloués de la Réserve et des unités de service à un cycle d’instruction consacré au dans le nouveau système proposé. En l est absolument nécessaire de maintien d’un niveau de préparation vertu de ce système, les unités de la transformer le système encombrant et élevé, ce qui permettrait aux unités de Réserve et les unités de service seraient problématique d’instruction préalable au délaisser une instruction longue et absolument incapables de maintenir déploiement actuel en un système qui coûteuse (NIAC) pendant l’entraînement le même état de préparation opéra- non seulement améliore l’état général de préalable au déploiement et même de tionnelle constant que les armes de préparation opérationnelle des unités Le capitaine A.J. Vivian C F 82 I Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre régulières de l’Armée de terre, mais qui s’efforce également d’éliminer les ennuis personnels et la redondance. L’adoption d’une norme unique pour l’ensemble des compétences de guerre individuelles et collectives et l’engagement à maintenir l’état de préparation opérationnelle constituent les premières étapes vers une instruction préalable au déploiement plus courte et vers l’obtention simultanée d’une capacité opérationnelle améliorée. Un plus grand nombre d’exercices pratiques adaptés à la mission et exécutés avant le déploiement, voilà l’élément qui permettra de former des soldats mieux préparés à accomplir des missions propres à certains théâtres d’opération. Et, finalement, des mesures administratives suivies, méthodiques et méticuleuses assurant un état élevé de préparation personnelle formeraient la dernière étape de la création d’un nouveau modus operandi. Nul doute qu’un modèle d’instruction préalable au déploiement révisé, comme celui qui est proposé ici, serait extrêmement coûteux pour les programmes non essentiels financés par les Forces canadiennes. C’est une question de survie pour notre mission – il faut éliminer les programmes qui ne contribuent pas à l’état de préparation opérationnelle et accepter les limites de la Réserve, ou cesser d’être prêt. L’état de préparation opérationnelle et l’efficacité opérationnelle sont les fondements mêmes de l’efficacité militaire, et la présente proposition offre à l’Armée de terre du Canada l’occasion d’améliorer les deux. Le capitaine Vivian s’est enrôlé dans les Forces canadiennes au mois de juin 1993. Il détient un B.A. en études militaires et stratégiques du Collège militaire royal du Canada. Depuis sont enrôlement, il a occupé divers postes au sein du 2e Bataillon, Princess Patricia’s Canadian Light Infantry à Winnipeg (Manitoba). En janvier 2000, il a été chargé de former, d’entraîner et de commander un peloton de fusiliers mis sur pied spécifiquement pour servir avec le 3e Bataillon, Princess Patricia’s Canadian Light Infantry dans le cadre de la Rotation 6 de l’opération « Palladium ». Le présent article a été rédigé d’après les expériences vécues pendant cette période de service. À son retour au Canada, le capitaine Vivian a suivi le cours de mortier de niveau avancé et a ensuite été employé comme officier d’instruction du détachement arrière jusqu’au retour du 2e Bataillon, Princess Patricia’s Canadian Light Infantry de la Rotation 7 de l’opération « Palladium ». Le capitaine Vivian a été promu à son grade actuel au mois de mai 2001 et occupe actuellement le poste de commandant du peloton de mortiers du 2e Bataillon, Princess Patricia’s Canadian Light Infantry. Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 83 L’instruction préalable au déploiement dans le cas d’opérations de soutien de la paix À P R O P O S D E L’ A U T E U R … Le char : Le mot tabou de l’Armée de terre canadienne par le major Lee J. Hammond, CD INTRODUCTION D epuis mon arrivée au sein des Forces armées en 1986, j’ai entendu bon nombre d’officiers d’expérience de l’armée de terre affirmer avec confiance que le char était chose du passé et que notre actuel Leopard C2 est le dernier char qui sera en service au Canada. J’ai toujours cru que la plupart de ces officiers saisissaient mal le véritable potentiel du char. Malheureusement, au cours des dernières années, de nombreux indicateurs ont permis de croire que ces officiers avaient raison. Le plus important est venu en 1996, lorsqu’il était précisé dans le Plan de campagne de l’armée de terre 2000, que le « Leopard ne serait pas remplacé par un char lourd chenillé. Le CCP [char de combat principal] serait plutôt remplacé par un véhicule moderne de tir d’appui direct en complément du TTB [transport de troupes blindé] sur roues et du Coyote »1 . Le résultat de cet engagement a été le véhicule évolutif appelé véhicule blindé de combat (VBC). canadienne suivait cette option et perdait ses capacités en CCP, elle serait bien en voie de devenir une force constabulaire non combattante. Par ailleurs, je crois que la perte de la capacité en CCP au sein de l’armée de terre canadienne est largement attribuable à l’information erronée, au manque de compréhension des lacunes techniques du remplacement supposé (le VBC) et à un climat général où le char est diabolisé et est perçu comme une relique de la guerre froide, qui ne représente plus une arme convenant au champ de bataille moderne. À titre d’officier d’artillerie, je crois être en mesure d’aborder cette question de manière objective, mon unique préoccupation étant la capacité de combat globale de l’armée de terre canadienne plutôt que la courte vue des intérêts locaux. D’après mon expérience, les seuls défenseurs du CCP sont les membres du corps de l’Arme blindée qui, on s’en doute, sont considérés comme trop biaisés pour se prononcer. B U T E T P O RT É E LA PERCEPTION DU CHAR AU CANADA A u Canada, le char a occupé une place unique parmi tous les systèmes d’armes déployés par les forces armées canadiennes depuis l’ère Trudeau. Dans un pays où les bombes guidées au laser, les missiles Maverick et les missiles anti-navires Harpoon ont été acquis sans la moindre réaction, le char, au contraire, est perçu comme une arme offensive qui ne convenait qu’à la période de guerre froide. Nombreux sont ceux qui le décrivent comme une arme totalement hors de contexte compte tenu des besoins du monde moderne; il est vu comme un outil ne convenant pas à notre principale tâche de maintien de la paix. Un autre indicateur que les e présent document examine l’utiopposants du char utilisent désormais lité du char à titre de système pour justifier leur opinion est la récente initiative des Américains, l’équipe de d’arme crucial, nécessaire maintenant combat de brigade provisoire (ECBP), et pour l’avenir. Je commencerai par un qui sera équipée de diverses versions du résumé de la perception du char par le VBL (véhicule blindé léger) III, y Canada, laquelle a inspiré la rédaction compris une version armée En retournant dans de la pièce de tir direct …la perte de la capacité en CCP au le passé, il est important 105 mm. Bien que l’armée de se rappeler que notre de terre canadienne ait sein de l’armée de terre canadienne actuelle flotte de récemment interrompu le est largement attribuable à Leopard 1 a été achetée programme de VBC, en avec hésitation par le raison de nombreuses resl’information erronée gouvernement Trudeau; trictions qui seront préc’était le prix à payer cisées dans le présent pour nos liens économiques plus étroits de cet article. Suivra un bref examen de article, je crains que la nouvelle des ECBP américaines ne soulève à nouveau la nouvelle doctrine et de la place avec l’Europe2 . De plus, par les étranges des appels à la mise en service du VBL. qu’occupe le char dans la façon dont calculs propres à l’acquisition de À mon avis, si l’armée de terre nous combattrons. Les aspects tech- défense, plus de 500 chars Centurion L le major Lee J. Hammond, CD niques du char seront ensuite abordés, dans le cadre d’une discussion sur ce qu’il continue d’offrir au champ de bataille. Certains des arguments présentés pour justifier la raison de la non-pertinence du char comme arme du champ de bataille seront ensuite examinés. Le VBC, solution uniquement canadienne au besoin d’un véhicule semblable au char, sera aussi abordé. Le présent document se termine ensuite sur des recommandations relatives à la façon dont les ressources limitées devraient être investies pour permettre la conservation d’une capacité en CCP. 84 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre ont été remplacés par seulement 114 Leopard 1 pour nos forces en Allemagne. Le reste de l’Arme blindée a dû se contenter du Cougar. Ainsi, avec le retrait des forces de l’Allemagne, en 1992, la justification de l’armée de terre axée sur le maintien de la paix, pour l’emploi des chars, a été rejetée par de nombreux soi-disant experts en matière de défense. Jusqu’à récemment, même au sein de l’Armée de terre canadienne, le char était officiellement reconnu comme un outil de guerre d’une importance vitale. Par exemple, jusqu’en 1996, les projets de VBC et de chars étaient distincts et comportaient des exigences différentes, sous deux numéros de projet distincts4 . De plus, le besoin d’un véhicule de type char n’était pas remis en question à cette époque. D’après l’énoncé de besoin (EB) du VBC, « une capacité mobile, protégée, de tir direct, ou blindée, est un élément essentiel permettant de vaincre l’ennemi et d’assurer la sécurité de nos soldats par l’utilisation agressive de la puissance de feu et de la mobilité au champ de bataille »5 . Par ailleurs, dans le cadre des opérations autres que la guerre (OAG), le même EB indique que « l’armée de terre doit être en mesure de déployer une capacité blindée permettant de détecter et de vaincre les véhicules blindés des adversaires actuels et potentiels, de façon à ce que les équipes de combat toutes armes et les groupements tactiques puissent poursuivre leurs opérations avec succès et en sécurité »6 . Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 Avons-nous vraiment besoin de ceux-ci? (gracieuseté de l’UPFC) Il semble donc que les perceptions uniques du char nous aient poussés à adopter un véhicule plus acceptable aux plans politique et social, soit le VBC. À mon avis, l’armée de terre canadienne a pris la mauvaise voie. Les paragraphes qui suivent visent à souligner les raisons pour lesquelles le char demeure un meilleur choix de système d’arme « mobile, protégé, de tir direct », que le VBC7. NOTRE DOCTRINE DE GUERRE DE MANŒUVRE ET LE CHAR L es efforts des corps de l’Arme blindée et de l’Infanterie pour élaborer la doctrine applicable au nouveau Coyote illustrent bien que tous les projets d’acquisition d’équipement de l’armée de terre, par le passé, n’ont pas été mesurés en fonction du test de la doctrine. En toute justice, l’armée de terre traversait une période de changement radical touchant la doctrine pendant l’arrivée du Coyote. Ce n’est toutefois plus le cas. Nous nous sommes fermement établis à titre d’armée de terre de guerre de manœuvre. Ainsi, dans l’examen de l’utilité du char comparativement au VBC, nous sommes maintenant en mesure de comparer les caractéristiques de ces véhicules aux exigences de notre doctrine. Bien que l’examen détaillé de la guerre de manœuvre dépasse le cadre du présent article, il faut préciser qu’en raison de la guerre de manœuvre nous visons à atteindre certains objectifs. Des concepts comme l’exploitation des surfaces et couloirs ennemis, en attaquant sur ses points faibles, sont des éléments essentiels de la guerre de manœuvre. La préemption, la dislocation et la dissociation sont aussi des forces dynamiques fondamentales. L’atteinte des objectifs mentionnés plus haut nécessite donc un certain nombre d’éléments, dont les plus fondamentaux sont le fait de fixer puis, de frapper l’ennemi. Peu d’officiers ne partageraient pas l’opinion que le char est un élément central de la fonction de frappe en raison de sa capacité inhérente de frapper en mouvement. De plus, même si la guerre de manœuvre ne se limite pas au mouvement, le mouvement physique des forces en représente une importante partie. Dans son ouvrage intitulé Fighting by Minutes, Robert R. Leonard affirme que la force combattante se préoccupe constamment de trois activités intereliées : la protection, le mouvement et la frappe. Le char (et dans une mesure considérablement moindre, le VBC), possède ces trois capacités à la fois. Au plan de la doctrine, donc, le char est une solution logique dans une armée de terre ayant le caractère d’une force apte au combat qui utilise la guerre de manœuvre pour vaincre ses ennemis. Il existe d’autres aspects de la guerre de manœuvre qui doivent aussi être considérés dans l’examen de l’utilité du char. Encore une fois, 85 Le char : Le mot tabou de l’armée de terre canadienne Il est bien possible que bon nombre des perceptions sur le char au Canada, mentionnées plus haut, soient tout à fait incorrectes. On peut remettre en question son utilité ici, mais le reste du monde ne partage pas ces doutes. En fait, chaque armée de terre d’importance, en Europe, conserve le char comme système d’arme central. Plus encore, des pays comme la Suède, l’Espagne, l’Angleterre, la Turquie, la Grèce, Chypre, la France, l’Inde et le Pakistan, entre autres, ont tous acquis de nouveaux chars au cours des cinq dernières années3 . Sommes-nous donc la seule armée de terre du monde occidental qui ait raison de croire l’époque du char révolue? Leonard présente deux concepts d’importance. Le premier est le fait que les armées de terre effectuent leurs combats de deux manières distinctes : le combat de protection et le combat de dislocation. Le combat de protection est caractérisé par des combats entre systèmes semblables; en règle générale, les chars affrontent d’autres chars. Pendant le combat de dislocation, des combats entre systèmes non semblables ont lieu. C’est à ce moment que les chars peuvent détruire l’artillerie et les unités de logistique, ce qui mène à la défaite et, espère-t-on, à l’élimination de la force ennemie. L’examen de nombreuses batailles du passé révèle des preuves de ces concepts en Normandie, en Union soviétique et au MoyenOrient. Les importantes conclusions de cette discussion sont donc que, au plan de la doctrine, les chars canadiens (ou ce que nous avons pour les remplacer), sont nécessaires pour combattre les chars ennemis pendant la phase de protection du combat. Ainsi, à l’examen de notre doctrine, il est clair qu’un véhicule du type du char est très important pour la conduite des combats terrestres dans le contexte de la guerre de manœuvre. Les seules questions qui restent sont les suivantes : quelle devrait être l’apparence du véhicule et ces arguments posent-ils simplement la question du véhicule chenillé ou sur roues? La portée de cet argument est bien plus vaste qu’un simple système de suspension. Toutefois, avant d’entrer dans les détails de la comparaison des deux véhicules, il faut d’abord discuter des caractéristiques fondamentales du char. le major Lee J. Hammond, CD LE CHAR ET SES CARACTÉRISTIQUES L es Britanniques ont employé le char pour la première fois en 1917, pendant la Première Guerre mondiale. Depuis, le char réunit les trois caractéristiques fondamentales de la puissance de feu, la mobilité et la protection. La constante difficulté que doivent affronter les concepteurs de chars est l’équilibre de ces trois caractéristiques. Les compromis ont toujours été nécessaires. Depuis ses débuts, le char a toujours tendu vers le parfait équilibre. Par exemple, les chars 86 allemands qu’employait Rommel pendant les combats dans le désert africain offraient une excellente mobilité, une puissance de feu suffisante et une protection raisonnable. Les chars Sherman utilisés par le Canada offraient une excellente mobilité, mais une faible puissance de feu et une protection abyssale comparativement à leurs contreparties, le Tiger et le Panther. L’aspect le plus important de l’équilibre entre la puissance de feu, la mobilité et la protection est le fait que le concepteur ne parvient jamais à la perfection dans ces trois domaines. Du point de vue de la guerre de manœuvre, ce n’est pas vital. Des armées de terre parviennent à la victoire malgré les lacunes de la conception de leurs chars, grâce à un leadership audacieux et dynamique et à des opérations bien planifiées. Ainsi, les exigences en matière de puissance de feu d’un char canadien doivent être près de celles de ses opposants, mais il n’est pas nécessaire qu’elles les excèdent totalement. Il n’est pas nécessaire que le blindage d’un char canadien soit très épais si nos chars sont équipés d’armes dont la portée dépasse celles des chars ennemis. De plus, s’ils sont utilisés avec audace et dynamisme, les chars canadiens, grâce à une mobilité supérieure, peuvent compenser pour les lacunes du blindage. L’aspect le plus important est que la technologie n’est pas le facteur qui pèse le plus lourd dans la victoire de la guerre terrestre (à preuve, la victoire des Allemands sur les Français en 1940, même si ces derniers possédaient des forces plus vastes et mieux armées que les Allemands). Quoiqu’il en soit, l’impact de la qualité du char et sa contribution au combat sont sujets à certaines réserves. L’audace des actions et l’excellence du leadership n’auront plus d’importance, éventuellement, si les forces sont trop faibles au plan technologique. Par exemple, les Sherman alliés ont essuyé de lourdes pertes pendant les combats en Normandie, devant leurs contreparties allemandes. Les Allemands ont subi un choc semblable lorsqu’ils ont pour la première fois affronté le T-34 soviétique. Par ailleurs, même s’ils avaient été très bien menés, entraînés et motivés (ce qui n’était pas le cas!), les Iraqiens, avec leurs chars T-55, n’avaient aucune chance contre les M1 américains et les Challengers britanniques, largement supérieurs. Il existe donc un risque de se retrouver trop bas dans l’échelle des capacités technologiques des systèmes de combat. Les chars en opération aujourd’hui dans les armées du monde comprennent toutes les caractéristiques décrites plus haut. Ils offrent une meilleure mobilité et protection et une plus grande puissance de feu que jamais. Parce qu’ils demeurent un objectif très difficile à atteindre et détruire, ils constituent toujours la pierre angulaire de toutes les grandes armées de terre. Toutefois, au Canada, nombreux sont ceux qui croient que nous n’avons plus besoin des capacités qu’offre le char, puisque nous avons trouvé une meilleure façon de faire. Cette vision est fondée sur plusieurs des lacunes du char, présentées plus loin. ARGUMENTS CONTRE LE CHAR L es opposants au char présentent de nombreux arguments. Ceux-ci proviennent de chercheurs et d’officiers militaires professionnels, ainsi que de personnes moins bien informées. Pour les besoins de la cause, tous les arguments les plus fréquents seront abordés, même si certains d’entre eux paraissent évidents pour certains lecteurs. Le premier et le plus commun des arguments contre le char est le fait qu’il soit lourd et difficile à transporter. La variation la plus fréquente, sur ce thème, est que le Canada a besoin d’un véhicule transportable par la voie des airs qui peut être rapidement envoyé à nos missions de maintien de la paix à l’étranger. Ce raisonnement pourrait bien être la plus grande fausseté perpétuée au sein de l’armée de terre canadienne pendant les années 1980 et 1990. D’abord, le transport aérien n’est ni la méthode normale ni la méthode privilégiée pour déployer les véhicules blindés dans les points chauds du monde. Même dans l’EB du VBC, on précise que « le transport par la mer est la méthode habituelle de mouvement stratégique des ressources à l’échelle mondiale [et], si le déploiement aérien rapide du VBC dans un théâtre Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre L’un des secteurs où le poids du char a de l’importance est la limite en matière de mobilité tactique des très gros chars dans les théâtres comme l’ancienne république yougoslave et la Somalie. Cette question devient alors importante. Par exemple, les versions les plus récentes du M1A2 avec blindage d’uranium appauvri font plus de 70 tonnes, ce qui est clairement trop lourd. Sur la base de ce fait, les opposants au char concluent que la seule méthode de protection des chars du futur est un poids plus élevé. Cet argument n’est pas appuyé pour les raisons qui suivent. D’abord, il suppose que la seule amélioration possible du blindage tient dans l’utilisation de matériaux plus lourds. D’après les expériences passées du blindage composite, du blindage réactif et du char lui-même, on constate que les concepteurs de blindage trouvent toujours le moyen de vaincre les minutions antichar du jour. En fait, Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 ce combat se poursuit depuis les premiers jours du char. D’après une vielle maxime du monde de la conception des véhicules blindés, d’abord, il ne faut pas être vu; si on est vu, il ne faut pas être touché; si on est touché, il faut limiter les dommages. À cette étape du développement des chars, nous n’avons constaté une évolution que dans le blindage. À mon avis, les technologies comme la furtivité, la réduction de la signature (surtout la réduction thermique et radar), le camouflage plus efficace, les contremesures électroniques et les mesures de défense actives, permettront la protection du char tout en lui conservant un poids dans les limites de l’acceptable. De plus, comme il a été mentionné antérieurement au sujet de la doctrine de guerre de manœuvre, il n’est pas nécessaire de concevoir les chars pour contrer toutes les menaces possibles. Au Canada, la deuxième critique la plus commune relativement aux capacités du char est sa vulnérabilité à de nombreuses armes antichar modernes. Il est important de préciser ici que ces vulnérabilités sont reconnues. Bien sûr, cela a toujours été le cas. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, il existait toujours certaines armes, comme le 88 allemand, qui pouvaient avoir raison des chars. Toutefois, les chars n’ont pas pour autant été abandonnés. Par ailleurs, malgré les avances technologiques, le char demeure un objectif difficile à détruire. Si ce n’était pas le cas et si le char n’était pas une menace létale, les armées ne consacreraient sans doute pas tant de temps (et des sommes d’argent si élevées) au problème de leur destruction. L’arme antichar la plus dangereuse sous toutes ses formes (autre que les chars ennemis) est le missile antichar (MAC). Ces missiles, qui peuvent facilement détruire un char, peuvent être lancés par tous les moyens, du soldat débarqué aux véhicules blindés, jusqu’aux hélicoptères d’attaque. Toutefois, je crois que les MAC comportent des limites énormes qui affectent leur efficacité contre les chars. D’abord, la plupart des MAC prennent un temps considérable à atteindre leur cible, soit, dans le cas des missiles comme le TOW (engin filoguidé à poursuite optique lancé par tube), jusqu’à 18 secondes. Le char doit donc être exposé pendant une longue période pour permettre une attaque efficace. De plus, en raison du long temps de trajet, la plupart des systèmes MAC ont une cadence de tir très lente. Ainsi, dans le délai qu’il faut à un missile pour atteindre sa cible, les chars pourraient tirer quatre fois vers la position de MAC. De même, bon nombre des soi-disant avantages du MAC n’existent tout simplement pas dans la pratique. Par exemple, pendant des années, on m’a appris que le TOW, avec sa portée de 3 750 mètres, avait sur les chars l’avantage de la distance, puisque ces derniers engagent généralement leurs objectifs à deux kilomètres. Toutefois, pendant la guerre du Golfe, les chars Challenger britanniques ont réussi à attaquer des BMP10 équipés de MAC, à cinq kilomètres! Certains MAC, comme notre système d’arme antiaérien et antichar (ADATS), peuvent atteindre des cibles à huit kilomètres de distance. De plus, les plus récentes versions du missile antichar russe AT-16 Vikhr ont une portée diurne maximale allant jusqu’à 10 kilomètres (cinq km la nuit)11 . Quoiqu’il en soit, comment d’endroits permettent des tirs directs à huit kilomètres? À mon avis, très peu. Le plus gros inconvénient du MAC (même l’arme antichar à ligne de visée [LOSAT(, qui tire des missiles hyperrapides), est la vulnérabilité des platesformes de tir. L’infanterie débarquée, le véhicule blindé léger et les hélicoptères d’attaque sont tous extrêmement vulnérables au tir indirect et aux tirs provenant des chars. Cette vulnérabilité découle soit du manque de blindage, soit du manque de mobilité tactique, qui sont inférieurs à ceux du char. De plus, dans le cas de l’hélicoptère d’attaque, ce système d’arme est très vulnérable à tout type de système de défense antiaérienne (à preuve, le déploiement des Apaches au Kosovo a dû attendre jusqu’à ce que les forces terrestres soient en place). De même, les concepteurs de chars n’ont pas tenté de détruire le système de lancement en soi en fournissant une contre-mesure à l’hélicoptère d’attaque. Ils ont plutôt 87 Le char : Le mot tabou de l’armée de terre canadienne d’opérations est essentiel à la réussite de la mission, le Canada devra compter sur les services de transport d’une coalition ou sur des ressources civiles »8 . Les raisons sont les suivantes : même les forces aériennes les plus vastes ne suffisent pas pour déplacer un nombre important de véhicules blindés et leurs véhicules de soutien dans un théâtre d’opérations. Par exemple, le nouvel appareil de transport C17 Globemaster III ne peut transporter que cinq véhicules blindés de classe VBL 259 . Ainsi, avec le chiffre prudent de 150 véhicules pour un groupement tactique, il faudra 30 transports par C-17 pour mener un groupement tactique dans le théâtre. Cette estimation ne comprend même pas les approvisionnements dont le GT aurait besoin pour son soutien. Aucun groupement tactique canadien n’a jamais fait transporter par avion ses véhicules dans le théâtre, et cette possibilité est peu probable puisque cette capacité excède celles des forces aériennes les plus importantes. De plus, si le transport normal se fait par la mer, la différence en poids entre un CCP pleinement opérationnel et le VBC n’est pas un facteur. La principale leçon à tirer ici est que nos capacités de transport par la mer devraient être améliorées et non que nous ayons besoin d’un véhicule transportable par air. le major Lee J. Hammond, CD commencé à travailler en vue de vaincre l’arme de l’hélicoptère, le MAC, au moyen de systèmes de défense active et passive. Dans ce domaine, les armées de terre ne font que commencer à aborder la question des missiles hostiles, que nos collègues de la Marine et de la Force aérienne étudient depuis des décennies. Le MAC n’est donc pas la panacée qu’en font bon nombre de ses adeptes. S’il peut détruire les chars, ses platesformes de lancement sont très vulnérables au char lui-même et aux tactiques interarmes. Enfin, l’avènement des systèmes de défense et autres mesures passives vient menacer davantage l’efficacité des MAC. désuet dans le champ de bataille moderne. Il faut aussi souligner que si le char est vulnérable à l’une ou l’autre des technologies mentionnées plus haut, le VBC l’est encore davantage. Bon nombre d’opposants au char présentent aussi des arguments d’ordre politique. Ces arguments sont généralement liés à la notion que la Canada ne prendra probablement pas part à des combats terrestres sérieux. L’une des thèses associées est la suivante : si nous devions prendre part à des combats, nous devrions choisir un rôle de soutien et donc n’irions pas affronter l’ennemi au front. Pourtant, l’armée de terre canadienne, jusqu’ici, a toujours affirmé être une force apte au combat. Cela signifie que nous devons être en mesure de combattre. Il est très dangereux de tenir pour acquis que nous n’aurons pas à combattre du point de vue de la planification. Par exemple, qu’aurait fait le Canada si l’armée serbe n’avait pas quitté le Kosovo volontairement et si les forces terrestres avaient été appelées à l’en expulser? Croit-on vraiment que les Américains, les Britanniques et autres pays n’auraient pas attendu notre que nous avons, comme nous l’avons fait en Bosnie avec le Cougar. De l’aveu même de l’armée de terre, le « Cougar [n’a] pas été appelé à remplir des tâches de puissance de feu contre des systèmes d’arme de calibre moyen ou lourd, en présence desquels le risque d’échec de la mission et de pertes [aurait été] très élevé »13 . Si l’armée de terre canadienne abandonne ses chars au profit de rôles de combat à faible risque et joue un rôle secondaire, il faut en conclure que nous avons fait les premiers pas vers l’établissement d’une vaste force constabulaire. Un autre argument intéressant contre le char, celui-là présenté récemUne autre classe d’armes qui, de ment, est que l’urbanisation croissante l’avis de nombreuses personnes, pourdes champs de bataille potentiels à rait vaincre le char, est celle des l’échelle mondiale rend le terrain munitions à attaque verticale. Ces armes propice au char de plus en plus rare. Il ont des formes variées; elles comn’y a pas d’argument contre ce fait. Il est prennent les missiles à attaque verticale vrai que les chars ne disposent pas comme le BILL (Bofors Infantry Light souvent des avantages de la steppe russe and Lethal), le TOW IIA et le Hellfire, ou des déserts du Moyen-Orient. ainsi que les armes à éclats autoforgés Toutefois, à mon avis, le fait que le comme le SADARM (système d’arme de monde soit de plus en plus urbanisé détection et de destruction des blindés), renforce l’argument du char contre le BONUS (Bofors Nutating Shell) et celui du VBC plutôt que l’inverse. l’arme à mise à feu par D’abord, il ne doit faire capteur, qui sont livrés par aucun doute que les …aucune des technologies de l’artillerie et les aéronefs, combats urbains sont le destruction des chars ne l’a rendu respectivement. La victoire point fort de l’infanterie. sur ces types d’armes, Cependant, il arrive que fondamentalement désuet dans le simplement, signifierait l’infanterie ait besoin de champ de bataille moderne. l’ajout de poids aux chars l’appui très rapproché en augmentant leur d’une ressource de tir blindage sur le toit. Cette option est participation à une guerre dont direct comme le char. Il est vrai que le certainement possible, mais il existe personne ne voulait? Le Canada a déjà VBC, ou même l’obusier M109, pourrait d’autres contre-mesures techniques, été la cible de critiques, à de nom- en théorie remplir cette fonction, mais dont la plus évidente est le brouillage breuses occasions, de la part du ces deux véhicules sont beaucoup plus électronique des fusées au moyen d’un secrétaire général des Nations Unies et vulnérables aux armes antiblindé courte système comme le SHORTSTOP12 et, des États-Unis, pour ses dépenses de portée typiques des combats urbains, plus simple encore, l’utilisation de défense insuffisantes. La pression de que ce n’est le cas pour le char. Tous tactiques interarmes. La réponse à nos alliés en vue de participer à des ceux qui ont vu les BMP et les BTR l’attaque en profondeur de l’artillerie et opérations de combat serait intense en calcinés à Grozny savent que c’est vrai. Donc, compte tenu de l’urbanisation, le aux armes livrées par la voie des airs est cas de conflit. char est clairement le meilleur outil une bonne défense antiaérienne, le fait De plus, au sujet des arguments possible pour appuyer l’infanterie. d’abattre les drones de l’artillerie (aveuglant ainsi l’artillerie ennemie) et présentés plus haut, les armées de terre Avec l’avènement du Coyote et du la prévention des attaques par les du monde ont considérablement réduit aéronefs ennemis contre les unités leurs capacités, y compris les Amé- VBL III, arrive un nouvel argument blindées amies. Les réponses au MAC ricains. La probabilité que nos alliés contre le char; le Canada a besoin d’un BILL à attaque verticale sont le tir s’attendent à la contribution du Canada véhicule de tir d’appui sur roues pour indirect, le tir de suppression des chars s’en trouve donc augmentée. Il est donc suivre ces deux véhicules. Comme le et la rapidité de mouvement, ainsi que très peu probable que le Canada soit VBL III ne possède pas une mobilité l’appui de l’infanterie. Ainsi, aucune en mesure d’éviter des combats tactique comparable au char, le choix des technologies de destruction des d’importance dans une guerre future. Il logique est une flotte entièrement sur chars ne l’a rendu fondamentalement est plus probable que nous utilisions ce roues. Cet argument peu crédible est 88 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre unique au Canada. Pendant des décennies, l’armée de terre russe possédait des régiments de fusiliers motorisés équipés de BTR 60/70/80, qui n’avaient aucune difficulté à travailler avec les chars. De plus, l’armée de terre française ne considère pas que cet argument ait quelque mérite. Les plans actuels, au sein de l’armée de terre française, comprennent le remplacement du AMX (véhicule de combat de l’infanterie entièrement chenillé 10P), par un véhicule de combat d’infanterie sur roues 8x8, acheté pour fonctionner précisément avec le nouveau MBT Leclerc14 . Enfin, bien que le VBL III et le Coyote puissent parcourir 100 kilomètres à l’heure, on ne peut affirmer qu’ils progresseront à ce rythme en territoire hostile. Les déplacements à pareille vitesse devant l’ennemi seraient suicidaires, puisque toute mesure de prudence aurait été abandonnée. Le dernier argument contre le char est celui du coût. Nombreux sont ceux qui croient que ce facteur est le plus important pour notre armée de terre qui manque d’argent. Pour résumer cet argument, beaucoup d’officiers au sein de l’armée de terre et d’opposants au char en général, soutiennent que l’armée de terre canadienne n’a pas les moyens de s’offrir des chars. À ce sujet, mes arguments sont fondés sur les deux hypothèses fondamentales suivantes : • À titre de pays du G-8, le Canada, parmi les pays les plus riches de la planète, a les moyens de posséder une armée de terre comprenant trois régiments blindés pleinement équipés de CCP; • Notre budget de défense actuel nous permet d’y arriver. Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 Ces deux hypothèses reposent sur doit être mise de côté. La meilleure le fait que de nombreux pays ont étiré illustration est celle de notre propre bien plus loin leur budget de défense marine, qui parvient toujours à acquérir que le Canada. L’exemple récent le plus du nouvel équipement coûteux, évident, qui a été mentionné dans la pendant que l’armée de terre s’empêtre presse, est celui des forces armées dans les priorités. (Le plus récent australiennes. Le facteur de base de exemple est le projet de SeaSparrow l’atteinte du deuxième objectif est évolué, au coût de 500 millions de l’élimination du gaspillage et la dollars, pour nos frégates pratiquement concentration de nos ressources fiscales neuves). L’armée de terre, à titre sur les priorités, qui devraient d’institution, doit donc reconnaître comprendre les chars. Par exemple, on l’importance d’une capacité CCP, et manque rarement d’argent pour de chacun doit y mettre du sien. nouveaux bureaux, de nouveaux En ce qui concerne les aspects ordinateurs et pour l’aménagement paysager des bases. La construction de techniques de la comparaison du coût certains édifices comprend de magnifi- du VBC au char, les économies ne ques panneaux de bois et des seraient probablement pas signiaménagements complexes de brique de ficatives. Il est vrai que les coûts verre. À mon avis, nous sommes donc d’exploitation et d’entretien d’une loin d’avoir atteint la limite dans nos flotte de véhicules sur roues sont tentatives d’atteindre les ressources généralement moindres que ceux du fiscales nécessaires pour acquérir véhicule chenillé, mais le VBC sera d’importants systèmes de combat. équipé d’un système de tourelle Certains soutiendront que ces fonds sophistiqué comprenant un dispositif de proviennent de différentes enveloppes furtivité, des suites d’aide à la défense, la que les petites injections de cent mille conduite du tir diurne et nocturne et un dollars ici et là ne sont qu’une goutte système MAC. En matière de comd’eau. Pourtant, tout compte! De plus, posantes complexes et coûteuses, le si l’acquisition d’une capacité de VBC serait donc à 80 % comparable à la combat essentielle comme le CCP plupart des CCP les plus complexes. De devenait le Schwerpunkt de l’armée de plus, au chapitre des coûts à l’unité, le terre, nos comptables (en uniforme ou en …le Canada […] a les moyens civil), pourraient y arriver. Toutefois, de posséder une armée pour permettre de de terre comprenant trois parvenir à ce but, tous, au sein de l’arrégiments blindés pleinement mée de terre, doivent équipés de CCP mettre la main à la pâte et s’entendre sur le fait qu’il s’agit là de notre effort VBC ne sera probablement pas bon principal, jusqu’à ce que l’objectif soit marché. L’état-major responsable du pris. Ainsi, la courte vue des intérêts projet a précisé que les véhicules locaux qui subsiste souvent dans la pourraient coûter jusqu’à 5 millions de compétition que se livrent les dollars chacun, ce qui ne semble pas différentes branches de l’armée de terre impossible compte tenu de la date de 89 Le char : Le mot tabou de l’armée de terre canadienne Qu’est qui fait un bon terrain pour des chars de combat? (gracieuseté des Archives nationales du Canada) mise en service prévue pour 200615 . Donc, pour ce qui est des coûts les plus visibles, le VBC ne sera pas l’option la moins chère pour l’armée de terre canadienne. Par ailleurs, les coûts d’exploitation pourraient excéder dans certains cas ceux du CCP. Par exemple, le VBC devrait être équipé du MAC. Il ne fait aucun doute que cette option s’accompagnera de coûts d’instruction des équipages du VBC. Au lieu des obus d’instruction de 1500 dollars tirés par les CCP, les mêmes munitions devront être tirées par les VBC, EN PLUS de missiles de 100 000 dollars, à l’occasion. Enfin, le VBC, comparativement au CCP, produira de fausses économies évidentes s’il est un jour utilisé contre des forces équipées de CCP. Après tout, quelles seront les économies réalisées si un véhicule est éliminé la première fois qu’il doit affronter ses opposants? Comme il sera montré dans les paragraphes qui suivent, cette possibilité est certaine si le VBC est engagé au combat contre des chars. LE VÉHICULE BLINDÉ DE C O M B AT - L A S O L U T I O N D U CANADA le major Lee J. Hammond, CD A près examen de l’EB provisoire du VBC, il devrait être précisé que ce véhicule ne visait pas à remplacer le char. Toutefois, en raison de la décision de ne pas remplacer le Leopard par un autre char, le VBC pourrait devenir le char de facto de l’armée de terre canadienne dans le futur. Cette section vise donc à présenter les résultats de la recherche opérationnelle effectuée par l’armée de terre canadienne relativement à l’efficacité du VBC en remplacement du char. Dans le cadre de ces études, le VBC était comparé au char M1A2 dans des scénarios de guerre offensive et défensive (dans le contexte de la sécurité de flanc) contre un ennemi de la FORGEN équipé de T-80 et de BMP. Quinze tâches différentes d’un scénario d’opérations autres que la guerre (OAG) ont aussi été menées. Avant de discuter des résultats de ces essais, le récit du parcours du VBC serait indiqué. Le VBC vise à remplacer le Cougar, acheté comme simulateur de char en 1978. Il est à noter que le Cougar comportait davantage de limites que de capacités. Avec une mobilité tactique déficiente, très peu de 90 protection, un système de conduite du tir primitif et une arme insuffisante, le Cougar ne devait jamais être déployé à l’extérieur du Canada. Pourtant, « parce qu’aucun autre véhicule n’était disponible, il a été mis en service opérationnel à Oka, en Somalie et dans l’ancienne république yougoslave »16 . En raison de ces lacunes, le projet L2636 a été lancé en 1992, dans le but de remplacer le Cougar par un nouveau véhicule répondant mieux aux besoins des OAG, avec la date de mise en service visée de 2006, laquelle a été repoussée depuis17 . En combat de guerre, le VBC devrait convenir à « un nombre plus restreint de tâches blindées comme la protection des flancs, la sécurité de zone arrière et l’économie de la force »18. De plus, il était précisé dans l’EB du VBC qu’il s’agirait un véhicule blindé léger équipé d’une arme de 105 mm et qu’il était conçu pour affronter, au pire, le char russe T-72M119 . Le T-72M1 a été choisi parce qu’il est le plus « représentatif des limites supérieures applicables aux véhicules blindés des pays du Tiers Monde où l’armée de terre pourrait être déployée dans le cadre d’OAG »20 . Maintenant que l’historique du VBC et ce qu’il devrait accomplir pour l’armée de terre canadienne ont été exposés, les limites du VBC seront explorées par l’examen des trois catégories suivantes : puissance de feu, mobilité et protection. Les différences séparant le VBC du CCP moderne deviendront plus qu’évidentes. D’abord, au chapitre de la puissance de feu, le VBC doit être équipé d’une arme de 105 mm et d’un MAC longue portée. Sa cible principale est sensée être le T-72M1, ce qui est un choix étrange. On soutient que le T-72M1 sera probablement le char le plus fréquent dans les pays en voie de développement, mais les pessimistes pourraient croire que cette exigence est liée au fait que jamais la pièce de 120 mm n’a été montée sur un véhicule sur roues, et que cette cible est la plus imposante que peut affronter l’armement principal du VBC. De plus, avec une mise en service prévue pour 2006, le VBC est conçu pour abattre un objectif qui aura plus de 35 ans le jour de son arrivée et qui, en réalité, excède la puissance de feu du VBC. De même, lorsque le VBC sera retiré du service en 2030, l’objectif qu’il aura été conçu pour vaincre sera âgé de 65 ans! Les adeptes du VBC affirment que le MAC pourra affronter des chars plus modernes, comme le T-80 utilisé pour la recherche opérationnelle. Toutefois, cette solution est aussi mal appropriée, puisque ces mêmes chars sont équipés de MAC. Donc, au chapitre de la puissance de feu, le VBC est largement surclassé, non seulement par son objectif prévu, le T-72M1, mais aussi par l’actuel meneur en matière de ventes de chars russes, le T-80. À titre d’exemple, dans un scénario de recherche opérationnelle, quatre VBC avec protection additionnelle engagent deux T-80U de front. Les quatre VBC sont tous perdus, sans pertes pour les T-80U. Ce résultat est attribuable au fait que, même avec un blindage supplémentaire, le VBC possède une puissance de feu inférieure en raison du sabot 125 mm et des MAC du T-80U. Deuxièmement, en terme de mobilité, le VBC est surclassé par tous les CCP, dans tous les sens, au niveau tactique. De même, avec une performance en terrain vague de 45 environ, le VBC possède une mobilité tactique considérablement inférieure au VBL III, dont la performance en terrain vague est de 32 seulement21 . Dans le but d’en améliorer la mobilité tactique, on équipera le VBC d’un système central de gonflement des pneus qui permettra le roulage à plat. Cette caractéristique est souvent mentionnée comme la raison pour laquelle les VBC sont aussi efficaces que les véhicules chenillés. Toutefois, les adeptes du VBC sur roues omettent souvent de préciser que toute balle, munition de mortier ou fragment d’artillerie peut perforer les pneus. Si c’est le cas, le véhicule ne peut parcourir que 40 kilomètres avant qu’il soit nécessaire de remplacer les pneus. Le plus petit projectile peut donc faire du VBC une perte. Ce n’est pas le cas du char. Enfin, malgré les lacunes mentionnées plus haut, c’est en raison de sa protection blindée que le VBC n’atteint pas la norme minimale acceptable pour remplacer le char. Des commentateurs européens décrivent le VBL sur roues comme un outil de guerre acceptable « pourvu qu’il Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre de manœuvrer devant l’ennemi. Dans les cas où c’était possible, il était détruit »29. De plus, le VBC a subi de 1,7 à 3,1 fois plus de pertes pendant les scénarios de Il est donc très douteux que le VBC soit un bon choix pour l’armée de terre canadienne… l’employer dans ce type d’environnement. De plus, les experts s’entendent généralement sur le poids pratique limite de 32 tonnes au-delà duquel tout véhicule sur roues devient si lourd que sa mobilité tactique est perdue23 . Le VBC aura donc toujours un potentiel de protection blindé inférieur à celui de ses opposants chenillés. D’après notre propre recherche opérationnelle, le VBC « ne pourrait transporter la quantité de blindage nécessaire pour le protéger contre les armes [des T-80 et BMP 2] »24 . La munition réglementaire de 105 mm à énergie cinétique n’est pas venue à bout du blindage frontal des chars de classe T-8025 . Le MAC était donc l’option privilégiée. L’ajout d’un missile guidé n’était pas considéré, cependant, comme suffisant pour « vaincre la vulnérabilité générale du VBC au champ de bataille. »26 Pour ces motifs, «en conséquence des pertes plus élevées [en défense et à l’attaque], les groupement tactiques de VBC [ont été] considérés comme inefficaces au combat »27 après un seul engagement pendant les essais de la recherche opérationnelle. Encore plus dérangeant, pour ce qui est de sa raison d’être, – les OAG– le VBC était considéré supérieur au M1A1 dans seulement quatre des quinze tâches éprouvées, alors que le M1A2 était considéré comme un outil supérieur dans neuf d’entre elles28 . Il est donc très douteux que le VBC soit un bon choix pour l’armée de terre canadienne, même s’il ne devait remplir que son rôle prévu d’OAG. L’une des tâches de combat de guerre était la défense de flanc, que le VBC devrait pouvoir permettre de remplir. En ce qui concerne notre doctrine de guerre de manœuvre, le VBC est aussi arrivé à l’échec. Bref, « le VBC ne permettait pas Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 recherche, comparativement au CCP moderne comme le M1A2 américain30 . Une fois détecté, « le manque de protection blindée rendait le VBC extrêmement vulnérable au tir direct et indirect, de toute portée et de tout aspect. Il ne pouvait manœuvrer en présence de l’ennemi et offrait donc peu de capacité de contrer l’attaque et d’effectuer une manœuvre de blocage »32. À l’examen de la performance du VBC aux essais opérationnels, il est donc clair que le CCP moderne est largement supérieur en opérations de guerre et en OAG. Le VBC pouvait détruire l’ennemi, mais les pertes canadiennes étaient jusqu’à trois fois plus élevées que dans le cas d’une force équipée de M1. Par ailleurs, l’utilisation audacieuse et dynamique du VBC s’est révélée totalement impraticable et peut-être même suicidaire. Les seuls engagements réussis étaient les tactiques d’embuscade qu’il puisse être transporté par C-130, alors qu’il est essentiel qu’il convienne aux appareils C-141 et C533 . Quoiqu’il en soit, ces quelques avantages du VBC sur le CCP ne l’emportent certainement pas sur le fait que le CCP est un outil supérieur dans pratiquement toutes les catégories, en plus de permettre la survie d’un plus grand nombre de Canadiens que ne le ferait le VBC. Compte tenu des arguments mentionnés plus haut, le lecteur pourrait s’interroger sur les raisons qui ont poussé les Américains à emprunter la voie du VBL pour leur ECBP. Un récent article du Jane’s Defence Weekly sur cette question présentait un véhicule ressemblant de très près au VBC. Pourtant, dans l’examen des mesures adoptées par les Américains, il faut tenir compte du contexte dans son ensemble. Par exemple, les Américains constitueront trois ECBP, mais ils auront toujours des divisions lourdes capables de combats hautement intensifs. De plus, les ECBP aident à combler une importante lacune touchant les capacités des Américains. Jusqu’à la formation des ECBP, les commandants américains n’avaient le choix qu’entre les divisions lourdes équipées de véhicules chenillés et les divisions légères/aéromobiles/ aéroportées, lesquelles n’étaient pas faciles à déplacer rapidement vers l’étranger en raison du grand nombre …il faut reconnaître nos profonds besoins dans un domaine vital pour notre aptitude à mettre en œuvre notre propre doctrine de guerre de manœuvre. courte portée qui augmentaient nos propres pertes. Le VBC doit donc être considéré comme un outil qui ne convient aucunement à notre propre doctrine, dans laquelle le mouvement tient un rôle essentiel. d’hélicoptères dont elles avaient besoin (en plus de leur énorme charge administrative) et de leur manque de puissance de feu de bas niveau (section et peloton). Les ECBP sont donc un compromis entre ces deux capacités. En toute justice, malgré les lacunes critiques mentionnées plus haut, le VBC comporte certains avantages comparativement au CCP. Il offre une plus grande mobilité opérationnelle et des coûts d’exploitation inférieurs32 . De plus, le VBC est transportable par air, même si d’après l’EB, il est souhaitable Il faut ajouter que le nom même de ces nouvelles formations, appelées équipes de combat de brigade PROVISOIRE, permet de croire que les Américains ont d’autres projets bien plus vastes. Bon nombre de ces projets sont fondés sur un concept appelé le Système de combat du futur (SCF). 91 Le char : Le mot tabou de l’armée de terre canadienne demeure à l’extérieur de la zone de tir direct »22 . Toutefois, comme le VBC est une arme de tir direct d’appui, le Canada a l’intention claire de Pour l’instant, on voit dans ce système le remplacement des capacités lourdes des divisions lourdes, par un système qui serait tout de même assez léger pour permettre un déploiement rapide outre-mer. Les unités clés qui feront les nouvelles technologies de blindage qui seront mises au point dans le futur; mentionné antérieurement, nous avons de fortes raisons d’abandonner le VBC et d’accroître la flotte de CCP aux dépens du premier. Il est donc recommandé que les plans d’action suivants soient adoptés : …toutes les grandes armées du monde continuent d’investir dans le char. l’essai de ces concepts sont les ECBP; ces formations sont considérées en quelque sorte comme expérimentales. De plus, le concept de SCF, pour l’instant, est universel et très vaste. Il ne remplace pas, en soi, la plate-forme du char, mais il offre plutôt une gamme complète de capacités, comme des drones, des missiles de tir direct et indirect et autres capteurs, tous étant réunis en un système. Il importe de comprendre qu’à l’heure actuelle, le SCF est un concept et une expérience plutôt qu’un outil qui sera mis en service pour de nombreuses années à venir. L A S I T U AT I O N A C T U E L L E le major Lee J. Hammond, CD A vec la décision de ralentir le projet de VBC, peut-être afin de surveiller les développements du SCF, l’armée de terre canadienne présente maintenant une importante lacune en matière de puissance de feu. L’augmentation négligeable de la capacité que même le VBC aurait offert ne nous serait arrivée qu’en 2006. Ce délai repousse encore le véritable remplacement du Cougar, et peut-être du Leopard. Le corps de l’Arme blindée s’efforce de demeurer pertinent en menant avec compétence le projet d’amélioration du Leopard, mais il faut reconnaître nos profonds besoins dans un domaine vital pour notre aptitude à mettre en œuvre notre propre doctrine de guerre de manœuvre. Bien que la Force aérienne et la Marine aient aussi leurs problèmes, à mon avis, aucune d’entre elles n’est aussi loin que l’armée de terre de ses capacité essentielles minimales. R E C O M M A N D AT I O N S L e Canada doit, tout au moins, conserver son niveau minimal actuel en CCP. Comme il a été 92 • • Poursuivre l’amélioration de la flotte de Leopard C1 pour atteindre la norme C2. Moyennant des frais relativement peu élevés, ces chars peuvent continuer à servir, non seulement aux fins d’instruction, mais aussi en temps de guerre, à titre d’excellents outils dans les tâches de poursuite et d’exploitation et pendant la phase de dislocation du combat; Abandonner complètement le concept du VBC. Avec les 500 millions à 1 milliard de dollars qui seraient consacrés à ce projet, faire l’acquisition d’au moins trois escadrons supplémentaires de CCP modernes. Dans l’accomplissement de cet objectif, les options suivantes devraient être considérées : • Acheter des Leopard II ou des M1 usagés et les améliorer avec le temps, à mesure que les fonds seront disponibles. Bon nombre des chars sont offerts sur le marchés et pourraient être acquis pour des montants inférieurs au coût du nouveau VBC; ou • Acheter des chars Leclerc français. Son système de blindage modulaire et léger semble convenir particulièrement bien à la doctrine canadienne et à son emploi dans les théâtres où les limites de poids tactiques sont très importantes. De plus, le concept de blindage modulaire permet un transport stratégique et opérationnel plus facile en raison des options de blindage propre à la mission, tout comme • Réassigner la tâche d’escorte de convoi pendant les OAG aux sous-unités équipées de VBL III et de Coyote; • Éliminer le Cougar puisque ses capacités sont si limitées qu’elles ont plus de poids que les avantages au plan de l’instruction qu’il peut offrir à la Réserve. CONCLUSION L e présent document visait à présenter les nombreuses raisons qui font que les opposants au char croient que ce système d’arme n’est plus convenable ou pertinent. Beaucoup des opinions exprimées pour réfuter ces arguments contre l’avenir du char sont uniques au Canada et reposent sur des arguments hautement erronés. L’Inde a récemment acheté 225 CCP T90S et le Pakistan, 320 T-80UD.34 Il est clair que ces pays, et bien d’autres, croient que le futur de la guerre terrestre comprend le char comme élément central de leurs armées. L’idée du Canada (le VBC) est clairement un échec fondé sur des arguments faibles visant à justifier son existence. Des véhicules semblables adoptés par l’armée de terre américaine servent à remplir un rôle précis et expérimental pendant que le développement du SCF se poursuit. L’armée de terre canadienne croit que sa contribution à des opérations de coalition serait mieux remplie par un organisme semblable à l’ECBP, mais il est important que chaque système d’arme de ce concept permette d’accomplir réellement les missions qui lui sont assignées. À mon avis, le VBC n’y arrive pas. De plus, toutes les grandes armées du monde continuent d’investir dans le char. Le développement du VBC est davantage lié à des considérations politiques qu’à l’efficacité militaire. Par ailleurs, du point de vue de la doctrine, le VBC n’est pas un choix logique. Il est « incapable de générer la masse et l’action de choc du régiment blindé équipé de CCP [et] il n’est pas considéré comme un remplacement approprié pour le char de combat Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre conscient de ses limites, en remplacement du CCP, pour les combats de guerre, serait répréhensible au plan moral et éthique et mènerait à la défaite »37. À P R O P O S D E L’ A U T E U R … Le major Lee Hammond a obtenu un B.A. en études politiques de l’université du Manitoba. Il a servi à titre d’instructeur d’artillerie, de capitaine-adjudant et d’officier d’instruction à l’École de l’Artillerie et à titre d’officier de poste de commandement régimentaire au 2nd Regiment Royal Canadian Horse Artillery. Finissant du cours de Ranger de l’armée américaine, le major Hammond a servi à titre d’artilleur aéroporté au sein de la Batterie E (Para) auprès du Centre de parachutisme militaire du Canada ainsi qu’à l’étranger, comme inspecteur de missiles en Iraq. Le major Hammond est actuellement commandant de la Batterie E du 2nd Regiment Royal Canadian Horse Artillery NOTES 1. 3552-22243 (DGOR/DOR [J&L]) Rapport du projet de la Division de recherche opérationnelle (DRO) 9817, 23 février 1999, Sommaire exécutif, p. ii. 2. Dans un effort visant à faire contrepoids à la dépendance croissante des exportateurs canadiens à l’égard des États-Unis, le Premier ministre Trudeau poursuivit ce qu’il appela la Troisième option. En vertu de ce plan, le gouvernement canadien s’efforçait d’augmenter ses liens commerciaux avec l’Union économique européenne. Le Canada devait payer cette augmentation des échanges commerciaux par un engagement accru auprès de l’OTAN, par l’achat concret de chars Leopard 1 de l’Allemagne de l’Ouest. 3. Depuis les deux dernières années, le périodique Jane’s Defence Weekly est rempli d’annonces de l’achat de nouveaux CCP par les pays en question. 4. DRO, p. 1. 5. Ébauche 4.0 (13 avril 99) Énoncé de besoin (EB) DSP 00002636, NO PSD 00002636, Véhicule blindé de combat, p. 1. 6. EB, p. 1. 7. Ébauche 4.0 (13 avril 99) Énoncé de besoin DSP 00002636, NO PSD 00002636 Véhicule blindé de combat, p. 1. 8. EB, notes 47 et 49. 9. Jane’s International Defense Review, Vol. 32, avril 1999. Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 10. Véhicule de combat d’infanterie russe. Jane’s Defence Glossary (en ligne( Tiré de fttp://www.janes.com/defence/glossary/. 11. Jane’s Defence Weekly, Vol. 31, 14 avril 1999. 12. Le SHORTSTOP est un système qui absorbe les émissions radar d’une explosion aérienne de fusée de proximité et les retransmet au projectile avec une force amplifiée, ce qui fait exploser l’obus prématurément au-dessus de la hauteur d’explosion optimale. 13. EB, p. 1. 14. Jane’s Defence Weekly, Vol. 31, 31 mars 1999. 15. Estimation très approximative de l’OP VBL, Lcol Carruthers, à l’occasion d’une discussion suivant une présentation à Gagetown en 1999. 16. EB, p. 1. 17. DRO, p. 1. 18. EB, p. 1. 19. DRO p. 1 et EB p. 6. 20. EB, note 12, A-2. 21. EB, p. 21 et A-4. 22. Jane’s International Defense Review, Vol. 32, mars 1999. 23. Jane’s International Defense Review, Vol. 32, mars 1999. 24. DRO, Sommaire exécutif, p. iii. 25. DRO, Sommaire exécutif, p. iv. 26. DRO, Sommaire exécutif, p. iv. 27. DRO, p. 40. 28. DRO, p. 39. Les tâches pour lesquelles le VBC était considéré comme un système préférable étaient : mener une escorte de convoi, fournir des PO embarqués et débarqués, fournir une patrouille embarquée et contribuer à une force d’intervention rapide. Le M1A2 était considéré comme étant supérieur dans les tâches suivantes : faire preuve de résolution, défendre avec d’autres troupes, mener une défense improvisée, fournir des tirs d’appui à un point de vérification, établir un barrage routier, effectuer une attaque improvisée, fournir des tirs directs d’appui à l’infanterie à l’attaque, réduire des centres de résistance, des bunkers, des tranchers et protéger un itinéraire. 29. DRO, Sommaire exécutif, p. ii. 30. DRO, Sommaire exécutif, p. iii. 31. DRO, p. 19. 32. EB, p. 12. 33. EB, p. 23. 34. Jane’s Defence Weekly, Vol. 31, 14 avril 1999. 35. DRO, p. 41. 36. DRO, Sommaire exécutif, p. iv. 37. DRO, Sommaire exécutif, p. iv. 93 Le char : Le mot tabou de l’armée de terre canadienne principal »35 . En fait, le VBC « ne peut être utilisé avec audace et agressivité dans les situations de combat de guerre »36 . Enfin, « le fait d’acquérir délibérément le VBC, tout en étant Problèmes tactiques « Choix de l’objectif » par Tacite Situation : Vous commandez un groupebrigade d’infanterie mécanisée. Vous ne savez rien de l’ennemi, sauf ce que vous voyez ici. La rivière, qui mesure 400 mètres de largeur, n’est pas guéable. Tâche : Votre supérieur veut que vous franchissiez la rivière et que vous preniez le village d’ADORF, car il commande le réseau routier. Problème : Vous devez préparer un ordre d’avertissement et l’envoyer à vos commandants. Quelle sera votre mission probable? Notre vieil ami Tacite est depuis quelque temps absent. Il nous revient avec un problème moins simple qu’il ne le semble. Le choix d’une mission est souvent irréfléchi, car beaucoup jugent que la mission est manifeste. Parfois, ce qui est manifeste n’est pas aussi évident qu’il n’y paraît de prime abord. 1. Un franchissement d’assaut d’une coupure humide? 2. Une attaque du village? 3. Une mission d’un autre type? Critique : Quel que soit votre choix, la clé sera votre aptitude à expliquer pourquoi vous avez choisi cette mission en particulier. Une note au sujet de la rubrique « Problèmes tactiques »… À Problèmes tactiques la suite de requêtes venant de la force de campagne, nous avons introduit la rubrique « Problèmes tactiques » dans le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre, volume 3, numéro 2 (été 2000). Notre objectif était, et reste encore, de fournir une tribune qui suscite la discussion, voire des débats, au niveau de l’unité ou dans les pages du Bulletin. On vous encourage donc à offrir des solutions qui seront publiées dans les prochains numéros. Nous attendons votre contribution avec impatience. 94 Critère : Préparez un ordre d’avertissement et expliquez en moins de 200 mots pourquoi vous avez choisi cette mission. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Tribune libre Commentaires, opinions et contestations Prise de conscience du nouvel ordre mondial De l’urgence de transformer les Forces canadiennes. Le sergent Arthur Majoor du quartier général du 31 e Groupe-brigade du Canada écrit ce qui suit. prolongées ici et à l’étranger. Le choix auquel nous sommes confrontés aujourd’hui n’est plus celui de décider si oui ou non nous allons ajouter des armes antimissiles et des contreterroristes à notre structure de force, mais plutôt celui de déterminer combien de l’un et de l’autre nous allons ajouter à nos forces conventionnelles. Nous devons apporter rapidement d’importants changements à notre situation actuelle, si nous voulons être en mesure d’affronter pareils dangers. En même temps, nous ne devons pas oublier les autres dangers qui nous menacent. Les points chauds de la terre n’ont pas changé et il se pourrait même qu’ils s’embrasent à nouveau dans la foulée des événements du 11 septembre dernier. Certains pourraient être tentés de profiter de notre distraction ou encore chercher à nous entraîner dans leurs conflits, en échange de leur appui à la lutte de l’alliance occidentale contre le terrorisme. Les pays non occidentaux tentent en ce moment d’accroître leur puissance militaire de façon à se retrouver sur un pied d’égalité avec l’alliance occidentale. Le Canada et les intérêts canadiens sont menacés par un éventail de dangers, qui vont des attaques de missiles à longue portée aux campagnes de terrorisme INSTRUCTION L Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 Nous pouvons dès aujourd’hui entreprendre des changements qui nous permettront de relever ces défis. D’autres changements nécessiteront temps et préparation, ainsi qu’un effort bien visible de sensibiliser le public et le Parlement à la nécessité de fournir les outils et les ressources exigés. N ous devons procéder en premier lieu à une révision de nos programmes d’instruction. Nous devons remplacer la formation plutôt minimaliste à laquelle sont soumis les candidats à leur passage à l’École des langues et des recrues des Forces canadiennes (ELRFC), ou au cours de stages d’instruction collective offerts l’été dans des endroits tels que le Centre d’instruction et de soutien de la Milice Meaford (CISM Meaford), par une formation exigeante à la fois physiquement et mentalement. Un des buts de l’attaque terroriste du 11 septembre était de jeter les forces occidentales dans un état de choc et de les amener à se sentir dépassées par l’ampleur de l’attaque. Il se peut que nos forces armées se retrouvent un jour sur la ligne de front d’un événement du même genre. Pour cette raison, elles ont besoin d’une formation qui les endurcisse contre le choc et la fatigue, afin de pouvoir continuer à fonctionner de manière efficace dans de telles circonstances. Un programme d’entraînement rigoureux semblable au programme Outward Bound constitue le plus strict minimum. Un tel programme est axé sur le perfectionnement individuel et le travail en équipe. De plus, il faut sans cesse soumettre nos soldats à des drills de combat et de survie afin que ces aptitudes deviennent un réflexe naturel chez eux. Les soldats doivent apprendre à réagir rapidement et avec précision dans des situations et des environnements complexes. Ils ont également besoin de savoir déceler des menaces potentielles et comment passer à l’attaque sans qu’ils aient à recevoir de nombreuses directives. Ce type d’entraînement doit se poursuivre tout au long de la carrière du soldat. Il n’est pas acceptable qu’un caporal puisse réussir le cours de chef subalterne en n’ayant mené qu’une seule attaque de section, comme ce fut le cas avec les caporaux envoyés à Meaford l’été de 2001. De plus, comme le nouveau cours de chef subalterne ne prévoit qu’un module de 11 jours en campagne, il est difficile de concevoir que les candidats qui suivent ce cours puissent accomplir davantage. Un module d’une plus grande durée sur le terrain et qui propose sans cesse des défis à relever devrait être conçu pour le remplacer. Il nous faut également augmenter le personnel et les ressources affectées à l’instruction. Qu’une seule personne soit responsable d’une section de 20 95 Tribune libre e 11 septembre 2001, le monde entier a vu naître une nouvelle façon de mener la guerre. Les attaquants, vivant semble-t-il sous une fausse identité en Occident, avaient été entraînés et appuyés en Afghanistan par une armée de guerriers dépossédés. Leur but ultime, c’était le renversement de la société occidentale. Ce que nous avons vu ce jour-là réunissait en un seul scénario les pires cauchemars des Martin Van Crevald1 , Ralph Peters2 et Douglas Waller3 . Les Forces canadiennes (FC) sont alors passées en état d’alerte plus élevé, mais la réaction avait quelque chose d’irréel. Nous n’étions ni entraînés ni équipés pour faire face à un tel scénario, sauf de la façon la plus limitée qui soit. personnes, comme à l’ELRFC, ou d’une section de 15 personnes, comme au CIS Meaford, est gage d’une instruction de niveau peu élevé4 . Même le meilleur instructeur aura beaucoup de difficulté à respecter les normes en matière d’instruction, s’il ne peut accorder à chaque candidat qu’une minute ou moins de son temps par période. La situation s’aggrave en raison d’un manque de matériel d’entraînement, ce qui a pour effet de réduire le montant de temps dont dispose un candidat pour acquérir une formation pratique. Commentaires, opinions et contestations Bien qu’on ait raison de se préoccuper de la réduction des effectifs des FC, il faut se rendre à l’évidence qu’un nombre élevé de soldats mal entraînés ajoutent peu à notre efficacité. Une instruction de base qui forme et qui prépare bien les soldats à remplir leurs responsabilités dégage les unités sur le terrain de cette tâche et leur donne la liberté de se consacrer à des activités d’entraînement plus avancées. On ne devrait pas avoir à consacrer quatre mois à préparer les soldats d’un groupement tactique pour une tournée de six mois outre-mer. En plus de former une nouvelle génération de soldats qui seront plus endurcis que ceux qui les ont précédés, nous devons également préparer les soldats qui font déjà partie des FC à s’adapter à la nouvelle conjoncture mondiale. Nous devrons repenser les vieux arguments qui opposent « un entraînement en prévision de guerre » à un « entraînement pour le maintien de la paix et d’autres opérations spéciales ». Bien que l’instruction individuelle et collective doive être aussi exigeante que possible, il nous faudra peut-être en modifier le type et le but. Étant donné qu’il est difficile de prévoir le genre de champ de bataille sur lequel les troupes canadiennes pourraient être déployées et qu’il est impossible de former nos soldats à faire face à toute éventualité imaginable, l’instruction devrait être axée sur des activités qui favorisent le travail en équipe dans un environnement militaire. On devrait proposer aux soldats des situations de plus en plus difficiles à affronter, afin qu’ils s’habituent à résoudre des problèmes, tout en les exerçant aux drills de combat et à l’acquisition 96 d’aptitudes de survie. « S’entraîner pour la guerre » devrait comprendre le développement d’une souplesse d’esprit et d’adaptation à la base même de la formation d’un soldat. C’est sur cette fondation que viendrait se greffer, au besoin, l’acquisition d’aptitudes à s’occuper de tâches précises. INFRASTRUCTURE L es terroristes se sont attaqués à deux des symboles de la puissance américaine, le World Trade Center, à New York, et le Pentagone, à Washington. Les attaques ont été conçues de façon à infliger le plus de dommages physiques possible, et au moment où j’écris ces lignes 6 000 personnes, environ, sont portées disparues et présumées mortes à New York. Notre infrastructure militaire est surtout concentrée dans un petit nombre de superbases, selon un plan ayant pour objectif de réduire les coûts de fonctionnement courants. Une attaque directe contre l’une de ces superbases infligerait d’un seul coup des dommages à une grande partie de nos forces. De plus, dans le cas d’une attaque à grande échelle, les opérations et l’aide militaires pourraient être entravées par un goulot d’étranglement intentionnel des routes entre la superbase et le lieu de l’attaque, ce qui aurait pour résultat d’amplifier les effets d’une action terroriste contre de grands centres métropolitains tels que Toronto et Calgary. Afin d’assurer la protection de nos forces armées et de pouvoir réagir rapidement en cas d’attaque, les unités des FC doivent être dispersées de leurs lieux de concentration actuelle. À court terme, elles peuvent être réinstallées dans les anciennes bases militaires et les manèges militaires désaffectés, ou encore dans des parcs industriels et des entrepôts, jusqu’à ce qu’on puisse trouver des locaux modernes plus convenables pour les loger. En relogeant les unités dans les manèges militaires, des liens plus étroits peuvent être établis entre les diverses unités de la Réserve et leurs homologues de la Force régulière. Cela permettrait aux réservistes de bénéficier d’une meilleure formation et aux unités de la Force régulière d’acquérir une plus grande flexibilité au contact d’habiletés de nature autre que militaire que les réservistes ont acquises dans leur vie de civil. La dispersion des services de logistique et de communication va de pair avec la dispersion des unités. La logistique, particulièrement celle qui a trait aux différents modes de prestation des services (DMPS), doit être examinée de près afin de voir comment elle influe sur la sécurité et si elle est structurée de façon à répondre à une demande de capacité accrue inattendue. Alors qu’une logistique du « juste-à-temps » a de la valeur dans le monde des affaires, les FC fonctionnent dans un environnement du « juste-aucas-où ». On pourrait faire appel à des fournisseurs de services de logistique, pourvu que l’on puisse compter sur un service de logistique militaire revitalisé servant d’intermédiaire entre ces fournisseurs et les forces sur le terrain. Les communications, particulièrement celles qui font appel à la technologie de l’information, constituent également un point faible de notre infrastructure. Les FC ont opté pour les produits Microsoft, mais la communauté des pirates informatiques a mis en évidence et exploité les failles qui existent dans toutes les gammes de produits Microsoft : Windows, Internet Explorer, Office, Outlook, Exchange et Internet Information Service (IIS). À mesure que les programmes de piratage se multiplient dans Internet et que les gens se familiarisent de plus en plus avec la façon de s’en servir, il ne faut pas grand-chose pour que les terroristes ou d’autres organisations aient recours à ces outils pour paralyser les FC au moyen de cyberattaques (si ce n’est déjà chose faite)5 . Heureusement, il existe d’autres produits plus résistants et plus sûrs, tels Unix et Linux, dont l’utilisation permettrait de sécuriser davantage l’infrastructure TI. Il y a beaucoup moins de pirates qui s’attaquent au système d’exploitation Unix et le nombre de programmes malveillants conçus à cette fin est beaucoup moins élevé que par rapport aux produits Windows, ce qui permet de parer aux dangers de ce côté-là sans Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre STRUCTURES DES FORCES L es FC demeurent structurées en fonction de l’éventualité d’une guerre conventionnelle et leurs capacités de projection de puissance, de mise sur pied et de soutien d’une force sont limitées. Jusqu’à présent, cela n’a pas nui à la conduite du type de missions que le gouvernement nous a confiées. La structure actuelle s’adapte aux opérations de maintien et d’imposition de la paix; l’arrivée au bon moment sur les lieux se décide par voie diplomatique et les nouvelles opérations militaires se limitent de plus en plus à des tournées d’une durée de six mois, en raison de la difficulté de mobiliser et de soutenir des groupements tactiques pour des périodes prolongées. Le 11 septembre, nous nous sommes aperçus que nous n’avions dorénavant plus le luxe de choisir ni le temps ni le lieu où nous désirons aller. Les terroristes peuvent franchir les frontières et frapper à des endroits imprévus alors qu’on ne s’y attend pas. Grâce à la prolifération de missiles balistiques et de missiles de croisière, des gouvernements hostiles aux puissances occidentales ont maintenant les moyens de s’attaquer directement aux intérêts de celles-ci et de chercher à limiter les options militaires auxquelles l’alliance occidentale pourrait avoir recours. Il faut que les FC puissent se défendre avec des armes de haute technicité contre les attaques au missile et les campagnes prolongées de conflits de faible intensité (CFI). Nous devons mettre en place des moyens qui nous permettront de déplacer des unités d’un point à l’autre de la terre et de soutenir nos forces armées pendant des campagnes prolongées. Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 Se préparer en vue de conflits de faible intensité et d’incidents à l’intérieur du pays est la tâche la plus facile. Il nous faut lever et entraîner des troupes en vue de campagnes de conflits de faible intensité en liaison avec d’autres éléments, tels les services du renseignement, de maintien de l’ordre, d’enquête financière et d’autres armes d’appui au combat. On pourrait confier cette tâche à une Force de réserve plus nombreuse6 . Parmi les autres changements à apporter à la structure des forces, il y aurait lieu de s’assurer que chaque brigade ait accès aux ressources suffisantes en matière de renseignement, et que chaque brigade mette sur pied une cellule de coopération civilomilitaire (COCIM) opérationnelle, ce qui lui permettrait de disposer des ressources supplémentaires dont elle aurait besoin en cas d’attaque terroriste. Les problèmes de projection de puissance et de soutien des forces sont reliés. Il faut s’attendre à ce que l’ennemi tente de se cacher dans les endroits les plus reculés et les plus difficiles d’accès du globe et qu’il change de place rapidement une fois découvert. Les moyens de projection de puissance dont nous disposons actuellement sont soit trop lents (p. ex., les navires), soit trop limités par rapport à ce qu’ils peuvent transporter (p. ex., les avions-cargos). Mis à part quelques avions C-130 pouvant transporter hommes et matériel, le Canada ne possède pas de moyens de projeter sa puissance. Malgré les apparences, il s’agit peut-être là d’un bien. Les solutions à court terme telles que les avions de transport « Globemaster » C-17 ne pallient que peu nos lacunes en matière de transport. Le Canada peut « emprunter » du matériel de transport lourd des États-Unis ou de la Russie, tout en examinant d’autres solutions plus « exotiques » qui nous permettraient de prendre de l’avance par rapport à celles qui font appel aux navires ou aux avions conventionnels. Les navires dont la coque a une forme inhabituelle et qui sont dotés d’un équipement de manutention des cargaisons très moderne7 , les ailes en effet de sol8 , ou même les aérostats géants (tels le Hindenberg, mais construits à l’aide de la technologie du XXIe siècle9 ) nous offrent aujourd’hui la possibilité de transporter rapidement des cargaisons volumineuses par-delà les océans. À l’aide de ces moyens de transport, nous pourrions livrer des effectifs nombreux et efficaces, ainsi que les approvisionnements dont ils ont besoin, en l’espace de quelques jours, au lieu de mettre des semaines, voire des mois à le faire comme c’est le cas aujourd’hui. Les moyens technologiques requis pour nous défendre contre des attaques au missile sont encore au stade initial de leur élaboration et seuls les États-Unis disposent des ressources scientifiques et économiques pour entreprendre un tel programme de défense. Le Canada devrait participer à un programme semblable afin d’avoir la liberté de choisir entre diverses options militaires et politiques en cas d’attaques au missile. De plus, bon nombre des moyens technologiques connexes auront une incidence directe sur d’autres problèmes de nature militaire. Une pléiade de satellites de détection et de communication ne réussiraient peutêtre pas à prévenir une tragédie comme celle du 11 septembre dernier, mais elles pourraient nous avertir de l’imminence d’une attaque et faciliter la coordination des opérations par la suite. Avoir l’avantage dans l’espace sur l’ennemi influera directement sur la conduite des opérations pendant toute la durée d’un conflit, et aidera également les FC à remplir leurs obligations secondaires tels l’aide humanitaire et le maintien de la paix. CONCLUSION Les attaques du 11 septembre font partie d’une escalade dans la campagne de terrorisme contre la civilisation occidentale. La guerre telle que nous l’avons connue jusqu’à présent a été dépassée par les événements. Des activités de tous les jours, tel un vol d’avion, deviennent des moyens d’agression et, par la suite, CNN diffuse par toute la terre la victoire de l’ennemi. D’autres États ont mis au point des missiles balistiques et des armes nucléaires et possèdent désormais la capacité de s’attaquer aux forces déployées et aux pays mêmes de l’OTAN. 97 Tribune libre trop de difficulté. En se donnant la formation nécessaire, les FC pourraient même mettre au point pour leurs propres besoins des versions des logiciels Unix qui rendraient plus difficile encore la possibilité pour nos ennemis de s’attaquer à notre infrastructure TI. Bien qu’aucun logiciel ne soit à l’abri de cyberattaques, il n’y a pas de raison de continuer à nous servir des produits les plus vulnérables. Commentaires, opinions et contestations En tant que membre de l’alliance occidentale, le Canada a besoin d’accroître sa capacité de se défendre contre de tels dangers et de passer à l’attaque au besoin. Pour y arriver, nous devrons procéder à une série de changements : améliorer l’instruction que nous offrons à l’heure actuelle, disperser nos unités de soldats, améliorer la logistique, sécuriser davantage nos systèmes de communication et accroître notre capacité de projeter notre puissance et de nous protéger contre les attaques au missile. Certains changements (comme l’instruction) nous incombe, à nous seuls, car c’est une question de degré. D’autres changements, tels la participation à des programmes de défense antimissile et l’accroissement de notre capacité de projeter notre puissance, nécessiteront un engagement politique et économique soutenu s’étendant sur plusieurs années si nous voulons qu’ils se concrétisent pleinement. Cela signifie que nous devrons sans arrêt nous efforcer d’expliquer au public et au Parlement pourquoi de tels changements s’imposent. Ne pas entreprendre ces changements diminuera davantage notre place au sein de l’alliance occidentale et entraînera un prix politique et économique de plus en plus élevé si nos alliés américains et européens décident que nous ne faisons pas notre part. Afin de défendre notre pays, nous avons le devoir d’éduquer le public et le Parlement quant aux dangers qui nous menacent et à l’étendue des ressources requises pour y parer. Nous devons plaider notre cause de manière convaincante, ou alors risquer de ne pouvoir défendre notre pays au moment où il aura le plus besoin de nous. Le prix ultime à payer si nous ne nous engageons pas sur la voie du changement, nous l’avons vu apparaître dans le ciel un beau matin de septembre au-dessus de New York. 1. Martin Van Crevald, The Transformation of War, Free Press, 1991. Le chapitre Future War (p. 192-223) explique comment des organismes tel al-Qaeda, qui ne sont pas financés par l’État, s’accroissent et étendent leur pouvoir. 2. Ralph Peters, « The New Warrior Class », Parameters, été 1994, p. 16-20; Ralph Peters, « Out New Old Enemies », Parameters, été 1999, p. 22-37. 3. Douglas Waller, The Commandos, Dell, 1995. À la page 367, il écrit : « Le champ de bataille s’étendra à l’ensemble de la société de l’ennemi. Le but visé sera l’effondrement de la structure sociale de l’ennemi… » 4. En tant que commandant de section chargé de l’enseignement du cours élémentaire d’officier (CEO) à Saint-Jean l’été de l’an 2000, j’étais responsable d’une section de 20 Commentaire sur « Le fantassin hoplite : une force imposante et étonnante » par le capitaine Tod Strickland, Vol. 4, No 3, Automne 2001. Le lieutenant-colonel I.M. Hunt, commandant adjoint de la base, BFC Kingston écrit ce qui suit. J’ ai apprécié l’article du capitaine Strickland et les leçons qu’il dégage dans sa conclusion méritent d’être prises au sérieux. Je voudrais toutefois ajouter qu’il aurait dû apporter un autre point important. Qu’est-il arrivé au guerrier hoplite et à la phalange? En négligeant de s’ajuster continuellement aux méthodes changeantes de la guerre, ils sont ultimement tombés en désuétude. 98 personnes au départ, et au CIS Meaford en 2001, j’étais responsable de 15 personnes. Afin de m’assurer que les candidats répondaient aux normes de qualité attendues, je devais consacrer de 12 à 18 heures par jour à cette tâche et, même là, je ne peux affirmer que chaque candidat a pu bénéficier à 100 % de mes efforts ou de mon attention. 5. Frank Vizard, War.Com. Popular Science, juillet 1999, p. 80-84. 6. Sgt Arthur Majoor. « A New Role for the Reserve », texte inédit. Communication présentée au 9e Colloque d’histoire militaire, Wilfred Laurier University, 1er mai 1998. 7. La page d’accueil de la société Fastship Corporation est http://www.fastshipatlantic.com. Cette société a raffiné l’art de la construction navale conventionnelle et conçu un cargo porte-conteneurs qui peut faire la traversée de l’Atlantique en trois jours et effectuer une rotation au port en l’espace de quelques heures. 8. La page WIG http://www.setechnology.com/wig constitue une excellente source pour se familiariser avec la théorie et la pratique des ailes en effet de sol. En utilisant l’interaction de l’air entre une surface portante et le sol, les ailes en effet de sol peuvent atteindre le niveau de performance d’un avion avec seulement 30 % de puissance de moteur. Les appareils actuels sont relativement petits, mais certains, tel le « Caspian Sea Monster », sont de la taille des 747, tandis que certains modèles qui ont été envisagés peuvent contenir des charges de 5 000 tonnes. 9. La société Cargolifter Corporation (http://www.cargolifter.com) propose de construire des aérostats capables de transporter des charges de 160 tonnes sur la distance d’un continent. Des prototypes volent au moment même où j’écris ces lignes. MacGregor, Douglas A, Colonel (ret.), USA. Breaking the Phalanx: A New Design for Landpower in the 21st Centur y. Westport Connecticut: Praeger Publishers, 1997. Cette obsolescence a joué un rôle critique dans l’effondrement de l’empire athénien, ce qui m’amène à notre présent dilemme mis en évidence dans le « Army Strategy Interim Edition ». Y s’ajoutent divers autres pseudochangements qui montrent que nous sommes aussi pris dans notre propre phalange. Cela pourrait entraîner des conséquences désastreuses. J’encourage fortement tous ceux intéressés à élargir leur connaissance de ce phénomène à lire : Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre CRITIQUES DE LIVRES D ans ce numéro du Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre, vous trouverez une nouvelle rubrique intitulée « Critique de livres ». Cette chronique avait été intentionnellement différée car au début, nous mettions l’accent sur le développement des articles du Bulletin. Nous sentons qu’il est maintenant temps d’aller de l’avant. Bien que le rédacteur en chef commande plusieurs des critiques, les lecteurs sont encouragés à préparer et à soumettre des critiques de livres qui seraient d’un intérêt professionnel à l’ensemble des lecteurs. Toutefois, veuillez noter que les auteurs potentiels devront communiquer avec le rédacteur en chef avant de rédiger une critique pour confirmer le titre et obtenir les lignes directrices sur la rédaction des critiques de livres. Nous souhaitons aussi pouvoir inclure notre rubrique antérieure, Articles et livres d’intérêt. Étude de cas ou ouvrage d’histoire : Les blindés au cours de la Seconde Guerre mondiale révision par le major (ret.) R.H. Caldwell oman Jarymowycz, Ph.D., est un officier de l’arme blindée du Canada à la fois charmant et érudit et qui est qualifié, dans l’avant-propos, de beau sabreur. Je le connais et je peux affirmer qu’en matière de blindés, il en a oublié davantage que la plupart d’entre nous n’en sauront jamais. Le lecteur de Tank Tactics constate cependant très vite que l’analyse du passé par un beau sabreur ne respecte pas toujours les normes ou les méthodes classiques concernant l’histoire. Si vous n’avez jamais lu l’histoire d’un beau sabreur, tenez-vous bien! R examiner l’évolution de la doctrine nord-américaine (canadienne et américaine) de l’arme blindée1 . Cet ouvrage s’ouvre sur un avantpropos rédigé par John A. English, Ph.D., suivi par les remerciements de l’auteur; viennent ensuite l’introduction, quinze chapitres, sept appendices, une bibliographie, un index et, enfin, un résumé intitulé « About the Book » (À propos du livre). Il y a environ une douzaine de photographies de véhicules blindés de combat (VBC), mais pas de glossaire. Selon Jarymowycz, cet ouvrage vise à expliquer la situation et la raison d’être de la cavalerie dans le contexte de l’évolution de l’arme blindée comme base même de la manœuvre et de la créativité sur le champ de bataille, et à La lecture de cet ouvrage équivaut un peu à participer à une « heure de la bonne humeur », mais à l’époque où il y avait des mess pour les officiers et où les postulats sur le professionnalisme étaient marqués par l’intransigeance. À ces occasions, de petits groupes d’officiers gouaillaient sur la tactique et des points importants étaient souvent négligés au milieu des discussions légères, pour ne réapparaître que plus tard. La conversation allait bon train. Une personne se joignait aux discussions, une autre partait, de sorte que l’expérience et le niveau d’instruction – et donc la finesse de l’analyse – changeaient constamment. Il n’y avait Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 Pour atteindre ces objectifs ambitieux, l’auteur se penche sur la façon dont sept pays se sont attaqués à la question de savoir comment ils ont été amenés – ou non – à accepter les notions d’art opérationnel et de manœuvre pendant la Seconde Guerre mondiale. Jarymowycz s’attache surtout à l’expérience vécue, en 1944, par les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Russie, l’Allemagne et le Canada en Normandie. jamais de contexte. Le livre de Jarymowycz ressemble à tout cela : le texte se déroule rapidement et l’auteur nous mitraille de ses phrases. De large portée, le texte bifurque souvent sur des voies secondaires et le lecteur accompagne l’auteur dans son cheminement 99 Critiques de livres Tank Tactics: from Normandy to Lorraine, par Roman Johann Jarymowycz. Lynne Reinner Publishers, Boulder, Colorado, É.-U., 2001. 362 pages, 59.99 $US. Étude de cas ou ouvrage d’histoire : Les blindés au cours de la Seconde Guerre mondiale solitaire, là où sa recherche le conduit. À mesure que l’auteur change de propos au fil de son ouvrage, le lecteur reçoit une mine de renseignements et un aperçu de nombreux autres sujets. Toutefois, le doute surgit à l’esprit de l’historien quand il apparaît que l’auteur n’a pas consulté de sources de première main ou de seconde main sur un sujet en particulier ou quand il commet une erreur2 . Même si Jarymowycz met en évidence de nombreux points valables, cette expérience rapidement changeante a un effet cumulatif sur le lecteur, ce qui nuit à l’appréciation de l’ouvrage. Il en découle une impression selon laquelle l’auteur n’a pas respecté les normes rigoureuses associées aux ouvrages de haut niveau consacrés à l’Histoire. Le travail de l’auteur respecte cependant les normes reconnues en matière de recherche opérationnelle ou d’analyse, disciplines peu connues, mais bien fondées. À mon sens, il faut considérer cet ouvrage comme une étude de cas. Par leur nature même, les études de cas ne signifient pas des recherches poussées pour définir la vérité historique. Une étude de cas cherche à s’imposer comme outil raffiné devant permettre de comprendre la guerre moderne à partir d’événements et de personnages du passé. Leurs auteurs tendent à n’utiliser que les éléments allant dans le sens du but souhaité; les autres éléments sont exclus. Dans leurs études sur le combat, ils n’essaient pas d’expliquer tout le contexte et de décrire le fardeau reposant sur les épaules des commandants et des étatsmajors. Selon les normes modernes, les personnages historiques sont considérés comme ayant échoué s’ils n’ont pas réagi à l’évolution des opérations sur le champ de bataille de la façon dont ils auraient dû, à la lumière de ce que nous savons aujourd’hui. Il importe peu qu’à l’époque, nul ne pensait en termes d’art opérationnel ou d’art de la manœuvre. L’analyste de l’art opérationnel pose une simple question de doctrine : L’art opérationnel était-il mis en pratique et permettait-il la manœuvre opérationnelle? La réponse de Jarymowycz à cette question nous indique le cadre général de son évaluation de l’emploi 100 de l’arme blindée en Normandie ainsi que ses idées à ce sujet. Il admire les éléments cruciaux de l’art opérationnel : l’Auftragstaktik, la doctrine du groupement tactique et la capacité bien marquée de mener des offensives stratégiques. Sur la foi de ces normes, il estime que la doctrine soviétique d’emploi de l’arme blindée est supérieure. Même si les Soviétiques n’ont pas combattu en Normandie, l’auteur ne peut résister à la tentation de comparer leur art opérationnel aux « négligences » qu’il relève de la part des Alliés3 . Les Américains, y compris l’US Army d’aujourd’hui, trouvent aussi grâce aux yeux de Jarymowycz. Les Allemands doivent se contenter de la troisième place; Jarymowycz admire la pensée et l’expérience françaises jusqu’en 1940, mais l’expérience des Britanniques en matière d’arme blindée à cette même époque ne propose rien qui suscite le respect. La place du Canada n’est pas claire, mais le pays ne compte pas parmi les premiers de classe. Cela provient sans doute du fait que le mentor de l’auteur pour ce qui concerne la Seconde Guerre mondiale est John A. English, qui a affirmé que les blindés britanniques et canadiens en Normandie était « le maillon le plus faible de l’ordre de bataille anglocanadien »4 . Même si cette affirmation est indûment réductrice, Jarymowycz reprend là où English a laissé. Il reprend l’argument voulant que la doctrine anglo-canadienne d’emploi des blindés comportait de graves lacunes. Mais quelle importance? Quelle est la valeur de cette affirmation dans le contexte de l’expérience canadienne « toutes armes » en Normandie? Pouvons-nous considérer qu’il s’agit de la seule raison pour laquelle les armées anglo-canadiennes n’ont pas réussi leur percée? D’après mon expérience, il n’est pas facile d’analyser l’emploi de l’arme blindée dans le passé. Par exemple, j’ai constaté que la relation entre la conception et le développement des VBC et la guerre blindée est cruciale. Cela peut s’expliquer par la prise en considération de deux paires de fonctions ou de facteurs. La première paire se compose des impératifs techniques des chars et des activités sur le champ de bataille. Les liens entre les deux sont établis à l’aide de comptes rendus de combat et de correspondance sur les leçons retenues. La seconde paire englobe, d’une part, la pensée et la doctrine militaires et, d’autre part, l’organisation et la tactique toutes armes. Le lien entre ces facteurs constitue le problème double persistant des Britanniques (et des Alliés) après 1941 : comment neutraliser les écrans antichars et les positions défensives en profondeur des Allemands et comment intégrer les armes antiblindés (tractées et chenillées) aux organisations toutes armes5 . Les études de cas ne visent pas à expliquer l’ensemble des expériences militaires, si bien qu’il importe peu d’avoir raison ou tort. Toutefois, comme historien, je m’attendrais au moins à ce que l’on tente de présenter des explications aussi complètes et précises que possible. Les historiens s’intéressant à l’arme blindée canadienne, ou les personnes ayant lu l’histoire du Corps blindé rédigée par Marteinson et McNorgan6 , liront certainement avec un grand intérêt les chapitres consacrées aux opérations « Atlantic » et « Spring ». Jarymowycz décrit ces combats pour la crête de Verrières sous l’angle de la doctrine. Le chapitre est parsemé de phrases comme « Seule la campagne de Normandie a permis aux chefs de chars de montrer la valeur des blindés comme arme décisive aux plans opérationnel et stratégique » et « La clé du succès de Montgomery est le combat délibéré mené avec une forte supériorité en troupes et en matériel, une maîtrise totale de l’air et un excès d’artillerie ». Il en vient à la conclusion suivante : « À la fin de l’opération “Spring”, Von Kluge avait malmené le IIe corps d’armée canadien […] et avait conservé toute sa liberté d’action en terme de manœuvre opérationnelle. Il pouvait envoyer ses panzers n’importe où et il avait effectivement des panzers à déployer7 . » Tout cela est fort bien, mais comment diable Jarymowycz a-t-il pu oublier les combats de blindées qui ont eu lieu les 21 et 22 juillet 1944? Le brigadier Radley-Walters, un de nos chefs de Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre …nous aperçûmes deux groupes de chars […] un de huit chars et l’autre de six, espacés d’environ 300 verges […] après deux heures, l’ennemi était engagé sur trois côtés et le combat tournait en notre faveur […] nous avons été crédités de huit Panther […] le lendemain matin, [mon escadron] ne comptait plus que six chars […] D’autres chars ennemis apparurent […] environ quatorze cette fois […] Nous les avons engagé pendant une heure approximativement et au moins cinq étaient en flammes […] Vers 18 h 00 […] deux de leurs chars s’approchèrent à une centaine de mètres […] nous les avons détruits, mais ils ont eu un des nôtres8 . Clairement, les chars Sherman canadiens – entre bonnes mains – pouvaient stopper une contre-attaque allemande. Jarymowycz aurait pu mentionner cet aspect positif et s’en servir pour souligner le caractère inégal de l’expérience. Même si la tactique canadienne au niveau de l’escadron se révélait souvent efficace, des problèmes de doctrine à un niveau supérieur pouvaient atténuer cette efficacité. Des omissions de la sorte suscitent des questions à propos de la méthodologie de l’auteur – pourquoi avoir retenu des opérations et en avoir rejeté d’autres? La même critique vaut aussi pour les sources de seconde main. Pour les études de cas, nul besoin de sources de seconde main de grande envergure ou de provenance étrangère. Toutefois, comme historiens, nous pouvons comparer toute étude à des travaux dont la fiabilité ne fait aucun doute. La confiance est diminuée quand nous ne pouvons trouver aucune référence à ces travaux. Par exemple, lorsque l’auteur aborde la doctrine britannique d’emploi des blindés, je ne trouve aucun renvoi au travail de J.P. Harris ni aucune mention d’un contact quelconque de Jarymowycz avec Harris ni, Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 à ce propos, avec aucun autre auteur connu9. Curieusement, d’un point de vue canadien, il ne cite pas la magistrale étude du South Alberta Regiment menée par Don E. Graves il y a plusieurs années10 . Par ailleurs, l’ouvrage ne traite pas des tactiques de blindés parce qu’on n’aborde pas : • le lent développement du feu et du mouvement, base de toute tactique moderne d’emploi des chars; • l’impact de la nuit sur la doctrine et les tactiques associées aux opérations de jour; • les drills de tactique (ou leur absence); • les méthodes passées de formation axée sur les chars; • certains aspects précis. Par exemple, comment se déployait une troupe de chars comptant un char Firefly? Le Firefly occupait-il la meilleure position de tir? Comment un commandant d’escadron disposant de cinq troupes, donc de cinq chars Firefly, déplaçait-il son unité et combattait-il? Les termes et expression du collège d’état-major utilisés par Jarymowycz zèbrent les pages comme des projectiles allemands au-dessus des champs de blé de Normandie. Par exemple, alors qu’il décrit le dilemme de Montgomery en matière de doctrine en Normandie, il fait référence à l’Afrique du Nord : « La percée, souvent appelée « troisième El Alamein », se caractérisa par une incapacité presque pathétique à employer une force de chasse composée de deux divisions blindées et conçue pour suivre la 8e armée britannique Schwerpunkt et culbuter les restes des troupes germano-italiennes qui fuyaient vers Tripoli11 . » Si l’énigmatique Montgomery lisait cela aujourd’hui, je doute qu’il comprendrait et il ne serait sans doute pas d’accord. Ici, nous devons savoir quels facteurs déterminants supplémentaires – autres que la doctrine déficiente – ont façonné les vues de Montgomery? L’expérience et les actions de Montgomery peuvent- elles être expliquées par une simple étude de cas portant sur la manœuvre opérationnelle? Les études de cas se présentent souvent comme des textes rédigés par des experts et portant sur des sujets pointus; elles sont parfois exposées dans le cadre de conférences axées sur des thèmes précis. Nous devrions sans doute nous rappeler que ce travail d’envergure a été fait par un analyste qui peut fort bien avoir omis quelque chose. Même si la plus grande partie du contenu de l’étude me semble valable, les omissions me font tiquer davantage. Je pense que Jarymowycz et l’éditeur recevront beaucoup de critiques à propos de cet ouvrage, mais ces critiques viendront sans doute moins des lecteurs américains car on décèle un effort pour vanter l’expérience américaine en matière de blindés. Toutefois, l’auteur sera attaqué par les spécialistes de l’arme blindée qui considéreront son ouvrage comme un texte d’histoire – pas comme une étude de cas – et qui indiqueront les facteurs déterminants ou contextuels manquants. Néanmoins, si je considère l’ouvrage comme une étude de cas du point de vue des opérations, sa lecture est agréable. Le titre est peut-être mal choisi et le livre aurait ainsi pu s’intituler « Normandie – Étude de cas axée sur l’emploi de la manœuvre opérationnelle au cours de la Seconde Guerre mondiale » ou, simplement, « Réflexions sur l’arme blindée » ou, mieux encore, « Notes de recherche d’un officier de l’arme blindée pour une étude au collège d’état-major » puisque le texte renferme des douzaines de notes de recherche subjectives clairement réparties en sections avec titres. À mon avis, le chapitre 13, intitulé « Who Killed Tiger? The Great Tank Scandal » (Qui a tué le Tigre? Le scandale), avec ses remarquables notes en fin de chapitre, justifie à lui seul l’achat du livre. Ce livre est-il important? Oui. L’ouvrage nous permet-il de pénétrer la pensée des spécialistes de la doctrine de l’arme blindée de cette époque? Non. Le livre remet-il en question nos connaissances des opérations « Atlantic », « Spring », « Totalize » et « Tractable » 101 Critiques de livres chars les plus respectés, a toujours soutenu que ce fut là ses meilleurs combats de la campagne, du jour J jusqu’au jour V. Cela n’est pas passé inaperçu aux yeux des historiens du Corps blindé; ces derniers citent d’ailleurs de larges extraits des comptes rendus de Radley-Walters : et nous incite-t-il à réévaluer ces opérations? Pas vraiment. Est-il utile pour l’enseignement ou peut-on l’utiliser comme ouvrage de référence en matière de tactique ou de doctrine? Peut-être, mais il faut être très prudent et prendre le temps de faire les recherches voulues pour vérifier les affirmations contenues dans la section utilisée. Comme la plupart des lecteurs militaires canadiens le savent, Jarymowycz est un graphiste accompli, de sorte que l’ouvrage contient beaucoup de croquis et de cartes utiles. Bref, cette histoire de beau sabreur ressemble à une étude de cas se limitant à un aspect de l’emploi des blindés en Normandie – la doctrine. Les situations et les cas ont été soigneusement choisies pour appuyer l’étude. De nombreuses sources n’ont pas été consultées ni mises à profit; par ailleurs, nous avons accès aux sources qui sont citées dans l’ouvrage. Il y a énormément d’erreurs. Peut-être y aura-t-il plus d’études comme celle-ci consacrées aux autres armes et services et portant sur le XXe Étude de cas ou ouvrage d’histoire : Les blindés au cours de la Seconde Guerre mondiale À P R O P O S D E L’ A U T E U R … Le major (ret.) Bob Caldwell a servi dans le Corps blindé pour plus de 30 ans. Il est actuellement historien à la Direction – Histoire et patrimoine. NOTES 1. Roman Johann Jarymowycz, Tank Tactics: From Normandy to Lorraine (Boulder: Lynne Reinner Publications, 2001), p. 1. 2. Il y a trop de gaffes dans ce livre, sans doute parce qu’il n’a pas été mis entre les mains de lecteurs – au moins de lecteurs canadiens ou britanniques. Par exemple, un des points sur lesquels s’arrêteront les réviseurs canadiens concerne la référence faite au programme « Canloan », à la page 77. Il s’agit d’un paragraphe important, mais amoindri par l’usage léger que l’auteur fait du terme « Canloan ». Le programme « Canloan » a découlé des besoins de l’armée britannique en officiers subalternes pour l’infanterie et le service du matériel en 1943, après les combats dans le désert. Toutefois, des officiers, adjudants et sous-officiers supérieurs canadiens participèrent à de brefs échanges d’observateurs et furent présents au sein des forces britanniques et du Commonwealth en Afrique du Nord en 1942, et peut-être avant. Ce programme ne portait aucun nom, peu de recherches ont été faites sur ce sujet et on ne sait pas avec certitude combien de soldats ont servi sur ce théâtre d’opérations, mais ils ne se comptent sans doute pas par milliers. Certains rapports de ces observateurs ont été conservés, de sorte que Jarymowycz avait raison de soulever la question. Si j’avais écrit ce livre, j’aurais creusé ce point davantage parce que les rapports, même s’ils ont été transmis aux unités 102 siècle et, sans doute, sur la Seconde Guerre mondiale. Mais j’en doute. Tout comme son auteur, ce livre est unique. d’appartenance et pas à un quartier général supérieur, constituent néanmoins une sorte de « boucle Tradoc » (instruction/doctrine). Ce sujet devrait être approfondi – il ferait d’ailleurs un bon sujet de thèse en polémologie (MA en Études sur la conduite de la guerre au CMR). 3. Jarymowycz, chap. 14, « Stavka in Normandy ». 4. J.A. English, The Canadian Army and the Normandy Campaign – A Study of Failure in High Command (New York: Praegar, 1991), p. 312. 5. R.H. Caldwell, « Technical Determinism: Examining the Armour in Armoured Warfare », Material History Review, Fall 1995, p. 124-128. 6. John Marteinson et Michael R. McNorgan, The Royal Canadian Armoured Corps: An Illustrated History (Toronto: Robin Brass Studio, 2000). 7. Jarymowycz, p. 138. 8. Marteinson et McNorgan, p. 254. 9. J.P. Harris et F.N. Toase, Armoured Warfare (New York, 1990). Collection d’écrits faisant autorité sur l’arme blindée de différents pays : Grande-Bretagne, Allemagne, Russie, États-Unis et Israël. Voir aussi les ouvrages de J.P. Harris, Men, Ideas and Tanks (New York: Manchester University Press, 1995), de David French, Raising Churchill’s Army – The British Army and the War Against Germany 1919-1945, (Oxford: Oxford University Press, 2000), p. 240-273, de J.J.G. MacKenzie et Brian Holden Reid, The British Army and the Operational level of War (Londres: Tri-Service, 1989), chap. 5, du colonel P.A.J. Cordingley, « Armoured Forces and the Counter Stroke », Correlli Barnett, et al., Old Battles and New Defences – Can We Learn From Military History? (Londres; Washington, D.C.: Brassey’s Defence Publishing, 1986). Les lecteurs peuvent aussi consulter l’ouvrage de Robert M. Citino, Armoured Forces - History and Sourcebook (Westport, 1994). Il s’agit d’un livre, mais aussi d’un ouvrage de référence. La dernière section contient une bibliographie de cinquante pages. 10. Donald E. Graves, South Albertas – A Canadian Regiment at War (Toronto: Robin Brass, 1998). 11. Jarymowycz, p. 111. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Guns Across the River the Battle of the Windmill, 1838 Compte rendu du lieutenant-colonel Mike Dabros L’ouvrage traite du point culminant des troubles frontaliers de 1837-1840 opposant les États-Unis et les Canadas – soit l’attaque de Prescott (Ontario) exécutée en novembre 1838 par un groupe américain clandestin appelé les Patriot Hunters. Cet engagement, que l’auteur surnomme « l’Alamo du Nord », opposait d’un côté une bande improvisée de près de 300 envahisseurs mercenaires de différentes nationalités et de l’autre une force mixte de troupes régulières britanniques et de miliciens canadiens. L’intention des envahisseurs était de fomenter au Haut-Canada une rébellion populaire qui mènerait au renversement du régime britannique. En fin de compte, les miliciens se sont bien comportés et ont protégé leurs fermes et leur collectivité tout en subissant le plus gros des pertes infligées aux combattants qui ne faisaient pas partie des Patriot Hunters, mais ce sont le leadership et le professionnalisme des troupes régulières britanniques et de la Royal Navy qui ont finalement déterminé l’issue de la bataille. Cet ouvrage n’est pas fondé sur l’œuvre antérieure de Graves, ainsi qu’on s’y attendrait de la part d’un auteur qui s’est presque exclusivement Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 intéressé à la guerre de 1812 et à la Seconde Guerre mondiale. Il jette plutôt un regard nouveau et pénétrant sur un événement important mais pourtant presque oublié qui se situe à une période critique du long processus qui a permis au Canada de devenir un pays. Même si l’auteur craint lui-même de s’aventurer hors de la période dont il est un expert reconnu, Guns Across the River est une œuvre solide qui vaut nettement la peine d’être lue et qui comble un vide certain de l’histoire écrite. L’ouvrage consacre à peu près autant d’espace à la description du contexte historique et politique de la bataille qu’à la bataille elle-même, à ses suites et à l’exercice de la justice par la couronne. Les personnes qui s’intéressent à une analyse beaucoup plus large des troubles de 1837-1840 ne la trouveront probablement pas ici, même si le livre donne des détails plus que suffisants sur les événements connexes pour décrire la bataille du moulin comme une incursion majeure dans le contexte de cette période. Une profusion de vignettes et de comptes rendus sans rapport contribue dans tout l’ouvrage à faire mieux comprendre la bataille et ses suites. On y trouve une discussion de l’historique et de la nature des peines – en particulier la déportation et la pendaison – qui ont été infligées aux Patriots condamnés. Le bref examen connexe de l’évolution et du déclin de la pendaison en tant que forme préférée de peine capitale en Grande-Bretagne et dans ses colonies est d’un intérêt historique général particulier. La façon dont l’ouvrage campe certains personnages n’est pas rigoureusement conforme à l’appréciation historique acceptée de plusieurs personnages importants. Par exemple, contrairement à l’opinion aujourd’hui répandue selon laquelle William Lyon Guns Across the River : The Battle of the Windmill, 1838, par Donald E. Graves. The Friends of the Battle of the Windmill, Prescott, 2001. 263 pages, 24,95 $ Mackenzie était un citoyen animé par des idées de réforme dont les pensées et les actions annonçaient au Canada un gouvernement responsable, l’analyse de Graves révèle un personnage moins digne d’éloges – quelqu’un qui est prêt à recourir à la violence pour renverser la volonté majoritaire de la population. En fait, et compte tenu de ses actions après la rébellion du Haut-Canada de 1837, Mackenzie doit d’après Graves porter une part majeure de la responsabilité des événements qui ont entraîné la tragédie du moulin, ce qui contredit nettement l’image potentiellement révisionniste de héros canadien dont Mackenzie jouit aujourd’hui, une image qui mérite peut-être d’être sérieusement réexaminée à la lumière de l’étude de Graves. De même, ses conclusions concernant le chef des Patriots Nils Von Schoultz, qui était à la tête de l’action manquée tentée à Prescott, sont étrangement en désaccord avec les sources de première main citées qui décrivent ses qualités, sa personnalité et sa motivation. L’auteur se sert des éléments dont il dispose pour indiquer un manque de courage moral de la part 103 Critiques de livres L e très agréable récit que renferme le plus récent livre de Donald E. Graves, Guns Across the River, ne surprendra pas ceux et celles qui connaissent ses ouvrages précédents. Celui-ci représente une nouvelle dose captivante de l’histoire telle qu’elle est censée s’écrire. Les lecteurs qui connaissent moins bien les forces dont Donald E. Graves a déjà fait la preuve en tant qu’auteur et en tant qu’historien militaire canadien éminent vont être comme il se doit impressionnés par sa lisibilité, la généralité du texte et son attention au détail. de Von Schoultz. Cette interprétation semble s’opposer au sens du devoir que Von Schoultz a affiché par comparaison à tous les autres chefs des Patriots et est compliquée par le fait qu’il a probablement mal compris la force de la cause des Patriots. De fait, on se demande en fin de compte s’il est possible qu’il n’ait vraiment pas été conscient de la véritable nature de l’acceptation du régime britannique par les Canadiens jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour lui et pour ceux qui le suivaient de faire marche arrière. Von Schoultz a manifestement fini par reconnaître la folie de ses actions et par accepter entièrement les conséquences qui l’ont mené à la corde de potence. En fin de compte, une bonne part du mystère qui entoure ce personnage clé au cours de la bataille reste et le lecteur peut à peine déterminer le vrai caractère de l’homme. Les portraits détaillés de Mackenzie et de Von Schoultz, entre autres, sont aussi de poignants rappels de l’effet que les divers personnages ont sur le cours des événements historiques. Guns Across the River the Battle of the Windmill, 1838 L’ouvrage lui-même se présente comme un journal en deux colonnes et a une forme et une taille inusitées qui, même si elles n’empêchent pas d’en jouir, vont quelque peu compliquer son rangement sur les tablettes d’une bibliothèque personnelle. L’ouvrage compte de nombreux éléments graphiques qui aident le lecteur à comprendre les événements et les circonstances. Grâce aux nombreuses cartes, photos et illustrations, le lecteur profite d’une représentation visuelle discrète du terrain de même que de l’état de la croissance et du caractère rural du Haut-Canada des années 1830. Une série de peintures de l’artiste ontarien Peter Rindlisbacher qui donnent de l’envergure et du relief à l’histoire mérite une mention particulière. Tout comme dans le cas des œuvres précédentes de Graves, l’adepte d’une histoire détaillée passera beaucoup de temps à explorer un grand nombre d’appendices qui incluent des ordres de bataille, des organigrammes, des tactiques et des chants de la bataille de même que des listes des participants et de leur sort. image mentale qui éloigne un tout petit peu plus le lecteur de l’action. Il est très possible que cette différence indique le manque relatif de sources de première main concernant cette bataille particulière et elle n’empêche absolument pas de jouir de l’ouvrage. Au contraire, c’est peut-être un reflet de la niche que cet ouvrage occupe et des raisons qui expliquent le fait que les Canadiens semblent avoir oublié ces événements. Si vous êtes de ceux ou de celles qui aiment un ouvrage sur l’histoire du Canada qui se lit bien, surtout quand il touche des événements oubliés ou plus obscurs, vous avez ici un livre à savourer. Il fournit un nouveau point de repère permettant de garder en mémoire et de comprendre la chaîne des événements dont la bataille du moulin a été le point culminant et constitue peut-être déjà un document solide sur cet événement presque oublié et mal compris. La réputation de l’auteur comme historien de la guerre de 1812 crée des attentes concernant les détails tactiques qu’il donne dans sa description des combats proprement dits. Contrairement à ce qui se voit dans ses ouvrages antérieurs, j’ai trouvé que ce niveau de détails tactiques n’est pas aussi évident dans Guns Across the River, d’où une À P R O P O S D E L’ A U T E U R … Le lieutenant-colonel Mike Dabros est chef d’état-major au Quartier général de la 1re Escadre, à Kingston en Ontario. Il entretient une passion pour l’histoire militaire canadienne du XIXe siède. 104 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre DEMANDE DE COMMUNICATIONS 13e Colloque d’histoire militaire au Laurier Centre for Military Strategic and Disarmament Studies Université Wilfred Laurier, Waterloo (Ontario) Cette conférence de deux jours aura lieu les 3 et 4 mai 2002 à l’université Wilfred Laurier et portera sur tous les aspects de l’histoire militaire canadienne. Les intéressés sont priés d’envoyer une proposition d’une page pour leur communication à : Mike Bechthold Laurier Centre for Military Strategic and Disarmament Studies Université Wilfred Laurier Waterloo ON N2L 3C5 Téléphone : (519) 884-0710, poste 4595 Courriel : [email protected] Demande de communications La date limite pour remettre votre proposition est le 22 février 2002. Volume 4, N o 4 ◆ Hiver 2001 - 2002 105 La Fondation canadienne de la bataille de Normandie annonce le 8 e voyage d’étude des champs de bataille : LES CANADIENS ET LA LIBÉRATION DE L’EUROPE Du 28 mai au 15 juin 2002, un voyage d’étude des champs de bataille canadiens d’une durée de 16 jours qui aura lieu en France, en Belgique et aux Pays-Bas. Un programme d’étude des champs de bataille canadiens en Europe, qui englobera la crête de Vimy, Beaumont-Hamel, Dieppe, la Normandie, les ports de la Manche et l’Escault. • A l’occasion du 58e anniversaire de l’opération « Overlord », huit jours en Normandie à visiter les plages du débarquement, les champs de bataille canadiens et d’autres sites d’intérêt. • Le professeur Terry Copp, de l’université Wilfrid Laurier, accompagnera le groupe à titre de guide. • Le programme s’adresse aux Canadiens et aux Canadiennes qui font des études universitaires, y compris aux étudiants de 2e et 3e cycle et aux diplômés récents, et qui s’intéressent vivement au rôle joué par les Forces canadiennes dans la libération de l’Europe. • Les participants devront se préparer aux discussions quotidiennes sur les divers lieux et tenir un journal de bord décrivant leurs expériences, journal qu’ils remettront à la Fondation. • La Fondation accordera une bourse à chaque candidat ou candidate retenu, mais requiert une contribution individuelle de 1 500 $ aux frais du programme, soit le transport aérien et terrestre, l’hébergement, les repas, le matériel de cours, etc. • Pour s’inscrire, les personnes intéressées sont priées d’envoyer quatre exemplaires d’une lettre comportant un énoncé détaillé des intérêts et des raisons motivant leur candidature au voyage d’étude. La Fondation exige également deux lettres de référence (dont l’une provenant d’un professeur ou d’une professeure d’université) et quatre relevés de notes (un original et trois copies). Les candidats doivent joindre à la soumission leur adresse et numéro de téléphone actuels, l’adresse et le numéro de téléphone du domicile, s’il sont différents, ainsi que leur adresse de courriel. • Les personnes qui souhaitent obtenir de plus amples renseignements sur le voyage d’étude et les modalités de soumission sont priées de consulter le site Web suivant : http://www.wlu.ca/~wwwmsds/ ou de composer le (519) 884-0710, poste 4594. Voyage d’étude La date limite d’inscription est le 1er mars 2002. Lieutenant-général (ret.) Charles Belzile, président Fondation canadienne de la bataille de Normandie Université Wilfrid Laurier Waterloo (Ontario) N2L 3C5 CANADA Tél. : (519) 884-0710, poste 4594 Téléc. : (519) 886-5057 Courriel : [email protected] 106 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre
* Your assessment is very important for improving the work of artificial intelligence, which forms the content of this project
advertisement