LE BULLETIN DE DOCTRINE D’INSTRUCTION DE L’ RMÉE DE TERRE A ISSN 1712-9753 Le journal professionnel de l’Armée de terre du Canada LES PRINCIPES DE GUERRE DE L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE FACE À L’AVENIR : SONT-ILS ENCORE APPLICABLES? D+20 000 : LA CAMPAGNE DE NORMANDIE EST TOUJOURS D’ACTUALITÉ Le major J.C. (Craig) Stone Le capitaine Paul Johnston LES BLINDÉS À LA CROISÉE DES CHEMINS LE LEOPARD AU KOSOVO : VÉHICULE BLINDÉ DE COMBAT IDÉAL? Le lieutenant-colonel C.M. Fletcher Le capitaine Don Senft LE 1ER BATAILLON DE PARACHUTISTES CANADIEN : UNE HISTOIRE BRÈVE OBSERVATIONS ET LEÇONS TIRÉES DES ACTIVITÉS DE L’ESCADRON DE RECONNAISSANCE DU LORD STRATHCONA’S HORSE (ROYAL CANADIANS) AU KOSOVO Le capitaine Todd Strickland Le lieutenant Christopher Hunt LE RENSEIGNEMENT À L’APPUI DES OPÉRATIONS : ON RÉCOLTE CE QUE L’ON SÈME UN APERÇU DU PASSÉ Compilé par le capitaine John Grodzinski Le major D. Villeneuve Publication trimestrielle Défense nationale National Defence Vol. 3, no. 1, printemps 2000 LE BULLETIN DE DOCTRINE ET D’INSTRUCTION DE L’ARMÉE DE TERRE LE JOURNAL PROFESSIONNEL DE L’ARMÉE DE TERRE DU CANADA C e Bulletin est une publication officielle qui paraît trimestriellement. Tous les articles qui y sont publiés demeurent la propriété du ministère de la Défense nationale et peuvent être reproduits sur autorisation écrite du rédacteur en chef. Les opinions exprimées dans ce Bulletin n’engagent que l’auteur concerné. Elles ne représentent pas une politique officielle et elles ne confèrent à personne l’autorité d’agir dans quelque domaine que ce soit. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre est un journal interne de l’Armée de terre qui a pour objet de diffuser de l’information et de susciter des échanges sur les idées et concepts de doctrine et d’instruction à l’intention de tous les membres de l’Armée de terre ainsi que des civils intéressés. Nous acceptons les articles portant sur des sujets tels que le leadership, l’éthique, la technologie et l’histoire militaire canadienne. Les débats réfléchis et bien exprimés sont essentiels à la santé intellectuelle de l’Armée de terre et à la production d’une doctrine et de politiques d’instruction valables. Les articles qui favorisent la réflexion ou la discussion sont donc les bienvenus. Les militaires de tous grades sont invités à soumettre leurs écrits. PRÉSENTATION DES ARTICLES Les articles de toute longueur, idéalement entre 2 -5 000 mots, pourront faire l’objet d’une publication. Les articles pour la « Tribune libre » ne devraient pas dépasser 1 500 mots. Les articles peuvent être soumis dans l’une ou l’autre des deux langues officielles. L’usage et l’orthographe des mots devront être conformes aux dispositions des manuels suivants : The Canadian Style: A Guide to Writing and Editing (Travaux publics et Services gouvernementaux du Canada, 1997), Le guide du rédacteur, Bureau de la traduction (TPSGC, 1996) qui sont tous les deux disponibles sur http://www.pwgsc.gc.ca/termium, et The Concise Oxford Dictionary of Current English ou le Petit Robert. Les auteurs peuvent soumettre leurs articles par courriel ou par courrier postal (avec copie sur disquette) et ils doivent inclure les photographies, tableaux et graphiques pertinents, sans oublier les notes de fin de document ou la bibliographie. Ils devraient en outre inclure une brève notice biographique énonçant leurs titres de scolarité, leur cheminement militaire, les cours dignes de mention qu’ils ont suivis et le poste qu’ils occupent actuellement. Les articles seront revus par un comité de rédaction et les collaborateurs seront informés par le rédacteur en chef de l’étape où en est leur article dans le processus décisionnel. Le rédacteur en chef se réserve le droit de programmer la publication des articles et d’adapter le titre des articles publiés. DATES DE TOMBÉE Voici les dates de tombée pour chacun des numéros : Printemps : avant le 15 septembre Été : avant le 15 décembre Automne : avant le 31 mars Hiver : avant le 30 juin ISSN 1480-9826 DIFFUSION Le Bulletin est diffusé à tous les quartiers généraux, écoles et unités de l’Armée de terre ainsi qu’à certains éléments du QGDN, du Commandement maritime, du Commandement aérien, du SREIFC et de l’OSID. Des exemplaires sont également acheminés à des organismes liés à la défense, à des armées alliées et à certains membres choisis du grand public et du milieu universitaire. Pour obtenir des exemplaires à titre personnel, prière de s’adresser au rédacteur en chef. CORRESPONDANCE Tous les articles ou commentaires doivent être envoyés au rédacteur en chef, le capitaine John R. Grodzinski : Le rédacteur en chef Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Le Système de la doctrine et de l’instruction de la Force terestre CP 17 000 Succ des Forces Kingston ON K7K 7B4 Tél : 613-541-5010, poste 4874; Fax : 613-541-4478 C élec Banyan disponible; C élec Internet : non disponible RÉVISION ET MISE EN PAGE Le Bureau de publications de l’Armée de terre est responsable de la révision et mise en page de chaque article. Révision — anglais : Le lieutenant (M) Brian Lawrie-Munro, Mme Karen Johnstone, Mme Jenny Turner, M. Greg Taylor Révision — français, anglais : M. Gilles Langlois, Mme Thérèse Lessard Mise en page et graphisme : Le cplc Laura Cunningham et le cpl Jenni Buckland Traduction par le Bureau de la traduction du TPSGC Imprimé par : ePRINTit Vol. 3, no. 1, printemps 2000 TABLES DES MATIÈRES LA FORCE MOBILE LES PREMIÈRES ANNÉES ...................................................................................................................... 1 MOT DU RÉDACTEUR EN CHEF ................................................................................................................. 4 DE LA DIRECTION DE LA DOCTRINE DE L’ARMÉE DE TERRE DOCTRINE D’ARTILLERIE ANTIAÉRIENNE ................................................................................................ 5 DE LA DIRECTION DE LA DOCTRINE DE L’ARMÉE DE TERRE DOCTRINE DE L’ARTILLERIE DE CAMPAGNE ........................................................................................... 9 DE LA DIRECTION DE L’INSTRUCTION DE L’ARMÉE DE TERRE UNE REDÉFINITION DE L’INSTRUCTION DE L’ARMÉE DE TERRE ................................................................ 14 LES PRINCIPES DE GUERRE DE L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE FACE À L’AVENIR SONT-ILS ENCORE APPLICABLES? ..................................................................................................... 20 LES BLINDÉS À LA CROISÉE DES CHEMINS ............................................................................................... 30 LE 1ER BATAILLON DE PARACHUTISTES CANADIEN UNE HISTOIRE BRÈVE ....................................................................................................................... 35 LE RENSEIGNEMENT À L’APPUI DES OPÉRATIONS ON RÉCOLTE CE QUE L’ON SÈME ....................................................................................................... 44 D+20 000 LA CAMPAGNE DE NORMANDIE EST TOUJOURS D’ACTUALITÉ ............................................................... 53 LE LEOPARD AU KOSOVO VÉHICULE BLINDÉ DE COMBAT IDÉAL? ............................................................................................... 62 OBSERVATIONS ET LEÇONS TIRÉES DES ACTIVITÉS DE L’ESCADRON DE RECONNAISSANCE DU LORD STRATHCONA’S HORSE (ROYAL CANADIANS) AU KOSOVO ...................................................... 69 COMMENTAIRES, OPINIONS ET CONTESTATIONS TRIBUNE LIBRE ................................................................................................................................ 77 ARTICLES ET LIVRES PRÉSENTANT UN INTÉRÊT ........................................................................................... 94 i Tables des matières UN APERÇU DU PASSÉ ........................................................................................................................... 75 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre CONCOURS DE RÉDACTION D’ESSAIS SUR LA CONDUITE DE LA GUERRE DU BULLETIN DE DOCTRINE ET D’INSTRUCTION DE L’ARMÉE DE TERRE Des prix de 500 $, 300 $ et 200 $ seront remis aux auteurs des trois meilleurs articles. C Concours de rédaction d’essais sur la conduite de la guerre e concours est ouvert aux tous les membres des Forces canadiennes. Les essais doivent être rédigés sous forme d’argumentations convaincantes sur la tactique, la doctrine, l’instruction, la structure de la force, l’étude et le développement des méthodes de combat, les opérations ou d’autres questions reliées à la Force terrestre. Modalités d’inscription : Les essais doivent être originaux et n’avoir jamais été soumis ou publiés ailleurs auparavant. Ils ne doivent pas comporter plus de 4000 mots. Les textes doivent être présentés en version imprimée à double interligne de même que sur une disquette compatible IBM. Un nom de guerre devra remplacer le nom de l’auteur sur la page de titre. Le véritable nom de l’auteur, des renseignements sur la façon de le joindre et une brève notice biographique (niveau de scolarité, principaux cours et emplois, poste actuel) doivent être fournis dans une enveloppe scellée à l’extérieur de laquelle le nom de guerre sera clairement inscrit. Tous les textes soumis seront revus par un comité composé de cinq membres, dont le commandant du SDIFT, le commandant du Collège de commandement et d’état-major de la Force terrestre, le Directeur de la doctrine de l’Armée de terre, le Directeur de l’instruction de l’Armée de terre ainsi qu’un membre du personnel enseignant du Collège militaire royal du Canada. Les noms des gagnants seront annoncés en octobre 2000, et leurs textes seront publiés dans le numéro de l’hiver 2000/2001 du Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre. Les essais doivent avoir été expédiés le ou avant le 31 août 2000, le cachet de la poste en faisant foi. Pour obtenir plus de renseignements ou pour vous inscrire, communiquez avec: Capitaine John R. Grodzinski Rédacteur en chef Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre C.P. 17 000, Succ des Forces Kingston (ON) K7K 7B4 Téléphone: (613) 541-5010, poste 4874 Télécopieur: (613) 541-4478 Courriel: [email protected] Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre tient à souligner l’aide apportée par le Fond du nouveau millénaire du MDN dans l’élaboration de cette compétition. ii Vol. 3, no. 1, printemps 2000 LA FORCE MOBILE LES PREMIÈRES ANNÉES Le capitaine John R. Grodzinski, CD hoisir une date de création de l’Armée canadienne est une tâche pratiquement impossible. Allons-nous prendre la date à laquelle l’élément régulier a été créé en 18711 ou après la Confédération au moment où était formée une Milice2 canadienne par la fusion des forces de la Milice du « Canada », de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick aux termes de la Loi sur la Milice de 1868? Sans doute que les férus d’histoire voudront adopter comme date de création celle de la formation de la Milice à Québec en 1660. Cette question pourrait ne jamais être réglée, mais nous sommes sûrs d’une chose, soit la date de formation de la Force terrestre canadienne moderne, la Force mobile, en 1965, dont cette introduction du Bulletin vise à faire connaître les débuts aux lecteurs. L’un des grands changements de la politique et de la structure de défense est apparu dans le Livre blanc sur la défense de 1964. Le changement le plus profond est venu de la décision d’intégrer les forces armées sous l’autorité professionnelle unique du chef de l’état-major de la Défense. On espérait que, grâce au soutien d’un personnel intégré, l’efficacité et la coordination de la planification et du déroulement des opérations permettraient d’accroître la capacité opérationnelle, d’améliorer la coopération civilo-militaire et de réduire les dépenses consacrées à la défense3 . Effectivement, cela voulait dire que les trois services existants, la Marine royale canadienne, l’Armée canadienne et l’Aviation royale canadienne, devaient être démantelés pour être remplacés en tout ou en partie par un ensemble de commandements fonctionnels. Même si les services n’ont été dissous qu’en 1968, la planification a débuté aussitôt pour préparer la nouvelle structure de défense. Pour l’Armée de terre, cela signifiait le soutien de la formation de la Force mobile (FMC). La FMC devenait un quartier général intégré qui aurait la responsabilité de fournir des forces terrestres et aériennes tactiques partout dans le monde. La mobilité et la souplesse devaient être la pierre angulaire de ce plan, en grande partie grâce à l’appui aérien direct fourni aux forces terrestres sous forme de transport, d’attaque au sol et de surveillance4 . À cette fin, le quartier général du commandement devait regrouper du personnel de l’Armée et de l’Aviation. La création du quartier général de la Force mobile comportait le démantèlement de quatre grands quartiers généraux 5 et de leur onze quartiers généraux subordonnés. Ces derniers étaient responsables des 40 000 membres de l’Armée régulière, des 40 000 miliciens et de plus de 100 000 cadets de l’armée. La planification de la nouvelle organisation était lancée le 30 juin 1965, au moment de la création par le lieutenant-général Jean-V. Allard, le commandant désigné, du groupe de planification de la Force mobile. Le comité réunissait le commandant du Conseil de la tactique et de l’organisation de l’Armée (CTOA), le major-général R. Rowley, le commandant adjoint (désigné) de la Force mobile, le commodore de l’air F.S. Carpenter, deux officiers d’état-major du CTOA, représentants du quartier général des Forces canadiennes, et un secrétaire6 . La planification a d’abord débuté à Ottawa pour se poursuivre à Carp. Le CTOA s’est vu attribuer le rôle clé de planification, et le nouveau quartier général devait être situé à l’extérieur de Montréal. Les réunions se sont ensuite déplacées à Petawawa (là ou était logé le CTOA) et au quartier général du Commandement du Québec à Montréal. Le groupe de planification devait se pencher sur de nombreuses questions fondamentales, de l’intégration des forces terrestres et aériennes tactiques aux locaux, aux structures de groupes professionnels et autres considérations. On a même envisagé une nouvelle couleur d’uniforme, l’un des membres du comité suggérant que la nouvelle tenue reflète les couleurs des trois anciens services; la proportion de l’ensemble devait se fonder sur l’effectif de chaque service au moment de l’intégration.7 Le 17 août 1965, le commandant désigné ordonnait que le quartier général de la Force mobile soit situé au Dépôt de l’effectif numéro 4, dans les casernes Jacques-Cartier à Longueuil, et qu’une prise en charge pilote du Camp Valcartier comme base de la Force mobile se fasse le plus tôt possible. Le 20 septembre 1965, la plupart des éléments du quartier général provisoire, y compris le CTOA, avaient emménagé à Longueuil et entrepris les préparatifs de l’ouverture officielle fixée au 19 octobre 1965. Un conseil du Commandement a également été mis sur pied la veille de l’ouverture officielle. Le quartier général de la Force mobile a été officiellement autorisé le 19 octobre 1965, et on pouvait lire dans le premier ordre courant le texte suivant (traduction libre) : 1 La Force mobile — Les premières années C Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre ORDRE DU JOUR NUMÉRO 1 1. Pour la première fois de l’histoire militaire du Canada, les armes terrestre et aérienne tactiques serviront sous le commandement d’un seul et unique quartier général intégré. Cette initiative vise à nous permettre de mieux accomplir notre mission de défense du Canada et de maintien de la paix. Vous et moi avons le privilège de pouvoir revendiquer le titre de pionniers, en étant les premiers à servir au quartier général de la Force mobile. 2. Cette comparaison de notre travail à celui des pionniers est tout à fait appropriée. Nous serons appelés à travailler de longues heures et à élaborer de nouvelles procédures, en nous éloignant souvent des méthodes familières apprises au cours de notre expérience antérieure de service unique. Nous devrions en même temps puiser de la force dans les exemples de fierté que nous ont légués nos prédécesseurs de l’Armée canadienne et de l’Aviation royale canadienne, en temps de paix comme en temps de guerre. Nous espérons enfin en retirer autant de satisfaction que le pionnier à la vue de la riche récolte surgie de sa terre nouvellement retournée. 3. En ce premier jour de notre existence, je vous souhaite tout le succès possible dans l’entreprise qui vise à faire de la Force mobile une organisation efficace en peu de temps8 . Le commandant Lieutenant-général J.V. Allard Le capitaine John R. Grodzinski Le quartier général a été officiellement ouvert par le très honorable Georges P. Vanier, gouverneur général du Canada. Puis, le 26 août 1966, il déménageait dans les installations utilisées auparavant par le Commandement de la défense aérienne à la Station de l’Aviation royale du Canada à Saint-Hubert.9 Pendant sa première année d’existence, le quartier général comptait 62 officiers, 23 adjudants et sous-officiers supérieurs, 34 caporaux et soldats et cinq membres du Service féminin de l’Armée canadienne10 . Il avait pour commandant le lieutenant-général Allard, aidé de deux commandants adjoints, le major-général Rowley, commandant adjoint des Opérations, et le vice-maréchal de l’air Carpenter, commandant adjoint du Soutien opérationnel. L’aspect intégration du quartier général est assez évident. Parmi les 62 officiers, 20 sont issus de l’Aviation royale du Canada et un 2 membre provient de la Marine royale canadienne. Les membres du personnel de l’Aviation relevaient non seulement du chef de l’Aviation tactique, mais ils étaient répartis dans les services des opérations, de l’instruction, du génie, de la logistique et des communications. Comme on l’a déjà mentionné plus haut, le Camp Valcartier fit l’objet d’un programme pilote pour les bases de la FMC. Le 27 janvier 1966, il devenait officiellement une base de la FMC, suivi du Camp Gagetown (28 janvier 1966), de Rivers 1 1 (16 mars 1966), du Camp Petawawa (14 mars 1966) et de la Garnison Calgary (17 mars 1969). Le chef de l’Aviation tactique et son état-major ont été séparés du quartier général et regroupés en leur propre quartier général, le 10 e Groupement aérien tactique, qui naissait ainsi le 15 août 196812 . Dès sa formation, le groupe commandait deux escadrons d’instruction opérationnelle, un escadron tactique de soutien et de reconnaissance, un escadron de transport tactique et un escadron de transport lourd. En 1970, dans le cadre de la restructuration du quartier général des Forces canadiennes, les chefs fonctionnels (p. ex. le Directeur de l’Infanterie) déménageaient à Ottawa13 , alors que le quartier général du 10 e Groupement aérien tactique devenait complètement indépendant du quartier général de la FMC le 1er juillet. La FMC assumait également la responsabilité des opérations régionales (ou opérations domestiques) au Québec, de la milice et de l’École des armes de combat (déménagée de Borden à Gagetown). Le quartier général du 4 e Groupebrigade mécanisé du Canada et ses unités subordonnées étaient transférés aux Forces canadiennes en Europe nouvellement créées14 . Vol. 3, no. 1, printemps 2000 Un examen des rapports historiques de cette période et même jusqu’aux années 1990 permet de constater que la Force mobile était en constante réorganisation, depuis sa création jusqu’au moment où elle a connu une restructuration radicale au début des années 1990. La période de changements intensifs se situe entre 1965 et 1974, au plus fort de la réorganisation complète des Forces canadiennes. Par la suite, on assiste encore à des rajustements de faible envergure, qui visaient avant tout à ce que le quartier général réponde aux besoins de la force terrestre et de l’instruction. Une chose est certaine, l’intention initiale qui prévoyait un quartier général des forces terrestres et aériennes est rapidement disparue, et l’effort s’est porté sur l’existence d’une FMC davantage axée sur les services, comparable à l’ancienne armée, dans le contexte des Forces canadiennes unifiées. Même si ces faits appartiennent à un passé trop récent pour que nous puissions les considérer en toute objectivité, il est à espérer qu’on entreprendra un jour une étude détaillée de cette période. Nous pourrions être surpris des conclusions. NOTES 3 Paul Hellyer et Lucien Cardin, Livre blanc sur la défense, mars 1964 (Ottawa: Imprimeur de la Reine et Contrôleur de la Papeterie), p. 19. 4 Paul Hellyer et Lucien Cardin, p. 22. 5 Les quatre grands quartiers généraux étaient le Commandement de l’Est, le Commandement du Québec, le Commandement du Centre et le Commandement de l’Ouest. Ils équivalaient grosso modo aux secteurs de la Force terrestre modernes. Les quartiers généraux subordonnés étaient des quartiers généraux de secteur (par exemple le secteur de l’Est de l’Ontario ou le secteur de la Saskatchewan qui relevaient du quartier général du Commandement). Les responsabilités des secteurs devaient être partagées entre les districts et les bases des Forces canadiennes nouvellement établis devant relever de la Force mobile. 6 Rapport annuel historique de la Force mobile de 1965, Ottawa, Imprimeur de la Reine et Contrôleur de la Papeterie, page 2. 7 Rapport annuel historique de la Force mobile de 1965, page 1. 8 Rapport annuel historique de la Force mobile de 1965, page 5. 9 Rapport annuel historique de la Force mobile de 1966, page 8. 10 Rapport annuel historique de la Force mobile de 1965, annexe C. 11 C’est dans la ville de Rivers, au Manitoba, qu’était située la maison mère du Centre interarmes d’entraînement aérien. La FMC acquit le contrôle fonctionnel du régiment aéroporté, des autres écoles et du commandement des escadrons d’aviation qui s’y trouvaient. 12 Rapport annuel historique de la Force mobile de 1968, annexe M. 13 Le quartier général conservait un noyau d’experts avec l’établissement de sections d’état-major pour les blindés, l’artillerie, l’infanterie et le génie. Celles-ci devinrent bientôt les sections de l’officier supérieur d’état-major (OSEM) Arme blindée, OSEM Infanterie, et ainsi de suite. 14 Rapport annuel historique de la Force mobile de 1970, diverses sections. Captain John Grodzinski 2 Le terme « milice » englobe l’ensemble de l’armée. Jusqu’en novembre 1940, tous les éléments terrestres étaient connus sous le nom de milice, divisée en milice permanente ou régulière et en éléments non permanents ou de la réserve. Le 19 novembre 1940, sur la recommandation du chef de l’état-major général, le lieutenant-général H.D.G. Crerar, un arrêté en conseil prévoyait que ces forces s’appelleraient dorénavant « L’Armée canadienne ». Voir l’annexe M du document FMC 1180-1 Plan de mise en oeuvre de la Force mobile daté du 24 novembre 1965. La Force mobile — Les premières années 1 Dans son étude sur la Rébellion de la rivière Rouge de 1870, George F.G. Stanley affirme que les premières unités « régulières » de l’armée canadienne ont été créées au Manitoba en 1870. 3 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre MOT DU RÉDACTEUR EN CHEF Le capitaine John R. Grodzinski, CD « La nation qui fait une trop grande distinction entre ses universitaires et ses guerriers aura comme penseurs des peureux et comme combattants des imbéciles. » —Inconnu1 L Le capitaine John R. Grodzinski ors d’une rencontre informelle l’an dernier, un stagiaire de niveau deux du Cours de commandement et d’état-major de la Force terrestre s’interrogeait sur l’utilité d’avoir un corps d’officiers de niveau universitaire. Qu’est-ce que cela peut ajouter à notre capacité de livrer la guerre ? Pourquoi de nouvelles exigences d’instruction nous sont-elles encore imposées ? Quelle valeur concrète le fait d’avoir un diplôme confère-t-il ? Ne serait-il pas préférable qu’une minorité choisie (et douée) suive cette formation et que le reste continue son chemin ? Cette minorité pourrait alors être casé dans une direction donnée et s’occuper des problèmes de l’Armée de terre. Cette opinion est vraisemblablement partagée par bon nombre d’autres officiers et peut-être même par des militaires du rang (MR). Elle révèle un malaise à l’égard de la formation intellectuelle qui a cours dans l’armée depuis des générations. Pourquoi y a-t-il autant d’officiers qui ressentent ce malaise devant la perspective d’une formation universitaire ? Il n’y a qu’un imbécile arrogant pour croire qu’un baccalauréat ou qu’un bac ès sciences est la panacée à tous nos maux. Toutefois, les études sont un bon début. Si nous croyons toujours à l’utilité de sortir des sentiers battus (malgré que ce soit déjà chose du passé), notre personnel doit alors avoir les outils nécessaires. Des études universitaires (du moins au niveau du premier cycle) ne visent pas uniquement l’acquisition de connaissances dans une discipline, quoique ces connaissances soient un sous-produit utile. Le vrai but des études est l’acquisition de processus de pensée, la capacité d’avoir une pensée critique, d’analyser l’information et de donner des réponses articulées, écrites ou verbales. Non, ce n’est pas quelque chose qui 4 s’apprend au cours d’un séjour ou d’un cours d’état-major au Collège de commandement et d’état-major de la Force terrestre canadienne (CCEFTC) ou dans d’autres institutions des Forces canadiennes. Vous devez aller à l’école. « L’Armée de terre … doit s’assurer que ses chefs possèdent une instruction avancée, l’entraînement et l’expérience nécessaires ainsi que toutes les aptitudes requises … »3 « L’Armée de terre a besoin de chefs bien instruits, entraînés et innovateurs capables de fonctionner dans des environnements incertains et dynamiques. » —L’environnement de sécurité de l’avenir2 C’est étrange qu’avec toute cette insistance sur les études, nos institutions d’instruction, p. ex. le CCEFTC ou le Collège d’état-major et de commandement des Forces canadiennes, ne mettent pas l’accent sur le processus de pensée, dont l’apprentissage est facilité par des instructeurs formés à l’université. Aucun des deux collèges ne possède d’universitaires parmi son personnel instructeur, et les deux ne font qu’un appel limité à d’universitaires choisis pour qu’ils donnent des conférences sur des sujets précis. Au Joint Services Command and Staff College du Royaume-Uni, il en va tout autrement. En effet, le département des études de défense possède 28 universitaires au sein de son personnel et s’apprête à en embaucher dix autres. Ces personnes préparent des trousses de lecture, donnent des exposés dans leur domaine d’expertise et dirigent des groupes de discussion sur la politique, l’histoire et d’autres sujets. À titre d’instructeurs bien informés, ils peuvent transmettre beaucoup plus de connaissances approfondies et une instruction plus poussée que les instructeurs militaires, qui, par ailleurs, même s’ils ont une expérience pratique valable, ne connaissent pas les diverses écoles de pensée ou la littérature disponible sur un sujet donné. De bons universitaires peuvent manier les idées, examiner une question sous tous ses angles, avancer des arguments convaincants en faveur de celle-ci et mettre en question les perceptions et les notions traditionnelles concernant un sujet donnéSi nous exigeons que nos officiers (et nos MR) aient une bonne capacité de raisonnement, nous devons intégrer des cours de niveau universitaire dans nos collèges de commandement et d’état-major. En outre, nous ne pouvons nous contenter de choisir des universitaires (dont certains peuvent avoir contribué à former chez nombre d’officiers l’opinion négative actuelle au sujet des études universitaires) ; il faudrait plutôt les sélectionner au moyen d’un concours équitable et rigoureux. Une fois choisis, les universitaires devraient être autorisés à établir des programmes percutants qui stimulent continuellement les stagiaires et remettent en question les connaissances généralement admises dans certaines institutions. Revenons aux questions soulevées par le stagiaire de niveau deux du cours de commandement et d’état-major de la Force terrestre concernant l’utilité d’un corps d’officiers « érudits ». Ces types de questions sont suscités par la peur du changement et sont purement une expression voilée du désir de maintenir le statu quo. À la lumière de l’expérience des dernières années, pouvonsnous réellement nous permettre de garder le statu quo? NOTES 1 Tiré de United States Marine Corps MCDP 1-1 Strategy, 1997, p. 1. 2 Rapport no 99-2 de la Direction des concepts stratégiques (Opérations terrestres), L’environnement de sécurité de l’avenir, août 1999, p. 9. 3 Ibid, p. 23. Vol. 3, no. 1, printemps 2000 DE LA DIRECTION DE LA DOCTRINE DE L’ARMÉE DE TERRE DOCTRINE D’ARTILLERIE ANTIAÉRIENNE La guerre moderne se fait en trois dimensions et le combat aérien fait partie intégrante du combat interarmées. L’expression « Artillerie antiaérienne (AAA) » est utilisée pour désigner la contribution de la Force terrestre aux opérations de supériorité aérienne interarmées. La défense antiaérienne (DAA) inclut les actions offensives et défensives exécutées pour contrer toute menace aérienne. L’espace aérien d’un théâtre d’opérations est une dimension aussi importante des opérations interarmées que le terrain lui-même. L’espace aérien est utilisé à des fins essentielles qui incluent la manoeuvre, les activités de puissance de feu, la reconnaissance, la surveillance, le transport et le commandement du combat. Le contrôle et l’utilisation efficaces de l’espace aérien déterminent l’issue des campagnes et des combats. Les commandants doivent tenir compte de l’espace aérien et de la répartition de la puissance aérienne, dans la planification et le soutien de leurs opérations. Ils doivent aussi s’attendre à ce que l’ennemi essaie d’entraver leur utilisation de l’espace aérien et ils doivent protéger les forces amies de l’observation et des attaques ennemies. Les opérations de DAA contribuent à l’atteinte et au maintien du niveau souhaité de supériorité aérienne et de protection de la force. La synchronisation des opérations terrestres et aériennes est synergique et constitue un élément fondamental du succès des campagnes. Les forces aériennes, grâce aux missions de supériorité aérienne et d’appui aérien rapproché, appuient directement la campagne terrestre. La contribution de la Force terrestre sur le théâtre des opérations est diversifiée et exige un potentiel de combat polyvalent. La destruction des ressources aériennes ennemies par l’artillerie antiaérienne est un élément important de la mission de supériorité aérienne défensive sur le théâtre d’opérations. R ÔLE Le rôle de l’AAA est d’empêcher l’ennemi de nuire, du haut des airs, à nos opérations terrestres. Ce rôle englobe de nombreux aspects allant de la protection de la force par des mesures passives, jusqu’à la protection que permet la destruction des ressources aériennes ennemies. DÉFINITIONS Artillerie antiaérienne. Cela comprend toutes les armes d’artillerie, canons et missiles, conçues principalement pour détruire ou neutraliser les véhicules aériens ennemis, dans le but soit de protéger les installations, les zones et le personnel désignés, soit d’empêcher l’ennemi d’utiliser l’espace aérien. Cela comprend également les équipements nécessaires à une utilisation efficace des armes de défense antiaérienne comme les équipements d’acquisition d’objectifs, de répartition et de conduite du tir, de communication et de mobilité. Catégories de DAA. La guerre de mouvement exige l’intégration la plus étroite possible des systèmes de DAA. Le concept de DAA globale, pour le combat, doit intégrer les couvertures qu’offrent les divers systèmes d’armes disponibles, dans une structure de couches successives. Ces couches doivent se chevaucher en portée et en altitude de sorte que plusieurs systèmes puissent engager l’ennemi simultanément. Cela est rendu possible par une utilisation mixte d’avions et de systèmes fixes et mobiles d’AAA. Les armes d’AAA se répartissent en trois catégories : défense antiaérienne à moyenne et haute altitudes (DAAMHA), défense antiaérienne à courte portée (DAACP) et défense antiaérienne à très courte portée (DAATCP). Actuellement, le Canada est équipé de systèmes DAACP (ADATS/canon 35mm) et DAATCP (Javelin). La capacité canadienne de DAAMHA ne peut être assurée que par les Forces aériennes (CF-18). Le diagramme suivant illustre la DAA par couches successives : 5 Doctrine d’artillerie antiaérienne e nouveau manuel sur l’artillerie antiaérienne (B-GL-372-001) a été approuvé en septembre 1999. Intitulé Doctrine – Artillerie antiaérienne, il constitue le manuel-clé en matière de défense antiaérienne et il vient étoffer le manuel Puissance de feu (B-GL-300-007) déjà publié. Le manuel de l’artillerie antiaérienne est disponible sur le Réseau d’information de la Défense (lfdts-6a.d-kgtn.dnd.ca/ael) à la bibliothèque électronique du Système de doctrine et d’instruction de la Force terrestre (SDIFT). L Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Chasseurs Légende : DAAMHA DAACP DAATCP DAATA DAA Défense antiaérienne à moyen et haute altitudes Défense antiaérienne à courte portée Défense antiaérienne à très courte portée Défense antiaérienne toutes armes 18,290 m DAAMHA DAACP DAATCP Menace 0m DAATA Javelin ADATS Hawk Patriot Figure 1 : Défense antiaérienne par couches successives De la Direction de la doctrine de l’Armée de terre LA MENACE AÉRIENNE Cette menace ne se limite plus seulement aux attaques par avions et par hélicoptères. Les cibles potentielles de l’AAA se sont multipliées, à la suite des développements technologiques et de la prolifération des armes qui incluent maintenant les missiles (airsol et sol-sol), les véhicules aériens téléguidés (VAT), les missiles de croisière et les missiles balistiques tactiques (MBT). OPÉRATIONS DE DÉFENSE ANTIAÉRIENNE INTERARMÉES Les opérations interarmées sont des activités militaires intégrées menées par deux ou plusieurs éléments des FC. Les opérations interarmées représentent un dilemme pour l’ennemi. En effet, lorsqu’il tente de se soustraire à l’attaque d’un des éléments, il devient vulnérable à l’attaque d’un autre élément. L’artillerie antiaérienne apporte un potentiel unique aux opérations 6 soutenues d’une force interarmées ou combinée. Les opérations combinées impliquent les forces militaires de deux nations ou plus. Afin de contrer le spectre de la menace aérienne, tous les efforts de DAA doivent porter sur une défense intégrée et coordonnée. Les menaces aériennes auxquelles les FC sont confrontées aujourd’hui et seront confrontées dans l’avenir se divisent entre celles qui sont le mieux contrées par des avions pilotés et celles qui sont le mieux contrées par des systèmes basés au sol. Dans ce contexte, les systèmes de DAA aéroportés et basés au sol recherchent l’efficacité en évitant tout dédoublement inutile. L’AAA se concentre sur la lutte contre les véhicules aériens ennemis qui opèrent à très basses et à basses altitudes. Ces menaces englobent les VAT, les hélicoptères, les missiles de croisière et tous les avions à voilure fixe qui ne sont pas détruits par les chasseurs des forces interarmées et combinées. La synergie entre les forces interarmées et combinées est le résultat d’une doctrine éprouvée, d’une instruction appropriée et d’une même compréhension des relations et des procédures au sein de la force interarmées. COMPOSANTS DU SYSTÈME DE DAA Un système efficace de DAA doit pouvoir détecter, acquérir et identifier un objectif, l’intercepter et le détruire ou le neutraliser avant qu’il largue ses armes. Une combinaison de mesures de contre-surveillance, de mesures de contrôle d’émissions, et de capteurs aéroportés et au sol, ces derniers étant reliés par des moyens de communication efficaces aux chasseurs et à l’AAA, permet de contrer la menace aérienne. Les composants d’un système de DAA sont les suivants : k Systèmes d’armes. Ils incluent un mélange intégré de chasseurs et de systèmes d’AAA. Vol. 3, no. 1, printemps 2000 aspect vital de la DAA; en effet, sans une acquisition précise et rapide des objectifs aériens et une alerte lointaine, l’AAA ne peut assurer le niveau maximum de protection. k Capteurs de DAA. Un certain nombre de systèmes complémentaires sont requis pour exécuter les fonctions de surveillance et de contrôle. COMMANDEMENT ET CONTRÔLE DÉPLOIEMENT Lorsqu’ils planifient des opérations d’AAA, les commandants appliquent quatre principes pour obtenir une couverture maximum. Ces principes sont la concentration, la diversification, la mobilité et l’intégration. Pour être efficace, l’AAA est déployée selon les principes d’appui réciproque, de défense tous azimuts, de couverture pondérée, d’engagement lointain et de défense en profondeur. C’est l’appréciation d’une situation donnée qui détermine lesquels de ces principes s’y appliquent. Les communications sont vitales pour contrôler les tirs de DAA ainsi que l’espace aérien. Le tir ennemi, des contre-mesures électroniques, des impulsions électromagnétiques, des facteurs environnementaux ou des pannes d’équipement peuvent provoquer la rupture de ces communications. La guerre électronique (GE) est susceptible de nuire aux communications de commandement et de contrôle, à la reconnaissance, à la surveillance et au téléguidage des armes. L’acquisition d’objectifs, qui est un des éléments de la fonction de renseignement, surveillance, acquisition d’objectifs et reconnaissance (ISTAR), est un Cependant, le contrôle de l’AAA demeure normalement au niveau le plus élevé. Dans une alliance ou une Cmdt CAFI CORPS CCoordOA Cmdt RAé Composante aérienne AIR/AVN CDAAC CCOA COMSA C C E A AIR/AVN DIVISION PC RÉGT DAA CDAADiv Doctrine d’artillerie antiaérienne PRINCIPES D’EMPLOI ET DE Le commandement de l’artillerie antiaérienne est normalement assuré au niveau de la formation afin de permettre une couverture coordonnée et une utilisation optimum de l’artillerie antiaérienne. Le commandant de l’AAA conserve donc le commandement et le contrôle des unités AAA. Le commandant d’un régiment d’AAA se sert normalement de tâches tactiques pour définir les priorités dans les efforts et établir les besoins en matière de liaisons entre les batteries AAA et les unités/formations qu’elles appuient. coalition, le commandant du théâtre d’opérations attribue la responsabilité de l’ensemble de la DAA et du contrôle de l’espace aérien à un seul et unique commandant de la composante aérienne de la force interarmées (cmdt CAFI). Ce peut être n’importe quel commandant, mais c’est normalement le commandant de la composante aérienne (CCA) qui remplit simultanément les fonctions de commandant de la DAA et d’autorité de contrôle de l’espace aérien (ACEA). Le commandant de la DAA coordonne et intègre l’ensemble des opérations de DAA sur le théâtre. Il peut créer des régions de DAA et désigner, dans chacune d’elles, un commandant de région aérienne (cmdt RAé).1 Le cmdt RAé est normalement aussi le commandant de DAA de la région (cmdt DAAR), mais ce poste peut être attribué à un commandant de n’importe quelle composante. Le cmdt DAAR a pleine responsabilité et pleins pouvoirs pour la DAA de la région. Captain John Grodzinski k Réseau de détection et de contrôle. Un système de commandement et de contrôle de la DAA est requis pour en relier tous les composants, donner l’alerte et contrôler les systèmes d’armes de DAA. DAAMHA C C E A AIR/AVN BRIGADE PC BIE DAA CDAABde SYSTÈMES D’ARMES DAA Figure 2 : Chaîne de contrôle de la défense antiaérienne 7 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre NIVEAUX DE COMMANDEMENT SUBORDONNÉS À chaque niveau de commandement, des représentants des principaux usagers de l’espace aérien travaillent ensemble au sein d’un certain nombre de cellules qui peuvent inclure : k Centre des opérations aériennes combinées (COAC). Le COAC représente le cmdt CAFI à titre d’organisme régional d’affectation des ressources aériennes. k Centre d’opérations de missiles sol-air (COSAM). Les unités de DAAMHA sont contrôlées par le COSAM et sont habituellement placées sous le TACON du commandant du COAC. Leur déploiement sera toujours coordonné dans le cadre du système intégré de DAA régionale. De la Direction de la doctrine de l’Armée de terre k Centre de coordination des opérations aériennes (CCOA). Chaque corps possède son propre CCOA qui voit, en son nom, à la coordination de tout l’appui aérien. Le CCOA est également responsable de la coordination globale des opérations de DAA et des mesures de contrôle de l’espace aérien conformément au plan de DAA du théâtre. k Cellules de défense antiaérienne. Une cellule de DAA (CDAA) est établie à la brigade (CDAABde) et aux quartiers généraux supérieurs (CDAADiv et CDAAC). Le commandant de l’AAA, appuyé par son état-major, remplit ses fonctions à partir de la CDAA et agit comme conseiller en armes auprès du commandant. La CDAA assure la planification et fournit les données de DAA au Centre de coordination de l’espace aérien (CCEA). Le commandant de la DAA établit les procédures opérationnelles 8 d’engagement de DAA. Ces mesures indiqueront en détail le niveau auquel la gestion intégrale du combat aérien doit se dérouler. De telles mesures incluront les alertes de DAA, les états de préparation, les règles d’engagement et le statut des consignes de tir. d’avantages à tous les usagers de ce même espace aérien. Il s’agit d’un système de procédures conçu pour : Le principal enjeu dans le commandement et le contrôle de la DAA est le contrôle de l’espace aérien. Ce dernier a pour objectif de maximiser l’efficacité opérationnelle en donnant la possibilité aux forces terrestres, aériennes et navales d’opérer de façon efficace intégrée et souple. Les interférences mutuelles doivent être réduites au minimum et les forces amies ne doivent pas se voir imposer des contraintes et des risques indus. Le but du contrôle de l’espace aérien est de trouver un équilibre entre deux besoins conflictuels : optimiser la protection offerte par la DAA tout en permettant aux ressources aériennes amies d’opérer librement avec un minimum de restrictions. Le fait de minimiser les dangers pour les ressources aériennes amies risque de permettre à des ressources aériennes hostiles de s’approcher sans être engagées, et de détruire des ressources vitales pour le succès de la mission du commandant de la force interarmées/ combinée (cmdt FI/FC). Réciproquement, une très forte probabilité d’engagement de tous les avions hostiles peut entraîner des risques pour les ressources aériennes amies. Le cmdt FI doit décider d’un point d’équilibre acceptable entre ces deux risques. Le contrôle de l’espace aérien s’applique à tous les usagers de ce dernier ainsi qu’aux armes de DAA capables d’y engager des objectifs. On se sert d’un système de contrôle de l’espace aérien (SCEA) susceptible de donner un maximum k séparer les opérations aériennes et terrestres, dans cet espace; k minimiser les risques pour les avions amis; k minimiser les restrictions sur les armes de DAA; k assurer l’opérabilité dans un environnement électronique hostile et dans des conditions de silence électronique. CONCLUSION La doctrine d’artillerie antiaérienne (B-GL-372-001) fournit un explication complète des concepts développés dans cet article. Plus tard cette année, ce manuel sera suivi d’un manuel de procédures opérationnelles qui mettra l’accent sur la façon dont l’AAA canadienne applique la doctrine et les principes de DAA. NOTES 1 Selon l’envergure des opérations, des commandants de DAA de zone (cmdt DAAZ) peuvent aussi être désignés. Vol. 3, no. 1, printemps 2000 DE LA DIRECTION DE LA DOCTRINE DE L’ARMÉE DE TERRE DOCTRINE DE L’ARTILLERIE DE CAMPAGNE Le présent manuel aborde un nombre important d’idées et de concepts nouveaux. On y retrouve une description des statuts de commandement adoptés récemment et de l’effet qu’ont ces derniers sur l’artillerie. Un autre concept nouveau, précisé au chapitre 3, est celui des fonctions du commandant d’artillerie qui sont d’interpréter, d’influencer et d’intégrer. Le document traite en outre de l’emploi de l’appui-feu dans le cadre du champ de bataille, en vue de différents types d’opérations et de phases transitoires. La puissance de feu, lorsqu’elle est intégrée à la manœuvre ou indépendante de celle-ci, sert à détruire, à neutraliser, à supprimer et à harceler l’ennemi. Pour assurer une efficacité maximale de la puissance de feu, on doit intégrer complètement les systèmes et les méthodes de service de l’armée et interarmées afin de déterminer les priorités d’engagement, de repérer, d’identifier et de suivre les objectifs, d’affecter les ressources de la puissance de feu ainsi que d’estimer les dommages liés au combat. La puissance de feu est un concept interarmées, car il englobe les effets des armes terrestres, aériennes et maritimes traditionnelles. Il comprend l’utilisation collective et coordonnée des données d’acquisition d’objectif provenant de toutes les sources, des armes à tir direct et indirect, des avions et des hélicoptères d’attaque de tous les types ainsi que des autres moyens meurtriers et non meurtriers dirigés contre les objectifs aériens, terrestres et maritimes. Sous-ensemble de la puissance de feu, l’appui-feu consiste en l’utilisation collective et coordonnée du tir des systèmes de tir indirect terrestres et maritimes, des avions et des hélicoptères d’attaque, des OI offensives et des munitions non meurtrières contre des objectifs au sol. Cet effort collectif et coordonné sert à appuyer les opérations de combat terrestre aux niveaux opérationnel et tactique. L’appui-feu comprend l’intégration et la synchronisation du tir et des effets destinés à retarder, à perturber ou à détruire les forces ennemies, ainsi que ses fonctions de combat et ses installations, conformément aux objectifs opérationnels et tactiques. Il comprend l’artillerie de campagne, les mortiers, le tir naval et les munitions pour avions. Le commandant de la force se sert de ces moyens pour appuyer son plan de manœuvre ainsi que pour engager les forces ennemies dans la profondeur. La planification et la coordination de l’appui-feu sont essentielles à tous les échelons du commandement. L’artillerie de campagne constitue l’une des principales composantes de l’appui-feu dont dispose la division. Des ressources additionnelles de l’artillerie de campagne provenant du corps peuvent être attribuées à la division, selon la situation tactique et l’intention du commandant. RÔLE DE L ’ ARTILLERIE DE CAMPAGNE L’artillerie de campagne doit participer à la destruction de l’ennemi par du tir indirect, dans le cadre du combat toutes armes. Elle se compose d’unités de pièces, de roquettes et de missiles qui fournissent un appui-feu sol-sol à la force de campagne. L’artillerie de campagne comprend également de l’artillerie et de l’équipement de repérage de campagne qui assurent l’acquisition d’objectif, la surveillance de combat et le service de renseignement de l’artillerie. L’appui-feu joue un rôle essentiel dans l’approche à la guerre de manœuvre de l’Armée de terre canadienne qui est décrite dans la BGL-300-001, La conduite des opérations terrestres – Doctrine opérationnelle de l’Armée de terre canadienne. Notre philosophie de guerre vise à vaincre l’ennemi en minant son moral et sa cohésion physique, sa capacité de combattre en tant qu’entité coordonnée efficace, plutôt qu’en le détruisant par attrition progressive. L’appui-feu est l’un des éléments essentiels utilisés pour anéantir la cohésion de l’ennemi. Il détruit, neutralise et supprime. Grâce à lui, le mouvement peut se dérouler et les forces amies sont en mesure de se rendre dans des positions plus avantageuses par rapport à celles de 9 Doctrine de l’artillerie de campagne a B-GL-300-007, Puissance de feu, qui vient d’être introduite, porte sur la doctrine en matière de puissance de feu et ouvre la voie à l’élaboration de la doctrine de l’artillerie de campagne. La B-GL-371-001, Doctrine de l’artillerie de campagne, expose les grandes lignes de la doctrine tactique concernant l’emploi de l’artillerie de campagne au combat, y compris le rôle de cette dernière et son utilisation dans toutes les phases de la guerre. L Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre l’ennemi. L’emploi de l’artillerie de campagne est l’un des moyens les plus souples d’appliquer l’appui-feu sur le champ de bataille. L’artillerie de campagne aide à fixer et à frapper l’ennemi.1 Elle appuie les forces qui fixent l’ennemi en retirant à ce dernier ses ressources critiques et en limitant sa liberté de mouvement. L’artillerie de campagne frappe aussi l’ennemi dans toute sa profondeur, en attaquant son moral, en perturbant et en détruisant ses formations de manœuvre, ses ressources de commandement, de contrôle, de communication, de renseignement et de logistique. k Interpréter. Les commandants d’artillerie doivent assimiler l’information qui leur est fournie et comprendre parfaitement la mission du commandant de manœuvre. Ils doivent en outre comprendre l’intention ainsi que le concept de l’opération de leur commandant supérieur et du commandant à deux niveaux plus haut. Ils doivent par conséquent comprendre la doctrine opérationnelle et tactique. COMMANDANTS D’ARTILLERIE k Influencer. Les commandants d’artillerie doivent ensuite se servir de leurs connaissances de l’artillerie, de l’appui-feu et de la tactique pour conseiller leur commandant et pour développer l’appui-feu requis en vertu du plan de ce dernier. Les commandants d’artillerie ont trois fonctions à remplir, c’est-à-dire interpréter, influencer et intégrer. k Intégrer. Enfin, les commandants d’artillerie doivent intégrer le plan d’appui-feu au plan du commandant de manœuvre. Il est essentiel que ces plans soient élaborés simultanément afin d’assurer leur compatibilité et de maximiser l’application de la puissance de combat. Les commandants d’artillerie de campagne s’efforcent d’exploiter le potentiel du système d’appui-feu sur le champ de bataille, en concentrant le plus grand nombre de ressources d’appuifeu disponible, au moment et à l’endroit voulus, de manière à influencer directement les opérations. L’artillerie de campagne, qui est l’une des composantes les plus puissantes et les plus souples sur le champ de bataille, peut disperser une masse impressionnante de munitions à travers l’ensemble de la zone d’influence. Pour y parvenir, elle doit appliquer certains principes, c’est-à-dire la concentration de la force, la coordination, la souplesse et l’économie d’effort. Tâche tactique Répond en priorité aux Établit la Établit la Fournit les groupes Éléments demandes de tir liaison avec communication tactiques déplacés et avec d’artillerie déployés par (2) Appui direct 1. Unité/formation Commandant de Unité/formation Unité/formation de CB au QG des directement appuyée. l’unité d’artillerie directement manœuvre unités. Groupe d’appui direct appuyée directement appuyée (AD) OOA à chaque sous2. Propres groupes unité de manœuvre tactiques de bie des unités de la formation 3. QG (1) artil C de la force directement appuyée Renforcement 1. Unité d’artillerie Unité d’artillerie Unité Unité d’artillerie Aucun besoin renforcée d’artillerie renforcée inhérent à la mission renforcée renforcée (R) 2. Propres groupes Sa zone de feux Son tir est planifié correspond à (3) par (4) Zone d’action de Élabore ses propres plans l’unité/la formation de feux en coordination directement appuyée avec l’unité/la formation directement appuyée Zone de tir de l’unité Unité d’artillerie renforcée d’artillerie renforcée De la Direction de la doctrine de l’Armée de terre tactiques de bie 3. Appui général 1. renforcement 2. (AGR) 3. Appui général 1. (AG) 2. QG (1) artil C de la force QG (1)artil C de la force Unité d’artillerie renforcée Unité d’artillerie renforcée Unité d’artillerie renforcée QG (1) artil C de Zone d’action de la QG (1) artil C de la force Aucun besoin formation appuyée inhérent à la mission la force Aucun besoin inhérent à la mission Aucun besoin inhérent à QG (1) artil C de Zone d’action de la la mission la force formation appuyée Propres groupes tactiques de bie QG (1)artil C de la force Aucun besoin et artil d’acquisition inhérent à la d’objectifs mission Propres groupes tactiques de bie Nota : Toute modification quelconque des conditions susmentionnées engendrera une « tâche 3. Zone d’action – Subdivision tactique d’une zone plus vaste dont la responsabilité opérationnelle est confiée à une unité tactique (AAP-6). 4. Zone de feux – Zone qui couvre la zone d’action de l’unité ou de la formation appuyée et qui peut s’étendre au-delà de celle-ci. non standard » 1. Quartier général (QG) d’artillerie de la force ou QG d’artillerie supérieur. 2. On doit consulter l’état-major G3 de la brigade avant de déplacer les groupes des pièces vers la zone de la brigade, à l’intérieur ou au dehors de celle-ci. La coordination des déplacements relève du commandant d’artilleri e en appui direct. Figure 1 : Tâches tactiques de l’artillerie 10 QG (1) artil C de la force Vol. 3, no. 1, printemps 2000 Au niveau du corps en montant, on a recours aux statuts de commandement 2 pour attribuer les ressources aux formations subalternes. Au sein des divisions, le contrôle de l’artillerie est assuré par l’attribution de tâches tactiques. Celles-ci précisent le rapport entre les ressources d’appui-feu et l’arme appuyée de même que le niveau de garantie rattaché à la fourniture de cet appui. Les tâches tactiques, à partir de celles qui sont le plus influencées par l’arme appuyée jusqu’à celles qui Au niveau de la brigade, le contrôle du tir se fait par l’attribution de priorités de tir. Ces dernières précisent qui reçoit le tir d’appui en cas de conflit. Le commandant d’une unité d’artillerie attribue des priorités de tir au début d’une opération en fonction du concept de l’opération du commandant de brigade. Les priorités du tir peuvent changer au cours d’une opération selon l’évolution de la situation et, par conséquent, la modification du concept du commandant. COORDINATION DE L’APPUI-FEU Une formation ou unité appuyée pourra compter sur de nombreuses sources d’appui-feu différentes. Ces ressources doivent être employées de manière à ce qu’on puisse tirer le meilleur parti de chacune, de la façon la plus efficace et la plus efficiente possible, et régler toutes les demandes contradictoires. Une coordination attentive de toutes les ressources d’appui-feu est donc nécessaire. Pour effectuer ce genre de coordination, le commandant d’artillerie établit un centre de coordination des feux d’appui (CCFA) à l’intérieur du centre des opérations du quartier général de l’unité ou de la formation appuyée. Le CCFA, qui se compose d’un centre des opérations commun où sont installés les représentants et les systèmes de communication de toutes les organisations d’appui-feu disponibles ainsi que le Centre de coordination de l’espace aérien (CCEA), est placé sous le commandement du commandant d’artillerie. Le CCFA doit accomplir les fonctions exposées ci-après. k Conseils - Donner des conseils au commandant et au personnel de l’élément appuyé au sujet des capacités et de l’emploi de tout l’appui-feu indirect. k Coordination - Le CCFA doit planifier et coordonner l’ensemble de l’appui-feu disponible qui sera fourni à une formation ou unité, coordonner l’appui-feu avec les unités/formations adjacentes et coordonner, par l’entremise du CCEA, les mesures de contrôle de l’espace aérien concernant la défense antiaérienne (DAA). k Allocation des ressources – Le CCFA doit allouer les ressources en matière d’appui-feu requises pour soutenir le plan du commandant et établir des priorités à leur égard. Cela comprend le traitement des demandes d’appuifeu qui ne proviennent pas de la formation appuyée. La planification de l’appui-feu, un processus continu d’analyse, d’allocation et d’établissement de calendriers concernant l’appui-feu, est l’une des plus importantes activités du CCFA. Elle fait partie intégrante de la procédure de combat du commandant et elle a pour objet d’intégrer efficacement l’appui-feu aux plans liés au combat, dans le but d’optimiser la puissance de combat. La planification de l’appui-feu s’effectue par conséquent en même temps que la procédure de combat, à tous les niveaux, en vue d’opérations dans la profondeur, rapprochées et arrière. Elle doit être souple et doit pouvoir s’adapter aux développements imprévus du combat ainsi que faciliter un changement rapide. Elle englobe la mise en place, l’attribution des ressources et le réapprovisionnement, l’acquisition de 11 Captain John Grodzinski L’artillerie moderne a une telle portée que l’appui-feu d’une organisation d’artillerie peut être fourni à plus d’une unité ou formation, aussi bien au cours d’opérations nationales qu’interalliées. La mise en place de systèmes d’artillerie, y compris les ressources de surveillance et d’acquisition d’objectifs (STA), de même que la concentration du tir de manière à produire les meilleurs résultats au cours de situations tactiques évoluant rapidement exigent un système de commandement et de contrôle efficace et souple. Le commandant d’artillerie qui possède le grade le plus élevé doit pouvoir influencer le choix des emplacements des systèmes d’artillerie, de surveillance et d’acquisition d’objectifs au sein de la formation, de manière à ce que le tir du plus grand nombre possible de ressources soit concentré sur les objectifs les plus importants. Le commandant d’artillerie doit rapidement répartir le tir des unités d’artillerie contre les objectifs qui auront vraisemblablement le plus d’incidence sur le plan du commandant de manœuvre. Le commandement des ressources d’artillerie s’exerce donc au niveau le plus élevé tandis que le contrôle ou l’application du tir d’artillerie s’effectue au niveau le plus bas. sont le plus centralisées sont les suivantes : appui direct (AD), renforcement (renf), appui général renforcement (AGR) et appui général (AG). Doctrine de l’artillerie de campagne COMMANDEMENT ET CONTRÔLE Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre même que l’engagement d’objectifs. Elle exige la synchronisation de toutes les ressources d’appui-feu disponibles afin de concentrer le tir d’artillerie là où le commandant de manœuvre entend mener le combat. De la Direction de la doctrine de l’Armée de terre La planification du tir et le choix des objectifs sont deux processus distincts, mais complémentaires de la planification de l’appui-feu. Le choix des objectifs est un processus d’étatmajor officiel comprenant une série d’activités et de résultats inhérents au processus de planification opérationnelle. Le choix des objectifs est une activité continue et périodique qui facilite l’identification et l’engagement d’objectifs prioritaires. Elle aide le commandant à décider quels biens ou ressources de l’ennemi doivent être attaqués, la façon de les acquérir et de les attaquer. mesures de coordination des feux d’appui (MCFA) ont pour objet d’accélérer la vitesse avec laquelle on réagit aux demandes de tir tout en réduisant les effets fratricides. Ces mesures peuvent être permissives ou restrictives. Le CCFA coordonne tout l’appui-feu qui a une incidence sur la zone de responsabilité de la force appuyée; il doit donc s’assurer que ce dernier ne compromettra pas la sécurité des troupes, sera synchronisé avec les autres moyens d’appui-feu et ne perturbera pas les opérations des unités amies adjacentes. CADRE DU CHAMP DE BATAILLE La planification du tir ne consiste pas seulement à planifier l’endroit où sera dirigé le tir des pièces. Elle suppose une utilisation collective et coordonnée de tir indirect provenant d’avions et d’hélicoptères d’attaque et de d’autres moyens meurtriers et non meurtriers en appui du plan de combat du commandant de manœuvre, intégrée aux plans concernant le système d’obstacles, le renseignement, la surveillance, l’acquisition d’objectifs et la reconnaissance (ISTAR). La planification du tir est souvent conjointe en nature, et elle s’effectue au cours de toutes les opérations de guerre. Son principal aspect est la coordination ainsi que la synchronisation de toutes les ressources d’appui-feu disponibles, en appui au plan tactique du commandant de manœuvre. Ce sont les commandants d’artillerie qui, à différents niveaux, sont responsables de cette coordination. Le concept des opérations dans la profondeur, rapprochées et arrière permet de situer les forces amies les unes par rapport aux autres et par rapport à l’ennemi sous les rapports du temps, de l’espace, des ressources et de la raison d’être. Les formations et les unités peuvent mener des opérations dans la profondeur, rapprochées et arrière à différents stades d’une bataille. L’artillerie a la particularité d’être la seule arme d’une formation à être régulièrement engagée dans les trois types d’opération à la fois. Les opérations dans la profondeur et rapprochées devraient se dérouler simultanément non seulement à cause de leur interdépendance, mais aussi parce qu’il est plus facile de vaincre l’ennemi en le combattant dans toute la profondeur de son dispositif. En conséquence, on doit, au moment de déployer les éléments d’appui-feu, envisager d’assurer une couverture de toute la zone occupée par la formation. Le concept des opérations dans la profondeur, rapprochées et arrière facilite le commandement et la coordination des opérations. Mesures de coordination des feux d’appui. L’emploi de mesures de coordination constitue la base de la coordination de l’appui-feu. Les Opérations dans la profondeur. Les opérations dans la profondeur peuvent affaiblir la puissance de feu de l’ennemi, perturber son commandement et son 12 contrôle, détruire sa base logistique et miner son moral, et, par conséquent, sa cohésion. L’appui-feu joue un rôle essentiel dans la conduite des opérations dans la profondeur, mais c’est l’application intégrée de la puissance de feu et de la manœuvre qui rend fructueuse la capacité d’attaque dans la profondeur. Le succès repose sur la synchronisation de tous les éléments à tous les échelons. On utilise les termes limiter, perturber, retarder, détourner et détruire pour décrire les effets de l’attaque sur les capacités de l’ennemi. Ces termes ne sont pas indépendants les uns des autres. Les actions sur un objectif peuvent également appuyer d’autres objectifs. Les termes sont définis ci-après : k Limiter. Limiter les capacités de l’ennemi désigne le fait de réduire le nombre de solutions ou de plans d’action du commandant ennemi. Par exemple, le commandant peut diriger une interdiction aérienne et un appuifeu dans le but de restreindre l’utilisation d’une ou de plusieurs voies d’approche accessibles à l’ennemi. Il peut également diriger une tâche d’interdiction dans le but d’empêcher l’appui-feu ennemi de nuire aux opérations des formations amies. k Perturber. Perturber l’ennemi c’est empêcher celui-ci d’exploiter l’interaction efficace de ses systèmes de combat et d’appui au combat. On le force à adopter des tactiques inefficaces et on nuit au mouvement du matériel et des forces. k Retarder. Cette action joue sur le temps d’arrivée des forces à un point du champ de bataille ou sur la capacité de l’ennemi d’utiliser sa puissance de combat à partir d’un point quelconque du champ de bataille. Dans la doctrine de l’interdiction, les retards sont engendrés par les actions visant à perturber, à détourner ou à détruire Vol. 3, no. 1, printemps 2000 k Détruire. Cette action, en tant qu’objectif, commande d’anéantir la structure, l’existence ou l’état d’un objectif qui est essentiel à la capacité ennemie. Le commandant doit prendre plusieurs facteurs particuliers en considération quand il élabore son plan de bataille relatif aux opérations dans la profondeur. Les forces de manœuvre peuvent être tenues d’exploiter les résultats d’un tir d’appui classique de grande envergure ou de mettre en place des conditions propices à des attaques dans la profondeur. L’appui-feu est l’élément le mieux adapté dont dispose le commandant opérationnel pour modifier les opérations de l’ennemi. Le plan ISTAR doit prévoir des tâches à l’appui des opérations dans la profondeur. En outre, on doit orienter les efforts de repérage sur les opérations dans la profondeur. Pour réussir les opérations dans la profondeur, il faut analyser minutieusement les moyens dont dispose l’ennemi pour nuire aux opérations des forces amies ainsi que les points vulnérables de celui-ci. Seuls les moyens ennemis qui font peser une grave menace sur les forces amies ou les ressources dont l’ennemi a absolument besoin pour accomplir Opérations rapprochées. Les opérations rapprochées s’accompagnent de batailles et d’engagements par les unités de manœuvre et d’appui-feu d’une force ainsi que de l’intervention nécessaire de fonctions d’appui au combat et de soutien au combat dans le but d’en arriver à une action décisive contre l’ennemi. L’appui-feu rapproché est dirigé contre des cibles ou des objectifs lorsque leur proximité avec la force appuyée exige d’intégrer le tir, le mouvement ou d’autres actions de cette force à l’action de soutien ou de les coordonner avec cette dernière. leurs efforts sur la protection des moyens cruciaux. Le commandant d’artillerie chargera un représentant de l’artillerie de planifier et de coordonner l’appui-feu de la zone arrière et d’agir à titre de conseiller en la matière. Les effets de l’appui-feu pour ces opérations sont les mêmes que ceux de l’appui-feu pour les opérations rapprochées. CONCLUSION En tant que principale composante de l’appui-feu, l’artillerie de campagne a un rôle important à jouer sur le champ de bataille moderne, compte tenu en particulier de l’approche « guerre de manœuvre » de notre façon de mener la guerre. Le commandant d’artillerie est responsable de donner des conseils au sujet du plan des feux d’appui et d’intégrer l’appui-feu à une opération. Le système d’appui-feu attaque la cohésion de l’ennemi et aide le commandant de manœuvre à fixer et à frapper l’ennemi. Opérations arrière. Les opérations arrière contribuent à la liberté d’action et à la poursuite des opérations, de la logistique et du commandement. Leur raison d’être est de soutenir les opérations rapprochées et dans la profondeur en cours et d’aider au positionnement de la force en vue d’opérations à venir. Les commandants doivent centrer Captain John Grodzinski k Détourner. Cette action traduit le désir du commandant d’immobiliser les ressources cruciales de l’ennemi. L’attaque de certaines cibles peut obliger le commandant ennemi à transférer ses moyens ou des éléments d’une zone ou d’une activité à une autre. Le détournement de ces ressources réduit indirectement la capacité du commandant ennemi de suivre ses plans. une tâche critique constituent des objectifs potentiels à engager. À titre d’exemples, mentionnons les installations de commandement et de contrôle, les éléments d’appui-feu, les systèmes de défense antiaérienne et les éléments ISTAR, les armes de destruction massive et les installations de logistique. NOTES 1 Conformément à la B-GL-300-001, La conduite des opérations terrestres — Doctrine opérationnelle de l’Armée de terre canadienne, page 2-5, : « L’attaque dirigée contre la cohésion ennemie s’exécute par une combinaison des deux forces dynamiques que sont la fixation et la frappe. Ces deux forces comportent le besoin implicite de trouver l’ennemi. » 2 Le commandement opérationnel et le contrôle opérationnel sont les rapports de commandement les plus souvent associés à l’artillerie de campagne. 13 Doctrine de l’artillerie de campagne les capacités ou les objectifs ennemis. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre DE LA DIRECTION DE L’INSTRUCTION DE L’ARMÉE DE TERRE UNE REDÉFINITION DE L’INSTRUCTION DE L’ARMÉE DE TERRE e tous les sujets qu’il est possible de traiter dans ce journal, la philosophie de l’instruction se situe de toute évidence parmi les plus litigieux. Nous avons tous été « victimes » du système d’instruction, et la plupart d’entre nous se sont un jour ou l’autre retrouvés dans le rôle de formateur. Par conséquent, nous avons des opinions bien arrêtées sur l’instruction, à tort ou à raison. Que nous soyons instructeurs à l’école, principaux leaders à l’unité ou gestionnaires du système, la formation englobe un vaste pourcentage de nos vies professionnelles. Nous avons tendance à nous sentir personnellement attaqués par toute critique de notre système d’instruction, et il devrait en être ainsi. L’Armée canadienne a longtemps joui de la réputation enviable de posséder le meilleur service d’instruction individuelle des pays de l’OTAN. Même si notre instruction collective s’est considérablement érodée, nos soldats et nos chefs ont constamment fait l’objet d’éloges, tant pour la grande qualité que pour le vaste éventail de leurs compétences. Malheureusement, les contraintes imposées aux ressources au cours de la dernière décennie ont lourdement grevé notre utopie. De la Direction de l’instruction de l’Armée de terre D Dans le contexte actuel, notre système d’instruction pourrait au mieux être qualifié avec indulgence de « sous-optimal », pourtant certains continuent toujours de nier tout dysfonctionnement. Leur argument repose sur l’affirmation selon laquelle les soldats canadiens continuent de bien s’acquitter des tâches qui leur sont assignées, peu importe l’environnement, et leurs compétences sont en demande partout où survient un désastre. Il s’agit 14 d’un argument percutant et, dans le contexte de notre histoire immédiate, incontestable. Les soldats canadiens ont excellé dans les opérations de paix auxquelles ils ont participé au cours de la dernière décennie. Par contre, il y a eu quelques ratés clairement liés aux insuffisances de formation et de leadership, notamment en Somalie et à Bacovice. Le présent article tend à prouver que notre actuel système d’instruction est insoutenable. La visibilité de nos opérations de paix a un effet incroyable sur notre capacité à entraîner et à mettre sur pied des forces de combat polyfonctionnelles aptes au combat. Nous allons donc ici dévoiler les causes du dysfonctionnement et offrir de débattre un ensemble de principes pouvant servir de fondement à un système d’instruction de l’Armée de terre renouvelé. LE PROBLÈME La mission énoncée dans notre Guide de planification de la Défense (GPD) consiste à mettre sur pied et à conserver des forces 1 terrestres polyfonctionnelles aptes au combat afin d’atteindre les objectifs du Canada en matière de défense. Dans le cadre du modèle de spectre opérationnel, il leur faut pouvoir combattre et vaincre dans les conflits de profil 1, soit comme membre de l’OTAN soit comme force opérationnelle de coalition, tout en étant en mesure de mener les opérations de paix figurant au profil 2. C’est cet hybride qui est décrit comme étant une force polyfonctionnelle apte au combat. En fait, la force est structurée, formée et équipée pour mener la guerre; elle peut toutefois être employée à des opérations de paix si on y ajoute des éléments particuliers d’instruction axée sur le théâtre et sur la mission (IATM) permettant d’adapter ses capacités de mener la guerre au rôle d’intervention dans un conflit. Comme le décrit le modèle, les conflits de profil 2 sont plus probables et représentent presque exclusivement notre expérience opérationnelle récente. Il faut bien garder à l’esprit que la crédibilité d’une force de paix est le produit direct de sa capacité de combattre qu’elle peut prouver aux belligérants en cause. Le « pouvoir discret » est une notion diplomatique discutable qui ne s’applique guère au niveau tactique où les accords sont respectés grâce à la menace perçue de la « puissance de combat ». Par conséquent, on pourrait s’attendre que les groupements tactiques s’entraînent régulièrement pour atteindre des niveaux de compétence élevés en regard de toutes les normes d’aptitude au combat (NAC), n’ajoutant que les éléments IATM dont ils ont besoin avant de s’engager dans des opérations de profil 2. C’est malheureusement loin d’être le cas. LES NIVEAUX D’INSTRUCTION2 En suivant correctement les NAC, en adoptant la progression montrée dans le tableau des niveaux d’instruction cidessus, il faut au moins 96 jours d’instruction collective pour atteindre la compétence de niveau 7 (groupement tactique). Le niveau 8 (brigade), exigé par le GPD, nécessite une autre période de 28 jours pour un total de 124. Un examen des plans d’activités de niveau 2 révèle que les unités comptent en Vol. 3, no. 1, printemps 2000 Pendant que nous continuons à produire des soldats, des unités et, dans une certaine mesure, des chefs capables de mener des opérations de paix, notre aptitude au combat ne dépasse probablement pas le niveau 6. Nous ne voulons en aucun cas condamner les militaires de la force de campagne; avec les ressources voulues, il pourraient sans aucun doute apporter des modifications à très bref préavis. Nous ne visons pas non plus l’État-major de l’Armée de terre qui, confronté à de graves contraintes en fait de ressources, est souvent acculé à des décisions difficiles. Il s’agit simplement d’une énumération des faits qui sont portés à la connaissance de ceux qui pensent « qu’il n’y a pas de problème ». L’ANATOMIE D’UN DYSFONCTIONNEMENT Nous ne pouvons pas entreprendre de corriger nos faiblesses si nous ne comprenons pas les mécanismes qui ont engendré ce malaise. Le « problème » ne provient pas uniquement des ressources, comme on pourrait facilement en conclure des paragraphes qui précèdent. Il est plutôt avant tout d’origine culturelle, soit de la culture organisationnelle ou du commandement. À titre d’exemple, attachons-nous à l’attribution des ressources largement acceptée comme principal indice des priorités; étant donné qu’elle fait partie des éléments discrétionnaires du budget, l’Armée de terre jouit d’une totale autonomie à cet égard. Si l’instruction visant l’obtention et le maintien de l’efficacité opérationnelle était notre plus grande priorité, il va de soi qu’on y consacrerait les ressources voulues. Réciproquement, nous devons accepter que si les ressources attribuées à l’instruction sont insuffisantes, comme c’est actuellement le cas3 , il ne vient alors pas spontanément à l’esprit qu’il s’agit d’une grande priorité. Il faut par conséquent pointer du doigt un élément de la culture du commandement qui subordonne à d’autres exigences l’instruction donnée en vue de la guerre. Ce n’est pas le fait d’un seul facteur, une telle action ne peut être entreprise isolément. Cette manière de penser s’est plutôt enracinée dans notre psychisme collectif, à la faveur de la bureaucratisation graduelle de notre culture de commandement et de ses structures. Il m’apparaît que dans bien des cas nous avons sacrifié l’efficacité à l’autel de l’efficience. Au cours des innombrables réunions de planification stratégique, nous répétons les derniers mots à la mode dans le monde des opérations, alors que nos décisions portant sur les ressources répondent à des impératifs plutôt bureaucratiques qu’opérationnels. Le principal document d’instruction opérationnelle, connu sous le nom de Plan d’instruction de l’Armée de terre, est devenu un maigre tableau d’attribution des ressources perdu dans les volumineuses Directives stratégiques sur les opérations et les ressources (DSOR). Il en ressort l’impression d’une instruction entièrement « intégrée », et parfaitement « synchronisée » avec toutes les facettes du concept opérationnel de l’Armée de terre. Nous en sommes essentiellement arrivés à nous convaincre de nos propres mythes, malgré les évidences qui, si nous nous donnions la peine de les examiner Profil 2 Profil 1 Forte probabilité Faible probabilité OKA ALGÉRIE CORÉE Seconde Guerre mondiale Figure 1 : Le spectre opérationnel 15 terre John Grodzinski Une redéfinition de l’instruction de l’Armée deCaptain moyenne moins de 21 jours d’instruction collective dans une année si elles ne sont pas engagées dans des opérations. De plus, de grandes portions de la période d’instruction de 90 jours précédant le déploiement sont consacrées à l’instruction individuelle et à l’IATM. Les rapports post-exercice confirment que de l’avis des commandants d’opérations en campagne, les contraintes imposées en fait de temps et de ressources réduisent l’aptitude au combat, et que certaines opérations de guerre font rarement l’objet d’exercices. Une étude des plans d’instruction précédant le déploiement fait ressortir que même si on donne une instruction de combattant de grande qualité comme prélude aux opérations, elle dépasse rarement le niveau 6 (équipe de combat) et elle est surtout concentrée sur l’IATM. Étant donné ces constatations, il serait manifestement malhonnête d’avancer que le système d’instruction produit des combattants et des unités aptes au combat, prêts à remplir nos tâches du GPD, dans le cadre d’opérations de profil 1 et de profil 2. Il ne le peut tout simplement pas. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre soigneusement, nous mèneraient à conclure autrement. Noyés dans notre culture, nous sommes tombés à pieds joints dans le piège du discours ronflant, bien documenté par Pfeffer et Sutton, dans un article qu’on retrouve dans la Harvard Business Review (mai-juin 1999)4 . Les documents sont de facture très professionnelle, les auteurs emploient le jargon de la planification d’activités, et les comptables peuvent démontrer la mesure de la comptabilisation des ressources. Mais l’Armée s’entraîne-telle efficacement en vue de la guerre? Les deux symptômes les plus visibles du dysfonctionnement sont le déclin quantifiable de l’efficacité de l’instruction et l’érosion du moral. Par efficacité de l’instruction, comme on l’a dit plus haut, on entend les résultats du processus d’instruction qui doivent toujours subir avec succès le test du GPD, à savoir les unités de l’Armée canadienne peuvent-elles combattre et vaincre dans l’espace de combat d’intensité moyenne? Si la réponse est non, tel qu’indiqué, alors l’instruction, entre autres, n’est pas efficace. De la Direction de l’instruction de l’Armée de terre Le moral représente une dimension plus subtile, qui comporte une grande DÉSUNION part de perception : la perception des soldats et des chefs au sujet de notre aptitude à combattre et à vaincre; la perception du public face à l’Armée et à sa culture; et plus important encore, la perception que nous avons de notre crédibilité en tant que force. Bien que quelque peu intangibles, ces perceptions sont très puissantes. Dans une armée dont le moral est sain, chaque individu s’investit entièrement dans les buts explicites et implicites de cette armée. Ces buts s’intériorisent et les soldats font confiance à leurs chefs, à leur doctrine, à leur équipement et à leur instruction. On peut dire sans se tromper que tel n’est pas le cas, et que plus nos jeunes soldats et chefs subalternes observent et connaissent le système d’instruction, moins il leur semble logique. Le simple diagramme 5 de Venn illustré ci-dessus (Figure 2) décrit les trois principaux facteurs qui compromettent directement l’efficacité de l’instruction et minent le moral. Pour qu’un système fonctionne avec cohérence, ses parties doivent posséder l’unité de pensée, d’objet et d’action. Sans unité, il ne peut y avoir d’objectif commun. Notre système d’instruction SURCHARGE BOULEVERSEMENTS EFFICACITÉ DE L’INSTRUCTION MORAL Figure 2 : Trois facteurs qui compromettent directement l’efficacité de l’instruction et minent le moral 16 a évolué en un modèle décentralisé, semblable à celui de la gestion des affaires où la désunion a conduit à l’absence de cohérence en matière de commandement et de contrôle, à des approches divergentes et souvent conflictuelles de la doctrine et de la formation, et à des approches de gestion régionales qui gênent terriblement l’efficacité. On en retrouve un exemple classique dans la disparité entre les quatre différents NORIN/PLANIN (norme d’instruction/plan d’instruction) du cours de chef subalterne employés dans les quatre Centres d’instruction de Secteur. Les périodes intensives d’instruction collective se sont désynchronisées de la période de demande de pointe d’instruction individuelle, avec le résultat que notre capacité de planification porte au mieux sur 12 mois et que la simple coordination de détails, comme les besoins de renforts d’instructeurs, consomme des quantités démesurées d’énergie de la part du personnel. L’unité d’objet et d’action pourrait être réalisée grâce à un cycle de planification de l’instruction et des opérations qui serait synchronisé à l’échelle de l’Armée de terre, mais toute tentative de mise en oeuvre en ce sens a lamentablement échoué. En deuxième lieu, notre service de l’instruction est surchargé; il fonctionne au-delà de ses capacités, et il est insoutenable. Ce problème de capacité est attribuable à la réaffectation importante des formateurs individuels à la force de campagne au cours de l’année 1994-1995, ce qui a de beaucoup réduit notre souplesse. Par conséquent, nous avons réaffecté l’équivalent de deux groupes-brigades de chefs/ instructeurs clés (754 militaires des grades de caporal-chef à celui de capitaine uniquement au Centre d’instruction au combat, plus un nombre inconnu aux Centres d’instruction de Secteur) de la force de campagne au service de l’instruction chaque année pour répondre à la demande galopante d’instruction Vol. 3, no. 1, printemps 2000 Les bouleversements du système sont en croissance. Les essais tentés pour s’attaquer aux symptômes ont souvent provoqué davantage de changements et d’incertitude. Il en est résulté une moindre capacité à planifier et l’imposition d’une charge de travail accrue aux membres du personnel et aux formateurs. Lorsqu’ils jettent un regard autour d’eux sur ce qui devrait être un milieu bien ordonné et bien discipliné, ils ne trouvent rien de rationnel ni de cohérent. La crédibilité est ainsi érodée; les gens cessent de s’investir à fond, le moral baisse et l’instruction devient de moins en moins efficace. De toute évidence, peu importe la mesure à laquelle nous ayons recours pour contrer la baisse du moral et de l’efficacité de l’instruction, elle doit transcender le fossé « connaîtrefaire » décrit par Pfeffer et Sutton. Nous savons comment le combler, nous nous disons que nous sommes en train de le faire, mais il reste quand même creusé au bout du compte. La crédibilité ne pourra être rétablie que par une intervention réelle qui lie les buts stratégiques des Directives et orientations stratégiques de la Force terrestre (DOSFT) à une direction rationnelle et à un leadership du changement au niveau tactique. Bref, si le changement n’améliore pas les choses de façon tangible, rien n’en assurera la crédibilité auprès des soldats et des chefs, et nous nous retrouvons actuellement dans cette situation. LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE L’INSTRUCTION Un nouveau paradigme d’instruction nécessite une acceptation très vaste de la prémisse philosophique sur laquelle il repose pour être garant de la persistance des changements. Par conséquent, les principes fondamentaux de l’instruction offerts ci-dessous devraient, nous l’espérons, faire en sorte que le débat ultérieur suscite un consensus : L’instruction selon l’intention de combattre. Voilà la grande orientation de l’instruction. Il s’agit autant d’un état d’esprit que d’un guide d’action. En termes pratico-pratiques, cela veut dire que l’ensemble de la formation doit intégrer la plus grande fidélité possible à la réalité, et qu’aucun aspect des opérations ne doit être représenté par une « notion » si on dispose de moyens de simulation. La responsabilité en incombe au directeur de l’exercice/chef de l’évaluation, suivant la définition qu’en donne le Règlement sur l’instruction en campagne (chapitre deux). Dans un sens élargi, il touche des points comme l’usage obligatoire des NAC, une culture de commandement qui comporte la confirmation de l’instruction et des décisions liées aux ressources, qui tiennent compte de la prépondérance de l’instruction opérationnelle. L’instruction selon les normes. Toutes les activités d’instruction collective visent à ce que soient atteintes une ou plusieurs NAC de la même manière que les activités individuelles d’instruction visent à ce que soit atteinte la norme de cours. Ainsi, pour toutes les séances d’instruction portant sur des exercices, il faudrait délimiter quelles sont les NAC visées, décrire avec précision les résultats attendus de l’instruction et définir les mécanismes de mesure du succès. Toute formation non axée sur une NAC ne se démarque pas d’une tâche du GPD, et elle devrait par conséquent être examinée de près. L’instruction selon les besoins. Cela veut dire tout simplement que nous devons donner la bonne NIVEAU DESCRIPTION (a) (b) 1 Aptitudes individuelles au combat 2 Drills de combat de section, d'équipage et de détachement 3 Sous-sous-unité (troupe/peloton) 4 Sous-unité (cie, esc, bie) 5 Unité (régiment) 6 Sous-unité interarmes (équipe de combat) 7 Instruction d'unités interarmes 8 Instruction de niveau de formation Tableau 1 : Les niveaux d’instruction 17 terre John Grodzinski Une redéfinition de l’instruction de l’Armée deCaptain individuelle. Ces tiraillements viennent s’ajouter au rythme opérationnel rapide et aux demandes croissantes d’instruction individuelle et collective imposées aux formateurs mêmes. Il en résulte carrément que le temps passé hors des déploiements outre-mer n’est plus du temps passé « à terre ». Ce temps est rempli par les tâches de formateur ou l’engagement en tant que stagiaire, comme l’attestent les taux croissants de divorce et de libération. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre De la Direction de l’instruction de l’Armée de terre instruction au bon moment pour le bon auditoire de la manière la plus efficace possible. Comme on le mentionnait plus haut, l’instruction de l’Armée de terre, collective, individuelle et de recyclage, doit répondre à un besoin de formation découlant d’une tâche énoncée dans le GPD. Toute instruction individuelle doit répondre à une exigence précise en matière de qualification, qu’il s’agisse de leadership, de spécialisation ou de programme obligatoire. La formation conforme à la description de spécialité (DS) ne devrait pas être donnée à moins qu’une pénurie de personnel formé (y compris les excédents autorisés) ait été prévue dans la liste des qualifications de l’unité. La formation des militaires destinée à les faire exercer les fonctions de la description de spécialité (DS) et de la description de groupe professionnel militaire (DGPM) d’un autre groupe professionnel militaire exige énormément de ressources. Elle érode l’ensemble des compétences originales du GPM (exigeant d’autres ressources pour les rétablir) et offre peu de possibilité pour le maintien des connaissances après l’emploi initial. Cette pratique est ruineuse et viole profondément le principe de « l’instruction selon les besoins ». L’approche des systèmes. L’approche systémique de l’instruction de l’Armée de terre (ASIAT) définit les processus d’élaboration et de contrôle de la quantité de l’instruction tant individuelle que collective. L’élaboration de l’instruction individuelle et la conception des activités d’instruction collective doivent toutes deux suivre le modèle de contrôle de la qualité ASIAT, tandis que la quantité de la formation donnée sera dictée par le modèle de contrôle de la quantité. Progression de l’instruction. Les niveaux d’instruction figurant au tableau un représentent la hiérarchie établie. La progression d’un niveau 18 donné au niveau suivant ne devrait pas se faire avant qu’une évaluation formelle confirme les compétences acquises au niveau actuel. Ces évaluations sont appelées « passerelles » et représentent des conditions préalables à la progression. Une norme opérationnelle. Les normes d’instruction collective (NAC) évoluent par l’entremise de l’analyse de publications de doctrine appropriées, et elles sont tenues à jour au moyen du processus des leçons retenues de l’Armée de terre. Les normes d’instruction individuelle sont énoncées dans les normes d’instruction (NORIN) propres à la qualification, tandis que les normes de recyclage figurent dans les publications des services/corps des armes. Étant donné que sur le champ de bataille l’ennemi éventuel ne fera pas grâce au soldat parce qu’il est des armes de combat ou du soutien des services, de la force régulière ou de la réserve, l’Armée de terre doit fixer une norme opérationnelle à atteindre avant le déploiement. Cette norme est définie comme étant le niveau de capacité de déploiement, et elle est la même pour chaque service et pour chaque corps suivant la description de la NAC applicable. On ne peut s’attendre que les unités conservent le même niveau de compétence dans toutes les tâches pendant qu’elles sont en état de capacité opérationnelle faible (plus de 120 jours de préavis), par conséquent on a prescrit le niveau minimum de capacité (NMC). Dans les unités de la Réserve où les états de préparation varient de 181 à 365 jours, les soldats et les chefs exerceront moins de tâches de niveau de compétence inférieur que leurs homologues de la Régulière. Le point commun toutefois réside dans le fait que toutes les unités et les effectifs engagés dans des opérations doivent faire la preuve de leur niveau de capacité pour le déploiement (NCD) avant d’être effectivement déployés. Toute instruction doit être confirmée. La confirmation vise à établir le véritable niveau de compétence du groupe en exercice de sorte que les chefs puissent faire porter leurs efforts sur les points susceptibles d’amélioration, tout en misant sur les points forts manifestes. La formation qui ne fait pas l’objet de confirmation n’a aucune fonction de rétroaction, et elle est ainsi incapable de remplir son rôle. Cela ne revient pas à nier la nécessité de faire des exercices afin d’établir des techniques et des instructions permanentes d’opérations (IPO); cependant même ce processus devrait comporter une confirmation et une rétroaction officieuses. On reconnaît qu’il faut d’abord imposer une méthodologie et une politique de confirmation avant que le processus puisse être enclenché, et la DIAT y travaille. Confirmation à deux niveaux plus bas. Le principe de confirmation « deux niveaux plus bas » devrait être observé. Les chefs qui forment leurs subordonnés ont un intérêt direct dans leur succès. Ainsi, ils ne peuvent pas donner une confirmation objective. Les plans de formation devraient être transmis à deux niveaux plus haut, et le commandant à qui le plan a été communiqué devrait faire la confirmation de la note de passage. De cette façon, nous reconnaissons que le succès ou l’échec procèdent autant d’un « climat de commandement » sain que de techniques d’instruction efficaces. En aucun cas les chefs d’un niveau donné ne devraient confirmer les résultats de leur propre formation. Les ressources s’accordent aux tâches. La partie trois des Directives et orientations stratégiques de la Force terrestre (DOSFT) est constituée des Directives stratégiques sur les opérations et les ressources (DSOR). Elle contient le tableau de l’instruction et des tâches de l’Armée de terre qui fixe les niveaux de formation pour chaque tâche du GPD. À chaque tâche est attribuée une série de NAC à Vol. 3, no. 1, printemps 2000 Nous proposons trois éléments d’articulation des directives d’instruction : k La B-GL 300-008/FP-00 Instruction de l’Armée de terre, qui incarne la philosophie décrivant les principes et les croyances de l’instruction dans l’Armée canadienne et qui devrait avoir une assez longue vie utile. k La stratégie d’instruction de l’Armée de terre qui définit la voie allant du statu quo jusqu’à l’état fiSnal décrit dans l’instruction de l’Armée de terre et qui devrait être révisée tous les cinq ans. k Les politiques d’instruction de l’Armée de terre qui se retrouvent dans les Ordonnances du Commandement de la Force terrestre (OCFT) et dans divers manuels de sécurité qui règlent les activités d’instruction et sont modifiées au besoin. Ces principes fondamentaux s’appliquent aux trois divisions de l’instruction décrites ci-dessous : k L’instruction collective, soit le processus qui fusionne les soldats, les chefs, les ressources et le temps en unités cohérentes, prêtes au combat, capables de remplir les tâches énoncées dans le GPD. k L’instruction individuelle, notamment le recrutement, la sélection, l’éducation et la formation du nombre nécessaire de soldats et d’officiers pour doter les unités de l’Armée de terre. principes fondamentaux convenus peut changer, mais seule l’action permet d’y arriver. Il ne fait aucun doute que d’autres principes fondamentaux peuvent venir s’ajouter à cette liste, et les lecteurs sont encouragés à en proposer de nouveaux ou à faire une critique de ceux qui sont énoncés ici. Il nous faut créer un aperçu unifié de la philosophie sous-jacente du nouveau paradigme, nous ne devons pas nous enliser dans les voies de la philosophie à l’exclusion de considérations pratiques. La prochaine édition présentera la base d’un système d’instruction de l’Armée de terre qui traitera des maux décrits dans cet article, et couvrira les notions fondamentales présentées ici. k Le recyclage, qui maintient les groupes de compétences individuelles et collectives et comble le fossé entre les deux autres éléments. CONCLUSION Le processus de déclin du moral et de l’efficacité de l’instruction ne sera pas inversé par magie à la seule mention des principes fondamentaux. Pour que s’amorce un changement, il faut l’acceptation globale de l’existence des problèmes et de leurs causes, accompagnée d’une volonté de les régler. Les principes fondamentaux fournissent un point de départ, et dans une certaine mesure chacun représente une composante unique de l’effort global. Rien de tout cela n’est possible sans un climat de commandement favorable qui permette de combler le fossé « connaître-savoir faire », et une culture qui rejette la bureaucratisation. Le guide des ENDNOTES 1 GPD 1999, chapitre 3, p. 3-10. 2 NOTE : Il s’agit d’une version à jour du tableau du chapitre 1 du Règlement sur l’instruction en campagne. 3 Cudmore J., « Soldiers believe war capabilities suffering: survey », The National Post, 22 novembre 1999, p. A6. 4 Jeffey Pfeffer and Robert I. Sutton “The Smart Talk Trap,” Harvard Business Review, (mai-juin 1999). 5 Mgén M.K Jeffery, Exposé sur la situation de l’instruction présenté au Conseil de l’Armée de terre le 23 juillet 1998. 19 terre John Grodzinski Une redéfinition de l’instruction de l’Armée deCaptain atteindre, et les ressources nécessaires devraient suivre pour assurer la compétence exigée de tous les éléments de la force. En principe, les ressources sont soudées à la tâche et elles ne peuvent pas être retirées sans que la tâche soit supprimée ou réduite. Réciproquement, il ne serait pas possible d’attribuer une tâche sans les ressources voulues pour s’en acquitter. Les commandants de tous les niveaux du processus DSOR sont chargés d’atteindre le niveau de formation qui leur a été attribué dans les limites de l’enveloppe des ressources fournies. Si pour quelque raison que ce soit la chose est irréalisable, le commandant qui fait l’évaluation doit signaler à son commandant supérieur la présence d’un risque en regard de la capacité opérationnelle. Le commandant supérieur pourra soit régler la question soit déclarer le risque au prochain niveau de commandement. La DIAT est à élaborer un outil de gestion automatisé servant à soutenir ce processus (modèle d’évaluation des risques de l’Armée de terre MERAT). Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre LES PRINCIPES DE GUERRE DE L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE FACE À L’AVENIR SONT-ILS ENCORE APPLICABLES? Le major J.C. (Craig) Stone, CD ’observation de Sir Michael Howard est particulièrement pertinente à l’approche de cette fin de siècle et d’un nouveau millénaire. Au cours de ces dernières années, de nombreuses armées dans le monde ont revu leur doctrine et élaboré de nouveaux plans pour l’avenir. L’Armée de terre canadienne, bien qu’elle s’y soit mise un peu plus tard que certains de nos alliés, est aussi en train d’élaborer une nouvelle doctrine et de développer de nouveaux plans pour l’avenir.2 La liste des besoins futurs s’allonge d’année en année à mesure que de plus en plus de nations tentent de définir un cheminement qui les mènera du présent à un point quelconque dans l’avenir. Force XXI, Army After Next, Joint Vision 2010 et Army 2025 ne sont que quelques-unes des études publiées par nos alliés. Le major J.C. (Craig) Stone L Un des points clés, à l’origine de ce regain d’attention accordée à la doctrine et aux besoins futurs, est l’émergence de ce qu’il est convenu d’appeler l’ère de l’information. En termes militaires, on parle plutôt de révolution dans les affaires militaires (RAM). Les notions de guerre de l’ère de l’information et de dominance de l’information sont étroitement liées à la capacité de traiter l’information plus rapidement et d’apprécier la situation sur le champ de bataille. Beaucoup considèrent ce point comme une des caractéristiques de base de la RAM.3 De la même façon, la plupart des nouvelles technologies qui facilitent cette révolution ont pour objectif de fournir un ensemble de systèmes capable de traiter l’information plus rapidement et de la diffuser à tous les niveaux de commandement sur le champ de bataille. 20 Il existe une documentation très abondante sur la RAM, qui couvre un large éventail d’idées et de domaines d’étude. Dans des travaux antérieurs, l’auteur de ces lignes a revu cette documentation et a discuté du contexte canadien dans le cadre du débat4 sur la RAM. Le présent article est un examen plus poussé de la RAM et vise à explorer un domaine particulier de ce débat. Pour les Canadiens, un des enjeux les plus importants dans ce débat sur la RAM est d’établir le genre de structure, d’équipement et de doctrine que devront avoir les Forces armées pour être en mesure de relever les défis que posera le futur contexte de la sécurité. « L’ultime question qu’il faut se poser sur toute théorie ou tout travail d’envergure est la suivante : y a-t-il un aspect qui justifie encore son utilité – ou – y a-t-il des aspects qui justifient son inutilité. »1 Tandis que l’Armée de terre passe à travers ce processus d’élaboration de nouvelles structures et d’une nouvelle doctrine, il faut répondre à un certain nombre de questions. Par exemple, à quoi ressembleront les combats de l’avenir et seront-ils différents des combats d’aujourd’hui? Les principes de guerre actuels, énoncés dans nos nouveaux manuels de doctrine serontils encore applicables à l’avenir? Les chefs militaires auront-ils besoin de compétences et de capacités différentes pour commander et mener les soldats au combat sur le champ de bataille? Estce que la nouvelle technologie permettra de disposer de l’information nécessaire à l’utilisation des armes intelligentes ou est-ce que les chefs militaires seront tout simplement dépassés par la quantité d’information reçue, au point de ne plus pouvoir prendre de décisions? Ce ne sont là que quelques-unes des questions à se poser, à débattre et à résoudre dans notre cheminement vers l’Armée de l’avenir. Pour en revenir à l’observation de Sir Michael Howard, le but de cet article est d’étudier plus particulièrement une Sir Michael Howard des questions soulevées plus haut, à savoir : Les principes de guerre demeureront-ils ou non applicables, C’est une tâche rendue plus devront-ils être modifiés ou significative par l’absence d’une deviendront-ils périmés dans le cadre orientation stratégique et politique de la RAM? Le présent article abordera, claire de la part du parlement et du de façon générale, ce qui existe en gouvernement canadiens du moment.5 matière de documentation théorique sur Pourtant, des membres du personnel se le futur contexte de la sécurité et sur la penchent sur ces questions et le plan nature probable de la guerre de l’avenir. de développement de l’avenir de Les principes de guerre de l’Armée de l’Armée de terre est la première étape terre canadienne ainsi que leur d’un long processus qui doit mener de applicabilité future seront évalués dans l’Armée d’aujourd’hui à l’Armée de ce contexte. Plus précisément, cet article débattra si oui ou non nos principes de demain et au-delà.6 Vol. 3, no. 1, printemps 2000 UN AVENIR INCERTAIN Une partie importante de la documentation existante sur la RAM s’attarde à la nature et aux caractéristiques de la guerre de l’avenir. Hammes note « qu’il se développe un consensus de plus en plus large voulant que le monde se trouve au seuil d’une mutation fondamentale le faisant passer d’une société industrielle à une société basée sur l’information ».7 De la même façon, Metz et Kievit montrent que « la RAM part d’une prémisse simple, selon laquelle, tout au long de l’Histoire, la guerre s’est développée d’une manière évolutive avec, à l’occasion, des idées et des inventions qui se sont combinées pour l’entraîner dans des changements importants et décisifs. Cela a non seulement influé sur l’application de la force militaire, mais a aussi souvent modifié l’équilibre géopolitique en faveur de ceux qui maîtrisaient les nouvelles formes de la guerre. »8 Metz et Kievit voient, dans les caractéristiques de la guerre de l’avenir, l’altération de la relation existant entre exactitude et distance, dans l’application de la force militaire. Ils voient aussi l’intérêt grandissant pour la guerre de l’information ainsi que la réduction simultanée des pertes et dommages collatéraux normalement associés aux opérations militaires.9 Dans la documentation sur la stratégie et le conflit de l’avenir, on retrouve deux thèmes généraux qui sont importants dans le contexte de cet article. D’abord la notion que l’État-nation perd sa pertinence. En corollaire à cette notion, il y a aussi l’argument selon lequel nous dépendons de la technologie et des armes intelligentes, et nous perdons notre capacité d’utilisation de la stratégie et de l’art opérationnel pour poursuivre et gagner des guerres. Deuxièmement, le débat sur la nature actuelle du conflit de l’avenir. La documentation publiée dans ce domaine n’est pas concluante; les vues et opinions sur ces deux thèmes sont nombreuses et variées. Ainsi, la nonpertinence de l’État-nation est peut-être exagérée. C’est peut-être vrai dans certaines parties du monde, mais ce ne l’est probablement pas pour les pays qui essaient d’entrer dans l’OTAN. Aussi, l’idée que nous perdons notre capacité d’utilisation de la stratégie et de l’art opérationnel pourrait n’être que l’autre face de la technologie et des armes intelligentes. Si nous prenons l’exemple du blitzkrieg allemand, la plupart des nations connaissaient le principe, mais seuls les Allemands l’ont appliqué au niveau opérationnel, pour créer quelque chose de différent du modèle précédent. Il semble bien que ce qui importe le plus soit la capacité de penser et d’être souple dans sa façon de penser. Actuellement, les planificateurs de la défense essaient de remodeler les forces et les ressources, pour pouvoir faire face aux nouveaux défis et nouvelles menaces. Nous sommes entrés dans une ère où l’ennemi ne sera plus, comme par le passé, la force monolithique du Pacte de Varsovie mais plutôt n’importe laquelle d’une grande variété de menaces allant de la possibilité de combat de grande intensité à un conflit semiconventionnel d’intensité moyenne ou faible.10 La situation ne sera plus du tout prévisible et les relations nettes et propres du passé, entre les divers ministères des affaires étrangères, ne seront plus aussi évidentes à l’avenir. Jablonsky fait remarquer que la structure des relations internationales est en train de changer et que ce changement nous ramènera à la première vague de conflits des années 1600, plutôt que de nous projeter dans une troisième vague de conflits.11 Cette notion de première, deuxième et troisième vague de conflits a été introduite par les écrits d’Alvin et Heidi Toffler, avec leur théorie sur les vagues de conflits. Les Toffler, à partir d’une base économique, partent du principe que tout conflit est inhérent au développement de la civilisation. Selon eux, la première vague de conflits était celle de sociétés de type agraire, tandis que la deuxième vague était celle de la révolution industrielle et que la troisième vague sera celle des sociétés de l’âge de l’information.12 L’argument de Jablonsky sur un retour à la première vague de conflits s’oppose directement à la notion selon laquelle la haute technologie établira une progression linéaire entre le passé et l’avenir. Les théoriciens de la quatrième génération, qui soutiennent que le monde, centré sur l’État, de Clauzewitz touche à sa fin, appuient aussi l’argument d’un retour à des conflits de type première vague. Ces mêmes théoriciens soutiennent que l’État perdra son monopole sur la violence armée et que les distinctions actuelles entre guerre et crime disparaîtront.13 Leur théorie sur le monde marque un retour en arrière à un environnement politico-militaire prémoderne. Bien qu’elle ait quelques similitudes avec la théorie des Toffler, elles sont différentes et il serait utile d’en comprendre quelques-unes des différences. À la différence des Toffler qui prônent le déterminisme économique, les théoriciens de la quatrième génération ont modélisé l’évolution de la guerre entre 1648 et aujourd’hui. Cette théorie commence par la première génération de la guerre moderne, à la fin de la guerre des Trente Ans et la signature des traités de Westphalie.14 Cette première génération de la guerre marquait l’ère du mousquet à âme lisse et utilisait les tactiques de la ligne et de la colonne.15 La seconde génération a vu le jour au milieu du dix-neuvième siècle avec la vapeur, la métallurgie et la production de masse. Elle a vu la 21 l’avenir : Sont-ils encore applicables? face àGrodzinski Les principes de guerre de l’Armée de terre canadienne Captain John guerre conviennent toujours pour la guerre de l’avenir et quels changements, si nécessaire, devront éventuellement y être apportés. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Le major J.C. (Craig) Stone naissance du mousquet à canon rayé, du chargement par la culasse, de la mitrailleuse et du tir indirect. Ces deux premières générations sont perçues comme étant axées sur la technologie.16 Par contraste, la troisième génération est perçue comme étant axée sur la stratégie et est étroitement associée au blitzkrieg allemand; on insiste sur la qualité de la manoeuvre plutôt que sur la puissance de feu.17 Dit d’une autre façon, « les trois premières générations de la guerre moderne ont insisté successivement sur le nombre, sur la puissance de feu puis finalement sur la manoeuvre ... chacune cherchant à vaincre l’ennemi militairement. »18 La documentation existante présente la quatrième génération comme un conflit entre les nouvelles technologies d’une part, et des conflits de type terroriste et de faible intensité d’autre part.19 Ralph Peters extrapole sur cette notion et discute comment, à bien des endroits, les structures traditionnelles de gouvernement co-existent nerveusement avec de nouveaux systèmes - clans de seigneurs de guerre, réseaux spécialisés dans le crime technique, cartels de la drogue et les nouvelles villes-États. 20 Dans ces sociétés, la guerre tend à retrouver son caractère le plus primitif et retombe souvent dans les pires excès comme l’ont illustré les récents événements au Rwanda, au Burundi et au Zaïre.21 Les antagonistes agiront sans se préoccuper des traditionnelles restrictions du passé et, dans la plupart des cas, seront capables d’assimiler les nouvelles technologies plus rapidement que nos structures bureaucratiques et réglementées. Pour comprendre la guerre de la quatrième génération, il faut étudier les changements politiques, économiques et sociaux que connaît la société, ainsi que la technologie.22 Audelà de la portée du présent article, Hammes discute en détail de chacun de ces domaines ainsi que de la notion de guerre de l’information comme modèle pour la quatrième génération.23 Dans 22 leur discussion sur l’avenir de la guerre, Arquilla et Ronfeldt proposent un modèle de conflit d’intensité moyenne à élevée ainsi qu’un modèle de conflit de faible intensité. Ils soutiennent que la révolution de l’information entraînera des changements dans la façon dont les sociétés entreront en conflit, et dont les armées combattront.24 Hammes remarque que les théories d’Arquilla et Ronfeldt sont certes futuristes mais encore de troisième génération et rendues plus mortelles par la technologie. Hammes croit pourtant que la théorie d’Arquilla et Ronfeldt sur la guerre de l’information, dans le cadre de conflits de faible intensité, est tout à fait juste pour la guerre de la prochaine génération.25 Van Crevald soutient aussi ce concept de la guerre de l’avenir et remarque que la guerre va s’orienter vers l’environnement complexe des conflits de faible intensité, dans la mesure où l’environnement relativement plus simple des conflits d’intensité moyenne à élevée est maintenant dominé par les ordinateurs.26 Bunker ajoute encore au débat sur le conflit de l’avenir, conflit de faible intensité avant tout, en soulevant la question du remplacement de la guerre moderne par la guerre de haute technologie. Essentiellement, Bunker discute de deux formes du conflit de l’avenir, la version faible intensité et la version haute technologie, en les présentant comme deux formes diamétralement opposées.27 Une des observations les plus importantes de Bunker est que le conflit de faible intensité est utilisé presque partout en dehors des pays occidentaux, à l’opposé de notre système militaire. Ceci, ajouté à l’aversion des pays occidentaux pour un grand nombre des méthodes normalement associées au conflit de faible intensité (comme le terrorisme), amène Bunker à conclure que les pays occidentaux continueront de préférer la version haute technologie à la version de faible intensité.28 C’est particulièrement important, dans le contexte de ce que Peters observe aujourd’hui. Il remarque, en effet, que « nous sommes des combattants inefficaces contre les nouvelles menaces qui émergent, parce que nous accordons aux criminels étrangers le même traitement juridique que nos lois et pratiques garantissent à nos concitoyens ... »29 Cet argument est renforcé par les travaux du professeur John Keegan qui soutient que le monde assiste à la résurrection des sociétés de guerriers; des sociétés dont la psychologie est très distincte de celle des sociétés occidentales, et qui élèvent leurs enfants dans la croyance que le combat est honorable et que tuer à la guerre est glorieux. Un guerrier, dans une telle société, « préfère la mort au déshonneur et tue sans pitié. »30 Il n’est pas difficile de comprendre le lien qui existait, dans l’environnement d’avant 1648, entre la politique et la guerre et auquel Jablonsky fait allusion. Alors que notre opposant parfait pourrait bien être l’ennemi de moyenne importance dont le processus de prise de décision est rigide et centralisé (comme l’Iraq), la plupart des menaces que nous sommes susceptibles de rencontrer dans l’avenir, ne correspondent pas à cette description.31 Le soldat du 21e siècle est censé être mieux armé, mieux protégé et mieux informé que l’étaient ses prédécesseurs. La numérisation de l’espace de bataille créera une image du champ de bataille, simultanément transmise à tous les niveaux, du simple soldat au commandant.32 Les soldats auront des armes à efficacité accrue et des tenues qui combineront la protection et l’interconnexion de systèmes de données vocales et vidéo et du système GPS. Parce qu’il résume le débat sur la nature de la guerre de l’avenir, le nouveau manuel-clé de l’Armée de terre canadienne – L’Armée de terre du Canada : Nous protégeons nos foyers et nos droits - est une excellente source d’information. Ce manuel caractérise l’avenir de la manière suivante : « On peut également s’attendre à ce que, à l’avenir, les conflits éclatent subitement, dans des régions imprévues, et exigent l’intervention immédiate d’autres pays ou d’organisations internationales de sécurité si on veut les contenir ou les limiter. Les conflits prendront la forme d’opérations impliquant non seulement les forces armées et autres forces de sécurité nationales, mais aussi, et de plus en plus, des groupes armés et forces paramilitaires transnationaux, voire intranationaux, échappant au contrôle des Gouvernements. Ces phénomènes sont liés à l’émergence de nouveaux centres de pouvoir non étatiques qui viendront dorénavant compliquer encore davantage les conditions de la sécurité. Déjà, dans bien des parties du monde, l’intérêt général est menacé par les syndicats du crime et leurs ramifications à l’échelle de la planète, par les cartels internationaux de la drogue et par les groupes extrémistes politiques et religieux. Par ailleurs, de nouveaux régimes peuvent naître des cendres d’États qui se sont effondrés et il pourrait bien s’agir de régimes poussés principalement par l’appât du gain, rappelant en cela les mercenaires et pirates des siècles passés. En un mot, les instruments de guerre et de violence de grande portée ne seront plus réservés aux États-nations, fait sans précédent dans l’ordre mondial. »33 LES PRINCIPES DE GUERRE DE L’AVENIR L’Armée de terre ayant identifié cet environnement de l’avenir, on pourrait penser que la doctrine qu’elle a adoptée dans ce manuel, la préparera pour ce même avenir. C’est précisément là que se trouve le dilemme auquel le présent article fait allusion. La nouvelle doctrine de l’Armée de terre est un changement de cap évident de l’approche basée sur l’attrition à l’approche de la guerre de manoeuvre. Il existe un lien évident avec la doctrine des É.-U. au niveau du corps d’armée.34 Il y a pourtant un certain nombre d’auteurs qui soutiennent que la doctrine américaine de la guerre de manoeuvre, avec ses neuf principes, soit est périmée pour le 21e siècle, ou doit être modifiée de façon significative. Par exemple, Tiede remarque que « les principes de guerre d’aujourd’hui représentent une approche incomplète et largement inutilisée de la théorie militaire. Il est temps de les revoir et de les modifier pour qu’enfin ils puissent nous servir comme ils étaient originalement censés le faire. »35 Tiede discute des principes et demande où se situent les principes d’intelligence, de stratégie, de technologie, de logistique ainsi que ceux qui définissent la relation entre guerre et diplomatie, à la lumière de ce que sera la guerre de l’avenir.36 Plus récemment, Russel Glenn discute du raisonnement qui débouche sur les nouveaux principes d’opérations proposés dans la version 1998 du FM 100-5.37 L’armée des É.-U. remplace ses actuels principes de guerre et principes d’opérations autres que la guerre, par une liste unique de principes d’opérations. Depuis que l’Armée de terre canadienne utilise la doctrine des É.-U. au niveau du corps d’armée et prône la guerre de manoeuvre, qu’est-ce que les changements discutés par Tiede et Glenn impliquent au niveau de nos principes et de notre façon de former nos unités au combat? Surtout, devrions-nous nous demander si oui ou non nos principes de guerre sont pertinents pour l’avenir. Les principes de guerre ne sont pas nouveaux. Les commandants et théoriciens militaires ont noté leurs pensées sur la conduite de la guerre, depuis deux mille ans. Essentiellement, ces idées représentaient les facteurs qu’ils trouvaient primordiaux pour gagner. Ces idées ont pris diverses formes, depuis des propositions philosophiques variées jusqu’aux cent quinze maximes officielles de Napoléon.38 Il y a pourtant débat pour déterminer si les principes de guerre devraient ou non être un élément aussi essentiel de la pensée militaire. Zvi Lanir remarque que certains théoriciens contemporains de la guerre concluent que les études qui prouvent la validité des principes de guerre se fondent sur une logique interprétative et sont donc de nature circulaire.39 Ces mêmes théoriciens soutiennent que les principes de guerre ne sont que du sens commun et pourraient s’appliquer à de nombreuses autres activités humaines reposant sur la compétitivité.40 Peutêtre plus pertinente aujourd’hui est la question de savoir si oui ou non les principes de guerre rehaussent de quelque manière que ce soit la qualité de la pensée militaire sur la façon de faire la guerre. Dans la conclusion de ses travaux, John Alger jette le doute sur leur réelle valeur. « Mais quels que soient la forme ou le contenu des principes de guerre, le rôle propre de la théorie, dans la guerre, doit demeurer primordial dans l’esprit des instructeurs comme des étudiants. »41 De la même façon, Harkabi soutient, dans son analyse des principes de guerre, que ces derniers n’approfondissent en rien notre compréhension de la guerre, tandis que Paret soutient que ces principes ont fourni à toute une génération de soldats une excuse pour ne pas penser d’eux-mêmes.42 En débattant sur l’épistémologie des principes de guerre, Leonhard remarque que, en dépit de ce groupe petit mais bruyant qui argumente contre ces mêmes principes, la plupart des auteurs et des penseurs du passé croient que l’on peut apprendre quelque chose de ce passé.43 Cependant, ce n’est que récemment que nous avons essayé de réduire ces vérités à une liste.44 Lanir observe que « la constance des principes de guerre montre que, en 23 l’avenir : Sont-ils encore applicables? face àGrodzinski Les principes de guerre de l’Armée de terre canadienne Captain John Vol. 3, no. 1, printemps 2000 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre dépit des doutes exprimés par les théoriciens militaires sur leur validité, ils répondent à un besoin profond dans la pensée militaire.»45 Depuis Jomini et Clausewitz, il y a eu une tendance évidente à réduire les principes de guerre à une liste courte pouvant être enseignée.46 J.F.C. Fuller, en particulier, les a réduits à une liste de 8 puis de 9 principes. Dès ses premiers écrits, Fuller a maintenu que la guerre était à la fois une science et un art et qu’elle obéissait à des lois rigides ou des principes.47 Depuis ces premières listes, les principes de guerre ont fait leur chemin jusque dans la doctrine de la plupart des armées occidentales. Le grand débat actuel porte sur le rôle que ces principes devraient tenir dans la pensée militaire. Le major J.C. (Craig) Stone Dans son « Principes de guerre pour le Prince héritier en 1812 » Clausewitz visait à créer un cadre de travail à l’intérieur duquel le Prince héritier pourrait exercer son jugement pour penser et prendre des décisions.48 C’est de cette même façon que Brodie voyait les principes de guerre. « À la fin, en effet, il suggérait à ses étudiants de considérer les principes de guerre comme les titres des chapitres d’un livre. En eux-mêmes, ces « titres de chapitres » sont de peu d’utilité; l’étudiant ne peut acquérir de connaissance utile qu’en lisant les chapitres. »49 Cette notion d’un cadre de travail pour l’étude de la guerre est importante dans le contexte canadien. Jusqu’à très récemment, il était difficile de trouver une quelconque référence directe à Clausewitz ou une quelconque indication de son influence dans les manuels de doctrine canadiens. 50 L’introduction de Clausewitz dans les nouveaux manuels de doctrine de l’Armée de terre est très évidente et seul le temps montrera si nous utilisons les principes de guerre à la manière de Clausewitz qui consiste à créer un cadre de travail pour penser à la guerre, ou si nous ne les utilisons que comme une liste de contrôle. Compte tenu de la 24 manière dont notre nouvelle doctrine est écrite, on peut solidement argumenter que nous ne considérons pas les principes de guerre comme une simple liste de contrôle. Nos définitions et nos explications sont souples dans leur application et elles n’insistent pas pour que chaque principe soit appliqué, mais seulement pris en considération. Malheureusement, si l’on accepte que l’Armée de terre s’oriente vers l’approche de Clausewitz à l’égard des principes de guerre, il faut tenir compte du récent débat sur la pertinence de Clausewitz face à la guerre de l’avenir. Steven Metz soutient qu’il est temps d’organiser une petite veille pour Clausewitz, puis de le laisser reposer parmi les historiens.51 Metz n’est pas le seul de cet avis et son article discute des récents travaux d’Alvin et Heidi Toffler, War and Anti-War,12 de John Keegan, A History of War, (Toronto : Random House, 1993) et de Martin Van Crevald, A Transformation of War,26 qui Canada tous prédisent que la violence de l’avenir sera fondamentalement différente de celle du passé. Alors qu’ils scrutent l’avenir,52 tous les quatre rejettent ce qu’ils considèrent comme les limites conceptuelles de Clausewitz. Pourtant, il n’y a pas de consensus dans leurs arguments car même s’ils partent du même point, ils prennent des directions différentes. Le point du présent article n’est pas qu’il y a débat sur la pertinence de Clausewitz, mais plutôt qu’il y a débat sur la philosophie de la guerre de l’avenir. L’Armée de terre doit profiter du renouveau d’intérêt dans le développement de la doctrine et s’engager activement dans un débat sur des principes de guerre pour l’avenir. La doctrine du Canada comprend dix principes de guerre. Le tableau 1 cidessous énumère ces principes ainsi que, à des fins de comparaison seulement, les principes actuels et futurs des É.-U. É.-U. actuels É.-U. futurs Choix et maintien du but Objectif Objectif Action offensive Offensive Offensive Concentration de la force Masse Effets de masse Économie d'effort Économie de force Économie de force Sécurité Sécurité Sécurité Surprise Surprise Surprise Souplesse Simplicité Simplicité Coopération Unité du commandement Unité de l'effort Manoeuvre Manoeuvre Maintien du moral Moral Administration Exploitation Tableau 1 : Principes de guerre53 Bien qu’il ne soit nullement question de discuter de chacun de ces principes, il est important de reconnaître qu’il y a des similitudes entre les pays, aussi bien que des différences. Les différences se trouvent dans la définition et l’application de leurs principes par nos armées respectives. Essentiellement, utilisent-elles leurs principes comme un cadre de travail pour penser à la guerre ou comme une simple liste de contrôle? Comme nous l’avons déjà indiqué, l’Armée de terre canadienne semble accorder davantage de souplesse. Par exemple, l’Armée de terre canadienne définit comme suit le choix et le maintien du but : « Chaque opération doit comporter un but unique, réalisable et clairement défini qui demeure le centre d’intérêt de l’opération et vers lequel tous les efforts doivent tendre. »54 Ce principe est très similaire à celui des É.-U. concernant l’objectif, mais notre interprétation est plus souple. Leonhard remarque que le principe concernant l’objectif implique que vous avez besoin d’un objectif clair de la part du gouvernement, avant de commencer les opérations et que cela ne fonctionnera pas à l’ère de l’information.55 Leonhard remarque aussi que, à l’ère de l’information, la technologie permettra aux gouvernements et aux autorités militaires d’être virtuellement présents sur le champ de bataille. Cela permettra aux gouvernements de faire faire des reconnaissances par les militaires puis de choisir un objectif. Selon lui, le principe concernant l’objectif porte vraiment sur des options d’accélération.56 La définition du Canada n’a pas les restrictions qu’implique la définition des É.-U. et aborde beaucoup des points soulevés par Leonhard, en termes de réponse au besoin de récolter des renseignements avant de choisir des objectifs. La publication L’Armée de terre du Canada élabore sur la définition initiale en énonçant que « Bien que le but ultime d’un conflit ou de la guerre soit de supprimer la cohésion et la volonté de combattre de l’ennemi, chaque opération doit, peu importe le niveau, comporter un but plus restreint qui soit clair, simple et direct. Ce but est choisi après une étude et une analyse attentives de la mission confiée et du résultat recherché. »57 L’Armée de terre du Canada mentionne que : « Aucun des principes ne peut être appliqué aveuglément; on ne peut pas non plus, en observant un principe, en exclure d’autres. Aucun d’eux ne peut garantir le succès des opérations sans être renforcé par un ou plusieurs des autres. Dans les faits, il y a combinaisons des principes. Par exemple, pendant une opération de maintien de la paix, on a tendance à mettre l’accent sur la sécurité et la souplesse. En guerre, quand on exécute une attaque délibérée, on combine principalement les principes de la surprise, de l’action offensive et de la concentration de la force. Les principes peuvent également être appliqués au processus de planification opérationnelle de l’Armée de terre; en particulier, pour faciliter l’évaluation des différents plans d’action d’une appréciation de la situation, on peut les exprimer en fonction des principes de la guerre. »58 Dans la mesure où nos principes permettent cette souplesse d’application, avons-nous besoin de nous préoccuper de leur pertinence pour les opérations de l’avenir? En bref, la réponse semble être oui. Tiede soutient que nous sommes liés au passé, et la documentation sur la révolution dans les affaires militaires59 discute du besoin d’analyser quels principes nous manquent, face à l’environnement futur. Heureusement, l’Armée de terre canadienne a déjà adopté deux des principes discutés par Tiede. Parmi les autres, un principe sur la stratégie et un principe définissant la relation entre les guerres et la politique semblent être les plus pertinents pour discussion au Canada. Pour ce qui est de la compétence/du perfectionnement professionnels des officiers, les pensées de Tiede en matière de stratégie en ont l’intuition ... « Nous parlons beaucoup des éléments individuels qui constituent les principes de guerre et nous écrivons des livres et des études analysant les opérations qui les appliquent, mais le concept de stratégie est souvent négligé ... Si nous ne croyons pas que le concept de stratégie soit suffisamment important pour être inclus dans notre processus de réflexion élémentaire, comment pouvons-nous demander à nos jeunes officiers de dépenser du temps et des efforts dans l’étude de la stratégie militaire. »60 Il est intéressant de noter que Tiede utilise l’expression processus de réflexion dans ses commentaires. Peut-être plus pertinentes encore dans la discussion théorique sur l’utilité des principes de guerre pour l’avenir, sont les observations faites par Leonhard lorsqu’il discute des raisons pour lesquelles nous devrions changer les principes. Il remarque que les principes ont souvent changé dans le passé et que les autres nations soit n’acceptent pas la liste des É.-U., soit ont leur propre liste, ou encore prétendent qu’il n’y a pas de principes.61 Leonhard soutient que l’on peut tirer avantage d’une analyse rigoureuse des principes. De deux choses l’une, ou nous évoluerons vers une nouvelle et meilleure façon de penser à la guerre, ou nous nous convaincrons que la liste actuelle est encore bonne. Dans un cas comme dans l’autre, nous aurons pensé d’une façon critique à ce qui est littéralement une question de vie et de mort. »62 Le même argument reste vrai pour l’Armée de terre canadienne. Nous avons une nouvelle doctrine et nos principes ont besoin d’être examinés et débattus avec la rigueur préconisée par Leonhard. Tiede propose une liste de nouveaux principes qui, pense-t-il, seront requis dans l’avenir. Glenn discute des nouveaux principes d’opération et de l’abandon des principes de guerre. 25 l’avenir : Sont-ils encore applicables? face àGrodzinski Les principes de guerre de l’Armée de terre canadienne Captain John Vol. 3, no. 1, printemps 2000 Le major J.C. (Craig) Stone Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Leonhard, lui, discute de ce qui est erroné dans les principes de guerre actuels des É.-U., à l’ère de l’information, et propose un cadre/liste d’arguments raisonnables susceptibles d’alimenter le débat. De fait, Leonhard note, dans la préface de son livre, qu’il n’a pas écrit ce dernier pour que l’on s’y rallie mais plutôt pour que l’on en débatte.63 Bien que l’intention ne soit pas d’examiner chacun de nos principes ou chacun des arguments que l’on retrouve dans la documentation existante, il est approprié de donner quelques exemples de l’utilité d’une revue de ces mêmes principes et arguments. Ainsi, le « maintien du moral » est présenté comme l’élément le plus important dans un conflit. « Il est essentiel au maintien de la cohésion et de la volonté de vaincre. »64 Les É.-U. n’ont rien d’équivalent dans la version actuelle du FM 100-5, mais la nouvelle version inclura le moral en tant que principe. Glenn discute des raisons pour lesquelles ce principe d’opération est inclus dans le nouveau FM 100-5 en faisant allusion à un certain nombre de théoriciens du passé et d’anciennes versions du FM 100-5 qui avaient inclus le moral comme un élément important de succès au combat.65 Il est évident que les principes ont changé, avec le temps, afin de refléter les changements dans la doctrine, la technologie et la pensée des leaders du moment. Leonhard remarque le besoin du moral en tant que principe, lorsqu’il présente la « Loi de l’humanité » comme la loi prééminente dans la guerre de l’avenir, en déclarant que la guerre est une excroissance de la psyché humaine.66 Notre inclusion du moral en tant que principe reconnaît l’importance de l’esprit humain et notre capacité d’imposer notre volonté à l’ennemi. Cela ne devrait pas changer dans l’avenir. La surprise est définie comme suit : « On agit par surprise en frappant l’ennemi à un moment ou à un endroit où il n’est pas prêt ou d’une façon pour laquelle il n’est pas préparé; on sème la confusion dans sa chaîne de commandement ou on la paralyse et on supprime ou affaiblit sa capacité de 26 combattre. »67 Dans les conflits de l’avenir, la surprise deviendra encore plus importante et notre définition est très appropriée. Dans un conflit d’intensité moyenne à élevée, moins probable, une connaissance accrue de la situation nous permettra d’attaquer le centre de gravité de l’ennemi sans devoir faire face à tous ses effectifs. Dans un conflit de faible intensité, plus probable, une connaissance accrue de la situation permettra à des unités tactiques de se déplacer plus rapidement et de prendre l’avantage sur les forces ennemies là où elles ne seront pas prêtes à l’engagement.68 La surprise deviendra fondamentale dans notre capacité de disloquer les forces ennemies et de briser leur volonté de combattre. L’Armée de terre du Canada définit l’action offensive dans les termes suivants : « Pour triompher de l’ennemi et lui imposer notre volonté, nous devons effectuer des actions offensives. Pour obtenir des résultats sans équivoque pendant les opérations, nous devons parvenir à effectuer de telles manoeuvres. En tant que principe de la guerre, l’action offensive comporte un état d’esprit incitant à saisir, à exploiter et à conserver l’initiative, même quand les forces amies sont en situation de défense. L’avantage moral réside dans l’action offensive car celle-ci tend à conférer l’initiative, apporte une liberté d’action et force l’ennemi à réagir à des circonstances que nous contrôlons. »69 Bien que peu de gens argumenteraient contre la nécessité d’enlever l’initiative à l’ennemi et de le faire réagir à nos actions, existe-t-il un lien direct entre action offensive et initiative? L’une débouche-t-elle sur l’autre? La notion résultant de ce principe est que vous pouvez enlever l’initiative à l’ennemi par une action offensive. Cependant, l’histoire fournit plusieurs exemples montrant que l’inverse aussi est vrai. Leonhard remarque que les attaques des Français, au début de la guerre franco-prussienne de 1870, ont donné l’initiative à l’ennemi, et que Mao Tse- tung a été le plus souvent sur la défensive tout en gardant l’initiative, pendant la plus grande partie de la guerre civile chinoise.70 Cette notion de différenciation entre l’action offensive et le fait d’enlever l’initiative à l’ennemi est particulièrement importante pour l’avenir. Par exemple, dans l’environnement futur, le contexte de la guerre ne permettra peut-être pas une action offensive telle que nous la connaissons aujourd’hui. Au lieu, nous pourrions avoir à enlever l’initiative à une force adverse, afin de conserver le soutien du public pour une organisation non gouvernementale qui livrerait des quantités limitées d’eau à un groupe minoritaire particulier. Ce dont nous avons réellement besoin est une aptitude à créer des occasions qui augmentent les capacités amies et réduisent les capacités ennemies, qu’elles soient de nature offensive ou défensive. 71 Notre définition de l’action offensive est très similaire à celle des É.-U. et elle est clairement liée au concept de la guerre froide, de grandes armées s’opposant dans des conflits d’intensité élevée. Ce ne sera pas le seul type de guerre dans l’avenir et il y a encore de la place pour débattre de l’utilité future de ce principe. En guise d’exemple final dans la discussion sur le principe de la concentration de la force, l’Armée de terre note que « pour avoir du succès au cours des opérations, il est nécessaire de concentrer une force, tant morale que physique, supérieure à celle de l’ennemi au moment et à l’endroit voulus. La concentration ne suppose pas nécessairement qu’on masse des forces à un endroit, mais plutôt qu’on les dispose de façon qu’elles puissent se combiner rapidement pour produire un avantage considérable et donner à l’ennemi le coup décisif au moment et à l’endroit voulus. »72 Ce principe, comme nos principes d’économie d’efforts et de souplesse, a besoin d’être débattu dans le contexte des opérations de l’avenir et de l’ère de l’information. Les armes intelligentes de précision élimineront le besoin d’effets de masse; la nouvelle technologie de commandement et de contrôle éliminera Vol. 3, no. 1, printemps 2000 La Loi de l’humanité La Loi de la dualité La Loi de l’économie Connaissance et ignorance (Principe indépendant) Principes d’agression Principes d’interaction Dislocation et confrontation Occasion et réaction Distribution et concentration Activité et sécurité Principes de contrôle Option d’accélération et objectif Commandement et anarchie Figure 1 : Principes de guerre pour l’ère de l’information78 la nécessité, pour les forces, de se joindre sur le champ de bataille à des fins de concentration de force. Les forces seront capables d’arriver aux positions de l’ennemi d’une manière aléatoire, empêchant toute anticipation de la part de ce dernier, aidant à créer la surprise, à maintenir l’élan et à occasionner le maximum de destruction en utilisant le minimum de munitions.73 L’accent sera mis sur l’utilisation de notre supériorité au niveau de l’information pour augmenter notre précision, économiser nos munitions et nos ressources, et donner au commandant la possibilité de tirer avantage avec rapidité des occasions imprévues. L’on pourrait argumenter que ces commentaires sont contraires à la notion selon laquelle la guerre est une activité humaine et que la technologie n’est pas la solution à tous les problèmes. Un tel argument n’est pas sans fondement. Il y a là matière à débat et un débat sain nous aidera à comprendre ce que pourraient être les problèmes et les solutions possibles. La leçon à tirer est que des changements ont lieu, qui doivent être débattus. Certains de nos principes de guerre doivent être modifiés pour s’adapter à l’environnement futur, tandis que quelques nouveaux principes, comme ceux qui sont proposés par Leonhard et Tiede, pourraient devenir nécessaires. Tout comme Clausewitz, Leonhard remarque que les principes devraient être utilisés comme des arguments ou des catégories de pensée.74 Ses nouveaux principes décrivent des arguments en deux mots qui nous fournissent la catégorie dans laquelle nous devons réfléchir et qui indiquent les deux côtés de l’argument.75 Les nouveaux principes de Leonhard évoluent à partir de sa prémisse selon laquelle trois lois gouvernent le conflit humain : la loi de l’humanité, la loi de l’économie et la loi de la dualité des conflits. La loi de l’humanité en est le fondement et elle est indépendante de tout le reste. « La guerre est une excroissance de l’âme humaine; tout conflit humain se fonde sur la nature (physique, psychologique et spirituelle) de l’Humanité. »76 La loi de l’économie découle du désir de l’Homme de dépasser ses besoins et la loi de la dualité plonge ses racines dans cette caractéristique de l’humain qui le Bien qu’il ne soit pas question de discuter de chacun de ces principes, il vaut la peine de placer les réflexions de Leonhard sur la logique dialectique dans le contexte des principes. En guise d’exemple, jetons un coup d’oeil sur le principe indépendant de la connaissance et de l’ignorance. Les deux mots indiquent les deux extrêmes de l’exigence d’avoir conscience de la situation sur le champ de bataille. À l’ère de l’information qui marquera l’avenir, un commandant qui aura une connaissance complète des capacités et des intentions de l’ennemi, disposera d’un avantage significatif sur celui qui n’aura pas cette connaissance (le commandant ignorant). L’ignorance coûtera des vie et des ressources. Dans ce contexte, ce principe est conditionné par la loi de l’économie qui vise à minimiser les coûts (y compris en vies, temps, ressources, instruction et volonté politique). Un commandant n’aura jamais une connaissance parfaite, mais plus il investira dans les nouvelles technologies pour intégrer le commandement et les systèmes de contrôle qui lui donneront une meilleure connaissance de l’espace de bataille, plus sa situation sera bonne. L’approche de la logique dialectique de Leonhard permet d’établir des limites à droite et à gauche et aide à la réflexion critique. CONCLUSION Naturellement, tous les arguments de Leonhard ne seront pas acceptés par tout le monde et ils ne le devraient pas. Ce qui importe est que Leonhard et Tiede ont 27 l’avenir : Sont-ils encore applicables? face àGrodzinski Les principes de guerre de l’Armée de terre canadienne Captain John pousse à s’opposer violemment aux autres humains. « Les lois décrètent et prennent acte des caractéristiques les plus fondamentales de la guerre; elles fournissent une base solide de logique et de raison sur laquelle peut se bâtir une théorie valable. »77 Les trois lois donnent naissance à sept principes de guerre. La Figure 1 ci-dessous illustre les principes de guerre de Leonhard, pour l’ère de l’information. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre tous deux proposé, comme base de discussion, des solutions de rechange à la liste de principes actuelle. La discussion doit se maintenir dans le contexte de cet avenir incertain décrit par la majeure partie de la documentation existante, incluant nos propres manuels de doctrine. Pour les membres de la profession des armes, il est critique que toute discussion sur les principes se poursuive avec pour arrière-plan la certitude que la nature essentielle du conflit armé demeurera inchangée, à savoir un combat de volontés dont l’objectif consiste à imposer sa volonté à l’ennemi. Ce sera toujours une affaire humaine en dépit de l’importance que prendront la technologie et les munitions de précision. Cet article a résumé quelques-uns des enjeux de la RAM qui touchent aux principes de guerre. Il a aussi présenté quelques-uns des arguments développés autour de la validité des principes de guerre actuels. Il est clair que ces enjeux justifient que soit débattue la pertinence, pour l’avenir, des principes de guerre de l’Armée de terre canadienne. Nous devons nous assurer que nous ne devenons pas complaisant dans notre nouvelle doctrine. L’Armée de terre a besoin de revoir les principes de guerre pour s’assurer que ce sont les bons et pour les adapter en fonction de l’avenir. Encore plus important, un tel débat permettra aux leaders de tous grades d’améliorer leur connaissance de la théorie dans notre profession ainsi que de l’art de la guerre. « L’Histoire nous enseigne que ceux qui n’ont pas su prévoir l’avenir avaient une vision étroite, ou sont devenus complaisants, ou encore se sont laissés captiver par des lubies passagères et des équilibres technologiques éphémères. »79 À propos de l’auteur . . . Le major Craig Stone est un officier d’artillerie qui possède un baccalauréat en économie de l’Université du Manitoba et une maîtrise en polémologie du Collège militaire royal du Canada (CMR). Il étudie actuellement à plein temps au CMR en vue d’obtenir un doctorat en polémologie. NOTES 1 Michael Howard, ed., Clausewitz and Modern Strategy, (London: Frank Cass and Co. Ltd., 1986), p. 9. Cité par le Maj Arthur J. Athens, USMCR, “Theory on the Battlefield: Nuisance or Necessity?” Marine Corps Gazette 79 no. 1 (janvier 1995), p. 35. 2 Canada, Ministère de la Défense nationale, The Future Army, à www.lfc.dnd.ca/links/dlsc/Future.htm. Ce document publié récemment aborde le processus que l’Armée de terre utilisera pour voir de quelle manière elle développera ses plans pour l’avenir. 3 Elizabeth A. Stanley, “Evolutionary Technology in the Current Revolution in Military Affairs: The Army Tactical Command and Control System”, Carlisle Barracks, PA: The Strategic Studies Institute, (25 mars 1998), p. 10. Le major J.C. (Craig) Stone 4 Major J.C. Stone, “The Revolution in Military Affairs: A Canadian Perspective”, juillet 1998. Cet article a été soumis pour répondre partiellement aux exigences pour «War Studies 528: Military Innovation» que le Dr Scot Robertson a mené entre septembre 1997 et juillet 1998. 5 Joint Vision 2010 des É.-U. et Defence Review du Royaume-Unis ont tous deux impliqué une participation et un débat actifs de la part de leurs gouvernements respectifs. Ce débat ne s’est pas déroulé au Canada, et rien n’indique qu’un tel débat est susceptible de se dérouler à nouveau dans l’avenir. 6 The Future Army. Tel qu’indiqué plus haut, ce document fournit un cadre ou un processus qui permettra à l’Armée de terre de faire le travail d’état-major sur les questions touchant le développement de l’Armée de l’avenir. Bien que cet article soit axé sur les principes de l’Armée de terre, les lecteurs devraient savoir que le Directeur général de la planification stratégique et le Chef de Recherche et Développement se penchent aussi sur la question de la RAM, du point de vue du Ministère. 28 Ils ont récemment publié (à l’interne) une ébauche d’article intitulé “Shaping the Future of the Canadian Forces Defence Strategy 2020”. 7 Lt. Col. Thomas X. Hammes, “The Evolution of War: The Fourth Generation,” Marine Corps Gazette 78, no. 9 (septembre 1994), p. 35. 8 Steven Metz et James Kievit, “The Revolution in Military Affairs and Conflict Short of War”, Carlisle Barracks, PA: Institut d’études stratégiques, (juillet 1994), p. 1. 9 Stephen Metz et James Kievit, “Strategy and the Revolution in Military Affairs: From Theory to Policy”, Carlisle Barracks, PA: Institut d’études stratégiques (27 juin 1995), pp. 3-6. 10 Gregory R. Copley, “New strategic environments demand a new doctrinal view”, Politique stratégique de la Défense et des Affaires étrangères, (nov/déc 1997), pp. 7-8. 11 David Jablonsky, “The Owl of Minerva Flies at Midnight: Doctrinal Change and Continuity and the Revolution in Military Affairs”, Carlisle Barracks, PA: Institut d’études stratégiques, École de guerre de l’Armée de terre des É.-U., (mai 1994), p. 7. 12 Alvin et Heidi Toffler, War and Anti-War, (New York: Little Brown & Company, Réimprimé en livre de poche en 1993, New York, NY: Warner Books, Inc., 1995), p. 20. Voir aussi Steven Metz “A Wake for Clausewitz: Toward a Philosophy of 21st Century Warfare,” Paramètres, (hiver 1994-1995), p. 127. 13 Ibid, pp. 7-9. 14 Kenneth F. McKenzie, Jr., “Elegant Irrelevance: Fourth Generation Warfare”, Paramètres, (Automne 1993), pp. 51-52. 15 Robert J. Bunker, “The Transition to Fourth Epoch War”, Marine Corps Gazette, (septembre 1994), p. 20. 16 Mckenzie, p. 52 et Bunker, p. 20. 17 Ibid. 18 Hammes, p. 35. Vol. 3, no. 1, printemps 2000 19 Bunker, p. 24. 45 Lanir, p. 4. 20 Ralph Peters, “After the Revolution”, Paramètres, (été 1995), p. 9. 46 Leonhard, p. 269. 21 Paul Van Riper et Robert H. Scales, Jr., “Preparing for War in the 21st Century”, Paramètres, (automne 1997), p. 7. 47 Major Anthony M. Coroalles, “The Master Weapon: The Tactical Thought of J.F.C. Fuller Applied to Future War”, Revue militaire, (janvier 1991), pp. 62-63. 22 Hammes, p. 36. 48 Lanir, p. 9. 23 Ibid, pp. 36-38. Net-guerre se réfère à un conflit relié à l’information et à grande échelle, entre nations ou sociétés à la place du contexte militaire de la cyberguerre. 49 Leonhard, p. 270. 25 Hammes, p. 37. 26 Martin van Crevald, The Transformation of War (New York, NY: The Free Press, 1991), pp. 198-209. 51 Metz, A Wake for Clausewitz, p. 126. 27 Bunker, p. 24. 52 Ibid, p. 127. 28 Ibid. 53 CFP 300, 95-98. Glenn, 7. Tiede, p. 36. 29 Peters, “After the Revolution”, p. 12. 54 L’Armée de terre du Canada, p. 106 30 John Keegan, “The Warrior’s Code of No Surrender,” U.S. News & World Report, 23 janvier 1995, p. 47. cité dans Charles J. Dunlap, Jr., “21st-Century Land Warfare: Four Dangerous Myths”, Paramètres, (automne 1997), p. 28. 55 Leonhard, pp. 151-155. 31 Metz and Kievit, “Strategy and the Revolution in Military Affairs”, p. 14. 56 Ibid, p. 160. 57 L’Armée de terre du Canada, p. 106. 58 Ibid, pp. 109-110. 59 Tiede, pp. 54-55. 32 J.R. Wilson, “Digital Partnership”, Technologie de l’information militaire 2, no 6, (1998), p. 30. 60 Tiede, p.54. 33 Canada, Ministère de la Défense nationale, B-GL-300-000/FP-000 L’Armée de terre du Canada : Nous protégeons nos foyers et nos droits, (Ottawa, ON: TPSGC, avril 1998), pp. 125-126. 62 Ibid, p. 9. 34 Canada, Ministère de la Défense nationale, B-GL-321/FP-001 Land Force Multinational Corps Operations – Corps Operations, (Ottawa, ON: TPSGC, septembre 1998). Ce document porte essentiellement sur les opérations du corps FM 100-15 de l’Armée de terre des É.-U., traduit et diffusé en français et en anglais. L’Armée de terre utilisera la doctrine américaine au niveau du corps et au-dessus. 61 Leonhard, p. 8. 63 Ibid, p. xii. 64 Ibid. 65 Glenn, pp. 9-12. Glenn remarque que la version originale du FM 100-5, en 1939, incluait une longue discussion sur le leadership et dans laquelle on notait que l’Homme était un instrument fondamental de la guerre, et que cette dernière impose à l’individu un test sévère d’endurance morale. 35 Col. Herbert R. Tiede, USMC (à la retraite), “Principles of War”, Marine Corps Gazette (avril 1995), p. 54. 66 Leonhard, p. 208. 36 Ibid, p. 56. 68 Leonhard, pp. 190-191. 37 Russell W.Glenn, “No More Principles of War”, Paramètres, (printemps 1998), pp. 48-66. L’Armée de terre des É.-U. est en train de remplacer ses principes de guerre et principes d’opération autres que la guerre, par des principes d’opérations. 69 L’Armée de terre du Canada, p. 107. 38 Canada, Ministère de la Défense nationale, B-GL-300-001/FP-000 Force terrestre, Volume 1, Conduite des opérations terrestres - Doctrine du niveau opérationnel de l’Armée de terre, (Ottawa, ON: TPSGC, septembre 1996), pp. 1-5. 39 Zvi Lanir, “The ‘Principles of War’ and Military Thinking” dans le Journal des études stratégiques 16 no. 1, (mars 1993), p. 1. 40 Ibid, 2. 41 J.I. Alger, The Quest For Victory - The History of the Principles of War, (Westport, CT: Greenwood Press, 1982), pp. 190-191. 42 Lanir, p. 2. Lanir cite J.Y. Harkabi, War and Strategy, (Tel Aviv: publication du ministère de la Défense, 1990) et P. Paret, Innovation and Reform in Warfare, (1966) cité dans J.M. Shafritz, Words on War (NY: Prentice Hall, 1990). 43 Robert R. Leonhard, The Principles of War for the Information Age, (Novato, CA: Presidio Press, 1998), p. 267. 44 Ibid, p. 269. 67 L’Armée de terre du Canada, p. 107. 70 Leonhard, pp. 83-84. 71 Leonhard, p. 91. Il est utile de remarquer que Leonhard fait aussi le point sur notre doctrine, reconnaissant un besoin pour une action défensive et une action offensive et, par conséquent, l’une ne devrait pas être un principe, au détriment de l’autre. 72 L’Armée de terre du Canada, p. 109. 73 Leonhard, pp. 108 - 138. 74 Ibid, p. 245. 75 Ibid, p. 246. Leonhard note qu’il s’agit de logique dialectique. Cela commence par une thèse, suivie d’une antithèse et finalement d’une synthèse. La clef consiste à bâtir l’argument à partir de deux extrêmes, pour obliger à penser. 76 Ibid, p. 207. 77 Ibid, p. 208. 78 Leonhard, p. 252. 79 Dennis J. Reimer, “Dominant Maneuver and Precision Engagement”, Joint Force Quarterly, (hiver 1996-1997), p. 16. 29 l’avenir : Sont-ils encore applicables? face àGrodzinski Les principes de guerre de l’Armée de terre canadienne Captain John 24 John Arquilla et David Ronfeld, “Cyberwar is Coming”, St r a t é g i e c o m p a r a t i v e 1 2 , ( n o v 1 9 9 3 ) , p p . 1 4 1 - 1 6 5 . Vo i r aussi les commentaires de Hammes sur cet article, p. 38. 50 Lt.Col. Richard J. Young, “Clausewitz and his Influence on U.S. and Canadian Military Doctrine” in The Changing Face of War: Learning From History, Allan D. English. Ed. (Montréal et Kingston: McGillQueen’s University Press, 1998), p. 18. Dans ce cas-là, Clausewitz est utilisé comme un exemple connu. Il serait difficile de trouver, dans notre doctrine précédente, une influence de l’un de ces principaux théoriciens militaires du passé. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre LES BLINDÉS À LA CROISÉE DES CHEMINS Le lieutenant-colonel C.M. Fletcher, CD e Corps blindé est sur le point de subir plusieurs améliorations importantes au chapitre de l’équipement. Avec l’arrivée du Leopard C2 et de son simulateur de tir, l’avancement du projet sur le véhicule blindé de combat (VBC) qui a presque atteint une étape cruciale et la mise en service du véhicule de reconnaissance Coyote, j’estime le moment bien choisi pour examiner attentivement l’équipement et la structure des régiments blindés de la Régulière et de la Réserve. L Le lieutenant-colonel C.M. Fletcher Un certain nombre de projets associés à l’équipement et d’efforts de redistribution ont récemment été réalisés ou sont sur le point de porter fruit pour le Corps blindé. Même s’ils visaient au départ des objectifs différents, tous ces projets doivent être envisagés dans la même perspective, à savoir leurs incidences sur la structure, actuelle et future, des régiments blindés et de l’Armée de terre ainsi que sur leur potentiel de combat, tant sur le plan des opérations de reconnaissance que des opérations blindées, dans la Régulière et la Réserve. Le problème actuel se situe au niveau de la flotte de véhicules multiples dont sont dotés tous les régiments du Corps. On trouve présentement deux types de véhicules dans les régiments de la Force régulière, à savoir le Leopard et le Coyote, et deux dans la Réserve, le Cougar et le Iltis, pour un total de quatre véhicules, ce qui est beaucoup trop pour un corps de la taille du nôtre. Nous ne pouvons ni nous offrir ni gérer une telle organisation en raison des frais de fonctionnement et d’entretien (F&E) inhérents à l’entreposage des pièces de rechange, des coûts de formation des techniciens et des demandes d’instruction individuelle, 30 aussi bien dans les régiments qu’à l’École de l’Arme blindée. De plus, la synergie présente dans les régiments blindés est dissipée dans trois rôles différents : les opérations blindées, les opérations autres que la guerre (OAG) et les opérations de reconnaissance, rendant impossible la formation de groupements tactiques blindés dans les brigades. Ce phénomène se manifeste d’ailleurs déjà dans certaines brigades, des régiments blindés étant en effet relégués à fournir des escadrons à des groupements tactiques d’infanterie. Pour permettre un tel état des choses, il faut ignorer une des forces des blindés et le rôle décisif qu’un groupement tactique blindé peut jouer dans une opération. Le plan de rationalisation de l’équipement (PRE) récemment mis en oeuvre a donné lieu à plusieurs changements importants dans la structure des régiments blindés de la Régulière et de la Réserve. C’est ainsi que le Cougar a été retiré des régiments blindés de la Régulière pour être attribué exclusivement aux régiments blindés de la Réserve. Dans la même lancée, 95 des 195 Cougar ont été retirés du service. Le Coyote, sans son équipement de surveillance, a remplacé les escadrons de Cougar dans les régiments de la Force régulière. En vertu du PRE, la taille des troupes de reco blindées a diminué, passant de sept à cinq véhicules. (Voir Figure 1) Comme aucun des régiments de la Réserve ne dispose du même équipement que les régiments de la Force régulière, il leur est très difficile d’appuyer les unités de la Régulière lors d’opérations des Nations unies. Bien que le VBC soit censé remplacer le Cougar, aucun plan n’a encore été établi pour ce qui est de l’équipement à fournir aux régiments blindés de la Réserve. Le projet sur le Coyote, mis en oeuvre en 1997, a permis de procéder à l’achat de 203 véhicules de reconnaissance destinés aux régiments blindés, aux escadrons de reconnaissance de brigade et aux pelotons de reconnaissance des bataillons d’infanterie. Depuis lors, ces véhicules ont été redistribués en vertu du PRE afin de préserver le maigre budget de fonctionnement et d’entretien de l’Armée de terre et de fournir un flotte de Coyote dans les théâtres d’opération. Bien qu’au départ les Coyote étaient aussi destinés aux régiments de reconnaissance de la Réserve, aucun de ces véhicules n’a été attribué aux Réserves parce qu’on craignait les coûts élevés liés à l’instruction et l’entretien qu’exigerait ce véhicule de surveillance perfectionné. Le présent document vise à présenter les grandes lignes d’une proposition portant sur la structure et les rôles de tous les régiments blindés dans l’avenir. APERÇU Nous vous résumons dans les paragraphes qui suivent les différents projets et initiatives associés à l’équipement qui influent sur la structure du Corps blindé et sur le potentiel de combat de l’Armée de terre. Tout le reste du document repose sur ces informations. Le projet sur le viseur thermique du Leopard (VTL) avait pour but d’améliorer la capacité de combat de nuit du Leopard. En plus d’atteindre cet objectif, le projet permettra d’apporter d’autres changements qui contribueront Vol. 3, no. 1, printemps 2000 5 x COYOTE 1 x COYOTE 1 x COYOTE 3 x LEO C1 4 x TTB 5 x COYOTE Éqpt maj Total: Coyote - 38 Leo C1 - 20 4 x COYOTE (TD) 4 x LEO C1 Figure 1 : Structure actuelle (PRE) Le projet sur le véhicule blindé de combat (VBC) s’inscrit actuellement dans le programme d’immobilisation et son financement est de l’ordre de 2,1 milliards de dollars. Ce projet vise à remplacer les flottes de Leopard et de Cougar d’ici 2005 ou dans les années qui suivront. Comme il est peu probable que le remplacement du Cougar et du Leopard se fasse sur une base individuelle, on ne connaît pas pour l’instant l’ampleur que prendra la distribution. montre bien que l’arrivée de ce véhicule réduira la capacité des régiments blindés de combattre dans toutes les opérations de guerre. Il ne fait aucun doute qu’en passant d’une flotte de chars de combat principaux (CCP) à une flotte de VBC, on diminuera le potentiel blindé. Si ce qu’on veut vraiment c’est uniquement améliorer le potentiel du Corps blindé dans les OAG, il n’y a pas lieu de se doter pour autant d’une flotte complète de véhicules. Si on compare le potentiel du Coyote à celui du VBC tel qu’exposé dans le document de conception, on s’aperçoit que tout ce qui manque au Coyote, c’est la capacité de détruire des chars lorsqu’il est stationnaire et en mouvement. On pourrait corriger cette situation à des coûts bien moindres en lui ajoutant un missile antichar ou en formant une articulation tactique avec le TOW. Le Coyote pourrait alors participer à des OAG en plus de jouer son rôle premier, à savoir la reconnaissance. Il faut chercher à optimiser le VBC pour les opérations autres que la guerre (OAG) comparativement à l’éventail complet des opérations de guerre. Le document de conception sur le VBC1 Dans une étude visant à comparer le potentiel du CCP et du VBC de mener la guerre et de participer à des OAG, le projet sur la recherche opérationnelle Quarré de Fer expose clairement les à améliorer l’efficacité opérationnelle du char. Les 114 Leopard seront modernisés jusqu’au niveau du Leopard C2. On a inclus un simulateur de tir moderne dans le cadre du projet sur le VTL, ce qui représentera un progrès important au chapitre de l’instruction individuelle dans les régiments et à l’École de l’Arme blindée. La mise en oeuvre terminée, le Leopard C2 restera en service au moins jusqu’en 2010. « L’étude démontre clairement la différence entre le potentiel des deux véhicules. Elle nous fait aussi découvrir les implications, tant sur le plan de la doctrine que de la tactique, de l’emploi d’une organisation de VBC ou de chars. Le VBC a été impuissant à manoeuvrer en présence directe de l’ennemi. Lorsqu’il s’y est risqué, il a été détruit. Il a donc fallu avoir recours à des tactiques d’embuscade, surtout en défense, lorsque le groupement tactique canadien était équipé de VBC. L’étude révèle que malgré l’emploi de telles tactiques, le VBC a subi des pertes de 1,7 à 3,1 plus élevées que le CCP alors que son efficacité a été de une à deux fois inférieure à celle du M1A2. On y illustre qu’en raison de la puissance de feu et de la protection limitées du VBC, les troupes canadiennes ont subi des pertes plus élevées attribuables au tir direct et au tir indirect. L’incapacité du VBC à manoeuvrer en présence de l’ennemi a considérablement réduit la souplesse tactique et la capacité de déploiement de toute la force canadienne. Le commandant d’unité disposait par conséquent de moyens d’action beaucoup plus limités ce qui, en bout de ligne, a alourdi les pertes. C’est pour cette raison que le groupement tactique doté de VBC a été jugé inefficace au combat à la suite de la bataille qu’il a livrée, aussi bien dans les scénarios de défense que d’attaque ».2 « La recherche a aussi porté sur des comparaisons faites au regard des quinze tâches liées à des OAG et identifiées dans l’op IRON NOBLE. Les résultats indiquent que le VBC s’est révélé supérieur pour seulement quatre de ces tâches pour lesquelles le poids, les caractéristiques de furtivité et la 31 Les blindés à la croisée des chemins 1 x LEO C1 Captain John Grodzinski différences entre le potentiel du VCB et celui du M1A2. Voici quelques citations saisissantes tirées du rapport : Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre vitesse du véhicule étaient des atouts souhaitables. Le M1A2 a été jugé supérieur pour neuf des quinze tâches ».3 « En résumé, l’étude a permis d’établir que le VBC ne peut faire preuve de robustesse et d’agressivité dans des situations de guerre. Il a en effet été incapable de créer l’effet de masse et de choc produit par un régiment blindé doté de CCP... Mis au fait des limites du VBC, il serait incorrect, tant sur le plan moral que sur le plan éthique, de procéder en pleine connaissance de cause à l’achat de ce véhicule comme solution de remplacement au CCP. Une telle décision nous conduirait à la défaite ».4 Si ces initiatives devaient rester inchangées, il en résulterait une diminution du potentiel des blindés à livrer des combats au contact. Nous sommes déjà engagés dans cette voie. Une structure à l’état final constituée d’un escadron de Leopard C2, d’un escadron de reco (Coyote) et d’un escadron de cavalerie / véhicule de tir d’appui direct viendrait détruire la notion de groupement tactique blindé et paralyser les régiments en raison des coûts astronomiques que représentent l’instruction, le fonctionnement et l’entretien. De plus, les régiments de la Réserve sont dotés d’une pièce d’équipement qui leur est propre et qui les empêche d’appuyer adéquatement les régiments de la Force régulière lors d’opérations. Lieutenant-colonel C.M. Fletcher STRUCTURE À L’ÉTAT FINAL (2005) Outre les observations formulées dans le cadre du projet sur la recherche opérationnelle Quarré de Fer, la structure à l’état final du Corps blindé constitue une grande préoccupation essentiellement liée à la flotte de véhicules multiples. Il existe des inconvénients de taille qu’il est important de comprendre. Étant donné que les trois escadrons des régiments de la Force régulière jouent 32 présentement trois rôles différents (reco, OAG et opérations de guerre), on a tendance à organiser le régiment blindé en fonction de la tâche à réaliser. Avec une telle structure, il est impossible de constituer un groupement tactique blindé et la seule solution qui s’offre au commandant, c’est de former des groupements tactiques d’infanterie. Il en coûte cher en frais de fonctionnement et d’entretien, notamment au chapitre des pièces de rechange, pour parvenir à appuyer une flotte comptant quatre types de véhicules. Il faut en effet former et appuyer des techniciens de véhicules, et l’instruction dans les régiments et à l’École de l’Arme blindée est onéreuse. Il faut beaucoup de temps et d’argent pour que les commandants des régiments de la Force régulière parviennent à former des hommes d’équipage dans les domaines du tir au canon, de la surveillance, de la conduite et de l’entretien qui seront en mesure d’utiliser trois types de véhicules. Au cours de l’instruction professionnelle des officiers blindés (IPOB) et des cours NQ 6A et NQ 6B, l’École de l’Arme blindée devra former des aspirants officiers et des militaires du rang supérieurs qui pourront remplir ces fonctions. On peut supposer que l’arrivée d’un troisième type de véhicule exigerait au moins l’ajout d’une autre phase à la formation d’officier et accroîtrait considérablement la durée des cours destinés aux MR. Finalement, comme les régiments de la Réserve s’entraînent avec un véhicule qui leur est propre, on élimine toute possibilité d’appui de leur part lors d’opérations réelles. Pour toutes ces raisons, il est essentiel que la structure qu’auront les régiments blindés après la mise en service du VBC comporte le moins de flottes de véhicules possible. On pourra ainsi concentrer les efforts en fonction de l’entraînement et de l’instruction individuelle, du fonctionnement et de l’entretien, de la capacité opérationnelle et de l’efficience. Le Tableau 1 donne un aperçu de la structure à l’état final. Avec le remplacement du Leopard C2 par le VBC, il sera primordial de maintenir le potentiel de combat dans toutes les opérations de guerre, tel que précisé dans le Livre blanc sur la défense de 1994. Il faudra veiller à protéger l’intégralité du potentiel de combat au cours de ce processus. UNE SOLUTION POUR LA TRANSITION AU VBC À la lumière des problèmes identifiés dans les paragraphes précédents, il est urgent d’établir la structure qui existera après la mise en service du VBC et de modifier la structure actuelle. On pourra ainsi atténuer les effets décrits précédemment et préparer adéquatement le Corps en vue de l’arrivée du VBC. La mise en oeuvre de cette structure, qui peut se faire sans nouvel équipement, permettra le retrait immédiat de la flotte complète de Cougar. Elle prévoit une flotte de deux véhicules pour le Corps, y compris pour la Réserve, et repose sur deux escadrons de 14 chars Leopard C2 et un escadron de reconnaissance doté de Coyote dans les unités de la Régulière (voir la Figure 2). Tous les régiments de la Réserve utiliseraient le Coyote (sans l’équipement de surveillance) dans un rôle de cavalerie alors que les régiments de reco de la Réserve conserveraient le Iltis jusqu’à ce que ce dernier soit remplacé par le véhicule utilitaire léger de soutien (VULS). Cette option présente de nombreux avantages dont le principal est de permettre à l’Armée de terre de réduire les coûts de fonctionnement et d’entretien ainsi que les besoins en formation auxquels il faut répondre pour conserver des hommes d’équipage qualifiés dans les régiments. En se limitant à deux flottes de véhicules, on réduit l’instruction individuelle requise dans les régiments et à l’École de l’Arme blindée, on sabre dans les coûts et on accroît la disponibilité des hommes d’équipage dans les régiments. En utilisant un Coyote démonté dans les unités de la Réserve, on peut former les soldats de la Milice dans les domaines de la Vol. 3, no. 1, printemps 2000 1 x COYOTE 2 x LEO C2 4 x TTB 7 x COYOTE Éqpt maj Total: Coyote - 27 Leo C2 - 29 4 x LEO C2 Figure 2 : Struture (court terme) proposée conduite et de l’entretien, du tir au canon et de la tactique et leur permettre de renforcer les régiments de la Force régulière pour l’entraînement et les opérations. Pour les unités blindées de la Réserve, la charge de travail liée à la formation reste la même que celle qu’elles ont actuellement avec le Cougar. Si on se départit immédiatement des Cougar, on réalise des économies au chapitre du fonctionnement, de l’entretien et de l’instruction individuelle. Avec deux escadrons de chars dans chaque régiment, on améliore Unité Comme cette proposition touche les 114 Leopard, on prévoit une légère augmentation des frais de fonctionnement et d’entretien pour les chars (ou la nécessité de réduire les déplacements). Les économies réalisées à la suite du retrait du Cougar peuvent compenser cette augmentation. Il s’agit en fait d’un compromis acceptable qui permet de conserver un élément essentiel du potentiel de combat de l’Armée de terre. La taille réduite de l’escadron de chars (14 chars) ne constitue pas nécessairement un inconvénient puisque le Canada emboîte ainsi le pas à bon nombre de ses alliés de l’OTAN. On manque cependant de véhicules blindés de dépannage (VBD) Leopard pour appuyer six escadrons et l’École. Il vaut la peine d’accepter ce léger Coyote Leopard C2 VBC The Royal Canadian Dragoons 27 29 29 Lord Strathcona’s Horse (Royal Canadians) 27 29 29 12e Régiment Blindé du Canada 27 29 29 École de l’Arme blindée 16 25 25 Secteurs de la Force terrestre (3) 12# - - Pon de reco des bataillons d’infanterie (6) 30 - - Centre de recherches pour la défense Valcartier 1 1 1 École du génie électrique et mécanique des Forces canadiennes 2 1 1 Réserves log 3 Véhicules dans le théâtre 34 - - Total 203 114 114 NOTA : Le CISAFT ne recevra pas de Coyote. Les unités blindés du SAFT utiliseront plutôt les véhicules de l’École de l’Arme blindée. Tableau 1 : Besoins en véhicules blindés (À court - long terme réorganisation en cours) 33 Captain John Grodzinski 5 x COYOTE Les blindés à la croisée des chemins 1 x LEO C1 considérablement l’entraînement de la brigade puisqu’on peut alors former plus d’équipes de combat, ou un groupement tactique blindé. Les premières vérifications d’état-major indiquent qu’il est possible de doter en personnel une telle organisation à partir des effectifs actuels des régiments blindés. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre inconvénient afin de préserver un élément indispensable du potentiel de combat de l’Armée de terre. On peut aborder la question de l’achat de trois VBD supplémentaires dans le cadre du processus des besoins divers. RECOMMANDATIONS À court terme, les régiments blindés devront être restructurés conformément à la Figure 2 et à l’Annexe A (Distribution de l’équipement). Chaque régiment blindé de la Force régulière devrait compter deux escadrons de 14 chars avec la mise en oeuvre du Leopard C2. Tous les régiments blindés de la Réserve devraient être affectés à des tâches de cavalerie et les VTAD Coyote devraient être cédés aux Centres d’instruction des secteurs. Dans le Secteur de l’Atlantique de la Force terrestre (SAFT) cependant, les Réserves devraient utiliser les Coyote de l’École de l’Arme blindée. Afin d’appuyer le niveau actuel des opérations, une flotte de 34 Coyote devrait être réservée aux opérations dans le théâtre. Les opérations terminées, les Coyote seraient rapatriés au Canada pour être distribués aux Centres d’instruction des secteurs de la Force terrestre. Le Cougar devrait être immédiatement retiré du service. Lieutenant-colonel C.M. Fletcher Les OAG devraient être confiées aux escadrons de reconnaissance des régiments blindés de la Force régulière. Équipés de Coyote, les régiments blindés de la Réserve pourraient renforcer les régiments de la Régulière lors d’opérations, conformément au concept actuel s’appliquant à l’emploi de la Réserve. Les escadrons de reco de la Force régulière devraient être affectés à des missions de reconnaissance au cours des opérations de guerre et des OAG, et à des opérations de cavalerie. Les escadrons de CCP de la Régulière devraient participer à des OAG (opérations de combat) et à des opérations de guerre, les unités blindées de la Réserve devraient jouer un rôle de cavalerie avec le Coyote alors que les unités de reco de la Réserve continueraient de mener des opérations 34 de reco avec le véhicule léger Iltis ou le VULS. CONCLUSION Le fait de doter, aujourd’hui et dans l’avenir, les régiments blindés de la Force régulière d’une flotte de véhicules multiples est injustifiable du point de vue financier et inutile pour les opérations du groupement tactique. Les principaux antagonistes à ce projet sont les coûts élevés liés à la formation, au fonctionnement et à l’entretien ainsi qu’une perte de synergie dans les régiments blindés. Dans le cadre d’une analyse opérationnelle, on a comparé le VBC et à un CCP typique au cours d’une opération de guerre et d’une OAG. Les résultats de cette étude scientifique ne font aucun doute — le VBC est tout simplement incapable d’effectuer le travail, et si les plans actuels devaient se concrétiser, on se retrouverait avec de graves lacunes au niveau du potentiel de combat. En vertu du Livre blanc, l’Armée de terre a toujours pour mission de participer à des opérations de guerre. Elle doit par conséquent travailler à conserver ses compétences au combat tout en étant prête à participer à des OAG et à réaliser d’autres tâches. L’Armée de terre canadienne doit continuer à concentrer ses efforts sur les opérations de guerre qui, comme par le passé, nous seront des plus utiles pour relever les défis que nous aurons sûrement à relever au cours des OAG. Le Canada peut être appelé à participer à des OAG en affectant des Coyote (renforcés par les Réserves) pour jouer un rôle de reco ou exécuter des tâches générales, ou encore en déployant des VBC capables d’intervenir d’une façon plus agressive. Quoi qu’il en soit, l’Armée de terre serait prête. À propos de l’auteur . . . Le lieutenant-colonel Craig Fletcher a reçu du Collège militaire royal du Canada en 1979 un diplôme avec spécialisation en littérature anglaise; il est en outre diplômé du Collège d’état-major et de commandement des Forces canadiennes et a suivi le cours technique d’état-major au Royaume-Uni. Il a servi à divers postes de commandement et d’état-major au sein du 12e Régiment blindé du Canada, du Royal Canadian Dragoons et du Lord Strathcona’s Horse (Royal Canadians). Le lcol Fletcher a également occupé divers postes d’état-major au quartier général de la Force mobile et au quartier général de la Défense nationale et a servi à titre de chef d’état-major au quartier général du 37e Groupe-brigade du Canada à Moncton (N.-B.). Il est actuellement le commandant de l’École de l’Arme blindée au Centre d’instruction au combat. NOTES 1 Document de conception sur le véhicule blindé de combat, Direction — Concepts stratégiques (Opérations terrestres), Fort Frontenac, Kingston, ON, Mai 1998. 2 Compte rendu du projet de la Direction de la recherche opérationnelle CRP 9817, QUARRÉ DE FER — Analyse du VBC dans les opérations de guerre par M.K. Ormrod, P.R.S. Bender et le major J.J.L.C. Noel de Tilly, Division de la recherche opérationnelle, QGDN, Ottawa, décembre 1998, pages ii,iii. 3 Ibid page iv. 4 Ibid page iv. Vol. 3, no. 1, printemps 2000 LE 1ER BATAILLON DE PARACHUTISTES CANADIEN UNE HISTOIRE BRÈVE Le capitaine Todd Strickland, CD FORMATION ET ENTRAÎNEMENT Le succès des forces aéroportées allemandes dans les combats en Hollande et en Belgique n’était pas passé inaperçu, si bien qu’en août 1940, le colonel E.L.M. Burns soumit les premières propositions visant à mettre sur pied une force aéroportée canadienne au quartier général de l’Armée. Toutefois, à cette époque, ces propositions n’ont reçu aucun appui, et ce n’est qu’en avril 19422 que le ministre de la Défense, J.L. Ralston, mentionna à la chambre des communes qu’une telle possibilité était envisagée. Après l’annonce du ministre, le parachutisme militaire au Canada se développa rapidement. En juin de la même année, le lieutenantcolonel R.H. Keefler est envoyé à Fort Benning, Géorgie, pour évaluer les méthodes d’instruction américaines alors qu’au Royaume-Uni, un cadre initial de parachutistes débute son entraînement à la Station Ringway de la Royal Air Force (RAF). Le 1er juillet 1942, on approuve la formation du 1er Bataillon de parachutistes canadien (1 Para can) comprenant un effectif de vingt-six officiers et de cinq cent quatre-vingt-dix hommes. Cet effectif sera réparti dans un poste de commandement de bataillon, une compagnie de commandement3 et trois compagnies de fusiliers. En outre, le premier appel à des volontaires est lancé dans toutes les unités de l’Armée. Curieusement, cet appel est demeuré presque totalement sans réponse. Voici pourquoi: en lançant un appel à toutes les unités, y compris celles comprenant des militaires qui ne serviraient pas outremer en vertu de la Loi de 1940 sur la mobilisation des ressources nationales4 , on donnait l’impression que la nouvelle unité ne serait affectée qu’au Canada. Les parachutistes potentiels devaient décider soit de servir outre-mer dans un autre domaine, soit d’intégrer une unité de parachutistes et de rester en Amérique du Nord. Lorsque le quartier général de l’Armée s’est rendu compte que cette erreur était la source du problème de recrutement, on a modifié les règlements de sorte que tous les volontaires qui désiraient intégrer la nouvelle unité devaient également accepter le service « actif » et être obligés de servir là où ils seraient envoyés. Presque du jour au lendemain, les volontaires5 se sont mis à affluer, et on s’est mis à élaborer des plans en vue d’établir l’École de parachutisme du Canada à Shilo (Manitoba). Presque tous les hommes6 qui ont servi dans le bataillon ont reçu leur entraînement de parachutisme de niveau élémentaire à Fort Benning, Géorgie, car l’école de Shilo n’a ouvert ses portes qu’à l’été 1943. L’entraînement auquel était soumis le personnel était comparable à celui d’aujourd’hui quoique le nombre d’accidents7 fut beaucoup plus élevé à cette époque parce qu’il s’agissait d’une nouvelle activité. Toutefois, les hommes, contrairement à aujourd’hui, devaient plier leurs propres parachutes. En outre, le bataillon dut suivre un entraînement tactique lorsqu’il était aux États-Unis. En avril 1943, le bataillon avait terminé son entraînement initial au parachutisme à Fort Benning et s’était rendu à Shilo pour terminer son entraînement préliminaire. Pendant que le bataillon s’entraînait, on prenait des décisions quant à son emploi éventuel; le 7 avril 1943, le cabinet a autorisé l’intégration du bataillon dans la 6th British Airborne Division. Cette décision a été prise après que plusieurs questions juridiques et administratives litigieuses ont été résolues, dont l’une des principales était que les troupes canadiennes devaient servir sous le commandement d’un officier supérieur britannique et non d’un officier canadien. Tout à fait par hasard, le bataillon — maintenant sous les ordres du lieutenantcolonel G.F.P. Bradbrooke — s’est rassemblé à Shilo le jour même de la décision pour poursuivre son entraînement. À ce stade, on s’est rendu compte que Shilo n’était pas l’endroit idéal pour y tenir un centre d’entraînement au parachutisme. Premièrement, il n’y avait pas d’aérodrome approprié, et les hommes devaient être conduits en camion à Rivers (Manitoba) (trajet 35 Le 1er Bataillon de parachutistes canadien : une histoire brève A éroporté. Dans l’histoire canadienne récente, chaque mot est interprété de diverses façons, et la plupart des civils n’ont retenu que le pire dans les témoignages déposés lors de l’enquête sur les opérations en Somalie. Ils ne savent probablement pas que le Régiment aéroporté du Canada n’était qu’une parmi plusieurs unités canadiennes formées de parachutistes. Au Canada, le public ne tient pas en haute estime le parachutiste qui le protège; toutefois, ce ne fut pas toujours le cas. Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, une unité canadienne comptait parmi les premières à débarquer au jour J; elle a été la seule à participer, en tant qu’unité canadienne, à la bataille des Ardennes, à pénétrer profondément en territoire allemand et à établir une jonction avec les forces russes; il s’agit du 1er Bataillon de parachutistes canadien. Le présent article a pour objet d’examiner les expériences de guerre de cette unité particulière à la lumière du stéréotype souvent répété et entendu alléguant que les Canadiens sont « non militaires »1 . Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre d’environ quarante milles) pour monter à bord des avions. Deuxièmement, la vélocité des vents dépassait presque toujours les maximums permis pour les sauts en parachute8 . Toutefois, les sousunités du bataillon continuaient de s’entraîner et effectuèrent leurs premiers sauts au Canada le 4 mai 1943. Mais, on mit fin beaucoup trop rapidement à l’entraînement au Canada et, en juillet, le bataillon était à bord du Queen Elizabeth et allait rejoindre la 6th Airborne Division en Angleterre. Le capitaine Todd Strickland Dès son arrivée au Royaume-Uni, le 1 Para can joignit les rangs de la Troisième brigade de parachutistes (Third Parachute Brigade), commandée par le brigadier S.J. Hill9 , et fut logée aux casernes Carter à Bulford. L’entraînement reprit de plus belle. Premier obstacle: tous les parachutistes formés aux États-Unis devaient se qualifier de nouveau, car les méthodes et l’équipement britanniques étaient différents et le bataillon ne pouvait pas savoir avec certitude quel type d’aéronef serait utilisé pour les sauts. Plusieurs refusèrent de suivre la formation de conversion et furent retournés dans leurs anciennes unités après qu’on a appris que non seulement les Britanniques faisaient appel à des femmes pour le pliage des parachutes, mais qu’ils sautaient sans parachutes de secours10 . Tout l’automne, pendant la formation de conversion, le bataillon continua de s’entraîner; d’août à octobre, l’accent fut mis sur le conditionnement physique et le maniement des armes. Aux champs de tir, on constata que l’adresse au tir des Canadiens était inférieure à la moyenne dans la brigade. Tous les militaires canadiens furent donc astreints à suivre un entraînement additionnel au maniement d’armes de six à huit heures par semaine. Lorsque les qualités de tireur des Canadiens s’améliorèrent, on mit l’accent sur un entraînement collectif de bataillon et de brigade en insistant tout particulièrement sur les opérations de nuit, le tout en prévision des rôles que la division était destinée à jouer au moment de l’invasion prévue de l’Europe. 36 Voici les trois principales tâches en prévision desquelles le bataillon devait s’entraîner: k coopérer directement avec les divisions d’assaut transportées par mer; k s’emparer du terrain qui domine une tête de pont et le tenir jusqu’à l’arrivée des formations de deuxième échelon; k retarder le mouvement des réserves ennemies situées à l’intérieur ou à l’extérieur de la tête de pont.11 De plus, l’entraînement était régi par les principes établis par le commandant de brigade – à savoir, la vitesse, la simplicité, le contrôle et l’effet du tir12 . En gardant ces principes à l’esprit, le bataillon se mit à l’entraînement avec grande ferveur et beaucoup d’élan. Le 1er janvier 1944, on lui adjoignit l’effectif de la Première compagnie d’instruction de parachutistes canadienne – qu’on avait créée pour constituer une chaîne de renforts bien entraînés. Au cours du printemps, le bataillon participe à de nombreux exercices, s’entraîne au maniement d’armes et effectue de l’entraînement physique (EP) en vue de la percée imminente du « second front ». Le 15 mai, le bataillon effectue son dernier saut avant le jour J, saut après lequel le roi George VI et la reine Élisabeth le passent en revue. Il compte alors vingt-huit officiers et cinq cent quatre-vingt soldats; en outre, il y a dans la compagnie d’instruction de parachutistes quarante-trois officiers et trois cent trente-cinq hommes. Le 24 mai, le bataillon se rend dans une zone d’attente près de Down Ampey où il est confiné à ses quartiers jusqu’à son parachutage en Normandie. LE JOUR J ET LA PROGRESSION JUSQU’À LA SEINE La 6e Division aéroportée se voit assigner la tâche de poser pied entre l’Orne et la Dives sur le flanc gauche (au nord) des forces d’invasion dans le but de parer les contre-attaques anticipées contre la tête de pont. Il s’agit, évidemment, d’un rôle défensif; toutefois, ce rôle s’inscrit dans le cadre de l’entraînement suivi par le bataillon. Dans la Troisième brigade (Third Brigade), les tâches principales sont attribuées aux 8e et 9e Bataillons alors qu’on assigne aux Canadiens celles de protéger les flancs de la brigade et de couvrir de leurs feux les mouvements des deux autres bataillons. Voici les ordres précis donnés au bataillon: k prendre et tenir la zone de largage (ZL) VICTOR13 pour le reste de la brigade; k capturer le quartier général (QG) de l’ennemi situé dans la ZL; k détruire les ponts routiers enjambant la Dives et ses affluents à Varaville; Figure 1 : Membres du 1 Para can à l’entraînement physique sous le commandement du lieutenant G.H. Macdonald près de Bulford, RU. (Photo 34682 de l’Armée canadienne) Vol. 3, no. 1, printemps 2000 k neutraliser le centre de résistance situé à l’intersection des routes à Varaville; k protéger le flanc gauche du 9e Bataillon lorsqu’il détruira la batterie d’artillerie à Merville; k prendre et tenir l’intersection à Les Mesnil. Lorsqu’il reçoit ses ordres du brigadier Hill, le lieutenant-colonel Bradbrooke assigne à ses compagnies les tâches suivantes: k Compagnie « B » – détruire le pont routier à Robehomme et empêcher l’ennemi de s’emparer de la zone; k Compagnie « C » – prendre et tenir la ZL et détruire le QG qui s’y trouve, détruire le poste radio et le pont à Varaville et rejoindre le bataillon à l’intersection de Les Mesnil. Frais et dispos, le bataillon entreprend d’exécuter les tâches assignées. La compagnie « C » est la première à poser pied sur le continent après avoir quitté les plages d’Angleterre à bord de quatorze aéronefs à 22 h 30, le 5 juin. Le bataillon part une heure avant le gros des forces afin de donner le temps à la compagnie de prendre et de tenir la ZL et de détruire le QG ennemi qui s’y trouve. Malheureusement, la parachutage ne se déroule pas comme prévu. Dès les côtes françaises, les aéronefs essuient le tir d’armes légères ennemi et se dispersent sur une large zone où les repères terrestres visibles sont rares. Ce qui explique pourquoi des groupes de saut sont parachutés çà et là, si bien que seulement trente hommes de la compagnie « C » réussissent à se poser dans la ZL prévue14 . Qui plus est, la majorité des balises EUREKA15 sont écrasées au cours du saut et, comme il n’en reste que deux utilisables, les pilotes de la vague suivante doivent naviguer à l’estime pour se guider vers les zones de largage (ZL). Toutefois, tout n’est pas Figure 2 : Sa Majesté royale s’adressant au SMR Clarke au cours de sa visite au Bataillon le 14 mai 1944. (Photo de l’Armée canadienne) Il ne reste que cinquante pour cent perdu: en effet, les hommes de la compagnie se mettent rapidement à la de l’effectif du bataillon dans la ZL; tâche, prennent et tiennent la ZL et se néanmoins, le commandant et ses hommes dirigent vers Varaville pour y détruire la se mettent rapidement à l’œuvre. La compagnie « A » se rend directement à garnison ennemie. l’intersection à Les Mesnil et y établit un Les vingt-six Dakota qui transportent périmètre défensif, où s’installe par la suite le reste du bataillon approchent de la ZL l’effectif du poste de commandement du et commencent à larguer les bataillon. Vers 3 h, la compagnie « B » est parachutistes. Toutefois, le bataillon subit guidée vers le pont de Robehomme par de lourdes pertes en raison de l’absence une jeune Française à bicyclette. Arrivés presque totale de balises EUREKA au pont, les hommes – qui n’ont pu fonctionnelles, de la poussière provenant obtenir le soutien des sapeurs promis – du bombardement de la batterie Merville entreprennent de détruire le pont par euxet de la présence de marécages. Les mêmes à l’aide des explosifs disponibles, parachutistes sont largués au-dessus puis ils établissent une position à d’une zone quarante fois plus grande que Robehomme qu’ils tiendront jusqu’au prévu, et bon nombre tombent dans des 7 juin, date à laquelle on leur donne l’ordre marais inondés près la Dives. Tous les d’occuper le périmètre défensif à Les opérateurs radio, sauf un, et bon nombre Mesnil en compagnie du reste du 18 des tireurs de mitrailleuses Vickers et de bataillon. La compagnie « C » n’a pas mortiers lourds y trouvent la mort. Bien encore terminé toutes ses tâches souvent l’équipement que transportent lorsqu’arrive le reste du bataillon; elle se les sauteurs se détache au moment du met rapidement en route pour détruire la saut, et un grand nombre de garnison ennemie et le pont à Varaville. Cette opération a lieu au milieu de parachutistes, après être tombés dans les l’après-midi du 6 juin, puis la compagnie eaux sombres, doivent choisir entre rejoint le reste du bataillon à Les Mesnil. abandonner leur équipement ou se 16 noyer. Parmi ceux qui n’ont pas Comme il a exécuté les tâches qui lui accepté ce choix, nombre sont morts avaient été assignées, le bataillon et noyés en essayant à la fois de s’en sortir certainement le reste de la 6th Airborne Division s’attendent à retourner en et de sauver leur équipement17 . 37 brèveGrodzinski histoireJohn Le 1er Bataillon de parachutistes canadien : une Captain k Compagnie « A » – protéger le flanc gauche du 9e Bataillon; prendre et tenir l’intersection à Les Mesnil; Le capitaine Todd Strickland Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Angleterre. Toutefois, ce retour n’aura pas lieu; en effet, la division complète demeure sur place jusqu’en septembre. Les Canadiens sont affectés à la défense de l’intersection vitale à Les Mesnil jusqu’au 16 juin, date à laquelle ils sont relevés de leurs fonctions et envoyés dans une zone de repos près de Arromanches pendant neuf jours 19 . Après ce repos, les Canadiens regagnent leurs anciennes positions afin d’entreprendre un programme de patrouille agressif. Vers le début de juillet, le bataillon constate que les Allemands ne cherchent plus à assurer leur domination sur toutes leurs anciennes zones et que les efforts des Canadiens ont donné les résultats escomptés. Toutefois, les pertes en hommes continuent d’augmenter à cause surtout du tir d’artillerie longue portée, des pièges et des tireurs d’élite ennemis. Le 4 juillet, le bataillon est de nouveau relevé et bénéficie d’un repos qui doit se poursuivre jusqu’au 21 juillet. Pendant qu’il se trouve dans l’aire de repos, le bataillon reçoit ses premiers renforts20 depuis le jour J. En outre, Caen et SaintLo tombent aux mains des Alliés les 9 et 18 juillet respectivement. Frais et dispos, le bataillon se rend dans une nouvelle position au sud de l’intersection Les Mesnil, où le mauvais temps, le pilonnage par l’artillerie et les pièges ennemis sont les difficultés majeures. Le 23 juillet, la division d’appartenance du bataillon passe sous les ordres du commandant de la Première armée canadienne; c’est la seule fois pendant la guerre où le bataillon se trouve sous le commandement opérationnel de Canadiens. Après une autre rotation dans le camp de repos, le bataillon commence à se préparer en vue de la prochaine phase de la guerre en Normandie: la progression jusqu’à la Seine. Le 17 août, le bataillon sort de ses positions et s’empare de la ville de Bures. Les Allemands ont abandonné cette petite ville française, et les seules pertes subies sont causées par des pièges posés par l’ennemi pour ralentir l’avance alliée. Le lendemain, les Alliés poursuivent leur avance, et le bataillon s’empare de quatre 38 ponts enjambant le canal Saint-SamsonDives-sur-mer en l’espace de deux heures. Tout en prenant possession de ces ponts, le bataillon attaque et détruit deux compagnies allemandes dans des positions bien fortifiées et font plus de cent cinquante prisonniers21 . Pendant les deux semaines qui suivirent, le bataillon continue sa progression en occupant successivement des positions d’éléments de tête et de réserve. Le 24 août, le lieutenant-colonel Bradbrooke est muté à un poste d’état-major au sein du 38e Groupe de la RAF (en appui des forces aéroportées), et le major Fraser Eadie 22 prend la relève à la tête du bataillon. L’avance se poursuit, et un groupe de renforts23 arrive le 2 septembre. Le 4 septembre, le bataillon se retire dans une zone de concentration près d’Arromanches, puis retourne par la suite aux casernes Carter afin de se préparer à de nouvelles opérations. Il a perdu beaucoup d’hommes; en effet vingt-cinq officiers et trois cent trente-deux militaires du rang ont été tués, blessés ou faits prisonniers – sept officiers et cent neuf hommes morts ou blessés lors du jour J seulement24 . AUTOMNE 1944 À son retour en Angleterre, le bataillon entier bénéficie de douze jours de congé. Pendant ce temps, le commandant du bataillon, le lieutenant-colonel Nicklin, nouvellement promu, réintègre l’unité, et le major Eadie reprend ses fonctions de commandant adjoint. Le lieutenantcolonel Nicklin entreprend de faire sa marque au bataillon. Extrêmement agressif et en bonne forme physique, l’ancienne vedette de football25 ne tolère guère le manque de discipline ou de professionnalisme. L’unité recommence à s’entraîner très durement: toutes les compagnies se rendent dans des secteurs bombardés de Londres pour s’entraîner au combat en zone bâtie (de maison en maison). De plus, on insiste encore davantage sur le maniement des armes et la forme physique. Le 20 octobre, la vision du colonel et la volonté du bataillon arrivent à un point critique. Lors du dîner, on apprend que les hommes refusent de manger et qu’ils ont entrepris une grève de la faim de quatre jours. En fait, cette grève prend fin lorsque le brigadier Hill, respecté de tous, entre et « discute » des questions litigieuses avec les « grévistes ». La grève avait principalement pour cause le nouveau commandant et ses règles et, notamment le règlement sur la tenue instauré dans le camp et « à l’extérieur du camp »26 . De prime abord, ce type de comportement semble difficilement compréhensible de la part de soldats chevronnés; il faut cependant souligner Figure 3 : Retranchement à l’intersection Les Mesnil le 6 juin 1944. (Photo 33831-N de l’Armée canadienne) Vol. 3, no. 1, printemps 2000 Figure 4 : Une section dans les Ardennes. (Photo 45134 de l’Armée canadienne) saillants de l’histoire du bataillon que les deux tiers du bataillon ou presque, dans la guerre. Les difficultés et la y compris les officiers, viennent à toutes misère extrêmes, beaucoup plus que fins utiles de terminer leur entraînement la gloire, me viennent à l’esprit et, qui plus est, le commandant précédent lorsque je songe à cet épisode de était plutôt tolérant au chapitre de la la guerre. » discipline27 . Après que le commandant de la brigade s’est adressé à eux, les hommes acceptent de manger. Le — Sergent R.F. Anderson, lendemain, - comportement typique des 1 Para can29 Canadiens - les porte-parole du bataillon se présentent devant le brigadier de leur Pendant les trois jours qui suivent la propre chef et font leurs excuses28 . Puis, réception de l’ordre d’avertissement, le l’entraînement reprend et se poursuit sans bataillon est prêt à se mettre en autre incident. mouvement à six heures de préavis. Le 22 décembre, les hommes ont leur dîner Comme Noël approche, l’accent est de Noël et, le 24 décembre, le bataillon se mis sur l’entraînement au maniement des rend à Folkstone où il s’embarque pour armes, et la perspective du congé de Noël Ostende en Belgique 30 . Arrivé à gagne les troupes. Toutefois, les destination le jour de Noël, le bataillon se Allemands ont d’autres plans. En effet, le rend à Traintignies, où il cantonne; puis, 16 décembre, la bataille des Ardennes le 2 janvier 1945, il se rend à Rochefort et commence et, le 20 décembre, le 1 Para commence à patrouiller. À ce moment, le can reçoit un préavis de mouvement de danger d’une pénétration continue des six heures, et un groupe précurseur part à forces allemandes s’est estompé, et les destination des Ardennes. Alliés détiennent de nouveau l’initiative. Toutefois, c’est toujours une importante LES PAYS-BAS opération pour le bataillon, car un tiers sinon la moitié de l’effectif n’a jamais « En rétrospective, lorsqu’on connu le combat. examine dans son ensemble la participation du bataillon à la Le 6 janvier, le bataillon se met en bataille des Ardennes, on constate branle; il se rend d’abord à Aye, puis à bien qu’elle ne fut pas l’un des points Marche et passe le reste de la semaine à Le 18 janvier 1945, le bataillon se rend dans une zone de repos à Panderome et attend l’ordre de mouvement en direction des Pays-Bas et de la rivière Maas. Ironiquement, à ce moment le bataillon reçoit des bottes et de l’équipement d’hiver – matériel qui aurait été très utile dans les Ardennes. Dix jour plus tard, le bataillon occupe des positions sur la rive ouest de la Maas et constate qu’il fait face à la fameuse ligne Siegfried. À cet endroit, il passe les trois semaines suivantes à patrouiller dans des conditions humides printanières. Les opérations cessent finalement le 18 février et, encore une fois, le bataillon réintègre les casernes Carter afin de se préparer en vue de sa prochaine mission. Sans s’en douter, les hommes se préparent à livrer l’étape finale de la guerre: la franchissement du Rhin et la course pour atteindre Wismar. OPÉRATION VARSITY ET LA COURSE POUR WISMAR Après l’échec presque catastrophique de l’opération MARKET GARDEN, les planificateurs alliés réexaminent l’emploi des forces aéroportées. Lors du franchissement du Rhin — opération portant le nom de code VARSITY —, le parachutage des forces aéroportées serait modifié de façon significative. Premièrement, le largage doit avoir lieu au-dessus de zones facilement reconnaissables, situées très proches sinon directement au-dessus des objectifs des forces aéroportées 32 — la 39 brèveGrodzinski histoireJohn Le 1er Bataillon de parachutistes canadien : une Captain traverser des villages belges. Le 11 janvier, dans le village de Bunde, les membres du bataillon découvre la preuve d’une atrocité commise par les Allemands: trente-sept civils, cachés dans une cave, ont été atrocement battus avant d’être tués. Pour que les hommes sachent bien de quoi leurs adversaires sont capables, une personne par peloton est choisie et amenée sur les lieux afin de constater la « cruauté des Allemands »31 . La bataille des Ardennes étant à toutes fins utiles terminée, le bataillon participe, le 14 janvier, à une compétition sportive d’hiver parrainée par la brigade. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Le capitaine Todd Strickland Figure 5 : Le capitaine Sam McGowan (chandail foncé) et son groupe des ordres au cours de l’Op VARSITY le 24 mars 1945. (Photo 48555 de l’Armée canadienne) situation qui a prévalu à Arnhem ne se notamment la bordure ouest du bois, répéterait pas. Deuxièmement, il s’agit un certain tronçon de la route principale d’une opération tactique et non et un certain nombre de maisons, tous stratégique; elle n’aura pas lieu avant défendus par des parachutistes que le franchissement soit réussi et que allemands. la jonction soit presque certaine. Contrairement à l’entreprise risquée de Arnhem qui consistait à placer la 1st British Airborne Division soixante milles derrière les lignes ennemies, les ZL de la 6th Division seront à moins de cinq milles des sites de franchissement alliés. Finalement, pour éviter la dispersion des forces aéroportées qui s’est produite au jour J, on interdit aux pilotes d’effectuer des manœuvres d’évitement s’ils sont pris à partie par le tir antiaérien ennemi en route ou audessus des ZL. Ces changements apportés, les Alliés et le 1er Bataillon de parachutistes canadien se préparent en vue de la plus vaste opération aéroportée de la guerre. Voici les objectifs assignés aux forces aéroportées: « prendre et tenir une zone boisée qui domine la partie du Rhin où aura lieu l’assaut principal » et « empêcher les renforts ennemis d’atteindre la rivière en provenance de l’est de Wesel »33 . Une fois ces objectifs atteints, le bataillon doit, de concert avec le 9e Bataillon, s’emparer de la zone centrale de « Schnappenburg », 40 À l’instar de toute entreprise militaire, le commandant commence par donner un briefing à tout le personnel après quoi il donne des ordres plus détaillés à ses officiers. En outre, le brigadier Hill s’adresse à tous les sousofficiers dans la nuit précédant le largage et leur mentionne que s’ils rencontrent des Allemands, ils doivent les traiter de façon « très défavorable » 34 . Comme il ne reste que peu de temps à consacrer à l’entraînement et que le bataillon vient tout juste de quitter le champ de bataille, on limite l’entraînement aux exercices de combat et de maniement d’armes au niveau du bataillon. Tous les sauts cessent le 19 mars, et le bataillon est confiné à ses quartiers jusqu’au 24 mars 1945. À 7 h 30 le 24 mars, le bataillon monte à bord de trente-cinq Dakota et quitte l’Angleterre à destination de l’Allemagne. Le bataillon forme le tiers des effectifs de la brigade participant au parachutage et, en théorie, il devrait poser pied dans une ZL sûre. Figure 6 : Les soldats Balance et Phillips cuisinant sur un char Churchill le 7 avril 1945. (Photo 49533 de l’Armée canadienne) Vol. 3, no. 1, printemps 2000 Une fois la mort de Nicklin confirmée, le commandement du bataillon est passé au major Eadie, puis les événements se bousculent. Vers midi, le bataillon commence à se regrouper dans Schnappenburg et autour de la ville après avoir pris tous les objectifs et, à 15 h, un réapprovisionnement en munitions est largué. Il y a un grand nombre d’actes d’héroïsme et de sacrifices, notamment le sauvetage de soldats blessés dans la ZL par le caporal George Topham, ce qui lui vaudra la Croix de Victoria36 . Plus tard au cours de la journée, les éléments de tête des forces terrestres effectuent une percée et se rendent jusqu’aux lignes des forces aéroportées; le gros des forces arrive dans la nuit du 24 au 25 mars. Le Rhin est franchi. En somme, les pertes en hommes au cours de cette journée sont assez légères: seulement soixante-sept combattants. Pendant les trois jours suivants, le bataillon tient sa position et ratisse la ZL à la recherche des disparus et de l’équipement (c’est au cours de ces recherches que le corps du lieutenant-colonel Nicklin est retrouvé le 26 mars 1945). Le 27 mars, le bataillon entreprend sa marche (à pied) en territoire allemand en se rendant d’abord dans le village de Burch. Après Figure 7 : Le lieutenant-colonel Fraser Eadie et le major (à l’époque) Stan Waters (en vareuse) près de Kolkhagen en Allemagne le 24 avril 1945. (Photo CHR 50958 de l’Armée canadienne) avoir pris ce village sans difficulté, la on projette un film, récompense du brigade décide de continuer à avancer. brigadier pour le bon travail accompli. Le 30 mars, la Third Brigade et les membres du 1 Para can reçoivent l’ordre de poursuivre leur avance jusqu’au canal Dortmund-Elms, étape préliminaire dans la course pour Wismar. Les Alliés de l’Ouest veulent atteindre cette ville de la Baltique avant les Russes, et ce, pour deux raisons: premièrement, empêcher les Allemands de se replier au Danemark et, deuxièmement, permettre aux forces allemandes qui le désirent de se rendre aux forces alliées plutôt qu’aux forces russes. Ne perdant pas de vue ces deux raisons, la brigade se met en route sans tarder et avance « à grande vitesse » — les Canadiens en tête — à bord de camions et sur les plages arrière des chars. La tactique est simple: avancer jusqu’à ce qu’on essuie le tir ennemi, débarquer et ratisser. Le bataillon procède ainsi au cours des trois semaines qui suivent, prenant la tête de la brigade en alternance avec les deux autres bataillons. Finalement, arrivé à Luneburg le 21 avril 1945, il bénéficie d’un repos de neuf jours pendant lequel on se prépare à franchir l’Elbe, on effectue des inspections et Les Canadiens franchissent l’Elbe le 30 avril et avancent en direction de Wismar à travers les reliquats de ce qui fut la fière « Wehrmacht ». Ils atteignent Wismar le 2 mai 1945, vers 9 h, peu de temps avant les Russes, qui arrivent à 16 h le même jour. Au début, les rapports entre les Canadiens et les Russes sont assez bonnes; toutefois, ils ne cessent de se détériorer au cours de la semaine notamment parce que les Soviétiques croient que la présence du bataillon à Wismar n’est pas justifiée. Le 8 mai, la guerre prend fin en Europe, et 1 Para can n’a plus à combattre. Une semaine plus tard, il est retiré du front et réintègre ses quartiers désormais familiers : les casernes Carter. Le gouvernement canadien a hâte de faire revenir une unité canadienne au pays. En raison de ses insignes services, le 1er Bataillon de parachutistes canadien est choisi pour le retour au pays. La Third Brigade et la 6 e Division lui font une fête d’adieu le 31 mai. Deux semaines plus tard, le bataillon s’embarque à destination de Halifax où il est chaudement accueilli en défilant 41 brèveGrodzinski histoireJohn Le 1er Bataillon de parachutistes canadien : une Captain Le parachutage se déroule en grande partie conformément au plan; toutefois, la ZL n’est pas du tout sûre; en effet, au cours de leur descente, les parachutistes sont sous le feu ennemi. Les membres du 1 Para can atterrissent tous dans la ZL ou près de celle-ci. La dispersion totale qui avait caractérisé leur parachutage au jour J ne s’est pas répétée. Toutefois, les pertes en hommes s’accumulent rapidement sous l’effet du tir ennemi dans la ZL. Dans la seule compagnie « C », le commandant est blessé, et le commandant adjoint est capturé. Fait encore plus important pour le bataillon, le lieutenant-colonel Nicklin est tué alors que son parachute s’est emmêlé à un arbre lors de sa descente35 . Sa mort cause évidemment un choc dans l’unité, et ce triste événement marquera l’histoire de l’unité. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre dans les rues de la ville. La guerre dans le Pacifique en est aux dernières étapes, et les services du bataillon ne sont plus requis. Finalement, le 20 septembre 1945, deux semaines après la reddition du Japon, la bataillon est dissous. Voici au total les pertes en hommes subies par le bataillon pendant toute la guerre: 121 soldats, tous grades confondus, tués ou morts de leurs blessures, 291 blessés, 86 faits prisonniers et dix disparus au combat37 . 1er Bataillon de parachutistes canadien ou l’ignorer. Les membres du bataillon ont fait preuve des plus belles qualités qu’une nation peut demander à ses militaires: initiative, intelligence, courage, force mentale et physique, persévérance. L’histoire de ce bataillon révèle qu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les Canadiens ont tenu bon aux côtés des meilleures unités des forces alliées face à l’armée allemande de 1944 et de 1945. CONCLUSION Au plan militaire, un grand nombre de leçons pratiques peuvent être tirées du journal de guerre de cette unité. Par exemple, le repos et la détente au cours des longues opérations de forte intensité, les briefings minutieux donnés à tout le personnel avant le combat, l’élément de surprise et des données de renseignement précis sont tous des éléments essentiels à la réussite des opérations. Il ne faut pas oublier non plus que les soldats doivent avoir le sens de l’initiative et du devoir de façon à pouvoir accomplir leur mission après que leurs chefs sont tombés au champ d’honneur. Les expériences de guerre d’un bataillon demeurent les expériences d’un seul bataillon. Est-ce représentatif de la contribution du Canada à l’effort de guerre allié au cours de la Deuxième Guerre mondiale ? Le débat est ouvert. Ce qui est certain, toutefois, c’est que l’effectif de 1er Bataillon de parachutistes canadien était représentatif de toutes les couches de la société et provenait aussi bien de la Force régulière que des unités de Milice. Généraliser en affirmant que les Canadiens sont un « peuple non militaire », c’est ne pas tenir compte de la contribution du Les Canadiens sont-ils un « peuple non militaire » ? Probablement pas — même si parfois leur comportement s’écarte peut-être un peu de l’esprit militaire, comme le démontre l’épisode de la grève de la faim du bataillon en octobre 1944 et la réponse des chefs. Les Canadiens peuvent mener des opérations militaires lorsque la nécessité les y oblige; à cet égard, on peut tirer des exemples on ne peut plus éloquents non seulement des annales du présent bataillon, mais de l’histoire militaire canadienne. La citation ci-dessous du dernier commandant de l’unité peut s’appliquer à tous les Canadiens, si les circonstances le justifient: « L’esprit du parachutiste canadien imprégnait toutes les actions du bataillon. Chaque membre était conscient de l’autre, et tous formaient une organisation compacte. » — Lieutenant-colonel Fraser Eadie.38 À propos de l’auteur . . . Captain Todd Strickland was commissioned into Princess Patricia’s Canadian Light Infantry (PPCLI) in 1989, serving twice with the 3rd Battalion. He was employed as an instructor at the Infantry School from 1993 to 1996. In 1997, Captain Strickland served in Bosnia the 2 PPCLI Battle Group. Captain Strickland is currently employed as G3 Plans 2 at Headquarters 1 Canadian Mechanized Brigade Group and is also working part time towards a BMASc through The Royal Military College of Canada. NOTES Le capitaine Todd Strickland 1 Tiré de l’ouvrage de George Stanley, Canada’s Soldiers 1604-1954: The Military History of an Unmilitary People, Toronto, Macmillan, 1954. 2 Bien qu’un délai de deux ans semble excessif, il faut se rappeler qu’en 1940, seuls les Russes et les Allemands avaient une véritable expérience du parachutisme militaire et de ses applications. Après avoir analysé l’expérience allemande (notamment en Belgique), on a pris conscience des possibilités qu’offraient les opérations aéroportées, et on insista encore plus pour obtenir des unités de ce type. 3 Comprenant des pelotons de mitrailleuses, de mortiers et de lance-bombes antichars d’infanterie (PIAT), soit l’équivalent d’une compagnie d’appui au combat moderne. 4 Il s’agissait de soldats mobilisés en vertu de la Loi de 1940 sur la mobilisation des ressources nationales. À ce titre, ils n’étaient astreints qu’à servir au Canada. 42 5 Au début, on exigeait beaucoup des volontaires, notamment marcher dix milles en deux heures avec l’attirail complet, quinze milles en trois heures en tenue d’éducation physique et bottes, vingt milles en quatre heures vêtu du même costume, cinquante milles en vingt-quatre heures en tenue de combat et supplément de munitions et d’armes de peloton et cent milles en quatrevingt-quatre heures dans les mêmes conditions. En outre, chaque volontaire devait nager cinquante verges en tenue de combat complète et une arme quelconque. (Tiré de Paratroopers, Canadian Army Training Memorandum 40, juillet 1944.) 6 Sauf le cadre initial qui effectuait son entraînement à la Station Ringway de la Royal Air Force (RAF) afin d’évaluer les méthodes britanniques. 7 Le seul Canadien qui trouva la mort au cours de l’entraînement au parachutisme (niveau élémentaire) fut le major H.D. Protor, premier Vol. 3, no. 1, printemps 2000 8 On a résolu ces problèmes après la guerre en déménageant l’escadre d’instruction des parachutistes à Rivers (Manitoba). 24 Canada, Report No. 26, The 1st Canadian Parachute Battalion in France: 6 June-6 September 1944, par le lieutenant F.R. McGuirey, Ottawa, Historical Section (GS) Army Headquarters, 23 août 1949, para 46. 9 Cet officier pourrait faire l’objet d’un document, sinon d’un livre, à lui seul. Respecté et considéré par tous comme le « soldat des soldats », il commandait au front et, bien qu’il fût exigeant, il a su obtenir la loyauté et le respect de ceux avec qui il servait. Il commandera la brigade et « ses Canadiens » jusqu’à la fin de la guerre. 25 Jeff Nicklin joua pendant plusieurs années dans l’équipe de Winnipeg où il s’est taillé une certaine renommée. Fin1943 - début 1944, on organisa une joute de football entre les Américains et les Canadiens pour hausser le moral des troupes. Nicklin a contribué à la victoire des Canadiens. 10 À ce moment-là, les Américains sautaient de la porte des Dakota C-47 alors que les Britanniques sautaient à partir d’un trou pratiqué dans le plancher d’un bombardier Whitley transformé pour le transport de parachutistes. Les Britanniques sautaient sans parachute de secours, car, la hauteur des sauts variant entre 400 et 500 pieds (au-dessus du sol), le parachute de secours n’aurait été d’aucune utilité. 26 Canada, Report No. 17, The 1st Canadian Parachute Battalion in the Low Countries and in Germany Final Operations: 2 January18 February and 24 March-5 May 1945, par le capitaine R.D. Oglesky, Ottawa Historical Section (GS) Army Headquarters, 27 octobre 1947, para 9. On entend par « sortie » l’action de quitter la garnison, d’où l’expression « tenue de sortie ». 11 Canada, Report No. 138, The 1st Canadian Parachute Battalion Organization and Training: July 1942-June 1944, par C.P. Stacey, Ottawa, Historical Office Canadian Military Headquarters, sans date, para 22. 27 Brian Nolan, Airborne, Toronto, Lester Publishing, 1995, pp. 124-125. 12 Par l’« effet du tir », le brigadier Hill entendait que chaque coup atteigne absolument l’objectif. Le gaspillage de munitions n’était pas toléré car, de par la nature des opérations aéroportées, les hommes, une fois au sol, ne disposaient pas d’un réserve illimitée de munitions. 29 Brian Nolan, Airborne, p. 127. 13 La zone de largage (ZL) a été choisie par le commandant de brigade dans l’intention d’utiliser les marais le long de la Dives en guise de protection contre les contre-attaques des blindés allemands. Malheureusement, il ne savait pas que les Allemands avaient inondé la zone afin que l’ennemi ne puisse pas l’utiliser comme ZL. 14 Les divisions aéroportées américaines ont connu une expérience similaire de l’autre côté des plages où a eu lieu l’invasion. 15 Une balise EUREKA était un transmetteur radio servant à guider les pilotes jusqu’à leurs objectifs grâce à un récepteur installé à bord de l’aéronef. 16 Il faut bien préciser que ces hommes étaient souvent surchargés lors du saut et que nombre d’entre eux transportaient jusqu’à 50 % de matériel de plus qu’il était prescrit dans le tableau de chargement. En plus de leur dotation normale, les hommes transportaient un câble articulé, des couteaux de combat, une trousse d’évasion, des bandoulières supplémentaires de munitions de calibre 0,303, et bon nombre avaient même des munitions additionnelles dans des poches cousues à leur vareuse de parachutiste. 17 Alistair Horne, The Lonely Leader: Monty 1944-1945, London, Pan Books, 1995, p. 113. 18 Au moment où les hommes reçurent l’ordre de retourner à Les Mesnil, ils étaient déjà encerclés et devaient mener une attaque de dégagement et franchir les lignes allemandes pour rejoindre le bataillon. 19 Toutes les unités de la division se rendirent par rotation dans les camps de repos dans un effort concerté pour éviter la « fatigue du combat ». 20 Ces renforts avaient reçu un entraînement de fantassins et non de parachutistes. Cela était intentionnel, car on avait pris la décision de garder les parachutistes entraînés en Angleterre en prévision des opérations futures. Après la campagne de Normandie, les hommes furent affectés à d’autres bataillons. 21 En honneur de ce fait d’armes, le pont situé plus au sud a été renommé le « Pont Canada ». 22 John A. Willes, Out of the Clouds: The History of the 1st Canadian Parachute Battalion, Port Perry Printing, 1984, p. 92. Le major Eadie assuma le commandement tout en demeurant commandant adjoint du bataillon après que le major Nicklin a été blessé par un piège. On a trouvé aucune raison précise justifiant l’affectation du commandant à un poste d’état-major au sein de la RAF. 23 Cinq officiers et 85 hommes du rang. 28 Les hommes retournèrent dans leurs compagnies et continuèrent à servir dans le bataillon. 30 La décision d’utiliser la 6th Airborne Division dans les Ardennes a été prise parce que cette dernière ne faisait pas partie des troupes affectées à l’opération MARKET GARDEN (La tentative de Montgomery de s’emparer des ponts de Arnhem, Nijemegen et Eindhoven). Le 19 décembre, Montgomery s’est vu attribuer le commandement de toutes les forces au nord de la pénétration allemande et prit la décision de renforcer ses troupes à l’aide de la 6th Airborne Division, qui, prête au combat, se trouvait en Angleterre. 31 Canada, Report No. 17, The 1st Canadian Parachute Battalion in the Low Countries and in Germany Final Operations: 2 January18 February and 24 March-5 May 1945, par le capitaine R.D. Oglesky, Ottawa, Historical Section (GS) Army Headquarters, 27 octobre 1947, para 17. 32 Le largage devait avoir lieu de jour également, bien que cela ne constituât pas un changement par rapport à l’opération MARKET GARDEN. 33 John A. Willes, Out of the Clouds, p. 121. 34 Brian Nolan, Airborne, p. 141. 35 La question de la mort du lieutenant-colonel Nicklin a été réexaminée par Brian Nolan dans son livre Airborne. Nolan fait référence à des rumeurs « troublantes » - mais, qui devraient « finalement être oubliées » — quant à savoir si le commandant a été tué par ses propres hommes dans la foulée de la grève de la faim entreprise en octobre 1944. Dans les recherches que j’ai faites, je n’ai trouvé aucune référence aux rumeurs que semble laisser entendre Nolan. Dans les entrevues que j’ai menées auprès de vétérans du bataillon et au sujet du parachutage en question, ceux-ci sont assez catégoriques: le commandant n’était pas aimé, mais il était respecté; il se comportait bien au combat, et la pensée qu’il aurait été assassiné est loufoque. Le lieutenant-colonel Nicklin a été tué par une mitrailleuse allemande alors que son parachute s’était emmêlé à un arbre à l’orée de la zone de largage. Un certain soldat Hoskins en a témoigné, et le fait est rapporté dans l’ouvrage de John Willes, Out of the Clouds, p. 129. 36 Pour obtenir un compte rendu complet des activités du caporal Topham, voir John A. Willes, Out of the Clouds, p. 132. 37 Tous les soldats manquant à l’appel sont disparus au cours des combats en Normandie. Tiré de: Canada, Report No. 17, The 1st Canadian Parachute Battalion in the Low Countries and in Germany Final Operations: 2 January-18 February and 24 March5 May 1945, par le capitaine R.D. Oglesky, Ottawa, Historical Section (GS) Army Headquarters, 27 octobre 1947), para 71. 38 Brian Nolan, Airborne, p. 179. 38 Brian Nolan, Airborne, p. 179. 43 brèveGrodzinski histoireJohn Le 1er Bataillon de parachutistes canadien : une Captain commandant de l’unité, tué lors de son premier saut: il est happé dans les airs par un aéronef qui suit celui duquel il vient de sauter. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre LE RENSEIGNEMENT À L’APPUI DES OPÉRATIONS ON RÉCOLTE CE QUE L’ON SÈME Le major D. Villeneuve L Le major D. Villeneuve es soldats canadiens ont été impliqués dans plus d’opérations au cours de la dernière décennie que pendant n’importe quelle autre période depuis la guerre de Corée. Au cours des dix dernières années, des groupements tactiques ont été déployés à Chypre, en Somalie, en Croatie, en Bosnie et à Haïti avec des fréquences de rotation encore jamais vues. Ces unités étaient placées sous le commandement des Nations Unies ou de l’OTAN dans des opérations autres que la guerre (OAG).2 À première vue, les besoins de ces groupements tactiques, en matière de renseignement militaire, auraient dû être minimes dans la mesure où ils n’étaient pas impliqués dans des opérations de combat. La réalité sur le terrain était toutefois très différente. 3 Le renseignement militaire est demeuré un facteur vital et important pour les groupements tactiques impliqués dans des OAG. Quelle a été l’efficacité du renseignement? Une revue des comptes rendus d’opération, par le Centre des leçons retenues de l’Armée, a révélé que dans presque tous les déploiements opérationnels récents, le soutien du renseignement a été jugé « précis et opportun »4 . Le but de la présente étude est d’examiner les déploiements récents et de démontrer qu’en dépit de cette évaluation « adéquate », il y a encore des lacunes et des points faibles sur le plan du renseignement qui est fourni à nos troupes. L’étude montrera que cet appui peut être rehaussé de manière à mieux répondre aux besoins des commandants, et proposera des moyens d’amélioration possibles. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec le renseignement militaire, 44 l’annexe A passe en revue quelques concepts élémentaires sur l’importance et le fonctionnement du renseignement. UNE REVUE DU RENSEIGNEMENT FOURNI AU COURS DE LA DERNIÈRE DÉCENNIE Mise en évidence de quelques faiblesses et préoccupations. Voici les principaux points faibles et certaines préoccupations personnelles que j’ai « Si nous maintenons nos effectifs et notre structure de renseignement au niveau actuel, ou pire si nous les réduisons, il y a bien peu de chance que nous puissions améliorer, de quelque manière que ce soit, le soutien offert par le renseignement dans les années à venir. On récolte ce que l’on sème! »1 identifiés et qui touchent l’utilisation du renseignement dans les OAG, au cours de la dernière décennie. Cette analyse se base sur ma propre expérience d’officier du renseignement affecté dans des opérations au Sahara occidental, en Bosnie et en Haïti. Elle se base également sur de nombreuses discussions avec d’autres officiers du renseignement qui ont aussi servi dans des OAG ainsi que sur des articles professionnels sur le sujet, principalement de sources américaines. En réalité, les Forces armées canadiennes constituent une armée de groupements tactiques. 5 C’est là l’organisation choisie pour le déploiement de nos forces militaires dans des opérations. Cette organisation est adaptée à chaque déploiement, en fonction des besoins et des tâches de chaque mission. En ce qui concerne le service de renseignement, l’organisation la plus répandue a été une section de six membres commandés par un lieutenant ou un capitaine, selon les préférences du commandant.6 Cette organisation était la norme pour un bataillon d’infanterie ou blindé engagé dans un environnement de guerre classique pendant la guerre froide. C’est devenu l’organisation d’office des groupements tactiques déployés dans des OAG. « Si la doctrine et l’histoire appuyaient la thèse que les efforts de l’état-major G2 de la brigade supérieure répondent bien aux besoins en renseignement des bataillons d’infanterie, la solution actuelle demeurerait acceptable. Toutefois, en raison du rythme de plus en plus rapide des combats, de l’environnement tactique éventuel et du fait que les bataillons se déploient sans le soutien de la brigade, cette hypothèse est erronée. » 7 On peut dire la même chose de l’ajout de membres de la Branche des services du renseignement à la section, ou du maintien du statu quo. Quelques commandants étaient très ouverts à ce sujet, tandis que d’autres préfèrent garder leurs membres des armes de combat. J’ai la conviction que l’organisation actuelle n’est pas assez forte pour fournir tout le renseignement requis. À ce jour, des groupements tactiques ont été déployés dans le cadre d’une coalition de forces. Normalement, ils étaient responsables d’un secteur ou d’une zone d’opérations, avec peu, voire pas de communication avec les autres Vol. 3, no. 1, printemps 2000 La fiabilité du soutien fourni par les états-majors supérieurs dépend grandement du type d’organisation qui coiffe le groupement tactique. 10 Les Nations Unies sont reconnues pour être particulièrement inefficaces dans ce domaine. La force de protection des Nations Unies (FORPRONU) en est un exemple typique : « L’état-major de la FORPRONU a en effet créé une section du renseignement ... mais selon la tradition de l’ONU, ses effectifs étaient peu nombreux et elle constituait le plus petit service de l’état-major. De plus, elle se cantonnait, en réalité, dans le regroupement de tous les rapports de situation envoyés par les unités pour en faire un sommaire quotidien pour le commandant ... En bref, elle ne faisait pas de renseignement militaire ».11 Quoique la situation se soit quelque peu améliorée avec le déploiement de l’actuelle force de stabilisation (SFOR) sous le commandement de l’OTAN, les groupements tactiques ne peuvent pas se fier à leur état-major supérieur sur le terrain pour répondre aux besoins des unités en matière de renseignement. La situation montre à nouveau la nécessité, pour un groupement tactique, d’organiser ses propres activités de renseignement dans la mesure où personne d’autre ne peut le faire pour lui. En termes de sources de renseignements disponibles, les déploiements des Nations Unies et de l’OTAN ont démontré que le Renseignement humain (HUMINT) est le principal domaine de recherche de renseignements. Cela ne veut pas dire que les autres sources comme le renseignement par imagerie (IMINT) ou le renseignement sur les transmissions (SIGINT) n’ont pas aussi un rôle à jouer dans ce type de théâtre d’opérations, mais le HUMINT semble être clairement la source la plus prometteuse. La valeur du HUMINT a été signalée dans de nombreux comptes rendus d’opérations (CROP), aussi bien à l’époque de la FORPRONU qu’à celle de la SFOR en Bosnie,12 et l’on peut en dire autant pour nos Alliés.13 La valeur du HUMINT nous amène à la conclusion que, pour obtenir des renseignements, il est nécessaire d’intégrer des équipes de debriefing HUMINT à l’organisation des groupements tactiques. Des déploiements récents ont démontré que le personnel du renseignement, au sein des groupements tactiques, est en communication avec de nombreuses sources à l’extérieur de leur organisation. « Pendant les déploiement actuels en Bosnie, par exemple, la section du renseignement du groupement tactique doit interagir avec un grand nombre d’organisations du renseignement, de reconnaissance, de forces d’opérations spéciales et de secours humanitaires alliées, en plus de devoir accéder aux sources et organismes de niveau national. »14 Cette situation est typique de tous les autres déploiements de la dernière décennie. L’expérience démontre également que, à cet égard, l’intégration de personnel de la Branche des services de renseignement, au niveau du groupement tactique, s’avère bénéfique. Ce personnel possède l’expérience nécessaire pour exploiter le grand nombre et la grande variété de renseignements disponibles.15 Les renseignements recueillis n’ont de valeur que s’ils sont analysés et replacés dans leur contexte. En d’autres mots, ils doivent être traités.16 Trop souvent, des données non analysées ont remonté la chaîne du renseignement, risquant d’entraîner de mauvaises interprétations de situations. L’exploitation de l’information est un processus qui demande beaucoup de temps et qui est difficile. La seule manière de surmonter ce point faible est d’incorporer des analystes spécialisés au sein du personnel de renseignement. Une des préoccupations soulevées dans de nombreux CROP, relativement au renseignement, est ce que j’appelle « un problème d’éducation des membres de l’unité ». Des comptes rendus, lors de la rotation du 2 GBMC IFOR (Force de mise en œuvre) précisent que les « renseignements obtenus des sections du renseignement d’unité étaient au mieux… marginaux… Toutefois, un certain nombre de préoccupations 45 Le renseignement à l’appui des opérations : On récolte ce que Grodzinski l’on sème Captain John unités. Cette zone était en général vaste, beaucoup plus que ce que la doctrine considère approprié dans un combat de guerre classique. À titre d’exemple, la zone d’opérations du CANBAT 2 en Bosnie était d’environ 900 km carrés.8 À Haïti, le CANBAT était responsable d’environ la moitié du pays. Outre le fait d’être responsable de zones d’opérations plus vastes, il y avait peu ou pas de chevauchement en termes de responsabilité et de recherche touchant le renseignement. Toutes les zones éventuelles de responsabilité d’un groupement tactique en matière de renseignement seraient le mieux décrites par le terme « bulles isolées ». Dans sa propre zone, il était la seule unité capable de rechercher des renseignements. Il est donc important que le groupement tactique soit équipé de manière à être autosuffisant en termes de ressources spécialisées dans la recherche de renseignements. Cette réalité est poussée encore plus loin dans l’ébauche de document intitulé Army Intelligence Strategic Restructuring: « Les opérations conjointes avec nos alliés ressemblent de plus en plus à des invitations dans le genre ‘Venez comme vous êtes’. Le déploiement des unités de manoeuvre canadiennes ne peut plus dépendre de nos alliés qui nous fournissent les ressources en recherche de renseignement, les capacités de corrélation et d’analyse ou les moyens de diffusion et de communication encodée ».9 En bref, si nous voulons disposer d’un service de renseignement spécialisé, nous devons l’apporter avec nous. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre demeurent; elles portent principalement sur les comptes rendus d’information au niveau de la compagnie. Toutefois, il s’agit là probablement d’un manque d’entraînement. En effet, les soldats de l’infanterie ne sont tout simplement pas habitués à transmettre des renseignements. »17 Il est intéressant de remarquer que ce problème ne touche pas seulement les soldats canadiens.18 Le major D. Villeneuve Une autre dimension de l’instruction des soldats est le rôle que jouent les commandants, à tous les niveaux, dans le cycle du renseignement. Sans leur appui, le renseignement n’ira nulle part. Je suis convaincu que les programmes actuels d’instruction des officiers, au sein de l’Armée de terre, ont laissé apparaître des lacunes à ce niveau. Évaluer le soutien fourni en matière de renseignement. Le renseignement n’est pas une science. C’est plutôt le domaine des incertitudes et de la meilleure tentative d’interprétation possible, dans la mesure où il n’est jamais possible d’obtenir une image complète. Il est donc difficile d’évaluer avec précision le soutien fourni en matière de renseignement. Nous pouvons néanmoins tirer quelques conclusions des points faibles identifiés plus haut. Premièrement, la taille et la composition d’une section de renseignement attachée à un groupement tactique pourraient être améliorées. Deuxièmement, un groupement tactique déployé doit être autonome en termes de ressources pour la recherche de renseignements, particulièrement en ce qui concerne le HUMINT. Finalement, il est nécessaire de mieux former nos militaires, du commandant jusqu’au simple soldat, sur le rôle qu’ils ont à jouer dans le cycle du renseignement. Il y a des améliorations possibles à partir de chacune de ces conclusions. 46 AMÉLIORER LE RENSEIGNEMENT FOURNI Organisation de la section du renseignement. L’organisation actuelle de la section du renseignement ne fournit pas un soutien suffisant à un groupement tactique déployé. Je suis convaincu que de faire du renseignement pour un groupement tactique déployé dans des OAG, sans être rattaché à une brigade d’appartenance, demande le même personnel et le même effort qu’au niveau d’un groupe-brigade. En d’autres mots, cela demande autant de travail d’assurer du renseignement à 1 000 qu’à 5 000 soldats. On peut, par conséquent, améliorer l’efficacité de la section en augmentant la taille et en y intégrant du personnel de la Branche des services du renseignement. Les membres de la section du renseignement sont responsables des phases d’orientation, d’exploitation et de diffusion qui font partie du cycle du renseignement. Puisque ce cycle est continu, il est nécessaire d’affecter exclusivement du personnel à la revue et à la réorientation des tâches attribuées aux sources et aux agences, et d’analyser les renseignements reçus. L’obligation d’efficacité, dans les deux cas, demande énormément de travail surtout si ce travail doit se faire sur la base de 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Par conséquent, il est suggéré que la section du renseignement soit composée de deux groupes, l’un spécialisé dans le l’orientation et la recherche de l’information, l’autre spécialisé dans l’exploitation et la diffusion de l’information. L’annexe B renferme une proposition d’organisation de la section de renseignement d’un groupement tactique qui améliorerait grandement son efficacité. Un groupement tactique déployé doit opérer dans un environnement de renseignement qui est complexe. Il y a une multitude de ressources disponibles tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’unité, allant du niveau local au niveau national et des organismes militaires aux organismes humanitaires. Par conséquent, on peut donc raisonnablement penser qu’un groupement tactique s’attendra à ce que les meilleurs soldats possibles soient affectés aux tâches d’état-major de renseignement. « Étant donné qu’il faut de plus en plus de connaissances techniques pour exploiter efficacement le système du renseignement, il est nécessaire d’affecter des professionnels du renseignement dans les quartiers généraux déployés en campagne. »19 La principale différence qu’entraîne l’ajout de personnel venant de la Branche des services du renseignement, se situe au niveau de l’expérience que ce personnel apporte à l’unité. Il a très souvent travaillé à des niveaux stratégiques et sait ce qui est disponible. De plus, le niveau d’expérience de ce personnel lui permet de mieux exploiter les ressources de renseignement alliées déployées sur le théâtre des opérations.20 Les membres du personnel de la Branche des services du renseignement doivent être en excellente forme physique et se considérer d’abord et avant tout comme des soldats. S’il n’en était pas ainsi, leur intégration au sein de l’unité risquerait d’être difficile. Dans la mesure où la crédibilité du personnel de renseignement est essentielle, une mauvaise intégration pourrait nuire à l’établissement d’une bonne relation de travail avec les autres membres de l’unité. Il y a une autre dimension à l’affectation de personnel de la Branche des services du renseignement dans les groupements tactiques en déploiement opérationnel, qui peut se résumer par « s’entraîner comme au combat ». Actuellement, des membres de la Branche des services du renseignement ne sont affectés aux unités que lors du déploiement opérationnel de ces dernières. Cela ne se fait pas lorsque les unités sont en garnison, ce qui a Vol. 3, no. 1, printemps 2000 Les capteurs de renseignements et les ressources de recherche qui sont disponibles pour le groupement tactique. Un groupement tactique peut avoir le meilleur personnel de renseignement, mais il ne lui servira à rien s’il ne dispose pas des meilleures ressources disponibles pour recueillir des renseignements. Pour pouvoir fournir des renseignements, il est nécessaire de recueillir de l’information et des données au moment opportun. Sans cette recherche opportune, on ne peut fournir de renseignements valables qui répondent aux besoins du groupement tactique. Il est important qu’un groupement tactique déployé soit autonome en ce qui concerne ses ressources de recherche d’information. À cet égard, il n’y a pas de solution standard et chaque déploiement doit être analysé individuellement pour établir ses besoins propres. Certaines opérations peuvent nécessiter plus de HUMINT, et d’autres, plus de SIGINT. De plus, les opérations passées ont démontré que l’ONU est sensible au problème des ressources et exige que seuls des moyens évidents soient utilisés. Pourtant, une unité doit avoir les outils pour accomplir sa tâche. Il faut comprendre que les meilleurs résultats sont obtenus grâce à une certaine redondance des systèmes. Il est donc nécessaire de compter sur plus qu’un seul type de ressources pour la recherche d’information. Puisque le HUMINT s’est avéré être la meilleure source d’information dans les OAG, il faut déployer des équipes de debriefing HUMINT dans le groupement tactique.24 Il faut aussi examiner les SIGINT, IMINT 25 , OSINT 26 (renseignement de source non secrète) et TERA (analyse du terrain) pour fournir des possibilités additionnelles au groupement tactique. La situation s’est considérablement améliorée au cours des dix dernières années et les tendances actuelles nous amènent à penser que cela va continuer. En ce moment, « l’Armée de terre est en train de passer à un environnement numérique et multi-senseurs nommé ISTAR (renseignement, surveillance, acquisition d’objectif et reconnaissance) ». 27 Cet environnement fournira donc à l’Armée de terre (jusqu’aux unités de manoeuvre) une capacité sans précédent de recherche de données et d’information, et améliorera considérablement l’efficacité du groupement tactique. Rôle des membres de l’unité en matière de renseignement. Chaque membre d’un groupement tactique déployé peut jouer un rôle dans le soutien de l’unité en matière de renseignement. Cela est vrai du commandant jusqu’au simple soldat. Il est important que les troupes apprennent que l’on peut recueillir de l’information à tous les niveaux, et qu’elles soient sensibilisées au rôle qu’elles peuvent jouer dans la constitution de l’image de la situation du point de vue du renseignement.28 Il faut développer des outils d’instruction qui permettront de sensibiliser davantage les soldats à l’importance de reconnaître ce qu’ils voient et d’en rendre compte aussi tôt que possible. L’annexe C contient le syllabus de deux jours d’instruction, élaboré par le « US Marine Corps » pour enseigner aux marines à reconnaître de l’information dont ils pourraient prendre connaissance par hasard lors de patrouilles de routine. 29 Cet outil pourrait facilement être adapté pour les unités d’armes de combat des Forces canadiennes. Le rôle du commandant dans le processus du renseignement est crucial. « Le commandant conduit les activités de renseignement », est la première chose qu’affirment la doctrine et les articles américains lorsqu’ils parlent de renseignement. 30 Le paragraphe suivant est extrait d’un article écrit dans la Marine Corps Gazette qui passe en revue les leçons de la guerre du Golfe en matière de renseignement. Le contenu de cet article est très approprié pour l’Armée de terre canadienne d’aujourd’hui. Tandis que l’officier du renseignement peut se voir déléguer l’autorité pour exercer des fonctions de renseignement, la responsabilité du succès ou de l’échec des activités de renseignement reste celle du commandant. Il a, plus que quiconque, besoin d’être personnellement impliqué dans la manière dont l’information est obtenue, analysée et diffusée au sein de son unité. Le commandant établit l’orientation. Que ce soit en fixant l’information à recueillir, en attribuant les ressources de communication ou en assurant une interconnexion étroite opérations/renseignement, le commandant est dans une position clé pour diriger les activités de renseignement. En intervenant personnellement auprès des étatsmajors supérieurs, il peut s’assurer que son unité aura la priorité pour l’octroi de ressources précieuses pour rechercher l’information. Au sein de l’état-major, le commandant peut influencer de manière décisive l’attitude envers l’officier du renseignement, soit en instaurant coopération et respect, ou résistance et dédain. Dans la conduite d’une guerre moderne, un commandant peut modeler et influencer le champ de bataille, sans doute mieux que par n’importe quels autres moyens, par 47 Le renseignement à l’appui des opérations : On récolte ce que Grodzinski l’on sème Captain John pour conséquence que « les unités d’armes de combat ne font pas partie de l’architecture du renseignement ».21 « Pour s’entraîner comme au combat, il faut intégrer un personnel du Renseignement dans les troupes dès maintenant, avant leur déploiement. »22 Bien qu’il ne soit pas question de pousser le sujet plus loin, dans cet article, il faut rappeler que cela demeure une question vitale et non résolue au sein de l’Armée de terre.23 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre l’acquisition de renseignements de haute qualité et leur diffusion à ses éléments de combat.31 L’Armée de terre canadienne doit insister sur l’impact critique que peut avoir le commandant en diffusant des renseignements de haute qualité. Si les commandants ne reconnaissent qu’en principe seulement le soutien offert par le renseignement, ils ont peu de chance de disposer de renseignements utiles lorsqu’ils en auront besoin. CONCLUSION Le renseignement militaire est une dimension essentielle de la guerre ainsi qu’un catalyseur que les commandants de groupement tactique doivent utiliser pour réussir dans les OAG. Il y a eu des points faibles dans le soutien fourni au cours de la dernière décennie, aux points de vue de la taille et de la composition de la section du renseignement au sein des groupements tactiques, de l’octroi de ressources suffisantes assurant l’autonomie des unités en matière de recherche intégrée d’information ainsi que du rôle joué par les membres des unités (du commandant au simple soldat) dans les activités de renseignement. Le facteur décisif dans l’amélioration du soutien offert par le service du renseignement demeure l’attitude des commandants, des autres membres d’unités, et de l’Armée de terre dans son ensemble. Dans la mesure où l’Armée de terre veut se montrer sérieuse en ce qui concerne le renseignement, et se penche sérieusement sur le soutien fourni à nos groupements tactiques, alors on peut espérer des améliorations. Si, par contre, l’Armée de terre demeure ambivalente envers le renseignement, alors la situation demeurera « adéquate » et il n’y aura pas d’amélioration. On récolte ce que l’on sème. ANNEXE A RENSEIGNEMENT : QUELQUES CONCEPTS DE BASE L’examen de quelques concepts de base en matière de renseignement aidera ceux qui ne sont pas familiers avec ce domaine à mieux comprendre le rôle que joue le renseignement dans les opérations. On insistera d’abord sur l’importance du renseignement avant de résumer brièvement comment le renseignement fonctionne. L’importance du renseignement. Quoique souvent négligé, le renseignement demeure un élément primordial de la guerre. « La raison fondamentale qui fait que le renseignement est tellement important en même temps qu’une composante aussi centrale et, par conséquent, un élément primordial de la guerre (ou des opérations), est que le renseignement représente l’élément qui fait de la conduite de la guerre (des opérations) un acte rationnel. »32 Les unités déployées en opérations réussissent en étant capables d’influer sur les événements aux endroits et aux moments décisifs. Pour cela, un commandant a besoin d’information, au minimum sur ses propres troupes, sur la manière dont des tierces parties pourraient influer sur les événements, et aussi sur les capacités et intentions des factions en guerre (belligérants). Le renseignement est ce qui permet d’obtenir l’information sur ces deux derniers points. Aussi, le renseignement prédit puis vérifie les lieux et les moments des événements décisifs.33 Le major D. Villeneuve Le cycle du renseignement. Le renseignement fonctionne selon un cycle de quatre phases : orientation, recherche, exploitation et diffusion. Ce cycle est le processus par lequel l’information est convertie en renseignement. Le cycle est répétitif car le besoin en matière de renseignement est continu pendant toute la durée des opérations. Le cycle est axé sur l’objectif; c’est-à-dire, des renseignements ne devraient jamais être produits de façon aléatoire, mais toujours produits pour appuyer la prise des décisions. Finalement, les quatre phases du cycle sont interdépendantes, chaque élément dépendant des autres en terme de signification.34 La phase d’orientation détermine quel renseignement est nécessaire et qui devrait le rechercher. Il est important de rappeler que ce sont « les commandants qui déterminent les activités de renseignement » et « le renseignement qui détermine les opérations ». La raison d’être du renseignement est de répondre aux besoins du commandant. Le personnel du renseignement doit traduire les besoins du commandant (besoins prioritaires en renseignement) en efforts coordonnés de recherche auprès des sources et agences disponibles. La phase de recherche consiste à mettre à contribution des sources et des agences pour obtenir de l’information. Il faut garder deux choses à l’esprit : « Premièrement, la recherche d’information ne constitue pas du renseignement à elle seule; 48 Vol. 3, no. 1, printemps 2000 l’information doit être analysée avec succès. Deuxièmement, ... la recherche est optimum lorsqu’elle repose sur des sources multiples, la combinaison ... provenant de plusieurs éléments de recherche, offre la meilleure occasion de soutenir une analyse supérieure ».35 La phase d’exploitation est celle qui convertit l’information en renseignement. L’exploitation est la fonction centrale du renseignement. C’est la partie la plus difficile et donc la plus exigeante du cycle. Finalement, la phase de diffusion fait passer les renseignements à ceux qui en ont besoin. Les meilleurs renseignements au monde ne servent à rien s’ils n’atteignent pas en temps voulu ceux qui en ont besoin. Pour conclure, il faut souligner que : aussi précises et opportunes que puissent être la production et la diffusion de renseignement, il faut encore que quelqu’un en position d’autorité prenne les bonnes décisions. Le renseignement en soit n’accomplit rien. ANNEXE B ORGANISATION D’UNE SECTION DU RENSEIGNEMENT : UNE PROPOSITION Ce qui suit est une proposition d’organisation d’une section du renseignement pour un groupement tactique déployé dans des OAG. Cette organisation repose sur l’officier du renseignement d’un groupement tactique qui a reçu carte blanche pour organiser sa section. Les postes qui peuvent être comblés par du personnel de la Branche des services de renseignement sont identifiés dans la colonne des remarques. Grade Responsabilités Remarque 1 Officier du renseignement Capt Gestionnaire supérieur du renseignement/Conseiller Br des serv du rens 2 Adjudant de la section Adj Coordination des efforts de la section Br des serv du rens 3 Assistant technique Cpl Production finale/diffusion 4 Officier des opérations du renseignement Lt Attribuer les tâches aux ressources de Br des serv du rens recherche 5 Planification de la recherche Sgt d'information Attribuer les tâches aux sources et assurer leur debriefing 6 Attribution des tâches aux sources de recherche Cplc Attribuer les tâches aux sources et assurer leur debriefing 7 Recherche par des sources officielles Cpl Recherche de l'information 8 Officier d'analyse de l'information Lt Production de renseignements 9 Analyste 1 Sgt Exploitation de l'information Br des serv du rens 10 Analyste adjoint Cpl Gestion de la base de données Br des serv du rens 11 Analyste 2 Sgt/Cplc Exploitation de l'information 12 Analyste adjoint Cpl Gestion de la base de données Le renseignement à l’appui des opérations : On récolte ce que Grodzinski l’on sème Captain John Titre du poste Br des serv du rens Br des serv du rens 49 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre ANNEXE C INSTRUCTION DE BASE EN MATIÈRE DE RENSEIGNEMENT : UNE PROPOSITION Ce qui suit est le syllabus de deux jours d’instruction élaboré par le Corps des marines des États-Unis pour enseigner aux marines comment reconnaître de l’information dont ils pourraient prendre connaissance par hasard au cours de patrouilles de routine et comment en rendre compte aussi promptement que possible.36 Première journée : La première journée se passe en classe où les membres d’une compagnie reçoivent de l’information sur des sujets tels que la technique d’observation, la reconnaissance de véhicules et d’équipements, la manière de communiquer de l’information (qui, quoi, où, quand, comment), identification de la menace et rôle du renseignement. Les membres de la section renseignement de l’unité assureraient l’instruction des soldats sur ces sujets. Deuxième journée : Au cours de la deuxième journée, la compagnie se rendrait dans la zone d’entraînement et établirait un périmètre de défense. Une fois ce périmètre établi, des patrouilles de la taille d’une section partiraient les unes après les autres pour passer par les stations suivantes : k STATION 1 : Départ de la ligne avancée amie. Tests : k STATION 5 : La patrouille, tout en s’éloignant du site d’analyse du terrain, monte une embuscade improvisée utilisation de procédé d’identification et de mot de passe, procédure correcte de départ. contre trois ennemis. Tests : exécuter l’embuscade, fouiller les corps, récupérer un document, rendre compte. k STATION 2 : La patrouille rencontre un ressortissant étranger ami qui dit avoir de l’information sur l’ennemi. k STATION 6 : La patrouille observe de loin plusieurs Tests : passer l’individu au crible conformément aux règles véhicules ennemis. Tests : identification des véhicules et d’engagement; communiquer l’information; suivre les compte rendu approprié. directives du poste de commandement. k STATION 7 : La patrouille capture quatre ennemis de k STATION 3 : Le ressortissant étranger ami mène la grades variés. Tests : application des procédures patrouille à un point d’observation d’où l’on peut observer appropriées touchant la capture de prisonniers de guerre. une cache d’approvisionnement ennemie. Tests : k STATION 8 : La patrouille réintègre les lignes amies. procédures de compte rendu. Tests : procédé d’identification et mot de passe/ k STATION 4 : La patrouille reçoit un ordre fragmentaire de procédures d’entrée et remise des prisonniers. fournir de l’information sur un aspect du terrain (pont, condition des routes, etc.). Tests : réaction aux nouvelles k STATION 9 : Debriefing de la patrouille par l’officier du renseignement. Tests : remise du document et réponse directives, atteindre l’emplacement désigné, fournir l’information demandée. aux questions. À propos de l’auteur . . . La biographie du major Villeneuve qui est présentement en service en Bosnie n’est pas disponible. Sa biographie sera publiée dans la prochaine parution de notre Bulletin. Le major D. Villeneuve NOTES 1 Major Russell Keller, «Intelligence is a Team Sport», Marine Corps Gazette, Volume 76, Numéro 3 (mars 1992), p. 17. À la suite de la guerre du Golfe, le Corps des marines des États-Unis a analysé l’efficacité de ses renseignements dans une série d’articles de la publication Marine Corps Gazette. Des similitudes et des leçons valables peuvent être extraites de ces articles pour l’Armée de terre canadienne. 2 B-GL-300-000/PF-000, L’Armée de terre du Canada (février 1998), pp. 80-81. L’environnement sécurité, au sein duquel les nations interagissent, peut être vu comme un spectre d’intensité des conflits, allant de la paix à la guerre totale. 50 RÉACTIONS STRATÉGIQUES MILITAIRES MOYENS MILITAIRES OPÉRATIONNELS PAIX CONFLIT OPÉRATIONS AUTRES QUE LA GUERRE GUERRE GUERRE OPÉRATIONS AUTRES QUE LE COMBAT OPÉRATIONS DE COMBAT La réaction stratégique militaire en temps de paix et de conflit doit être l’opération autre que la guerre. Les opérations autres que la guerre représentent un très vaste concept et, pour l’Armée de terre canadienne, vont de l’assistance aux autorités civiles au pays même Vol. 3, no. 1, printemps 2000 3 Voici quelques exemples. Les soldats canadiens ont été impliqués dans le plus gros échange de feu depuis la Corée, dans la poche de Médac, en Croatie en 1993. En de nombreuses occasions, les soldats canadiens ont été pris en otages par un des belligérants en Bosnie. Au cours de l’été 1995, les deux bataillons canadiens déployés en Bosnie et en Croatie se sont retrouvés au centre d’opérations militaires de grande envergure déclenchées par un des belligérants. En Bosnie, il s’agissait d’une offensive musulmane pour ouvrir Sarajevo. En Croatie, c’était une offensive des croates pour capturer la Krajinas. Dans presque tous les déploiements, en Croatie, en Bosnie et en Somalie, les soldats ont été impliqués dans des échanges de feu ou ont subi le tir des belligérants. 4 Le Centre des leçons retenues de l’Armée, Disque CD, Version 8 (décembre 1998). J’ai révisé les comptes rendus d’opération (CROP) pour OP CAVALIER (Bosnie FORPRONU), OP HARMONY (Croatie, FORPRONU), OP MANDARIN (soutien logistique pour la Croatie et la Bosnie, FORPRONU), OP ALLIANCE (Bosnie, IFOR), OP PALLADIUM (Bosnie, SFOR) et OP STANDARD/STABLE/ CONSTABLE (Haïti, ONU). Il faut mentionner que la quantité d’information, décrivant le renseignement fourni, était minime. Souvent, cela se résumait à une ou deux phrases. Brièvement, presque tous les rapports mentionnaient que le soutien offert par le renseignement était généralement bon. Dans quelques rapports, des lacunes et des faiblesses ont également été mentionnées. Aucune référence n’indiquait si des mesures avaient été prises pour corriger ces lacunes et ces faiblesses. Il est également intéressant de noter qu’il n’y a eu aucun rapport consolidé sur le renseignement fourni pendant toutes les opérations qui se sont déroulées au cours de la dernière décennie. 5 Major Hoag, «CCIS Application» Collège de commandement et d’état-major de la Force terrestre canadienne, Kingston, Ontario, 23 février 1999. Ce briefing exprime clairement la réalité des Forces canadiennes. 6 Expérience de l’auteur. 7 Robert Martyn « Les tendances dans le domaine du renseignement tactique », Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre, Volume 1, Numéro 2 (novembre 1998), p. 42. Cet article démontre que la situation actuelle a changé en ce qui concerne le renseignement tactique. Il donne un aperçu d’un environnement de conflit évolutif et de la réponse des Forces canadiennes. Il propose également quelques avenues possibles pour améliorer le renseignement tactique dans cette nouvelle réalité du monde. 8 Expérience de l’auteur. 9 État-major de la Force terrestre de l’Armée (DTIR-4), Army Intelligence Restructuring (Ébauche), Ottawa: 1999, pp. 7-12. Cette ébauche soulève le problème actuel de l’architecture du renseignement dans l’Armée de terre. Elle fournit des options d’architecture susceptibles de mieux soutenir la mise sur pied et la préparation d’une force de renseignement de l’Armée de terre dans l’environnement post-op d’ABACUS. 10 Major-général John Stewart, «Intelligence Strategy for the 21st Century», Military Review, Volume LXXV, Numéro 5 (septembreoctobre 1995), p. 80. Fournir un service adéquat de renseignement à tous les niveaux jusqu’à l’unité n’est pas un problème typiquement canadien et unique aux OAG. Dans son article, le major-général mentionnait que « Le renseignement a extrêmement bien fonctionné dans Desert Storm. Nous avions un renseignement remarquable aux niveaux de l’armée et du corps d’armée et nous avons très bien réussi à l’étendre jusqu’au niveau de la division. Par contre, nous n’avons pas aussi bien réussi pour l’amener jusqu’à la brigade ». Cela a obligé l’Armée de terre américaine à réviser son mode d’opération, afin de pallier cette faiblesse. 11 Paul Johnston, «No Cloak and Dagger Required: Intelligence Support to U.N. Peackeeping», Intelligence and National Security, Volume 12, Numéro 4 (octobre 1997), p. 109. Pour plus de lecture sur l’ONU et le renseignement, voir: a. Major Raymond J. Leach, «Information Support to U.N. forces», Marine Corps Gazette,Volume 78, Numéro 9 (septembre 1994), pp 49-50. Cet article fournit un point de vue américain sur cette question, point de vue fondé sur l’expérience de l’auteur en Macédoine. b. Richard A. Best, Jr., « Maintien de la Paix : Besoins en renseignement » Rapport du CRS à l’intention du Congrès. Congressional Research Service - Library of Congress, (mai 1994); c. David Ramsbotham, «Analysis and Assessment for Peacekeeping Operations», Intelligence and National security, Volume 10, Numéro 4 (octobre 1995), pp. 162-174; d. Hugh Smith, «Intelligence and UN Peacekeeping», Survival, Volume 36, Numéro 3 (automne 1994), pp. 174-192. 12 C’est fondé sur l’expérience de l’auteur. On le retrouve aussi dans l’article de Robert Martyn, « Les tendances dans le domaine du renseignement tactique », dans Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre, Volume 1, No. 2, novembre 1998. 13 Voici quelques exemples concernant nos alliés : a. L’expérience américaine. (1) Somalie. Capitaine David Rababy, «Intelligence Support During a Humanitarian Mission», Marine Corps Gazette, Volume 79, Numéro 2 (février 1995), p. 40. « Notre robuste capacité HUMINT a fourni des services de 9 h à 5 h pour répondre aux priorités de renseignement. Cela explique, en quelque sorte, notre faible taux de perte. » (2) Bosnie. Lieutenant-colonel George K. Gramer, «Operation JOINT ENDEAVOR: Combined-Joint Intelligence in Peace Enforcement Operations», Military Intelligence,Volume 2, Numéro 4 (octobre-décembre 1996), p. 13. « Les renseignements humains (HUMINT) étaient clairement les principaux agents de recherche sur le théâtre d’opération. Presque cent pour cent de l’information figurant dans l’INTSUM du Corps à réaction rapide du Commandement allié en Europe (CRR CAE) provenait de la recherche par HUMINT ». (3) Haïti. Michael W. Schellhammer, «Lessons from Operation Restore Democracy», Military Intelligence, Volume 22, Numéro 1 (janvier - mars 1996), p. 19. « En Haïti, le HUMINT a dominé la recherche. Le HUMINT a fourni régulièrement une information fiable sur les attitudes et les intentions de l’ennemi et des civils ». b. L’expérience australienne. Australie. Case Studies Package Exercise Rainbow Serpent 1998. (octobre 1998). Page 3, extrait de leur «operational analysis summary on guiding lessons for multinational peace operations in the near region». Au cours de l’opération SOLACE (SOMALIE), TAMAR et LAGOON (Bougainville), les Australiens ont déclaré que presque 90 % de leurs renseignements exploitables étaient fournis par des sources HUMINT; c. Au cours de ma période de service en Bosnie, en 1995, j’ai été en contact régulier avec les équipes de debriefing HUMINT des Forces française et britannique. Une équipe se composait de deux à trois membres chargés de rechercher l’information auprès de sources humaines de toutes catégories, allant de la population locale, en passant par les soldats de l’ONU, jusqu’au travailleurs des organismes humanitaires. 14 Robert Martyn, « Les tendances dans le domaine du renseignement tactique », Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre, Volume 1, Numéro 2, (novembre 1998), p. 43. 51 Le renseignement à l’appui des opérations : On récolte ce que Grodzinski l’on sème Captain John aux opérations d’imposition de la paix à l’étranger. L’obligation de mener, souvent en même temps, des opérations de combat et des opérations autres que le combat, caractérise les OAG. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre 15 Expérience de l’auteur. À cet égard, il est intéressant de noter que le Corps des marines des États-unis a intégré du personnel professionnel de renseignement au sein de ses unités. Le Corps des marines a trouvé qu’un personnel de renseignement spécialisé possède une meilleure connaissance des sources d’information disponibles à l’échelle nationale. Pour plus de détails, voir: Jenkins, Harry W. Jr, Major-général. «Tactical Intelligence and Related Activities: Report from Director of Intelligence», Marine Corps Gazette, Volume 76, Numéro 9 (septembre 1992), pp. 14-18. 24 Actuellement, les Forces canadiennes sont impliquées de deux manières dans le soutien HUMINT aux opérations. D’abord en fournissant un renforcement en hommes au bataillon multinational de recherche de la SFOR. Ensuite, en déployant des équipes de contre-espionnage dans le contingent canadien. Ces équipes sont constituées avec du personnel de la police militaire. Bien que ces initiatives constituent un pas dans la bonne direction, il reste encore une brèche au niveau de la capacité du groupement tactique, qui doit être bouchée. 16 Major David L. Shelton, «Intelligence lessons known and revealed during Operation RESTORE HOPE Somalia», Marine Corps Gazette, Volume 79, Numéro 2 (février 1995), p. 39. Les Américains sont arrivés à la même conclusion pendant leur opération en Somalie. « Tous les efforts en matière de renseignement sont inutiles s’ils ne peuvent pas fournir au commandant, une image raisonnablement précise de ce qui se passe dans et autour de sa zone d’opération .... Ainsi, la section d’analyse doit devenir le coeur de tout le processus de renseignement et doit être en mesure de recevoir, rassembler, évaluer et présenter une meilleure analyse au commandant ». De plus, dans son article «Nobody Likes to be Suprised: Intelligence failures», James Finley donne de nombreuses raisons pour expliquer comment le renseignement peut échouer. Les leçons apprises reflètent les problèmes encourus au niveau des informations reçues, du processus du renseignement et du jugement porté par le personnel de renseignement. En ce qui concerne l’information reçue, Finley parle d’une trop grande quantité d’information provenant de données contradictoires, peu fiables et ambiguës. La solution à ce problème est une capacité d’analyse améliorée. James P. Finley «Nobody Likes to Be Surprised: Intelligence Failures,» Military Intelligence, Volume 20, Numéro 1 (janvier-mars 1994), p. 14. 25 IMINT inclut les deux modes d’imagerie aérienne et à main. En ce qui concerne l’imagerie à main, la technologie de caméra numérique ouvre de nouvelles possibilités pour IMINT. On pourrait incorporer, à un groupement tactique, une équipe de « photographes de combat » utilisant des caméras numériques et des ordinateurs portatifs pour transmettre au poste de commandement de l’unité, en quelques minutes, des images prises sur le terrain. Cette capacité a été démontrée devant les participants de la conférence ACORN 1997 (renseignement de l’Armée de terre), à Ottawa (février 1997). 17 Martyn, p. 42. Le major D. Villeneuve 18 Major Roger Marshall, «Operation GRAPPLE: British Armed Forces in United Nations Protection Force», Military Intelligence, Volume 22, Numéro 4 (octobre - décembre 1996), p. 58. Les Britanniques, par exemple, ont appris la même leçon en Bosnie, dans la FORPRONU. Dans un article publié dans Military Intelligence Bulletin, le major Marshall mentionne que parmi les leçons apprises, la conscience de la situation et la communication de l’information ont toutes deux été des problèmes. « Même la tournée du courrier pouvait inclure les convois de renforcement qui sont censés se déplacer sans être vus. Chacun doit comprendre combien il est important de rendre compte et comment cela doit se faire ». 26 Richard Riccadelli, «The Information and Intelligence Revolution», Military Review, Volume LXXV, Numéro 5, (septembre-octobre 1995), p. 86. « L’information provenant de sources officielles s’imposera comme un outil de renseignement sans prix, en temps de guerre. L’accès aux médias et aux réseaux populaires ajoutera une nouvelle dimension aux opérations futures en même temps qu’il constituera un nouveau danger ». Haut placé sur la liste de sources OSINT disponibles, INTERNET, dont une utilisation compétente et systématique pourra fournir une grande quantité d’information valable. Pour le rendre utile, il faut que quelqu’un se voue exclusivement à la navigation sur le Net. 2 7 L’État-major de la Force terrestre de l’Armée, Army Intelligence Restructuring (ébauche), Ottawa: 1999, p. 2. 28 L’information pourrait provenir du commandant de l’unité rencontrant un des commandants belligérants locaux; un agent de liaison rencontrant son homologue belligérant local; un soldat à un poste d’observation qui parle avec un soldat local affecté à une tâche de garde similaire, ou un cuisinier qui parle, à la cuisine, avec des employés locaux. 29 Sergent John R. Murphy « Basic Intelligence Training, » Marine Corps Gazette, Volume 75, Numéro 9 (septembre 1991), pp. 26-27. 19 Martyn, p. 42. 30 De nombreux articles et manuels sur la doctrine font référence au concept du « commandant orchestrant les activités de renseignement ». Je recommande de lire les deux documents suivants : 20 Cela se base sur mon expérience personnelle. Dans son article « Les tendances dans le domaine du renseignement tactique », Robert Martyn, discute également longuement de cette question. a. John F. Lady III, «How the Commander drives Intelligence», Military Review, Volume LXXVI, Numéro 3 (maijuin 1996), pp. 82-87: 2 1 L’État-major de la Force terrestre de l’Armée, Army Intelligence Restructuring (Draft Copy). Ottawa : 1999, pp. 4-12. b. United States. Department of Army, «FM 34-8, Combat Commander’s Handbook on Intelligence,» (juillet 1992) 22 Martyn, p. 43. 31 Keller, p. 17. 23 Comme lecture additionnelle, je conseille de lire, du major Charles E. Colvard, «Consolidating intelligence assets and creating combat-arms S-2», Marine Corps Gazette, Volume 76, Numéro 9 (septembre 1992), pp. 22-25. Cet article parle de l’intégration de personnel professionnel de renseignement, jusqu’au niveau du bataillon dans le Corps des marines des É.-U. Voir aussi « L’avenir du renseignement dans l’infanterie canadienne », Journal de l’Infanterie, Volume 32 (été 1997), pp. 16-24. Cet article rationalise l’intégration de personnel de renseignement jusqu’au niveau des unités d’armes de combat. 32 Lloyd Hoffman, «Intelligence, Military,» Bassey’s Encyclopedia of the Land Forces and Warfare, imprimé aux ÉtatsUnis, 1996, p. 511 52 33 États-Unis. Department of Army «FM 34-8, Combat Commander’s Handbook on Intelligence», (juillet 1992), p. 1-1. 34 Hoffman, p. 509 35 Hoffman, pp. 509-510. 36 Murphy, pp. 26-27. J’ai résumé les points principaux de cet article. Vol. 3, no. 1, printemps 2000 D+20 000 LA CAMPAGNE DE NORMANDIE EST TOUJOURS D’ACTUALITÉ Le capitaine Paul Johnston, CD a campagne de Normandie a toujours suscité un grand intérêt, tout particulièrement chez les militaires des Forces canadiennes. Récemment, l’impressionnant film, Il faut sauver le soldat Ryan, l’a placée de nouveau à l’avant-scène. Mais l’ensemble des lecteurs — que la dramatisation des grands événements émerveille peut-être et désireux d’apprendre tout simplement ce qui s’est passé — est parfois surpris de constater que les historiens ne s’entendent toujours pas au sujet de la campagne de Normandie. Nous avons remporté la victoire, n’est-ce pas ? Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’analyse à posteriori n’est pas parfaite; établir les faits et les comprendre sont deux choses tout à fait différentes. Le débat suscité par l’épisode de la série, La bravoure et le mépris, de la Société Radio-Canada sur la campagne de Normandie le démontre de belle façon. Bien que la fameuse (infâme) série télévisée ne soit peut-être pas le meilleur compte rendu de la campagne de Normandie, il demeure que cette dernière soulève de nombreuses controverses et suscite de nombreux désaccords entre historiens militaires. Le présent article ne se veut pas un autre condensé historique du jour J et de la campagne de Normandie. Il donne plutôt un aperçu des controverses actuelles et oriente le lecteur vers les travaux historiques disponibles les plus éminents. J’espère que le présent article permettra au lecteur ordinaire de placer la documentation disponible dans son contexte, car presque tous les travaux historiques sont fortement teintés d’idées qui ressortissent à certaines écoles de pensée. APERÇU GÉNÉRAL Une des premières chroniques générales rédigées sur la campagne de Normandie — The Struggle for Europe du journaliste Chester Wilmot, dont la première publication remonte à 19542 — a été étonnamment bien reçue. Des historiens la citent toujours avec approbation.3 Les récits historiques officiels demeurent toujours d’excellents documents de départ, bien que, à l’instar de tous les comptes rendus historiques officiels, ils ont tendance à éviter toute controverse et à ne donner qu’une narration descriptive de la campagne, ce qui est peut-être tout particulièrement vrai dans le cas de l’histoire officielle britannique. Les premières chroniques « L’histoire de la Deuxième Guerre mondiale n’a pas encore été écrite. » — John Keegan1 publiées sont américaines: CrossChannel Attack 4 , paru en 1951 et Breakout and Pursuit, United States Army in World War II, The European Theatre of Operations5 publié en 1961. L’année suivante, l’ouvrage historique officiel britannique, Victory in the West, volume I, The Battle of Normandy6 est publié. Quatre ans plus tard paraît le document officiel canadien: The Victory Campaign: The Operations in NorthWest Europe, 1944-19457 . Il est à noter que tous ces ouvrages ont été écrits avant que l’opération ULTRA (le déchiffrage des codes ultra secrets allemands par les Alliés) soit déclassifiée; ils ne font donc pas état de l’incidence de cette découverte du renseignement sur la décision alliée. Pour en savoir davantage sur l’opération ULTRA, voir ULTRA in the West: The Normandy Campaign 1944-458 rédigé par Ralph Bennett. Le compte rendu antérieur de P.W. Winterbotham, The ULTRA Secret,9 qui relate cette histoire pour la première fois, a été rédigé de mémoire. Il est donc à éviter. Bennett, qui avait accès aux dossiers ULTRA déclassifiés, fait une narration définitive de l’événement et démontre que plusieurs allégations de Winterbotham doivent être ignorées.10 Parmi d’autres ouvrages historiques britanniques intéressants et plus récents, il y a Six Armies in Normandy 11 de John Keegan et OVERLORD: D-Day and the Battle for Normandy, 194412 de Max Hastings. Keegan, qui fut pendant longtemps professeur d’histoire militaire à Sandhurst, est l’un des historiens militaires les plus éminents à l’heure actuelle. Quant à Hastings, il est un journaliste et auteur et non un universitaire; c’est peut-être pourquoi ses ouvrages, par ailleurs bien accueillis, sont de lecture intéressante. Un récit classique du Jour J (qui ne porte pas, toutefois, sur la campagne qui a suivi en Normandie) est l’ouvrage de Cornelius Ryan, Le jour le plus long.13 Ryan est un autre journaliste/ auteur (cette fois américain) qui ne tente pas du tout d’analyser les faits historiques. Par contre, il fait un récit captivant fondé sur les expériences personnelles d’un profil important de participants, et ses recherches sont 53 D+20 000 : la campagne de Normandie est toujours d’actualité L Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre DE COMBAT ALLEMANDE allemande était la force de combat la plus remarquable de la Deuxième Guerre mondiale, et les soldats alliés ne pouvaient la vaincre qui si les conditions étaient tout à fait exceptionnelles.»19 Ces allégations sont réitérées de façon plus générale par John Ellis dans Brute Force,20 une étude de l’effort de guerre globale des Alliés, dans laquelle il conclut que ce n’est que par l’emploi massif de la puissance de feu et du matériel que les Alliés ont pu réussir à repousser l’armée allemande. Le colonel à la retraite Trevor Dupuy de l’armée américaine va même jusqu’à brosser un tableau mathématique exhaustif du rendement des Alliés et des Allemands sur le champ de bataille, et il conclut que, homme pour homme, les derniers étaient de 20 à 30 % plus efficaces que les premiers.21 Dans la même veine, l’historien et théoricien militaire israélien de renom, Martin van Creveld, soutient que l’armée allemande était organisée sur un modèle ascendant (du bas vers le haut) de façon à générer ce qu’il qualifie la « puissance de combat », alors que l’organisation des armées alliées (tout particulièrement celle de l’armée américaine) était axée simplement sur le regroupement d’hommes et de matériel et sur une puissance de feu massive.22 La série Military Effectiveness, rédigée par Allan Millet et Williamson Murray — peut-être discutable, mais fascinante — tente de faire la lumière sur toute cette question. Dans le volume trois, The Second World War, 23 les auteurs attribuent aux Allemands des cotes élevées et aux Alliés, des cotes médiocres. Le principal débat entre les historiens de la campagne de Normandie a porté sur la question suivante: pourquoi les Alliés ont-ils pris autant de temps à rompre avec l’ennemi et comment expliquer ce délai à la lumière de la qualité relative des armées allemande et alliée. La documentation sur cette question est abondante. Max Hastings, par exemple, allègue que « l’armée Dans le contexte canadien, on dénote même cette tendance à mieux coter l’armée allemande dans le compte rendu historique officiel original dans lequel C. P. Stacey conclut que « homme pour homme et unité pour unité, on ne peut pas affirmer que c’est grâce à la supériorité tactique que nous [c’est-àdire l’armée canadienne] avons remporté la bataille de Normandie. »24 Stacey fouillées. Un des historiens américains actuels de la campagne de Normandie est Stephen Ambrose dont l’ouvrage D-Day June 6, 1944: The Climactic Battle of World War II14 a grandement inspiré le réalisateur du récent film Il faut sauver le soldat Ryan. Ambrose est professeur à l’université de la NouvelleOrléans et directeur du musée national américain sur le Jour J à la NouvelleOrléans. Jack English a rédigé récemment un ouvrage complet sur l’Armée canadienne en Normandie intitulé, The Canadian Army in the Normandy Campaign: A Failure in High Command. 15 English, lieutenantcolonel canadien à la retraite et ancien directeur de groupe à Kingston, est maintenant un professeur à plein temps. Voici d’autres ouvrages de valeur récents: 1944: The Canadians in Normandy de Reginald Roy (qui, dans l’ensemble, est une stricte narration, mais l’auteur se hasarde à faire quelques critiques), Bloody Victory16 et Maple Leaf Route: Caen and Falaise.17 Les trois derniers documents sont plutôt des récits populaires. La meilleure analyse savante sur l’ensemble de la campagne est sans aucun doute celle de Carlo D’Este, Decision in Normandy. 18 D’Este est un autre lieutenant-colonel à la retraite, cette fois de l’armée américaine; il se consacre actuellement à la recherche et à la rédaction d’une histoire militaire de la Deuxième Guerre mondiale Le capitaine Paul Johnston LES ALLIÉS 54 CONTRE LA PUISSANCE laisse entendre que cette infériorité tactique était due à l’« inexpérience au combat » des formations canadiennes et (avec une certaine exagération démentie aujourd’hui) aux officiers d’unité « dont les compétences accusaient des lacunes »25 Cela demeura la croyance générale jusqu’à l’analyse que fait Jack English du rendement de l’Armée canadienne en Normandie. Comme le titre de l’ouvrage le laisse entendre, l’auteur blâme non pas les troupes ou les chefs au niveau des unités, mais le commandement supérieur. Cette nouvelle interprétation a rapidement été adoptée. Quoi qu’il en soit et peu importe à qui le blâme est imputé, toutes ces interprétations partagent l’idée générale que, homme pour homme, « les Allemands étaient constamment supérieurs aux armées alliées qui, beaucoup plus nombreuses, ont fini par avoir raison d’eux. »26 Récemment, un « contre-mouvement » selon lequel le rendement des Alliés n’a pas été pire que celui des Allemands, a pris de l’ampleur. Notons par exemple, aux États-Unis, Citizen Soldiers27 de Stephen Ambrose et Beyond the Beachead 28 de John Balkoski. Au Canada, l’illustre historien militaire Terry Copp, entre autres, est en faveur d’une « nouvelle analyse » de la campagne de Normandie. Faisant valoir qu’en Normandie, les deux camps ont subi de lourdes pertes en contrepartie de faibles gains chaque fois qu’ils tentaient des offensives, le professeur Copp allègue que le simple fait pour les Alliés de lancer la plupart des attaques les faisait paraître moins élégants au plan tactique29 . MONTY La controverse au sujet du commandement du général Montgomery a vu le jour dans les journaux alors que la bataille battait son plein et ne semble pas s’être dissipée depuis lors30. Elle prolonge en partie un débat plus étendu sur les qualités respectives des combattants allemands Vol. 3, no. 1, printemps 2000 Sans perdre un instant, Montgomery relata sa version des faits au Royal United Services Institute en october 1945.31 Ce compte rendu a été suivi, en 1958, de ses mémoires dans lesquel il explique qu’il n’avait jamais eu à modifier son plan directeur. »32 D’illustres travaux émanant du groupe appelé le « 21st Army Group School of History » comprennent Victory in Normandy,33 rédigé par l’ancien chef des opérations de Montgomery, et la biographie officielle du général écrite par Nigel Hamilton.34 Dans les deux cas, les auteurs s’accordent pour dire, à l’instar de Monty, que tout s’est déroulé conformément au plan établi, malgré un léger retard. Dans cette optique, le but réel de Montgomery n’était pas de capturer Caen comme telle — encore moins d’effectuer une percée au-delà de Caen — mais d’immobiliser les blindés allemands de façon à donner aux Américains la chance de percer la ligne ennemie sur le flanc droit, ce qu’ils ont fait. Ces allégations n’ont pas obtenu la faveur des plus récents historiens. En effet, l’ouvrage magistral, Decision in Normandy, de D’Este est en grande partie une étude sur la façon dont Montgomery qui, après avoir perdu la maîtrise de la campagne, a réussi presque malgré lui à encercler la 7e Armée allemande. LA PASSE DE FALAISE Encore plus contesté peut-être que le retard à capturer Caen est le retard à colmater la passe de Falaise, par laquelle une partie considérable des effectifs de la 7e Armée allemande et du groupe blindé Eberbach s’est échappée et a pu ainsi combattre une journée de plus. Était-ce inévitable ? La 7 e Armée allemande aurait-elle pu être capturée et forcée de se rendre comme l’avait été la 6e Armée allemande à Stalingrad ? Cette question est tout particulièrement pertinente pour le Canada, étant donné que les troupes de la Première armée canadienne formaient les tenailles du nord. Selon Jack English, si la poussée initiale de la 1re Armée canadienne destinée à fermer la brèche (Opération TOTALIZE) avait réussi, les Canadiens auraient pu « comme en 1918, être la fer de lance de l’avance de l’armée britannique au cœur de l’Europe », un succès qui aurait été même plus important que la capture de la crête de Vimy, car il aurait conduit à une proéminence sans précédent des Canadiens en ce début de fin de guerre.35 Toutefois, il est généralement admis aujourd’hui que l’opération TOTALIZE a été une occasion ratée. C. P. Stacey observe avec une certaine tristesse dans l’histoire officielle qu’une « force allemande beaucoup plus petite que la nôtre…a pu ralentir notre avance au point qu’une grande partie des forces ennemies a réussi à s’échapper.»36 Un compte rendu récent plus favorable à l’Opération TOTALIZE — A Fine Night For Tanks37 — estime que cette dernière fut un succès. Un des plus ardents critiques de l’opération TOTALIZE est Roman Jarymowycz, un officier de la Réserve qui a terminé récemment une thèse de doctorat à l’Université McGill sur le combat des blindés en Normandie.38 Quoi qu’il en soit, la 1 re Armée canadienne a éventuellement réussi à colmater la brèche (opération au cours de laquelle le major Currie du South Alberta Regiment s’est vu décerné la fameuse Croix de Victoria pour ses faits d’armes à Trun), mais déjà une grande partie des Allemands qui restaient avait échappé à l’encerclement. L’EFFET DE LA PUISSANCE AÉRIENNE Traditionnellement, la plupart des commentateurs ont qualifié la suprématie aérienne des Alliés en Normandie d’écrasante et ont conclu qu’elle a causé la perte des Allemands. Parmi les historiens, Chester Wilmot fit cette observation tôt dans le conflit: « On peut difficilement surestimer la valeur de cette suprématie aérienne.»39 Presque tous les Allemands qui ont pris part à la campagne en conviennent.40 Toutefois, comme Hastings le note dans sa narration de la campagne de Normandie, le cliché selon lequel la puissance aérienne a déjoué les intentions des Allemands exige un examen attentif.41 Malgré la nette supériorité des Alliés dans les airs, toutes les formations allemandes envoyées sur le front normand étaient des organisations de combat formidables; aucune ne s’est effondrée par manque d’approvisionnement; aucune n’a été dans l’impossibilité d’exécuter les manœuvres qui lui étaient ordonnées et, malgré plusieurs efforts bien appuyés, la puissance aérienne n’a jamais réussi à percer le front allemand. En fait, de récents ouvrages savants, de plus en plus nombreux, cherchent à discréditer un certain nombre des allégations les plus exagérées concernant la supériorité aérienne des Alliés en Normandie.42 Pour leur part, les historiens de la force aérienne de la Deuxième Guerre mondiale ont tendance à mettre l’accent soit sur l’éternelle controverse au sujet de la campagne de bombardement stratégique, soit sur les glorieux jours de la bataille d’Angleterre. Bien qu’un certain nombre d’ouvrages de valeur aient été écrits (notamment ceux de Richard Hallion, 43 David Spires,44 W.A. Jacobs,45 et Benjamin Cooling46 ) avant que Ian Gooderson publie Air Power at the Battlefront,47 il y a eu peu d’analyses rigoureuses sur les effets précis de la puissance aérienne tactique. Aucune analyse bien définie des effets 55 d’actualité D+20 000 : la campagne de Normandie est toujours Captain John Grodzinski et alliés, car, pendant toute la campagne, Montgomery agissait comme commandant terrestre général des Forces alliées. Le débat porte principalement sur Caen, ville que les Alliés ont été incapables de capturer selon les plans prévus au jour J (en fait, sa capture a nécessité plus d’un mois) et sur la question de savoir si la campagne qui suivit s’est déroulée selon le « plan directeur » de Monty. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Le capitaine Paul Johnston de la puissance aérienne tactique alliée, notamment lors de la campagne de Normandie, n’a encore été effectuée. Pour ce faire, il faudrait consulter les dossiers de l’armée allemande afin de corroborer les effets réels des intentions et de la planification des missions alliées sur les unités allemandes. Bien qu’il soit clair que les Alliés ont harassé l’ennemi et retardé bon nombre de ses mouvements et de ses opérations d’approvisionnement, il est tout aussi évident que les Allemands ont pu déplacer de grosses forces blindées au moment et à l’endroit voulus – n’ont-ils pas, par exemple, déplacé quatre divisions de blindés dans le secteur américain en vue de tenter une contreattaque à Mortain. Les questions concernant les bombardiers stratégiques sont intimement liées aux effets de la puissance aérienne. Au début, les commandants supérieurs des forces de bombardement lourdes se sont fortement opposés à tout ce qu’ils jugeaient être une « diversion » par rapport aux attaques stratégiques contre l’Allemagne dans le cadre de l’opération OVERLORD. Convaincus que les bombardements stratégiques seuls pouvaient amener les Allemands à capituler, les plus ardents défenseurs des bombardements estimaient même qu’une invasion terrestre était inutile, voire même totalement irresponsable. Les forces de bombardement stratégiques n’ont été placées sous le commandement de Eisenhower que deux mois avant le jour J et, même à ce moment, elles n’abandonnèrent pas leur campagne contre l’Allemagne, ce qui suscita des désaccords sur les priorités. La version des tenants du bombardement est exposée dans les mémoires de Sir Arthur Harris48 et dans The Air Plan That Defeated Hitler49 écrit par le général de la Force aérienne des États-Unis Haywood S. Hansell Jr. Parmi les ouvrages savants plus récents, John Terraine traite la question assez à fond dans son enquête magistral sur la Royal Air Force au cours de la 56 Deuxième Guerre mondiale, The Right of the Line.50 Même lorsque la force aérienne s’est finalement engagée à participer à l’opération OVERLORD, les disputes n’ont pas cessé. La grande part des bombardements lourds pré-invasion visait à isoler la Normandie de façon à ralentir le mouvement des forces de réserve et des renforts allemands en direction de la zone de débarquement. Toutefois, il y eut une forte controverse au sujet du meilleur moyen d’atteindre un tel objectif – les bombardements devaient-il être concentrés sur les cours de triage ou dirigés contre les ponts et des sections de voies ferrées ? Solly Zuckerman, zoologiste de profession avant la guerre devenu expert en ciblage pendant la guerre, était en faveur du bombardement des cours de triage. Son autobiographie est peut-être la meilleure de celles ayant la guerre comme toile de fond 51 W.W. Rostow, dans PreInvasion Bombing Strategy52 , appuie l’argument favorisant le bombardement des ponts. Quant à Eisenhower, il a éventuellement appuyé le plan de bombardement des cours de triage. La question la plus controversée concernant le rôle des bombardiers lourds au cours de l’opération OVERLORD a été sans aucun doute leur utilisation éventuelle en appui direct des troupes d’attaque et le « carpetbombing » des positions allemandes sur le front. Ce pilonnage a dévasté Caen, et il y eut plusieurs incidents désastreux de largage trop court de bombes atteignant des troupes alliées. Le commandant de la 3e Division de l’infanterie canadienne, le major-général Keller, a été blessé dans un de ces incidents au début de l’opération TOTALIZE. La majorité des historiens en arrivent à la conclusion que les bombardiers lourds étaient mal adaptés au rôle d’appui rapproché.53 PRISONNIERS ET ATROCITÉS L’Armée canadienne en Normandie et les Waffen-SS (notamment, la 12e Division blindée SS « Hitler Jugend ») se sont livré la majorité des combats les plus féroces. Une animosité mutuelle, qu’on peut qualifier d’extrême pendant toute la campagne, semble s’être rapidement développée entre les Canadiens et les Waffen-SS. Les SS ont commis de nombreuses atrocités en Normandie dont la pire a été l’exécution de plusieurs prisonniers canadiens à l’abbaye Ardenne.54 Toute la question des crimes de guerre SS en Normandie fait l’objet d’un récent livre de Howard Margolian, ancien enquêteur de l’unité des crimes de guerre du ministère de la Justice du Canada 55 , Meeting of Generals56 . Il s’agit d’un compte rendu, impartial et de lecture très agréable, du procès d’après-guerre découlant de l’incident de l’abbaye Ardenne et de l’histoire vécue des participants des deux camps. Toutefois, les allusions occasionnelles et parfois même les accusations directes selon lesquelles des soldats canadiens auraient tué des prisonniers allemands57 , sont plus constables aux yeux des lecteurs canadiens. Bien que des soldats canadiens puissent avoir commis quelques crimes de guerre, il ne fait pas de doute que ces actes ont davantage caractérisé les Waffen-SS pendant toute la campagne, ces derniers ayant exécuté au total presque 150 prisonniers canadiens. Sans aucun doute la pire atrocité de la campagne a été perpétrée par la 2e Division blindée SS « Das Reich ». Son avance vers le front ayant été freinée par la résistance française, les soldats SS choisirent un petit village (Oradour sur Glane), y massacrèrent les quelque centaines d’habitants et brûlèrent complètement l’endroit en guise de rétribution et d’exemple.58 PÉNURIES D’EFFECTIF Les combats en Normandie figurent parmi les plus féroces et les plus intenses de l’histoire. L’éminent historien britannique, Correlli Barnett, compare la campagne de Normandie à Vol. 3, no. 1, printemps 2000 Dans son merveilleux ouvrage intitulé, Decision in Normandy, Carlo D’Este consacre un chapitre entier au « dilemme de l’effectif », laissant entendre que toute cette question n’était qu’un « mythe ». 60 D’Este conclut que le 21 e Groupe d’armées lui-même manquait désespérément de renforts de l’infanterie, mais, d’après lui, il y avait 100 000 fantassins de renfort disponibles dans les seules îles britanniques. L’auteur se demande alors pourquoi on ne les a pas immédiatement utilisés. Étaient-ils retenus par Churchill comme réserves dans les îles britanniques au cas où l’opération OVERLORD échouerait ? Question que se pose l’auteur. Il est certain qu’en 1940, c’est exactement pour cette raison que les chasseurs de la RAF n’ont pas été envoyés combattre en France. D’Este n’apporte pas de conclusions définitives et se contente de noter que les documents pertinents semblent être absents des archives. DÉSACCORDS AU NIVEAU DU COMMANDEMENT Bon nombre sinon toutes les controverses historiographiques mentionnées plus haut ont débuté entre écoles de pensée rivales au niveau des chefs supérieurs alliés eux-mêmes. En effet, toute la campagne a été marquée de débats tout aussi fréquents que virulents entre les commandants alliés. Cette facette de la campagne constitue le sujet de l’ouvrage The War Between the Generals 61 de David Irving, historien britannique non conformiste qui a un penchant pour la controverse.62 Montgomery, en particulier, semble avoir eu de la difficulté à s’entendre avec ses pairs. Ses rapports avec Eisenhower (qu’il semble considérer comme amateur sur le plan de la stratégie et du commandement opérationnel) constituent le thème principal du livre de Russell Weigley intitulé, Eisenhower’s Lieutenants.63 Éminent historien américain, Weigley est équitable dans ses propos, mais, on dénote chez lui une sympathie envers Eisenhower. Montgomery, dans ses mémoires, donne sa version des faits; mais, Hamilton, dans sa biographie, tient des propos assez acerbes au sujet des critiques de Monty. La discorde était tout particulièrement aiguë entre les commandants aériens supérieurs. Encore une fois, Montgomery ne s’entendait avec aucun d’eux, sauf peut-être le maréchal en chef de l’Air Sir Trafford Leigh-Mallory, commandant des forces aériennes du Corps expéditionnaire allié. Mais, même à propos de ce dernier, Monty a dit qu’il était un « couillon sans courage ».64 Une des critiques les plus acerbes de Montgomery a été dirigée contre le maréchal en chef de l’Air Sir Arthur Tedder, commandant suprême adjoint de Eisenhower, qui faisait pression auprès de Churchill pour obtenir la démission de Monty après l’opération GOODWOOD. 65 Mais, les commandants aériens supérieurs étaient eux-mêmes divisés entre eux, s’obstinant au sujet de leur chaîne de commandement et du bon emploi de la puissance aérienne tactique et stratégique considérable des Alliés. D’Este consacre également un chapitre entier à cette question.66 LE POINT DE VUE DES ALLEMANDS Il n’existe toujours pas un bon ouvrage historique de la campagne de Normandie, vue par les Allemands, qui serait aussi bien documenté à la source et qui analyserait la campagne aussi en profondeur que, disons, Decision in Normandy de Carlo D’Este ou que l’étude de Jack English sur l’Armée canadienne en Normandie. Presque toutes les études historiques de la campagne sont fondées sur une recherche minutieuse, plusieurs fois reprise, dans les archives alliées jusqu’au niveau des unités. En conséquence, la majorité des ouvrages riches et originaux sont consacrés aux questions décrites plus haut, c’est-àdire les querelles intestines entre les chefs supérieurs alliés, la ou les raisons du délai si long avant d’atteindre Caen et fermer la passe de Falaise et la valeur réelle des armées alliées. Un certain nombre de livres allemands, traduits en anglais, ont été publiés dans les années 50 et 60, mais il s’agit soit de mémoires, soit de répétitions de narrations semijournalistiques de la campagne plutôt que d’analyses fouillées. L’ouvrage de Paul Carell, Invasion 67 — récit populaire de la campagne inspiré de nombreuses entrevues personnelles s’apparentant au style du Jour le plus long de Cornélius Ryan — est tout particulièrement digne de mention. Il existe divers mémoires de participants de première main du côté allemand, y compris ceux du chef d’étatmajor de Rommel68 et de son conseiller 57 d’actualité D+20 000 : la campagne de Normandie est toujours Captain John Grodzinski « Passchendale plus les chars et la puissance aérienne. »59 Ces combats acharnés ont entraîné des pertes beaucoup plus élevées que prévu dans les rangs de l’infanterie alliée, donnant lieu à une pénurie critique de fantassins dans les armées britannique et du Commonwealth. Les Britanniques, affaiblies par leur énorme sacrifice consentie au cours de la Grande Guerre et leurs engagements à l’échelle mondiale, étaient très sensibles aux taux de pertes. La Première armée canadienne faisait également face à une pénurie de combattants en raison de la crise de la conscription au pays. Quelle importance cette pénurie a-elle eue ? On a invoqué que la pénurie d’effectif avait été un élément limitatif crucial dans les calculs de Montgomery lorsque ce dernier cherchait à atteindre Caen, puis à percer la ligne ennemie au-delà de cette ville. Nombre d’historiens estiment que cette pénurie est à la source de la décision peu conventionnelle, prise au cours de l’opération GOODWOOD, de tenter de percer les lignes ennemies à l’aide de divisions blindées plutôt que de divisions d’infanterie. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre naval et confident.69 Le chef d’étatmajor Von Rundstedt a écrit une biographie de son ancien commandant. 70 Les documents de Rommel lui-même — rassemblés par B. H. Liddel Hart — ont été publiés en 1953.71 Liddel Hart a également rédigé The Other Side of the Hill 72 , qui s’inspire de ses longues entrevues avec des généraux allemands capturés après la guerre. Le colonel Hans von Luck, qui a causé d’énormes difficultés au 21e Groupe d’armées, a également publié ses mémoires en anglais.73 Le capitaine Paul Johnston L’ouvrage intitulé, The Battle of Normandy: The Falaise Gap, de James Lucas et James Barker relate l’expérience d’un soldat allemand qui a participé à la campagne de Normandie. 74 L’étude classique et de haut calibre de Mathew Cooper, The German Army 1939194575 , qui porte sur l’ensemble de l’armée allemande, traite de la campagne de Normandie de façon assez détaillée. Plus récemment, Samuel Mitcham a rédigé une biographie de Rommel en Normandie76 , et l’officier de l’Armée britannique à la retraite Kenneth Macksey a rendu hommage à la puissance de combat des Waffen-SS en Normandie77 , mais ni l’un ni l’autre ne donne un aperçu de l’effort allemand pendant toute la campagne. Dans sa biographie de Rommel, Mitcham a un préjugé favorable envers son héros et s’inspire presque exclusivement de sources secondaires. Un ouvrage allemand qui revêt un intérêt particulier pour les Canadiens est l’histoire de la 12e Division SS — Jeunesse hitlérienne rédigée par Craig Luther. 78 « LE JOUR LE PLUS LONG » : ROMMEL AVAIT-IL RAISON ? Rommel et son rôle dans la planification de la campagne sont l’objet de la controverse peut-être la plus marquée du côté allemand. Dans les mois qui ont précédé le jour J, le haut commandement allemand était divisé au sujet de la bonne stratégie à adopter. Le vieux feld-maréchal von Rundstedt, 58 commandant général du front ouest, favorisait la méthode allemande traditionnelle d’une défense élastique en profondeur. Il voulait que les dispositifs de défense du mur de l’Atlantique qui se trouvaient là où les Allemands, quoiqu’ils fassent, n’arriveraient jamais à contenir entièrement le débarquement des Alliés, soient défendus par des unités statiques de seconde classe. Selon lui, il valait encore mieux garder le gros des forces allemandes — tout spécialement les troupes mobiles telles que les divisions blindées — en réserve au centre. Les Allemands pourraient alors contre-attaquer les forces alliées, une fois connu avec précision l’endroit où ces dernières débarqueraient en force. Après tout, la guerre de manœuvre était le point fort des Allemands. et une autre partie en réserve au centre — mais, sous son contrôle et non sous celui de von Rundstedt. Où les Allemands s’attendaient-ils que l’invasion ait lieu ? Question clé. Grâce à des scénarios de déception hautement efficaces (opération FORTITUDE), les Alliés avaient réussi à convaincre les Allemands — certainement von Rundstedt — que le débarquement aurait lieu au niveau de la partie la plus étroite du canal, c’est-à-dire au Pas de Calais.82 Si les blindés allemands étaient déployés à l’avant à cet endroit, ils seraient mal placés à la fois pour contreattaquer et pour constituer une réserve au centre. Même après le jour J, bon nombre des chefs supérieurs allemands demeuraient convaincus que le débarquement de Normandie n’était qu’une ruse et que l’invasion réelle aurait lieu au Pas de Calais. Cave ab homine unius libri, « Craignez l’homme d’un seul livre ». L’autre question clé dans ce débat reste, évidemment, l’efficacité réelle de la puissance aérienne alliée qui, comme nous l’avons vu, fait l’objet d’un nouvel examen. L’historien britannique David Fraser, pour sa part, adopte la position intermédiaire raisonnable suivante: « Rommel avait vu juste en prévoyant que le mouvement des blindés allemands serait retardé et bloqué par la puissance aérienne alliée, mais il avait eu tort de supposer que ce mouvement était impossible. »83 — Proverbe latin Par contre, Rommel, commandant le groupe d’armées B, préconisait la mise en place d’une défense avancée sur les plages mêmes. Il croyait que, face à la puissance aérienne alliée, les Allemands seraient incapables de manœuvrer avec succès d’importantes forces, et l’issue de la bataille se jouerait sur les plages.79 Il préconisait donc une disposition des forces allemandes tout à fait contraire à celle de von Rundstedt — le déploiement avancé des divisions mobiles et blindées, juste derrière les plages où auraient probablement lieu l’invasion80 . Qui avait raison et qui avait tort ? La question est encore débattue. Quoi qu’il en soit, ni Rommel ni von Rundstedt n’ont obtenu gain de cause81 . La dispute aboutit sur le bureau de Hitler qui opta pour un compromis: il plaça une partie des forces blindées sous le commandement de Rommel à titre de réserves immédiates MÉMOIRES ET ANNALES DES UNITÉS Il ne faudrait pas oublier évidemment qu’en bout de ligne, la campagne a été menée et gagnée sur le terrain par des hommes en chair et en os et non pas par des flèches tracées sur des cartes ou des abstractions opérationnelles et stratégiques. Des mémoires, des biographies et des récits personnels des combats, souvent trouvés dans les annales des unités, sont d’excellentes sources d’information sur le climat qui régnait alors en Normandie. Malheureusement, il ne reste que peu de biographies et encore moins de mémoires des commandants supérieurs canadiens qui ont participé à la campagne. Cela reflète peut-être en partie ce que J. L. Granatstein appelait leur manque de « relief ou de couleur ». Le premier commandant de l’Armée canadienne, H. D. G. Crerar, n’a pas laissé de mémoires et n’a pas encore de biographe. 84 Le commandant du IIe Corps d’armée canadien, Guy Simmonds, a suscité plus d’intérêt et est tenu généralement en haute estime. Dominick Graham a rédigé sa biographie. 85 George Kitching, commandant de la 4e Division blindée canadienne au cours de la campagne de Normandie, est l’un des seuls à avoir écrit ses mémoires. 86 Une importante étude du corps des officiers généraux du Canada au cours de toute la guerre est de celle de Granatstein, The Generals. 87 Parmi les récents mémoires dignes de mention qui donnent un aperçu de la guerre vue par des Canadiens qui ont connu le feu du combat, il y a The Guns of Normandy 8 8 de George Blackburn et tout particulièrement Battle Diary 89 de C.C. Martin. Ce dernier était sergent-major de compagnie dans le Queen’s Own Rifles of Canada. Il faut mentionner également l’ouvrage obsédant de Donald Pearce, Journal of a War90 et celui de Fred Cederberg, The Long Road Home. 91 David Clark a écrit un roman ayant pour toile de fond la campagne de Normandie et, plus particulièrment, l’attaque désastreuse contre la crête de Verrières. 92 Les questions décrites plus haut ne sont pas de pures disputes théoriques entre intellectuels dans leur tour d’ivoire. Elles continuent de soulever des émotions. À preuve la controverse au sujet de l’épisode sur la campagne de Normandie présentée dans le cadre de la mini série de la Société Radio-Canada, La bravoure et le mépris. Cette épisode télévisée a soulevé de violentes protestations, a suscité une enquête de la part de l’ombudsman de la SRC, suivie d’une enquête, celle-là officielle, du Sénat Alléguant qu’ils révélaient la « vraie histoire pour la première fois », les frères McKenna, qui ont produit la série, ont souligné ce qui, à leurs yeux, relevait de l’incompétence militaire canadienne en Normandie. Bien que La bravoure et le mépris soit plutôt une chronique historique confuse et de faible valeur, la grande ironie est que (comme il a été mentionné précédemment) le rendement militaire des Alliés et tout particulièrement celui des Canadiens en Normandie alimente la principale controverse entre historiens militaires. Les difficultés de la campagne de Normandie ont peut- être été une révélation pour les frères McKenna, mais cela ne signifie pas pour autant que leur récit faisait la lumière « pour la première fois » sur cette situation. En fait, cette histoire souligne l’importance de comprendre les débats historiques lorsqu’on lit des documents sur les grands combats qui ont eu lieu au cours de cet été normand93 . Le consensus sur ces questions n’est pas encore réalisé; par conséquent, presque n’importe quel ouvrage qui porte sur la campagne de Normandie est issu d’une école de pensée distincte. Il n’y a pas encore d’ouvrage « neutre » ou « objectif » sur la campagne. À défaut de comprendre cela, on risque d’aboutir non seulement à des accrocs embarrassants comme l’épisode de La bravoure et le mépris des frères McKenna, mais également à des malentendus encore plus profonds. Ceux qui veulent étudier l’histoire militaire – tout spécialement, les militaires professionnels en service actif – auraient avantage à ne pas perdre de vue l’essentiel du débat avant d’ouvrir un livre quel qu’il soit. À propos de l’auteur . . . Le capitaine Paul Johnston a terminé un baccalauréat spécialisé en études militaires et stratégiques au Royal Roads Military College et une maîtrise en études de guerre au Collège militaire royal du Canada. Sa thèse de maîtrise portait sur l’étude de la puissance aérienne tactique au cours de la bataille de Normandie. Le capitaine Johnston est un officier du Renseignement qui a servi notamment au sein d’un escadron d’appui tactique de CF-18 en Allemagne et au quartier général de la force interarmées à Kingston. Pendant son affectation en Europe, il a profité de l’occasion pour visiter à trois reprises les champs de bataille de Normandie. Le capitaine Johnston travaille actuellement au quartier général de la Défense nationale. 59 d’actualité D+20 000 : la campagne de Normandie est toujours Captain John Grodzinski Vol. 3, no. 1, printemps 2000 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre NOTES 1 John Keegan, The Battle for History, Re-Fighting World War Two, Toronto, Vintage Books, 1995, p. 30. 2 Chester Wilmot, The Struggle for Europe, London, Collins, 1954. 3 Voir, par exemple, John Keegan, The Battle for History. 4 Gordon A. Harrison Cross-Channel Attack, Washington, Dept of the Army, 1961. 5 Martin Blumenson, Breakout and Pursuit, United States Army in World War II, The European Theatre of Operations, Washington, Dept of the Army, 1961. 6 Lionel F. Ellis, Victory in the West Vol I The Battle of Normandy, London, HMSO, 1962. 28 John Balkoski, Beyond the Beachhead, The 29th Infantry Division in Normandy, Stackpole Books, 1999. 29 Pour avoir une idée de son école de pensée, voir Terry Copp “From the Editor” dans Canadian Military History 7, 4, automne 1998. 30 Dans Il faut sauver le soldat Ryan, on y fait allusion lorsqu’un des protagonistes déclare: « La réputation de ce gars est surfaite. » (Traduction libre) 31 “Normandy to the Baltic”, Journal of the RUSI, novembre 1945. 7 C.P. Stacey, Official History of the Canadian Army in the Second World War, Volume III, The Victory Campaign, The Operations in North-West Europe, 1944-1945, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1966. 32 B.L. Montgomery, The Memoirs of Field Marshal The Viscount Montgomery of Alamein, K.G., Cleveland, Ohio, World Publishing, 1958. 8 Ralph Bennett, ULTRA in the West, The Normandy Campaign 1944-45, New York, Charles Scribner’s Sons, 1979. 33 David Belcham, Victory in Normandy, London, Chatto & Windus, 1982. 9 P.W. Winterbotham, The Ultra Secret, London, 1974. 34 Nigel Hamilton, Monty, Master of the Battlefield, London, Hamish Hamilton, 1986. 10 Bennett, Ultra in the West, p 119, « Il ne semble pas y avoir d’autorisation Ultra relativement à un certain nombre de ses [Winterbotham] énoncés. » 11 John Keegan, Six armées en Normandie, Paris, Albin Michel, 1984. 12 Max Hastings, OVERLORD, D-Day and the Battle for Normandy, 1944, London, Pan, 1984. 35 English, Failure in High Command, p. 305. 36 C.P. Stacey, The Victory Campagain, p. 276. 37 Ken Tout, A Fine Night for Tanks, The Road to Falaise, Sutton Publishing, 1998. 13 Cornelius Ryan, Le jour le plus long, éditions Laffont, 1994. 38 Voir son article « Canadian Armour in Normandy, Operation ‘Totalize’ and the Quest for Operational Manœuvre », Canadian Military History 7, 2, Printemps, 1998. 14 Stephen Ambrose, D-Day June 6, 1944, The Climactic Battle of World War II, New York, Simon & Schuster, 1994. 39 Chester Wilmot, The Struggle for Europe, London, Collins, 1954, p. 289. 15 John English, The Canadian Army in the Normandy Campaign, A Failure in High Command, New York, Praeger, 1991. 16 J.L. Granatstein and Desmond Morton, Bloody Victory, Canadians and the D-Day Campaign, 1944, Toronto, Lester and Orpen Dennys, 1984. 40 Ce message est cité dans Chester Wilmot, The Struggle for Europe, p. 313, et maintes fois repris, par exemple dans l’important historique de la RAF au cours de la Deuxième Guerre mondiale rédigé par John Terraine, The Right of the Line, London, Hodder and Stoughton, 1985, p. 637. 17 Terry Copp and Robert Vogel, Maple Leaf Route, Caen and Maple Leaf Route, Falaise, Alma, Ont, Maple Leaf Route, 1983. 41 Max Hastings, OVERLORD, D-Day and the Battle for Normandy, London, Michael Joseph, 1984, p. 266. 18 Carlo d’Este, Decision in Normandy, London, William Collins Sons & Co. Ltd., 1983. 20 John Ellis, Brute Force, , London, Andre Deutsch Limited, 1990. 42 Par exemple, un chapitre de Air Power at the Battlefront, Allied Close Air Support in Europe 1943-45 de Gooderson est intitulé: « Allied Fighter-Bombers Versus German Armoured Forces, Myths and Realities », p. 103-124. Voir aussi, « Anglo-Canadian Tactical Air Power in Normandy, A Reassessment », exposé de 1987 au American Military Institute, Virginie, par Terry Copp et Robert Vogel. 21 Trevor N. Dupuy, A Genius for War, The German Army and the General Staff, 1807-1945, New York, Prentice Hall, 1977, p. 4. 43 Richard Hallion, Strike From the Sky, The History of Battlefield Air Attack 1911-1945, Washington, Smithsonian Institution Press, 1989. 22 Martin van Creveld, Fighting Power, German and US Army Performance 1939-1945, Westport, Greenwood Press, 1982. 44 David Spires, Air Power for Patton’s Army, The XIX Tactical Air Command in the Second World War, à paraître. 23 Allan Millet et Williamson Murray, rédacteurs, Military Effectiveness. Volume trois, The Second World War, Boston, Allen and Unwin, 1988. 45 W.A. Jacobs « Air Support for the British Army, 1939-1943 », Military Affairs XLVI, 4 décembre 1982, p. 197-182; « Tactical Air Doctrine and AAF Close Air Support in the European Theater, 19441945 », Aerospace Historian 27, 1er mars 1980; « The Battle for France », chapitre 6 dans Case Studies in the Development of Close Air Support, rédigé par B.F. Cooling, Washington, Office of Air Force History, 1990. 19 OVERLORD, D-Day and the Battle for Normandy, London, Michael Joseph, 1984, p 12. Le capitaine Paul Johnston 27 Stephen E. Ambrose, Citizen Soldiers : The US Army from the Normandy Beaches to the Bulge to the Surrender of Germany, 7 juin 1944 – 7 mai 1945 (New York : Simon & Schuster, 1997). 24 C.P. Stacey, The Victory Campaign, p. 274. 25 Ibid, p. 275. 26 Dupuy, A Genius for War, p. 234-6. 60 Vol. 3, no. 1, printemps 2000 47 Ian Gooderson, Air Power at the Battlefront, Allied Close Air Support in Europe 1943-45, London, Frank Cass, 1998. 71 Basil Liddell Hart rédateur, The Rommel Papers, New York, Harcourt, Brace, 1953. 72 Basil Liddell Hart, The Other Side of the Hill, London, éditeur et date de publication inconnus. 48 Sir Arthur Harris, Bomber Offensive, London, Collins, 1947. 73 Hans von Luck, Panzer Commander, The Memoirs of Colonel Hans von Luck, New York, Dell, 1989. 49 Haywood S. Hansell Jr., The Air Plan That Defeated Hitler, Atlanta, Georgia, Higgins-McArthur, 1972. 74 James Lucas et James Barker, The Battle of Normandy, The Falaise Gap, New York, Holmes & Meier, 1978. 50 John Terraine, The Right of the Line, The Royal Air Force in the European War, 1939-1945, London, Hodder & Stoughton, 1985. 75 Matthew Cooper, The German Army 1939-1945, Its Political and Military Failure, London, Macdonald and Janes, 1978. 51 See Solly Zuckerman, From Apes to Warlords, New York, Harper & Row, 1978. 76 Samuel W, Mitcham, Jr., The Desert Fox in Normandy, Rommel’s Defense of Fortress Europe, Westport, Praeger, 1997. 52 Walt W. Rostow, Pre-Invasion Bombing Strategy, General Eisenhower’s Decision of March 25, 1944, Austin, University of Texas Press, 1981. 77 Michael Reynolds, Steel Inferno, 1st SS Panzer Corps in Normandy, New York, Sarpedon, 1997. 53 Gooderson consacre un chapitre de son ouvrage intitulé, Air Power at the Battlefront, pour en arriver à cette conclusion. 54 Ian J. Campbell, Murder at the Abbaye, Ottawa, Golden Dog Press, 1996. 55 Howard Margolian, Conduct Unbecoming, The Story of the Murder of Canadian Prisoners of War in Normandy, Toronto, University of Toronto Press, 1998. 56 Tony Foster, Meeting of Generals, Toronto, Methuen, 1986. 57 Voir, par exemple, Bill McAndrew « The Canadians of Verrières Ridge », dans The Valour and the Horror Revisited, rédigé par D. Bercuson et S.F. Wise, Montréal et Kingston, McGill-Queens University Press, 1994, p. 145. 58 Voir Max Hastings, Das Reich, The March of the 2nd SS Panzer Division through France, New York, Rinehart and Winston, 1982. 59 Corelli Barnett, Britain and Her Army, London, éditeur et date de publication inconnus. 60 D’Este, Decision in Normandy, p. 270. 61 David Irving, The War Between the Generals, London, St Martins Press, 1981. 62 Il soutient également, par exemple, que Hitler n’a pas ordonné l’holocauste et qu’il n’était pas au courant de l’holocauste. 63 Russell F. Weigley, Eisenhower’s Lieutenants, The Campaigns of France and Germany, 1944-1945. 64 Cité dans D’Este, Decision in Normandy, p. 166. 65 Voir les mémoires de Tedder, With Prejudice, The War Memoirs of Marshal of the Royal Air Force Lord Tedder, Boston, Little, Brown, 1966. Hamilton, biographe de Montgomery, a écrit au sujet de cet incident que « c’était un des comportements les plus répréhensibles de la part d’un commandant allié supérieur dans l’histoire de la guerre moderne. » 66 D’Este, Decision in Normandy, Chapter 13, « The Air Chiefs ». 67 Paul Karl Carrell, Invasion—They’re Coming! The German Account of the Allied Landings and the 80 Days Battle for France, London, Harrap, 1962. 68 Hans Speidel, We Defended Normandy, London, publisher unknown, 1951. 69 Friedrich Ruge, Rommel in Normandy, San Rafael, Presidio Press, 1979. 70 Gunther Blumentritt, Von Rundstedt, The Soldier and the Man, London, Oldhams, 1952. 78 Craig Luther, Blood and Honor, The History of the 12 SS Panzer Division “Hitler Youth”, 1943-1945, San Jose, R. James Bender, 1987. 79 C’est pourquoi il a fait la célèbre déclaration que le jour de l’invation serait le « jour le plus long », car il déterminera qui remportera ou perdra la guerre. 80 Cette allégation a été faite après la guerre par, entre autres, Friedrich Ruge dans Rommel in Normandy, et a été reprise maintes fois ailleurs. 81 Matthew Cooper dans The German Army 1933-1945 estime qu’étant donné que ni von Rundstedt ni Rommel n’ont obtenu ce qu’ils préconisaient, il est « maintenant impossible de dire » (p. 499) lequel des deux avait raison. 82 Voir Jock Haswell, The Intelligence and Deception of the D-Day Landings, London, B.T. Batsford, 1979. 83 David Fraser, And We Shall Shock Them, The British Army in the Second World War, London, Hodder & Stoughton, 1983, p. 328. L’éminent historien américain de la puissance aérienne Richard Hallion observe qu’il y a deux écoles de pensée concernant la puissance aérienne tactique: il y a ceux qui croient que cette dernière a eu peu d’effets sur la campagne terrestre et ceux qui estiment qu’elle fut décisive – alors qu’en fait, la vérité se situé quelque part à mi-chemin. Strike From the Sky, p. 2. 84 Paul Dickson a complété une thèse de doctorat sur Crerar à l’Université de Guelph en 1993. 85 Dominick Graham, The Price of Command, A Biography of General Guy Simmonds, Toronto, Stoddart, 1993. 86 George Kitching, Mud and Green Fields, The Memoirs of MajorGeneral George Kitching, St Catharines, Ont, Vanwell Publishing, 1993. 87 J.L. Granatstein, The Generals, The Canadian Army’s Senior Commanders in the Second World War, Toronto, Stoddart, 1993. 88 George Blackburn, The Guns of Normandy, A Soldier’s Eye View, France 1944, Toronto, McCelland & Stewart, 1995. 89 C.C. Martin, en collaboration avec Roy Whitsed, Battle Diary, From D-Day and Normandy to the Zuider Zee and VE, Toronto, Dundurn Press, 1994. 90 Donald Pearce, Journal of a War, North-West Europe, 1944-1945, Toronto, Macmillan, 1965. 91 Fred Cederberg, The Long Road Home, Toronto, General Publishing, 1984. 92 David Clark, The Ridge, Burnstown, Ont, General Store Publishing, 1994. 93 Pour obtenir un excellent aperçu de la controverse entourant la série La bravoure et le mépris , voir David Bercuson et S.F. Wise, The Valour and the Horror Revisited, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 1994. 61 d’actualité D+20 000 : la campagne de Normandie est toujours Captain John Grodzinski 46 Benjamin Franklin Cooling editor, Case Studies in the Development of Close Air Support, Washington, D.C., Office of Air Force History, 1990. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre LE LEOPARD AU KOSOVO VÉHICULE BLINDÉ DE COMBAT IDÉAL? Le capitaine Don Senft L Le capitaine Don Senft ’année 1999 a constitué une période importante pour l’avenir du Corps blindé royal canadien (CBRC). En effet, les points abordés lors de réunions et de séances de planification cruciales tenues afin de tracer l’avenir de l’Armée de terre du Canada ont nécessairement des répercussions sur le CRBC. Bien souvent, le débat a porté sur le véhicule de remplacement du char principal de combat (CCP) : le très attendu véhicule blindé de combat (VBC). Il s’avérera difficile d’établir la nature et le rôle de ce véhicule. La question comporte de toute évidence deux points de vue sur l’utilisation possible du VBC comme véhicule polyvalent de combat et dans les opérations de paix. Les deux points de vue sont bien documentés et ont fait l’objet d’un bon nombre d’études, de débats et même de simulations. Les partisans du VBC à roues équipé d’un canon de 105 mm ont étayé leurs arguments en illustrant le potentiel du véhicule à roues dans des opérations de paix, ce qui est de toute évidence devenu le centre d’intérêt de toutes les armées du monde. Ils ont ajouté qu’un VBC à roues convient à merveille à ce genre d’opération et qu’avec sa puissance de feu et sa souplesse, il pourrait aussi faire face à la menace conventionnelle sur le champ de bataille, malgré sa protection réduite par comparaison avec celle du char. Selon eux, le char est un véhicule préhistorique conçu pour les vastes champs de bataille de la guerre mécanisée et il n’a pas sa place dans des opérations de paix en raison de sa taille et de son poids. En effet, il ne posséderait pas la souplesse voulue pour fonctionner efficacement en temps de guerre et dans des opérations de paix. On n’a cependant jamais vérifié réellement ces théories et 62 ces études, pas plus qu’on a validé les simulations qui ont été réalisées, du moins jusqu’à maintenant. J’ai récemment eu la chance de travailler comme conseiller Arme blindée auprès du groupement tactique (GT) du 1er bataillon, Princess Patricia’s Canadian Light Infantry (1 PPCLI) au Kosovo, à l’occasion de l’opération Kinetic, et de superviser la première affectation du char Leopard à un rôle de rétablissement de la paix. Je suis maintenant en mesure de réfuter catégoriquement bon nombre des arguments présentés à l’appui du VBC à roues sur la base de mes propres constatations relativement au fonctionnement du Leopard et à l’efficacité du VBC à roues, plus précisément le Centaure italien, dans le contexte opérationnel donné. Je vais insister sur les caractéristiques du Leopard qui conviennent si bien à ce nouveau rôle et renvoyer à ce que j’ai appris à observer les Italiens et leur façon d’utiliser le Centaure. Je veux démontrer clairement que notre vénérable Leopard, après avoir fait ses preuves au combat, constitue un remarquable instrument de maintien de la paix et qu’il représente en fait le VBC de l’avenir pour le Corps. Dans la description que je ferai du potentiel du Leopard dans ce nouvel éventail de conflits de faible intensité, je vais insister sur les caractéristiques du char afin de montrer comment sa mobilité, sa protection, sa souplesse et sa puissance de feu lui ont permis de connaître un succès sans précédent à l’appui de l’opération Kinetic. Une fois que j’aurai expliqué comment le Leopard a excellé au regard de chacun de ces aspects, force sera d’admettre qu’il peut sans contredit atteindre et même dépasser toutes les normes établies pour les opérations de maintien de la paix. Vol. 3, no. 1, printemps 2000 La KFOR comptait une très imposante force multinationale de chars, déployée au Kosovo afin de contrer la menace blindée que posait l’armée serbe (VJ), dotée pour sa part de chars M-84 et de T-55. Au nombre des chars de l’OTAN sur place, mentionnons le Leopard 2A5 allemand, le Challenger 1 britannique, le Leopard 1A4 danois, le Leopard 1C1 canadien, le Leopard 1A5 italien, le M1A1 américain et le Leclerc français. Comme la plupart des blindés de la VJ étaient parvenus à échapper aux attaques aériennes de l’OTAN et à fuir en Serbie, on retrouvait le long de la frontière de la Serbie et du Kosovo une très imposante et puissante menace blindée capable d’intervenir en terrain connu et à très bref préavis. La force blindée de l’OTAN était déployée dans le but de dissuader la VJ, avec ses puissantes brigades blindées en tête, de réintégrer les lieux. Certains des contingents de l’OTAN avaient choisi de centraliser leurs blindés en une réserve qui se déploierait seulement en cas de besoin. Le Canada, le Danemark et l’Italie avaient pour leur part décidé de déployer leurs chars normalement, à l’appui de la mission. C’est ainsi qu’ils ont pu démontrer l’efficacité du char dans un tel rôle tout en conservant la force de dissuasion indispensable au maintien de la stabilité dans la région. Les Leopard du Strathcona attribués au GT du 1 PPCLI étaient utilisés comme des ressources du GT, au même titre que les autres pelotons d’appui du bataillon, par exemple, les pelotons antiblindés et de reco. Au départ, la troupe de Leopard avait sa propre zone de responsabilité (ZR) dans le village serbe de Kuzmin, à l’intérieur des limites de la zone du GT. Au milieu de la période d’affectation, à la suite de modifications apportées aux limites du GT, la troupe de Leopard a réintégré le camp principal du GT, continuant cependant de fonctionner comme si elle avait le contrôle de sa propre ZR. Elle a travaillé d’un bout à l’autre de la ZR du GT, contrôlant ses opérations par l’entremise de son propre poste de commandement (PC), qui formait une station subordonnée du réseau de commandement principal du GT. La mission consistait à fournir au GT un potentiel de projection et de protection de la force. Au nombre des tâches quotidiennes à exécuter, mentionnons les patrouilles motorisées, les points de contrôle de véhicules, l’appui aux opérations de cordon et de fouille, la défense du camp principal ainsi que la planification et l’appui d’une multitude de plans de contingence. Au cours de cette mission, les chars ont parcouru près de 3 500 km chacun et se sont révélés fiables. Ils ont fourni un très bon rendement dans le théâtre d’opérations, ce qui a permis de confirmer plusieurs points considérés essentiels à l’égard de ce nouveau rôle et de clairement démontrer l’utilité du Leopard dans des missions de paix. MOBILITÉ Je vais tout d’abord vous parler de la caractéristique qui distingue le Leopard de ses homologues dans le théâtre. Le Leopard a fait sa marque dans plusieurs domaines clés. On retrouvait dans le théâtre bien des chars qui pesaient plus de 80 tonnes une fois dotés de blindage additionnel. Par exemple, le Challenger tel qu’il a été employé au Kosovo pesait 82 tonnes et il était presque cinq pieds plus large que le Leopard. Des CCP de cette taille auraient pu convenir dans les plaines onduleuses du bassin de Podujevo, mais à mesure que la mission avançait, nombre de ces chars lourds et encombrants se sont hélas avérés impossibles à adapter aux contraintes de la mission et ont dû être laissés de côté pour former une force de contingence. Le Leopard C1 pouvait cependant très bien remplir les deux rôles. Doté de plaques de blindage additionnel externes et de la combinaison reconnue et fiable Système de conduite de tir (SCT) amélioré/ canon de 105 mm, le Leopard aurait facilement pu tenir le coup dans un combat de chars. Lorsque la mission est devenue une opération de soutien de la paix, le Leopard a facilement effectué la transition à ce nouveau rôle. Le Leopard C1est un char moyen et même avec le blindage additionnel il ne pèse que 47 tonnes. Il a donc pu se rendre dans des zones du Kosovo que la plupart des chars britanniques, français et allemands n’ont pu atteindre. Par exemple, la majorité des ponts du Kosovo ont une capacité de 50 tonnes ou moins. De plus, les routes de montagne sont souvent traversées par des ponceaux de 63 combat idéal? Le Leopard au Kosovo — Véhicule blindé de Captain John Grodzinski CONTEXTE Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Le capitaine Don Senft béton capables de supporter le poids du Leopard, mais pas celui d’un char plus lourd. Les chars canadiens ont donc pu aller dans des zones où il fallait procéder à une démonstration de force pour favoriser le rétablissement de la paix sans pour autant endommager les routes au point où la population locale n’aurait plus pu les emprunter. Le Leopard C1est également relativement petit. Au Kosovo, la campagne est parsemée de petits villages où la plupart des routes sont bordées de murs de briques et de pierres qui les rendent très étroites. Les CCP plus volumineux devaient éviter ces régions, ou alors s’y frayer un passage, causant de lourds dommages aux maisons. Le Leopard parvenait quant à lui s’y rendre sans difficulté. Il pouvait en conséquence parcourir une zone de patrouille beaucoup plus étendue que celle des autres chars et être affecté au cordon intérieur ou extérieur de nombreuses opérations menées dans le théâtre. Capable d’effectuer des virages-pivots et de s’extraire de lieux exigus, le Leopard pouvait se retirer sans avoir à faire marche arrière sur de longues distances ou à effectuer des virages en plusieurs mouvements lorsqu’il empruntait des routes secondaires destinées aux patrouilles. Aussi, même si la ZR canadienne couvrait presque 1 000 kilomètres carrés, le fait que le Leopard était en mesure de circuler sur des routes principales sans perturber la circulation permettait une intervention rapide partout dans la zone. Par contre, les chars plus gros qui empruntaient ces routes essentielles entravaient considérablement non seulement les déplacements des populations locales, mais aussi ceux, indispensables, des convois de la KFOR qui comptaient sur ces routes pour effectuer le réapprovisionnement. Le fait que le Leopard est un VBC chenillé pèse également dans la balance. Avec le début de la saison des pluies, plusieurs routes sont devenues tout à fait impraticables et dangereuses pour les véhicules à roues. Seuls les chars ou 64 d’autres véhicules chenillés du GT pouvaient encore emprunter certains des itinéraires de patrouille essentiels qui menaient à des villages de montagne isolés. Nous n’avons rencontré aucune situation qui ait immobilisé le Leopard. Une analyse de l’expérience des Italiens avec le Centaure au cours de la même période a révélé plusieurs facteurs clés. Le commandant italien a souligné que lorsque les routes étaient glissantes en raison de la température, le véhicule ne pouvait plus circuler puisque son poids et la traction limitée fournie par les huit roues réduisaient de presque 60 pour cent sa zone d’influence. En outre, le rayon de braquage important du véhicule rendait très difficile la sortie des petites rues étroites et des routes de montagne si nombreuses dans la ZR des Italiens, autour de la ville de Pec. Le véhicule travaillait bien pendant les mois d’été, mais dès l’arrivée de l’hiver, les Italiens ont dû le remplacer par le Leopard 1A5 sur de nombreux itinéraires et dans de nombreuses zones de responsabilité. Il est intéressant de mentionner ici l’argument selon lequel le VBC à roues possède une bien meilleure mobilité stratégique que le Leopard. Le Centaure déployé dans le théâtre était équipé de blindage additionnel de niveau 3 et pesait juste un peu plus de 32 tonnes. Il a donc fallu un grand aéronef comme le C-5 ou le C-17 pour transporter le véhicule italien, à savoir le même aéronef que pour le Leopard. Dans ce cas du moins, le Centaure ne présentait aucun avantage sur le Leopard au chapitre du transport stratégique. De toute évidence, en ce qui a trait à la mobilité au Kosovo, le Leopard règne en maître absolu. PROTECTION De tous les véhicules déployés au sein du GT du 1 PPCLI, aucun ne pouvait offrir un niveau de protection comparable à celui du Leopard. Avec ses plaques de blindage additionnel externes, le Leopard pouvait résister à toute la panoplie d’armes antichars susceptibles d’être utilisées. Les anciennes factions belligérantes au Kosovo ont l’habitude d’utiliser des grenades propulsées par fusée ainsi que plusieurs modèles et adaptations du vieux « bazooka ». La VJ est dotée du char M84 muni d’un canon de 125 mm ainsi que du T55 dont l’arme principale est de 100 mm. Le véhicule de combat de l’infanterie que les forces de la VJ privilégient est le M80 ou le M80A équipé du canon automatique de 20 mm. Le Leopard était le seul véhicule du GT capable de faire face à n’importe laquelle de ces menaces et susceptible de résister à un tir direct. Le blindage additionnel procurait une protection sensiblement améliorée à l’équipage, et cela en ajoutant très peu de poids au véhicule. On a donc souvent eu recours au Leopard dans des opérations où l’on craignait l’utilisation d’armes antichars. Le blindage additionnel augmentait en outre la confiance de l’équipage en la capacité du véhicule de résister à un tir direct, ce qui lui permettait d’utiliser le véhicule de façon plus combative1 . De plus, grâce au Leopard, le GT jouissait d’une capacité exclusive à utiliser des charrues et des rouleaux pour dégager et protéger rapidement de vastes secteurs. Il était le seul véhicule du GT à pouvoir le faire. S’il avait été appelé à mettre en œuvre l’un ou l’autre des plans de contingence destinés à contrer des incursions de la VJ, cette capacité aurait permis au GT d’atteindre et d’occuper ses positions défensives aménagées dans les zones très minées situées au nord de Pristina. Un VBC à roues ne pouvait pas fournir cet appui. En matière de protection, le concept modulaire associé au Leopard peut être appliqué à un VBC à roues comme le Centaure. Tel qu’il a précédemment été expliqué, le Centaure, dont le poids de combat habituel est de 25 tonnes, en pesait presque 32 avec le blindage de niveau 3 qu’il a fallu lui ajouter pour lui permettre de faire face à la menace de la VJ. Ce surplus de protection et de poids a considérablement entravé sa capacité de déplacement tous terrains et a nuit à sa mobilité. Le Leopard avec blindage additionnel était quant à lui très mobile et très bien protégé. une menace de haute intensité, notamment à une incursion de la VJ. L’appui-feu indirect faisait sévèrement défaut; la zone de la brigade britannique ne contenait que six canons automoteurs. Avec son canon de 105 mm, le Leopard aurait donc pu servir aussi pour le tir semiindirect ou indirect. Comme le Leopard C1 compte au nombre des rares chars dans le monde à posséder encore des instruments de pointage du canon (clinomètre et indicateur de pointage en azimut), nous avions la souplesse nécessaire pour remplir ce rôle, si le pire des scénarios s’était produit. Les équipages avaient répété les drills établis afin d’être prêts à intervenir. De plus, comme le char transporte encore des obus fumigènes au phosphore blanc (WP) et des explosifs brisants à ogive plastique (HESH), il était tout indiqué pour fournir un appui-feu indirect ou semi-indirect à l’infanterie. d’appui-feu indirect pour plutôt compter largement sur la force aérienne en cas d’un assaut d’importance de la part de la Serbie. Les mitrailleuses coaxiale et antiaérienne du Leopard permettaient de réagir en fonction de la menace, le chef de char ayant la capacité de riposter par un tir des plus précis et des plus efficaces à une menace de moindre envergure. Du fait que les mitrailleuses coaxiales étaient reliées au SCT amélioré du Leopard, le chef de char pouvait être assuré que seul l’objectif identifié était neutralisé, ce qui éliminait les risques de pertes et de dommages indirects. Doté de ces deux systèmes de tir précis, le Leopard convenait bien au genre d’opération en cours. Ses mitrailleuses constituaient le système d’arme principal pour les opérations courantes, alors que le canon de 105 mm était placé en réserve, pour le cas où la situation tactique dans le théâtre se détériorerait. La plupart des autres chars déployés dans le théâtre étaient exclusivement munis d’obus explosifs brisants antichars (HEAT) ou de munitions à sabot conçus pour détruire les véhicules ennemis, ce qui limitait leur capacité de participer à des opérations non conventionnelles. L’OTAN avait limité ses ressources Finalement, le système de visée du char constituait peut-être notre talon d’Achille puisqu’en raison de l’absence d’un système d’imagerie thermique, nous étions vraiment désavantagés. Avec l’actuel système de conduite de tir nocturne, notre potentiel d’acquisition d’objectif et de surveillance de nuit était PUISSANCE DE FEU Il est évident que les chars constituaient la « force de frappe » de la KFOR. Les canons de 105 mm et de 120 mm des chars constituaient la plus importante puissance de feu permettant de réagir à 65 combat idéal? Le Leopard au Kosovo — Véhicule blindé de Captain John Grodzinski Vol. 3, no. 1, printemps 2000 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre PCV avec leur char Leclerc, doté d’un équipage moins nombreux et d’un chargeur automatique, ils ont dû utiliser un véhicule B pour transporter du personnel additionnel aux points de vérification. Toute réduction de l’équipage canadien actuel de quatre hommes viendrait diminuer considérablement cette souplesse. Les chars ont aussi été appelés à former régulièrement des cordons lors de nombreuses fouilles effectuées dans le théâtre. On a encore une fois mis à profit leur présence dominante en les utilisant pour former des cordons extérieurs et bloquer tout accès à la zone d’opération, ce qui ne les aurait pas empêchés d’intervenir rapidement et avec force si la situation s’était détériorée. restreint, ce qui limitait également quelque peu notre capacité à utiliser le véhicule 24 heures sur 24. L’ajout du viseur thermique sur les tourelles 1A5 permettra de corriger la situation et donc éliminer la lacune qui s’est avérée notre plus grande faiblesse au cours de cette mission. Le Centaure est doté d’une robuste tourelle équipée de systèmes d’imagerie thermique qui s’apparente beaucoup à la tourelle du Leopard 1A5. À cet égard, le Leopard ne présentait aucun avantage par rapport au Centaure. Les deux véhicules possèdent des systèmes d’armes très performants capables de faire face avec force et précision à toute menace. Avec la tourelle 1A5, nous serons en mesure d’intervenir aussi bien de jour que de nuit, dans des conditions météorologiques les plus diverses. Le capitaine Don Senft SOUPLESSE À la lumière des facteurs que j’ai mentionnés jusqu’ici, le Leopard s’est révélé un système d’arme passe-partout. Dans le théâtre, il était en effet en mesure d’effectuer toutes les tâches confiées aux pelotons d’infanterie du GT, mais avec une plus grande mobilité et une meilleure protection. Les chars se sont aussi avérés utiles aux postes de contrôle de véhicules (PCV). Il était en effet très 66 simple d’envoyer deux chars sur les itinéraires principaux, d’ordonner à l’un d’eux d’effectuer un virage-pivot et d’entreprendre la vérification des véhicules. La présence des chars était significative et imposait le respect. L’efficacité des PCV exigeait au moins huit hommes, soit les membres des équipages des deux chars, faute de quoi cette opération aurait été non seulement peu pratique, mais aussi dangereuse. Les équipages de quatre hommes du Leopard représentent donc la solution idéale. Lorsque les Français devaient établir des Finalement, les chars étaient parfaitement bien intégrés aux plans de contingence visant à protéger le Kosovo contre une invasion de la VJ. La mobilité et la puissance de feu des chars étaient étroitement associées au nombre limité d’éléments antichars dont le GT disposait pour infliger le plus de dommages possible à n’importe quel adversaire. Le gros d’un tel combat se serait déroulé sur des terrains découverts et minés situés dans la moitié nord de la province. Comme l’indiquent les résultats des reconnaissances effectuées, ce terrain Vol. 3, no. 1, printemps 2000 Comme le Leopard participait de façon régulière à une multitude de tâches dans la ZR du GT, sa présence n’était pas perçue comme de l’escalade. Non seulement les habitants appuyaient la présence du char dans la ZR mais ils étaient de plus très réceptifs et très heureux à la vue de ce symbole de la force de la KFOR qui circulait régulièrement près de leurs maisons délabrées. Le Leopard a excellé dans toutes les tâches qui lui ont été confiées à l’appui de cette opération de rétablissement de la paix, et il était toujours prêt à reprendre son rôle de roi du champ de bataille. COÛT Compte tenu des réalités financières avec lesquelles nous devons composer aujourd’hui, tout présumé succès doit être appuyé d’une analyse des résultats financiers obtenus. Tel qu’il a été mentionné précédemment, le Leopard s’est révélé l’un des véhicules les plus fiables du parc du GT. Tout au long de la mission, il a conservé une capacité opérationnelle totale (100 %) malgré son utilisation constante et les distances importantes qu’il a parcourues en si peu de temps. Le Leopard offre un rendement hors pair lorsqu’il est utilisé de façon régulière. Même avec des données incomplètes, on peut calculer rapidement que l’utilisation du Leopard a coûté environ 57 $ le kilomètre, ce qui inclut le coût des pièces, du carburant et des pièces de rechange. Ce calcul n’a vraiment rien de scientifique et repose sur l’information dont je disposais à ce moment-là dans le théâtre. Ce coût se compare très avantageusement à celui prévu pour des véhicules comme le VBL III, qui se situe entre 70 $ et 80 $ le kilomètre. On pourrait supposer qu’il serait encore plus élevé dans le cas d’un VBC à roues doté d’un canon de 105 mm et du même type de châssis. Le coût de fonctionnement du Leopard dans le théâtre, soit 57 $ le kilomètre, est beaucoup plus bas que le coût établi qui est de 82 $ le kilomètre. Pareil écart tiendrait au fait que le Leopard n’est jamais resté inactif longtemps. La présence de blindage additionnel n’a eu aucune conséquence néfaste sur le char et seulement deux groupes principaux ont exigé des réparations. Quant aux autres réparations, il s’agissait uniquement du remplacement courant de plaquettes de chenilles, de chenilles, d’amortisseurs et de composants du système hydraulique. Parlons maintenant du coût d’achat du véhicule. Selon moi, le Leopard 1A5 actuellement offert sur le marché coûte environ un million de dollars pièce. Les Italiens m’ont dit que leur Centaure avec blindage additionnel se vend presque trois fois plus cher. Le calcul est en fait assez simple : nous pouvons nous procurer trois Leopard 1A5 pour le prix d’un seul VBC à roues et payer moins pour le fonctionnement quotidien du Leopard. Nous pourrions non seulement acheter trois fois plus de véhicules (Leopard), mais aussi compter sur un char capable d’exécuter presque toutes les tâches qui lui sont dévolues en temps de guerre aussi bien qu’au cours d’opérations de paix, et ce aussi bien ou encore mieux que n’importe quel véhicule à roues. L’opération au Kosovo en a fait la preuve. Il serait de plus beaucoup plus économique, dans les années à venir, d’améliorer le Leopard 1A5 en achetant sur le marché libre le peu d’équipement qui lui manque, sans avoir à payer pour les frais de recherche et développement et de production. Il suffirait alors de trouver l’équipement, de l’acheter et de l’installer. En plus de constituer la solution la plus rentable, le Leopard permettrait au Canada de disposer d’un parc plus nombreux et plus efficace dont l’exploitation coûterait moins cher que 67 combat idéal? Le Leopard au Kosovo — Véhicule blindé de Captain John Grodzinski était pratiquement inaccessible aux véhicules à roues dès que la pluie commençait à tomber. Le GT ne possédait aucune autre ressource capable de franchir rapidement ce terrain difficile, et aucun autre véhicule n’aurait pu déployer pareilles puissance de feu, mobilité et protection pour interdire à l’ennemi d’emprunter cette voie d’approche favorable aux déplacements à grande vitesse. Même le Coyote de l’escadron de reconnaissance parvenait difficilement à circuler dans cette région lorsque les conditions météorologiques rendaient les routes impraticables. Pendant la saison des pluies, aucun véhicule à roues du GT ne pouvait circuler en sécurité sur ce terrain. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre celle de bon nombre de véhicules actuellement en service. CONCLUSION Le déploiement du Leopard dans un théâtre d’opérations comme le Kosovo nous a permis de prouver la justesse des discussions qui ont eu lieu au cours des dix dernières années. C’était l’occasion de voir si un char moyen comme le Leopard pouvait délaisser son rôle d’instrument de combat pour relever les défis inhérents aux opérations de paix. En raison de la panoplie de chars présents dans le théâtre, nous avons pu voir la gamme complète des fonctions que les chars peuvent exécuter à l’appui de telles opérations. En ma qualité de conseiller Arme blindée du GT, j’ai eu la chance d’avoir les mains libres pour utiliser le Leopard au maximum, en m’assurant toutefois qu’il faisait partie intégrante des méthodes de fonctionnement du GT. Le Leopard a démontré sans l’ombre d’un doute qu’il pouvait exécuter toutes les tâches normalement liées à des opérations de paix tout en demeurant capable de contrer toute menace très rapidement, avec une puissance de feu écrasante tout en offrant une solide protection. Il a ainsi fait la preuve qu’il convenait à merveille aux conditions et aux contraintes de cette mission. L’opération a également permis d’observer le rendement du Centaure dans le même théâtre d’opérations. L’incapacité du Centaure de fonctionner dans certaines conditions et le fait que les Italiens avaient recours à leur Leopard 1A5 pour le remplacer dans de telles situations en disent long sur la mobilité du Centaure. Même avec son blindage additionnel, le Centaure ne disposait pas d’autant de protection que le Leopard. C’est ainsi que face à une incursion à grande échelle de la VJ, les Italiens auraient d’abord dû utiliser leurs chars et garder le Centaure en réserve. Le Centaure ne jouit pas d’une aussi bonne protection que les chars. Pesant presque 33 tonnes, le Centaure avec blindage additionnel est tout aussi difficile à transporter à bord d’aéronefs que l’est notre Leopard. Le Centaure n’est évidemment qu’une des options envisagées pour le projet de VBC. La performance du Leopard au cours des cinq premiers mois où il a été intégré à la mission de rétablissement de la paix, a permis de réfuter bon nombre des arguments soulevés par ses détracteurs et elle a clairement démontré qu’il pouvait servir extrêmement bien dans ce rôle. Le Leopard 1A5 ou C2 serait-il alors le véhicule idéal? Pas tout à fait, mais il devrait considérablement augmenter les chances que l’Armée de terre ait un char qui soit à la hauteur au cours du prochain siècle. Ce véhicule nous permettra de combattre 24 heures sur 24 et de disposer d’un dispositif de surveillance nocturne dont nous avons grand besoin. Il resterait néanmoins à doter le Leopard d’un canon de plus gros calibre et plus puissant, comme le canon de 120 mm, ou À propos de l’auteur . . . Le capitaine Don Senft Le capitaine Don Senft a servi en qualité de chef de troupe et de capitaine de bataille au Lord Strathcona’s Horse (Royal Canadian) ainsi que d’officier d’état-major au Quartier général du 1er Groupebrigade mécanisé du Canada. Il a travaillé récemment comme officier de liaison supérieur et conseiller Arme blindée auprès du GT du 1 PPCLI au Kosovo. Il est présentement commandant adjoint de l’escadron C du Lord Strathcona’s Horse (Royal Canadian) à Edmonton, en Alberta, et il est inscrit au programme d’étude BMASc du Collège militaire royal du Canada. 68 encore du canon de 105 mm à forte pression qui utilise des munitions améliorées. Il serait également profitable de remplacer tout le système d’entraînement hydraulique de la tourelle par un système d’entraînement électrique plus fiable, plus sûr, plus rapide et plus facile à entretenir. Finalement, le chef de char devrait avoir à sa disposition un viseur thermique indépendant afin de pouvoir balayer et acquérir des objectifs pendant que le tireur poursuit l’engagement. Un tel viseur de poursuite et de destruction est déjà en vente sur le marché et devrait être incorporé à notre prochain projet d’amélioration pour la tourelle 1A5. Les modifications ainsi apportées à la tourelle 1A5 nous permettront de compter pendant encore au moins 15 ans sur un véhicule robuste qui a fait ses preuves au combat et qui s’est maintenant avéré tout aussi efficace dans des opérations de rétablissement de la paix. Le Leopard a fait ses preuves à l’entraînement au Canada, puis dans le théâtre d’opérations du Kosovo. Pour les prochaines années et aussi longtemps que la technologie dans le domaine des VBC n’aura pas prouvé le contraire, le Leopard est le VBC de choix de l’Armée de terre. NOTES 1 Il est important de souligner qu’en dépit de l’ajout du blindage additionnel, le Leopard n’a montré aucun signe d’usure ou de détérioration causé par l’augmentation de poids. De fait, il y a eu une diminution marquée du nombre de remplacement de groupes principaux. Cet écart tiendrait en grande partie au fait que le véhicule a été utilisé sur une base régulière et qu’il n’est jamais longtemps resté inactif. Le Leopard était l’un des véhicules les plus fiables du GT. Vol. 3, no. 1, printemps 2000 OBSERVATIONS ET LEÇONS TIRÉES DES ACTIVITÉS DE L’ESCADRON DE RECONNAISSANCE DU LORD STRATHCONA’S HORSE (ROYAL CANADIANS) AU KOSOVO L ’escadron de reconnaissance du Lord Strathcona’s Horse (Royal Canadians) (LdSH(RC)) a été déployé au Kosovo comme partie intégrante de la rotation 0 de l’OPÉRATION KINETIC de juin à décembre 1999. Dans l’ensemble, il a rempli son mandat avec brio, fait l’expérience d’une vaste gamme de tâches et appris plusieurs leçons. Le présent article exposera le travail accompli par l’escadron, quelques observations sur le commandement et le contrôle de l’escadron, les leçons retenues par ce dernier et certaines recommandations quant aux affectations futures des escadrons de reconnaissance moyens. L’escadron a été placé sous le contrôle opérationnel (OPCON) de la Brigade multinationale (Centre) - ou BMN(C). Pendant son affectation au Kosovo, il a eu l’occasion de travailler avec deux quartiers généraux de brigade : celui de la 4th (UK) Armoured Brigade, de juin à août 1999, et celui de la 19th (UK) Mechanized Brigade/BMN(C), de septembre à décembre 1999. En sa qualité de ressource d’une brigade, il a été déployé partout dans la zone de responsabilité de la BMN(C) et il s’est également acquitté de tâches dans les zones de la BMN(N), de la BMN(S), de la BMN(E) et de la BMN(O), qui sont respectivement sous la responsabilité de la France, de l’Allemagne, des ÉtatsUnis et de l’Italie; ces tâches ont toutefois été effectuées sous l’égide de la BMN(C). L’escadron a aussi été affecté à un éventail très diversifié de missions, dont la plupart des rôles et tâches énoncés dans le document L’escadron de reconnaissance au combat (environ 1978). Une exception importante toutefois, la détection NBC. « Cette minute, celle-ci même, te demande d’ouvrir grand tes oreilles… »1 TÂCHES L’escadron a surtout accompli des tâches de sécurité, dont celles qui sont liées aux postes d’observation (PO), aux patrouilles, aux postes de contrôle, aux points vitaux et aux escortes. Ses activités dans les PO, qu’elles aient été secrètes ou manifestes, ont couvert une grande variété de zones d’intérêt particulier répertoriées (ZIPR) et de zones d’intérêt comme objectif (ZICO), allant de la zone de sécurité terrestre le long de la frontière de la Serbie aux secteurs où règne une haute tension ethnique au coeur même du Kosovo. La capacité qu’a le Coyote d’assurer la surveillance longue portée par toutes conditions météorologiques était constamment en grande demande dans toute la zone de responsabilité de la brigade. L’escadron a également accompli régulièrement des tâches de patrouille pendant sa période d’affectation. La troupe d’assaut, augmentée d’éléments des troupes de reconnaissance, a consacré environ deux semaines en juin et juillet à des activités de patrouille au coeur de la ville de Pristina pour aider le 1st Battalion, The Parachute Regiment à faire respecter l’ordre public. L’escadron a de plus déployé certains éléments, surtout la troupe d’assaut, dans de plus petites villes et même en zone rurale lorsque la brigade sentait que les groupements tactiques avaient besoin d’aide pour renforcer la présence de la Force pour le Kosovo (KFOR). L’escadron a d’abord été affecté à des postes de contrôle des véhicules et du personnel (PCV) à Pristina, mais il n’a pas tardé à s’acquitter de cette fonction couramment pendant toute la durée de sa période d’affectation. L’une 69 Observations et leçons tirées des activités de l’escadron de reconnaissance du Lord Strathcona’s Horse (Royal Canadians) au Kosovo Le lieutenant Christopher Hunt Le lieutenant Christopher Hunt Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre des dernières tâches de l’escadron pendant la présente rotation a été de surveiller les postes de contrôle frontaliers de la zone de sécurité terrestre aux points d’accès 2 et 3, situés au nord de Podujevo. La sécurité des points vitaux était chose courante, surtout les trois fois que l’escadron s’est vu confier une zone d’opérations (ZO) temporaires. Les gardes stationnaires ont été le plus souvent affectées aux églises et aux écoles serbes, qui constituent des cibles évidentes de violence ethnique. Enfin, l’escadron a maintes fois fourni des escortes pour des VIP et des convois, dans toute la zone de responsabilité de la brigade, dans d’autres zones de BMN et par-delà la frontière administrative jusqu’en Serbie. L’escadron a effectué certaines tâches de reconnaissance, dont de la reconnaissance de zone, d’itinéraire et de point. Ainsi, la première reconnaissance de l’itinéraire BEAVER, 70 qui part de Pristina et va vers l’est jusqu’au point d’accès 4 de la zone de sécurité terrestre, a été confiée à une troupe en juin 1999. L’escadron a aussi effectué plusieurs reconnaissances de points, plus précisément des ponts, et s’est taillé au sein de la brigade la réputation d’être la seule unité à exposer et à transmettre de façon courante des données du génie dans le cours normal de ses opérations. C’est en outre l’escadron qui a tenu les tracés d’itinéraires de haute fiabilité complets de la ZO de la brigade. Enfin, il a fait de la reconnaissance de point à plusieurs endroits soupçonnés d’être le lieu d’activités illégales. Comme différentes unités se relayaient dans la zone de responsabilité de la brigade, l’escadron a contribué à l’économie de forces en comblant les lacunes pendant les périodes de transition. L’escadron a donc travaillé dans la région de Lipjlan lors de la passation du commandement du 1 Royal Gurkha Rifles Battle Group au bataillon finlandais (FINBAT). En septembre, il a pris en charge sa propre ZO entre le moment du départ des éléments du Irish Guards Battle Group à la fin de leur rotation et celui de l’arrivée de l’unité de remplacement, le bataillon suédois (SWEBAT) le mois suivant. Cette ZO comprenait les villages de Caglavica, de Laplje Selo et de Preoce et son centre se trouvait à quelque quatre kilomètres au sud de Pristina. En octobre, l’escadron a également pris la relève de l’escadron D, The Household Cavalry (The Blues and Royals) et a veillé sur une très grande ZO située dans les montagnes à l’est de Pristina jusqu’à l’arrivée du SWEBAT. Dans le cadre de cette opération, l’escadron s’occupait du poste de contrôle de franchissement de la zone de sécurité terrestre au point d’accès 4 et appliquait un programme rigoureux de patrouilles embarquées, à pied et aéroportées et de PO pour assurer une présence dans l’ensemble de sa ZO. Enfin, au mois de décembre, l’escadron s’est vu confier une autre ZO qui s’étendait du point d’accès 2 au point d’accès 3, y compris les postes de contrôle de la zone de sécurité terrestre. L’une des tâches permanentes de l’escadron consistait à agir comme une réserve de la brigade qui soit capable de se déplacer à deux heures d’avis. De fait, chaque fois que surgissaient des problèmes, l’escadron n’a pas tardé à prêter main-forte au groupement tactique sur place pour régler la situation. Mentionnons à titre d’exemple la sécurité assurée dans le village de Gracko après l’assassinat de 14 fermiers serbes en juillet et la recherche d’un avion du Programme alimentaire mondial qui s’est écrasé en novembre. L’escadron a donc représenté pour la brigade une force adaptable, toujours prête et capable d’accomplir une foule de tâches allant de la surveillance et de la patrouille dans le cadre d’opérations courantes à des embuscades antiblindés en temps de guerre. Vol. 3, no. 1, printemps 2000 plus bas que le niveau de la brigade. L’escadron a donc servi souvent de réseau de retransmission de communications protégées lorsqu’il était jumelé à d’autres unités. Le réseau de postes radio tactiques (RRT) de la brigade ne doit servir qu’aux opérations en cours. PTARMIGAN était le moyen protégé pour acheminer les communications courantes. LEÇONS RETENUES OBSERVATIONS Au Kosovo, on a remarqué que, malgré le programme de standardisation de l’OTAN, les rapports de commandement n’étaient pas toujours clairs chez les autres unités de la force multinationale. L’escadron était sous le contrôle opérationnel de la BMN(C); celle-ci pouvait donc lui confier des missions et des tâches mais ne pouvait pas affecter ses composantes à des fonctions particulières. Il est arrivé à plusieurs reprises que l’escadron soit placé sous le contrôle tactique (TACON) de différents groupements tactiques aux fins de tâches particulières et il a été placé une fois sous commandement tactique (TACOM) du 1 Royal Gurkha Rifles, soit pendant tout le mois d’août. Or, pour bon nombre de commandants de groupement tactique, les termes contrôle tactique et commandement tactique sont synonymes, de telle sorte qu’ils ont souvent tenté de décider de l’articulation et des tâches des éléments de l’escadron ou de les placer sous le commandement de leurs sousunités. L’escadron a toujours eu à défendre son point de vue quant à la nature du rapport de commandement. Il pris des mesures proactives pour veiller à son respect. Un quartier général de brigade britannique a dirigé le QG BMN(C) et utilisé différents équipements de communication de l’escadron canadien. Le véhicule de liaison tactique du commandant de l’escadron et le PC ne disposaient donc d’aucune capacité VHF protégée au niveau de la brigade et, par conséquent, l’escadron était doté d’un véhicule Landrover adapté pour radio (APR) auquel trois transmetteurs britanniques étaient affectés. Le véhicule était co-implanté avec le PC de l’escadron. De plus, la plupart des unités de la BMN(C) n’avaient aucune capacité de communication protégée L’une des principales lacunes des Coyote concerne l’accumulateur au plomb dont la plupart sont actuellement équipés. Un tel accumulateur ne permet que de 2 - 6 heures de surveillance, après quoi le moteur doit être laissé en marche pendant environ deux heures pour recharger l’accumulateur. Les accumulateurs à électrolyte gélifié qu’on trouve dans le Leopard, pour leur part, ont fait l’objet d’essais et se sont avérés de loin supérieurs avec, normalement, une performance de 6 - 8 heures d’opérations silencieuses et une période de 60 à 90 minutes de rechargement. L’une des solutions de rechange que l’escadron a mise à l’essai, et qui s’est soldée par un échec, a été de recharger 71 de reconnaissance l’escadronJohn Observations et leçons tirées des activités de Captain Grodzinski du Lord Strathcona’s Horse (Royal Canadians) au Kosovo L’escadron a retenu d’innombrables leçons pendant sa période d’affectation au Kosovo, mais quelques-unes ressortent, en particulier en ce qui concerne le Coyote, le système de surveillance et l’organisation de l’escadron. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Le lieutenant Christopher Hunt les accumulateurs des Coyote au moyen de génératrices de 2 KW à courant continu. Les génératrices faisaient presque autant de bruit que le moteur du Coyote; même lorsqu’elles étaient enfouies, on pouvait entendre distinctement leur bruit caractéristique. De plus, ces génératrices ne suffisaient pas à alimenter les systèmes de surveillance du Coyote et ont donc subi de fréquents grillages. Il s’agissait d’un grave problème, qui n’a toutefois pas menacé la mission puisque la majeure partie des PO opéraient en mode manifeste en situation de faible menace. La situation deviendrait certes sérieuse si le Coyote devait être déployé dans des PO tactiques situés dans un environnement où la menace est moyenne/grande. Les points forts et les limites du Coyote ont clairement ressorti pendant la période d’affectation. D’une part, le Coyote s’est avéré très efficace dans les tâches qui constituent sa raison d’être : la détection et la surveillance de forces mécanisées et débarquées. En effet, le Coyote a facilement décelé et suivi les forces de la VJ qui se repliaient et ainsi fourni au commandant de la BMN(C) des données cruciales qui l’ont aidé dans son processus de prises de décisions. D’autre part, les limites du Coyote se sont manifestées plus nettement au cours des opérations autres que la guerre (OAG) de faible intensité. Ainsi, même si on a souvent déployé comme moyen de dissuasion le système de surveillance sur mât pendant des activités publiques comme les marchés des producteurs agricoles, son succès a reposé plus sur la perception qu’en avaient les gens que sur son efficacité somme toute limitée. En fait, le système en question n’était pas en mesure de différencier les couleurs et les sons, ni d’observer les foules à moins de 50 mètres. Pour obtenir l’effet de dissuasion voulu, il fallait souvent déployer le système en pleine foule. La tactique a été employée dans des zones urbaines et rurales qui 72 avaient déjà posé problème. La patrouille de Coyote pouvait établir un PO manifeste bien en vue officiellement pour faire de la surveillance; en réalité, le PO devenait un moyen de dissuasion du simple fait de sa présence. Le bienfondé de ce raisonnement a été confirmé par la suite, lorsque plusieurs PO de Coyote ont été remplacés par des tours d’observation occupées par des soldats et que les résultats ont été les mêmes. La capacité limitée de surveillance du Coyote est ressortie pendant la présente période d’affectation. À plusieurs reprises, des Coyote ont été affectés à des PO secrets pour surveiller les PCV et suivre à la trace des véhicules suspects. On a préservé le secret en plaçant les Coyote à distance des itinéraires principaux de ravitaillement (IPR); bien souvent, le distance de sécurité atteignait quatre ou cinq kilomètres. Les opérations du genre ont toutefois échoué, puisque les Coyote ne pouvaient pas identifier des paramètres comme « la Lada rouge suspecte, numéro d’immatriculation PR13482 » à une telle distance, surtout à partir de l’écran vert du poste de commande de l’opérateur (PCO). Cependant, les véhicules militaires (dont les camions et les Landrover) étaient faciles à distinguer des véhicules civils. La Handi-Cam de Sony s’est imposée comme outil de surveillance de prédilection pour bien des tâches car les PO secrets à pied pouvaient facilement l’utiliser de plus près. Posée sur trépied et pourvue d’un zoom numérique (360X), elle produisait une qualité d’image supérieure à celle de la caméra diurne du Coyote. Son microphone permettait en outre à l’opérateur d’expliquer les images qu’il captait ou d’enregistrer des sons, au besoin. Enfin, on a utilisé la Handi-Cam dans les PCV pour enregistrer des fouilles de véhicules et de personnes Vol. 3, no. 1, printemps 2000 L’escadron a également eu maille à partir avec le système d’approvisionnement. En premier lieu, les barèmes de pièces de rechange n’étaient pas bons. L’escadron avait, avant son déploiement, fait la liste des pièces de rechange considérées comme très en demande selon les données de l’année précédente. On n’a toutefois pas utilisé cette information pour déterminer les pièces de rechange qui ont effectivement été envoyées dans le théâtre des opérations. La décision à cet égard a été prise par une unité de soutien de troisième ligne qui n’a pas consulté les intervenants de première ligne. L’escadron a utilisé ses pièces de rechange plus rapidement que les barèmes le prévoyaient, même si l’équipement a somme toute fonctionné remarquablement bien. Le deuxième problème de ravitaillement résidait dans le calendrier des vols de maintien en puissance; non adapté aux besoins, il a constitué un point de refoulement important dans le système d’approvisionnement. Les pièces de rechange étaient commandées de Montréal comme besoins opérationnels immédiats (BOI) et restaient immobilisées à Trenton pendant plusieurs jours, soit tant et aussi longtemps d’un aéronef de maintien en puissance prévu ou un autre aéronef n’était pas chargé. Pendant la présente période d’affectation, la troupe d’assaut de l’escadron a prouvé son utilité et, dans un contexte plus global, sa validité du point de vue de la doctrine. La troupe d’assaut a conféré à l’escadron la souplesse voulue pour s’acquitter de toute tâche confiée par la brigade. La surveillance et les patrouilles se sont avérées ses points forts. La troupe d’assaut a souvent constitué des PO secrets débarqués et/ou des patrouilles à pied pour renforcer la surveillance dans les brèches dans la couverture assurée par les Coyote. La mobilité, la contremobilité et les autres tâches associées au travail de pionnier se sont avérées des tâches secondaires et restent encore à mettre en œuvre dans ce théâtre d’opérations. La maind’œuvre de la troupe a également simplifié les tâches liées à la sécurité des VIP et de points vitaux. Le Coyote constitue une présence, mais ce sont les soldats qui se trouvent sur place qui assurent véritablement la sécurité dans un contexte d’OHG instable par rapport à un contexte stabilisé comme celui qu’on retrouve actuellement en Bosnie-Herzégovine. Une autre des grandes leçons que l’escadron a retenues est qu’il doit se doter d’une forme quelconque de capacité de reconnaissance légère. Bon nombre des opérations de l’escadron se sont déroulées dans les montagnes, le long des frontières nord et est du Kosovo et de la Serbie; donc, des endroits difficiles pour les Coyote et les Bison. Un véhicule comme le véhicule de combat – reconnaissance - à chenilles (CVR-T) ou le véhicule à roues à usages multiples polyvalent (HMMWV) aurait été beaucoup mieux adapté au terrain montagneux ainsi qu’à la reconnaissance furtive puisqu’il est à la fois plus silencieux et plus petit que le Coyote et le Bison. Les patrouilles ou même les troupes de reconnaissance légère pourraient provenir d’unités de reconnaissance de la Milice et augmenter les escadrons de reconnaissance attitrés lors d’exercices ou d’opérations lorsque les troupes de reconnaissance légères désignées ne sont pas mentionnées dans l’ordre de bataille la Force régulière. Les troupes équipées de cinq véhicules se sont également avérées inadéquates dans un contexte opérationnel, parce qu’elles ne peuvent pas apporter la souplesse et la profondeur qui sont primordiales au niveau de la troupe. Le Coyote a transformé radicalement les capacités de surveillance de la troupe de reconnaissance, mais celle-ci n’en continue pas moins d’avoir besoin de sept véhicules pour accomplir ses autres tâches. Du point de vue de la doctrine et sur le plan pratique, la troupe de cinq véhicules ne suffit pas 73 de reconnaissance l’escadronJohn Observations et leçons tirées des activités de Captain Grodzinski du Lord Strathcona’s Horse (Royal Canadians) au Kosovo Les sections de dix hommes qui forment la troupe d’assaut sont de taille idéale car elles peuvent se déployer en une section de huit hommes ou en deux sections de quatre hommes chacune pendant que le tireur et le conducteur restent à bord du Bison. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre pour assurer une bonne reconnaissance d’escorte, de zone, de secteur, d’itinéraire ou de point. De plus, une telle configuration entraîne une réduction de la troupe à seulement quatre véhicules lorsqu’un équipage est au repos, en pause ou en congé. Le chef de troupe devient alors commandant de patrouille en plus d’assumer ses tâches habituelles. Lors des opérations effectuées pendant la présente période d’affectation, il est donc arrivé que des véhicules soient brièvement laissés sans surveillance au PO parce que le chef de troupe devait assister à une réunion du groupe des ordres ou effectuer de la reconnaissance ou de la liaison. De toute évidence, un tel état de fait est inacceptable. ou d’un agencement de Coyote et d’éléments de reconnaissance légers) doit reprendre du service pour que les troupes de reconnaissance puissent exécuter leurs tâches avec l’équilibre, la profondeur et la souplesse nécessaires. Le principal rôle de doctrine de la troupe d’assaut doit être adapté de manière que l’accent soit davantage mis sur la surveillance et sur la sécurité débarquées plutôt que sur la mobilité ou la contre-mobilité. Enfin, l’escadron de reconnaissance doit récupérer une capacité quelconque de reconnaissance légère. Les changements proposés rehausseraient la polyvalence et l’efficacité de l’escadron de reconnaissance lors d’opérations de tous genres, allant du maintien de la paix à la guerre. CONCLUSION Les leçons retenues de ce déploiement au Kosovo auront des répercussions sur les affectations futures des escadrons de reconnaissance. Tout d’abord, la troupe de sept véhicules (qu’elle soit composée exclusivement de Coyote Le lieutenant Christopher Hunt À propos de l’auteur . . . Le lieutenant Christopher Hunt a reçu en 1997 son diplôme de B.A. avec spécialisation en études militaires et stratégiques au Collège Militaire Royal du Canada. Il a été affecté au Lord Strathcona’s Horse (Royal Canadians) en août 1998 et a été employé, depuis, comme chef de troupe de Coyote dans un escadron de reco. Le lieutenant Christopher Hunt a participé à la ROTO 0 de l’Opération KINETIC au Kosovo et est actuellement le chef de la première troupe. NOTES 1 Extrait de La tempête, acte 1, scène 2. Toutes mes excuses à William Shakespeare. 74 Vol. 3, no. 1, printemps 2000 UN APERÇU DU PASSÉ… Compilé par le capitaine John Grodzinski, CD Il fut un temps dans l’Armée britannique où les officiers avaient coutume d’écrire des guides d’instruction destinés à leurs pairs. Ces guides aidaient les officiers à se préparer aux examens de promotion ou à mieux comprendre la doctrine de l’époque, à s’instruire en matière militaire ou à acquérir des connaissances générales. La fameuse série « Gale and Polden », qui constitue aujourd’hui des documents d’une grande valeur pour l’étude de la doctrine et de la tactique au dix-neuvième siècle, en est un exemple. L’Armée canadienne possède une tradition similaire bien qu’elle se soit moins perpétuée et que, malheureusement, elle soit moins connue.1 Les paragraphes qui suivent sont tirés du document « Observations on Cavalry Duties: Some Hints for Western Canadian Cavalry Men » rédigé par le major W.A. Griesbach2 du 19th Alberta Dragoons en mai 1914. O n naît probablement éclaireur, on ne le devient pas. Ce n’est qu’en guerre qu’un éclaireur prouve qu’il en a l’étoffe. L’éclaireur-né n’est qu’un demi-éclaireur tant qu’il n’a pas reçu une formation militaire assez complète. Il peut être actif, bon cavalier, bon tireur, intelligent, et avoir un œil de lynx et l’oreille d’un chat. Il peut avoir de l’élan et du courage, du sang-froid et de la présence d’esprit. En guerre primitive, il se distinguerait, mais, en guerre civilisée moderne, un tel homme est peu utile, voire même inutile, s’il ne possède pas un entraînement et une expérience militaires intensifs et complets, c’està-dire s’il ne connaît pas bien les caractéristiques de toutes les armes du service, leurs points forts et leurs points faibles, leurs limites et leurs besoins. L’éclaireur doit avoir une idée claire de l’organisation, du système et de la discipline militaires. …Si vous voulez obtenir des renseignements précis sur une situation militaire, vous devez envoyer un homme qui sait capter une situation. Un éclaireur obtient son information sur l’ennemi malgré ce dernier. Il l’obtient en grande partie par des déductions…Avant d’envoyer un éclaireur en mission, il faut lui communiquer : « La guerre a façonné l’expression et la pensée de toutes les grandes nations. La guerre fut leur nourriture et leur enseignement, la paix leur perte et leur déception; elles ont été formées par la guerre et trahies par la paix. » k des instructions quant à la nature et à la fréquence des comptes rendus, où et quand les transmettre. L’éclaireur doit observer sans être observé. Il travaille furtivement. Il ne combat qu’en cas de nécessité ou que pour obtenir de l’information… C’est souvent à force de courage et d’audace qu’il réussira. Le premier objectif de l’éclaireur - et souvent le seul - est d’exécuter les instructions du commandant. Aucune digression ou écart ne lui est permis. Il lui faut recueillir l’information requise et la communiquer au commandant. ESCORTE —Ruskin k un énoncé clair de sa tâche, k les mouvements et les intentions probables de son unité et des forces avoisinantes, k tous les renseignements disponibles sur l’ennemi, k des instructions précises quant à la saisie de papiers, de documents, etc., DE CONVOI4 Sur la route, en colonne, chaque chariot attelé à deux chevaux occupe dix verges; lorsqu’ils sont groupés, les chariots occupent chacun dix pieds de largeur. Ces mesures incluent les intervalles et les distances. Par conséquent, une colonne de cent chariots attelés à deux chevaux s’étendra sur mille verges, et les chariots pourront être stationnés sur un terrain de quatre-vingt-trois verges sur quatre-vingt. Faites-en la preuve 75 Un aperçu du passé… ÉCLAIREURS3 Compilé par le capitaine John Grodzinski Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre en dessinant un convoi divisé en quatre sections, chacune des sections étant disposée en ligne et comprenant vingt-cinq chariots. Ce convoi équivaut exactement à former une colonne d’escadron à la halte. Les vingt-cinq premiers chariots s’étendent sur une distance de 250 pieds, soit vingt-trois verges et un pied. Il faut prévoir dix verges entre chacune des colonnes, longueur qui, ajoutée aux dix verges allouées pour le chariot et l’attelage, donne vingt verges pour chaque colonne de chariots, donc un total de quatrevingt verges pour les quatre sections. Toutes ces précisions servent à démontrer combien peut être imposante la vue de mille chariots en colonne sur la route; mais, tous ces chariots peuvent être stationnés dans un très petit espace. Pour le commandant du convoi, ce fait est important, car il peut stationner son convoi derrière un petit accident de terrain. Toutefois, dans la mesure du possible, le convoi doit toujours demeurer en mouvement, et l’ennemi doit être attaqué – dans la mesure où cela est sûr et conseillé – aussi loin que possible du convoi. Lorsqu’il met la colonne en marche, le commandant doit s’assurer que le convoi est sous contrôle et qu’il existe un méthode de stationnement similaire à celle qui a été mentionnée précédemment. S’il ne dispose pas d’une telle méthode, il doit en concevoir une sur-le-champ et désigner quelqu’un pour l’exécuter, s’il y a lieu. En vertu du système qui prévaut au Canada en temps de guerre, les chariots sont conduits par des civils, chacun recevant une rémunération équivalente à la solde de deux lieutenants-colonels. Chaque conducteur d’attelage doit avoir des idées bien claires et bien avisées sur la conduite du convoi. La couardise 76 et l’insubordination des conducteurs embauchés sont proverbiales, et vous devez en tenir compte dans vos prévisions en instaurant un régime selon lequel vous pourrez de façon énergique et par la force vous assurer que vos ordres seront respectés. Donc, en premier lieu, vous devez voir à l’organisation du stationnement. Faites-le quelle que soit la longueur du convoi. autres. Il faut retirer immédiatement du convoi tout chariot endommagé, car il n’y a pas d’inspection. S’il faut des attelages doubles dans les pentes accentuées, les chariots doivent être stationnés au bas de la côte, sur un côté de la route, et il faut les stationner de nouveau au haut de la pente. Entretemps, l’escorte doit occuper une position de couverture pendant les deux stationnements. « Le succès à la guerre, comme la charité en religion, couvre une multitude de péchés. » —Napier Il n’est pas nécessaire de surprotéger le convoi. Dans la disposition de votre force, vous êtes soumis à tous les facteurs qui ont toujours régi les mouvements militaires : le terrain, les conditions météorologiques, la nature de l’ennemi, etc. Vous pourrez avoir besoin d’une certaine protection, tant à l’avant qu’à l’arrière, mais vous devez avoir la pleine maîtrise du gros de vos troupes, lequel doit être le plus puissant possible, et vous devez, au cours du mouvement, occuper et tenir des positions successives couvrant l’avance du convoi. À partir de ces positions, vous pourrez repousser toute attaque ennemie possible. Le mauvais état des routes sera toujours un facteur à considérer, car les endroits où elles sont détériorées constituent des dangers. Vous devez occuper les meilleures positions de tir dans le voisinage et les tenir jusqu’à ce que le convoi soit passé. Ne tolérez pas les retardataires. Les derniers chariots doivent être maintenus rapprochés les uns des NOTES 1 Les deux exemples récents qui nous viennent à l’esprit sont tirés des œuvres du pamphlétaire brigadier-général (à la retraite) Ernest Beno, Training to be Sound Soldiers and Good Gunners, publiée en 1997, et Training to Fight and Win: Training in the Canadian Army, publiée en 1999. 2 Né à Qu’Appelle (Territoires du Nord-Ouest) en 1878, William Antrobus Griesbach s’est enrôlé dans le Bataillon canadien des fusiliers à cheval en vue de servir en Afrique du Sud. Après la guerre des Boers, il devint avocat à Edmonton et, en 1914, a servi outre-mer au grade de major et a par la suite commandé le 49e Bataillon. Il a également commandé la 1re Division de l’infanterie canadienne de la 1re Brigade, de février 1917 à février 1919. En 1921, il est promu brigadier-général et est également nommé au Sénat, où il s’est illustré par ses critiques de la politique de défense. De 1940 à 1943, il a servi à titre d’inspecteur général de l’Ouest du Canada. Il meurt en 1945. 3 Tiré de Griesbach, pages 21 à 23. 4 Tiré de Griesbach, pages 36 et 37. Vol. 3, no. 1, printemps 2000 TRIBUNE LIBRE COMMENTAIRES, OPINIONS ET CONTESTATIONS J ’aimerais commenter l’article « L’apprentissage par la simulation sur ordinateur de table : justification de l’achat d’une version canadienne de TACOPS » portant sur l’utilisation du TacOps comme simulateur tactique pour l’Armée de terre. Bien qu’un peu familier avec une version antérieure du TacOps, je n’en suis nullement un spécialiste. Je connais toutefois très bien un jeu vendu dans le commerce, le Steel Panthers II (un produit de Strategic Simulations Inc (SSI)). Les personnes rompues à l’utilisation des jeux de guerre devraient bien connaître le Steel Panthers II. Après avoir lu l’article sur le TacOps, je me suis bien installé et j’ai fait une comparaison mentale des deux simulateurs. La première question qui m’est venue en tête a été : « Pourquoi ne pas utiliser le Steel Panthers II? » aéronefs, hélicoptères et armes d’appui d’infanterie récents et en service dans de nombreux pays, dont le Canada, sont représentés par des images graphiques réalistes. k Un choix de scénarios établis ainsi que la capacité de réaliser des scénarios et des campagnes ou de les créer à partir de zéro, y compris le terrain et la visibilité. k Les effets de la hauteur, du terrain accidenté, des plans d’eau, de la végétation et des édifices reproduits grâce à une image très réaliste du terrain en 3D. k Les effets du leadership, du moral, de l’entraînement et de l’approvisionnement en munitions. Le Steel Panthers II possède notamment les caractéristiques suivantes : k Les mines, les obstacles, les écrans de fumée, les explosifs brisants et les munitions dispersables. k Tous les principaux véhicules blindés de combat, pièces d’artillerie, k Renseignement limité sur le déploiement ennemi. Le major R. Kennedy, Officier d’état-major – Instruction au Centre des leçons retenues de l’Armée de terre répond au major Banks ... D eux raisons nous ont amenés à acheter le TacOps et à le distribuer au sein de l’Armée de terre. La première, c’est que nous voulions disposer d’un outil qui pourrait servir pour l’instruction tactique sur le développement professionnel dans les unités ou pour les cours. Il a été établi que la majeure partie de cette instruction porterait sur le processus décisionnel et sur l’application k La capacité de reproduire des forces pouvant aller jusqu’au groupement tactique dans chaque camp. k La capacité de jouer seul, contre un adversaire, relié au RELOC ou par courriel. k La capacité de contrôler des forces, que ce soit des véhicules/équipes ou des sous-unités. k La capacité de planifier à l’avance le mouvement des forces. k La capacité de planifier à l’avance les missions de tir indirect, y compris les effets de la ligne de visée de l’observateur. Le Steel Panthers II se vend entre 40 et 50 dollars et peut être utilisé avec la plupart des ordinateurs personnels courants. Il existe aussi une version qui permet de jouer avec des formations pouvant aller jusqu’à la brigade et qui possède bon nombre des caractéristiques du Steel Panthers II (Non, je ne touche aucune commission!!) Alors, pourquoi ne pas utiliser le Steel Panthers II « au même titre que le TacOps, ou même au lieu de celui-ci? » des tactiques, techniques et procédures, de l’équipe de combat au groupement tactique. Nous voulions aussi fournir aux militaires de tous grades un système qu’ils pourraient utiliser seuls ou avec d’autres pour s’exercer ou pour appliquer les TTP tout en s’amusant. 77 Tribune libre Commentaire portant sur l’article intitulé « L’apprentissage par la simulation sur ordinateur de table : Justification de l’achat d’une version Canadienne de TACOPS » rédigé par le DIAT, Vol 2, no. 3., août 1999. Le major Don Banks du Quartier général du Secteur du Centre de la Force terrestre formule les commentaires suivants concernant la mise à jour du TacOps par la Direction de l’instruction de l’Armée de terre, telle que présentée dans le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre, volume 2, numéro 3, d’août 1999 : Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Commentaires, opinions et contestations C’est la toute première fois, au niveau de l’Armée de terre, que nous tentons d’intégrer un jeu sur ordinateur de bureau ou un simulateur à notre instruction. Nous aimerions que notre projet remporte un franc succès afin qu’il soit pour nous une assise sur laquelle nous pourrions faire reposer d’autres entreprises semblables. Nous cherchions donc un outil éprouvé qui nous aiderait à offrir l’instruction sur le perfectionnement professionnel. Le TacOps avait déjà été utilisé pour le cours de commandement et d’état-major subalterne jamaïcain ainsi que par l’École du renseignement militaire des Forces canadiennes de Borden. Il avait démontré sa valeur pour l’instruction lorsqu’utilisé efficacement et de façon imaginative. Je suis entièrement d’accord avec le major Banks en ce qui concerne le Steel Panthers II (SP2). Si on le compare au TacOps, il est sans contredit beaucoup plus agréable à regarder et à entendre, il offre un choix beaucoup plus vaste de terrains et de nationalités et, à mon avis, il tient davantage compte de certains aspects comme le moral et la formation. Sa façon de se comporter en présence d’obstacles tels les mines, les dents de dragon et les plans d’eau étendus est de loin supérieure à celle du TacOps. La principale différence qui fait que le TacOps est supérieur au SP2 comme aide à l’instruction au regard de la planification et du processus décisionnel, de l’équipe de combat au groupement tactique, est la façon dont les ordres sont transmis et exécutés. Avec le TacOps, les participants donnent en même temps des ordres à leurs unités en vue de l’action qui se déroulera dans la minute qui suit, ce qui comprend les itinéraires de progression, les actions lors des haltes, les types d’objectifs à engager, les mesures à prendre sous le tir ennemi ou après avoir engagé un objectif, les distances 78 d’ouverture du tir, le déplacement du tir indirect, etc. Ces ordres, ainsi que ceux transmis par votre adversaire, sont alors exécutés simultanément par l’ordinateur sans que les participants ne puissent intervenir. Si vous n’avez pas coordonné la manœuvre de vos unités en fonction du temps qu’il faut pour que le tir indirect atteigne l’objectif, ou encore du temps que mettent les unités d’appui pour se placer en position et que vos unités sont surprises en plein mouvement, vous devrez en subir les conséquences. Avec le SP2, les ordres sont transmis et exécutés à tour de rôle. Vous déplacez vos véhicules seuls ou en peloton et vous les faites avancer, un à la fois, en fonction des objectifs que vous désirez engager. Ces ordres sont exécutés surle-champ. Les troupes ennemies ripostent par le tir à partir des directives que votre adversaire leur a transmises le tour précédent. Ces directives se limitent à la distance d’ouverture du tir. Avec le SP2, tous les mouvements cessent dès qu’un coup est tiré. Vous pouvez ainsi réagir à ce tir pour chaque véhicule et déplacer le reste du peloton afin qu’il contourne un terrain soumis de toute évidence à l’observation ou au tir, ou encore placer les véhicules de façon qu’ils puissent couvrir l’ennemi que vous venez de repérer. Lorsque les manœuvres et le tir cessent, on détermine les effets du tir indirect, et c’est alors à votre adversaire de jouer. En résumé, le SP2 a tendance à favoriser la microgestion et ne force pas nécessairement les participants à coordonner des activités qui supposent l’emploi du temps et de l’espace, à élaborer des plans et à vivre avec leurs conséquences. Comme le TacOps se limite à résoudre une action qui ne dure qu’une minute, on pourrait l’accuser lui aussi de favoriser la microgestion. Les participants peuvent en effet être portés à donner des ordres à chaque peloton ou compagnie à chaque minute si on leur en donne la possibilité. On élimine toutefois facilement ce problème en travaillant dans des circonstances contrôlées. Vous pouvez par exemple faire en sorte que les participants ne transmettent des ordres à leurs unités qu’à toutes les trois à cinq minutes, ce qui les oblige à établir avec plus de soin les itinéraires que devront emprunter leurs unités ainsi que les instructions permanentes d’opération (IPO) qu’ils utiliseront pendant la période. Avec le SP2, les unités qui sont laissées seules de trois à cinq tours continuent de produire des « tirs inopinés » en deça de certaines portées, mais ne se déplacent pas. En analysant les besoins perçus et l’objectif que nous poursuivons en utilisant le TacOps, je crois qu’il s’agit du simulateur le plus apte à appuyer l’instruction tactique sur le développement professionnel que nous devons offrir. Le TacOps ne constitue cependant pas le remède miracle qui répond à tous nos besoins d’instruction, et ce n’est pas le but visé. À l’instar de tout autre simulateur ou jeu sur ordinateur, il possède ses forces et ses faiblesses. Je crois par exemple que le SP2 est un meilleur outil que le TacOps pour renforcer l’instruction au niveau du peloton et les TTP aux niveaux inférieurs, l’emploi d’obstacles ou l’ouverture de brèches dans des obstacles ainsi que le franchissement ou la défense de plans d’eau. En somme, nous devons simplement apprendre à utiliser ces simulateurs ou ces jeux, au même titre que toute autre aide à l’instruction, afin d’offrir la meilleure instruction possible et ce, tout en s’amusant. Vol. 3, no. 1, printemps 2000 L ’article du capitaine Johnstone, « Deep Operations, The Key to Success », a suscité chez moi un vif intérêt, mais aussi une vive inquiétude. Je conviens qu’on devrait insister davantage sur les opérations dans la profondeur non seulement au Collège de commandement et d’état-major de la Force terrestre canadienne, mais également dans d’autres cours. Quant au reste de l’article, je ne suis pas d’accord avec l’auteur. Premièrement, la définition du combat rapproché signifie que ce type de combat est mené par les brigades ou les groupesbrigades en contact avec l’ennemi. Comme il est bien expliqué, le combat dans la profondeur est la responsabilité du Centre de coordination des opérations en profondeur (CCOP) au niveau du quartier général divisionnaire et supérieur. En ajoutant une autre tâche à la brigade, on ne fait qu’affaiblir ses efforts dans la poursuite de sa mission première: le combat rapproché. Les membres des armes de combat devraient être atterrés par la suggestion voulant que le régiment d’artillerie d’appui rapproché appuie les opérations en profondeur à leurs dépens. Au lieu de donner de nouvelles tâches à l’artillerie de campagne, il serait préférable d’améliorer leurs systèmes d’armes pour qu’elle mène à bien son mandat premier. Nous devons ajouter foi aux propos des rédacteurs de doctrine qui ont choisi à juste titre l’expression « régiment moyen d’appui rapproché ». Plutôt que d’encombrer le régiment d’un état-major additionnel et de véhicules aériens télépilotés, il serait préférable de doter la brigade de véhicules adaptés aux officiers d’observation avancés ou d’une quatrième batterie de pièces. Toutefois, compte tenu des réalités financières, nous devons nous concentrer sur le niveau de combat que le groupe-brigade peut réellement mener. Sur le plan de l’instruction, l’intégration interarmes nécessaire pour obtenir un appui rapproché efficace est de loin le défi le plus important auquel est confrontée l’artillerie de campagne. Par conséquent, on devrait s’attarder au cours de l’instruction à parfaire les Commentaire concernant l’article « La sorcière et le bûcher : Plaidoyer en faveur des unités d’intervention spéciales (UIS) » rédigé par le lieutenant-colonel Bernd Horn et paru dans le BDIAT, vol. 2, no 3, août 1999. Sean M. Maloney, Ph.D, du Collège militaire royal du Canada, écrit: LA PUISSANCE SOUPLE EST LA PUISSANCE DURE J’aimerais préciser davantage certaines idées exprimées par le colonel Bernd Horn dans « La sorcière et le bûcher : Plaidoyer en faveur des unités d’intervention spéciales (UIS) ». Les principaux attributs des unités d’intervention spéciales (UIS) sur le champ de bataille (le « champ de bataille » au sens large englobant le champ de bataille asymétrique) sont leur haute technologie et leur grande mobilité — En résumé, notre doctrine et notre instruction doivent guider les capacités de notre force existante et satisfaire aux exigences financières. Plutôt que de nous attarder à des concepts et à des ressources qui, dans les faits, ont trait à des formations supérieures, nous devrions nous concentrer sur les éléments fondamentaux visant à améliorer les capacités et l’instruction de nos groupes-brigades actuels. tant au plan stratégique qu’au plan tactique — leur haut niveau d’entraînement, leur grande initiative et leur haut niveau de disponibilité opérationnelle. Il va sans dire que le Canada continuera de manifester sa présence outre-mer sous diverses formes, dont l’une sera la force militaire, dans le but général de protéger les intérêts canadiens. Si les menaces contre ces intérêts sont de nature asymétrique (il n’y a aucun argument véritable allant à l’encontre de cette possibilité)1 , il est clair que le Canada 79 Captain John Grodzinski Le capitaine R.W. Bachynsky est le G3 Contrôle des champs de tir au Centre d’instruction au combat. Il écrit ce qui suit : rapports avec les armes appuyées. L’utilisation d’un régiment d’artillerie dans un rôle d’appui général sous un commandement supérieur est la plus simple de toutes les tâches. Les compétences et l’entraînement additionnels nécessaires pour mener des opérations dans la profondeur se situent au niveau de l’état-major d’une formation supérieure, ce qui justifie la mise sur pied d’un CCOP. Il est redondant dans l’ensemble et contreproductif quant à la tâche première du régiment d’appui rapproché que de demander à son état-major des opérations de s’occuper des opérations dans la profondeur. Tribune libre Commentaires sur l’article intitulé « Deep Operations: The Key to Success » rédigé par le capitaine Mike Johnstone, Vol. 2, no. 3, août 1999. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre doit avoir les moyens de réagir à ces menaces tant chez lui qu’à l’étranger. Pour paraphraser le théoricien militaire de la révolution française Roger Trinquier, il y a les armes antichars pour contrer les chars, il y a les casques de protection balistique et les vestes pare-éclats pour contrer les balles, il y a les missiles surface-air pour contrer les aéronefs, et il y a les UIS pour contrer les menaces asymétriques. Commentaires, opinions et contestations Outre la valeur immédiate d’offrir la capacité de faire face à ces nouvelles menaces, les UIS seront de plus en plus essentielles dans les futures opérations de coalition. Le nouveau document intitulé, La défense du Canada au-delà de 2010 : perspective – Document de conception de la RAM, engendré par « césarienne » et nourri par le Groupe de travail opérationnel sur la révolution dans les affaires militaires (RAM), expose avec justesse que: Nous ne pouvons pas supposer que l’apport d’une présence symbolique dans les opérations futures nous permettra d’exercer une influence opérationnelle. Ce ne sera pas le cas. L’influence opérationnelle, qui à son tour se traduit par une influence internationale, exige que le Canada continue d’assurer sa présence par une force appropriée là où il choisit d’intervenir militairement. Si le Canada s’attend d’exercer une influence au sein des alliances et des organisations auxquelles il appartient, il lui faut absolument fournir une force appropriée et saillante dans le cadre des opérations à venir. Compte tenu que nous ne pouvons pas déployer des forces de grande taille, nous devons signaler notre présence en fournissant des forces appropriées ayant un haut niveau d’entraînement, de compétence professionnelle et d’équipement, au 80 moins équivalentes sinon supérieures à ceux de nos partenaires de la coalition.2 Au plan stratégique, le Canada a l’habitude de fournir des forces terrestres remarquables dans le cadre des opérations de coalition 3 , p. ex. le Corps expéditionnaire canadien au cours de la Première Guerre mondiale affecté à des opérations de forte intensité, le 4 e Groupe-brigade mécanisé du Canada dans les années 60 affecté à des opérations de dissuasion ou les BATCAN I et II participant, sous l’égide de la Force de protection des Nations Unies (FORPRONU), à des opérations de maintien de la paix et à des opérations de paix. Les UIS peuvent renforcer et améliorer les forces conventionnelles dans de telles opérations, ce qui, en retour, rehausse la présence de ces forces. Il est difficile de trouver au cours des dix dernières années une opération de coalition dirigée par les forces de l’Ouest à laquelle n’ont pas pris part des UIS intégrées à la structure de la force. Même au cours de bon nombre d’opérations de l’ONU, des UIS ont appuyées les casques bleus: la FORPRONU II et la mission d’appui des Nations Unies en Haïti (MANUH) en sont deux exemples. La FORPRONU II était appuyée par des UIS du Canada, du Royaume-Uni et fort probablement de France, d’Espagne et de Suède, alors que les US Special Forces ont joué divers rôles au cours des opérations en Haïti.4 De par leurs attributs, les UIS conviennent parfaitement au besoin qu’a le Canada de faire sa marque au sein d’une coalition. En plus de remplir des fonctions opérationnelles essentielles, les UIS ont tendance à être remarquées par les commandants de théâtre d’opérations d’une force de coalition 5 . Compte tenu de la nature du travail, les UIS, utilisées en petit nombre, sont un atout et non une obligation. Il ne fait pas de doute que l’apport des UIS, si elles sont bien utilisées, ne sera pas considéré comme une contribution purement symbolique à une force de coalition. L’utilisation des UIS britanniques au cours de la guerre du Golfe est un cas intéressant. Le commandant national britannique, le général Sir Peter De La Billière, en plus de chasser les forces iraquiennes du Koweït, devait maintenir le prestige et la présence britanniques dans le Golfe pour des raisons politiques et économiques. En conséquence, on profita de toutes les occasions pour s’assurer que, malgré une infériorité numérique, les forces britanniques ne restent pas dans l’ombre des forces américaines. Cette attitude a eu un effet sur la façon dont les forces conventionnelles air, terre et mer britanniques ont été employées. Au sol, De La Billière a convaincu le général Schwartzkopf d’utiliser les UIS sur une plus vaste échelle que ne l’aurait souhaité le commandant américain, sceptique à cet égard; en retour, cette attitude a porté fruit lorsque De La Billière a voulu modifier plus tard le rôle opérationnel de la division blindée UK. 6 En conséquence, le gros du 22 Special Air Service (SAS) Regiment a été déployé dans le Golfe. Le Régiment a été utilisé dans la profondeur du territoire iraquien. Formé en colonnes mobiles autonomes et en petites patrouilles héliportées longue portée, les forces du SAS attaquaient les convois de missiles, neutralisaient les systèmes de commandement, de contrôle et de communications iraquiens et Vol. 3, no. 1, printemps 2000 Quant au Canada, il se doit de pouvoir mener des opérations autonomes hors alliance afin de favoriser les intérêts canadiens outremer. Le Canada est un État souverain qui a des intérêts à ce niveau. Il doit être en mesure, par exemple, de sauver des Canadiens retenus en otages en Équateur, de mener des missions de pour obtenir un résultat décisif sur un champ de bataille où prédominent les blindés ? Certainement pas. Toutefois, les UIS canadiennes pourront apporter une contribution de premier plan aux opérations de coalition et fournir une force hautement spécialisée à déploiement rapide pour répondre à diverses situations d’urgence légitimes à l’échelle mondiale. NOTES 1 Voir, par exemple, le rapport de la Direction des concepts stratégiques (Opérations terrestres), no 99-2, The Future Security Environment, Kingston, DCSOT, août 1999); les notes de recherche DCSOT 9901 de la Direction des concepts stratégiques (Opérations terrestres), In the Arena The Army and The Future Security Environment, Kingston, DCSOT, février 1999). 2 Groupe de travail opérationnel sur la RAM, Quartier général de la Défense nationale, La défense du Canada au-delà de 2010 : perspective – Document de conception de la RAM, Ottawa, QGDN, 31 mai 1999), p. 8/42. 3 Sean M. Maloney et Scot Robertson, «The Revolution in Military Affairs: Possible Implications for Canada,» I n t e r n a t i o n a l J o u r n a l , vol. LIV, no 3 (Été 1999), pp. 443-462. 4 Cameron Spence, By All Necessary Means, London, Michael Joseph, 1998; Scott Taylor et Brian Nolan, Tested Mettle: Canada’s Peacekeeper’s at War, Ottawa, Esprit de Corps books, 1998. Captain John Grodzinski À l’instar de toutes les opérations des UIS, l’effet militaire exact des opérations du SAS et de sa contrepartie des forces spéciales américaines sur le déroulement de la guerre fait et fera toujours l’objet d’un vaste débat, s’apparentant beaucoup aux débats sur les campagnes aériennes stratégiques menées dans le Golfe et au-dessus de la Serbie. Toutefois, la perception des commandants de la coalition, des politiciens, de la presse et du public à ce moment était la suivante : le recours aux UIS pour détruire les missiles SCUD et les installations connexes a contribué à éviter qu’Israël n’entre en guerre contre l’Iraq et ne détruise la fragile coalition. Dans ses allocutions publiques sur les activités des UIS, l’administration Major s’est servi de cette perception à des fins politiques; cette perception ne pouvait qu’avoir une incidence sur la position stratégique de la GrandeBretagne dans les États du Golfe, étant donné que le SAS fournissait des services de protection aux dirigeants de ces États et un entraînement de premier plan à leurs chefs. 8 Les retombées politiques et économiques de l’emploi des UIS britanniques, aussi bien avant que durant la guerre du Golfe, sont incalculables dans cette région critique. reconnaissance stratégiques avant l’insertion de forces de secours humanitaire ou même d’obtenir des renseignements stratégiques, opérationnels et techniques dans un environnement hostile comme au Kosovo… Nous devons admettre que les UIS, évidemment, ne pourront jamais remplacer les forces conventionnelles. Est-ce faisable de déployer la Force opérationnelle interarmées 2 pour mater une manifestation de masse ? Est-ce faisable de la déployer pour poser des sacs de sable au cours d’une inondation, pour protéger des convois d’aide humanitaire dans un pays africain ravagé par la famine ou 5 Voir Sir Peter De La Billière, Storm Command: A Personal Account of the Gulf War, London, Harper Collins, 1992 et H. Norman Schwartzkopf, It Doesn’t Take a Hero, New York, Bantam Books, 1992. 6 Ken Connor, Ghost Force: The Secret History of the SAS, London, Weidenfield and Nicholson, 1998, p. 310. 7 Voir Cameron Spence, Sabre Squadron, London, Michael Joseph,1997; Mike Curtis, CQB: Close Quarter Battle, London, Bantam, 1997, chapitres 14-19; Peter Crossland, Victor Two, London, Bloomsbury, 1996; Andy McNab, Bravo Two Zero, London, Bantam, 1993. 8 Douglas C. Waller, The Commandos: The Inside Story of America’s Secret Soldiers, New York, Simon and Shuster, 1994. Notamment le chap.10, “The SCUD Hunt”; De La Billière, Storm Comman, chap. 9; Connor, Ghost Force, chap. 15; Michael R. Gordon et Bernard E. Trainor, The General’s War: The Inside Strory of the Conflict in the Gulf, New York, Little, Brown and Co., 1994, chap.11, “The Great SCUD Hunt.” 81 Tribune libre recueillaient des données de renseignement techniques, opérationnelles et stratégiques. 7 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Au sujet de l’avenir du Corps blindé et de l’équipe interarmes : Le major Dave MacLeod, chef de section de l’Arme blindée de la Direction de l’instruction de l’Armée de terre, écrit ce qui suit concernant le numéro spécial sur l’avenir du Corps blindé et de l’équipe interarmes, volume 2, numéro 4, hiver 1999/2000 : LA RÉALITÉ, LE REVERS DE LA MÉDAILLE E Commentaires, opinions et contestations n lisant les articles parus dans le dernier numéro du Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre (BDIAT), j’ai été à la fois intéressé et inquiet par la cause que défendaient mes pairs et mes supérieurs du Corps blindé. Intéressé parce que je découvrais leurs opinions sur notre avenir, à savoir si nous devions jouer ou non un rôle de « cavalerie » légère, et inquiet parce que je me suis senti imprégné d’un sentiment de fatalité qui semble aujourd’hui se répandre dans notre Corps. Comme si nous devions ne plus rien attendre pour notre flotte de chars, nous contenter de ce que nous avons et nous débrouiller pour que ça fonctionne. Les gens semblent oublier l’importance du rôle des blindés dans une victoire; il ne s’agit pas seulement d’une arme qui s’amène dans le combat. Ils semblent aussi poser des hypothèses assez sérieuses sur la façon dont nos alliés nous accueilleront à bras ouverts lors d’un éventuel combat, lorsque nous viendrons protéger leur flanc. J’ai été particulièrement préoccupé par cet extrait de l’article du major Branchaud : « J’estime que notre doctrine ne reflète pas la réalité actuelle de notre Armée de terre1 ». Je vais essayer d’avancer quelques arguments pour expliquer pourquoi j’estime que ce commentaire aurait dû être formulé à l’inverse et tenter de consolider l’appui en faveur d’une approche axée sur un Corps blindé plus fort en chars. 82 DE QUOI PARLONS-NOUS? La doctrine devrait tout mener dans une armée professionnelle! Tout, de notre structure aux armes que nous transportons à notre façon de combattre. Malheureusement, dans notre Armée de terre, bien des décisions importantes ont été dictées par des considérations d’ordre financier, et cette situation risque de se poursuivre au cours des prochaines années. Nous devons toutefois revenir aux éléments fondamentaux. Dans son article, le major Steve Bowes 2 a parlé avec éloquence des objectifs de la politique étrangère du Canada et des tendances relatives à l’emploi des forces militaires et au rôle du Canada dans le contexte de la sécurité mondiale. Je me contenterai donc de dire qu’en vertu de la politique nationale, notamment de la politique étrangère et de la politique sur la sécurité nationale, on a besoin d’une Armée de terre et de sa doctrine. Dans des documents tels Les directives et orientations stratégiques de la Force terrestre3 , on décrit les tâches qui nous seront confiées et les forces que nous devons former pour répondre à nos engagements, aussi bien au pays qu’à l’échelle internationale. Une de ces tâches consiste à avoir : « un groupebrigade de contingence (ou trois groupements tactiques distincts), sans maintien en puissance (sur le plan des rotations), dont un groupement tactique devrait former une avant-garde capable de se déployer après 21 jours de préparation et d’avertissement, avec maintien en puissance pendant une période indéfinie4 ». Comme cette tâche découle des directives émises par le gouvernement, nous devons présumer que ce dernier veut affecter des hommes au combat si la situation l’exige. Tout engagement s’inscrira probablement dans une coalition mais quoi qu’il en soit, nous devons nous conformer à la directive. Pour ce faire, si on en croit le vieil adage et si l’histoire se répète, nous devons anticiper le jour où nous serons réellement appelés à combattre. Comme notre pays a décidé d’envoyer ses hommes au combat (cinq fois au cours du vingtième siècle), nous nous devons d’être prêts. Notre doctrine décrit tous les préparatifs requis. Ces préparatifs ont été établis en tenant compte de la nature des tâches que notre gouvernement nous confie, tâches qui dépendent pour une bonne part de la situation internationale. Comme le major Bowes l’a si habilement exprimé dans les nouvelles tendances notées dans le contexte de la sécurité internationale et des affaires militaires : « Ces tendances représentent des défis intéressants pour le Canada qui est membre du G8 et donc, qui compte parmi les pays les plus développés du monde, au plan économique. Il sera de plus en plus difficile pour le Canada de se tenir à l’écart de toute opération visant à contrer une menace dirigée directement contre l’OTAN ou la stabilité internationale5 ». Je crois par conséquent que nous serons un jour appelés à participer à un conflit qui ira au-delà des opérations d’imposition ou de maintien de la paix. Je crois aussi que nos alliés, comme la Grande-Bretagne ou les États-Unis, ne seront peut-être pas si heureux de nous voir arriver avec des forces qui se sont pas prêtes à participer à de puissants combats. Ils s’attendront selon moi à ce que nous ayons au moins un groupebrigade tel que l’exige notre doctrine, et à ce que nous fassions plus que simplement protéger un flanc. Vol. 3, no. 1, printemps 2000 Je me suis souvent demandé en lisant le Jane’s Defence Weekly ou d’autres publications de même nature si certains des pays qui travaillent à créer ou à améliorer leurs propres CCP ou ceux des autres seront nos adversaires lorsque nous recevrons l’ordre de combattre. Vous pouvez Notre doctrine dit que nous avons besoin de chars. Je crois que nos alliés insisteront sur ce point et que la menace exige la présence de chars. Je crois que nos collègues de l’infanterie seront davantage disposés à nous suivre jusqu’à l’objectif si nous possédons des chars. En fait, si nous n’avons pas de chars, à quoi servons-nous? Le problème vient selon moi du fait que quelqu’un, quelque part, a lancé deux expressions politiquement acceptables, à savoir véhicule blindé de combat (VBC) et véhicule de tir d’appui direct (VTAD), et que tout le monde perd maintenant de vue comment, dans les faits, nous devons nous entraîner afin de nous conformer à notre doctrine. nous pourrions nous entraîner d’une façon réaliste. Nous ne pouvons modifier notre doctrine simplement parce que nous ne possédons pas l’équipement dont nous avons besoin. Les rôles et les tâches que notre gouvernement nous attribue peuvent contribuer à changer notre doctrine. L’équipement que nous mettons en service dans l’Armée de terre a maintenant peu à voir avec cette question si ce n’est pour faire ressortir les lacunes que comportent notre équipement et notre structure. Fournissons à nos soldats l’équipement qui leur permettra de « gagner » un combat. Commençons par donner au Corps blindé les chars dont il a besoin pour manœuvrer et frapper comme il se doit. Finalement, donnons-lui plus de chars pour que nos fantassins, lorsqu’ils essaieront pour la première fois de détruire une position défensive bien préparée défendue par des chars, puissent mettre pied à terre avant que tous les VBL ne soient détruits! En passant, quelqu’un peut-il me dire ce qu’est un « groupement tactique de reco »? L’AVENIR Il peut être dangereux de s’engager sur la voie de la cavalerie. Peut-être l’emprunterons-nous un jour, si le gouvernement modifie notre rôle ou nos tâches. Mais pour l’instant, nous devons être prêts à combattre avec nos blindés et à les utiliser comme il se doit. Nous devons donc insister auprès de notre général pour qu’il dise au gouvernement que nous avons besoin de plus de, si je peux me permettre de prononcer encore une fois ce mot, si près d’Ottawa, « chars ». Un minimum de deux escadrons par régiment serait à peine acceptable; avec trois escadrons, Captain John Grodzinski Nous avons adopté « l’approche manœuvrière » lorsque nous avons « amélioré » notre doctrine, et nous sommes en train de procéder à d’autres mises à jour qui s’imposent. Je ne prétends pas être un spécialiste de l’approche manœuvrière, mais je sais cependant que pour sortir vainqueur sur un champ de bataille moderne, il faut manoeuvrer (je sais, lieutenant-colonel Oliviero, ce n’est pas la même chose). En vertu de cette approche, nous devons enlever l’initiative à l’ennemi et pour y parvenir, nous devons concentrer la puissance de tir « direct » à un point critique et « frapper » au moment voulu. être certains qu’ils évolueront selon une certaine doctrine de base et qu’ils auront aussi lu les leçons retenues de l’opération Tempête du désert. Je pense que nos futurs ennemis auront la volonté et l’entraînement requis pour nous enlever l’initiative, et qu’ils essaieront de le faire. Au risque de me répéter, je crois que nos alliés voudront que nous nous déployions avec plus qu’une force « légère » ou une force de « cavalerie » pour assurer la protection de leur flanc. NOTES 1 Major Charles Branchaud. « Regardons la réalité en face », Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre, volume 2, numéro 4, Hiver 1999/2000, p. 116. 2 Major Steve Bowes. « Un régiment de cavalerie légère pour l’Armée canadienne ». Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre, volume 2, numéro 4, Hiver 1999/ 2000, pp. 107-115. 3 Directives et orientations stratégiques de la Force terrestre, partie 1, section 2, para 4a. 4 Ibid. 5 Bowes, p. 108 83 Tribune libre Notre Armée de terre est malheureusement dans une situation grave! Nos brigades ne sont plus en mesure de pratiquer les manoeuvres, et peut-être même de mener une guerre de manoeuvre. Nous avons perdu cette capacité parce que le principal élément capable de concentrer le tir « direct », à savoir le régiment blindé, a été dépossédé de ce pouvoir. Les articles parus dans le numéro du BDIAT d’hiver 1999/2000 décrivent mieux que je ne saurais le faire la formation actuelle de nos régiments blindés. Je dirai simplement que nous sommes incapables de concentrer le tir « direct » d’armes de calibre suffisant pour vaincre des chars de combat principaux (CCP) modernes en grand nombre, et que nous ne disposons pas d’assez d’escadrons pour former des « groupements tactiques blindés » qui nous permettent de manœuvrer sur le terrain. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre À la recherce de vos commentaires, nos lecteurs expriment leur opinion : Le lieutenant-colonel Chuck Oliviero (à la retraite) du Centre de formation de commandement et d’état-major interarmées écrit : IL NOUS FAUT COMBATTRE UN ENNEMI PLUS INTELLIGENT Commentaires, opinions et contestations C et adage romain bien connu est souvent cité, mais, malheureusement, moins souvent appliqué. Pendant des décennies, de concert avec ses alliés de l’OTAN, l’Armée canadienne a combattu des Fantasiens, des Krasnoviens ou des Granoviens afin de garder bien vivante sa science du combat. Quel que soit son régime politique, l’ennemi a toujours été un automate sans imagination appliquant invariablement la même doctrine tactique offrant très peu de souplesse ou de latitude. Les tactiques de combat que ces ennemis fictifs ont employées contre nous pour que nous puissions exercer notre science militaire, quoiqu’elles fussent inspirées de la doctrine tactique soviétique, donnaient toujours de nos ennemis l’image suivante: ils étaient complètement prévisibles, enfermés dans une doctrine étroite et assoiffés de sang au point d’être des criminels de guerre. Parce qu’ils ont été confrontés à un ennemi aussi stéréotypé pendant des décennies, les officiers canadiens se sont habitués à vaincre ces gens aussi peu imaginatifs, si bien qu’ils en sont venus à croire que leurs propres habiletés tactiques étaient tout à fait percutantes. Malheureusement, cette illusion peut éventuellement nous jouer un vilain tour et, un jour, les Canadiens se verront confrontés — encore une fois — à la dure réalité de combattre un adversaire intelligent et bien entraîné. Il n’est pas nécessaire que des Canadiens versent leur sang au cours de combats futurs pour retenir des leçons qui peuvent être retenues maintenant. Un petit investissement maintenant rapportera d’énormes dividendes plus tard. Il est nécessaire 84 d’être plus réaliste et plus honnête lorsqu’on évalue l’entraînement actuel de l’Armée. Il est temps d’examiner les tactiques de combat de nos ennemis génériques. Il est temps de les « armer » de la meilleure doctrine possible et de les doter des meilleurs officiers et sousofficiers supérieurs. Il est temps d’en faire les ennemis les mieux préparés au « Les Romains sont sûrs de la victoire, car leurs exercices sont des combats sans effusion de sang et leurs combats sont des exercices sanglants. » —Josephus combat. S’entraîner à vaincre un adversaire de seconde zone peut être réconfortant et facilement orchestré; dans le meilleur des cas, on obtient alors une victoire à la Pyrrhus. C’est seulement en s’entraînant en vue de vaincre l’ennemi le mieux préparé qui soit que nous pourrons être certains d’avoir la capacité de remplir notre mandat de défense nationale. Si les forces armées sont véritablement l’option de dernier recours, elles ont alors le devoir à la fois moral et professionnel d’être prêtes à livrer tout combat à venir, sinon on risque de constater trop tard que nous sommes mal « armés ». Il y a plusieurs années, la Force terrestre adopta finalement la doctrine de la guerre de manœuvre. Cette initiative était une rupture nécessaire et intelligente par rapport à la tactique antérieure. Curieusement, nos ennemis n’ont pas fait de même. Dans la foulée de l’effondrement de l’Union soviétique et de la dissolution du Pacte de Varsovie, les armées de l’OTAN ont dû « concevoir » un nouvel ennemi générique. C’était l’occasion d’abandonner les « ânes » que nous combattions depuis des années ! Les armées britanniques et américaines ont beaucoup réfléchi à la question et ont produit un nouvel ennemi contre qui « exercer » la science de la guerre. Malheureusement, il est déprimant de constater que ce « nouvel » ennemi semble offrir les mêmes caractéristiques qu’avant. Du vieux vin dans de nouvelles bouteilles ! Comprendre comment les Fantasiens combattaient dans les années 60, c’était comprendre comment les Granoviens livraient la guerre dans les années 90. Il semblerait que les Canadiens se sentent obligés de suivre les sentiers battus par le chef de file de l’OTAN. Nos généraux ne devraient-ils pas être obligés de lire The March of Folly de Barbara Tuchman ? Après tout, si l’Union soviétique et les forces du Pacte de Varsovie n’existent plus, pourquoi continuons-nous de nous exercer à les détruire ? Même si la nouvelle armée russe n’adhère plus à l’ancienne doctrine soviétique dépassée, nous sommes toujours astreints à combattre les Granoviens. Il n’est pas nécessaire de faire appel à l’unité des enquêtes spéciales. Ce n’est plus guère un secret pour personne. Même avant la rupture des forces du Pacte de Varsovie, la grande part de la tactique que nous leur attribuons encore aveuglément a été abandonnée. Est-il déjà arrivé que l’ennemi n’attaque pas par échelons successifs ? Nous avons le plaisir d’avoir comme stagiaires dans nos propres collèges d’état-major d’anciens officiers du Pacte de Varsovie, et nous continuons de refuser d’apprendre d’eux. Une agréable conversion avec eux en sirotant un bon café suffit à ouvrir les yeux à quiconque est suffisamment intéressé à leur poser des questions sur leur doctrine tactique. Vol. 3, no. 1, printemps 2000 Il est vrai que quelle que soit la guerre pour laquelle une armée se prépare, ce n’est pas celle qu’elle livrera; par conséquent, une armée devrait s’entraîner à combattre le pire ennemi possible et non des « lourdauds » de seconde zone. Si notre nouvelle doctrine est véritablement la meilleure qui soit (et je crois qu’elle l’est), le pire ennemi possible serait alors celui qui applique notre doctrine ! Se préparer à combattre un adversaire qui chercherait toujours à entraver ou à disloquer nos forces ou à anticiper nos manœuvres nous forcerait à mieux comprendre notre propre doctrine et à nous préparer à toutes les éventualités. Il faut être juste envers les Américains: ils ont fait des pas de géant en adoptant des méthodes d’entraînement plus intelligentes. Par un usage intensif des centres nationaux d’instruction, deux générations d’officiers supérieurs ont appris comment affronter un ennemi impitoyable capable de tout ou presque. Les commandants de compagnie, de bataillon et de brigade subissent régulièrement des défaites humiliantes. Les chefs de l’armée empreints de l’ancienne mentalité du « zéro faute » ont dû s’ajuster et en arriver à accepter que huit commandants sur dix subissent une humiliante défaite à leur premier combat. Au lieu d’humilier leurs stagiaires (qu’ils soient sergents ou colonels), les instructeurs font en sorte que leurs élèves ne répètent pas deux fois les mêmes erreurs. Le fait de savoir qu’une force ennemie futée, très entraînée et des plus motivées est prête à vous « botter le derrière » est une puissante source de motivation. Quiconque assiste à l’entraînement d’une équipe de combat ou d’un groupement tactique sort grandement impressionné de la valeur d’un tel entraînement. Quand une unité canadienne s’estelle entraînée à combattre un ennemi intelligent pour la dernière fois ? Combattre un ennemi dont les forces sont inévitablement organisées en échelons et dont les ordres de bataille sont prévisibles équivaut à enseigner aux fantassins actuels de former des rangs debout et à genoux afin de tirer des décharges simultanées d’armes à feu. Intéressant ? Oui, par rapport à la « zone de confort », mais, de cette façon, on court au désastre. Ce n’est certainement pas une méthode d’entraînement la plus ingénieuse. Pour être les meilleurs, nous devons être capables de vaincre les meilleurs. L’avenir n’est pas prévisible en totalité, mais elle l’est en partie. Il n’est pas nécessaire de tenir sa main audessus d’une flamme vive pour savoir qu’elle peut brûler. Il n’est pas nécessaire non plus d’être Nostradamus pour prédire que tout conflit majeur à venir ne sera pas livré à l’aide de la 85 Captain John Grodzinski D’aucuns affirment qu’il ne faut pas chercher à réparer ce qui n’est pas brisé. Il y a du vrai dans cette assertion, mais comment peut-on savoir si la chose qui nous occupe n’est pas brisée ? Avant de combattre les Viêt-congs, aucun soldat américain aurait cru que la nation la plus évoluée sur le plan technologique pouvait être humiliée par des hommes en pyjamas noirs et en espadrilles. Ce fut pourtant le cas. Mais, les Américains ont le mérite d’avoir appris dans la défaite qu’ils avaient besoin de modifier leur regard sur la guerre. Évidemment, il s’agit-là d’un truisme militaire. En effet, les armées apprennent davantage de leurs échecs que de leurs victoires. Mais, il n’est pas nécessaire d’attendre de subir un échec pour apprendre. Parce que le Canada n’a pas encore été humilié au combat, cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas apprendre des autres. Sage est celui qui tire des leçons de ses échecs, mais, encore plus sage celui qui apprend des erreurs des autres. Il y a des années, au cours de mes études tactiques, un officier supérieur expliqua un exercice qu’effectuaient, semble-t-il, les commandants des équipes de combat de la force de défense israélienne. On soumettait aux stagiaires le problème tactique suivant: leur équipe de combat devait défendre un terrain contre une force ennemie qui approchait en direction ouest. L’ennemi devant arriver dans deux heures, on demandait aux stagiaires d’élaborer un plan détaillé pour discussion ultérieure. Peu de temps après que les stagiaires avaient commencé à effectuer leurs appréciations de combat, les instructeurs revenaient pour leur annoncer que l’ennemi n’approchait plus de l’ouest, mais de l’est et qu’incidemment, il arriverait dans quinze minutes. Je ne me porterai pas garant de la véracité de cette histoire, mais, même si elle est fausse, il vaut la peine de la raconter. La leçon est claire: on ne peut s’attendre que l’ennemi agira de façon prévisible. Si vous vous considérez comme un chef, vous devez être capable, outre toutes vos compétences tactiques, de déjouer les manœuvres de votre adversaire, sinon il vous détruira. Tribune libre Dernièrement, les officiers militaires ont fait l’objet de beaucoup de critiques dont un bon nombre ne sont pas justifiées — par contre, un certain nombre le sont. L’ancien adage selon lequel les généraux se préparent toujours à livrer leur dernière guerre n’est pas sans vérité. Après tout, le passé n’est-il pas une entité connue ? Ne représente-t-il pas une « zone de confort » ? Il est alors facile de se leurrer et de penser qu’en se tournant vers le passé, on fait un bon usage de l’histoire comme modèle d’instruction. Mais, attention à l’application erronée des leçons tirées de l’histoire ! Quand on fait un bon usage de l’histoire, on constate que la majorité des leçons retenues n’est rien d’autre que les fondements du futur. Que faut-il entendre par là ? Que nous devons apprendre à apprivoiser l’incertitude et que la meilleure façon d’y arriver est de s’entraîner à vaincre l’adversaire le plus rusé, le plus impitoyable et le mieux équipé possible. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Commentaires, opinions et contestations tactique actuelle des Granoviens. Les avantages limités qu’offre cette doctrine désuète ne se comparent nullement à l’inconvénient de ne pas savoir comment combattre un ennemi professionnel, intelligent et déterminé. Toutefois, si nous apprenons à combattre un ennemi d’une grande souplesse, à la fois innovateur, intelligent et imprévisible un ennemi qui se comporte comme nous prévoyons de manœuvrer -, alors aucune manœuvre d’un ennemi réel futur ne saura nous surprendre. Si, pour quelque raison que soit, le prochain conflit nous oppose à un ennemi assez stupide pour recourir à la doctrine rigide et dépassée qu’utilisent actuellement les Granoviens, tant mieux, car la victoire sera facile, rapide et bienvenue. Si nous convenons que c’est dans notre meilleur intérêt de nous entraîner contre un ennemi plus intelligent, franchissons alors un pas de plus. Nous devrions donner à notre ennemi générique non seulement notre doctrine, mais également notre équipement et notre structure. Les avantages semblent évidents. Si nous prétendons nous organiser, nous équiper et combattre de la meilleure façon qui soit et que l’ennemi est l’image fidèle de nous-mêmes, alors toute faiblesse dans notre système tactique ressortira immédiatement. En outre, cela forcera chacun de nous à mieux comprendre notre propre doctrine et, ainsi, à trouver les failles dans l’armure de notre ennemi. Le fait d’avoir un système de contrôle de tir ou un système de commandement, de contrôle et de communications plus sophistiqué que celui de l’ennemi ne sera pas la raison de la victoire. La victoire reposera sur les chefs. C’est au fruit qu’on juge l’arbre. Si nos chefs sont véritablement les meilleurs, nous devrions alors nous réjouir à l’idée de faire face à un ennemi entraîné, équipé et organisé comme nous le sommes. Par contre, si nous n’avons pas confiance en notre capacité de vaincre, la seule conclusion logique doit être que l’entraînement de nos chefs est déficient. 86 À l’instar du passage à la guerre de manœuvre, l’adoption d’une nouvelle philosophie d’entraînement nous obligera à réévaluer certaines notions acquises. Permettez-moi de vous donner un exemple personnel. En qualité de commandant d’escadron et, plus tard, de commandant d’unité, j’avais l’habitude d’inciter mes commandants de chars subalternes à chercher activement le combat de rencontre. Quiconque, même celui qui n’a qu’une vague connaissance de nos manuels tactiques, saura que je commettais une hérésie. En effet, on interdit formellement le combat de rencontre dans les manuels de tactique: Le combat de rencontre tu éviteras absolument ! Mais, voici mon raisonnement: si vos troupes sont mieux armées et mieux entraînées que l’ennemi, ont plus d’initiative et de meilleurs chefs, pourquoi ne provoqueriez-vous pas un combat de rencontre ? Vous avez tous les atouts en main, n’est-ce pas ? Si vous surprenez alors un ennemi en ayant tous les avantages mentionnés plus haut, vous avez la victoire à portée de main. Par contre, si vous avez peur de déclencher le combat de rencontre, vous n’êtes certainement pas alors un commandant tactique de l’envergure que vous croyez être. Après avoir expliqué mon principe, je favorisais ensuite un entraînement de force contre force. D’un côté, les commandants et les sergents-majors d’escadron regardaient les troupes manœuvrer les unes contre les autres; de l’autre, le sergent-major régimentaire, l’officier des opérations et moi-même observions les escadrons combattre entre eux. À un moment donné, nous avons eu la bonne fortune de nous mesurer à des troupes (équivalentes à des escadrons canadiens) du 11 U.S. Armored Cavalry Regiment, les fiers défenseurs de la passe de Fulda. L’entraînement qui se déroulait sous nos yeux était à la fois instructif et électrisant; il était gratifiant de constater que mes troupes, qui possédaient une puissance de feu inférieure à leurs contreparties américaines et qui étaient moins bien équipées que ces dernières, avaient le dessus. Le commandant américain était si impressionné par le bienfait de cet entraînement qu’il demanda que toutes ses troupes se mesurent par rotation à mes escadrons de sorte qu’elles puissent bénéficier d’une défaite tactique aux mains de troupes moins bien équipées, mais possédant un flair tactique supérieur. De part et d’autre, on retira des leçons tactiques utiles, et bon nombre d’amitiés se sont nouées lors de l’examen postaction. On pourrait se demander si le fait de combattre une « force rouge » équipée comme les troupes de l’OTAN ne sèmera pas la panique dans le clan des officiers du G2. Après tout, ne sont-ils pas les grands prêtres de la doctrine granovienne ? Ils ont acquis leurs lettres de noblesse en prédisant le prévisible aux commandants: l’action ennemie subséquente, le sens probable de cette action et, si les commandants font du bon travail, la réaction éventuelle de l’ennemi. Mais, compte tenu de la nature limitée et largement orchestrée de la doctrine que nous avons attribuée aux Granoviens, ces prévisions ne présentent pas de défi réel au G2, qui ne fait que lire « ce qui est écrit ». Si, par contre, l’ennemi peut se grouper et se regrouper à volonté (comme nous pouvons le faire) et s’il est capable de toute action subséquente, ce sera vraiment un défi pour le G2 que d’offrir à ses commandants des aperçus valables quant à la structure, à la disposition et aux intentions de l’adversaire. Tout G2 digne de ce nom trouverait certainement du plaisir à relever ce défi. Les compétences, la formation et l’intuition acquises par l’apprentissage du métier le poussera à jouer au plus fin avec l’ennemi, au nom de son commandant. La communauté du renseignement professionnel est bien placée pour constater à quel point l’ennemi futur pourrait être imprévisible, et j’imagine que, plus que tous les autres groupes militaires, elle verra d’un bon œil un ennemi plus intelligent et mieux équipé. Vol. 3, no. 1, printemps 2000 Il y a presque un siècle, le philosophe espagnol et professeur de Harvard George Santayana nous a averti que ceux qui refusaient de retenir les leçons de l’histoire sont condamnés à répéter les mêmes erreurs. Malgré cet avertissement, on ne peut plus clair de Santayana, ne risquons-nous pas de faire l’objet de la pitié d’un quelconque lecteur dans l’avenir ? Ne courons-nous pas chaque jour le risque d’être fin prêts Y A-T-IL QUELQU’UN À PART NOUS DANS L’UNIVERS …? REVENONS SUR TERRE : POURQUOI LA FORCE TERRESTRE A-T-ELLE BESOIN D’UNE DOCTRINE EN MATIÈRE SPATIALE ? Le capitaine Andrew B. Godefroy du Collège de commandement et d’état-major de la Force terrestre canadienne et de la Direction du développement de l’espace (DD Espace) L ’objectif principal de la doctrine consiste à énoncer les principes fondamentaux en vertu desquels une force militaire peut orienter ses actions en appui des objectifs assignés. La doctrine peut faire autorité, mais, à l’instar de tout ce qui touche le milieu militaire, son application nécessite une bonne dose de jugement. On a allégué que le feu de l’action et le creuset de la guerre sont les meilleures sources de la doctrine. C’est peut-être vrai. En effet, au cours des deux dernières décennies, beaucoup de faits historiques ont eu une incidence sur l’élaboration de la doctrine militaire canadienne. Toutefois, l’expérience militaire canadienne dans certains domaines, p. ex. les opérations spatiales, a été très limitée. L’absence de leçons retenues « dans le feu de l’action » sur le plan spatial signifie que, pour élaborer la doctrine de la Force terrestre en cette matière, l’expérience seule ne suffit pas et qu’il faut s’inspirer des développements anticipés dans la conduite de la guerre. Toutefois, le véritable défi à cet égard est double. Premièrement, la Force terrestre doit apprendre en quoi consistent les à livrer le dernier combat ? La Force terrestre peut-elle vraiment remplir son mandat professionnel, soit être prête à livrer la prochaine guerre ? Nous prétendons être prêts à combattre les meilleurs parmi les meilleurs. Mais, en étant seulement capable de vaincre le meilleur, notre armée peut-elle prétendre être elle-même la meilleure ? Étant donné que l’argent se fait de plus en plus rare et que, de ce fait, les ressources acquièrent plus d’importance, n’est-il pas de plus en plus sensé de concerter davantage nos efforts pour devenir plus efficaces au plan professionnel ? L’occasion frappe à notre porte. L’Armée canadienne a prouvé maintes fois qu’elle possède les soldats les plus compétents. Ne méritent-ils pas la meilleure tactique qui soit ? opérations spatiales et comment le soutien spatial influe sur les opérations militaires au sol. Deuxièmement, la Force terrestre doit comprendre que le terme « interarmées » ne la dispense pas de sa responsabilité d’élaborer une doctrine spatiale solide et un programme d’instruction dans ce domaine. Une fois ces obstacles aplanis, la Force terrestre pourra véritablement commencer à intégrer l’espace dans ses opérations courantes. La première question qu’on se pose est la suivante : pourquoi la Force terrestre a-t-elle besoin d’une doctrine en matière spatiale ? N’a-t-elle pas su mener ses opérations avec un certain succès depuis 1957 (année où les Soviétiques ont lancé leur « sputnik ») sans disposer d’une doctrine sur les opérations spatiales ? Compte tenu du temps d’instruction limité accordé aux soldats, des restrictions touchant le matériel et des compressions budgétaires, la Force terrestre devraitelle s’intéresser à l’espace alors qu’il y 87 Captain John Grodzinski victorieuses ont tendance à moins retirer de leçons des combats que les armées vaincues; à la lumière de ce constat, on ne peut qu’être frappé par l’écart dans les leçons retenues des mêmes batailles par les deux camps. En effet, les Français et les Britanniques ont retenu des leçons complètement différentes de celles retenues par les Allemands au cours de la Première Guerre mondiale. Le développement des tactiques de la guerre blindée n’en est qu’un exemple (mais nous en reparlerons). Tribune libre Pour conclure, il est à noter que notre armée a fait le tour de la question plusieurs fois. Quiconque lit l’histoire de la Première Guerre militaire ne peut s’empêcher d’être consterné et frustré par l’apparente rigidité du Haut commandement allié et par son insistance presque aveugle à recourir aux attaques frontales. Nous devons, évidemment, être prudent. L’examen rétrospectif est inévitablement injuste à l’égard du sujet de l’enquête. Les étudiants en histoire doivent bien s’assurer d’aller au-delà des faits. On doit toujours tenter de voir ce que les protagonistes ont vu. Dans le cas des généraux de la Première Guerre mondiale, leur entraînement, leurs études professionnelles et leurs qualités de chef ne les ont préparés qu’à faire ce qu’ils ont fait. Nous ne pouvons que déplorer le sang versé au champ d’honneur pour que les futurs chefs apprennent leur métier. Mais ont-ils appris ? On dit que les armées Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Commentaires, opinions et contestations a de nombreuses autres priorités opérationnelles immédiates ? De plus, pourquoi la Force terrestre devrait-elle se tourner vers un domaine qui est traité au niveau interarmées ? Il ne s’agit là que de quelques observations courantes soulevées lorsqu’il est question de l’espace. Dans une large mesure, la Force terrestre a fondé sa doctrine sur les principes fondamentaux de la guerre. Toutefois, ces principes ont été bouleversés par la puissance spatiale. Par exemple, le principe de l’effet de surprise a perdu de son importance parce que la plupart, sinon toutes les opérations terrestres de l’avenir seront menées sous l’observation détaillée des satellites de haute résolution. Alors que dans le passé, on pouvait manœuvrer de gros éléments à l’insu de l’ennemi, il serait aujourd’hui de plus en plus difficile, voire même impossible, d’effectuer de telles opérations. Même si l’on possède localement la supériorité aérienne, l’ennemi n’est peut-être pas ignorant de nos actions. Aucune nation ne revendique sa souveraineté dans l’espace. Comme il n’y a pas de définition juridique délimitant la fin de l’atmosphère terrestre et le début de l’espace, les satellites en orbite peuvent se déplacer librement au-dessus du territoire d’une autre nation sans qu’il soit nécessaire de demander une autorisation et souvent sans entrave. En outre, la technologie de l’imagerie multispectrale et de la télédétection réussit à déjouer les méthodes de camouflage, de dissimulation et antidétection les plus conventionnelles et force ainsi le commandant à revoir ses plans lorsqu’il tente d’obtenir l’effet de surprise. Les ressources spatiales n’empêchent pas cependant tout effet de surprise. Toutefois, elles confèrent une meilleure sensibilité situationnelle de l’espace de combat, d’où la nécessité d’élaborer une doctrine visant à contrer les menaces de la puissance spatiale. La puissance spatiale a également eu une incidence marquée sur les 88 manœuvres terrestres. En effet, les armées qui avaient déjà souscrit aux théories de force massive de van Moltke en sont venues à compter de plus en plus sur le système mondial de localisation (GPS) pour manœuvrer en mode interarmes l’arme blindée et l’infanterie mécanisée modernes. Le recours au GPS dans les opérations terrestres a conduit à une nouvelle forme de guerre, appelée « guerre de navigation ou NAVWAR ». Si les platesformes et les systèmes d’armes de l’Armée de l’avenir devaient incorporer le GPS, il faudra alors que la Force terrestre apprenne comment protéger ses ressources GPS tout en empêchant l’ennemi de posséder la même capacité. Les dispositifs de neutralisation du GPS modernes ne sont pas plus gros qu’une rondelle de hockey et peuvent affaiblir les signaux GPS dans une large zone. Pour détecter et détruire les armes NAVWAR — responsabilités susceptibles d’incomber à la Force terrestre de l’avenir — , l’Armée de terre devra procéder sensiblement de la même façon qu’elle repère et enlève les champs de mines aujourd’hui. La doctrine constitue les fondements sur lesquels un commandant de l’armée planifie et exécute les missions qui lui sont assignées. Les produits spatiaux rehaussent la capacité de projection de la force de l’armée, mais sans l’appui de la doctrine, le commandant est limité dans sa capacité d’utiliser l’espace à son avantage. D’aucuns peuvent questionner la pertinence de doter la Force terrestre d’une doctrine en matière spatiale, étant donné l’application actuelle restreinte de cette dernière; mais la réponse est quasi évidente. En effet, il y a actuellement beaucoup de priorités opérationnelles; toutefois, le succès de la majorité, sinon de la totalité de ces opérations reposent sur l’accès aux ressources spatiales. Si la Force terrestre devait vouloir aller au-delà de l’application limitée d’un multiplicateur de force, il lui faudra alors apprendre comment intégrer efficacement ce multiplicateur dans sa doctrine actuelle. Par conséquent, il faut envisager un certain nombre de notions générales afin d’aider le commandant à atteindre ses objectifs d’ordre spatial dans l’environnement des opérations terrestres. 1 La première étape est l’instruction. Actuellement, la Force terrestre n’offre pas de cours officiels d’initiation aux opérations spatiales à ses soldats; au niveau des officiers, on envisage actuellement la possibilité de n’inclure dans les cours de la période de perfectionnement 2 à venir, qu’un seul objectif de compétence portant sur cette question. L’officier peut également suivre un cours d’initiation aux opérations spatiales de niveau élémentaire à l’École d’études aérospatiales des Forces canadiennes à Winnipeg, mais la participation de la Force terrestre à ce cours de la « Force aérienne » n’est pas élevée jusqu’à présent. Il y a des moyens simples de combler ce vide dans l’instruction. Des cours réguliers et des programmes de perfectionnement professionnel tant pour les officiers que pour les soldats sont de toute évidence les meilleures solutions quoique, en réalité, il y ait un manque d’intérêt manifeste à consacrer des ressources à cette fin. Pour amorcer le virage dans ce sens, il serait possible de distribuer un CD Rom d’instruction sur la puissance spatiale aux militaires de la Force terrestre de tous les rangs . Les Américains ont déjà dans leur système d’instruction un cours de ce type qu’ils offrent aux officiers de la Force aérienne et de l’Armée de terre qui prennent part à des opérations interarmées, bien que tout officier intéressé puisse obtenir sur demande la trousse d’enseignement. La trousse d’enseignement autogéré nécessite huit heures d’études et constitue une bonne entrée en matière. En outre, on demande que les officiers au niveau de la compagnie et aux niveaux supérieurs (tout particulièrement ceux qui sont responsables de la manœuvre des grosses unités) soient sensibilisés aux Vol. 3, no. 1, printemps 2000 C’est par une méthode progressive qu’on réussira le mieux à développer le soutien spatial de la Force terrestre. À court terme, la Force terrestre peut exploiter à ses fins les capacités des systèmes spatiaux actuels, p. ex. le GPS commercial. En outre, elle peut exploiter de nouvelles applications, p. ex. des Le soutien spatial de la Force terrestre nécessitera une architecture de commandement et de contrôle (C2) axée sur l’aide à la planification délibérée et à la planification en cas de crises. Toutefois, le soutien spatial devra surtout fournir une sensibilité situationnelle à tous les niveaux, et ce, de l’autorité de commandement national au combattant. À l’avant-garde, le personnel qualifié dans le domaine spatial, organisé en équipes de soutien spatial de l’armée (ESSA) dotées vraisemblablement des ressources du G2, établiront le lien entre le MALÉDICTION DU MILLÉNAIRE Le capitaine R.J. Fowler de la compagnie B, 2e Bataillon, Royal 22e Régiment R écemment, on a beaucoup parlé du 21e siècle et de son incidence sur les Forces canadiennes. Plus particulièrement, bon nombre des membres de l’infanterie ont abordé le sujet des répercussions du projet VBL-III et des conséquences que ce « véhicule du 21e siècle » peut avoir. Je ne souhaite pas présenter une image pessimiste, mais je ne crois pas que nous sommes entièrement honnêtes. En effet, le seul rapport entre le VBL-III et le 21e siècle est sa date de livraison, soit l’an 2000. Je ne suis pas un spécialiste du domaine et je suis convaincu que de nombreuses personnes qui participent, directement ou indirectement, au projet ne manqueront pas d’affirmer que je ne connais rien à ce sujet. Je pense également que mes propos ne surprendront personne dans le Corps d’infanterie. Ainsi, le VBL-III représente certes un progrès technologique, toutefois, ce n’est rien d’ingénieux. commandant de la Force terrestre et les fournisseurs des ressources spatiales au niveau national. Pour répondre à tous les besoins futurs, il faudra des programmes d’instruction et de formation plus agressifs et plus sérieux. Des ressources spatiales devront être mises à la disposition du personnel à tous les niveaux aux fins de formation et d’activités opérationnelles. Forte d’une expérience accrue acquise lors de déploiements comme force autonome et force de coalition, la Force terrestre de l’avenir sera prête à intégrer la « quatrième dimension » du champ de bataille.2 NOTES 1 Actuellement, la documentation sur la politique des Forces terrestres en matière spatiale est très limitée. Toutefois, deux documents méritent notre attention; il s’agit des publications B-GG-005-004/AF-025, Space Operations (1998), et A Canadian Military Space Strategy: The Way Ahead for DND and the Canadian Forces (25 février 1998) du MDN. 2 Actuellement, le Canada acquiert la majorité de son expérience dans le domaine des opérations spatiales grâce à sa participation au NORAD et aux postes d’échange (OUTCAN) aux États-Unis. Le modèle qui sera livré aux Forces canadiennes sera une version mise à niveau et, sans doute, supérieure du VBL, mais ce véhicule a fait son apparition dans le Corps des Marines des États-Unis il y a environ 10 ans. D’ici à ce que les bataillons de VBL-III aient reçu l’entraînement requis et qu’ils soient prêts à se déployer avec ce véhicule (soit vers la fin de l’an 2000 ou au début de l’an 2001), plus de 10 ans se seront écoulés depuis la mise en service de celui-ci aux États-Unis. Il fait appel à une technologie qui, sans nul doute, est évoluée, mais elle est propre au 20e siècle. Je m’attarde peut-être trop à 89 Captain John Grodzinski La deuxième étape consiste à élaborer une doctrine de la Force terrestre en matière spatiale qui soit à la fois réaliste et propre à l’environnement des opérations terrestres du Canada. Jusqu’à présent, l’idée voulant que l’espace soit cantonné à la « doctrine interarmées » au Canada et que, par conséquent, il ne relève d’aucun service en particulier, a prédominé, et il s’est avéré qu’elle a entravé l’élaboration d’une doctrine « spatiale » propre à une force donnée. En réalité, une doctrine interarmées sera véritablement possible seulement lorsque chacune des trois forces aura précisé ses besoins particuliers en matière spatiale et rédigé la doctrine sur l’emploi des ressources dans ce domaine. En dernier ressort, une doctrine « spatiale » interarmées sera le produit des efforts conjoints des forces terrestres, maritimes et aériennes. Entre-temps, que fait la Force terrestre pour atteindre cet objectif ? communications satellites améliorées, au fur et à mesure qu’elles seront disponibles. Grâce à la récente coopération canado-américaine en matière de défense, on a obtenu un accès privilégié à un système global de satellites militaires américains. La Force terrestre devrait également planifier l’utilisation de systèmes à venir et collaborer avec les forces aériennes et maritimes à l’élaboration d’une doctrine interarmées en matière spatiale. En bout de ligne, les ressources spatiales agissent comme un multiplicateur de force pour les trois services, et la Force terrestre ne peut arriver à bien définir son rôle qu’en collaborant avec les deux autres forces et en s’intégrant à cellesci, si elle a déjà pris des mesures pour définir son rôle futur. Tribune libre notions du soutien spatial et aux ressources qui influeront sur leur commandement. Commentaires, opinions et contestations Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre la rhétorique, mais la perception est un aspect important. La raison pour laquelle bien des gens prétendent que le VBL-III nous fera franchir le cap du millénaire a trait au fait que ce point de vue appuie la théorie voulant que ce véhicule entraîne des changements phénoménaux à notre doctrine. Je ne suis pas d’accord avec cette affirmation. À l’instar de bien des membres de l’infanterie, je crois qu’au cours des dernières décennies, notre doctrine est devenue archaïque, d’où la mise en place de la doctrine de la guerre de manœuvre. Certes, cela représente peutêtre un pas de géant, mais comme notre ancienne doctrine, ce n’est tout de même pas ingénieux. La technologie sur laquelle le VBL-III s’appuie représente à coup sûr un grand progrès par rapport à ce qui existe actuellement, mais il s’agit simplement d’un élément amélioré dont nous pouvons nous servir pour atteindre notre objectif: se rapprocher de l’ennemi et le détruire. manœuvrabilité et la protection à un degré dont nous ne pouvions pas nous prévaloir auparavant. À la différence du M-113, il s’agit d’un véhicule qui permettra de « combattre » et non qui offrira simplement une protection restreinte pour effectuer un déplacement du point A au point B. Les refuges Zulu du passé ont disparu: les temps changent. Mais est-ce bien le cas ? Je ne me souviens pas avoir utilisé souvent les refuges Zulu. Durant une attaque mécanisée à laquelle j’ai pris part, nos véhicules nous accompagnaient en tout temps, particulièrement si l’appui des chars était insuffisant. Est-ce que le VBL-III entraînera réellement des modifications profondes à notre doctrine ou changera-t-il plutôt certains des mécanismes (par exemple les tactiques, les techniques et les procédures (TTP), du combat et mettra-t-il en évidence certains aspects de la doctrine que nous avons adoptée récemment ? Dans le présent commentaire, je compte présenter trois points principaux. Tout d’abord, le VBL-III ne changera sans doute pas de façon significative nos activités, pourvu que la guerre de manœuvre soit en fait la méthode que nous préconisons actuellement pour vaincre l’ennemi. Ensuite, sa mise en œuvre ne nécessitera probablement pas des changements importants à la hiérarchie de nos compagnies de fusiliers. Enfin, même si la hiérarchie de nos compagnies de fusiliers ne nécessite pas de changement, le niveau de dotation des bataillons en a besoin. En outre, je doute qu’il change vraiment la façon de conduire les opérations défensives. À titre d’exemple, je peux citer le récent exercice d’entraînement défensif de notre bataillon dans le cadre de l’exercice LION INTREPIDE 98. Certains peuvent mettre en doute le bien-fondé de la méthode consistant à laisser les véhicules, même le Grizzly qui est inférieur aux autres, dans des caches plutôt qu’à une position défensive. Il est vrai, qu’il s’agisse du Grizzly ou du VBL-III, que le véhicule procure un avantage certain en ce qui concerne la puissance de feu, sans mentionner les communications et la mobilité. Cependant, à la lumière de notre nouvelle doctrine, je crois que le commandant sur le terrain doit toujours avoir la latitude pour prendre une décision selon son appréciation. J’estime qu’il serait insensé de simplement affirmer que les véhicules doivent obligatoirement se trouver en position, tout comme il serait faux de dire qu’on doit les laisser dans des caches. Le commandant, en se fondant La doctrine appliquée par l’Armée canadienne, soit la guerre de manœuvre et le commandement de mission, a fait l’objet de longues discussions et nous ne cesserons sans nul doute pas d’en discuter à satiété jusqu’à ce qu’un changement s’opère. Le VBL-III s’intégrera très efficacement à cette doctrine, car il rehaussera les fonctions de combat de nos bataillons d’infanterie comme la puissance de feu, la 90 sur une évaluation de la situation, déterminera où seront déployés les véhicules de l’unité. De plus, un commandant subalterne ne doit pas avoir à expliquer dans les moindres détails à son commandant d’unité les raisons pour lesquelles les véhicules ne sont pas en position: il doit plutôt justifier pourquoi ils sont en position. Ces deux méthodes présentent des avantages. Si les véhicules sont en position, ils sont vulnérables au bombardement préparatoire, qui ne manquera pas de se produire si nous faisons face à l’ennemi que nous nous entraînons actuellement à vaincre. Ensuite, une fois que l’assaut principal débute, ces véhicules font partie du combat, ce qui accroît leur vulnérabilité s’ils quittent la position en vue de l’exécution d’autres fonctions. Enfin, les véhicules disposés à un autre endroit peuvent remplir diverses fonctions de réserve, y compris des contremouvements comme les contreattaques, le blocage ou le renforcement. Le point essentiel est le suivant: peu importe qu’un bataillon soit doté de M-113 ou de Grizzly, la venue du VBL-III n’entraînera aucun changement à la doctrine, sauf que nous pourrons effectuer ces opérations plus efficacement. Le VBL-III peut modifier certains facteurs d’une appréciation, peut-être même de façon importante, mais je crois que l’incidence sur la doctrine sera minime. Un des points qu’on a abordé récemment est le rôle du commandant à tous les niveaux. Le commandant d’un peloton doit-il descendre de son véhicule durant l’assaut ? Et qu’en estil du commandant adjoint (cmdtA) du peloton ? Qui commandera les véhicules Zulu ? Devons-nous réellement appliquer des règles strictes ? Personnellement, je ne demanderais pas au commandant d’un peloton de descendre du véhicule à tous les assauts. Le VBL-III offre au commandant une mobilité, une puissance de feu et des communications accrues et, donc, une Vol. 3, no. 1, printemps 2000 Mon deuxième point se rapporte aux changements proposés à la structure des compagnies de fusiliers. Il s’agit de l’adjonction d’un capitaine de bataille à chaque compagnie de fusiliers et d’un Il est vrai que l’échelon de la compagnie doit changer, ainsi que le rôle de certaines troupes, car l’entraînement spécialisé au tir au canon devient crucial. Nous devrons disposer d’un meilleur transport au fur et à mesure que nos besoins de munitions et de carburant augmentent. Les compagnies de fusiliers auront également davantage besoin d’un système de contrôle du tir et de techniciens radio, ainsi que d’un échelon élargi pour faire face à l’accroissement de la consommation des ressources. Cependant, a-t-on besoin d’un sixième officier dans la compagnie et d’un quatrième sergent dans chaque peloton ? On a effectué des comparaisons avec le Corps blindé. Je ne crois pas que cela convienne. En premier lieu, le VBL-III n’est pas un char, mais un véhicule de combat d’infanterie. Le rôle de l’infanterie n’a pas changé et je ne crois pas qu’on puisse estimer qu’elle doive changer. Certes, nous disposerons d’une capacité accrue pour réaliser certaines tâches, mais notre rôle et nos caractéristiques demeureront inchangés. Un escadron blindé compte quatre troupes. Si on a la possibilité de se subdiviser en un escadron (-) et un demi-escadron, on doit disposer d’un officier supplémentaire, qui serait responsable de commander le demi- escadron. À moins que nous comptions adjoindre un quatrième peloton, cette exigence est futile. Dans le cas où une compagnie mécanisée sans appui de chars ferait appel à un peloton de VBL-III dans une base de feux, je suis convaincu qu’un commandant de peloton est plus apte à accomplir la tâche. Quant au quatrième sergent de chaque peloton, quelles sont exactement ses fonctions ? Agit-il à titre de maître canonnier au sein du peloton ? Le cmdtA du peloton ou le commandant supérieur de la section ne pourrait-il pas plutôt s’acquitter de ce rôle ? Certains ont avancé que ce sergent demeurerait sur place pour commander les véhicules Zulu. Le cmdtA du peloton ne pourrait-il pas remplir cette fonction ? Il pourrait certainement aider à la redistribution des munitions et à l’évacuation des blessés. Toutefois, il y a un aspect plus important que ces questions au sujet des responsabilités précises de ces chefs, à savoir: où exactement trouverons-nous ces soldats ? La situation de ma compagnie, à la veille d’un entraînement de quatre semaines sur la conduite de la guerre en hiver, qui comprendra des exercices de patrouille aux niveaux de la compagnie et du bataillon, n’est pas très encourageante. Théoriquement, nous disposons de 88 soldats, de tous les rangs. Au total, 15 d’entre eux sont affectés à des cours ou à des tâches à l’extérieur de l’unité, y compris 9 soldats de grade caporal-chef ou plus élevé. Si on tient compte du personnel en service réduit, nos deux pelotons ne comptent plus que 22 soldats. Je peux répondre à ceux qui pourraient prétendre que je maugrée en raison des problèmes de leadership qu’ils se trompent. Je crois que toutes les compagnies d’infanterie faisant partie de n’importe lequel des bataillons d’infanterie de la Force régulière se butent aux mêmes obstacles. Nos deux pelotons disposent du personnel dirigeant suivant: le 4e Peloton a un adjudant, deux sergents et deux caporaux-chefs; le 6e Peloton 91 Captain John Grodzinski Je peux entrevoir l’incidence et le changement qu’entraînera la mise en œuvre de la guerre de manœuvre et du commandement de mission (lorsque nous mettons en pratique cette doctrine, plutôt que de simplement en faire un service pour la forme), mais je ne crois pas que le VBL-III modifiera de façon significative nos méthodes de combat. L’avantage additionnel qu’il apporte sur le champ de bataille est bien plus important, tout comme l’augmentation considérable de la consommation de ressources, le carburant et les munitions par exemple. De plus, nos exigences en matière d’entraînement vont s’accroître en raison des cours de tir au canon et de la nécessité de mettre en place un entraînement continu destiné à tenir nos capacités à jour. Le fardeau financier imposé aux unités augmentera considérablement en raison du prolongement des programmes de cours sur la fonction essentielle de combat, de la consommation des ressources et de la nécessite d’applications du tir de campagne évolué. Pour respecter la norme imposée en matière d’entraînement, les unités devront disposer de budgets d’entraînement plus élevés et d’un personnel plus important. sergent de VBL-III à chaque peloton. Les fonctions particulières de ces deux nouveaux postes sont nébuleuses pour moi et, je crois, pour bien d’autres gens. Cette situation découle, je crois, du fait que nous mettons la charrue devant les bœufs et que ces postes ont été créés avant que nous puissions déterminer la nécessité de leur introduction. Récemment, notre cellule de conversion du VBL-III a distribué l’organigramme proposé des compagnies de fusiliers avec VBL-III. Personne n’a pu m’expliquer ce que nous attendons des titulaires de ces nouveaux postes. Si ma première hypothèse, soit que notre doctrine ne changera pas de façon significative, s’avère juste, je peux affirmer qu’aucune modification importante n’est vraiment nécessaire à la composition de la compagnie de fusiliers. Tribune libre plus grande souplesse que s’il n’était pas à bord du véhicule. Ces facteurs, conjointement, amenuisent la vulnérabilité du commandant. Je ne dis pas non plus qu’il ne doit jamais descendre du véhicule (je n’encourage pas non plus le « leadership depuis l’arrière »), mais je soulève la question suivante: avons-nous besoin d’une règle stricte ou devons-nous plutôt enseigner aux commandants novices les avantages et les inconvénients de ces deux méthodes, puis leur permettre, d’après les principes et les notions qui régissent notre profession, de prendre une décision logique ? Ce n’était rien d’ingénieux auparavant et ce ne l’est toujours pas. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Commentaires, opinions et contestations est en meilleure position, car il dispose d’un lieutenant, d’un adjudant, de deux sergents et d’un caporal-chef. Nous pourrions certes nous demander s’il est utile d’adjoindre quatre autres postes de chef à une compagnie de fusiliers, alors que nous n’arrivons même pas à combler les postes actuels par la dotation en temps de paix. Je ne peux m’empêcher de me demander, lorsque j’aborde le sujet de la refonte complète de notre système en raison de l’introduction d’une plate-forme d’armes améliorée, ce qu’il en est des Britanniques et des Américains ? Certes, le VBL-III constitue pour nous un progrès important sur le plan technologique, mais il s’agit d’un véhicule relativement ancien pour nos deux principaux alliés. Je ne crois pas que les Britanniques et les Américains ont créé de nouveaux postes de chef lorsqu’ils ont introduit le Bradley ou le Warrior dans leurs forces d’infanterie. N’avons-nous pas consulté les forces américaines et britanniques au sujet de la mise en œuvre de ce nouveau système d’arme ? Alors pourquoi adoptons-nous une méthode si différente de la leur ? Croyons-nous que nous sommes plus perspicaces qu’eux ? Après tout, il s’agit de deux pays qui ont utilisé avec succès la doctrine de la manœuvre avec des véhicules semblables durant la guerre du Golfe. Nous pouvons donc prendre exemple sur eux sans grande crainte de se tromper. Ainsi, je demande à nouveau si nous devons adjoindre un capitaine et trois sergents à chaque compagnie de fusiliers ? Même si de très bonnes raisons justifient cette mesure, je n’ai pas encore entendu d’argument valable. Qui plus est, si nous créons ces nouveaux postes, comment allons-nous les combler ? J’en viens alors à ma dernière observation. Je suis convaincu que nous devons revoir les niveaux de dotation de nos bataillons d’infanterie à la lumière de l’accroissement des exigences. Chaque VBL-III exigera un équipage de trois personnes qui demeurera dans le véhicule lorsque le reste du peloton en descendra. Ainsi, on disposera au total 92 de 12 personnes, plus le commandant et le cmdtA du peloton, simplement pour faire fonctionner le véhicule. Si on revient à l’exemple de la compagnie que j’ai mentionné plus haut, il est difficile d’entrevoir qu’un entraînement profitable puisse avoir lieu. Je crois que d’autres partagent mon opinion. La plupart des pelotons d’infanterie comptent entre 20 et 25 soldats, de tous les rangs. On dispose donc de fort peu de personnes hormis les équipages des véhicules. De plus, la plupart des bataillons sont privés d’environ 20 à 25 pour cent de leur personnel, en général, en raison de cours ou de tâches à l’extérieur (ou plus si d’autres unités participent à des missions à l’étranger ou s’entraînent en vue d’un déploiement). Par conséquent, une compagnie de fusiliers comprenant 90 soldats peut voir partir au moins 15 à 20 personnes, de tous les rangs , à tout moment. Cette situation n’est pas propice à l’instruction progressive, si on tient compte des exigences du VBL-III. Lorsque le 2 e Bataillon, Royal 22e Régiment a pris part à l’exercice LION INTREPIDE 98, le bataillon devait compter 776 personnes, mais moins de 600 soldats ont été déployés. Notre compagnie de fusiliers comportait des pelotons composés, en moyenne, de 22 personnes, de tous les rangs, y compris les sections d’infanterie de six soldats au plus. Il s’agissait de l’exercice le plus important de l’année et nous n’étions pas en mesure d’effectuer un entraînement de section ou de peloton valable avant l’exercice en raison des tâches d’été. Cette situation est inacceptable. Une section d’infanterie composée de cinq soldats, y compris le commandant et le cmdtA de la section, serait inefficace si trois soldats devaient demeurer à bord du véhicule. Si un bataillon d’infanterie doit s’entraîner pour la guerre en plus de fournir des soldats pour des tâches et des cours à l’extérieur, il doit disposer d’une dotation de temps de guerre pour pouvoir atteindre ses objectifs d’entraînement et faire preuve de cohésion. Si l’amélioration de la cohésion des unités et des sous-unités est réellement importante, un bataillon d’infanterie doit disposer du personnel dont il a besoin pour ses activités. Il ne s’agit pas seulement du nombre adéquat de caporaux et de soldats, mais également de chefs à tous les niveaux. Théoriquement, la Force régulière compte neuf bataillons d’infanterie. En réalité, nous disposons d’une infrastructure pouvant prendre en charge neuf bataillons mais d’un personnel pouvant constituer seulement six bataillons environ. Lorsque nous devons exécuter des opérations importantes, nous empruntons à gauche pour combler une lacune à droite: nous prenons des soldats d’un bataillon pour en renforcer un autre. Cette méthode ne favorise pas la cohésion dans ces unités. Je doute que cela soit une révélation pour quiconque: je n’ai sûrement pas découvert quelque chose de nouveau. Nous devons donc nous poser la question suivante: pourquoi continuonsnous à agir ainsi ? Récemment, plusieurs nouvelles questions ont fait leur apparition sur la scène militaire, la qualité de vie n’étant certes pas la moindre. Si nous souhaitons réellement améliorer la qualité de vie de tous les soldats, particulièrement ceux de l’infanterie, nous devons débuter par l’entraînement et non par les mesures incitatives de premier plan comme le salaire ou le logement militaire. Je crois que c’est le feld-maréchal Rommel qui a affirmé que la meilleure façon de garantir un moral hors pair consiste à préconiser une norme élevée en matière d’entraînement. Si nous visons à optimiser le « rendement de notre investissement », nous devons accorder la part du lion à l’entraînement et non tenter de mériter la faveur du public par des initiatives illusoires. Au moins 75 pour cent des plaintes que je reçois de nos troupes (et même des plaintes qui ne me parviennent pas directement mais qui me sont signalées) résultent d’un manque de personnel pour l’entraînement et non Vol. 3, no. 1, printemps 2000 k Le VBL-III est un excellent véhicule de combat d’infanterie et il accroît notre capacité à détruire l’ennemi (par exemple, notre capacité en matière de combat de nuit sera grandement améliorée, tout comme notre capacité à repérer et à détruire l’ennemi d’une distance plus grande), mais il ne k Peu d’arguments appuient l’ajout d’un capitaine de bataille dans chaque compagnie et un quatrième sergent dans chaque peloton. En outre, si nous créons ces postes, comment allons-nous les combler ? Major Don Banks Quartier général du Secteur du Centre de la Force terrestre os lecteurs sont-ils prêts à relever le défi? J’aimerais offrir une piste de réflexion en réponse à une idée proposée dans une récente édition du Bulletin. Plus précisément, je voudrais apporter une suggestion radicale à propos de la réorganisation des unités de manoeuvre en groupements tactiques permanents. La chose me paraît très sensée, mais pourquoi ne pas franchir un pas de plus, complètement en dehors des sentiers battus? Pourquoi ne pas former un seul service des armes de combat, comportant des sous-spécialités qui fourniraient les fonctions de combat nécessaires? J’en entrevois les avantages suivants : k La fin du tribalisme débilitant et du « syndrome de l’insigne de coiffure » qui, que nous l’admettions ou non, gaspillent les énergies et les ressources d’une force aussi maigre et stressée que la nôtre. k L’élaboration d’une approche vraiment commune de la doctrine et de la formation concentrée non pas sur ce Nous pouvons nous attaquer au problème de notre capacité insuffisante en matière d’entraînement ou encore nous pouvons maintenir le statu quo: nous deviendrions alors une armée disposant d’un équipement du 21e siècle et d’une capacité digne du 19e siècle. k Enfin, pour effectuer l’entraînement, particulièrement suite à la venue du VBL-III, nous SUR LE BÛCHER N avons besoin de plus de soldats, de tous les rangs, dans nos bataillons d’infanterie. qui convient le mieux à une arme particulière, mais sur ce qui anéantit l’ennemi le plus efficacement. k L’accroissement de l’emploi d’officiers (et éventuellement de militaires du rang) en produisant des officiers tous formés suivant une norme commune, de manière à utiliser avec un même succès toutes les fonctions de combat associées à la spécialisation uniquement nécessaire pour maximiser leur leadership et leur capacité de planification. En d’autres termes, ne faites pas un technicien d’un officier laissez cela aux adjudants et aux sous-officiers. feu. Mais arrêtez-vous un instant et demandez-vous pourquoi nous devons faire les choses de la façon dont nous les avons toujours faites. Pourquoi le combat rapproché, les systèmes et sous-unités de tir indirect et direct appartiennent tous à un même service? Par exemple, si un bataillon d’infanterie dispose déjà des armes lourdes de tir direct (TOW), de tir indirect (mortiers) et même de génie de combat (pionniers), pourquoi ne pas suivre le même schème de pensée et créer un service unique? Bien sûr, il ne s’agit pas ici d’une thèse entièrement développée, mais bien d’un simple défi. J’attends une réponse. Captain John Grodzinski En résumé, mes conclusions au sujet de la venue du VBL-III et du prochain millénaire sont les suivantes: change nullement les principes élémentaires en vertu desquels nous livrons combat. Certes, le commandant doit tenir compte de différents facteurs dans le cadre de son évaluation, mais les principes en vigueur demeurent inchangés. k L’approche unifiée de l’acquisition d’équipement, et de la recherche et du développement. k La création d’unités qui, peu importe le nom qu’on leur donne, s’entraînent toujours dans un environnement « interarmes », puisque telle est leur nature véritable. Je peux déjà entendre crier les mots « hérésie », « malade », « impossible à entraîner » et sentir l’odeur du bûcher en Les lecteurs sont invités à formuler leur réflexion sur le sujet. Si nous recevons un nombre suffisant de réponses, elles seront publiées dans un bulletin spécial. Tous ensemble maintenant… (ou individuellement si vous préférez…) 93 Tribune libre des conditions des logements familiaux. Si nous voulons réellement offrir un entraînement de qualité à nos forces armées, nous devons disposer du personnel nécessaire sur le terrain, qualifié et prêt pour l’entraînement.
* Your assessment is very important for improving the work of artificial intelligence, which forms the content of this project
advertisement