LE BULLETIN DE DOCTRINE D’INSTRUCTION DE L’ RMÉE DE TERRE A Le journal professionnel de l’Armée de terre du Canada RÉVOLUTIONS DANS LE DOMAINE MILITAIRE : FICTION OU RÉALITÉ? PARTIE II Le lieutenant-colonel Wayne L. Pickering, CD CLAUSEWITZ AU 21IÈME SIÈCLE Le capitaine Simon Bernard ANALYSE DES QUESTIONS D’ÉTHIQUE L'AFFAIRE DU NAVIRE TRENT (1861) Le colonel Howie J. Marsh, OMM, CD Le major W.E. (Gary) Campbell, CD L’ÉVOLUTION DE LA DOCTRINE OPÉRATIONNELLE AU SEIN DU CORPS CANADIEN EN 1916-17 AMÉLIORER L’APPRENTISSAGE DANS L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE Desmond Morton, Ph.D. Le capitaine Daryl W. Morrell LA DISPONIBILITÉ OPÉRATIONNELLE ET L’ARMÉE DE TERRE DU CANADA LE SERVICE D’INFORMATION DE L’OTAN EN 1951: ORGANISATION ET GUERRE DE L’INFORMATION Le major Dan Drew, CD Pierre Grégoire, Claude Beauregard et Monik Beauregard SUPPLÉMENT SPÉCIAL L’AVENIR DU CORPS BLINDÉ ET DE L’ÉQUIPE INTERARMES Publication trimestrielle Défense nationale National Defence Vol. 2, no. 4, hiver 99 LE BULLETIN DE DOCTRINE ET D’INSTRUCTION DE L’ARMÉE DE TERRE LE JOURNAL PROFESSIONNEL DE L’ARMÉE DE TERRE DU CANADA e Bulletin est une publication officielle qui paraît trimestriellement. Tous les articles qui y sont publiés demeurent la propriété du ministère de la Défense nationale et peuvent être reproduits sur autorisation écrite du rédacteur en chef. Les opinions exprimées dans ce Bulletin n’engagent que l’auteur concerné. Elles ne représentent pas une politique officielle et elles ne confèrent à personne l’autorité d’agir dans quelque domaine que ce soit. C Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre est un journal interne de l’Armée de terre qui a pour objet de diffuser de l’information et de susciter des échanges sur les idées et concepts de doctrine et d’instruction à l’intention de tous les membres de l’Armée de terre ainsi que des civils intéressés. Nous acceptons les articles portant sur des sujets tels que le leadership, l’éthique, la technologie et l’histoire militaire canadienne. Les débats réfléchis et bien exprimés sont essentiels à la santé intellectuelle de l’Armée de terre et à la production d’une doctrine et de politiques d’instruction valables. Les articles qui favorisent la réflexion ou la discussion sont donc les bienvenus. Les militaires de tous grades sont invités à soumettre leurs écrits. PRÉSENTATION DES ARTICLES DIFFUSION Les articles de toute longueur, idéalement entre 2 -5 000 mots, pourront faire l’objet d’une publication. Les articles pour la « Tribune libre » ne devraient pas dépasser 1 500 mots. Les articles peuvent être soumis dans l’une ou l’autre des deux langues officielles. L’usage et l’orthographe des mots devront être conformes aux dispositions des manuels suivants : The Canadian Style: A Guide to Writing and Editing (Travaux publics et Services gouvernementaux du Canada, 1997), Le guide du rédacteur, Bureau de la traduction (TPSGC, 1996) qui sont tous les deux disponibles sur http://www.pwgsc.gc.ca/termium, et The Concise Oxford Dictionary of Current English ou le Petit Robert. Les auteurs peuvent soumettre leurs articles par courriel ou par courrier postal (avec copie sur disquette) et ils doivent inclure les photographies, tableaux et graphiques pertinents, sans oublier les notes de fin de document ou la bibliographie. Ils devraient en outre inclure une brève notice biographique énonçant leurs titres de scolarité, leur cheminement militaire, les cours dignes de mention qu’ils ont suivis et le poste qu’ils occupent actuellement. Les articles seront revus par un comité de rédaction et les collaborateurs seront informés par le rédacteur en chef de l’étape où en est leur article dans le processus décisionnel. Le rédacteur en chef se réserve le droit de programmer la publication des articles et d’adapter le titre des articles publiés. Le Bulletin est diffusé à tous les quartiers généraux, écoles et unités de l’Armée de terre ainsi qu’à certains éléments du QGDN, du Commandement maritime, du Commandement aérien, du SREIFC et de l’OSID. Des exemplaires sont également acheminés à des organismes liés à la défense, à des armées alliées et à certains membres choisis du grand public et du milieu universitaire. Pour obtenir des exemplaires à titre personnel, prière de s’adresser au rédacteur en chef. DATES DE TOMBÉE Voici les dates de tombée pour chacun des numéros : Printemps : avant le 15 septembre Été : avant le 15 décembre Automne : avant le 31 mars Hiver : avant le 30 juin ISSN 1480-9826 CORRESPONDANCE Tous les articles ou commentaires doivent être envoyés au rédacteur en chef, le capitaine John R. Grodzinski : Le rédacteur en chef Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Le Système de la doctrine et de l’instruction de la Force terestre CP 17 000 Succ des Forces Kingston ON K7K 7B4 Tél : 613-541-5010, poste 4874; Fax : 613-541-4478 C élec Banyan disponible; C élec Internet : non disponible RÉVISION ET MISE EN PAGE Le Bureau de publications de l’Armée de terre est responsable de la révision et mise en page de chaque article. Révision — anglais : Le lieutenant (M) Brian Lawrie-Munro Révision — français, anglais : M. Gilles Langlois Mise en page et graphisme : Le cplc Laura Cunningham et le cpl Jenni Buckland Traduction par le Bureau de la traduction du TPSGC Emprimé par : ePRINTit Vol. 2, no. 4, hiver 1999 TABLES DES MATIÈRES COLLABORATION SPÉCIALE : QU’EST-CE QUI CONSTITUE, SELON VOUS, LE CENTRE DE GRAVITÉ DE L’ARMÉE DE TERRE? .................................................................................................... 1 MOT DU RÉDACTEUR EN CHEF : COMMENT VOIR L’AVENIR DE L’ÉQUIPE INTERARMES, LES YEUX GRAND FERMÉS? ..................................................................................................................................... 5 LA LISTE DE LIVRES RECOMMANDÉS POUR LES PROFESSIONNELS DE L’ARMÉE DE TERRE .......................................................................................................... 7 DE LA DIRECTION DE LA DOCTRINE DE L’ARMÉE DE TERRE : LES SYMBOLES MILITAIRES DANS LES OPÉRATIONS TERRESTRES ............................................................................... 8 DE LA DIRECTION DE LA DOCTRINE DE L’ARMÉE DE TERRE : RENSEIGNEMENT, SURVEILLANCE, ACQUISITION D’OBJECTIF ET RECONNAISSANCE ................................................... 11 DE LA DIRECTION DE L’INSTRUCTION DE L’ARMÉE DE TERRE : FOURNIR L’INSTRUCTION À L’ARMÉE DE TERRE EN VUE DE L’AVENIR .....................................................................19 DE LA DIRECTION DES CONCEPTS STRATÉGIQUES (OPÉRATIONS TERRESTRES) : UN COUP D’ŒIL VERS L’AVENIR ............................................................................................................................24 DU CENTRE DE FORMATION POUR LE SOUTIEN DE LA PAIX : LE CENTRE D’EXCELLENCE DU CANADA EN MATIÈRE DE FORMATION POUR LE SOUTIEN DE LA PAIX A UN NOM ..............................................................................................26 RÉVOLUTIONS DANS LE DOMAINE MILITAIRE : FICTION OU RÉALITÉ? PARTIE II ........................................................................................................................28 ANALYSE DES QUESTIONS D’ÉTHIQUE ...................................................................................................................39 Tables des matières L’ÉVOLUTION DE LA DOCTRINE OPÉRATIONNELLE AU SEIN DU CORPS CANADIEN EN 1916-17 ...........................................................................................................42 LA DISPONIBILITÉ OPÉRATIONNELLE ET L’ARMÉE DE TERRE DU CANADA ...............................................................48 CLAUSEWITZ AU 21IÈME SIÈCLE ...........................................................................................................................57 i Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre L'AFFAIRE DU NAVIRE TRENT (1861) ....................................................................................................................66 AMÉLIORER L’APPRENTISSAGE DANS ..........................................................................................................................77 L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE LE SERVICE D’INFORMATION DE L’OTAN EN 1951 : ORGANISATION ET GUERRE DE L’INFORMATION ......................................................................................................85 SUPPLÉMENT SPÉCIAL DU BULLETIN DE DOCTRINE ET D’INSTRUCTION DE L’ARMÉE DE TERRE L’AVENIR DU CORPS BLINDÉ ET DE L’ÉQUIPE INTERARMES HALTE AU TIR — ATTENDEZ! ..............................................................................................................................96 UNE PARTIE DE LEUR CAVALERIE POURRAIT ÊTRE CONVERTIE : DÉVELOPPEMENT DE LA FORCE BLINDÉE LÉGÈRE DANS L’ARMÉE CANADIENNE, 1952-1976 ............................................................................................................97 LE VÉHICULE BLINDÉ DE COMBAT ET L’AVENIR DU CORPS BLINDÉ ....................................................................... 117 UN RÉGIMENT DE CAVALERIE LÉGÈRE (RCL) POUR L’ARMÉE DU CANADA ......................................................... 120 REGARDONS LA RÉALITÉ EN FACE… .................................................................................................................. 127 CONCEPT D’UTILISATION DE L’ESCADRON DE CAVALERIE ..................................................................................... 129 Tables des matières ABORDONS LA QUESTION DE PLUS PRÈS! POSSIBILITÉS D’EMPLOI DE L’ESCADRON DE RECONNAISSANCE EN FONCTION DU PLAN DE REDISTRIBUTION DE L’ÉQUIPEMENT ................................................................................................ 138 TRIBUNE LIBRE COMMENTAIRES, OPINIONS ET CONTESTATIONS ................................................................................................... 153 ARTICLES ET LIVRES PRÉSENTANT UN INTÉRÊT ................................................................................................... 167 ii Vol. 2, no. 4, hiver 1999 COLLABORATION SPÉCIALE QU’EST-CE QUI CONSTITUE, SELON VOUS, LE CENTRE DE GRAVITÉ DE L’ARMÉE DE TERRE? e rédacteur en chef m’a demandé de rédiger un mot d’introduction au présent numéro du Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre (BDIAT). Comme d’habitude, pour ceux qui me connaissent, j’ai reporté cette tâche jusqu’à la dernière minute. À la recherche d’inspiration, j’ai déniché les dernières parutions du Bulletin et examiné les éditoriaux rédigés sur invitation par les généraux Forand et Hillier. Le premier portait sur la fierté individuelle au sein de l’Armée de terre et le deuxième (du moins à mon point de vue), sur le but de la même institution aux États-Unis d’Amérique et chez nous. Dans le but de poursuivre l’allitération, je proposerai donc « le potentiel » comme thème de ma brève introduction. J’entends par là le potentiel de régler les problèmes importants auxquels nous sommes actuellement tous confrontés, tandis que nous nous approchons de l’Armée de demain et de l’avenir. La manière la plus efficace de s’attaquer à ces questions consiste à tenir une discussion et un débat ouverts. De cette façon, nous, les professionnels (et j’inclus les militaires de tous grades dans ce terme), nous assurerons de léguer à nos successeurs la meilleure Armée de terre possible. L Au début du mois d’août, le Quartier général de la Défense nationale a publié le Guide de planification de la Défense de 2000 (GPD 2000). Immédiatement dans la foulée de cette publication, le Chef d’état-major de l’Armée de terre a rendu publiques ses Directives stratégiques sur les opérations et les ressources de 2000 (DSOR 2000). Les DSOR 2000 « élaborent l’orientation de ce guide [le GPD 2000], accordant une attention particulière à la conception de l’Armée de demain. » En discutant récemment avec un collègue officier, j’ai demandé à celuici s’il croyait que l’Armée de terre avait trouvé et énoncé son centre de gravité et, le cas échéant, ce qu’il en pensait. Nous avons tous deux convenu que, bien que l’Armée de terre ait fait beaucoup de chemin au cours des dernières années, elle n’avait pas encore atteint ce stade. Nous sentions cependant que, compte tenu de la publication récente du GPD 2000 et des DSOR 2000, le temps était venu de s’attaquer à la définition d’un centre de gravité. Ayant constaté que l’Armée de terre n’avait peut-être pas encore cerné le problème, nous avions tous deux une opinion à ce sujet. J’estime que, si nous voulons, en tant qu’Armée de terre, survivre et prospérer, nous devons, avant toute autre considération, offrir à nos soldats un entraînement réaliste de tir fictif et de tir réel au niveau du groupement tactique. Selon moi, en effet, c’est en effectuant un entraînement de ce genre que l’on a, pour la première fois, la possibilité de toucher à l’essence même de notre profession; nous devons donc poursuivre l’entraînement de tir fictif et de tir réel pour soutenir et protéger la profession. Mon interlocuteur m’a surpris (comme il l’avait fait maintes fois dans le passé) en déclarant que, à son avis, le centre de gravité de l’Armée de terre tenait dans le maintien et le développement des capacités intellectuelles liées à la profession. Il pensait que cette tâche doit passer devant tout le reste, le but étant de nous assurer de comprendre les principes fondamentaux du combat pour obtenir la victoire et, aspect tout aussi important, de posséder la doctrine qui permet de le faire, quelles que soient notre structure et les ressources dont nous disposons à tout instant. Malgré les vicissitudes organisationnelles et financières, il faut entretenir rigoureusement et cultiver les capacités intellectuelles. Comme on me l’a déjà dit, l’opinion que l’on défend sur une question donnée dépend très souvent de la position que l’on occupe. Ces deux points de vue très divergents peuvent-ils coexister et peut-on les réconcilier en définissant un centre de gravité pour l’Armée de terre? Plus loin dans le présent éditorial, je poserai une série de questions. Je crois que nous devons nous préparer à diverses réponses et comprendre que cela résulte simplement de la nature du problème. Le défi que je nous lance en tant qu’Armée de terre consiste à analyser avec un esprit critique les dossiers courants et de faire le consensus quant à notre centre de gravité. La compréhension de cette question est susceptible de présenter des aspects stratégiques, opérationnels et tactiques. Puis, en tant qu’Armée de terre – non comme 1 Collaboration spéciale : Qu’est-ce qui constitue, selon vous, le centre de gravité de l’Armée de terre? Le colonel M.G. Macdonald, OMM, MBE, CD Commandant du 2e Groupe-brigade mécanisé du Canada Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Le colonel M.G. Macdonald bataillon ou régiment individuel, corps ou branche, force régulière ou réserve, membres de la structure hiérarchique ou fonctionnelle, mais bien en tant qu’Armée de terre –, nous devons nous entendre sur un centre de gravité et y donner notre appui. Le BDIAT nous offre une occasion exceptionnelle d’influencer notre profession, et donc son avenir. Ce qui me trouble considérablement, c’est que, en tant qu’Armée de terre, nous ne participions pas au débat. Je suis le premier à admettre être aussi coupable que n’importe qui d’autre à ce titre, car je n’ai pas pris le temps ne fait l’effort, pendant toutes ces années, de prendre position par écrit sur les questions courantes. J’ai toujours eu l’impression que quelqu’un d’autre s’en chargerait. Si personne ne prenait la plume, on ne courait aucun danger. Durant la guerre froide, l’environnement favorisait la continuité sur le plan militaire. Nous avions un seul ennemi. Le financement et les effectifs étaient adéquats, sinon abondants, et la cadence opérationnelle était faible. Tout cela se passait, il y a à peine dix années. Comparez cette situation avec l’état des Forces canadiennes aujourd’hui. Le personnel de la Force régulière a été réduit à 60 000 militaires et le personnel de la Force de réserve, à 20 000. Le budget ministériel a glissé sous les 10 milliards de dollars, les opérations et l’entraînement se déroulent à une cadence sans précédent et la nouvelle orientation consiste à équiper les Forces principalement en vue d’exécuter des opérations d’intensité moyenne. Ces restrictions imposent des exigences encore plus considérables sur l’analyse et la réflexion. L’élaboration d’une structure des force viable et d’une 2 doctrine solide à l’ère des compressions est un défi qu’il est nécessaire de relever. Nos soldats doivent s’entraîner et se tenir prêts à intervenir dans des conflits. Si jamais il y a eu un temps pour mobiliser toutes les ressources intellectuelles de l’Armée de terre, c’est bien maintenant. Aucune personne associée aujourd’hui au milieu des Forces canadiennes ne peut manquer de se rendre compte des contraintes en ressources parmi lesquelles notre travail se déroule. Nous sommes tous conscients de la nécessité d’établir l’ordre de priorité des dépenses liées au personnel, aux opérations et à la maintenance (O&M) ainsi qu’aux programmes d’immobilisation. Le GPD 2000 et les DSOR 2000 viennent juste d’être publiés. D’abord et avant tout, vous devez lire ces documents et les comprendre afin de pouvoir participer intelligemment à notre étude des problèmes auxquels l’Armée de terre est confrontée. En ce qui regarde leurs possibles répercussions sur la Force terrestre, ces documents décrivent clairement une Armée de terre taillée sur mesure pour les missions dans lesquelles le gouvernement a le plus de chances de nous engager. Ces missions, diton, se dérouleront dans le cadre de conflits de faible à moyenne intensité. Étant donné la situation mondiale actuelle, le GPD 2000 accepte le risque que l’Armée de terre ne soit pas prête à affronter un conflit de haute intensité. De plus, le GPD trace le portrait d’une force terrestre se déplaçant principalement dans des véhicules à roues et capable de se déployer rapidement. Dans la section relative aux priorités en matière d’immobilisations, le GPD prévoit également l’achat d’autres véhicules blindés légers (VBL) III et véhicules blindés de combat (VBC) en remplacement des flottes de Cougar et de Leopard, quelque temps avant 2010. Une autre section intéressante du document est celle qui traite des priorités en matière d’attribution des ressources. Essentiellement, les auteurs évaluent la répartition des fonds affectés à l’approvisionnement national en tenant compte de l’utilité du matériel, de la probabilité de son utilisation et du calendrier de déploiement. En conséquence, les biens ayant une vaste applicabilité opérationnelle sont davantage financés que ceux dont l’utilité opérationnelle est plus étroite. Au sein de l’Armée de terre, par exemple, on accorderait des fonds plus importants au VBL III et au Coyote qu’au M109 et au Leopard. Le GPD 2000 et les DSOR 2000 ont été publiés juste au moment où l’on assemblait le présent numéro du BDIAT. Or, par un hasard heureux ou à cause d’une bonne gestion, une section spéciale du bulletin a été consacrée à l’examen de certaines questions ayant trait à l’Arme blindée (Corps blindé) qui sont encore plus d’actualité lorsqu’on lit cette section en conjonction avec le guide et les directives récemment publiés. Les articles contenus dans cette section traitent d’aspects comme la structure et la tactique des régiments blindés et des escadrons de reconnaissance, de l’emploi des Coyote et de la configuration possible d’un régiment de cavalerie légère. Ces articles pourraient également porter sur l’entraînement de l’infanterie et l’emploi du VBL III ou sur le matériel du génie nécessaire pour appuyer la guerre de manœuvre dans des opérations d’intensité moyenne. Le point n’est pas que nous ayons besoin d’étudier et de résoudre ces questions uniquement, mais plutôt Vol. 2, no. 4, hiver 1999 que nous examinions l’incidence du GPD 2000 et des DSOR 2000 sur l’Armée de terre dans son ensemble. Il se trouve simplement que les articles figurant dans le présent BDIAT sont disponibles et d’actualité et qu’ils offrent un point de départ aussi valable qu’un autre. Il nous faut considérer l’effet des décisions à l’échelle de l’Armée de terre à partir d’un domaine en particulier. Les dossiers mentionnés ci-dessus ne préoccupent pas uniquement le Corps blindé; ils intéressent, ou devraient intéresser, l’Armée de terre en entier. Revenons maintenant au potentiel, qui est un concept intéressant, car il peut signifier n’importe quoi pour n’importe qui. En premier lieu, selon notre dictionnaire d’usage courant, potentiel signifie « qui est capable de devenir réalité ou de donner lieu à une action, latent… » Ici réside le défi auxquels nous sommes tous confrontés en tant que professionnels. Nous avons tous le potentiel d’influencer l’issue de certaines des questions soulevées dans le présent numéro du BDIAT. Inversement, une solution latente pourrait, peut-être involontairement, nous être imposée, sans que nous ne nous soyons jamais engagés résolument dans la discussion sur notre avenir. J’aimerais soumettre une série de questions, qui n’épuisent sans doute pas le sujet, qui pourraient et devraient mener (je l’espère) à un débat sérieux. Je pose ces questions non pas pour « m’opposer aux solutions préétablies [par les directeurs de groupe d’étude] », mais plutôt pour vous permettre d’offrir des réponses raisonnables à vos soldats lorsqu’ils vous les poseront (ce qui, croyez-moi, est déjà le cas). Collaboration spéciale : Qu’est-ce qui constitue, selon vous, le centre de gravité de l’Armée de terre? Devrait-on laisser les discussions concernant l’avenir du Corps blindé à ce dernier? Quelqu’un d’autre au sein de l’Armée de terre s’intéresse-t-il au débat? Quelles conséquences un Corps blindé transformé, équipé en vue de combats de faible à moyenne intensité, aura-t-il sur la façon dont nous nous entraînons et dont nous exécutons nos opérations? La force blindée du futur, dotée de VBC, pourra-t-elle remplir sa fonction centrale et répondre à sa raison d’être, qui est de protéger l’infanterie embarquée dans des VBL III, tandis que les deux groupes, accompagnés d’un effectif du génie équipé nous ne savons trop quoi, donneront l’assaut et combattront sur un objectif? À quoi ressemble un objectif dans un conflit d’intensité moyenne? En quoi diffère-t-il d’un objectif associé à un conflit de haute intensité? Pourquoi « char » est-il devenu un mot interdit? Comment allons-nous former les commandants de section d’infanterie, maintenant qu’on a introduit le VBL III? Que signifie pour la Force terrestre une « flotte principalement composée de véhicules à roues »? Comment définit-on maintenant le terme « capacité polyvalente de combat »? Si l’escadron de reconnaissance d’un régiment blindé appartient dans les faits au commandant de la brigade, est-ce qu’un régiment de deux escadrons de sabres constitue une unité de combat viable? Devrions-nous mettre plus de pression sur l’enveloppe budgétaire afin d’équiper les trois bataillons d’infanterie légère de VBL III, de manière à disposer de neuf bataillons identiques, et donc d’accroître notre souplesse de façon exponentielle? Si nous ne pouvons presser l’enveloppe davantage, allons-nous sacrifier une autre capacité afin de satisfaire à ce besoin? Est-ce que le GPD 2000 conserve la Marine et la Force aérienne comme des éléments aptes à faire la guerre et fait de l’Armée de terre quelque chose d’autre? 3 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Si l’on réduit le financement des M109 et des Leopard, comment allons-nous apprendre à des équipes de combat et à des groupements tactiques la bonne façon d’utiliser et de coordonner le tir direct et le tir indirect? Les normes d’aptitude au combat resteront-elles en vigueur? Avons-nous besoin d’un forum ou de forums, tenus annuellement, où les commandants d’unité et les commandants de brigade actuels se rassemblent pour discuter et, espérons-le, résoudre des problèmes? Etc., etc., etc. Le colonel M.G. Macdonald Je suis relativement certain d’avoir effleuré seulement une partie des questions qui agitent l’Armée de terre. Quelle question ou quelles questions brûlantes avez-vous sur les lèvres? Je vous suggérerais, que si vous n’avez aucune question, vous ne prêtez pas attention à ce qui se passe autour de vous. Le BDIAT représente le seul lieu où nous pouvons mettre ces questions et d’autres sujets d’actualité sur le tapis. Nous avons également besoin d’en discuter dans le cadre de nos activités d’instruction et de perfectionnement professionnel. Nous pouvons mettre nos solutions à l’épreuve durant les exercices de simulation et en campagne. Les informations et les données recueillies pendant cet entraînement pourraient avoir une influence considérable sur l’issue du débat. Ce n’est pas le temps de demeurer passivement à l’écart, comme je l’ai malheureusement fait dans le passé; au contraire, il est temps que, en tant qu’organisation professionnelle, nous définissions, examinions et résolvions les problèmes au mieux de nos capacités, en mobilisant toute la puissance intellectuelle que nous pouvons rassembler. Cet examen des questions courantes ne peut être réduit à un simple exercice théorique; son 4 importance est beaucoup trop réelle et fondamentale pour nous tous. Il faut prévoir une réaction émotive à ces questions, mais seul un examen rationnel, scientifique et fouillé permettra de trouver des réponses aux questions que nous devons maintenant nous poser. Il importe que nous tenions compte des réalités courantes lorsque nous examinons ces questions et que nous proposons des solutions. Le financement a peu de chances de s’accroître et l’ampleur des tâches restera probablement la même. En tant que nation, nous avons besoin d’une Marine et d’une Force aérienne bien portantes ainsi que d’une Armée de terre solide. Nous ne pouvons nous attendre à prospérer comme Armée de terre aux dépens des autres éléments. Comment allons-nous donc répondre à toutes les questions et déterminer la voie à suivre? Pour l’instant, je l’ignore, mais collectivement, nous pouvons probablement y parvenir. Le défi consiste à s’engager dans le débat, à clarifier les questions, à proposer et à analyser de manière critique des solutions et à développer un consensus à l’échelle de l’Armée de terre. Aucune personne, aucun corps ou aucune branche ne peut faire cavalier seul. Nous coulerons ou nous surnagerons ensemble, selon notre volonté collective à nous adapter à l’époque et aux circonstances. Tandis que je réfléchis à cet avantpropos du BDIAT, il me semble avoir fortement plaidé en faveur de l’opinion de mon collègue quant à ce qui constitue le terrain vital de l’Armée de terre : les ressources intellectuelles de la profession. En tant qu’Armée de terre, nous devons réfléchir à la profession des armes. Toutefois, il ne faut surtout pas tirer des conclusions hâtives. La définition du centre de gravité de l’Armée de terre représente la première étape. L’Armée de demain et de l’avenir se développeront sur cette base. Qu’en pensez-vous? Quel est le centre de gravité de l’Armée de terre? La réponse à cette question modèlera le combat rapproché et le VBC. Vol. 2, no. 4, hiver 1999 MOT DU RÉDACTEUR EN CHEF COMMENT VOIR L’AVENIR DE L’ÉQUIPE INTERARMES, LES YEUX GRAND FERMÉS? ingston est un endroit fascinant pour faire son service. Foyer du Système de la doctrine et l’instruction de la Force terrestre, Kingston est le centre intellectuel de l’Armée de terre. Les activités liées à l’Armée de l’avenir, à la doctrine, à l’instruction et aux leçons retenues de l’expérience se combinent aux installations du Collège de commandement et d’étatmajor de la Force terrestre canadienne, du Centre de formation pour le soutien de la paix et du Centre de formation de commandement et d’état-major interarmées. Nombre de personnes sont ici à l’œuvre, réfléchissant et travaillant dans le but de faire avancer d’importants projets concernant tous ces dossiers. K Certains soutiennent que, de 1966 à 1997, notre Armée de terre n’avait pas l’organisation voulue pour explorer adéquatement ces questions. Durant deux périodes précises, juste après l’unification et de 1994 à 1996, personne n’a vraiment porté attention à celles-ci. La Direction du Chef – Doctrine et opérations terrestres s’y est assurément intéressé à diverses reprises, mais, la plupart du temps, comme une vaste organisation bureaucratique préoccupée par un seul scénario : la guerre en Europe centrale. De nos jours, les défis auxquels l’Armée de terre fait face sont beaucoup plus diversifiés et exigent une pensée plus structurée ainsi que les organisations nécessaires pour y répondre. Parmi ces organisations, l’une des meilleures a probablement été le Comité de la doctrine tactique et du développement des méthodes de combat qui a existé de 1962 à 1966. Contrôlant un certain nombre d’organismes, dont le fameux Conseil de la tactique et de l’organisation de l’Armée de terre, il est à l’origine d’une importante série d’essais et a également parrainé une innovation majeure : l’adoption du transport de troupes blindé (TTB). L’introduction du transport de troupes blindé dans l’Armée canadienne en 1964 a non seulement constitué un virage majeur pour l’infanterie qui se déplaçait à pied ou en camion, mais également en ce qui concerne l’emploi des blindés. Jusqu’alors, les éléments de « manœuvre » au sein du groupebrigade étaient représentés par trois bataillons d’infanterie. La mobilité de ceux-ci à bord de véhicules était limitée. Les chars fournissaient un appui rapproché à l’infanterie et effectuaient des contre-attaques et des contre-pénétrations pour les besoins du groupe-brigade. Les troupes de chars et même les véhicules individuels étaient répartis entre les compagnies et les pelotons d’infanterie, ce qui laissait peu de choses à faire au commandant d’escadron et au commandant régimentaire – en fait, les officiers d’infanterie agaçaient souvent leurs homologues des blindés en se disant prêts à maintenir cette pratique. Une fois qu’on a fourni des transports à l’infanterie, le groupement tactique à prédominance de blindés et l’équipe de combat basée sur l’escadron sont devenus réalité, avec une incidence considérable sur la doctrine de notre Armée de terre. L’introduction du TTB a permis d’augmenter la cadence, ce qui a entraîné une utilisation accrue du PC d’escadron en tant que PC d’équipe de combat ainsi qu’un emploi plus répandu du groupement tactique à prédominance de blindés1 . Au fur et à mesure qu’on se dirigeait vers des opérations sur un champ de bataille mécanisé, le besoin d’une artillerie automotrice, d’autres véhicules, d’une doctrine et de techniques s’est fait sentir. Aujourd’hui, l’avenir du groupement tactique à prédominance de blindés, qui constitue une force puissante sur le champ de bataille est menacé. Cette instabilité résulte jusqu’à un certain point de l’introduction d’un nouveau véhicule d’infanterie, à laquelle s’ajoute l’incertitude quant au caractère adéquat du véhicule remplaçant le char. La conséquence pourrait être que les commandants de régiment blindé soient relégués à un poste de commandement de brigade quelconque en tant que conseillers d’arme du commandant et qu’ils n’interviennent plus dans les manœuvres sur le champ de bataille. Il s’agirait d’un recul incompatible 5 Mot du rédacteur en chef : Comment voir l’avenir de l’équipe interarmes, les yeux grand fermés? Le capitaine John R. Grodzinski, CD Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre avec l’expérience opérationnelle récente et avec ce qu’on prévoit comme environnement de sécurité de l’avenir. Certains affirment que le Corps blindé est en difficulté. En réalité, c’est l’équipe interarmes qui l’est. Le véhicule blindé léger (VBL) III procure à l’infanterie un système de tourelle plus stabilisé que celui du corps blindé. L’abandon du char de combat principal, la quantité limité des stocks existants et l’incertitude concernant la mobilité, la puissance de feu et la protection du véhicule de remplacement pourraient signifier la fin du Corps blindé et, conséquence encore plus importante, celle de l’équipe interarmes sous la forme que nous connaissons. Cette disparition imminente devrait tous nous préoccuper… Certains affirment que le Corps blindé est en difficulté. En réalité, c’est l’équipe interarmes qui l’est. l’avenir de l’équipe interarmes. La plupart des articles et des commentaires nous sont littéralement tombés du ciel, tandis que deux d’entre eux ont été sollicités. On y examine des questions fondamentales et on y propose plusieurs solutions. Nous espérons que ce supplément spécial incitera davantage de lecteurs à prendre part au débat et nous aidera à choisir un plan d’action satisfaisant. Il en va assurément de notre avenir. des publications, en particulier le cplc Laura Cunningham et le cpl Jenni Buckland (mise en page) et M. Gilles Langlois (révision française). Cet été, le premier éditeur de l’Armée de terre, le capitaine Jennifer Sentek, a quitté le Bureau de l’éditeur pour occuper un autre emploi. Son dévouement et son ardeur à la tâche ont non seulement permis de faire du Bulletin une réalité, mais également un périodique de grande qualité, à la hauteur du professionnalisme de l’Armée de terre. Nos meilleurs vœux à Jennifer! Et bienvenue à bord au nouvel éditeur, le lieutenant(M) Brian Lawrie-Munro. LE BUREAU DES PUBLICATIONS DE L ’ARMÉE DE TERRE : DES REMERCIEMENTS SPÉCIAUX SUPPLÉMENT SPÉCIAL DU BULLETIN : DES ARTICLES TOMBENT DU CIEL ! QUI Le capitaine John R. Grodzinski, CD Le présent numéro du Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre comprend notre premier supplément spécial, qui porte sur les blindés légers, le véhicule blindé de combat, une approche canadienne des opérations de « cavalerie », l’avenir du Corps blindé et, en effet, 6 La plupart des lecteurs du Bulletin ne sont pas au courant du travail accompli par le Bureau des publications de l’Armée de terre pour éditer et mettre en page chaque numéro. La majeure partie de l’édition détaillée et du travail concret de mise en page est exécutée par cet important organisme. Nous tenons à louer la contribution du personnel du bureau NOTES 1 Clagget, Major W. L., « The Armoured Regiment in Europe 1951-1972 », sans date, p. 13. Document fourni par la Direction – Histoire et patrimoine. Vol. 2, no. 4, hiver 1999 LA LISTE DE LIVRES RECOMMANDÉS POUR LES PROFESSIONNELS DE L’ARMÉE DE TERRE k La théorie militaire k L’histoire militaire k La nature de la guerre k Les opérations autres que la guerre k Le leadership k La technologie k L’éthique k L’histoire générale k Les biographies rédaction du Bulletin et sera publiée dans le Bulletin une fois que 100 titres auront été réunis. La liste finale comprendra des données de publication complètes et un résumé de chaque livre. Voici un exemple de titre : McKERCHER, B.J.C. et Michael A. HENNESSY, éditeurs. The Operational Art : Developments in the Theories of War, Westport, Conn, Praeger, 1996, ISBN : 0-275-95305-X. Ce livre regroupe les études présentées au vingt et unième symposium annuel d’histoire militaire qui a eu lieu au Collège militaire royal du Canada en 1995. On y examine l’impact, sur la pensée militaire générale, de la version 1976 du manuel de campagne de l’U.S. Army, le FM 100-5 Operations, qui annonçait la réapparition de « l’art opérationnel » en se basant sur ses antécédents historiques et transnationaux. Les sujets comprennent « l’art opérationnel : les développements de la théorie de la guerre », « l’art opérationnel et la façon dont l’Armée de terre canadienne fait la guerre » et « la révolution dans les affaires militaires : ses répercussions pour le développement de la doctrine et de la force dans l’U.S. Army ». Les auteurs sont John English, Bill McAndrew et David Glantz parmi d’autres. k La théorie et l’histoire sociales, économiques et politiques k La littérature classique k Les livres de fiction On invite les lecteurs à proposer des titres pour ces catégories ou d’autres. Les ouvrages proposés doivent comporter le nom de l’auteur, le titre au long, les données de publication et, dans la mesure du possible, l’ISBN.1 Il faut également présenter un synospsis du livre et préciser les raisons pour lesquelles il devrait figurer à la liste des livres du Bulletin. La liste sera examinée par le comité de NOTE 1 Le numéro normalisé international du livre qui apparaît avec les données de publication est le moyen le plus facile et le plus facile de trouver des titres dans les bibliothèques et les librairies. 7 La liste de livres recommandés pour les professionnels de l’armée de terre Malgré les prétentions du contraire des experts du cyberespace, l’imprimé n’est pas mort et est de plus en plus populaire. Le nombre de livres et de journaux publiés ne cesse d’augmenter et l’on prévoit que cette tendance va continuer. Comme il y a de tant de titres disponibles, il est souvent difficile de déterminer lesquels présentent un intérêt spécialisé. Pour permettre de résoudre ce dilemme, Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre est en train de dresser une liste de 100 livres qui devraient être lus par les membres de la profession militaire. L’objectif visé est de fournir une liste variée de livres qui vont accroître les connaissances professionnelles du lecteur. Les catégories générales des ouvrages sont énumérées ci-dessous : Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre DE LA DIRECTION DE LA DOCTRINE DE L’ARMÉE DE TERRE LES SYMBOLES MILITAIRES DANS LES OPÉRATIONS TERRESTRES a présente mise à jour fait suite à l’article sur le coffre de campagne informatisé (CCI) paru dans le volume 2, numéro 2, mai 1999, et a pour but de faire connaître aux lecteurs les nouveaux signes conventionnels de l’OTAN que la Force terrestre a adopté le 1er avril 1999. Pour le moment, les signes conventionnels sont reproduits uniquement à la main, mais ils seront générés par les systèmes de commandement et de contrôle de la Force terrestre (SC2FT) quand ces systèmes seront assez perfectionnés. Les commandants et les états-majors de tous les niveaux devraient prendre conscience des changements apportés aux signes conventionnels qui auront un effet sur la planification des missions et les procédures opérationnelles d’état-major. De la Direction de la doctrine de l’Armée de terre L La publication alliée sur les procédures 6A (APP 6A), Signes conventionnels représentant les systèmes terrestres, est inspirée de la norme militaire américaine 2525A, Common Warfighting Symbology, et a été ratifiée par le Canada le 1er avril 1999. Par la suite, le commandant de la Force terrestre a autorisé la publication de la B-GL-331-003/FP-001 Signes conventionnels militaires des opérations terrestres, en remplacement de la B-GL-331-002/FP-Z01, Signes conventionnels. Les changements touchent principalement la façon d’illustrer les forces hostiles, neutres et inconnues à l’aide de cadres de formes nouvelles et l’adoption de graphiques de tâches tactiques. La publication sur les signes conventionnels militaires des opérations terrestres renferme la marche à suivre par la Force terrestre pour 8 Portée de l’APP 6A k Est tirée de la publication US Military Standard 2525A, Common Warfighting Symbology, laquelle est un manuel interarmées k Remplace l’APP 6 k Fournit des symboles opérationnels communs permettant d’assurer la compatibilité et, dans toute la mesure du possible, l’interopérabilité des systèmes C3IR (commandement, contrôle, communications, informatique et renseignement), du développement, des opérations et de l’instruction de l’élément terrestre de l’OTAN k Énonce des normes qui s’appliquent aux affichages de graphiques automatisés et faits à la main utiliser les nouveaux signes conventionnels et tous les icones opérationnels et graphiques de tâches tactiques. Le manuel de doctrine de la Force terrestre a pour but d’aider les commandants et les officiers d’étatmajor, de la sous-unité à la force opérationnelle interarmées, à transmettre des instructions à leurs subordonnés. Le manuel de doctrine est conforme aux exigences actuelles de l’OTAN et présente les signes conventionnels opérationnels communs ainsi que des détails sur leur présentation et leur reproduction pour assurer la compatibilité et, dans toute la mesure du possible, l’interopérabilité des systèmes de commandement, de contrôle, de communication, d’informatique et de renseignement Ratification de l’AAP 6A et instruction k Le Canada a ratifié l’APP 6A le 1er avril 1999 k L’application manuelle a été mise en oeuvre le 1er avril 1999 k L’APP 6A (ébauche de la ratification) est inclus dans le CCI version 2 en format MS Word k Le DDAT 6-3 a rédigé l’ébauche de la B-GL-331-003/FP-000, Signes conventionnels militaires pour les opérations terrestres, une publication qui remplacera la B-GL-303-002/FP-Z01, Signes conventionnels militaires k Le DDAT 6-3 coordonnera la création d’un tutoriel mulmédia qui sera disponible sur CD-ROM ou par téléchargement à partir du réseau k Le programme de cours et la matière du CCEFTC seront modifiés. Vol. 2, no. 4, hiver 1999 (C3IR). On y traite de l’utilisation et de la transmission efficaces à l’aide de méthodes normalisées applicables à la hiérarchisation des signes conventionnels, à la taxonomie de l’information et aux identificateurs de signes conventionnels. La norme s’applique à la présentation graphique tant informatisée que manuelle. Outre-mer, les procédures s’appliquent uniquement aux opérations unilatérales. Les procédures multinationales s’appliquent aux opérations combinées. In co n n u (jau n e) A m i (b leu) H o stile (ro u ge ) Figure 1 : Les quatre dimensions de la bataille Les symboles militaires dans les opérations terrestres Captain John Grodzinski N eu tre (v ert) Tel que mentionné plus haut, le contenu du manuel de doctrine constitue un système commun de signes conventionnels militaires pour les formations et les unités terrestres. Ces signes conventionnels peuvent s’employer autant avec les systèmes de cartographie informatisés qu’avec des cartes marquées à la main. Tous les services peuvent se servir du manuel, dont les forces terrestres du Canada et de l’OTAN impliquées directement ou indirectement dans les opérations C3IR, l’exploitation de systèmes, le développement de systèmes et Unités l’instruction dans le contexteÉquipement Indicateur d’opérations des éléments terrestres. ´ ´ d'importance de Enfin, grâce à ce manuel, la Force i l'unité terrestre canadienne dispose désormais d’un ensemble uniformisé de signes Indicateur de Indicateur mobilité d'unité simulée conventionnels. d'équ ipement ou d'unité fictive Indicateur de force opé rationnelle Hampe de QG Figure 2 : Modificateurs de symbole L’ouvrage renferme aussi des tableaux contenant des formes (figures géométriques) et des icones normalisés, ainsi que les directives relatives à leur utilisation. Sont également inclus : des Indicateurd'installation graphiques tactiques représentant des Indicateur lignes, des zones et des points et des Indicateur de ou de relèvements; desd'icône graphiques de dire ction du rôle planification de l’appui-feu; et des mouvement signes conventionnels pour les opérations nucléaire, biologique et chimique (NBC). SiInstallation nous implantons un système commun de signes conventionnels opérationnels, nous devons aussi nous conformer aux conventions établies dans ce manuel. D’autres icones et graphiques de tâches tactiques seront présentés dans les mises à jour à venir de la doctrine. 9 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre pour utilisation avec les systèmes informatisés afin de représenter les unités, les installations et l’équipement, mais ils peuvent aussi servir pour le marquage manuel et les calques. Les signes conventionnels du « domaine des engagements » ont été développés en raison du besoin de représenter les voies maritimes et aériennes sur les écrans tactiques des postes de pilotage, des radars, des systèmes de commande de tir et des systèmes de commandement et contrôle. Dans ce domaine, les signes conventionnels ont également été créés à l’appui des systèmes C3IR. En intégrant les deux domaines, les signes conventionnels servent de base à l’élaboration d’une norme définitive pour les applications informatisées. De la Direction de la doctrine de l’Armée de terre Figure 3 : Des examples de graphiques tactiques de l’espace de bataille Toute proposition de modificatifs concernant les signes conventionnels devrait être soumise par la chaîne de commandement au Directeur de la doctrine de l’Armée de terre (DDAT). On doit se rappeler que les graphiques contenus dans le document ne sont pas exhaustifs. D’autres normes peuvent s’appliquer, et de nouveaux ensembles de signes conventionnels seront fournis lorsque les documents correspondants seront mis à jour. Un ensemble de signes conventionnels élaborés pour la Force aérienne et la Marine est disponible dans l’APP 6A de l’OTAN. B loque principalement par la force terrestre pour le commandement et le contrôle des manœuvres), sont utilisés par les commandants et les états-majors pour planifier et exécuter des opérations ontournem e Enfin, une trousse de formation militaires de la force terrestre.CLes signes multimédia, en voie de développement conventionnels sont d’abord conçus par le DDAT, s’ajoutera au nouvel ensemble de signes conventionnels. Le Changements importants à l’APP 6A programme tutoriel sera disponible sur k Quatre dimensions du combat: inconnu (jaune), ami (bleu), ennemi (rouge), CD-ROM, ou sur le Réseau d’information D égager, neutre (vert) de la Défense (RID) en format téléchargeable. k Nouvelles formes des symboles, nouvelles représentations graphiques des tâches sur le champ de bataille Si vous avez des questions, vous En termes techniques, les nouveaux signes conventionnels se divisent en deux domaines, soit le « domaine des forces » et le « domaine des engagements ». Les signes conventionnels et graphiques du domaine des engagements (utilisés pouvez contacter le capitaine J.L.A. k Contient des tableaux qui présentent à l’utilisateur des cadres et des icones (A1) Doucet, DDAT standard ainsi que des lignes directrices sur la façon de les utiliser ´ ˆ 6-3 (Procédures C ontre-attaque par le d’état-major opérationnelles), au (613) k Pour les graphiques tactiques (mesures de contrôle, lignes, zones, graphiques 541-5010, poste 5803, ou par courriel à de tâches sur le champ de bataille, graphiques pour l’appui-feu, SC, C2...), la l’adresse : [email protected] couleur par défaut est le noir; l’info sur l’ennemi est annotée «ENY» k Assez de souplesse pour s’adapter aux changements et aux modificatifs R etard (jusqu'à une heure recommandés indiquée) 10 272100Z S E P D Vol. 2, no. 4, hiver 1999 DE LA DIRECTION DE LA DOCTRINE DE L’ARMÉE DE TERRE RENSEIGNEMENT, SURVEILLANCE, ACQUISITION D’OBJECTIF ET RECONNAISSANCE L Effet de la technologie de l’information sur la connaissance de la situation. La technologie de l’information a également eu des répercussions sur la capacité du commandant de visualiser le champ de bataille. La visualisation du champ de bataille (VCB) est fondée sur une connaissance de la situation claire, que l’on peut obtenir seulement si l’information fournie est cohérente, pertinente et en temps opportun. Thèmes de la connaissance de la situation. La CS est basée sur quatre thèmes relatifs à l’information : k la CS bleue fournit de l’information sur le dispositif des forces amies et la géométrie générale du champ de bataille (c’est-à-dire les limites, les mesures de contrôle, etc.); « En les envoyant explorer le pays de Chanaan, Moïse leur dit : « Allez par le Négeb, et vous monterez sur la montagne. Vous verrez le pays, voyez ce qu’il est, le peuple qui l’habite, s’il est fort ou faible, peu nombreux ou considérable. » Nombres 13 :17-19 k la CS rouge fournit de l’information sur l’emplacement, le dispositif, l’état et l’intention de l’ennemi; k la visualisation de l’environnement, ou CS brune, fournit de l’information sur tous les aspects de l’environnement où se déroulent les opérations. Elle englobe par exemple l’espace, les données géospatiales, la géographie, la météorologie, le spectre électromagnétique, la sociologie et les aspects juridiques; k la visualisation des ressources fournit au commandant un état précis des ressources humaines et matérielles ainsi que des ressources en information de ses propres forces et des autres forces amies. k Tous ces quatre thèmes s’attachent au passé, au présent et au futur. Les connaissances mènent à la connaissance de la situation, qui mène à la visualisation du champ de bataille. La VCB devient à la portée du commandant, seulement lorsque ce dernier connaît les capacités de ses forces et possède des renseignements prévisionnels sur les capacités et l’intention de l’ennemi, dans le contexte de l’environnement physique au sein duquel ces forces se rencontreront. Ainsi armé, le commandant sera capable de comprendre, et donc de concevoir, les effets qu’il doit créer pour obtenir la victoire. Renseignement, surveillance, acquisition d’objectif et reconnaissance (ISTAR) est une partie importante des opérations d’information. Pour éviter d’être inondé de nouvelles informations ou d’informations répétitives, Bleu CS Rouge Passé Présent Brune (environnement) Futur Visualisation des ressources Figure 1 : Connaissance de la situation 11 Renseignement, surveillance, acquisition d’objectif et reconnaissance ’ère de l’information. La prolifération des système d’information et la transmission rapide de l’information caractérisent l’ère de l’information. Les nouvelles technologies de l’information ont révolutionné l’environnement duquel les commandants militaires tirent leurs informations (environnement militaire de l’information [EMI]). Les zones d’opération et d’intérêt se sont élargies à tous les niveaux de commandement, principalement à cause d’une plus grande mobilité, de l’amélioration des systèmes d’armes des forces amies et des forces ennemies, d’une meilleure connaissance de la situation (CS) et de la capacité accrue de mettre en réseau les capteurs et leurs données. Les communications de données numériques ont permis d’augmenter considérablement le volume et la vitesse de transmission des informations sur le champ de bataille. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre VCB Action Que va-t-il se produire? 10 9 Compréhension Jugement Que faudrait-il faire? 5 Connaissance Cognition Qu’est-ce que cela implique? 3 De la Direction de la doctrine de l’Armée de terre 1 4 Information Traitement Que peut-on voir? 7 Intention du cmdt et concept de l’op état final 8 Jugement 7 6 CS 2 Données Figure 2 : Opérations d’information — Modèle cognitif hiérarchique redondantes ou hors de propos, il est d’une capacité ISTAR complète, afin que nécessaire de regrouper sous une forme les commandants puissent devancer le quelconque les données/l’information. cycle de décision/d’action de l’ennemi et C’est pourquoi le rôle des opérations réussir à livrer combat à un rythme rapide d’information (OI) en tant que fonction en menant des actions simultanées, tout de combat est d’assurer l’intégration de en préservant leurs propres forces. disciplines et de technologies S-TA-R (surveillance, acquisition traditionnellement séparées afin de d’objectif, reconnaissance) et capteurs. procurer au commandant la supériorité en matière d’information et la capacité de ISTAR fait le lien entre les systèmes de connaître le succès. ISTAR est un surveillance, d’acquisition d’objectif et élément important des OI; la base de sa de reconnaissance et leurs capteurs dans doctrine est établie au chapitre 5 de la le but d’informer les ressources de publication B-GL-300-005/FP-000, manœuvre et de frappe offensive, en accordant une importance particulière à Opérations d’information. la transmission, en temps opportun, des informations critiques et des informations INTRODUCTION À ISTAR sur l’objectif. On trouvera plus de détails ISTAR dans la guerre de manœuvre. La sur les éléments constituants d’ISTAR doctrine de la Force terrestre canadienne dans la section ci-dessous. est axée sur l’approche manœuvrière aux Définition d’ISTAR. Un système opérations, qui vise à ébranler la cohésion ISTAR est une structure au sein de de l’ennemi et à anéantir sa volonté de laquelle les informations recueillies grâce poursuivre le combat, plutôt que sur la à une observation systématique sont guerre d’usure. L’essence de la intégrées avec celles obtenues durant des manœuvre consiste à déterminer les points missions spécifiques et traitées de vulnérables critiques de l’ennemi, puis à manière à répondre aux besoins en exploiter ceux-ci rapidement en information du commandant. concentrant la force, ou la menace de la force, afin de créer un effet de surprise Besoins en information. Dans le aux points décisifs; il s’agit là de la cadre de son appréciation, le méthode clé pour déséquilibrer le centre commandant détermine l’information de gravité de l’ennemi. Pour que cette dont il a besoin pour préparer son plan : approche manoeuvrière aux opérations il s’agit de ses besoins en information soit efficace, il est essentiel de disposer (BI). Le commandant augmente ou 12 modifie ses BI au fur et à mesure de l’élaboration de son plan ou du déroulement de l’opération. Certains BI sont vitaux pour le succès de l’opération : ce sont les besoins essentiels du commandant en information (BECI). Le commandant communique à son état-major G2 ses besoins prioritaires en renseignement (BPR). Dans la guerre moderne, ces BI, BECI et BPR risquent d’être de plus en plus complexes et d’exiger d’ISTAR une souplesse, une rapidité et une précision considérables. Le contexte opérationnel, la menace, les limites des moyens de détection et les contraintes affectant l’utilisation ou la disponibilité détermineront lesquels, parmi les éléments d’ISTAR, seront particulièrement sollicités durant une opération donnée. Le renseignement au sein d’ISTAR. En tant que processus, le renseignement est une spécialité qui joue un rôle central dans le monde des OI. Au sein du système de systèmes qu’est ISTAR, le renseignement coordonne les multiples disciplines d’ISTAR et intègre les informations que celles-ci recueillent avec les informations et les renseignements fournis par les quartiers généraux supérieurs, les quartiers généraux de flanc et les sources ouvertes, ou obtenus auprès de ceux-ci. LE CONCEPT ISTAR – GÉNÉRALITÉS Coordination centralisée. À la base, le système ISTAR est caractérisé par le fait que toutes les ressources ISTAR à un niveau de commandement particulier sont contrôlées et gérées de façon centralisée par un seul coordonnateur ISTAR. Tous les systèmes ISTAR dont un commandant dispose devraient, en pratique, être contrôlés et coordonnés au plus haut niveau possible, afin d’économiser les efforts nécessaires pour couvrir les zones critiques. ISTAR abolit les cloisonnements. Le système ISTAR intègre en un seul concept les capteurs et les services d’analyse des informations captées. Cette approche abolit les cloisonnements antérieurs entre les capteurs et Vol. 2, no. 4, hiver 1999 ISTAR Capteurs nationaux STRATÉGIQUE INTERARMÉES COMBINÉ CS (brun) CS (rouge) VAT Chasseurs d’atq au sol/AAR Cellule coord ISTAR GRIFFON CMDT de détails et de rapidité pour que les systèmes d’armes puissent engager ceuxci efficacement. Le « processus du choix des objectifs » lie les « capteurs » d’ISTAR au « commandant » et aux systèmes d’armes qui conviennent le mieux à l’« engagement » d’un objectif donné, que ce soit sur le plan matériel ou moral. Les objectifs planifiés à l’avance et déjà autorisés par le commandant peuvent être engagés dès qu’ils sont détectés – d’où l’expression « Sensorsto-Commanders-to-Engagers » (des capteurs aux commandants aux armes d’engagement) utilisée si couramment parmi les diverses armées alliées. LES PRINCIPES D’ISTAR GE ADATS Figure 3 : Le système ISTAR l’information, permettant la fusion de l’ensemble des capteurs et l’analyse toute provenance au sein d’un réseau unique. Le système de systèmes ISTAR va au-delà de la simple recherche de « données » et d’« informations » : il offre au commandant des « connaissances » pertinentes et en temps opportun, dont celui-ci a un grand besoin. k en améliorant le partage et la diffusion des informations pertinentes et des connaissances. k en fournissant la combinaison requise des moyens de recherche de l’information et des technologies de systèmes d’information à chaque niveau de commandement; Utilisation complémentaire des capteurs. Le regroupement et la gestion de l’information fournie par les ressources d’ISTAR constituent normalement des tâches complexes. Chaque opération et chaque phase à l’intérieur d’une opération possède des caractéristiques uniques, qui déterminent des besoins en information uniques. Pour répondre à ces besoins, on attribue des missions à un grand nombre de ressources et de capteurs ISTAR qui se complètent réciproquement. La qualité de l’information recueillie varie en fonction de la nature de la menace, de la distance à laquelle l’information a été recueillie, des conditions météorologiques et de la luminosité, du temps disponible et de divers autres facteurs. Il est souvent nécessaire d’affecter plus d’un capteur ou d’une ressource ISTAR à la même tâche afin de déjouer les mesures de contre-OI prises par l’ennemi, c’est-à-dire la sécurité des opérations (OPSEC), la contre-déception et les contre-mesures ISTAR (CISTAR). k en utilisant les technologies appropriées pour intégrer et coordonner le volet recherche de l’information d’ISTAR; Des capteurs aux commandants aux armes d’engagement. Le système ISTAR permet de détecter, d’identifier et de localiser les objectifs avec suffisamment CS rouge et brune. Comme mentionné précédemment, les commandants et leur état-major ont essentiellement besoin d’une CS précise et en temps opportun pour planifier et exécuter des opérations de manœuvre. ISTAR fournit la CS de l’ennemi et contribue aux aspects de la CS se rapportant à l’environnement, que l’on désignent couramment comme la CS rouge et brune respectivement. Le tout est plus grand que la somme de ses parties. Le système ISTAR produit la synergie nécessaire : Les principes suivants font partie intégrale du concept ISTAR : k Coordination centralisée. On doit coordonner ISTAR de façon centralisée au plus haut niveau de commandement afin d’assurer l’utilisation la plus efficiente et la plus efficace des ressources limitées, conformément aux priorités du commandant, et afin de coordonner le renseignement et le choix des objectifs. k Souplesse. ISTAR doit être orienté vers le produit, c’est-à-dire, il doit réagir rapidement aux besoins du commandant en information et en renseignement, en particulier les besoins essentiels en information, et être capable d’exploiter rapidement l’information sur les objectifs. 1 Décider 3 Exécuter Commandant « Armes d’engagement » Processus du choix des objectifs Capteurs 2 Détecter 4 Évaluer Figure 4 : Des capteurs aux commandants aux armes d’engagement 13 et reconnaissance Renseignement, surveillance, acquisition d’objectif Captain John Grodzinski COYOTE Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre k Couverture continue. ISTAR doit être capable d’assurer une couverture complète, 24 heures sur 24, en matière de surveillance, de reconnaissance et d’acquisition d’objectif, de jour comme de nuit, dans des conditions de faible visibilité, sur différents types de terrain et quel que soit l’environnement électromagnétique. De la Direction de la doctrine de l’Armée de terre k Robustesse. Les ressources d’ISTAR constitueront des objectifs prioritaires pour l’ennemi. ISTAR doit donc offrir un éventail robuste de capteurs et de systèmes qui se chevauchent (du point de vue de la technologie, de la portée et du rendement) et qui se soutiennent mutuellement afin de déjouer l’OPSEC ennemie. Il doit aussi fournir les moyens accessoires nécessaires pour contrer la déception ennemie et comporter suffisamment de redondance pour résister à un engagement par l’ennemi. La distribution, le traitement et la gestion des informations et des renseignements pertinents recueillis par ISTAR doivent s’appuyer sur une structure solide des systèmes d’information et de communications (SIC). k Information disponible en temps opportun. Les informations pertinentes et les renseignements doivent être disponibles en temps opportun pour permettre aux commandants et à leurs états-majors de devancer le cycle de décision/d’action de l’ennemi et aux commandants à tous les niveaux de prendre et de conserver l’initiative. Les informations critiques doivent être disponibles immédiatement au niveau où elles sont requises. Il importe particulièrement de transmettre à temps l’information sur les objectifs (des capteurs aux commandants aux armes d’engagement), car l’accélération du processus du choix des objectifs permet d’accroître le rythme. k Précision. Les informations et les renseignements pertinents produits par ISTAR doivent être précis quant au théâtre d’opérations, à la nature du 14 conflit et aux moyens de frappe disponibles. k Transmission de l’information. Un « réseau » souple et maniable — non conforme à la hiérarchie traditionnelle — de systèmes de recherche d’information/capteurs interconnectés, de systèmes d’armes et de bases de données sur la situation est nécessaire pour que les commandants et les états-majors aux différents niveaux de commandement aient la meilleure CS possible, sans être submergés par des informations dont ils n’ont pas besoin. ÉLÉMENTS CONSTITUANTS DE L’ISTAR Les éléments constituants de l’ISTAR sont étroitement liés et se chevauchent fréquemment. Ce sont les éléments suivants : k Renseignement1 . Le « I » d’ISTAR (Intelligence) représente le renseignement, c’est-à-dire les activités (et non la branche militaire) qui consistent à traiter les données et l’information toutes sources ainsi que les renseignements de source unique afin d’obtenir une estimation prévisionnelle des capacités et des intentions d’un adversaire. La plupart des informations et des données fournies par les ressources d’ISTAR peuvent être regroupées en quatre domaines fondamentaux du renseignement : le renseignement humain (HUMINT)2 , le renseignement par imagerie (IMINT) 3 , le renseignement sur les transmissions (SIGINT) 4 et le renseignement acoustique (ACOUSTINT)5 . k Surveillance 6 . La surveillance continuelle vise à recueillir de l’information sur l’adversaire. Elle consiste à observer l’adversaire et le terrain à l’aide d’instruments optiques, d’appareils de détection électronique, de l’imagerie thermique, des radars, des satellites, des véhicules aériens télépilotés (VAT), des détecteurs au sol et de tous les autres moyens disponibles. Elle consiste également à donner aux ressources de reconnaissance et d’acquisition d’objectif la tâche d’enquêter sur des activités précises ou d’obtenir des données/informations plus détaillées sur une observation particulière. Elle procure une sécurité aux forces amies en permettant de donner une alerte lointaine lorsque une activité ennemie est détectée dans les brèches, sur les flancs exposés ou dans les zones arrière. La surveillance implique que l’adversaire, pour être détecté, doit agir, bouger ou se déployer; elle est donc « réactive » de nature. k Acquisition d’objectif (AO)7 . L’AO est le processus consistant à fournir des informations détaillées et à localiser les forces adverses avec suffisamment de précision pour que les systèmes d’armes puissent engager, supprimer ou détruire les éléments choisis comme objectifs. Elle comprend l’AO pour les armes à tir direct et l’AO pour les armes à tir indirect. k Reconnaissance8 . La reconnaissance est de nature « proactive » (comparativement à la surveillance, qui est réactive). Les ressources amies reçoivent la mission d’obtenir des informations sur l’adversaire, quelles que soient ses activités. La reconnaissance comprend les activités suivantes : k Reconnaissance en profondeur. La reconnaissance en profondeur vise à fournir des informations détaillées dans les zones situées au-delà de la portée des armes à tir direct. Elle peut être entreprise à la suite de la surveillance d’une zone ou d’une déductions du renseignement. La reconnaissance en profondeur implique : l’identification de forces adverses connues ou présumées, y compris la composition et les activités de celles-ci; l’acquisition d’objectifs pour les systèmes d’armes des forces aériennes, les systèmes d’armes de l’aviation et les systèmes d’armes à tir indirect; et la localisation et le suivi d’unités, d’éléments ou d’activités adverses visés en particulier. Vol. 2, no. 4, hiver 1999 LE SYSTÈME ISTAR Systèmes de recherche de l’information et capteurs d’ISTAR. Les systèmes de recherche de l’information et leurs capteurs sont décrits ci-dessous : k Les forces spéciales (FS) peuvent effectuer de la reconnaissance, de la surveillance et de la désignation/du marquage d’objectifs en appui aux opérations rapprochées, en profondeur et dans la zone arrière, quel que soit le type de conflit. Elles ont la capacité de soutenir des opérations à longue distance, 24 heures sur 24, et elles peuvent au besoin livrer combat pour obtenir de l’information. Les patrouilles des FS disposent de moyens de communication protégés pour transmettre instantanément leurs comptes rendus. k Le système interarmées de radars de surveillance et d’attaque d’objectifs (JSTARS) est équipé de capteurs à dispositif éliminateur d’échos fixes (EEF) et peuvent être affectés à la reconnaissance, à la surveillance et à l’acquisition d’objectif sur une vaste zone, sous toutes conditions météorologiques et en temps quasi réel, en appui au commandant de l’élément de la force terrestre. Le JSTARS peut servir à alimenter en information d’autres moyens d’AO et systèmes d’armes plus précis comme les VAT, les unités de reconnaissance, etc. k La reconnaissance aérienne tactique (RAT) peut fournir une imagerie à haute résolution permettant d’identifier des objectifs déterminés qui ont déjà été détectés par d’autres systèmes, afin de couvrir les zones mortes des radars et d’atteindre les objectifs en profondeur qui sont hors de portée des radars ou situés dans l’ombre-radar. La RAT peut être chargée de fournir de l’information au commandant de l’élément de la force terrestre. Bien que les capteurs puissent être réglés en fonction d’un scénario donné, la RAT dépend des conditions météorologiques. k Les hélicoptères de reconnaissance équipés de capteurs électro-optiques de haute technicité et d’un radar constituent une plate-forme souple, capable de classer les objectifs ennemis. Ils sont extrêmement mobiles et dotés de bons moyens de communication. S’ils sont équipés d’un système adéquat d’aides défensives, ils sont capables de survoler en profondeur le terrain et reconnaissance Renseignement, surveillance, acquisition d’objectif Captain John Grodzinski k Reconnaissance rapprochée. La reconnaissance rapprochée répond aux besoins en renseignement brut de combat et en acquisition d’objectif essentiels aux troupes qui sont au contact de l’adversaire ou presque. Figure 5 : ISTAR — Un ensemble de ressources robuste 15 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre ennemi et pourraient exercer une surveillance pour appuyer des opérations rapprochées. k Les véhicules aériens télépilotés (VAT) peuvent transporter des capteurs IMINT ou SIGINT capables de fournir des informations de grande qualité en temps quasi réel. Ceux-ci sont en mesure de voler pendant une période soutenue en appui à des opérations en profondeur et apportent une contribution vitale, poursuivant l’ennemi et fournissant de l’information sur les objectifs à longue distance. Les VAT peuvent également effectuer de la reconnaissance et fournir de l’information sur les objectifs pour appuyer des opérations rapprochées et dans la zone arrière. De la Direction de la doctrine de l’Armée de terre k Le repérage par le son est un système passif, disponible 24 heures sur 24, sous toutes les conditions météologiques, qui peut déterminer la position à partir de laquelle des pièces ou des mortiers font feu (mais non des lance-roquettes). Il peut alors informer des systèmes actifs plus précis. Il est moins utile durant les opérations mobiles à haute vitesse, en raison du temps nécessaire au déploiement et à l’installation de l’équipement. k Les radars de localisation d’arme sont des systèmes actifs et par conséquent détectables, qui peuvent localiser des munitions en vol. Extrêmement précis, ils possèdent un temps de réponse très court et sont capables de traiter un grand nombre d’objectifs simultanément. k Les systèmes de guerre électronique (GE) couvrant les bandes des communications et des radars ont une capacité de surveillance électromagnétique tous temps, 24 heures sur 24, et disposent de capteurs passifs et indétectables pour identifier et localiser l’ennemi. La GE assure le SIGINT et appuie le processus du choix des objectifs. k Les systèmes stratégiques nationaux assurent le HUMINT, le SIGINT et l’IMINT pour les besoins 16 des commandants des forces opérationnelles et tactiques. Organisation d’ISTAR. Le système ISTAR doit être organisé de façon à offrir la meilleure combinaison possible de personnel, de matériel et de procédures de commandement et de contrôle. Il doit traiter l’information regroupée afin de transformer celle-ci en produits d’analyse toute provenance, grâce à la surveillance continue et systématique, 24 heures sur 24, tous temps, dans les airs et au sol, d’une zone d’opération et effectuer la reconnaissance d’objectifs ou de zones déterminés. En outre, les concepts de fonctionnement des nouveaux capteurs et systèmes devraient tenir compte des exigences concernant l’organisation et l’interconnectabilité d’ISTAR. Numérisation d’ISTAR. Pour effectuer la reconnaissance, la surveillance et l’acquisition d’objectif, on a besoin de systèmes techniques de recherche de l’information et de capteurs haut de gamme. Le système ISTAR utilisera la technologie de l’information appropriée pour coordonner, traiter, intégrer et gérer tous les aspects de la recherche d’information d’ISTAR. L’introduction d’un grand nombre d’innovations dans le domaine de la technologie de l’information, y compris le traitement assisté par ordinateur, les techniques de fusion automatique des données et d’autres outils pour appuyer l’analyse, devrait améliorer considérablement les évaluations du renseignement contribuant à la prise de décision du commandant. En conséquence, une fois que le système ISTAR pourra, grâce à la numérisation, gérer de grandes quantités de données, il permettra aux commandants à tous les niveaux de mettre correctement en application l’essence même de la doctrine de l’approche manœuvrière aux opérations. Pour ce qui est de l’avenir immédiat, heureusement, le système a encore besoin d’êtres humains. Systèmes d’information et de communications. Certaines des décisions les plus importantes et les plus complexes du point de vue technique au sein du programme de numérisation seront axées sur la manière de gérer et de diffuser d’énormes quantités d’informations et de renseignements afin de fournir une connaissance de la situation précise et en temps opportun aux commandants et aux états-majors. Le besoins de supports de communication robustes et de grande capacité pour interconnecter ISTAR ne doit pas être sous-estimé, et il exigera une attention particulière. Contrôle du spectre électromagnétique. La capacité de contrôler le spectre électromagnétique est essentielle au maintien de l’intégrité de notre propre système ISTAR, et aussi pour empêcher l’ennemi d’établir un système comparable. En même temps, on aura besoin de mesures de protection pour préserver l’ISTAR des forces amies contre les actions ennemies, c’est-à-dire la destruction physique et les contremesures ISTAR (CISTAR). Accès stratégique et national. Les commandants doivent également avoir accès aux informations pertinentes et aux renseignements qui proviennent des sources et des organismes stratégiques/ nationaux. Durant des opérations combinées, il faut prendre des dispositions spéciales pour transmettre les données, les informations et les connaissances nationales à la cellule de coordination d’ISTAR. EMPLOI DE L’ISTAR ISTAR et le commandement de mission. Les systèmes dotés en personnel, notamment la reconnaissance, le HUMINT spécialisé et les forces spéciales, ont la capacité de travailler au sein du commandement de mission, de poser des jugements en temps quasi réel sur les résultats de l’observation et de redéfinir eux-mêmes leurs tâches pour atteindre le rythme voulu et de devancer le cycle de décision/d’action de l’ennemi. Dans les conflits « Profil 1 »9 , la réussite et la survie dépendent d’abord de la capacité de trouver l’ennemi – en particulier les objectifs de grande importance – de préférence à longue distance; puis de la capacité de fixer celui- Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Opérations en profondeur. Les systèmes de surveillance, de reconnaissance et d’acquisition d’objectif à longue portée qui emploient des détecteurs de reconnaissance, des radars et des capteurs électroniques et optiques peuvent fournir des informations en temps quasi réel pour appuyer la planification et l’exécution d’opérations en profondeur. Les systèmes stratégiques (HUMINT, SIGINT et IMINT) peuvent fournir des informations et des renseignements sur l’ennemi à de très longues distances; cela facilite la planification de la recherche opérationnelle d’information. Le SIGINT stratégique, bien qu’il soit vulnérable à la déception, peut fournir des renseignements vitaux sur les capacités ennemies et les points faibles du commandement et du contrôle; si l’OPSEC ennemie est faible, il peut également aider à déterminer les intentions du commandant ennemi. Les systèmes de surveillance, par exemple les radars aéroportés à distance de sécurité et les capteurs de GE, peuvent détecter et localiser l’ennemi à une longue distance. Les systèmes de reconnaissance et d’acquisition d’objectif, y inclus les moyens de reconnaissance dotés en personnel, les VAT de longue portée, la RAT et les FS, doivent ensuite être capables de détecter, de localiser et d’identifier l’ennemi. La définition des objectifs pour les opérations en profondeur, qui nécessite habituellement le concours des ressources interarmées de frappe aérienne, est extrêmement complexe. Elle repose sur les évaluations du renseignement concernant les capacités et les intentions de l’ennemi, qui mettent en lumière les faiblesses possibles et les points vulnérables. Une fois que les ressources ennemies critiques sont identifiées, les systèmes de surveillance et d’acquisition d’objectif doivent être en mesure de poursuivre continuellement les objectifs désignés et de fournir des mises à jour sur ceux-ci pour les besoins des systèmes de frappe, par exemple un agencement de forces (force aérienne, aviation et force de manœuvre), afin de permettre l’exécution d’une attaque coordonnée au moment et à l’endroit que le commandant a choisis : le point décisif. La reconnaissance de la formation, l’aviation et les VAT jouent un rôle central dans les opérations en profondeur, en exploitant l’information pour s’emparer de l’initiative et atteindre le rythme voulu. Opérations rapprochées. Les systèmes à courte et à moyenne portée doivent être capables de s’adapter aux exigences de réaction rapide et de transmission de l’information « des capteurs aux commandants aux armes d’engagement » caractérisant les opérations rapprochés, qui se déroulent à grande allure. Les systèmes de surveillance de zone étendue, comme les radars aéroportés à distance de sécurité et la GE, peuvent toujours informer les systèmes de reconnaissance et d’acquisition d’objectif plus précis, par exemple les VAT courte et moyenne portée, la reconnaissance rapprochée, les goniomètres, le repérage par le son de l’artillerie, les radars de localisation d’arme et les observateurs avancés; mais il doit aussi y avoir des liens directs entre ces derniers et les systèmes d’armes pour la transmission d’informations sur les objectifs en temps quasi réel à l’intention de l’artillerie, des hélicoptères d’attaque ou d’autres systèmes d’armes, y compris les aéronefs d’appui aérien rapproché (AAR). Les dispositifs de surveillance et d’acquisition d’objectif courte portée, notamment les capteurs au sol à distance, sont essentiels dans les combats rapprochés. Opérations dans la zone arrière. Sur un champ de bataille de manœuvre où les déplacements sont rapides, l’appui d’ISTAR aux opérations dans la zone arrière sera également de plus en plus nécessaire. N’importe quel système de recherche de l’information ou capteur pourrait être chargé d’assurer cet appui, mais les systèmes dotés en personnel, qui fonctionnent en conjonction avec les VAT, constituent une ressource souple et maniable pour les opérations dans la zone arrière. On peut suggérer avec justesse que l’éventail complet des ressources et des capteurs d’ISTAR est nécessaire pour faire face à une menace ennemie majeure se présentant dans la zone arrière. Éléments actuels composant ISTAR. Le diagramme de la figure 5 illustre les éléments pouvant être combinés pour former le système ISTAR. Les moyens courants de recherche de l’information sont principalement axés sur l’appui des opérations rapprochées et des opérations dans la zone arrière laissant très peu de ressources pour la surveillance et l’acquisition des objectifs à longue distance, qui sont essentielles à la conduite des opérations en profondeur. On a un besoin urgent de méthodes plus efficaces et plus efficientes pour gérer de grandes quantités de données, d’informations et de renseignements, afin de s’assurer de répondre aux besoins du commandant en information et en renseignement, d’accélérer le processus du choix des objectifs et, avant tout, de fournir plus rapidement l’information critique aux fins de la manœuvre. Sous sa forme actuelle, ISTAR a donc peu de chances de fournir les informations et les renseignements opportuns et précis dont les commandants ont besoin pour s’insinuer dans le cycle de décision/ d’action de l’ennemi et exécuter leurs manœuvres. Implications concernant l’appui au commandement. L’introduction d’un système ISTAR robuste aura des implications majeures pour l’organisation et les procédures des quartiers généraux ainsi que pour l’instruction. Des études additionnelles devront se pencher sur les changements nécessaires dans le domaine de l’appui offert au commandement pour exploiter pleinement les avantages de ce système ISTAR amélioré. 17 et reconnaissance Renseignement, surveillance, acquisition d’objectif Captain John Grodzinski ci, avant de manœuvrer pour le frapper au moment et à l’endroit que le commandant a choisis. Dans les conflits « Profil 2 »10 , des impératifs nationaux, politiques et moraux exigent que l’on réduise au minimum le nombre de victimes et les dommages collatéraux. Les règles d’engagement (RE) risquent donc d’être strictes et d’exiger l’identification et la localisation précises des objectifs, ce qui donne encore plus d’importance aux capteurs et aux ressources ISTAR. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre CONCLUSION ISTAR relie les systèmes et les capteurs de surveillance, de reconnaissance et d’acquisition d’objectif qui informent les éléments de manœuvre et de frappe offensive. Cette initiative abolit les cloisonnements antérieurs entre les capteurs et l’information, permettant la fusion de l’ensemble des capteurs et l’analyse toutes sources au sein d’un système unique. Le système de systèmes ISTAR va au-delà de la simple recherche de données et d’informations : il offre au commandant les « connaissances » pertinentes et en temps opportun, dont il a un grand besoin. Compte tenu de l’incertitude qui caractérisera les guerres de l’avenir, l’approche manœuvrière exige un système ISTAR souple, robuste et polyvalent, équipé et capable de s’adapter à des situations opérationnelles précises afin d’assurer 24 heures sur 24 les fonctions de surveillance, de reconnaissance et d’acquisition d’objectif. Comme les ressources d’ISTAR constitueront des objectifs prioritaires pour l’ennemi, le système ISTAR doit comporter des redondances et des chevauchements. Deux domaines importants présentent des lacunes. Premièrement, la couverture en matière de surveillance et d’acquisition d’objectif est insuffisante pour les opérations en profondeur. L’acquisition d’objectif assurée par les VAT courte et moyenne portée pourrait combler ce manque. Deuxièmement, on a un besoin urgent de méthodes plus efficaces et plus efficientes pour gérer de grandes quantités de données, d’informations et de renseignements, afin de s’assurer de répondre aux besoins du commandant en information et en renseignement. Certaines des décisions les plus importantes et les plus complexes du point de vue technique au sein du programme de numérisation seront centrées sur la manière de gérer d’énormes quantités d’informations et de renseignements afin de fournir en temps opportun aux commandants et aux étatsmajors une connaissance de la situation ainsi que de l’information sur les objectifs directement aux systèmes de frappe. Pour obtenir l’interopérabilité voulue et réaliser des opérations interarmées efficaces, il faut mettre ces informations et ces renseignements à la disposition de tous les services et de toutes les armées de la coalition. Les besoins de supports de communication robustes et de grande capacité pour interconnecter ISTAR ne doivent pas être sous-estimés, et ils exigeront une attention particulière. Les concepts de fonctionnement des nouveaux capteurs et systèmes devraient tenir compte des exigences concernant l’organisation et l’interconnectabilité de l’ISTAR. L’introduction d’un système ISTAR robuste aura des implications majeures pour l’organisation et les procédures des quartiers généraux ainsi que pour l’instruction. Les prochaines études devront se pencher sur les changements nécessaires dans le domaine de l’appui offert au commandement pour exploiter pleinement les avantages de ce système ISTAR amélioré. De la Direction de la doctrine de l’Armée de terre NOTES 1 Renseignement. Activités entourant la recherche, le regroupement et le traitement de l’information concernant les forces ou éléments hostiles ou potentiellement hostiles de nations étrangères, ou des zones d’opérations réelles ou éventuelles, et produits dérivés de ces activités. 2 Le HUMINT couvre tous les aspects du renseignement humain comme la surveillance secrète, l’interrogation, l’observation de l’adversaire, l’information recueillie par les patrouilles, la liaison du renseignement et la contre-ingérence (CI). 3 L’IMINT englobe tous les renseignements recueillis grâce à la photographie, à l’observation à imagerie thermique et aux autres dispositifs d’imagerie. 4 Le SIGINT inclut le renseignement sur les communications (COMINT) et le renseignement provenant des autres émissions électroniques (ELINT). 5 L’ACOUSTINT comprend le repérage par le son et certains capteurs au sol à distance. 6 Surveillance. Observation systématique de la zone de bataille dans le but de fournir des informations en temps opportun et des renseignements de combat. 7 Acquisition d’objectif. Comprend la détection, la reconnaissance, l’identification et la localisation d’un objectif de façon 18 suffisamment détaillée pour permettre un emploi efficace des armes. 8 La reconnaissance en tant que fonction – et non pas l’unité de reconnaissance –, qu’elle soit en profondeur, rapprochée, axée sur la zone arrière ou exécutée par des troupes débarquées ou embarquées est une mission entreprise dans le but d’obtenir, par l’observation visuelle ou d’autres méthodes de détection, des informations sur les activités et les ressources d’un adversaire réel ou potentiel, ou dans le but de recueillir des données concernant les caractéristiques météorologiques, hydrographiques ou géographiques d’une zone déterminée. 9 Le conflit Profil 1 est un conflit classique entre entités nationales. Essentiellement, des forces militaires établies s’engagent dans des opérations à un rythme élevé et impliquant l’application de technologies complexes. Il s’agit de la forme de conflit la moins courante. Un exemple d’un conflit de ce type est la guerre du Golfe de 1991. 10 Le conflit Profil 2 est un conflit asymétrique. Dans ce type de conflit, un État national fait face à des corps armés qui ne sont pas nécessaires des forces armées, dirigés par des entités sociales qui ne sont pas nécessairement des États et formés de gens qui ne sont pas nécessairement des soldats. Il s’agit de la forme de conflit la plus courante. Vol. 2, no. 4, hiver 1999 DE LA DIRECTION DE L’INSTRUCTION DE L’ARMÉE DE TERRE FOURNIR L’INSTRUCTION À L’ARMÉE DE TERRE EN VUE DE L’AVENIR L’un des sujets traités s’intitulait : « Regard sur les questions de ressources humaines stratégiques du 21e siècle »2 dont certaines forment la base du présent article. Tel que l’indique son titre, la présentation résumait une foule de facteurs qui influeront sur les pratiques futures des FC en matière de ressources humaines (RH). Même si le colloque devait porter essentiellement sur le s/off, les points qui y ont été discutés ont un effet sur tous les membres des FC. Cet article vise à mettre en lumière certains des points saillants du colloque, quelques mesures pratiques déjà à l’étude ou dans certains cas mises en œuvre en vue de préparer l’Armée de terre pour l’avenir de même que leur effet sur la Réserve en particulier. k Âge. On s’attend, d’ici les trente prochaines années, à ce que le nombre de personnes âgées (plus de 65 ans) soit supérieur à celui des moins de 15 ans, ce qui pourrait avoir pour conséquence de réduire la taille de la population active ainsi que de l’assiette fiscale du pays et de nous obliger à réaffecter des budgets aux soins de santé et aux pensions. Pour maintenir le rapport population-maind’œuvre, il faudrait dès maintenant augmenter considérablement le nombre des naissances ou doubler nos quotas d’immigration. Selon l’un des modèles examinés, les réductions au niveau des effectifs des Forces armées pourraient aggraver le problème. L’âge moyen des officiers passerait à 38 ans, celui des MR à 36. Au fur et à mesure que leur personnel approcherait de l’âge de la retraite obligatoire, les FC perdraient énormément de compétence et d’expérience. k Diversité. L’augmentation du nombre d’immigrants et la nécessité pour nous de trouver des employés à l’intérieur de cette nouvelle population active exige que l’on un milieu de tranvail vraiement adapté à la diversité ethnique. On prévoit que les gens d’origine chinoise remplaceront ceux d’origine française à titre de deuxième groupe ethnique au pays. Des études ont révélé que les FC ne constituent pas un employeur de choix pour les groupes minoritaires en quête d’une carrière à temps plein. k Éducation. On prévoit que d’ici l’an 2016, le nombre de diplômés des études secondaires se sera accru de 16 % et que bon nombre d’entre eux feront des études supérieures. Ce groupe plus instruit entrera sur le marché du travail avec des attentes plus élevées au niveau des salaires et des avantages sociaux. Dans l’intervalle cependant, il y aura un nombre important des 30 à 40 ans qui ne pourront donner suite à leurs projets de perfectionnement en raison d’un manque de temps ou des frais de scolarité de plus en plus élevés. k Changements sociaux. La mondialisation et tout ce qu’elle signifie. Les alliances liées à la sécurité (OTAN, ONU) et les associations commerciales (Organisation mondiale du commerce, ALENA), l’immigration, les valeurs personnelles des anciens et des nouveaux Canadiens ainsi que les habitudes de vie de la « nouvelle génération » évoluent constamment et ont une incidence directe ou indirecte les unes sur les autres (et éventuellement sur les FC). k Des professionnels à la mesure de nos moyens. Cette partie de la présentation portait sur les coûts associés à l’engagement , à la formation et à la retention de l’employé du futur. Lorsqu’ils songent au champ de bataille moderne, les gens pour la plupart entrevoient les nombreuses améliorations apportées aux systèmes d’armes et de 19 Fournir l’instruction à l’Armée de terre en vue de l’avenir n colloque sur le sous-officier de l’Armée de l’avenir, parrainé par le Programme d’études en gestion de la défense de l’Université Queen’s et l’Autorité responsable de l’instruction de l’Armée de terre, a eu lieu à la fin juin 1999 à l’Université Queen’s. L’auditoire était composé de nombreux officiers, sous-officiers (s/off) et militaires du rang (MR) des Forces canadiennes et étrangères, de la Régulière comme de la Réserve, de tous les environnements ainsi que des invités civils qui s’intéressent aux questions militaires. Des professeurs d’université, des officiers, des adjudants et des sousofficiers supérieurs des FC de même qu’un sergent-major de commandement de la US Army et le SMR du Corps d’artillerie de l’Armée de terre britannique y ont fait des exposés. Ceuxci ont a permis de faire une perspective historique au sujet du s/off à travers l’histoire et d’aborder la question de l’avenir1 de ces derniers, c’est-à-dire ce qu’on peut attendre d’eux et la façon dont il faudrait les préparer à faire leur travail. U Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre communication, ce qui les amènent à imaginer une force hautement spécialisée et fort bien rémunérée d’opérateurs qui doit compter sur des outils d’avant-garde et une éducation des plus poussées. Tous ces facteurs sont très intéressants, et il est important de les connaître, mais qu’est-ce qu’ils impliquent? Les effets qu’auront certaines de ces prédictions sont évidents : instruction relative à la diversité, formation à l’utilisation de nouvelles armes et tactiques reliées à leur emploi. On travaille déjà la rédaction des manuels pertinents. D’autres le sont moins : à quelle fréquence nos opérateurs spécialistes devront-ils repasser par le système d’instruction pour y recevoir une formation de recyclage? Quelles connaissances un soldat doit-il avoir? Est-ce aux Forces de les former ou pouvons-nous avoir recours à un programme civil? Voici certains aspects sur lesquels se penche la Direction de l’instruction de l’Armée de terre (DIAT) afin de prévoir les effets des points susmentionnés et de préparer l’Armée de terre à effectuer un passage en toute sécurité vers l’avenir. DESCRIPTION DES EXIGENCES MILITAIRES FONDAMENTALES La formation de notre personnel militaire s’appuie sur le Système de perfectionnement professionnel (SPP). Le SPP, qui existe déjà pour les officiers et qui est en voie de préparation pour les MR, répartit la carrière des militaires en quatre périodes de perfectionnement (PP) dans le cas des officiers et en un nombre qui reste à être déterminé pour les MR. La DIAT est impliquée dans le réalignement actuel des FC vers ce qu’on appelle la « Description des exigences militaires fondamentales » (DEMF) et dans la mise au point des PP. Le cadre de travail en ce qui a trait aux DEMF porte sur cinq questions fondamentales : le leadership et le commandement, les opérations et la façon de mener la guerre, les communications, la gestion de la défense et les exigences du service général. Vous trouverez au tableau 1 un exemple d’un cadre de travail traitant de ces questions et au tableau 2, un exemple de la description des exigences militaires fondamentales – Officiers (DEMFO). La DEMFO ainsi que la DEMFMR exposent les exigences en matière de rendement commun et de perfectionnement professionnel pour le personnel quel que soit son service d’appartenance. Outre ces descriptions, l’Armée de terre doit rédiger une description des exigences militaires propres aux officiers de l’Armée de terre (DEMOAT; voir le tableau 3), dans le but d’identifier le rendement commun, les tâches de soutien, les aptitudes et les connaissances exigées de tous les officiers au sein de l’Armée de terre de même qu’une description semblable pour tous les MR. Vous remarquerez dans les exemples donnés qu’il y a peu de différence entre la majorité des tâches L EA DE RSH I P E T C OM MA N D EM EN T OPÉRA T I ON S ET C A PA C I T É D E M EN ER L A G U ERR E C OMM U N I CA T I ON S G EST I ON D E L A D ÉFEN SE EX I GEN CE S D U SER V I CE G ÉN ÉRA L L EA DE RSH I P D OCT RI N E ET T E CH N OL OGI E T E CH N I QU ES D E C OMM U N I CA T I ON C A D RE L ÉG I SL A T IF ET R ÉGL E ME N T A I RE T E CH N I QU ES D E C A M PA G N E ÉL É ME N T A I RES ST RA T ÉGI E G EST I ON D ES C OMM U N I CA T I ON S C A DRE EN M A T I ÈRE DE POL I T IQU E ET ST RU CT UR E ORG A NI SA T IONN EL L E C ON SC I EN CE N A T I ON A L E E T I N T ER N A T I ON A L E G EST I ON D ES R ESSOU R CES FON CT I ON S D ’ÉT A T -MA JOR De la Direction de l’instruction de l’Armée de terre ÉT H I QU E M IL IT A IRE BIE N -ÊT R E D ES SU BORD ON N ÉS ÉV A L U A T I ON PL A N IF IC A T I ON R ÉT R OA CT ION C OMM A N D EM EN T OPÉRA T I ON S D I SCI PL I N E I N ST R U CT ION G EST I ON ET A D M I N I ST RA T I ON D U PERSON N EL M IL ITA IRE C IV I L Tableau 1 : Cadre des DEMFO 20 SÉC U R IT É Vol. 2, no. 4, hiver 1999 SÉRIE AT001 AT002 AT003 AT004 AT005 AT006 AS001 AS002 AS003 AS004 AS005 devant fournir des renseignements à jour permettant de décrire adéquatement les modèles d’avancement professionnel dans les armes de combat (infanterie, artillerie, Arme blindée et génie). La dernière analyse du genre pour les officiers des armes de combat remonte à 1990 et celle pour les MR, à 1985. Les descriptions ont été modifiées depuis lors pour tenir compte des changements apportés, mais une révision en profondeur tarde à être réalisée. Cette AP permet de décrire de façon précise des modèles d’avancement dans la carrière et de déterminer l’instruction, la formation et le perfectionnement professionnel qui sont nécessaires pour atteindre l’état final voulu. PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL Les points mentionnés ci-haut tombent sous le parapluie du SPP qui lui se divise en PP des officiers (PPO) et PP des EXIGENCES LIÉES À UN RENDEM ENT COMMUN LEADERSHIP Mener des subordonnés en temps de paix et en temps de gu erre Veiller au dévelo ppement de ses subordonnés Évalu er le comportement d u personnel au combat Évaluer la convenance du personnel en vue d’affectation spéciale Fixer des objectifs et des buts au p ersonnel Ex pliquer les objectifs et les buts aux subordonnés F aire preuve de leadersh ip en temps de p aix et en temp s de g uerre F aire respecter les principes et les v aleurs en matière d’éthiq ue Faire passer l’équipe avant soi Superviser le personnel Mo tiver le p ersonnel NOTA : 1 . Un * indique q u’une tâche s’effectue à ce niveau; un chiffre indique le niveau de co mpéten ce requis pour accomplir une tâch e (1 étant le p lus bas). 2. M OB = mo bilisation; les exigen ces sont les mèmes q ue pour la PP1. MOB & PP1 militaires du rang (PPMR). Le SPP est structuré de manière à faciliter la participation à de l’enseignement et à de l’instruction à des étapes importantes appropriées de la carrière d’un soldat. Vous aurez constaté dans les tableaux 1 et 2 la colonne qui est intitulée « PP » et numérotée de 1 à 4. La PP 1 a trait aux élèves-officiers et aux sous-lieutenants , la PP 2 aux lieutenants et aux capitaines, la PP 3 aux majors et aux lieutenants-colonels et la PP 4 aux colonels et aux généraux. Un examen est en cours pour assurer que les DEMF et les descriptions des exigences militaires propres à chacun des services soient appliquées à l’étape appropriée du cheminement de carrière de chacun des individus. Le PPO est expliqué dans le document A-PD-007-000/JS-H01 Guide du perfectionnement professionnel des officiers. On peut consulter les versions du PPMR sur support électronique à la FORCE RÉGULIÈRE PP2 PP3 PP4 PREMIÈRE RÉSERVE PP2 PP3 PP4 * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * 2 3 3 4 3 3 4 2 3 3 4 3 3 4 2 1 2 3 3 3 3 3 3 4 3 3 3 3 3 3 3 3 4 3 3 * Tableau 2 : Description des exigences militaires fondamentales - Officiers (Exemple) 21 de l’avenir Fournir l’instruction à l’Armée de terre en vueCaptain John Grodzinski communes que doivent accomplir le personnel de la Régulière et celui de la Réserve. Cela pourrait changer à la suite d’une révision en vue de confirmer cette conclusion et d’apporter des changements en conséquence aux normes et aux plans d’instruction. Le lien qui existe entre la DEMF et les présentations faites durant le colloque c’est que le changement est omniprésent et que l’Armée de terre doit régulièrement revoir et modifier la DEMF si elle veut que celle-ci soit pertinente. Pour que l’Armée d’aujourd’hui et l’Armée de demain soient prêtes à répondre aux défis qui les attendent, il nous revient d’identifier avec précision les positions, les tâches, les aptitudes et les connaissances nécessaires. Le Directeur – Besoins en ressources humaines militaires (DBRHM) effectue présentement une analyse des professions (AP) des officiers et des MR Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre page sur le perfectionnement professionnel du SREIFC dans le RID.3 Même si les exemples donnés indiquent que les réservistes sont appelés à remplir les mêmes tâches que leurs homologues de la Régulière, il convient de se rappeler que l’organisation évolue constamment et que ce qui y est indiqué pourrait ne pas se matérialiser. Le point suivant porte sur un plan destiné à aider le SPP à améliorer la qualité des chefs formés. LE MODÈLE DE LEADERSHIP AMÉLIORÉ Des rapports commandés par les FC laissent entendre qu’il faudrait soumettre les nouveaux officiers de la Force régulière à un régime d’instruction initiale plus approfondi appelé Modèle de leadership amélioré (MLA). Ce modèle d’instruction, échelonné sur DEMF RÉF DEMOAT SÉRIE 54 semaines, comporterait 12 semaines d’instruction militaire de niveau élémentaire, 8 semaines d’instruction militaire finale, 15 semaines de formation linguistique, 12 semaines de formation théorique (c’est-à-dire 4 cours de niveau universitaire) et 5 semaines réservées aux congés et à l’administration. Cela représente une période de 35 à 40 semaines d’instruction additionnelle qui pourrait servir à mieux préparer des stagiaires à la vie militaire. Du personnel a été affecté à ce projet qui porte le nom de PPO 2020 et qui devrait être approuvé bientôt. Les méthodes actuelles de formation des officiers de la Réserve font qu’il est impossible de leur offrir le MLA dans sa forme actuelle. Des efforts sont présentement consacrés à déterminer quelles parties de cette instruction s’appliquent aux réservistes, et la DIAT tente à la fois de minimiser les incidences négatives possibles et de veiller au maintien d’une norme acceptable. DESCRIPTION DES EXIGENCES MILITAIRES PROPRES AUX OFFICIERS DE L’ARMÉE DE TERRE (DEMPOAT) MOB & COURS DE PERFECTIONNEMENT DES OFFICIERS (DIPLÔMES UNIVERSITAIRES OUVRANT SUR UNE COMMISSION) ET DES MR Les FC sont maintenant sensibilisées à la nécessité de plus en plus grande d’avoir une main-d’œuvre qui possède un niveau de scolarité supérieur en plus des connaissances techniques requises pour le métier qu’elle exerce. L’occasion d’améliorer la situation s’est présentée lorsque le ministre de la Défense nationale a décrété que tous les officiers devront être détenteurs d’un diplôme universitaire. L’idée d’avoir un corps d’officiers diplômés n’a rien de nouveau, ni d’indésirable. La responsabilité fondamentale d’un officier au sein de l’Armée de terre est toujours de diriger des hommes et des femmes dans des situations dangereuses et exigeantes, et elle comporte une responsabilité à l’égard de la vie de ces derniers. Un diplôme ne FORCE RÉGULIÈRE PREMIÈRE RÉSERVE PP1 PP2 PP3 PP4 PP2 PP3 PP4 Leadership et commandement De la Direction de l’instruction de l’Armée de terre LEADERSHIP AS001 AS001 Faire preuve de leadership en temps de paix et en temps de guerre 2 3 4 4 3 3 4 AS002 AS002 Faire respecter les principes et les valeurs associés à l’éthique au sein de l’Armée de terre 2 3 4 4 3 3 4 AK002 AK001 Principes liés à l’autorité, à la responsabilité et à l’imputabilité 2 3 3 3 3 3 3 AK003 AK002 Éthique en matière de leadership au sein de l’Armée de terre 2 3 3 3 3 3 3 AK004 AK003 Théorie du leadership au sein de l’Armée de terre 2 3 3 3 3 3 3 N/A AK004 Rapports officiers/MR au sein de l’Armée de terre 2 2 3 3 2 3 3 AT021 AT001 Promouvoir l’éthique militaire * * * * * * * N/A AS003 Occuper des fonctions de commandement lors de rassemblements courants 2 3 3 2 3 3 2 LEADERSHIP – ÉTHIQUE MILITAIRE NOTA : MOB = mobilisation; les exigences sont les mèmes que pour la PP1. Tableau 3 : Description des exigences militaires propres aux officiers de l’Armée de terre (Exemple) 22 Vol. 2, no. 4, hiver 1999 avec sa connotation de compétences et de connaissances spécialisées, est devenu la norme? L’éducation englobe des connaissances théoriques et professionnelles. Les futurs MR de l’Armée de terre devront recevoir plus « d’éducation » durant leur perfectionnement si nous voulons qu’ils aient une responsabilité illimitée pour ce qui est d’une gamme plus répandue de tâches. En plus de ces préoccupations, il faudra prendre une décision quant au niveau de contrôle que doit exercer l’Armée de terre en ce qui a trait à la sélection des cours théoriques qui sont adéquats. Si les cours en question sont utiles aux FC, il est justifiable de payer pour ces derniers; sinon, estce qu’il faudrait payer? Encore là, pour la Réserve, c’est une question de temps d’instruction supplémentaire et d’ajout de critères de sélection forts différents pour les recrues. De plus, si les FC défraient les coûts de la formation professionnelle, pourront-elles en retirer des avantages étant donné qu’un réserviste n’a aucune obligation légale de continuer de servir? des professions avec sa révision des éléments de base est sans doute la plus importante mesure qui doit être prise puisque c’est elle, associée à une claire raison d’être, qui établit la ligne de départ à partir de laquelle la DIAT peut mettre au point une instruction et un programme de formation professionnelle viables pour l’Armée de terre. Une fois que nous disposerons d’un profil pour chacun des métiers, les paramètres liés à la sélection et à la préparation du soldat suivront facilement, et c’est à cette étape que l’implication de la DIAT dans le développement et la mise en œuvre permettra de garder le processus dans la bonne voie. À la lumière de tous ces points, il est facile de constater que les Réserves sont grandement affectées par les changements projetés, et toutes les mesures envisagées doivent tenir compte de leur point de vue. CONCLUSION Comme on peut le voir, l’environnement de l’Armée de l’avenir sera différent de celui de l’Armée de terre d’aujourd’hui et modifié en profondeur par rapport à celui de l’Armée du passé. L’Armée de terre en général et les Réserves en particulier devront procéder au cours de la prochaine décennie à une gigantesque réorganisation. Parmi les étapes mentionnées dans les paragraphes précédents, l’analyse NOTES 1 L’expression « avenir » dans un tel contexte et suivant l’emploi qu’en fait à l’heure actuelle l’état-major chargé de la planification au sein de l’Armée de terre porte sur les quelque 20 prochaines années. 2 Présentation du capt(M) A Okros de la DASRH au QGDN 3 Le localisateur URL est le 131.134.0.39/ Cfrets_Din_page/profdev1.htm 23 de l’avenir Fournir l’instruction à l’Armée de terre en vueCaptain John Grodzinski fait pas de quelqu’un un officier, mais il contribue à faire de ce dernier un meilleur officier et il est un élément reconnu du Système de perfectionnement professionnel des officiers (SPPO). Les cours de perfectionnement ont pour objet d’améliorer le développement des connaissances et la maturité, et le SPPO a clairement identifié la nécessité d’avoir une formation universitaire comme base du perfectionnement continu. On associe de plus en plus au professionnalisme, l’accent qui est mis à l’heure actuelle sur les critères et les niveaux de formation scolaires. L’accumulation de diplômes ne saurait éliminer la nécessité pour un candidat d’avoir un jugement militaire sûr, car d’exceptionnels officiers de l’Armée de terre ont atteint, sans diplômes, des niveaux de commandement supérieurs. Il est essentiel de faire preuve d’une flexibilité continue pour les aspirants officiers au moment de l’enrôlement et il faudra inclure dans les critères la capacité de participer à une mobilisation. La discussion se poursuit cependant à savoir si les réserves satisfont ou non à cette norme. Compte tenu du nombre croissant de réservistes qui tiennent le fort en ce qui a trait au fonctionnement au jour le jour des FC, il est permis de se poser la question suivante : « les Forces peuvent-elles se payer le luxe d’avoir une si grande et grandissante partie de sa maind’œuvre quotidienne, formée à un niveau moins important? » Outre la préparation du corps des officiers, il faut également s’occuper des MR. Quelle norme les MR devrait-on établir ou peut-être exiger pour assurer qu’ils sont prêts à servir à une époque où le titre de « technicien », Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre DE LA DIRECTION DES CONCEPTS STRATÉGIQUES (OPÉRATIONS TERRESTRES) UN COUP D’ŒIL VERS L’AVENIR ans le passé, le système d’étude et de développement des méthodes de combat et ses utilisateurs bénéficiaient de la relative stabilité associée à la guerre froide. La menace était, à tous égards, relativement stable et bien définie — la guerre en Europe, avec occasionnellement une opération des Nations Unies. Cette stabilité a permis à l’Armée de terre de faire des recherches pour mettre en œuvre des changements évolutifs qui s’attachaient à la satisfaction de ses besoins. Avec la fin de la guerre froide et l’incertitude continue des environnements de sécurité présents et futurs, il était nécessaire pour l’Armée de terre de changer sa façon de se préparer pour l’avenir. Son vieux processus était un outil dépassé dans un tel environnement dynamique. De la Direction des concepts stratégiques (Opérations terrestres) D De manière à briser le cycle de la gestion de crise et à élaborer une approche réfléchie et stratégique orientée sur une vision de l’avenir, le Chef de l’étatmajor de l’Armée de terre (CEMAT) a mis sur pied la Direction des concepts stratégiques (Opérations terrestres) (DCSOT) en juillet 1997. La DCSOT a été établie au Fort Frontenac à Kingston dans le but de la mettre à l’écart des urgences de la réalité quotidienne auxquelles l’Armée de terre est confrontée. Étant à proximité de la Direction de la doctrine de l’Armée de terre, de la Direction de l’instruction de l’Armée de terre, du Collège de commandement et d’état-major de la Force terrestre, la DCSOT occupe une position idéale pour formuler et élaborer les concepts stratégiques de l’Armée de l’avenir. Le travail d’élaboration au sein de l’Armée de terre comporte la planification des armées d’aujourd’hui, de demain et de l’avenir. En termes généraux, elles se définissent comme suit 2 : 24 k L’Armée d’aujourd’hui. L’Armée d’aujourd’hui est gérée en fonction du moment présent et la planification la concernant porte sur une période de quatre ans. Elle s’occupe principalement de l’attribution et de la gestion des ressources. C’est l’Armée de terre actuelle. Le but de l’étude militaire devrait être de se tenir au fait de l’évolution dans les domaines technique, scientifique et politique, fort d’une excellente maîtrise des principes éternels sur lesquels les grands capitaines ont basé leurs méthodes contemporaines et inspiré par le désir d’être en avance sur toute armée rivale tout en se ménageant des options pour l’avenir. [Traduction libre] B.H. Liddell Hart Thoughts on War, 19441 k L’Armée de demain. L’Armée de demain est celle dont on prévoit disposer dans cinq à dix ans environ. Le processus d’élaboration de l’Armée de demain est axé sur la mise sur pied d’une nouvelle Armée de terre dans le cadre des programmes actuels et compte tenu des restrictions touchant les ressources. k L’Armée de l’avenir. L’Armée de l’avenir sera toujours un concept et n’existera donc jamais en tant que telle. Le processus de planification de l’Armée de l’avenir porte sur une période de référence ultérieure à celle établie pour l’Armée de demain et touche un bloc de temps s’étendant jusqu’à 25 ans environ. La DCSOT s’intéresse au processus de planification de l’Armée de l’avenir. Les produits de ce processus forment les concepts qui définiront l’Armée de demain. Depuis que la DCSOT a été mise sur pied, l’effort principal de la Direction a été de définir l’éventuel environnement de sécurité de l’avenir (ESA) à l’intérieur duquel l’Armée de terre devra fonctionner. Un processus de cette envergure et de cette importance ne pourrait être convenablement parachevé avec la seule contribution du petit étatmajor de la DCSOT, qui constitue l’équipe de base. Par conséquent, on a fait appel à d’autres états-majors et à des organismes à l’extérieur du ministère de la Défense nationale, incluant des membres des forces alliées, des universitaires, des représentants du monde des affaires et des organisations non gouvernementales. Le document résultant détermine le cadre ou le contexte de fonctionnement de l’Armée de l’avenir. Avec le parachèvement de ce document et l’acceptation par les autorités supérieures de l’Armée de terre de l’environnement de sécurité de l’avenir envisagé, 3 la DCSOT a dirigé son attention sur la prochaine étape du processus en vue d’identifier les capacités dont l’Armée de l’avenir aura besoin pour intervenir efficacement dans le spectre des conflits prévu. L’étude de ces capacités inclura l’évaluation des besoins en ce qui concerne les nouvelles technologies, les structures de la force, le commandement, le contrôle, les méthodes d’information, le leadership et les habiletés. Tout en identifiant les capacités requises, la DCSOT élaborera Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Poste Directeur Nom Colonel Mike Ward DCSOT 2 Technologie, maintien en puissance DCSOT 4 Art et science militaires, manoeuvre, puissance de feu DCSOT 3 ABCA, ESA, leadership, urbain Centre d’expérimentation de l’Armée de terre (CEAT) DCSOT6, DCSOT 7 Recherche opérationelle Conseiller scientifique DCSOT 5 Numérisation, espace Figure 1 : L’organisation de la Direction des concepts stratégiques (Opérations terrestres) personnel est militaire, mais deux d’une étude analytique axée sur la éléments civils importants complètent détermination des répercussions l’effectif de l’équipe de base; il s’agit du probables des nouveaux concepts et de personnel de la recherche opérationnelle la nouvelle technologie sur le futur et du conseiller scientifique. En termes espace de bataille. généraux, la composante militaire de la Liddell Hart a dit que l’histoire militaire DCSOT identifie les capacités requises est truffée de cas de perfectionnements pour l’avenir et élabore ensuite les militaires qui ont été boudés par ceux qui concepts opérationnels permettant auraient pu grandement en profiter.4 d’utiliser ces capacités. Le conseiller scientifique fournit de l’information et des Avec la DCSOT et le processus avis sur les tendances dans le domaine maintenant en place, l’Armée de terre a la de la technologie, sur les menaces et les possibilité de relever les défis de l’avenir perspectives susceptibles d’avoir une en tirant profit des perfectionnements incidence sur l’élaboration des concepts militaires. Le travail exécuté par l’équipe ou qui pourraient être mis à contribution de la DCSOT aidera le CEMAT à élaborer pour satisfaire aux capacités. La recherche une vision claire pour l’orientation future opérationnelle fournit des résultats de l’Armée de terre. Gardant cette quantitatifs et la validation par l’entremise orientation future en tête, nous serons en mesure d’harmoniser tous nos efforts Poste Courriel vers une vision commune. 8726 Le lieutenant-colonel Wayne Pickering est le directeur intérimaire jusqu’en février 2000 [email protected] [email protected] DCSOT 2 Lieutenant-colonel Al Morrow 8722 [email protected] DCSOT 3 Lieutenant-colonel Colin Magee 5936 [email protected] DCSOT 4 Lieutenant- colonel Mike Cessford 8721 [email protected] DCSOT 5 Lieutenant-colonel Bob Parsons 8718 [email protected] DCSOT 6 (CEAT) Major Dave Gosselin 8681 [email protected] DCSOT 7 (CEAT) Capitaine Bruce Chapman 8682 [email protected] Conseiller scientifique Dr Ken Ackles 8720 [email protected] Recherche op M. Roger Roy 8725 [email protected] Recherche op M. Fred Cameron 8719 [email protected] Recherche op Mad. Zakia Bouayed AC AC Commis DCSOT Caporal Laura Steele 539-1475 S/O Téléphone (613) 541-5010 poste – XXXX Tableau 1 : Direction des concepts stratégiques (Opérations terrestres) — Liste de contacts RCCC 270 – XXXX Captain John Grodzinski L’équipe de base de la DCSOT se compose de 12 membres. La majorité du DCSOT Télécopieur (613) 540-8713 NOTES 1 Micheal Dewar, éd. An Anthology of Military Quotations. London: Robert Hale, 1990, p.221. 2 Pour des explications plus détaillées concernant le plan d’élaboration de l’Armée de l’avenir consulter les sites http://lfdts-6a.dkgtn.dnd.ca/dlsc/french/future.htm sur le RID, ou http://www.army.dnd.ca/dlsc/french/ index.html sur Internet. 3 Le document sur l’ESA a été publié en septembre 1999. La version électronique sera placée sur les sites du RID et d’Internet. 4 Dewar, 135. 25 Un coup d’œil vers l’avenir également des concepts en vue d’intégrer les capacités au sein d’une structure pour la force de l’avenir. Ceci ne veut pas dire pour autant que nous partons de zéro; le processus permettra plutôt à l’Armée de terre de continuellement rationaliser l’équipement, la doctrine, l’instruction et les organisations qui auront à exercer leurs activités dans l’ESA. Si les modèles actuels sont acceptables, il n’y a pas de raison de les changer. Toutefois, si nous ne disposons pas de modèles appropriés pour la situation actuelle ou à moyen terme, alors il y aura déjà en place un modèle bien étudié, articulé et commun qui aidera à l’élaboration de la doctrine appropriée et des besoins relatifs à l’instruction et à l’équipement. Il convient de souligner que ce processus est piloté par le commandement, ayant à sa tête le CEMAT et le Conseil de l’Armée de terre. La DCSOT s’occupe des mesures d’étatmajor requises pour l’Armée de l’avenir. Outre ce rôle, la DCSOT fournit des informations utiles aux états-majors et aux organismes qui s’occupent des questions relatives à l’Armée d’aujourd’hui et à l’Armée de demain, permettant ainsi la transition la plus harmonieuse entre chacune. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre DU CENTRE DE FORMATION POUR LE SOUTIEN DE LA PAIX LE CENTRE D’EXCELLENCE DU CANADA EN MATIÈRE DE FORMATION POUR LE SOUTIEN DE LA PAIX A UN NOM es soldats canadiens peuvent être fiers de la réputation du Canada au sein des Nations Unies et de l’apport de leur pays aux opérations de maintien de la paix. Notre expérience dans ce domaine a valu aux soldats canadiens une réputation de professionnalisme qui a incité d’autres pays à demander l’aide du Canada pour former leurs propres troupes de maintien de la paix. Certains vont même jusqu’à dire que le Canada « a jeté les bases » de la conduite des opérations de maintien de la paix. L La formation de nos soldats en vue de ces opérations a été une autre histoire. Avant 1996, la formation pour les opérations de maintien de la paix était sporadique au sein des Forces canadiennes. Les normes et les domaines d’instruction variaient d’une brigade et d’une unité à l’autre. De plus, tout militaire affecté individuellement outremer partait en mission sans avoir d’abord reçu une formation avant déploiement. Il fallait trouver le moyen de regrouper les connaissances acquises et élaborer une norme englobant toute la formation avant déploiement. C’est ainsi qu’a été créé le Centre de formation pour le soutien de la paix (CFSP). la technologie de l’information et en utilisant les différents modes de prestation des services. Le CFSP a beaucoup évolué depuis qu’il a ouvert ses portes. En 1996, l’établissement comptait cinq personnes : un directeur (lieutenant-colonel), deux majors chargés de l’instruction et des normes, un capitaine et un sergent (commis-chef). Aujourd’hui, 31 personnes travaillent au CFSP, ce qui comprend trois équipes de formation qui coordonnent et dispensent la formation au centre même et une équipe d’aide à la formation chargée d’appuyer la formation des contingents partout au Canada. Une cellule des normes a été mise sur pied pour élaborer et gérer les documents de cours et pour procéder aux évaluations de la formation à l’interne; les membres de cette cellule se rendent aussi dans les zones de mission pour mener des entrevues de validation. Une cellule des ressources d’instruction produit le matériel d’instruction du CFSP (papier et support électronique) et suggère des modifications à apporter à la page Web. FORMATION Le CFSP dispense deux types de cours : le cours élémentaire sur les opérations de soutien de la paix et le cours d’observateur militaire – opérations de soutien de la paix. Au cours de l’année d’instruction, le CFSP offre le cours élémentaire vingt-huit fois et le cours d’observateur militaire jusqu’à quatre fois. Jusqu’à maintenant, 2 138 membres des Forces canadiennes ont suivi le cours élémentaire tandis que 113 officiers des FC et 32 officiers d’armées étrangères ont suivi le cours d’observateur militaire. Aujourd’hui, les opérations de soutien de la paix exigent beaucoup de ceux qui y participent. Le cours élémentaire aide à faire en sorte que les gardiens de la paix canadiens soient bien outillés pour relever ces défis. En se fondant sur la formation militaire des stagiaires, le CFSP a élaboré certaines stratégies afin de dispenser une formation militaire non traditionnelle dans les domaines suivants : négociation et médiation, relations avec les médias, médecine préventive, sensibilisation aux cultures, introduction à la langue en usage dans la zone de mission, sensibilisation aux Du Centre de formation pour le soutien de la paix LES DÉBUTS Ouvert en juillet 1996 à la base des Forces canadiennes Kingston, le CFSP dispense la formation opérationnelle aux membres des Forces canadiennes et à d’autres personnes avant leur participation à des opérations de soutien de la paix. Au sein des FC, le CFSP doit constituer le noyau de spécialistes chargés d’élaborer les techniques requises pour le soutien de la paix, techniques basées sur les leçons retenues, la méthode d’instruction et les normes d’instruction. Le CFSP cherche constamment à améliorer la préparation des soldats devant participer à des opérations de soutien de la paix. Il atteint ce but en adaptant la formation aux besoins propres à chaque mission, en procédant continuellement à des évaluations et à une validation de la formation, en tirant profit de 26 Figure 1 : Les candidats pratiquent les techniques de sondage, selon l’enseignement sur la sensibilisation aux mines reçu en classe Vol. 2, no. 4, hiver 1999 l’OP PALLADIUM et elle a travaillé avec presque toutes les unités déployées initialement au Kosovo. L’équipe dispense la formation sur des sujets particuliers, mais elle fournit aussi du matériel, les noms de personnes-ressources et des conseils. L’AVENIR Figure 2 : Des observateurs militaires sont pris en otage par des « bandits » lors d’un exercice de patrouille mines, gestion du stress, survie en cas de un scénario (exercice de négociation et de détournement ou de prise d’otages, code médiation), la réussite dépend de l’aptitude de conduite, règles régissant le recours à la des stagiaires à gagner la confiance des force. Le cours dure sept jours et il comprend acteurs qui, pour les besoins de la cause, une formation théorique ainsi que des représentent des gardes armés dont les exercices. En moyenne, les stagiaires sont ordres stricts sont de ne laisser personne au nombre de trente par cours, de tous les franchir un barrage routier. Les gardes ne grades; ils proviennent de milieux très variés parlent pas anglais (ou très peu) et leur et se présentent au CFSP parce qu’ils ont comportement envers les stagiaires est été choisis individuellement pour participer ambivalent. À la fin, le fait d’offrir une à une opération de soutien de la paix et qu’ils cigarette permet de briser la glace et, au ne pourraient recevoir de formation avant terme de la négociation qui suit, les stagiaires leur déploiement, au sein d’un contingent. sont autorisés à franchir le barrage. Les instructeurs du CFSP dispensent Les observateurs sont de plus en plus environ cinquante pour cent de la matière demandés dans les nombreuses zones de du cours; le reste est présenté par des experts conflits du monde; le CFSP a donc en la matière et par du personnel sous récemment doublé le nombre de séries du contrats d’organismes externes. En plus de cours d’observateur militaire (de deux à recevoir une formation générale, les quatre). En moyenne, trente stagiaires stagiaires assistent à des briefings détaillés (grade minimal de capitaine) suivent chaque (opérations, renseignement et terrain) axés série du cours; la série 9901 (février et sur la zone de mission où ils se rendent. mars 1999) a été la première au cours de Le cours d’observateur militaire dure laquelle des officiers étrangers ont reçu la quinze jours et englobe toute la matière du formation « canadienne » pour les cours élémentaire en plus de périodes opérations de soutien de la paix. Travaillant d’instruction portant sur les tâches propres de concert avec le personnel du Programme aux observateurs militaires. Les derniers d’aide à l’instruction militaire du Quartier jours de ce cours sont consacrés à des général de la Défense nationale et avec le exercices en campagne au cours desquels ministère des Affaires étrangères et du les stagiaires mettent en pratique les Commerce international, le CFSP a accueilli connaissances théoriques acquises en des stagiaires d’Afrique, d’Amérique classe. Ces exercices sont basés sur des centrale et d’Amérique du Sud et d’Europe scénarios réalistes concrétisés par les de l’Est. membres d’un peloton qui jouent des rôles En plus de la formation à l’interne, le précis en fonction de ces scénarios (acteurs). CFSP dispense aussi une formation sur les Intégrés à des équipes internationales de bases, partout au Canada. L’équipe d’aide deux ou trois personnes, les stagiaires à la formation est chargée de l’instruction exercent leurs fonctions dans le contexte de des contingents en vue de leur déploiement scénarios très variés conçus pour les forcer opérationnel; elle a été très impliquée à aller aux limites de leurs possibilités. Dans dans l’instruction de la Roto 5 associée à Les récents changements apportés à la structure d’instruction de l’Armée de terre ont fait en sorte que le Centre de formation pour le soutien de la paix relève maintenant du Système de la doctrine et de l’instruction de la Force terrestre (SDIFT), ce qui entrainera un prochain déménagement dans d’autres locaux de la BFC Kingston. En outre, cet automne, le tout nouveau secteur d’entraînement pour la sensibilisation aux mines du CFSP, sera inauguré; il s’agit de la seule installation de ce type au Canada. Par ailleurs, le cours est sans cesse amélioré. Tout dernièrement, le plan d’instruction associé au cours élémentaire a été révisé. Le CFSP prépare aussi un manuel et un aidemémoire pour les deux cours. Une fois les versions finales de ces documents rédigées, ceux-ci seront disponibles sur le site Web du CFSP (http://www.pstc.kgtn.dnd.ca), tout comme d’autres renseignements sur les programmes d’instruction proposés par le CFSP. Compte tenu de la portée internationale des opérations de maintien de la paix, le CFSP demeure en liaison avec d’autres organismes de formation pour le maintien de la paix, partout dans le monde. En octobre, l’équipe d’aide à la formation s’est rendu en Pologne pendant deux semaines pour apporter son appui à la formation du bataillon combiné polonais-ukrainien de maintien de la paix, dans le cadre de l’exercice MAPLE ARCH. Que ce soit au pays ou à l’étranger, le Centre de formation pour le soutien de la paix améliore sans cesse ses trousses de formation et, ainsi, montre bien qu’il est vraiment le centre d’excellence du Canada en ce qui concerne la formation des troupes avant leur participation à des opérations de maintien de la paix. 27 le soutien de la paix a un nom pour de formation Le centre d’excellence du Canada en matièreCaptain John Grodzinski À compter de septembre, le CFSP offrira un cours de formation des instructeurs et conçu pour permettre aux quartiers généraux chargés des préparatifs de mieux dispenser la formation sur place. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre RÉVOLUTIONS DANS LE DOMAINE MILITAIRE FICTION OU RÉALITÉ? PARTIE II Le lieutenant-colonel Wayne L. Pickering, CD NOTA : Le présent article fait suite à un premier article publié par le lieutenantcolonel Pickering dans le Bulletin numéro 2, volume 2 de mai 1999. e Nouveau Petit Robert définit une révolution comme un « changement brusque et important dans l’ordre spatial, moral; une transformation complète ». Les révolutions se caractérisent notamment par le fait qu’elles se produisent rapidement, à l’intérieur d’une ou deux décennies. On peut définir une révolution dans le domaine militaire (RDM) comme : L Le lieutenant-colonel Wayne L. Pickering l’application de nouvelles technologies à un nombre considérable de systèmes militaires, combinée à l’élaboration de concepts opérationnels innovateurs et à une adaptation organisationnelle, qui modifie fondamentalement la nature et le déroulement des conflits.2 Dans le présent article, je vais analyser les trois exigences requises pour qu’il y ait une RDM, c’est-à-dire nouvelle technologie, doctrine innovatrice et adaptation organisationnelle, pour essayer de déterminer si une nouvelle RDM se prépare dans le domaine de la guerre terrestre et, si tel est le cas, montrer comment elle risque de modifier la nature et le déroulement des conflits. Il s’agit là d’une question très importante car l’émergence d’une RDM mènera à des changements fondamentaux dans la façon dont les futurs militaires seront recrutés, entraînés, organisés et équipés ainsi que dans leur façon de combattre. De tout temps, des discontinuités dans l’évolution des techniques de guerre, c’est-à-dire des RDM, se sont 28 Des énoncés actualisés antérieurs considéraient l’innovation technologique comme la principale dynamique des révolutions dans le domaine militaire. Mais d’autres énoncés actualisés, plus récents, acceptent maintenant que les révolutions dans le domaine militaire soient également, si ce n’est principalement, provoquées par l’innovation en matière d’organisation et de doctrine.1 produites et ont modifié ces dernières en profondeur en très peu de temps. Au moins cinq exemples correspondant a la définition d’une RDM sont documentés et ont été décrits dans mon article précédent 3 , soit les légions romaines, les Mongols, l’armée suédoise de Gustave Adolphe, la nation française en armes sous Napoléon et la blitzkrieg (guerre-éclair) allemande. Avec tous leurs systèmes de commandement et de contrôle automatisés, nouveaux capteurs, munitions de précision, supériorité de l’information, communications par satellite, navigation et fusion des données, les forces navales et aériennes occidentales se trouvent peut-être à michemin d’une RDM. Même si on a déjà prétendu, en raison de la technologie naissante, que les armées de terre se trouvaient également dans une RDM, rien jusqu’ici ne prouve que la doctrine et les organisations terrestres aient fait des progrès comparables. Pourtant, une RDM en matière de guerre terrestre est probablement la plus importante. Pour emprunter les mots de l’historien T. R. Fehrenbach, « Vous pouvez voler éternellement au-dessus d’un territoire; vous pouvez le bombarder, le pulvériser et y rayer toute trace de vie – mais si vous voulez le défendre, le protéger et le conserver pour les siècles à venir, vous devez intervenir au sol, comme l’ont fait les légions romaines... » 4 Dans le présent article, je vais analyser les RDM qui se sont déjà produites en matière de guerre terrestre, établir l’environnement de sécurité de l’avenir, définir le futur espace de bataille, discuter des changements doctrinaux potentiels, de la technologie émergente et de l’évolution des organisations, autant de facteurs susceptibles de mener à une RDM. Je vais également essayer de faire ressortir les contraintes possibles. ANALYSE HISTORIQUE Dans une analyse exhaustive de toutes les guerres internationales survenues depuis 1700, Geoffrey Blainey affirme, « Toutes les générations des 250 dernières années ont cru que l’environnement de sécurité de leur époque était unique et qu’elles n’avaient rien à retenir du passé. Cette croyance a été réfutée. » 5 Même si la naissance d’une RDM a toujours été dépendante de l’environnement de sécurité international de l’époque (particulièrement lorsque des changements fondamentaux sont apportés aux structures sociales, Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Une force issue d’une RDM a changé la nature et le déroulement du conflit en restaurant la mobilité sur le champ de bataille et en accélérant le processus décisionnel, afin de détruire totalement la puissance de combat de l’adversaire. L’usage de telles forces permettait de vaincre les adversaires tant sur le plan physique que psychologique, dans le dernier cas, par l’intermédiaire de la paralysie du commandement. Du point de vue de la doctrine, les armées issues d’une RDM possédaient la capacité de disloquer l’ordre et la cohésion de l’ennemi avant le contact, de perturber son système de commandement en prenant des décisions plus rapidement et d’anéantir ses forces grâce à l’effet de choc et à la létalité d’une force de combat très maniable et bien disciplinée. Du point de vue organisationnel, les forces issues d’une RDM étaient compactes, souples et équilibrées. Cependant, elles n’étaient pas invincibles; elles ont parfois été vaincues, particulièrement lorsque leur leadership, discipline et instruction n’ont pu être maintenus. En fin de compte, un pays qui assemble une force issue d’une RDM, bien que souvent victorieux, n’a jamais pu garantir une victoire sans effusion de sang. « Vous pouvez voler éternellement au-dessus d’un territoire; vous pouvez le bombarder, le pulvériser et y rayer toute trace de vie – mais si vous voulez le défendre, le protéger et le conserver pour les siècles à venir, vous devez intervenir au sol, comme l’ont fait les légions romaines... » T.R. Fehrenbach remplacement évolutif des systèmes existants, par exemple, le remplacement des arbalètes par les mousquets au XVe siècle et des chevaux par les camions au début du XXe siècle. Il a fallu 500 ans à l’étrier, 200 ans à la poudre noire et 40 ans au moteur à combustion interne et à la radio pour révolutionner les techniques de guerre. Seul un long processus d’expérimentation a permis aux militaires d’assimiler les technologies naissantes et d’élaborer la doctrine et les organisations aptes à son application. Au cours des deux derniers millénaires, la durée des effets des RDM a progressivement diminué : 600 ans dans le cas des Romains, 200 ans dans celui des Mongols du XIIIe siècle, 75 ans pour les Suédois du XVIIe siècle, 25 ans dans le cas des Français du XIXe siècle et sept ans dans celui des Allemands du XXe siècle. À mesure que la race humaine devient mieux informée, il semble que les adversaires mettent au point de plus en plus rapidement des antidotes contre la RDM d’une nation. ENVIRONNEMENT DE SÉCURITÉ DE L’AVENIR Du point de vue militaire, les RDM sont le produit de l’intégration efficace d’un certain nombre de concepts en matière de doctrine, d’organisation et de leadership; en fait, ces concepts étaient tellement étroitement reliés qu’il est difficile de les distinguer nettement. La technologie a été le fer de lance, mais non le moteur des RDM, bien qu’elle ait souvent permis l’expansion des conditions sociales et économiques sous-jacentes qui ont favorisé les RDM. Cependant, l’usage de la technologie s’est accru d’une RDM à l’autre. Mais ce qui importait le plus, c’était l’application intelligente de la technologie de l’époque, plutôt que l’élaboration d’une nouvelle technologie. La mise au point d’une nouvelle technologie a rarement entraîné immédiatement une RDM; elle a plutôt d’abord occasionné le Est-ce que la présente analyse est pertinente de nos jours et pour l’avenir? À l’approche du XXIe siècle, notre société est en train de passer de l’âge industriel à l’âge de l’information, une transformation fondamentale. L’âge de l’information est caractérisé par des changements dans la façon dont l’information est recueillie, entreposée, transmise et présentée. Grâce à ces changements, l’information deviendra une ressource aussi précieuse que le capital et la main-d’œuvre et sera à l’origine de changements économiques et sociaux. En même temps, le monde actuel est moins stable et moins prévisible qu’il y a 20 ans. Pour ce qui est de l’avenir prévisible, on peut affirmer que l’environnement de sécurité international sera dynamique. Dans les pays développés, 29 II Partie ou réalité? Révolutions dans le domaine militaire : Fiction Captain John Grodzinski économiques ou politiques), il existe également des facteurs permanents qu’une analyse historique peut aider à identifier. Les RDM sont associées à de profonds bouleversements sociaux : la démocratie peu après la création de la République romaine, l’État-nation dynastique au cours du XVIIe siècle, le nationalisme des XVIIIe et XIXe siècles, et le fascisme et le communisme à la fin de la révolution industrielle des XIXe et XXe siècles. Souvent, les RDM ont d’abord pris la forme d’une guerre asymétrique pour l’époque. « Certaines RDM ne sont pas attribuables à la puissance dominante de l’époque, mais à des aspirants qui possédaient la motivation et l’industrie nécessaires pour tenter de prendre sa place. » 6 Souvent, les RDM sont survenues à la suite d’une humiliation ou d’une défaite majeure, une situation qui semble avoir favorisé une réflexion militaire approfondie dans l’ensemble de la société, laquelle parvint à surmonter le conservatisme inhérent des dirigeants militaires. Bien que la réflexion militaire originale ait surtout lieu dans les sociétés encourageant la liberté de pensée, les concepts et la technologie subséquents ont parfois été empruntés par des sociétés révolutionnaires ou avides, disposées à engager les ressources nécessaires à la réalisation d’une RDM. Le lieutenant-colonel Wayne L. Pickering Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre les avantages de l’ère de l’information seront manifestes tandis que la plus grande partie du reste du monde continuera de connaître la misère.7 L’environnement de sécurité international se caractérisera par une intégration accrue de l’information et de l’économie au niveau mondial et par l’assouplissement des contraintes liées aux rivalités ethniques, religieuses et nationalistes. Paradoxalement, au lieu de resserrer les liens entre les nations, le nationalisme a pris la place de l’idéologie comme principale cause de disputes régionales et locales. Dans de nombreuses parties du monde, les pressions exercées par la population, la mauvaise gestion économique et la surconsommation entraîneront une pénurie des éléments essentiels à la vie, c’est-à-dire la nourriture, l’eau et le gîte. Les pressions internes et externes, y compris la migration des populations et l’émergence de puissances non étatiques, menaceront la viabilité des états nations. L’urbanisation va poursuivre sa lancée. On connaîtra, à l’échelle mondiale, des pénuries de ressources stratégiques comme le pétrole. Les principales sources de conflit, soit les émotions humaines comme la peur, la peine, la haine, la vengeance et l’ambition, demeureront. La plupart des conflits seront locaux. À l’heure actuelle, environ 24 guerres intra-États sont en cours, chacune causant plus de 1 000 morts. Parmi ces guerres, 95 pour cent d’entre elles se déroulent dans le tiers monde et 80 pour cent ont été déclenchées en raison de motifs ethniques et religieux.8 En comparaison, il y a eu en moyenne deux conflits régionaux majeurs par décennie depuis la Deuxième Guerre mondiale.9 Cependant, dans le cadre des futures interdépendances mondiales, la montée d’États parias et la prolifération internationale des armes, y compris des armes de destruction massive, feront qu’il sera de plus en plus difficile de distinguer les problèmes locaux et régionaux des problèmes mondiaux. Certains conflits locaux 30 risquent de devenir rapidement des préoccupations d’ordre international, ce qui incitera davantage la communauté internationale à chercher à dissuader, empêcher et contenir les hostilités locales. Les populations des pays développés s’attendent cependant à ce que les conflits soient rapidement réglés, avec un minimum de pertes et de dommages collatéraux.10 Compte tenu des facteurs économiques et démographiques, et du fait que les populations réprouvent les pertes dues au combat, les dirigeants politiques des pays développés pourraient être tentés de favoriser la création de forces plus petites où la main-d’œuvre serait remplacée par la technologie. L’ESPACE DE BATAILLE DE L’AVENIR ET LA DOCTRINE Pendant presque toute la durée de la Guerre froide, les armées de l’OTAN ont été équipées de systèmes de l’ère industrielle; on s’attendait à un champ de bataille linéaire (avec des flancs et un arrière protégés) et la doctrine insistait sur l’utilisation du combat rapproché et sur l’interdiction aérienne pour retarder l’ennemi par l’attrition de ses effectifs et de ses équipements jusqu’à ce que l’autorisation d’utiliser les armes nucléaires soit accordée. À l’ouest, la blitzkrieg (guerre-éclair) fut discréditée. Par contre, les Soviétiques continuaient de croire aux possibilités de la blitzkrieg –à la condition qu’elle soit correctement exécutée.11 En 1982, la doctrine aéroterrestre des États-Unis donnait une nouvelle dimension au champ de bataille, combinait les opérations aériennes et terrestres, accordait une importance accrue à la manoeuvre et établissait le niveau opérationnel de la guerre.12 Certains pourraient prétendre que l’opération TEMPÊTE DU DÉSERT, laquelle reposait sur la doctrine aéroterrestre, fut un exemple de blitzkrieg moderne: les armes de précision lancées depuis les hélicoptères de combat, les aéronefs d’attaque et les lance-roquettes remplaçant le bombardier en piqué, la reconnaissance par satellites se substituant à la reconnaissance photographique par avion, l’équipement de vision nocturne et le système mondial de localisation (GPS) délogeant les jumelles et les cartes. Depuis l’opération TEMPÊTE DU DÉSERT, certains pourraient même affirmer que les procédés de la Force XXI de l’Armée américaine ne font, en fait, qu’améliorer la blitzkrieg, avec des capacités de commandement et de contrôle Figure 1 : Zone d’opération d’un groupe-brigade numérisées modernes et une meilleure connaissance de la situation.13 Au cours des 20 dernières années, on a consacré beaucoup d’efforts au développement de la technologie militaire. Par contre, la doctrine militaire, par tradition, a toujours progressé de façon évolutive et n’a pas toujours suivi le rythme des progrès technologiques. Est-ce que la doctrine de la blitzkrieg, même mise en application à l’aide d’armes grandement améliorées et de systèmes de commandement et de contrôle numérisés, conviendra encore d’ici les 20 prochaines années? Pour répondre à cette question, nous devons essayer de visualiser l’espace de bataille de l’an 2020. On croit qu’en 2020, les opérations terrestres seront des opérations interarmées dont l’issue sera déterminée par le contrôle du spectre électromagnétique et de l’espace. 14 La précision, la létalité et la portée accrues des capteurs et des armes ainsi que la capacité des commandants à commander et à contrôler leurs forces à des distances de plus en plus grandes créeront un champ de bataille tridimensionnel où les forces devront se disperser davantage. Les systèmes à guidage décalé auront plus d’influence sur l’issue des conflits que les systèmes de tir direct. Les capteurs en réseau, les plates-formes de manoeuvre et de tir, de même que des données communes et un tableau commun de la situation opérationnelle réduiront le temps de réaction et accélèreront de façon incroyable le rythme des opérations. Les opérations d’information15 joueront un rôle décisif. Tous ces changements imposeront aux commandants des exigences accrues. Il est certain que l’intégration évolutive de la doctrine et de la technologie aura pour effet des guerres moins longues et leur expansion dans l’espace (Figure 1). Les principales améliorations mises en service au cours des deux dernières décennies –aides décisionnelles automatisées, munitions de précision et capteurs améliorés—ont réduit le temps de réaction et augmenté la précision ainsi que la portée efficace du tir. Dans le passé, la puissance de feu s’est rarement révélée capable, à elle seule, d’éjecter des troupes déterminées du terrain qu’elles occupaient. Historiquement, les frappes n’ont été efficaces que lorsqu’elles étaient immédiatement suivies par la manoeuvre, ce qui s’explique partiellement par le fait que les effets paralysants du tir s’émoussent rapidement. Les aspects qui posent problème sont la mobilité et les manoeuvres au sol (ingrédients essentiels au succès d’une RDM terrestre, lesquels ne se sont guère améliorés depuis la mécanisation). Dans cet environnement, les frappes de précision et la technologie de l’information risquent d’être des armes à double tranchant. Les munitions de précision vont étendre la zone mortelle et la technologie de l’information améliorera la connaissance de la situation, rendant ainsi les cibles plus faciles à détecter. Ces facteurs jumeaux risquent de paralyser le mouvement sur le champ de bataille. Qui sait, la technologie a peut-être redonné l’avantage aux défenseurs, comme ce fut le cas en 1914. Au cours de la présente décennie, les États-Unis ont mené une opération révolutionnaire qui, comparée à l’opération TEMPÊTE DU DÉSERT, a reçu peu de publicité. Il est possible que l’opération JUST CAUSE au Panama16 soit beaucoup plus révélatrice des possibilités révolutionnaires des nouvelles techniques de guerre que ne le fut l’opération TEMPÊTE DU DÉSERT et fournisse un élément de solution au problème de la mobilité. Faisant appel aux capacités des systèmes de commandement et de contrôle modernes, aux capteurs avancés et à la guerre électronique, les forces terrestres américaines ont mené des opérations aérotransportés et de parachutage et se sont infiltrées dans la zone des opérations simultanément par des voies terrestres, aériennes et navales et ont attaqué toute la puissance de combat et toute l’infrastructure clé d’une nation, obtenant ainsi une victoire rapide, décisive et presque sans pertes. Il est à noter que l’opération fut menée simultanément et non séquentiellement. Cependant, l’armée ennemie était peu nombreuse, légèrement équipée et dirigée par un chef incompétent. Il serait beaucoup plus difficile de répéter cet exploit contre un ennemi bien dirigé, équipé de blindés modernes et de systèmes de défense antiaérienne 1990 k Les forces sont prép à mener des ops linéaires, défensives k Attrition des forces d’attaque k Fort engagement allié k Combats menés par des services distincts avec d’anciens systèmes k Lignes de communications logistiques lourdes 2020 k Ops simultanées, non linéaires k Ops décisives rapides pour désintégrer l’ennemi k Défi à relever : maintenir une coalition forte k Forces interarmées capables de mener des ops de précision et de dominer l’info-sphère k Maintien en puissance « juste à temps » Figure 2 : Nature changeante de la guerre 31 II Partie ou réalité? Révolutions dans le domaine militaire : Fiction Captain John Grodzinski Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Le lieutenant-colonel Wayne L. Pickering sophistiqués. Les risques liés à l’attaque d’un ennemi mécanisé au moyen de forces terrestres légèrement armées débarquées par mer ou par air (malgré l’effet de surprise) ont été largement démontrés à Dieppe et Arnhem. Le défi sera d’élaborer la doctrine, l’instruction et l’équipement qui permettia de refaire une telli opération de grande envergure avec des forces miux armées et protégées que le sont les forces légères ou d’inteuvention spécialis. La figure 2 illustre bien la nature changeante de la guerre au cours des 20 dernières années17 et confirme les changements qui seront requis au cours des 20 prochaines années pour qu’une RDM puisse se produire. Les niveaux opérationnel et tactique de la guerre deviennent de plus en plus flous et il est possible que les solutions proposées au niveau purement tactique ne soient plus adéquates pour sortir vainceur. Une redéfinition des fonctions de combat s’avère peut-être nécessaire de façon à inclure les considérations de niveau opérationnel, en réduisant peutêtre le combat à cinq processus fondamentaux, soit commander, détecter, exécuter, protéger et maintenir en puissance. Chaque processus doit être amélioré en profondeur et non de façon accessoire. On trouvera cidessous la description des capacités doctrinales requises pour réaliser, en 2020, une RDM en matière de guerre terrestre. Cette description se fonde sur une analyse historique et sur le futur contexte de sécurité. Commander. Il faut absolument accélérer le processus décisionnel ainsi que les communications entre les commandants et leurs subalternes. L’automatisation des outils de soutien au commandement et au contrôle seront certes d’un précieux secours, mais des changements en matière de procédures et d’organisation s’avèrent essentiels; autrement, la technologie ne fera que remplacer le crayon. Le défi à relever 32 consistera à prendre des décisions efficaces et rapides dans un environnement hautement mortel qui obligera les forces à se disperser davantage. Détecter. Il faut, ici, obtenir une connaissance de la situation précise de nos propres forces, de l’ennemi et du terrain. Des nouvelles techniques rapides et précises d’acquisition, de traitement et de diffusion de l’information sont donc requises. Les progrès réalisés dans le domaine de la technologie des capteurs, l’exploitation des ressources spatiales et de meilleures communications apporteront certes une aide précieuse, mais le défi consistera à fusionner ces données en une forme utilisable permettant une prise de décision rapide et une réaction immédiate. Exécuter. Exécuter consiste à fixer et à frapper la force ennemie afin de la freiner, la disloquer et la détruire tout en positionnant nos propres forces de façon à ce qu’elles puissent frapper et éviter toute interférence hostile. Pour cela, il faut disloquer l’ordre et la cohésion de l’ennemi avant le contact, paralyser ou immobiliser ses ressources de commandement et pulvériser ses forces de combat au contact. Les principaux facteurs qui nous permettront ce type d’action sont le maintien de la mobilité de nos ressources de commandement et de frappe ainsi que l’amélioration du rendement de notre personnel, lequel doit être à la hauteur des exigences physiques et cognitives de la situation. Il est évident que la technologie peut aider : frappe de précision à distance de sécurité, létalité élevée, capacité d’immobiliser électroniquement les ressources de commandement, de contrôle et de détection de l’ennemi, amélioration de la vitesse et de l’endurance des plates-formes d’armes et meilleur rendement du soldat. Pour arriver à utiliser de façon judicieuse et efficace les nouvelles technologies, une doctrine et des organisations opérationnelles efficaces sont nécessaires; autrement, nous nous contentons de mécaniser le cheval. Protéger. Il est important de demeurer viable et fonctionnel en dépit de la détection et des frappes ennemies. Les progrès technologiques réalisés dans le domaine de la conception des plates-formes et des matériaux, de la furtivité et des méthodes d’inhibition des capteurs hostiles seront d’une aide précieuse, mais les mesures les plus importantes engloberont la dissimulation, la dispersion et la déception, autant d’exigences qui s’appliquent principalement à la doctrine et aux procédures. Maintenir en puissance. Toute force qui aura les immenses besoins logistiques des armées actuelles ne pourra pas fonctionner et survivre sur le champ de bataille mortel, dispersé et fluide de l’avenir. Les solutions résident dans la doctrine, les procédures et la technique, et doivent se concentrer à réduire les responsabilités logistiques sur le théâtre. Des prévisions en besoins logistiques améliorées, des livraisons « juste à temps » plutôt « qu’au cas où », une fiabilité élevée, des systèmes automatisés réduisant la main-d’œuvre assignée à la logistique, des systèmes de combat nécessitant moins de maintenance, de carburant et de munitions et de plus petits équipages pour accomplir les missions, voilà autant de facteurs essentiels. L’avènement d’une RDM exige que des améliorations majeures soient apportées à la mobilité opérationnelle et tactique ainsi qu’à la capacité de combattre sur un champ de bataille dispersé, non linéaire; ces améliorations sont impossibles sans une réduction de la chaîne logistique. TECHNOLOGIE NAISSANTE Il existe aujourd’hui des technologies naissantes capables de révolutionner les techniques de la guerre, pourvu qu’elles soient adéquatement intégrées à la doctrine et aux organisations. Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Pour la plupart des auteurs, la technologie de l’information représente la principale percée technologique associée à une RDM. Selon The Economist : Cette dernière révolution repose sur l’application de la technologie de l’information aux armes. Elle englobe la cueillette d’énormes quantités de données, leur traitement afin que l’information pertinente s’affiche sur un écran et la destruction subséquente des objectifs, à une distance beaucoup plus grande et avec une précision jamais vue.19 Les progrès réalisés dans le domaine des sciences et de la technologie seront les principaux artisans des futures capacités de l’armée. Même si, fondamentalement, la technologie améliore les capacités militaires, les leçons du passé révèlent que c’est la façon dont la technologie est utilisée, et non la technologie comme telle, qui procure un avantage au combat 20 ; c’est-à-dire que toute innovation découle d’un besoin. Au cours des 20 prochaines années, la croissance technologique que nous avons connue au cours des deux dernières décennies va se poursuivre; les progrès dans des domaines comme la technologie de l’information se feront à un rythme presque exponentiel. Au cours des deux dernières décennies, les progrès réalisés dans le domaine du génie militaire ont optimisé les armes, les plates-formes et le matériel militaire. 21 Ces progrès se sont concentrés sur l’obtention d’une performance maximale (en particulier, la vitesse et la portée) des sciences existantes. Pour les armes de précision comme les missiles de croisière guidés par satellite, le monde entier constitue Au cours des 20 prochaines années, la croissance technologique que nous avons connue au cours des deux dernières décennies va se poursuivre; les progrès dans des domaines comme la technologie de l’information se feront à un rythme presque exponentiel. maintenant le champ de bataille. Point intéressant à noter, la limite de vitesse hors-route réaliste des véhicules terrestres conventionnels (soit 80 km/h, qui est la vitesse maximale que le corps humain peut endurer) a maintenant été atteinte. Les améliorations apportées aux capteurs militaires ont augmenté la capacité de recueillir, regrouper et diffuser l’information. Ces progrès ont été rendus possibles grâce à des percées scientifiques dans des domaines comme les satellites, l’imagerie infrarouge, les lasers, les radars, de même que grâce à l’amélioration de l’image et de l’affichage. Ces progrès sont limités par la capacité du cerveau humain à traiter les énormes quantités d’information qui lui sont fournies. L’éducation joue donc un rôle clé dans l’exploitation efficace de la technologie; les pays qui laissent les officiers subalternes prendre des initiatives et qui recrutent des soldats scolarisés récolteront d’immenses bénéfices. Finalement, l’amélioration des communications militaires rend possible le déploiement de forces totalement intégrées qui comptent sur des communications instantanées pour diffuser de façon continue aux divers éléments de la force, l’information des capteurs, du renseignement, de la poursuite, de contrôle du tir et de commandement. L’avènement de systèmes numériques de commandement, de contrôle, de communications, d’informatique et de renseignement (C3IR) capables de traiter de grandes quantités de données a permis des progrès encore plus rapides. La seule limite est la vitesse de la pensée – la capacité du cerveau humain à prendre des décisions fondées sur un déluge d’information. La cueillette, le traitement et l’utilisation de l’information dans les processus de décision et d’exécution sont considérés comme étant les progrès technologiques les plus importants pour l’avenir immédiat. Collectivement, les progrès réalisés dans le domaine des communications militaires auront pour effet: k d’automatiser et de raccourcir le processus de prise de décisions militaire; k de relier entre eux une variété de capteurs, de groupes de manoeuvres et de plates-formes de tir; k de relier tous les systèmes d’opération du champ de bataille et les bases de données communes par des communications sûres de grande capacité; k de fournir une connaissance de la situation et la visualisation du champ de bataille. Les domaines technologiques identifiés comme étant susceptibles d’avoir, d’ici l’an 2020, des répercussions sur le combat terrestre sont indiqués dans la figure 3.22 Il ne s’agit pas d’une liste exhaustive des progrès technologiques prévus au cours des 20 prochaines années; cette liste porte plutôt sur les domaines militaires les plus pertinents où des changements substantiels sont attendus. 33 II Partie ou réalité? Révolutions dans le domaine militaire : Fiction Captain John Grodzinski Le monde est à l’aube d’une nouvelle révolution militaire. Ces technologies englobent les communications numériques qui permettent la compression des données, un ‘système mondial de localisation’ (GPS) par satellites qui rend le guidage et la navigation plus précis, du matériel furtif et non détectable par radar et, bien entendu, l’informatique.18 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Malgré ces innovations, les systèmes d’armes classiques améliorés demeureront sur le champ de bataille, tout comme le soldat. Nombre des innovations technologiques prévues pour le XXIe siècle dépendent de la capacité à produire et à stocker de grandes quantités d’énergie électrique sur le terrain et sur des plates-formes mobiles. Ce n’est que lorsqu’on aura réussi à satisfaire à cette exigence que la future technologie (décrite dans certains des paragraphes suivants) deviendra réalité. Commander. Les systèmes informatiques vont continuer à évoluer et des percées majeures sont attendues dans le domaine des composantes issues de la technologie moléculaire et la nanotechnologie. L’avènement des de communication seront plus légers, auront une plus grande portée et seront plus fiables. Les communications protégées à bande large, le prétraitement des données à l’intérieur même des capteurs et les techniques de compression des données permettront la transmission de grandes quantités de données. L’intégration d’une nouvelle technologie d’interface homme-machine fournira des systèmes de combat et de soutien au combat efficaces et surviables qui ne surchargeront pas le soldat. Les applications de cette technologie englobent les affichages tête-haute virtuels pour les chefs de véhicule, les affichages interactifs de la connaissance de la situation et les systèmes de prise de décisions intelligents dotés d’affichages virtuels. Applications uniques à la défense Technologies utilisées par les militaires et les civils Technologies civiles Technologies électriques novatrices Biotechnologie Technologies électriques novatrices Technologie bimoléculaire Biocouplage et bioélectronique Production d’énergie sur le champ de bataille Technologie de l’armement électrique Dispositifs électroniques, capteurs et systèmes micro-électromécaniques (SMEM) Énergie dirigée Imagerie à haute résolution Énergie laser dirigée Énergie radiofréquence dirigée Communications Guerre électronique et de l’information Le lieutenant-colonel Wayne L. Pickering ordinateurs quantiques qui accroîtront de façon exponentielle la rapidité du traitement des données, constituera un progrès majeur. La combinaison de l’intelligence artificielle, des réseaux neuronaux et des hyperordinateurs23 entraînera un rendement accru des systèmes de commandement, de contrôle et de communication. L’élaboration de langages de contrôle de la bataille modernisera l’emploi des systèmes de commandement et de contrôle, fournissant des conseils « qu’arrive-t-il si? »” et fusionnant automatiquement de grandes quantités de données de renseignement tout en permettant la préparation et la diffusion automatiques des ordres. Une multitude de nouveaux dispositifs numériques24 feront que les systèmes Technologies de la guerre électronique Guerre de l’information Nouveaux matériaux et structures intelligentes Matériaux indétectables Blindés intelligents Capteurs intégrés Matériaux énergétiques novateurs Communications à large bande Nouveaux matériaux et structures intelligentes Alliages et polymères nouveaux et non conventionnels Interface homme-machine Robotique et automation Machines intelligentes Véhicules téléguidés Stockage de l’énergie Technologie de propulsion électrique Dispositifs électroniques, capteurs et systèmes microélectro-mécaniques (SMEM) Nanotechnologie électronique Électronique moléculaire Supraconductivité à haute température Technologies de l’informatique Informatique massive (Matériel) Traitement des données, intelligence artificielle et génie logiciel Technologie des communications Armes d’attaque de précision Nouvelle artillerie Munitions guidées Figure 3 : Domaines technologiques susceptibles d’avoir des répercussions au combat 34 Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Exécuter. Les propulsions électriques mues par de nouveaux moteurs diesel ou de nouvelles turbines à essence pourraient, d’ici l’an 2020, révolutionner les systèmes des véhicules terrestres. Parmi les avantages, mentionnons une meilleure distribution de la charge, la disparition de la transmission ou des groupes motopropulseurs et une plus faible consommation de carburant. Le développement des technologies de production et de propulsion électriques sera accompagné d’une amélioration importante des dispositifs de stockage de l’énergie électrique. La disponibilité de grandes quantités d’énergie électrique permettra peut-être également la mise en service de canons électrothermo-chimiques (augmentation de 30 à 40 % de la vitesse initiale pour une portée et une précisions accrues) ainsi que de canons électromagnétiques dont les projectiles hyper-rapides sont conçus pour annihiler la future génération de blindés. La mise au point de matériaux supraconducteurs à haute température jouera un rôle prédominant dans l’utilisation efficace de l’alimentation électrique en matière de systèmes d’armes et de propulsion des véhicules. La poursuite des travaux de développement de la technologie laser à haute énergie repose également sur la disponibilité de quantités élevées d’énergie électrique mobile. Les applications militaires possibles des lasers à haute énergie englobent le ciblage et l’inhibition des capteurs/ dispositifs optiques ennemis26 et de structures légères comme les aéronefs. Un autre système d’arme de l’avenir fonctionnant à l’électricité est l’énergie microondes dirigée qui peut être utilisée pour interrompre, dégrader, interdire et/ou détruire les systèmes de communication et de guidage des armes de l’ennemi ainsi que pour empêcher ce dernier de détecter les cibles. De tels systèmes d’armes offriraient une probabilité élevée de coup au but, une durée de trajectoire instantanée et un « chargeur » virtuellement illimité. Les munitions de précision existent déjà et continueront de s’améliorer tant en précision qu’en létalité. Avec une efficacité terminale accrue, les munitions « intelligentes » entraîneront une réduction des besoins en réserve de munitions. Compte tenu de l’extrême complexité des armes d’attaque de précision et de la maturité relative de toutes les technologies sous-jacentes, l’intégration des systèmes sera la clé des principales améliorations au niveau de la performance. Pour obtenir une efficacité maximale contre des cibles mobiles, une liaison automatisée capteur-arme de tir depuis des endroits dispersés sur tout le champ de bataille, semble nécessaire. Les explosifs volumétriques accroîtront les effets de souffle contre les fortifications de campagne et contre la plupart des véhicules. Dans les décennies à venir, les armées occidentales feront face à un manque d’effectifs en raison du déclin des naissances. Simultanément, les armes de précision nécessiteront une plus grande dispersion sur le champ de bataille. Les technologies comme la robotique devront remplacer le personnel et compenser pour les lacunes anatomiques et physiologiques de l’être humain. Protéger. Les développements sans précédents connus dans le domaine des matériaux se poursuivront et il sera de plus en plus difficile de faire la distinction entre les matériaux synthétiques et biologiques. Les matériaux seront conçus et synthétisés atome par atome en vue d’applications précises. Parmi les matériaux susceptibles de présenter un intérêt pour les militaires, mentionnons les matériaux légers (la moitié de la densité de l’acier) plus durs que le diamant ainsi que les polymères résistants dont les températures d’utilisation peuvent atteindre 500°C. On continuera de mettre au point des technologies et des matériaux furtifs. Les systèmes de blindage actifs permettront la détection et la destruction des cônes de charge cinétiques et chimiques avant qu’ils n’atteignent leur but. Les applications biotechnologiques incluent une résistance accrue aux maladies et de nombreux agents de guerre chimiques, toxiques ou biologiques ainsi que des systèmes de diagnostic et thérapeutiques sur le champ de bataille. Maintenir en puissance. Les technologies et techniques commerciales susceptibles d’être 35 II Partie ou réalité? Révolutions dans le domaine militaire : Fiction Captain John Grodzinski Détecter. Le domaine des dispositifs électroniques, des capteurs et des systèmes micro-électromécaniques (SMEM) connaîtra des progrès fulgurants. Ces capteurs seront montés sur des satellites, sur des platesformes terrestres et aériennes pilotées et téléguidées ou seront insérés par les aéronefs et les systèmes de tir indirect. L’électronique à l’échelle nanométrique25 offrira la plus grande densité de stockage et la plus faible consommation d’énergie de toute la technologie micro-électronique. Les capteurs logiques à haute densité et à très faible puissance ainsi que les lasers à faible seuil sont autant de dispositifs susceptibles d’être utilisés par les militaires. Mentionnons à titre d’exemple le capteur intelligent multidomaine (MDSS) qui combinera, en une seule composante, l’imagerie visuelle et infrarouge multibande et le radar laser (LADAR) inoffensif pour l’oeil. D’ici 2020, le MDSS englobera la cueillette d’images visuelles, d’images infrarouges moyennes à éloignées et les capacités d’imagerie du LADAR en utilisant une seule fenêtre de cueillette et sans que l’appareil ait besoin d’être refroidi. Le défi consistera à fusionner en information cohérente les données fournies par les divers capteurs. Le MDSS incorporera le traitement « monopuce » des données multispectrales obtenues et la technologie des SMEM pourrait être utilisée pour améliorer l’intégration des systèmes de capteurs. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre adaptées pour appuyer les forces militaires englobent les progrès dans les domaines de la santé et de la technologie médicale, de la gestion des approvisionnements de munitions, des méthodes améliorées de ravitaillement en carburant, des niveaux réduits de maintenance et de réparation et un meilleur contrôle des stocks. Les applications biotechnologiques susceptibles d’être mises en service d’ici l’an 2020 incluent des facilités déployables pour la production de fournitures militaires et, pour le personnel, des composés améliorant le rendement ainsi que des systèmes bioniques. Le lieutenant-colonel Wayne L. Pickering La technologie de la détection, de l’information et de la précision ne crée pas, à elle seule, les conditions nécessaires et suffisantes à l’émergence d’une RDM. La principale préoccupation demeure la mobilité au sol. Les technologies propres à assurer la mobilité opérationnelle requise pour qu’il y ait une RDM dans le domaine du combat terrestre 27 n’existent pas encore. Les véhicules chenillés sont trop lents. Les hélicoptères et les aéroglisseurs sont capables de se déplacer rapidement mais exigent de grandes quantités de carburant et manquent de surviabilité et d’endurance. Le principal défi à relever consistera à gérer la technologie de façon à choisir cette dernière et à l’intégrer le plus efficacement possible à la doctrine et aux organisations, et à déterminer les solutions les plus efficaces en terme de coûts. Les processus de développement et d’intégration de la technologie mis au point par l’Armée américaine pourraient donner le ton en la matière. Selon le général William W. Hartzog, US Army: L’armée n’a plus le temps, ni les ressources pour progresser de façon linéaire et séquentielle. Elle 36 s’engage, au contraire, dans une spirale holistique de développement –élaborant, expérimentant, analysant, décidant, pour ensuite reprendre tout le processus pour développer encore davantage. Tout ce processus prend environ le cinquième du temps requis par l’ancienne façon de faire.28 L’expérimentation joue un rôle clé dans la réduction des processus; elle permet l’établissement d’une base de développement qui peut rapidement transformer des concepts en capacités de force de campagne. « La supériorité technologique . . . n’a guère de sens sans supériorité organisationnelle. »29 STRUCTURES ORGANISATIONNELLES La révolution de l’information constitue la base sur laquelle peut se développer une RDM. Cependant, pour obtenir le maximum de la technologie de l’information, une réorganisation substantielle du travail s’impose. Dans l’industrie, cette exigence a donné naissance à des structures organisationnelles plus horizontales et, dans certains cas, à des réseaux qui ont remplacé les structures hiérarchiques. Les organisations militaires sont traditionnellement hiérarchiques, mais il est possible que d’autres alternatives se soient déjà révélées efficaces dans les combats de niveaux inférieurs. L’organisation en réseaux des groupes de guérilla offre beaucoup de résistance mais exige que les leaders supérieurs soient passés maîtres dans l’art de la stratégie, que les chefs subalternes fassent preuve de beaucoup d’initiative et que les systèmes de renseignement et de communications soient de qualité supérieure (ces deux dernières caractéristiques se retrouvent, bien entendu, à l’ère de l’information). Les organisations en réseaux se composent de petits groupes dispersés qui communiquent entre eux, qui coordonnent leurs actions et qui agissent de façon interreliée. La prise de décision est délibérément décentralisée et dispersée. On apparente leurs tactiques à un essaim : un nombre de petites unités convergeant vers un même objectif depuis plusieurs directions, s’amalgamant rapidement et furtivement, attaquant par le feu ou le mouvement, pour finalement se disperser. Les insurgés d’Afghanistan et de Tchétchénie formaient des réseaux et, par conséquent, employaient des tactiques semblables pour vaincre une armée mécanisée moderne. Par le passé, des forces armées régulières, comme les Mongols sous Genghis Khan et les U-boat des Allemands, ont également utilisé le système de réseaux. Même s’il est possible que l’avenir favorise les organisations en réseaux, certaines fonctions militaires ne peuvent être assumées que par des organisations hiérarchiques (tout particulièrement en situation d’urgence comme lorsque la concentration de l’appui-feu est nécessaire). La solution pourrait résider en une structure hybride où l’on retrouverait, aux niveaux stratégique et opérationnel, la chaîne de commandement hiérarchique horizontale typique de l’industrie moderne. À l’extrémité tactique, les réseaux pourraient être une option. De petites unités de manoeuvre auraient ainsi accès direct au commandant en chef interarmées du théâtre, et les niveaux de commandement comme le corps d’armée et la division disparaîtraient. Cette chaîne de commandement hybride s’apparente au concept opérationnel des forces d’opérations spéciales (FOS) actuelles. Les organisations plus petites seraient entièrement structurées en réseau; elles pourraient communiquer entre elles, Vol. 2, no. 4, hiver 1999 CONTRAINTES Devrait-on continuer à organiser les unités par armes de combat alors que des unités mixtes sont beaucoup plus susceptibles de créer une synergie décisive par la combinaison des effets désorganisateurs du tir longue portée, de l’effet de choc de leur puissance de feu, de leur mobilité, de leur protection et de leur capacité de prendre et tenir le terrain? Napoléon a amorcé le processus en unissant sous le contrôle d’un seul quartier général de corps d’armée les divisions d’infanterie, d’artillerie et de cavalerie. Pendant et après la Deuxième Guerre mondiale, les armes étaient toujours combinées aux niveaux de la division et de la brigade, et regroupées temporairement aux niveaux du bataillon et de la compagnie, de façon à créer des équipes interarmes. Ces équipes parvenaient régulièrement à des résultats décisifs contre des articulations beaucoup plus nombreuses mais formées d’une seule arme. Ne devrait-on pas, à l’avenir, grouper en des unités interarmes, les unités qui se trouvent au niveau du bataillon et aux niveaux inférieurs? D’ici l’an 2020, il est possible qu’une partie des armées des principaux pays industrialisés soit entraînée et équipée pour mener des opérations simultanées non linéaires visant à désintégrer la capacité de l’ennemi à faire la guerre. Cependant, la nouvelle technologie ne pourra pas être intégrée au même rythme par tous les pays et le défi qu’il faudra alors relever consistera à obtenir l’interopérabilité entre les armées et les unités de même qu’à l’intérieur des armées et unités possédant des technologies de différentes générations. Plusieurs autres caractéristiques doivent être soulignées. Tout d’abord, il est nécessaire de connaître le cycle des mesures/contre-mesures, c’est-à-dire que la létalité accrue sera contrée par le développement d’une plus grande surviabilité et vice versa. Deuxièmement, ce ne sont pas tous les progrès technologiques qui donneront les avantages attendus. Troisièmement, la capacité de nos leaders et de nos soldats à adapter et à utiliser de la façon la plus efficace possible la nouvelle technologie et à élaborer une doctrine et des structures organisationnelles correspondantes sera peut-être le facteur le plus déterminant. Finalement, il ne faut pas sous-estimer l’efficacité d’une réponse asymétrique face à des forces de haute technologie. Pour certains observateurs « la RDM risque de nous précipiter dans une nouvelle ère de réduction militaire et de ramener les guerres visant des objectifs limités menées par des forces valeureuses trop précieuses pour être gaspillées dans des guerres d’attrition massive. »30 Ce genre de concept organisationnel oublie cependant de tenir compte du rôle premier des forces terrestres qui, selon Fehrenbach, consiste à « défendre la vie, la protéger et la conserver pour les civilisations à venir. » Ce rôle principal exige des soldats au sol, et parfois en grand nombre. Il est possible que les futurs adversaires de l’Ouest décident de choisir d’exploiter l’asymétrie pour gagner contre un ennemi doté d’une technologie supérieure. L’attaque asymétrique évite la force et exploite les vulnérabilités. L’asymétrie peut être une fin en soi ou l’un des moyens pris pour atteindre d’autres objectifs. Elle peut exploiter les craintes et les croyances des populations et miner la confiance des peuples dans leur gouvernement et les actions de ces derniers. Ces méthodes et moyens incluent l’exploitation de la sensibilité de l’Occident face aux victimes de la guerre, l’interruption de nos activités économiques et la menace d’anéantir notre désir de légitimité. Ils englobent, sans s’y limiter, la guerre de guérilla, le terrorisme, la désinformation, les opérations psychologiques, l’emploi d’armes de destruction massive et des attaques contre nos structures d’information commerciales. CONCLUSIONS Chaque ère a connu sa révolution dans le domaine militaire. En matière de guerre terrestre, nous ne sommes pas encore parvenus à la RDM rendue possible par l’ère de l’information. Il est peu probable qu’il y ait une RDM dans le domaine de la guerre terrestre tant que la mobilité et la logistique sur le champ de bataille –aspects critiques des RDM antérieures – n’auront pas connu les améliorations que la nouvelle technologie a apporté en matière de détection, de précision et de létalité. Dans le passé, la nouvelle technologie a rarement provoqué une RDM immédiate. Elle a plutôt d’abord conduit au remplacement évolutif des systèmes existants. Il a fallu du temps pour absorber la technologie et élaborer la doctrine et les organisations correspondantes. Si cette prémisse est toujours vraie, les armées connaîtront, au cours des prochaines décennies, une série de surprises étant donné que les changements technologiques, doctrinaux et organisationnels semblent en conflit, de façon séquentielle plutôt que coordonnée. Le défi que devront relever les futurs leaders consistera à intégrer la doctrine, les organisations et la technologie et à diriger les soldats à travers ces changements. Cela exigera intelligence et formation professionnelle. 37 II Partie ou réalité? Révolutions dans le domaine militaire : Fiction Captain John Grodzinski assurer la coordination les unes avec les autres et pourraient faire appel, au besoin, aux ressources du renseignement et d’appui-feu interarmées. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre À propos de l’auteur . . . Le lieutenant-colonel Wayne Pickering possède un B.Ing. du Collège militaire royal du Canada. Il a commencé sa carrière militaire au sein de la milice et après avoir obtenu sa commission d’officier de la Force régulière, il a été affecté au 8th Canadian Hussars (Princess Louise’s) de Petawawa. Il a servi au sein d’unités de chars et de reconnaissance au Canada et en Europe. Il a également à son actif des périodes de service à titre de membre du personnel d’instruction du Royal Military College of Science, à Shrivenham, en G.-B., et de la Direction des Besoins en ressources terrestres. À l’heure actuelle, le lieutenant-colonel Pickering fait partie de la Direction – Concepts stratégiques (Opérations terrestres) à Kingston. NOTES 1 Arquilla, J. et D Ronfeldt éditeurs, In Athena’s Camp, Preparing for Conflict in the Information Age, Santa Monica, CA: RAND, 1997, p. 7. 2 Krepinevich, Andrew F, « Cavalry to Computer: The Pattern of Military Revolutions », The National Interest, Automne 1994, p. 30. combat. Lors de l’opération, menée pendant la nuit du 20 décembre 1989, on réussit, en huit heures, à capturer 21 des 27 objectifs stratégiques. Vingt-trois militaires américains furent tués ainsi que 300 Pauaménievs. Voir Donnelly, T., M. Roth, et C. Baker, Operation Just Cause, The Storming of Panama, Toronto: Macmillan, 1991. 3 Pickering, W.L., « Révolutions dans le domaine militaire : Fiction ou réalité? », Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre, volume 2, numéro 2, Mai 1999, pp. 40-54. 17 Ce tableau est un condensé de « Knowledge and Speed », The Annual Report on the Army After Next Project, Washington: United States Department of Defense: Juillet 1997. 4 Fehrenbach, T.R., This Kind of War: A Study in Unpreparedness, New York: Cardinal, 1964, p. 454. 18 « The Future of Warfare: Select enemy. Delete, » The Economist, 8 mars 1997, pp. 21-23. 5 Blainey, Geoffrey, The Causes of War, London: MacMillan Press, 1988, p. xi. 19 « The Future Face of Warfare », The Globe and Mail, 10 mars 1997, p. A19, extrait de « The Future of Warfare, Select enemy. Delete », The Economist, 8 mars 1997, pp. 21-23. 6 Arquilla et Ronfeldt, op. cit., p. 13. 7 Voir Kaplan, R.D., « The Coming Anarchy », Atlantic Monthly, 273, Février 1994, pp. 44-76. 20 Gouvernement du Canada, B-GL-300-000/FP-000 L’armée de terre du Canada, Nous protégeons nos foyers et nos droits, Ottawa: Ministère de la Défense nationale, 1998, p. 132. 8 Friesen, Shaye K., « Some Recent Trends in Major Armed Conflicts », ORA, DLSC Research Note 9802, Gouvernement du Canada, MDN, Octobre 1998. 21 Bodnar, J.W., « The Military Technical Revolution: From Hardware to Information », Naval War College Review XLVI, 1993, pp. 7-21. 9 Quatre guerres israélo-arabes, trois guerres pakistano-indiennes, la guerre de Corée, la guerre Iran-Irak et l’opération TEMPÊTE DU DÉSERT. Le lieutenant-colonel Wayne L. Pickering 10 L’engagement des É-U au Liban—un long conflit sans vainceur où les 252 morts subies par les forces américaines mirent effectivement fin à l’engagement des États-Unis – contraste avec les résultats rapides et décisifs de l’opération TEMPÊTE DU DÉSERT au cours de laquelle les forces américaines eurent 148 morts. 11 Voir Vigor, P.H., Soviet Blitzkrieg Theory, London: MacMillan, 1983. 12 Voir FM 100-5, Operations, Washington: US Department of the Army, 1982. 13 La connaissance de la situation inclut la connaissance de l’emplacement et des dispositifs des forces amies et ennemies, la connaissance de l’environnement, du terrain, de l’espace et des conditions sociales, tout comme la connaissance de l’état des ressources humaines, matérielles et d’information de la force amie. 14 Voir Knowledge and Speed: Battle Force and the U.S. Army of 2025, The 1998 Annual Report on The Army After Next Project, Fort Monroe, VA: U.S. Army Training and Doctrine Command, 1998, pp. 8-11. 15 Le but des opérations d’information est la supériorité de l’information, laquelle doit être acquise par l’exploitation optimale de l’information/ des connaissances et par l’interdiction de ces mêmes capacités à l’ennemi. 16 Les forces américaines engagées dans l’opération JUST CAUSE totalisaient 27 000 hommes, dont 4 000 membres des forces d’opérations spéciales, lesquelles durent s’acquitter de la plupart des opérations de 38 22 Information extraite de trois sources : U.S. National Research Council, STAR 21, Strategic Technologies for the Army of the TwentyFirst Century, Washington: National Academy Press, 1992, pp. 5-29 annexe IV; Land Operations for the Year 2020, OTAN Long-Term Scientific Study 49, Brussels, 1999; et Moen, Ingar, « Defence Technology for the 2010 and Beyond Security Environment », In the Arena—The Army and the Future Environment, S.K. Friesen éditeur, Kingston: Direction - Concepts stratégiques (Opérations terrestres), 1999, pp. 65-69. 23 1012 opérations/sec. 24 Cela inclut les circuits intégrés monolithiques hyperfréquence, les communications et les commutations par fibre optique, les transistors à vide de l’ordre de micromètre, des convertisseurs analogiquesnumériques multi-gigahertz et des dispositifs électroniques supraconducteurs. 25 Comme le transitor à électron unique. 26 Des armes capables d’endommager les capteurs ont déjà été installées sur des navires de guerre. 27 Le concept de l’Armée américaine envisage des véhicules de combat qui n’utilisent le terrain que pour se protéger et qui sont capables d’atteindre des vitesses de 150 à 200 m/h et qui ont une autonomie de plus de 1 000 km. 28 Hartzog, General William W, and Susan Canedy, « Laying Foundations: From Force XXI to Army After Next », Army, Février 1998, pp. 19-21. 29 Arquilla and Ronfeldt, In Athena’s Camp, p. 70. 30 Ibid, p. 113. Vol. 2, no.4, hiver 1999 ANALYSE DES QUESTIONS D’ÉTHIQUE Le colonel Howie J. Marsh, OMM, CD L’éthique est la science de la morale. La morale nous permet de distinguer le bien du mal. Par conséquent, l’éthique est la science qui nous permet de distinguer le bien du mal. La plupart d’entre nous savons facilement faire la différence entre ce qui est bien et ce qui est mal. Le défit survient lorsque toutes les possibilités semblent bonnes. Avant d’entreprendre une analyse, il serait prudent de revenir sur la condition humaine. 1 L’entropie règne. L’univers se dégrade. L’humanité est prisonnière de la destruction. Tout le monde meurt. La décadence triomphe. L’histoire nous rappelle que les hommes ont davantage tendance à agir de façon dégénérée qu’avec discipline. Faire le bien demande beaucoup de rigueur morale et intellectuelle. L’éthique est un combat difficile. En matière d’éthique, le relâchement est plus fréquent que la rigueur. THÉORIE Les valeurs morales sont influencées par les relations humaines. Les parents désirent que leurs enfants grandissent dans un bon quartier, fréquentent de bonnes écoles et de bons amis dans l’espoir que les relations positives leur donnent de bons tempéraments et les mènent à l’excellence. Nos fréquentations forment notre moralité. Une personne seule sur une île déserte n’a guère de dilemme d’ordre moral. Toutes les règles peuvent être enfreintes. Cette personne n’aurait aucune loi à respecter. La moralité (M) est influencée par les relations (R). En d’autres termes : L’histoire démontre qu’une telle dévotion améliore la personne. On ne peut pas nier l’influence de la spiritualité sur les valeurs morales. En éthique, les valeurs sont constituées de l’influence tangible (It) et intangible(Ii). On peut l’exprimer ainsi : Moralité ∝2 relations. L’éthique est la science de la morale. La morale est fonction du temps passé avec les autres. Par conséquent, l’éthique est la science de l’influence des valeurs sur notre conception du bien et du mal. On peut l’exprimer plus simplement à l’aide de l’équation algébrique suivante : Les valeurs morales sont directement proportionnelles au temps investi dans nos relations et à la personnalité de nos compagnons. Les moines chrétiens, les bouddhistes Zen, les membres du Djihad islamique, de la jeunesse hitlérienne et de la mafia sont influencés en proportion du temps qu’ils passent avec des partisans de ces mouvements. L’ardeur avec laquelle ils expriment leur mode de vie dépasse celui de la plupart des citoyens, mais le principe est le même pour tous. La moralité repose sur la personnalité de ceux que nous fréquentons (Io), multipliée par le temps (T) investi dans nos relations avec ces personnes. Moralité ∝ Io x T Les valeurs ne découlent pas seulement de l’influence des autres. Elles doivent être plus universelles; on les définit dans les grandes lignes comme les qualités morales d’un être vivant. La majorité des Nord-Américains sont croyants. La plupart croient en des entités spirituelles d’où originent des pensées positives et négatives. Dans sa quête de Dieu, un moine cloîtré à la recherche de solitude renonce aux relations humaines. Io = (It) + (Ii) ÉQUATION M = [(It) + (Ii)] T RÉSUMÉ DÉDUCTIF M∝ R M ∝ Io x T M ∝ [(It) + (Ii)] x T M ∝ (It)T + (Ii)T ANALYSE DE L’ÉQUATION Cette équation exprime deux variables et deux constantes. On peut alors tracer un graphique en attribuant la moralité à l’axe vertical (y) et le temps investi dans nos relations à l’axe horizontal ( x ). Voir la figure 1. LES CONSTANTES On doit considérer les limites des constantes It et Ii. Le temps que nous passons avec les humains n’est pas mis en cause. Personne ne passe toute sa 39 Analyse des questions d’éthique ’éthique est un sujet largement documenté. La plupart des thèses soulèvent plus de questions qu’elles ne fournissent de réponses. Les étudiants et les intervenants sont souvent aux prises avec des dilemmes moraux parce qu’ils ne disposent d’aucun moyen de placer dans leur bon contexte des éventualités toutes aussi indésirables les unes que les autres. Le présent document propose un cadre pour résoudre les problèmes d’ordre moral. L Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre est acceptable sur le plan éthique parce que la loi le permet. Cette zone légaliste de l’éthique est le résultat de l’expérience humaine. Il ne s’agit pas de l’expression la plus évoluée de l’éthique parce qu’elle se limite à l’application du principe d’égalité. Personne n’est traité avec plus de compassion. Les faveurs imméritées et la pitié ne sont pas choses communes dans la zone légaliste. Figure 1 : Illustration graphique de M = [(It) + (Ii)] T Le colonel Howie J. Marsh vie seul. Même le Dalai Lama a besoin de présence humaine. Le temps consacré à nos relations avec les autres joue un rôle prédominant dans toutes les circonstances de la vie. Par conséquent, It doit apparaître dans chaque équation. D’autre part, la constante Ii ne peut exister à l’écart de la constante I t . Cependant, les sociologues peuvent citer des exemples de personnes dont la vie a été dépourvue de toute influence spirituelle (intangible). Un grand nombre de personnes peu recommandables ne possèdent pas la constante Ii. Il y a donc deux conditions valides à la moralité : It et (It + Ii) On obtient ainsi deux courbes sur le graphique. Puisque (It + Ii) est toujours plus grand que It, la pente de la courbe (It + Ii) est toujours plus accentuée. Voir la figure 2. Figure 2 : Amplification des constantes 40 ZONES DE L’ÉTHIQUE Les courbes représentées dans l’équation de la figure 2 forment trois zones distinctes, ou trois zones triangulaires. La zone située sous It est une zone où l’environnement moral est dominé par la peur du châtiment. L’oligarchie, le crime organisé et certaines sectes religieuses fonctionnent dans ce créneau, la zone de l’éthique de survie. Afin de ne pas se retrouver dans cette zone, la loi, l’ordre et la justice doivent être équitables pour tous. L’humanité se sort lentement de cette zone. La majorité des gens se trouvent dans la zone située entre It et (It + Ii). Les décisions d’ordre moral se fondent sur la loi. Dans certains pays, l’avortement La troisième zone située entre l’axe vertical (Moralité) et la courbe (It + Ii) représente un mode de vie éthique rarement pratiqué par les communautés. Peu de gens pratiquent ce mode de vie. En théorie, les comportements moraux retrouvés dans cette zone sont opposés à ceux de la zone de survie et sont plus évolués que ceux de la zone légaliste. Dans cette zone altruiste, la générosité, pouvant aller jusqu’à mourir pour les autres, remplace la conservation de soi. Les faveurs imméritées supplantent l’égalité. La sagesse prédomine. Le seul exemple qui existe est celui de la vie des saint chrétiens décrite dans The Philokalia.3 La figure 3 illustre les trois zones de l’éthique. APPLICATION Maintenant que nous avons examiné le légaliste contexte Éthique théorique du processus décisionnel d’ordre éthique, nous sommes plus en mesure de porter un jugement sur l’énigme posée par le Département de psychologie et de Figure 3 : Zones de l’éthique Vol. 2, no. 4, hiver 1999 L’engagement sans limite du soldat et l’approche altruiste de l’éthique arrivent sans équivoque à la même conclusion. Il n’y a aucune incompatibilité. Le soldat est quelqu’un de fort qui risque parfois sa vie pour défendre les démunis. Il donne toujours tout. Le dilemme relève davantage du leadership que de l’éthique. La promotion des valeurs canadiennes au sein de la communauté internationale comporte un prix élevé. Le pays, le bataillon et le peloton devraient s’être préparés à de telles situations et avoir établi dès le départ que les soldats ont pour tâche de défendre les démunis de tous les pays. La dissension n’est pas permise dans la zone d’opérations. LE DÉFI au stade de l’éthique de survie. Puisque l’Armée de terre est surtout composée de jeunes, elle pourrait être parmi les premières à vérifier cette prédiction. Peu de gens ont le courage d’agir selon l’approche altruiste. La justice impose un lourd tribut à ceux pour qui l’obligation morale est une priorité. La société leur appose l’étiquette de « martyrs ».5 Dans l’Armée britannique, les soldats refoulaient souvent leurs problèmes jusqu’à ce qu’un nouvel officier, indépendant de fortune, soit en devoir. Un officier dont l’avenir ne dépendait pas d’un commandant était plus enclin à rendre un jugement impartial. Heureusement, l’avancement de la grande majorité des officiers canadiens se fait à l’intérieur d’une institution régie par l’éthique légaliste. Voilà les défis qui s’offrent à nous. « Puissez-vous reconnaître les situations où vous devrez vous montrer braves » et ne jamais vous « défiler ». M. Larry Stevenson4 a parlé du déclin anticipé des valeurs morales de la jeunesse canadienne lors de la conférence canadienne sur l’éthique du leadership. Les valeurs transmises par la télévision (sans parler des jeux vidéo), c’est-à-dire la conservation de soi et la vengeance, peuvent ramener la société À propos de l’auteur . . . Le colonel Howie Marsh est titulaire d’un Baccalauréat en Science de l’Université Queen’s. Il a servi avec le 12e Régiment Blindé du Canada, le 2nd Royal Tank Regiment (UK), l’Armour School (UK), le Royal Armour Centre (UK) et comme directeur du Corps blindé royal canadien. Ses autre affectations incluent : Commandant de la base, BFC Suffield; Directeur de projet; Directeur – Besoins en ressources terrestres; Directeur – Développement (Force terrestre); une affectation temporaire au Comité mixte parlementaire et au Comité du Sénat sur la défense; et Chef de département, Département des Sciences militaires appliquées au Collège militaire royal du Canada à Kingston. Le colonel Marsh est présentement l’inspecteur du Commandement de la Force terrestre. Il occupe son temps libre en avec les mathématiques, la science, la technologie et ses petits-enfants. NOTES 1 L’entropie ou l’énergie non disponible dans l’univers augmente constamment. L’entropie est une mesure de dégradation. La seconde loi de la thermodynamique prévoit que l’univers tout entier se dégradera un jour en énergie non utilisable. 2 Captain John Grodzinski Une approche légaliste privilégierait la distribution des approvisionnements selon le principe d’égalité. Certains réfugiés ont de fortes chances de mourir parce qu’ils ont besoin de plus d’attention, mais la majorité survivra. Le peloton serait peut-être capable d’accomplir sa mission avec la moitié des vivres. Cette approche équilibre les besoins et les risques. Cependant, cette approche laisse un doute persistant dans l’esprit du commandant : « Aurais-je pu faire davantage? » Le symbole “∝ ∝” signifie dépendre de, ou varier selon. 3 The Philokalia est une collection de textes écrits entre le 4e et le 15e siècles par des maître spirituels de l’Église Chrétienne de tradition orthodoxe. Quatre volumes traduits du grec et publiés sous la direction de G.E.H. Palmer, Phillip Sherrard, et Kallistos Ware, Faber and Faber Limited, Londres, 1979, ISBN 0-571-13013-5. 4 Première conférence canadienne sur l’éthique du leadership, Collège militaire royal du Canada, Kingston, Ontario, Canada, 19-20 février 1998, Business Perspective, Larry Stevenson, Président et directeur général de Chapters Inc., pp 3-13. 5 Bien qu’on associe le mot “martyr” au fait de donner sa vie, il existe d’autres formes de martyrs. J’ai été témoin d’un officier canadien qui a renoncé à toute possibilité d’avancement en s’opposant, sur le plan professionnel, à une décision immorale. Bien que ces cas soient rares, ils se produisent néanmoins parfois. 41 Analyse des questions d’éthique leadership militaire du Collège militaire royal du Canada lors de la conférence sur l’éthique du Chef d’état-major de la Défense en 1998. Le dilemme d’ordre moral est celui d’un commandant et de son peloton isolés de leur unité de soutien dans un milieu hostile. L’eau et les médicaments manquent; tout le matériel est transporté dans les sacs à dos et aucun réapprovisionnement n’est attendu avant plusieurs jours. Le risque de perte est éminent. Le commandant de peloton a reçu l’ordre de se concentrer sur la mission et de protéger la vie de ses soldats. Inopinément, le commandant croise un groupe de réfugiés et des membres de la Croix-Rouge en état de détresse. Un des commandants de section rappelle au commandant de peloton qu’il n’y a pas suffisamment 1 pose aucun dilemme. La conservation de soi prédomine. Vous ignorez la situation. Vous espérez que la CroixRouge ne rapporte pas l’incident et que tous les soldats gardent le silence. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre L’ÉVOLUTION DE LA DOCTRINE OPÉRATIONNELLE AU SEIN DU CORPS CANADIEN EN 1916-17 Desmond Morton, Ph.D. LES IMBÉCILES AUX PATTES DE COLLET ROUGES es Mémoires relatifs à la Première Guerre mondiale, renforcés en cela par les romans et les poèmes écrits par les officiers subalternes en service, ont laissé cette impression indélébile que, tandis que les généraux étaient des imbéciles responsables d’assassinats de masse, leurs officiers d’état-major méritaient une place spéciale en enfer. Confortablement installés dans des châteaux derrière le front, ils ignoraient les souffrances endurées par leurs troupes et inventaient des formules idiotes et des plans égocentriques qui avaient invariablement pour effet d’amplifier les misères de la guerre. Leurs pattes de collet rouges, leurs bottes rutilantes et leur parfaite inutilité sont devenus des clichés de la guerre. Dans les conflits ultérieurs, les officiers qu’on avait déjà présentés comme « les cerveaux d’une armée moderne » se sont dissimulés derrière des uniformes régimentaires. Cette tradition se continue, de même que les soupçons à l’égard de l’état-major. Comme les officiers d’état-major sont, en principe, recrutés parmi les officiers régimentaires les plus brillants, faut-il en conclure que l’intelligence a une influence fatale sur la guerre? Desmond Morton L Comme toutes les guerres, le conflit de 1914-18 a été sanglant et ruineux, mais on ne peut le réduire entièrement à un fatras de tactiques mortelles et improductives. Au contraire, il représente la défaite d’une manière de penser qui était très respectable avant la guerre. Loin de persister à appliquer 42 les mêmes tactiques futiles et meurtrières de 1914 à 1916, on a fait preuve de beaucoup d’inventivité en trouvant des moyens tactiques et technologiques pour rompre l’impasse à laquelle la guerre des tranchées avait mené. Pourquoi, peut-on se demander avec un certain à-propos en ce qui concerne le présent, davantage d’efforts n’ont pas été faits dans ce sens avant 1914? On peut seulement attester que beaucoup de changements se sont produits lors de la guerre, en particulier pour les Canadiens, au cours de l’hiver de 1916-17, lorsque ceux-ci se sont mis à assimiler les leçons retenues de la bataille de la Somme. LE TRIOMPHE DE LA VOLONTÉ À la fin du dix-neuvième siècle, époque à laquelle la plupart des généraux allemands, français, britanniques et américains en poste en 1914-18 ont acquis leurs idées, on était fasciné par les notions d’esprit et de volonté. Comme le soutenait le prophétique banquier polonais Ivan Bloch, la victoire appartiendrait non pas à l’économie la plus forte, mais à celui des protagonistes qui démontrerait la volonté la plus ferme, comme en feraient foi sa discipline, son moral et son dévouement. « Une bataille gagnée », déclarait le colonel Grandmaison, influent tacticien français, « est une bataille où l’on n’admet pas sa défaite. » À la première bataille d’Ypres, en 1914, Sir Douglas Haig soutenait qu’il l’avait emporté, même si les Allemands étaient sur le point de détruire ce qui restait de l’armée régulière britannique, parce qu’il s’était refusé à abandonner. Les généraux qui connaissaient le succès étaient confiants, énergiques, impitoyables. Ceux qui exprimaient des doutes ou des critiques faisaient évidemment preuve d’une volonté défaillante et devaient être limogés, comme Sir Horace Smith-Dorrien l’a découvert lorsque, la veille de la deuxième bataille d’Ypres, il a formulé la question que la plupart des historiens militaires se sont posée par la suite : pourquoi faut-il défendre un terrain encaissé aussi meurtrier qu’Ypres? Une fois que le moral s’avoue vaincu, aucune tactique ni aucune arme ne peut sauver une armée. Pour remporter la victoire, des pertes sont inévitables. Toutefois, comme le remarque l’historien militaire britannique Michael Howard, « la liste des victimes que la génération ultérieure allait trouver si horrible était considérée par les contemporains non pas comme une indication de l’incompétence militaire, mais comme une mesure de la résolution nationale, de l’aptitude à assumer le rôle de Grande Puissance. » DES PROBLÈMES RÉSULTANT DE L’IMPASSE Les cyniques répondront qu’aucune volonté n’est assez forte pour envoyer une force d’attaque sous le feu de mitrailleuses. Faute de preuve avant la guerre, évidemment, les généraux n’en étaient pas convaincus. Les fantassins étant, durant les manœuvres, amenés à une distance suffisamment proche sous la protection des tirs d’obus, inspirés par leurs chefs et jamais distraits par la moindre incitation à utiliser leurs armes individuelles, on pouvait facilement proclamer qu’ils étaient voués au succès. Cela n’a pas été le cas. La doctrine de l’attaque à outrance a coûté à l’armée Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Les Canadiens pouvaient blâmer l’inexpérience et l’incompétence militaire : les ordres étaient vagues, les cartes erronées, et la coordination était absente entre l’infanterie et l’artillerie. À Festubert, un mois après la deuxième bataille d’Ypres, le brigadier-général Currie a reçu l’ordre de prendre « K.5 », objectif qu’il ne pouvait lui-même localiser. Il a néanmoins envoyé ses bataillons le capturer, avec des conséquences prévisibles. Son collègue, le bgén Turner, a carrément qualifié de meurtre les ordres d’Alderson. Décoré de la Croix de Victoria et proche des Conservateurs, il ne craignait évidemment pas pour son poste. Après avoir effectué suffisamment de bombardements pour avertir les Allemands sans vraiment leur faire de mal, les Canadiens ont attaqué pendant cinq jours consécutifs, accumulant 2 468 morts et blessés et s’emparant d’un petit coin de tranchée allemande inutile. Vingt ans plus tard, Victor Odlum, qui commandait le 7 e Bataillon à l’époque, a évoqué Festubert comme « l’opération la plus déplorable à laquelle les Canadiens ont pris part. » SURVIVRE À LA BATAILLE DE LA SOMME Après la deuxième bataille d’Ypres, plus d’un an s’est écoulé avant que la 1re Division du Canada participe à une bataille majeure. La guerre des tranchées qui a eu lieu entre-temps ainsi que les combats à Givenchy et à Festubert ont fait de la Division, des officiers d’état-major comme des soldats sur la ligne du front des « vieux de la vieille ». Les divisions canadiennes subséquentes ont tiré leurs propres leçons, habituellement non sans subir de dommages. Les cratères de Saint-Éloi ont constitué la leçon de la 2e Division de Turner. La 3e Division a souffert au bois du Sanctuaire et au mont Sorrel. Après une contre-attaque désastreusement désorganisée, la 1re Division d’Arthur Currie a repris son sang-froid, a évalué les problèmes et a ensuite fait la preuve qu’avec du temps, de la planification et un appui massif de l’artillerie, on peut connaître le succès. Le mont Sorrel, affirme D. J. Goodspeed, a établi un précédent pour ce qui est devenu la manière canadienne de faire la guerre : une planification et des préparatifs minutieux, un appui feu massif et l’insistance à vouloir éclaircir les détails, même en hypothéquant la patience de ses supérieurs. Le travail d’état-major avait de l’importance; de même l’entraînement et les répétitions. Cette approche était apparente seulement de temps à autre, lorsque les Canadiens se sont joint à l’offensive de la Somme, du 15 septembre au début de novembre 1916. Dès septembre, les batteries d’artillerie canadiennes et britanniques avaient perfectionné leurs barrages roulants, mais les obus n’avaient pas plus d’effet qu’en juillet, et l’infanterie luttait toujours en ligne dans la zone avancée, tentant de survivre à la large bande constituée par la zone battue. Les effectifs étaient habituellement trop peu nombreux ou trop épuisés pour faire face aux contre-attaques allemandes, et ils « perdaient » leur barrage si une mitrailleuse ou simplement le terrain bourbeux ralentissaient l’avance. Pour les soldats, la différence entre une « bonne » et une « mauvaise » performance tenait à la facture du boucher : ainsi, la bataille de la Somme a causé la perte de 26 000 Canadiens. Haig ne pouvait pas attribuer son échec à un manque d’hommes, de pièces ou d’obus : il avait en main tout ce qu’il faut pour remporter la victoire. Au lieu de cela, il a changé d’objectif, visant l’attrition plutôt que la percée. Les historiens officiels ont eu ensuite la tâche de prouver que les pertes allemandes avaient été supérieures à celles des Alliés. La vérité est que les pertes ont été terribles des deux côtés. DES LEÇONS À TIRER DES ÉCHECS Les Canadiens n’ont pas eu besoin d’historiens ou de poètes pour apprendre que la Somme avait été un échec : ils le savaient déjà. La campagne d’automne a coûté la vie de presque un fantassin sur deux au sein du Corps d’armée. Auraient-ils pu gagner avec les méthodes alors en vigueur? Non. Auraient-ils pu abandonner et rentrer à la maison? Cette solution était impensable pour la majorité des soldats comme pour leurs généraux. Au lieu de cela, au cours des deux mois passés en avant de la crête de Vimy, une révolution est survenue dans la technique militaire. Une révolution imprévisible. À compter d’avril 1916, le commandant du Corps d’armée canadien était Sir Julian Byng. Homme de la cavalerie dans une guerre d’artilleurs, Byng était généralement considéré comme quelqu’un de stupide. Son surnom « Bungo » n’annonçait guère le génie. Les apparences étaient trompeuses. Dans l’année qui a suivi, ses soldats se sont donné des noms d’artistes populaires et ont adopté le surnom de « Byng Boys ». Un quartier général de corps d’armée britannique contrôlait un secteur donné et planifiait les batailles des divisions, quelles qu’elles soient, qui se trouvaient dans leur secteur. Sous le régime de Byng, les quatre divisions canadiennes ont combattu en formant une seule unité. Comme le Quartier général principal et le Quartier général de l’Armée de terre n’avaient guère mieux à offrir que de grandes 43 en 1916-17 du Corps L’évolution de la doctrine opérationnelle au sein Captain Johncanadien Grodzinski française 110 000 morts et 175 000 blessés ou prisonniers lors des premières semaines de la guerre. L’attention que les Allemands portaient aux flancs a entraîné le Kindermorden (la boucherie) d’Ypres. L’approche britannique axée sur l’improvisation a été noyée dans le sang à NeuveChapelle en mars 1915 et à nouveau à Loos en octobre. Les Canadiens ont appliqué leur propre version de l’« esprit de la baïonnette » avec des résultats désastreux au bois de Kitchener, durant la nuit du 23 avril 1915, et à Festubert ainsi qu’à Givenchy, quelques semaines plus tard. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre directives et des principes diffus, les corps et les divisions ont dû concevoir des tactiques spécifiques pour répondre aux lourds problèmes que les Allemands créaient régulièrement. Byng n’était pas gêné et il avait l’aide d’un certain nombre de remarquables officiers d’étatmajor britanniques qui épaulaient les généraux d’origine canadienne. Durant la bataille de la Somme, les officiers d’état-major ont aidé leurs généraux à tirer des leçons de la tragédie. SURVIVRE À UNE BATAILLE Desmond Morton Certaines des leçons ont été brutales. Dorénavant, durant les attaques, les officiers s’habilleraient « exactement de la même façon que leurs soldats » pour déjouer les tireurs d’élite. Les unités sélectionneraient 20 officiers et 88 soldats qui seraient laissés hors de la bataille (LOB), « afin de constituer le noyau à partir duquel on réorganiserait le bataillon en cas de lourdes pertes ». Les rangs avant « serreraient le barrage » afin d’enlever à l’ennemi le temps de se rétablir. Mieux valait subir quelques pertes que de rester pris à découvert. Pour conserver les tranchées capturées, les compagnies de réserve transporteraient des pelles, des pioches et des cisailles. Certains problèmes semblaient presque insolubles. À la Somme, les soldats étaient complètement surchargés. L’« attirail de combat » est né des réformes qui ont suivi la bataille de la Somme, mais la charge demeurait encore imposante : chaque soldat devait en effet porter sur lui un uniforme, une arme et des munitions, une pelle, un respirateur, un sac à dos contenant de la nourriture, un tapis de sol imperméable à l’eau, une gamelle, une bouteille d’eau ainsi que sa part de grenades, de bandes de mitrailleuse et de fusées éclairantes pour aéronef. En 1917, un carabinier transportait au moins 68 livres de vêtements, de fourbi et d’armes, un grenadier ou un grenadier avec fusil, une charge de 78 livres, et un 44 mitrailleur armé d’une Lewis, une charge de 92 livres. Après des débats sans fin, on avait sacrifié une deuxième bouteille d’eau – « Les hommes doivent être entraînés à boire avec modération. » LE PELOTON COMME ÉQUIPE DE COMBAT Après la Somme, les bataillons d’infanterie canadiens ont redécouvert le peloton. Officiellement, celui-ci n’était jamais disparu, mais en pratique, la tactique en usage avant 1917 et le manque d’officiers fiables et expérimentés avaient persuadé les bataillons du Corps expéditionnaire canadien de faire de la compagnie l’unité tactique de base, les officiers subalternes s’acquittant des tâches que leur désignaient les commandants de compagnie suivant les besoins. Durant l’hiver de 1916-17, Byng a insisté pour que ses bataillons forment en permanence quatre pelotons (de quatre sections chacun) par compagnie. Les officiers, les sergents et même les commandants de section seraient affectés sur une base continuelle. Les bataillons avaient cédé leurs mitrailleuses Vickers et Colt pour équiper une compagnie du Corps de mitrailleuses distincte dans chaque brigade. En échange, ils recevaient des mitrailleuses Lewis de 42 livres. Avant 1917, la plupart des unités en possédaient une quantité suffisante pour en attribuer une à chaque peloton. Une section transportait la mitrailleuse Lewis et ses encombrants chargeurscamemberts, une autre section se chargeait des grenades et une troisième transportait principalement les grenades à fusil, qui étaient montées sur un bout de cheville et qu’on projetait en tirant une cartouche à blanc. La quatrième section était armée de fusils à baïonnette. Un peloton constitué en permanence et comportant quatre sections spécialisées représentait une équipe de combat qu’un officier subalterne était susceptible de pouvoir contrôler. Plutôt que de faire avancer les compagnies en ligne et de faire halte jusqu’à ce que les flancs soient à l’abri ou que l’artillerie ait réglé le problème, l’infanterie se portant à l’attaque pourrait manœuvrer contre un poste ennemi qui lui bloquerait le passage. Les compagnies d’infanterie disposeraient de quatre équipes, chacune capable de livrer son propre combat à petite échelle. Les chefs et les soldats se connaîtraient tous et, grâce à des briefings et à des répétitions, ils apprendraient tous ce qu’il y aurait à faire. Cela avait pris du temps, mais les fantassins canadiens étaient maintenant organisés et prêts à livrer leurs propres batailles, et non pas à agir comme de simples automates patriotiques. Les Allemands ont suscité l’admiration lorsqu’ils ont fait de même en créant les unités spécialisées de Stosstruppen, ou « combattants d’unité de choc ». UN ENTRAÎNEMENT DE GUERRE RÉALISTE Les directives de corps d’armée, renforcées par les commandants de division et de brigade, imposaient des programmes d’entraînement spécifiques et insistaient sur le fait qu’on pouvait améliorer les vieux recours des militaires, au moral et à la discipline, en se servant de sa tête. Pour commencer, il fallait enseigner comment enseigner à la majorité des officiers. L’instruction pratique, soulignait le brigadier-général W. A. Griesbach, devait être donnée à l’intérieur de séances intenses et pratiques de trente minutes au plus, entrecoupées de courtes discussions informelles sur l’histoire de l’unité, le droit militaire ou la façon d’éviter le pied des tranchées. « Rester debout devant un groupe de soldats pendant deux heures pour lui donner une instruction superficielle constitue une totale perte de temps. » Vol. 2, no. 4, hiver 1999 distinguait de manière héroïque à la bataille de neuf mois de Verdun. Bel homme à la voix douce et à l’aise dans les deux langues (grâce à sa mère), Nivelle préconisait une doctrine pure en matière d’artillerie. Une fois que les canons avaient fait le plus de dégâts possible, l’infanterie pouvait marcher de l’avant presque en toute impunité et s’emparer du terrain. Consternés par la boucherie produite par la guerre, les politiciens étaient disposés à accueillir n’importe quel commandant offrant une voie vers la victoire qui soit économe en vies humaines. Les théories de Nivelle avaient peu de relation avec le laisser-aller et l’imprécision de l’artillerie de 1916. RÉORGANISATION DES ARTILLEURS Pourtant, si l’on définissait le besoin, il était possible de trouver une solution. Certains officiers britanniques ont constaté que les Canadiens faisaient des élèves enthousiastes. Le meilleur d’entre eux, le lieutenantcolonel Andy McNaughton, était un commandant de batterie de la milice en temps de paix et professeur de génie à l’Université McGill. Désillusionné à l’égard des méthodes d’artillerie françaises, McNaughton a trouvé un mentor en la personne du lieutenant-colonel A. G. Haig, artilleur de montagne britannique qui avait de nouvelles idées quant à la manière de localiser les pièces allemandes. En utilisant des observateurs ou des microphones reliés par téléphone ou sans fil, on pouvait situer les canons ennemis grâce à l’éclair ou au bruit produit au moment de faire feu. Une fois localisés, ceux-ci pouvaient être réduits au silence au moment opportun. La science et les connaissances en génie de McNaughton ont aidé celui-ci à mettre sur pied une organisation de contre-batterie au sein du Corps d’armée canadien. L’artillerie subit une réorganisation aussi importante que l’infanterie. À la fin de 1916, le général Robert Nivelle se En 1917, l’état-major de l’artillerie du Corps d’armée canadien affirmait également que la calibration, les Évidemment, les changements n’ont jamais marché aussi bien que prévu. Les troupes de vétérans se moquaient des directives de l’état-major. Les renforts annexés aux unités après les batailles avaient manqué les périodes d’entraînement. La tactique de peloton était trop complexe pour le style caractéristique de l’instruction militaire, qui consistait à « singer l’instructeur ». Pourtant, quand l’infanterie du Corps d’armée canadien s’est attaqué à son premier objectif commun, la crête de Vimy, elle partageait un nouveau style d’organisation et de tactique. Pour la première fois, l’infanterie à l’assaut prenait le temps de s’entraîner plutôt que d’être épuisé en travaillant comme main-d’œuvre à bon marché. Rarement l’entraînement avait été si bien organisé. La plupart des anciens combattants de Vimy se rappelaient que, pour une fois, ils savaient en quoi consistait leur travail. comptes rendus météorologiques et l’arpentage ne constituaient plus une lubie d’artilleur dans une situation statique de siège, mais que ces activités étaient possibles, pratiques et nécessaires. La Somme avait montré que des plans de feux inflexibles, établis parce que les communications étaient si souvent déficientes, laissaient habituellement les troupes sans protection. Les artilleurs canadiens ont commencé à faire l’expérience des tirs coordonnés. Pour appuyer un raid à Cité Calonne, la 7e Brigade du lieutenantcolonel Keiller McKay, l’Artillerie canadienne de campagne, a organisé 24 batteries de manière à enfermer l’objectif dans un barrage encaissant. Les troupes chargées du raid ont ramené 100 prisonniers. Les Allemands n’ont pas apprécié l’expérience. « Stoppez votre damnée artillerie », clamait un panneau ennemi, « on a fait la Somme, nous aussi ». PRÉPARATIFS EN VUE DE LA BATAILLE DE VIMY Au milieu du rigoureux hiver de 1917, la plupart des Canadiens se sont rendus compte qu’ils recommenceraient bientôt à se porter à l’attaque, et que l’objectif – une longue crête basse qui avait été trop dure à prendre pour les Français en 1915 – n’était rien de mystérieux. Dans le cadres des préparatifs de l’assaut à Vimy, Byng a tenu à ce qu’on prenne une disposition encore plus importante : chacune des quatre divisions a eu trois semaines pour se réorganiser et maîtriser la nouvelle tactique. Des cartes à grande échelle, une maquette en pâte à modeler et l’aménagement d’une zone près de Servins pour représenter le champ de bataille éventuel ont permis aux hommes de Byng d’apprendre ce qu’ils auraient à faire le long de la crête de Vimy, du Pimple au nord jusqu’au bois de Farbus, où le terrain descendait en pente vers Bailleul. À Vimy, sur le flanc nord de l’offensive imminente d’Arras, les 45 en 1916-17 du Corps L’évolution de la doctrine opérationnelle au sein Captain Johncanadien Grodzinski La 1 re Brigade de Griesbach constituait un exemple typique. Pendant l’hiver de 1917, ses quatre bataillons ont consacré une semaine à l’instruction individuelle, une semaine aux attaques de peloton et une autre semaine aux attaques avec un effectif de la taille d’une compagnie, à quoi s’ajoutaient de courtes séances de drill chaque matin. Tandis que les officiers suivaient des cours le soir, les troupes se divertissaient en assistant à des soirées musicales et à des matchs de boxe. Les soldats devaient s’exercer à lancer des bombes et à tirer des grenades à fusil, et les mitrailleurs, leur Lewis en bandoulière, devaient faire feu en mouvement. Quelqu’un avait enfin compris que l’infanterie pourrait se sentir plus motivée et être plus redoutable si elle faisait feu en avançant. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Canadiens ont aperçu une énorme quantité de canons (lourds et de campagne) alignés dans les champs et les forêts derrière leurs lignes. Ils n’ont pas eu le temps de contempler la scène. Pour sauver des vies, Byng a mobilisé l’énergie de ses hommes. Tandis que l’infanterie s’entraînait et effectuait des raids pour dominer la zone neutre entre les deux adversaires et rapporter des informations, les troupes auxiliaires, des cyclistes aux brancardiers, se relayaient pour creuser des tunnels, des abris souterrains et des fossés profonds afin de protéger le câble. Les soldats posaient des rails pour installer des chemins de fer légers, empilaient les obus et veillaient à ce que les routes résistent à la circulation lourde et aux terribles conditions hivernales. Desmond Morton LE 9 AVRIL 1917 Le lundi 9 avril 1917, les Canadiens ont vu leurs efforts couronnés. Les préparatifs de McNaughton ont permis de réduire au silence 83 pour 100 des batteries allemandes. Les obus explosifs, dotés des nouvelles fusées 106, éclataient à l’impact, détruisant les larges ceintures de barbelés des Allemands. Au moment de l’attaque, 50 000 tonnes d’obus et des jours de pluie glacée avaient transformé la crête en un désert détrempé et criblé de trous. Nombre de participants se souviennent du bruit assourdissant : « Imaginez le coup de tonnerre le plus fort que vous ayez jamais entendu, multiplié par deux et se prolongeant indéfiniment », se rappelait E. L. M. Burns, jeune officier des transmissions. « Le ciel était un dôme de plomb renvoyant en écho le tumulte épouvantable au sol, vous comprimant comme en eau profonde. » Après une semaine d’impitoyables bombardements, les Canadiens ont quitté leurs tranchées à 5 h 30 du matin et, progressant en s’inclinant contre la neige chassée par le vent et mêlée de pluie, ont traversé le champ de bataille détrempé et dévasté, presque comme Nivelle l’avait promis. Sauf sur la gauche, où une partie de la 4e Division a 46 été repoussée de la colline (là où se dresse aujourd’hui le monument canadien), la bataille était finie dès l’après-midi. LES CHANGEMENTS SE POURSUIVENT Naturellement, la victoire n’a pas été facile et n’a pas épargné les vies. Les mitrailleurs allemands, tenant bon en deuxième et en troisième ligne, au-delà du barrage d’artillerie, ont fait payer un lourd tribut aux bataillons canadiens. Il a fallu trois jours de combat acharné et marqué par de lourdes pertes avant que le brigadier-général (et ancien officier britannique sorti du rang) Edward Hilliam de la 10 e Brigade puisse télégraphier « Je suis le roi du Pimple ». Vimy a entraîné 10 602 victimes pour le Canada, dont 3 598 morts. Les vainqueurs ont trouvé que le point de vue offert par Vimy valait toutes ces souffrances. Délaissant les tristes statistiques, l’auteur d’un journal de guerre de l’unité médicale le constate avec émotion dans le bref passage suivant : « Tandis que l’on se tient au sommet de la crête, la vue à des milles de distance est si imposante que le spectateur, malgré la poursuite des combats dans toutes les phases de la guerre moderne, est prompt à oublier qu’une telle dévastation résulte de la soif de pouvoir d’un seul homme ». Bon nombre de changements continueraient de se produire. Lorsque Currie a hérité du commandement du Corps d’armée en 1917, la structure et la doctrine ont continué à évoluer. Pour s’assurer une puissance offensive, Currie a conservé les brigades à quatre bataillons, pendant que les Britanniques, désespérément à court d’effectifs, réduisaient les leurs à trois bataillons. En 1916, les artilleurs avaient appris à calibrer leurs pièces et à déchiffrer les comptes rendus météorologiques qui, six fois par jour, communiquaient la direction et la vitesse du vent ainsi que les températures. Les cartes étaient suffisamment fiables pour qu’on puisse tirer en se basant sur elles sans déterminer de corrections au préalable. Le Corps d’armée a transformé les pionniers en sapeurs et a attribué à chaque division trois bataillons du génie. « Je me passerais plus facilement de l’infanterie que du génie », a déclaré Currie. Grâce à la conscription de 1917, le Canada comptait suffisamment de soldats pour pourvoir aux deux besoins. Le nombre de mitrailleuses Lewis augmentant, on a réorganisé les pelotons en deux équipes identiques, chacune en mesure de se subdiviser en sections. Vimy est devenu le symbole du triomphe du Canada, l’une de ces « grandes choses » qu’un peuple doit accomplir ensemble pour fonder son identité. Cette victoire ferme, sans équivoque, a également révélé en partie, sinon totalement dévoilé, le secret des attaques victorieuses aux Canadiens ainsi qu’à leurs alliés. On était parvenu à surmonter l’inutilité de la bataille de la Somme. Même le porte-parole hypercritique des militaires du rang, le soldat Fraser du 31e Bataillon de Calgary, était content. Grâce à un bon briefing, « je n’ai eu aucune difficulté, quand le véritable test est survenu, à atteindre mon objectif sans en dévier le moindrement. Tout se présentait aussi clair que du cristal – les barbelés, les routes, les villages, le cimetière… » Les idées ne donnaient pas toutes de bons résultats. Pour faire avancer les mitrailleuses motorisées, Currie a accepté de ne pas faire appuyer par l’artillerie l’attaque sur le mont Dury. Cette décision a provoqué un bain de sang, lorsque quelques rondins sur la route ont stoppé les camions à roues des mitrailleuses. À Amiens, on a entassé l’infanterie canadienne à bord de chars de grande taille faisant office de transports de troupes blindés primitifs pour accélérer sa progression. Les survivants se rappelaient encore l’odeur de chair brûlée émanant des carcasses fumantes alors qu’ils les contournaient à pied. D’autres idées ont toutefois eu plus de succès, comme l’appui aérien rapproché, qui a permis de faire avancer le Corps d’armée canadien à Amiens. À cet endroit, Currie a fait usage de son pouvoir en tant que commandant allié (et non subordonné) pour faire cesser une bataille de plus en plus désespérée et réorienter l’axe de progression sur la route d’Arras. Ses divisions canadiennes se sont frayé un chemin à travers la ligne DrocourtQuéant (la partie la plus difficile de la ligne Hindenburg) pour livrer un combat meurtrier près de Cambrai. Le 1er novembre, à Valenciennes, après un barrage qui aurait plu au général Nivelle, un bataillon a gravi à lui seul une colline à laquelle s’était heurtée la fameuse 51st Highland Division, faisant passer la ligne Herman à l’histoire. Le 11 novembre, la guerre prenait fin alors que les Canadiens se trouvaient à Mons, où tout avait commencé pour l’Armée britannique. ANALYSE, RÉVISION OU CONTENTEMENT DE SOI Comme tous les éducateurs, l’étatmajor a enseigné aux soldats plus qu’il n’est possible d’apprendre. Ses directives et ses manuels mêlaient des idées innovatrices à d’interminables sermons au sujet du salut et de la propreté ainsi qu’à des consignes détaillées concernant la manière d’encourager les initiatives. L’entraînement n’avait pas de fin. Les soldats restaient rarement plus d’une année en action. En tout temps, du quart à la moitié des soldats participait à sa première bataille. blanc. Ils ont analysé les problèmes, étudié les ressources dont ils disposaient et tenter d’employer celles-ci du mieux qu’ils le pouvaient. Ils ont répété cette approche à maintes reprises. Il n’y avait pas de solution idéale, seulement la possibilité de trouver une meilleure solution. Plus tard, les poètes, les politiciens et même les anciens combattants ont préféré s’attarder sur l’incompétence militaire plutôt que souligner les accomplissements. Pour appuyer son héros Douglas Haig, l’historien officiel britannique, le brigadiergénéral James Edmond, a été le premier à écrire sur les batailles controversées de la Somme, de Passchendaele et de mars 1918, une décennie entière avant qu’il se tourne vers les victoires finales de 1918. À ce moment-là, la Deuxième Guerre mondiale était déjà en marche et plus personne ne se souciait de la guerre précédente. Confrontés à une impasse tactique désastreuse, des officiers d’état-major compétents n’ont pas perdu de temps à concevoir un alibi ou à préparer le drapeau Ensuite, la paix revenue, ils sont rentrés chez eux, s’appliquant à se louanger et à célébrer dans l’alcool, et ont oublié que la guerre ne cesse jamais, au grand jamais, d’évoluer. Dans l’entre-deux-guerres, les armées sont retournées à la « vie militaire réelle ». Les facteurs derrière les victoires imprévues de 1917 et de 1918 sont tombés rapidement dans l’oubli. L’une des conséquences de cette négligence a été que l’Armée canadienne était, tout bien considéré, en pire condition en 1939 qu’en 1914. Imaginez. NOTES À propos de l’auteur . . . Desmond Morton est directeur de l’Institut d’études canadiennes de McGill, professeur d’histoire émérite à l’Université de Toronto et l’auteur de 33 ouvrages sur l’histoire militaire et politique ainsi que l’histoire des relations industrielles du Canada. Son livre When Your Number’s Up a mérité le prix Stacey en 1993-1994. M. Morton est diplômé du Collège militaire royal et du Royal Military College of Canada et a servi au sein de l’Armée canadienne de 1954 à 1964. 1 Voir l’ouvrage de l’auteur When Your Number’s Up : The Canadian Soldier in the First World War, Random House, Toronto 1993, chapitre 7, ainsi que les notes de 1916-1917 et de 1917-1918 sur l’entraînement à l’intention des divisions et des brigades du Corps d’armée canadien conservées par les Archives nationales du Canada, R. G. 9, III, et R. G. 24, 1402, vol. 1402, 1504 et passim. 2 Consulter également Bill Rawling, Surviving Trench Warfare Technology and the Canadian Corps, 1914-1918, University of Toronto Press, Toronto 1992. 47 en 1916-17 du Corps L’évolution de la doctrine opérationnelle au sein Captain Johncanadien Grodzinski Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre LA DISPONIBILITÉ OPÉRATIONNELLE ET L’ARMÉE DE TERRE DU CANADA Le major Dan Drew, CD oilà près de cinquante-quatre ans que la Seconde Guerre mondiale est terminée, une guerre dans laquelle l’Armée canadienne est entrée non préparée, mal dirigée par des généraux qui avaient oublié ou qui n’avaient jamais su à quoi ils servaient et par des politiciens qui ne comprenaient pas ou qui ignoraient les conséquences qu’il y avait à négliger les questions touchant la défense nationale. C’est honteux pour les mêmes officiels de voir que la citation ci-dessus s’applique aussi bien à l’Armée de terre d’aujourd’hui qu’à celle de 1939 . Le major Dan Drew V La fin de la guerre froide a donné lieu à une chasse aux « dividendes de la paix » comme cela s’était produit à la fin des deux guerres mondiales précédentes auxquelles le Canada a participé. Comme par le passé, la défaite d’un ennemi important a fait ressortir l’idée à courte vue et utopique que le monde est maintenant un endroit plus sûr et que les pays travailleront ensemble, dans la paix, pour le bien commun de tous les peuples. L’histoire nous a enseigné qu’une naïveté aussi irresponsable est habituellement récompensée par un solide retour la réalité qui se traduit par un copieux bain de sang pour les fils patriotiques. Qui eût cru que le griffon nazi aurait surgi des cendres de la république de Weimar quelque 20 ans après « la guerre qui allait mettre fin à toutes les guerres » et que l’on se serait retrouvé avec un monde en ruines et 60 000 000 de morts? Il est difficile de convaincre les électeurs et le gouvernement que nous avons besoin d’une force militaire robuste et fort compétente quand rien ne laisse présager qu’une menace 48 La situation de la force de campagne canadienne était compromise dès sa création par les agissements de chefs militaires qui s’étaient trop longtemps concentrés, au détriment de sa quintessence opérationnelle et tactique, sur des activités bureaucratiques, politiques, stratégicodiplomatiques et techniques. Le haut commandement canadien, qui a sacrifié l’héritage professionnel acquis durant la Grande Guerre de même que sa raison d’être militaire au cours de l’entre deux guerres, s’est avéré incapable de mener une instruction utile en GrandeBretagne. L’Armée de terre à l’étranger a ainsi perdu beaucoup de temps et a dû apprendre à nouveau, d’autres armées, l’art de faire la guerre, un art qui s’apprend mieux en temps de paix, ce qu’avaient réalisé depuis longtemps les véritables armées professionnelles.1 militaire importante pèse sur la souveraineté du Canada. Le citoyen moyen n’est pas intéressé à appuyer une force militaire, en apparence inutile, lorsqu’il s’inquiète de savoir si ses enfants pourront ou non fréquenter l’université tandis que le gouvernement, lui, se préoccupe de sa réélection. Équilibrer le budget, c’est important, mais cela ne doit pas se faire en mettant en péril la sécurité future du Canada. Même si l’on sait fort bien que toutes les institutions gouvernementales devront se serrer la ceinture, on doit aussi savoir que le ministère de la Défense nationale et l’Armée de terre se contentent de saluer et se serrent la ceinture depuis neuf ans et qu’ils ne peuvent serrer davantage. L’Armée de terre du Canada a encaissé des coups importants en termes de réduction du budget, au point où toute nouvelle réduction entraînera sans aucun doute l’anéantissement de compétences au combat. Elle ne sera bientôt plus capable de remplir les tâches prévues dans la politique de défense du Canada (PDC), sauf des missions d’observation pour la paix. Les incidences de tels développements sont sans conséquence pour le non initié; cependant, en cas d’urgence, elles seront encore plus catastrophiques aux plans politique et militaire qu’elles ne l’étaient en 1939. Le manque de financement adéquat a eu des effets considérables et négatifs sur la disponibilité opérationnelle, et ces effets compromettent l’aptitude de l’Armée de terre de maintenir des « capacités polyvalentes de combat ». Comme la compétence de l’Armée de terre de conserver sa capacité opérationnelle de mener la guerre constitue le fondement de son existence – défendre le Canada et les intérêts de ce dernier – le maintien de ces compétences doit être l’objectif fondamental vers lequel doivent être Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Cet article vise a proposer une stratégie destinée à défendre le terrain vital de l’Armée de terre du Canada, c’est-à-dire le maintien de capacités polyvalentes de combat. Basé sur les réalités financières actuelles, il a pour objet de démontrer que l’Armée de terre peut, par le biais d’une réorganisation, d’une restructuration et de modestes acquisitions d’équipement, améliorer radicalement sa disponibilité opérationnelle et ainsi préserver et améliorer ses aptitudes au combat essentielles. Avant que ce processus puisse être amorcé, il faut revoir la PDC afin de déterminer ce qu’on s’attend au juste de l’Armée de terre ainsi que les tâches assignées et implicites de celle-ci. La plus importante tâche militaire assignée à l’Armée de terre est la protection de la souveraineté du Canada. Celle-ci peut être jumelée à notre principal objectif national, tel qu’il est énoncé dans la politique étrangère du Canada (PEC), que le Canada puisse en toute sécurité demeurer une entité politique indépendante. Les autres tâches assignées sont, par ordre de priorité, de participer à la défense de l’Amérique du Nord, de veiller à la sécurité des alliés du Canada qui font partie de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en fournissant des forces terrestres à raison d’un groupe-brigade mécanisé et de contribuer aux efforts de paix et de sécurité à travers le monde grâce à l’engagement de forces en appui aux opérations de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Les tâches implicites comprennent les opérations de sécurité intérieure comme celles qui ont été menées durant la crise d’Oka en 1990, les missions d’aide aux autorités civiles en cas de catastrophes, de recherche et de sauvetage, etc. Le dernier Livre blanc sur la défense paru en 1994 réaffirme l’engagement de fournir des forces terrestres aptes au combat au théâtre européen 2 ce qui confirme la nécessité d’avoir des forces terrestres capables d’opérer en cas de guerre de haute intensité. L’Armée de terre canadienne est donc censée être en mesure de fonctionner de façon efficace et efficiente à travers l’ensemble du spectre des conflits, à partir d’opérations de faible intensité de maintien et d’imposition de la paix (et d’opérations de sécurité intérieure) jusqu’à la guerre de manœuvre de haute intensité, sur des champs de bataille d’aujourd’hui et de demain. Une fois qu’on a déterminé ce que l’Armée de terre est censée faire, il faut évaluer la capacité de cette dernière d’exécuter ses tâches, c’est-à-dire sa disponibilité opérationnelle, afin d’identifier et de corriger ses faiblesses. Les trois composantes de la disponibilité opérationnelle sont la main-d’œuvre, l’équipement et l’entraînement. MAIN-D’ŒUVRE. La Force totale de l’Armée de terre du Canada est composée de la Force régulière et de la Force de réserve ou la Milice. La Force régulière compte près de 20 000 membres, dont la moitié environ sont employés dans ce qui peut être appelée la Force de campagne, constituée de trois groupes-brigades mécanisés et d’un quartier général de niveau divisionnaire, ou force opérationnelle, qui doit bientôt être dissou. Les unités des groupesbrigades ont une dotation en personnel d’un niveau artificiellement bas ou un effectif de temps de paix. Dans le bataillon d’infanterie de la Force régulière par exemple, l’effectif moyen se situe autour de 550 militaires de tous grades, soit près de 65 % du tableau des effectifs de guerre (TEG) de 860 militaires de tous grades. Les unités à effectifs artificiellement bas de temps de paix ne possèdent ni l’équipement, ni la chaîne de commandement nécessaires pour pouvoir atteindre rapidement le statut du TEG pour ces unités. Une raison pour laquelle on maintient des unités de la Force régulière est de pouvoir disposer de forces hautement professionnelles, capables de faire face à des urgences soudaines, c’est-à-dire des forces qui peuvent se déployer rapidement. Si l’on doit, en cas d’urgence, faire appel à une unité de la taille d’une unité dotée du TEG, on devra procéder à énormément de réorganisation et de renforcement de dernière minute. Même si c’est possible, cela ne contribue pas à l’intégrité d’une unité et dégarnit d’autres unités comptant des effectifs de temps de paix. En 1992 par exemple, le Deuxième bataillon du Princess Patricia’s Canadian Light Infantry (2 PPCLI) renforçait le 3 PPCLI avec 175 militaires de tous grades; il a par la suite reçu ordre de remplacer cette dernière unité dans l’ex Yougoslavie. Il a donc fallu renforcer le 2 PPCLI avec 500 militaires d’appoint, la plupart des réservistes. La réorganisation et les préparatifs liés au déploiement ont nécessité trois mois d’entraînement intensif pour ce qui devait être une opération d’imposition de la paix de faible intensité et non une guerre de haute intensité. D’une simple et stricte perspective des effectifs actuels, il ne serait ni imprudent, ni inexact de conclure qu’en cas d’urgence, le Canada est présentement en mesure de déployer rapidement au mieux deux brigades complètes (TEG) de membres de la Régulière. S’il fallait que ces forces soient déployées, toute la Force régulière serait engagée et il ne resterait au Canada que l’état-major des écoles, des quartiers généraux et le personnel de soutien de la Force régulière (PSFR). La Force de réserve totalise près de 17 000 membres qui sont organisés en neuf groupes-brigades comptant 120 unités réparties dans plus de 100 villes et municipalités à travers le pays. Les militaires de la Réserve et ceux de la Force régulière sont organisés au plan géographique en quatre secteurs de la Force terrestre (SFT). La Commission spéciale sur la restructuration des réserves (CSRR) a 49 terre du Canada La disponibilité opérationnelle et l’Armée de Captain John Grodzinski concentrées toutes les énergies et les ressources de l’Armée de terre. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Le major Dan Drew recommandé que chacun des quatre quartiers généraux de SFT soient aussi réorganisés en quartiers généraux divisionnaires afin que la Réserve, ainsi réorganisée serve de base à un corps.3 Le Livre blanc de 1994 a aussi réaffirmé l’engagement du gouvernement envers la Force totale. Il a précisé le rôle primaire de la Réserve à l’intérieur du nouveau plan de mobilisation. Ce dernier prévoit une mobilisation en quatre phases : la première, celle de la « mise sur pied d’une force », comprend toutes les mesures qui sont nécessaires pour préparer les éléments de l’Armée de terre à entreprendre de nouvelles tâches opérationnelles et assurer le maintien en puissance et le soutien de ces derniers à l’intérieur du cadre de la force actuelle; la seconde, celle de « l’amélioration de la force », comporte l’amélioration des forces existantes grâce à l’ajout de ressources et à la formation possible d’unités temporaires; la troisième, celle de « l’expansion de la force », exige l’accroissement de l’Armée de terre, des changements permanents dans les structures, les rôles et les tâches et peutêtre la création de nouvelles unités; la quatrième, celle de « la mobilisation nationale », porte sur la préparation de l’Armée de terre et de la nation à une guerre mondiale majeure. Selon le CSRR, il n’y a aucun plan détaillé en vue des étapes 3 et 4 de la mobilisation même si le Livre blanc estime « qu’il serait prudent d’avoir des plans “sans frais” ».4 « La Réserve doit renforcer et soutenir la Force régulière dans le contexte des deux premières phases de la mobilisation, c’est-à-dire fournir des réservistes choisis individuellement plutôt que des compagnies et des pelotons complets à la Force régulière aux fins, entre autres, de satisfaire les engagements du Canada en matière de maintien de la paix sur le plan international. » De plus, la Milice doit servir de base à une mobilisation à grande échelle et agir comme lien entre les militaires et la communauté en général.5 50 Si une situation d’urgence survenait demain, disons une guerre imprévue, un grand nombre de réservistes, possédant l’expérience voulue, peuvent se présenter, avec le moins de retard possible, pour agir comme éléments d’appoint à l’unité de la Force régulière la plus près (ce qui pourrait ne pas être le cas à l’avenir étant donné que de nombreuses compétences militaires, y compris la bonne forme physique, peuvent se perdre). Enlever ces réservistes d’expérience à leurs unités revient souvent à priver ces unités en question de leurs membres les plus compétents et les plus motivés. Ces derniers constituent habituellement la crème des chefs subalternes, et l’effet de leur perte comme renforts de l’Armée de terre de la Force régulière pourrait n’avoir que des conséquences négatives. En dégarnissant la Milice on pourrait sans doute réunir suffisamment de main-d’œuvre, disons 3 000 militaires de tous grades, pour combler les vides à l’intérieur des trois brigades de la Force régulière en cas d’urgence mais, ce faisant, les unités de la Réserve se retrouveraient pour la plupart avec des coquilles vides, incapables de s’entraîner et de générer d’autres renforcements. Une telle hypothèse nous oblige à nous questionner sur l’utilité de la Réserve dans ce scénario. ÉQUIPEMENT En 1987, au plus fort de la guerre froide, un examen du PDC avait conclu qu’il y avait un écart important entre les capacités et les engagements de l’Armée de terre du Canada. Le gouvernement, par le biais du Livre blanc sur la défense de 1987, s’était engagé à réduire cet écart en insistant davantage sur la participation du Canada à la défense de l’Europe et en mettant en œuvre un important programme de rééquipement destiné à moderniser les systèmes d’armes et les flottes de véhicules déjà en service et à empêcher qu’ils ne deviennent complètement désuets.6 Dès 1990, et avant que des montants importants soient consacrés à la revitalisation de l’Armée de terre, la guerre froide avait pris fin et le Livre blanc sur la défense de 1987 n’était déjà plus qu’une simple rhétorique sur la guerre froide.7 Moins de deux ans plus tard, le gouvernement annonçait la fermeture des deux bases situées en Allemagne de même que le retrait de ses forces terrestres et aériennes qui étaient au service de l’OTAN. De plus, il annulait l’achat de nouveaux chars de combat principaux et retardait l’acquisition de véhicules blindés pour la Réserve. L’Armée de terre est en train de prendre possession de 200 nouveaux véhicules blindés légers (VBL) de transport de troupes blindés (TTB) qui sont distribués selon les barèmes établis pour remplacer les anciens modèles du M113 ou les véhicules blindés polyvalents (VBP) à l’intérieur de trois des neuf bataillons d’infanterie de la Force régulière du Canada. Bien que ces véhicules soient une amélioration importante en termes de protection et de puissance de feu, le gouvernement ne s’est pas engagé à acheter des VBL supplémentaires pour améliorer et moderniser le reste de l’infanterie. Les deux-tiers des unités d’infanterie de la Force régulière continueront donc de circuler à bord de véhicules désuets ou, dans le cas des « bataillons légers », de se passer de véhicules tout simplement. Le char de combat principal de l’Armée de terre, le Leopard 1, bien qu’il ait été doté de blindage, de systèmes d’imagerie et de canons nouveaux n’est pas considéré comme un char de combat principal adéquat par les Allemands ou les Hollandais. L’Allemagne et les PaysBas ont remplacé ce char par le beaucoup plus puissant Leopard 2. L’infanterie n’a toujours pas de système antichar à moyenne portée (800 à 2 000 mètres), l’artillerie ne possède pas de lance-roquettes multiples et n’a aucune capacité de contre-batterie et l’Armée de terre comme l’Armée de l’air n’ont aucun hélicoptère d’attaque. Parmi les autres systèmes qui doivent être remplacés ou améliorés, il y a les Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Ces lacunes au plan de l’équipement défavorisent énormément l’Armée de terre dans un milieu de guerre de manœuvre et c’est sans doute l’une des raisons pour laquelle le Canada n’a pas fourni de forces terrestres de combat à la coalition alliée durant la guerre du Golfe.8 C’était il y a plus de neuf ans et aucune de ces questions n’a encore été réglée. Ces questions touchant l’équipement ont une importance capitale, puisque la nécessité de compter sur des armes et de l’équipement modernes est aussi importante à l’une comme à l’autre des extrémités du spectre des conflits d’aujourd’hui. Pour justifier un tel énoncé, il suffit d’examiner les succès actuels et ultérieurs de la Force de mise en œuvre de l’OTAN (IFOR) en Yougoslavie par rapport à ceux de la Force de protection des Nations Unies (FORPRONU). Comme le disait le major-général William L. Nash de la US Army : « pour être efficace, une force militaire doit, à la limite, être capable de mener des opérations de combat décisives; l’un des facteurs déterminants du succès obtenu [dans l’ex Yougoslavie] est la capacité opérationnelle supérieure et crédible de mener la guerre.»9 Même si l’Armée de terre peut s’entraîner en vue de mener une guerre de haute intensité (les Allemands, avant la Seconde Guerre mondiale, s’entraînaient au moyen de voitures et de camions avec des tubes en guise de canons) elle n’est pas équipée pour livrer une guerre de haute intensité ou pour imposer la paix en toute sécurité. On n’a pas d’autre choix que de déduire que le gouvernement n’a pas vraiment l’intention de respecter les engagements qu’il a pris (envers ses alliés et, pire encore, envers le Canada) en matière de défense ou qu’il se fout complètement de la protection et de la sécurité des soldats de l’Armée de terre du Canada car il sait fort bien que « Ti-Jean le Canadien » ira où on l’enverra et fera du mieux qu’il peut avec le matériel qu’on lui a donné, comme il l’a toujours fait. (Le nombre de pertes subies donnera inévitablement assez de matière à des représentant élus pour crier leur indignation et demander la démission d’autres représentants élus.) Ce dernier point est bien présent dans l’esprit de nos soldats, et il continue d’avoir une influence nuisible sur le moral. La situation de la Force régulière de l’Armée de terre en termes d’équipement, si pire soit-elle, est loin d’être aussi absurde que celle de la Réserve. Les unités d’infanterie de la Réserve sont toutes débarquées et elles manquent d’ensembles complets d’armes légères, d’armes de soutien notamment de mortiers légers, de mitrailleuses et d’armes antichars ainsi que de matériel pour la guerre en hiver. Les unités de l’Arme blindée sont dotées de Jeeps ou de VBP, à l’exception d’une unité de Force totale qui elle est équipée de chars Leopard 1A5. La plupart des unités d’artillerie ne possèdent qu’un obusier tracté de 105 mm C1 désuet, les unités du génie n’ont aucun équipement lourd de combat du génie, sans parler de tout le reste. Contrairement à certaines unités américaines de la National Guard and Reserve, aucune de nos unités de la Réserve n’est équipée pour participer au combat en cas de mobilisation.10 Cette réalité est le fruit du PDC et du « nouveau » plan de mobilisation mentionné dans le Livre blanc de 1994. Il se trouve chez les militaires et au sein du gouvernement des gens qui prétendent que le problème de l’équipement, dans la Régulière comme la Réserve, serait réglé en cas d’urgence par le biais de la mobilisation, que cette dernière est une « deux ex machina » grâce à laquelle le Canada pourra mettre toutes ses énergies au service de la chose militaire afin d’affronter la prochaine menace importante. Je dirais à ces gens, qui se fient sur une telle mobilisation pour assurer leur avenir, qu’ils ont tout intérêt à cesser de jouer à l’autruche. La mobilisation est une affaire de main-d’œuvre, de volonté nationale, de ressources naturelles et de capacité industrielle.11 Si le gouvernement décidait de réagir à une urgence quelconque en procédant à une mobilisation, nous aurions, c’est certain, suffisamment de jeunes hommes et de jeunes femmes pour combler tous les postes disponibles au sein des unités de l’Armée de terre. Mais quels uniformes, quelles armes pourrait-on leur fournir? Ils réussiraient peut-être à se trouver des uniformes et des armes légères. Mais il reste, n’ayons pas peur de le dire, que la mobilisation prendrait au mieux quatre ans à se réaliser. Examinons l’exemple suivant. Le Canada ne possède aucune usine de fabrication de chars. Selon les spécialistes de l’Usine de chars de la société Systèmes Terrestres General Dynamics (GDLS), le Canada, avec les capacités industrielles dont il dispose, mettrait 30 mois pour construire une usine. Si l’on ajoute 18 mois pour le cycle de production prévu par la GDLS, on se retrouve avec une échéance de 48 mois entre le lancement du projet et la sortie du premier char de la chaîne de montage. GDLS produit à l’heure actuelle environ 100 chars Abrams M1 par année et peut atteindre un taux de production de 300 chars par année en triplant ses quarts de travail.12 Donc, le rythme de construction de chars est fixe; la nature hautement sophistiquée des principaux systèmes de combat est telle que c’est en termes d’années maintenant et non de semaines ou de mois, comme c’était le cas pour des systèmes semblables durant la Seconde Guerre mondiale, que se calculent les délais de construction.13 Je me contenterai de dire que l’industrie canadienne n’est pas organisée pour réagir rapidement à un ordre de mobilisation; il faudrait au moins quatre ans avant que d’importants systèmes d’armes modernes puissent être fabriqués en nombre suffisant pour pouvoir équiper l’Armée de terre du Canada comme il se doit. Les dirigeants canadiens ne 51 terre du Canada La disponibilité opérationnelle et l’Armée de Captain John Grodzinski systèmes de communication, de défense antiaérienne à courte portée, les mitrailleuses lourdes ainsi que les vêtements et l’équipement propres à chacun des environnements. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre devraient pas présumer que la mobilisation se fera exactement de la même façon qu’il y a cinquante ans; le missile balistique intercontinental et les bombardiers intercontinentaux ont enlevé au Canada l’avantage que lui procurait son « splendide isolement ». Compte tenu de tous ces points, les expressions « guerres, venez comme vous êtes » ou « conflits, venez comme vous êtes » ont une signification importante.14 Il n’est pas illogique de conclure qu’il serait dans le meilleur intérêt du Canada de veiller à ce que les forces maintenues en temps de paix soient équipées de façon à ce qu’elles puissent « remporter (ou permettre de remporter) la première bataille ». Rater ou simplement blesser l’ours avec la seule balle qu’on a est une situation qui comporte des options plutôt désagréables, des options qui affecteront non seulement le chasseur, mais le village tout entier. Le major Dan Drew ENTRAÎNEMENT Même si l’Armée de terre a le mandat de s’entraîner en vue d’une guerre de haute intensité, elle n’a plus les fonds suffisants pour mener de l’entraînement au niveau ou au rythme requis pour former et développer des chefs et des commandants capables de mener la guerre. La majeure partie de l’entraînement des unités d’infanterie par exemple a été axée, depuis 1992, sur la sous-unité ou la compagnie, habituellement sans le soutien des blindés ou de toute autre arme de combat, ou sur des opérations en vue de déploiements opérationnels dans le cadre de missions de l’ONU. Par conséquent, bon nombre de ces commandants ont « obtenu leurs qualifications » comme commandant de section, de peloton, de compagnie, de bataillon et de brigade sans avoir « fait leurs preuves quant à leurs capacités de mener le guerre » dans un milieu interarmes. 52 La US Army a adopté une très sérieuse approche en matière d’entraînement à la guerre, et ses méthodes méritent d’être examinées. À la fin des années 1970, cette dernière en était venue à la conclusion qu’elle devait évaluer de façon objective la disponibilité opérationnelle de ses troupes au niveau de l’unité et de la brigade. À cette fin, elle a mis sur pied le National Training Center (NTC) à Fort Irwin, en Californie. 15 Des bataillons et des brigades s’y rendent pour être évalués par une force ennemie compétente et réaliste qui se bat pour gagner. Les deux forces emploient des simulateurs des effets d’armes tels des systèmes intégrés de prises à parties multiples au laser ( MILES) pour déterminer le résultat d’engagements tactiques. Des équipes d’évaluateurs, agissant comme arbitres, supervisent, consignent et recueillent des résultats de fait. Ainsi, la réussite ou l’échec peut être mesuré avec précision, et les points forts ainsi que les points faibles peuvent être identifiés. Des plans et des objectifs touchant l’entraînement peuvent être formulés à la seule fin d’améliorer les aptitudes au commandement (et indirectement au leadership) des individus, le travail en équipe des unités et le potentiel de combat. Cet outil de formation sert également au développement et à la mise à l’essai de la nouvelle doctrine.16 Les résultats des déploiements au NTC peuvent déterminer si un commandant est ou non assez compétent pour assumer des responsabilités de commandement à un niveau plus élevé. Ils serviront sans aucun doute de formidable incitatif pour orienter le commandant et son unité sur leur raison d’être: mener la guerre! Ce système d’évaluation objective tend aussi à renforcer la mentalité de guerrier chez les commandants de bataillon et de brigade; il s’agit d’une influence qui rappelle à ces derniers, les responsabilités et les devoirs qu’ils ont envers leur pays et leurs soldats, tout au long de leur carrière. Même s’il est manifeste que la compétence professionnelle de leurs membres a été grandement affectée par l’importance qu’on a accordée uniquement aux aptitudes liées aux conflits de faible intensité et aux budgets d’instruction réduits, les chefs de l’Armée de terre du Canada doivent assumer la responsabilité du piètre état de la formation des commandants appelés à mener le guerre. Malgré les efforts qu’elle a faits pour affecter un grand nombre d’officiers d’état-major à l’étude des installations d’instruction et du matériel, l’Armée de terre n’a pas su, au cours des 20 dernières années, améliorer ses méthodes d’entraînement en campagne. Aucun simulateur des effets d’armes n’a été acheté, aucune amélioration n’a été apportée au réalisme de l’entraînement et aucune méthode officielle d’évaluation objective du rendement des commandants n’a été adoptée. Il n’existe aucun moyen de mettre à l’épreuve ou de développer de façon pratique la doctrine. Il n’y a pas de norme uniforme à atteindre; par conséquent, n’importe qui, qu’il ou qu’elle convienne ou non pour le poste, peut être promu et nommé à des postes de commandement au sein d’unités des armes de combat. Les inspections d’état-major annuelles, qui jugent de la compétence d’une unité au plan administratif, sont à l’heure actuelle la seule façon d’évaluer objectivement les commandants de bataillon d’infanterie. Quoique la compétence administrative soit certes une question importante, elle n’est sûrement pas l’outil de mesure qui convient pour évaluer les compétences d’un commandant eu égard à la façon de mener le guerre. Les conséquences de cette approche négligente à la formation des commandants se sont aggravées depuis 1992, date à laquelle les opérations de l’ONU sont devenues le point central des opérations et de l’instruction de l’Armée de terre. Après avoir indiqué le fait que l’Armée de terre n’a pas amélioré les méthodes d’entraînement pratique, on doit tout de même signaler qu’elle est allée de l’avant dans le domaine de la formation des commandants avec Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Si l’on continue de négliger la capacité opérationnelle de mener la guerre des éléments interarmes de l’Armée de terre, on se retrouvera avec des catastrophes semblables à celles qu’ont connues les armées canadienne, britannique, française, polonaise et russe au début de la Seconde Guerre mondiale. Les Allemands ont mis au point la Blitzkrieg (en temps de paix) et l’ont utilisée avec énormément de succès contre les armées alliées parce qu’ils avaient appris à concentrer la puissance de combat des armes de combat mécanisées ainsi que l’appui aérien rapproché et à combiner celle-ci avec des mouvements rapides pour vaincre leurs ennemis; ils avaient réalisé le potentiel synergique de la guerre de manœuvre. Pendant que les Allemands développaient leurs aptitudes à mener la guerre en temps de paix, l’Armée de terre du Canada exécutait des exercices de drill et inspectait l’équipement dans des manèges éparpillés à travers le pays. Les Allemands sont devenus des experts, des professionnels dans l’art de faire la guerre; leurs homologues canadiens sont demeurés des amateurs. Des Canadiens ont payé de leur sang le fait d’avoir été mal préparés, et cela ne sert qu’à illustrer pour la énième fois depuis que l’histoire est consignée, combien il est imprudent de poser pied sur un champ de bataille lorsque l’ennemi est mieux équipé, mieux entraîné et dirigé et plus compétent. Le soldat canadien ne devrait avoir à payer de sa vie en temps de guerre pour apprendre un métier que des chefs ont négligé de lui enseigner en temps de paix. SOLUTIONS Les problèmes auxquels doit faire face l’Armée de terre sont à vrai dire une question de vie ou de mort; ou bien on règle les problèmes et on le fait rapidement ou bien l’Armée de terre ne survivra pas. Les opérations radicales, qui sont compliquées et qui souvent comportent des pertes de sang importantes, sont habituellement celles qui donneront à un patient les meilleures chances de survie et de récupération; une chirurgie radicale, voilà ce dont l’Armée de terre a besoin dès maintenant. La Réserve, telle qu’elle est configurée et organisée aujourd’hui doit disparaître! La valeur militaire de la Réserve au combat tient uniquement à des soldats qui peuvent immédiatement être intégrés à la Régulière. À l’heure actuelle, seule une fraction des réservistes est apte au service opérationnel. Aux fins du présent document, on établit leur nombre à 3 000. On pourrait facilement répondre à ceux qui seraient portés à croire qu’un nombre plus important est prêt pour un déploiement opérationnel rapide que la Force régulière n’a probablement pas le matériel nécessaire pour appuyer des renforcements additionnels. La Réserve ne peut être mobilisée pour former des brigades, des divisions, des corps et des armées parce qu’il n’y a pas et qu’il n’y aura pas de matériel de disponible avant quatre ans après le début de la mobilisation. Sans le préciser expressément, le plan de mobilisation mentionné dans le Livre blanc de 1994 confirme que le gouvernement n’a pas l’intention de voir la Réserve produire autre chose que des renforts pour l’Armée de terre de la Force régulière. L’expression vantant la Réserve comme étant « le pont avec la communauté » est aussi surévaluée et surutilisée. La Milice constitue, dans de nombreuses petites communautés, un lien important entre des citoyens patriotiques et des régiments qui ont consenti d’énormes sacrifices au cours des diverses guerres. Malheureusement, il faut bien l’avouer, dans la plupart des villes, de nombreuses unités sont à court de personnel, la population civile est à peu près pas ou pas du tout sensibilisée à la présence de l’Armée de terre ou de la Réserve, et la majeure partie des citoyens s’en fout complètement. Donc, qu’on ferme les manèges et qu’on les vende, qu’on réduise à zéro l’effectif des régiments et qu’on trouve une meilleure façon de produire des réservistes. Pourquoi ne pas offrir quelque chose de tangible aux réservistes, notamment un programme d’instruction estivale intensive dans les écoles de la Force régulière, pendant cinq étés consécutifs, doublé d’un programme de remboursement des frais de scolarité dans une université ou un collège? Un tel programme, bien mis en œuvre, comporterait deux avantages importants. D’abord, les incitatifs en matière d’éducation qui y seraient reliés seraient susceptibles d’attirer un plus grand nombre d’étudiants parmi les meilleurs, les plus intelligents, les plus capables et peut-être les plus représentatifs de notre société. Ces étudiants-soldats, libérés à la fin de leur entraînement et de leur formation, pourraient être utiles à la société, ayant acquis de la discipline et de la maturité à la suite de cinq étés d’entraînement et trouvé un métier ou une profession grâce à des études dans un établissement scolaire de leur choix. Deuxièmement, l’instruction pourrait être dispensée conformément à une norme unique. L’Armée de terre procède actuellement à un coûteux projet de refonte et de réorganisation des plans d’instruction afin d’établir des normes uniformes pour la Régulière et la Réserve. Ce projet, qui exige énormément de ressources humaines et financières, a aussi des effets néfastes puisqu’il abaisse les normes de la Force régulière et fournit un produit de qualité inférieure. Les cours par modules ne sont pas aussi stimulants pour les chefs et les commandants, car n’importe qui peut compléter un marathon en 53 terre du Canada La disponibilité opérationnelle et l’Armée de Captain John Grodzinski l’utilisation de simulateurs de groupements tactiques . Bien que ce matériel d’instruction constitue une amélioration importante en ce qui a trait à la formation de commandants capables de mener la guerre, il ne sert que de complément à la conduite des véritables opérations sur le terrain. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre 26 segments d’un mille. Les feux les plus vifs produisent le meilleur acier. La Force totale, mantra de la politiquement correcte Force régulière, n’est pas morte; elle n’a jamais vu le jour. La guerre du Golfe a démontré que même des unités bien équipées des National Guard et de la Réserve, identifiées comme forces complémentaires pour des divisions de la Régulière, ont été incapables d’atteindre des niveaux adéquats de préparation au combat après un stage d’entraînement intensif de quatre mois au NTC.17 Le major Dan Drew Les réservistes qui servent fièrement la Canada œuvrent à l’intérieur d’un système qui est le fruit de la Première Guerre mondiale. La Réserve n’est pas organisée; elle n’est pas équipée ou appuyée par des textes de lois lui conférant des pouvoirs de force légitime qui lui permettraient d’être utilisée avec succès en cas de guerre ou d’opérations autres que la guerre au cours du vingt et unième siècle. S’il veut rentabiliser les capitaux investis dans la défense, le Canada devra développer et mettre en œuvre une approche nouvelle et radicale, libre de toute ingérence politique.18 Cela ne veut pas dire qu’une Réserve réorganisée et reconfigurée en profondeur coûtera moins cher; cela signifie qu’il faudra trouver une meilleure façon d’investir l’argent. Une solution appropriée pourrait résulter d’un autre ouvrage portant exclusivement sur cette question, qui soulève bien des passions. La question de l’équipement n’est pas aussi difficile ou coûteuse à régler que cela. Le gouvernement a raté de nombreuses occasions d’acheter de nouveaux chars de combat principaux à des prix dérisoires. Une, entre autres, était liée au Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe (CFE) et aurait permis à l’Armée de terre d’échanger ses vieux Leopard 1 avec nos alliés Allemands contre des chars Leopard 2 plus modernes. Une 54 modernisation à bon marché pour le Canada qui aurait permis à l’OTAN de respecter les restrictions prévues dans le traité pour ce qui est des CCP et à l’Armée de terre canadienne d’être plus apte au combat. Ce n’est pas du meilleur char de combat principal dont a besoin l’Armée de terre, mais d’un bon char pour remplacer les caisses du Leopard dont la durée de vie utile est presque terminée. D’autres occasions se présenteront. D’autres systèmes nécessitant une modernisation qui peut se faire rapidement sont déjà en production et peuvent être achetés directement sur le marché de nos alliés américains (et plus importants partenaires commerciaux). Un excellent exemple est le casque en kevlar dont est dotée la US Army depuis 1982 et qui assure une protection exceptionnelle au soldat. Si ces casques avaient été achetés au cours des années 1980, cela aurait sauver la vie d’au moins un soldat qui a été tué au cours d’un exercice de tir réel en campagne (les dirigeants des forces américaines accordent énormément d’importance à la protection de leurs troupes, ce qui n’a clairement pas la même importance pour leurs homologues canadiens). Même si le concept de l’acquisition de produits disponibles dans le commerce va à l’encontre des pratiques canadiennes de développement d’équipement plus coûteux et généralement moins utile (comme le fusil Ross), il améliorerait rapidement et de façon radicale la protection et les capacités des forces sur le terrain. Un dernier point au sujet de l’équipement. Il est temps que l’Armée de terre du Canada commence à synchroniser ses programmes d’acquisition de matériel avec ceux des Américains. Combien de fois l’Armée de terre a-t-elle été obligée, pour des raisons politiques et économiques, de trouver au Canada une solution à un problème militaire? Disposant de fonds limités pour la recherche et le développement, l’Armée de terre finit habituellement par concocter ou acheter une pièce d’équipement afin de satisfaire à quelque but politique plutôt que d’acheter le bon équipement pour le soldat sur le terrain. Le dispendieux système de missiles ERYX, le sac à dos de modèle 1984, les chargeurs de plastique défectueux des C7, les canons défectueux de armes de calibre .50, les bottes de combat de piètre qualité, le véhicule de remplacement Iltis et le camion de remplacement de 1 1/4 tonne ne sont que quelques-uns des exemples d’achats de matériel militaire non conforme ou inutile effectués pour des raisons politiques. Les forces américaines ont, de façon constante, depuis le milieu des années 1980, mis au point le meilleur matériel militaire au monde. Pour ces dernières, que leurs troupes soient équipées des meilleurs vêtements adaptés, des meilleures armes, des meilleurs gilets pare-balles, etc. est une source de grande fierté. Des intérêts économiques devraient amener l’Armée de terre du Canada à faire concorder ses achats de matériel avec ceux des Américains, ce qui lui permettrait de réaliser des économies sur ses dépenses de recherche et développement ainsi que de production.19 De plus, il se peut qu’une approche commune en matière de recherche et développement donne au Canada la juridiction exclusive sur la mise au point de certains types de matériels, notamment les vêtements pour temps froid. En négociant habilement, le Canada pourrait se retrouver avec une plus large part d’un projet conjoint États-Unis/Canada d’achat de matériel de défense. L’entraînement en vue de la guerre doit être réaliste, de sorte que les soldats et leurs commandants n’aient pas de surprise lorsqu’ils se retrouveront, pour la première fois, face à l’ennemi sur le champ de bataille. La surprise tend à précipiter une catastrophe. Les commandants à tous les niveaux, en particulier à ceux du bataillon et de la brigade, doivent voir leurs compétences évaluées de façon objective. 20 La US Army a clairement indiqué que le professionnalisme de leurs forces était directement attribuable au succès du Vol. 2, no. 4, hiver 1999 L’entraînement combiné de niveau supérieur comporte deux autres aspects positifs qui méritent qu’on s’y attarde. Premièrement, du point de vue d’une alliance, l’Armée de terre canadienne pourrait facilement s’associer à des formations américaines pour compléter des divisions ou des corps. Si un accord pouvait être conclu en temps de paix quant à la mise sur pied de formations canadiennes-américaines (CANAM), des affiliations de brigade pourraient être établies avec des divisions américaines. Le 1er Groupebrigade mécanisé du Canada (GBMC), par exemple, pourrait s’entraîner avec des forces de la US Army dans l’Ouest des États-Unis et le 2 GBMC pourrait s’affilier avec la USMC II Marine Expeditionary Force sur la Côte Est. Des associations amélioreraient certainement les occasions de s’entraîner ainsi que la versatilité opérationnelle et elles pourraient mener à une répartition plus logique du matériel, notamment la concentration de CCP au sein du 1 GBMC où se trouvent les secteurs d’entraînement à la manœuvre les plus adéquats au Canada pour les forces équipées de blindés lourds. Le fait d’équiper des brigades distinctes en vue de rôles particuliers accorderait plus de marge de manœuvre au gouvernement de même qu’à l’Armée de terre quand viendrait le temps de déterminer la composition de la force pour différentes missions tout en permettant aux brigades visées de se concentrer sur l’amélioration de leurs capacités de mener la guerre. Enfin, l’instruction doit mettre à l’épreuve et développer les aptitudes des commandants supérieurs. Les soldats canadiens ont démontré, au cours de la Seconde Guerre mondiale, qu’ils étaient tenaces, dignes, capables et des plus braves. Des chefs qui n’étaient jamais parvenus à comprendre les principes de la guerre de manœuvre les ont mal dirigés. À part quelques exceptions, les commandants de division et de brigade manquaient d’agressivité et d’imagination, devaient bûcher ferme et étaient dépourvus au plan tactique.22 Le rendement de ces derniers laissait tellement à désirer durant la campagne de Normandie qu’on a retiré à la Première Armée canadienne sa tâche d’avant-garde des armées alliées pour lui confier une mission secondaire, celle de dégager le Nord-Ouest de l’Europe. Des témoignages de l’histoire appuient et renforcent l’idée que c’est au niveau de la brigade et de la division qu’il faut développer, corriger et maintenir les capacités de mener la guerre si l’on veut acquérir une compétence professionnelle. « Tel que le révèle l’étude du dossier canadien, une expansion rapide de même que des augmentations au chapitre du budget ne peuvent et ne pourront pas compenser pour la négligence dont l’Armée de terre a fait preuve à l’endroit de son organisation. »23 Ce document a traité d’un certain nombre des graves questions qui intéressent présentement le Canada et l’Armée de terre canadienne. Bien que plusieurs problèmes aient été identifiés, les solutions présentées illustrent des idées et des concepts destinés à servir de catalyseurs à des pensées innovatrices et à des solutions créatrices. On n’a pas suffisamment encouragé la liberté de pensée dans l’Armée canadienne, et une certaine forme de stagnation intellectuelle est en train d’envahir le corps des officiers, ce qui fait que le débat critique a fait place à une acceptation silencieuse de concepts allant de la Force totale, à la structure de la force, aux normes de conditionnement physique. Dans sa forme actuelle, l’Armée de terre est incapable d’accomplir les tâches qui lui sont attribuées par le gouvernement du Canada. La fin de la guerre froide et la disparition de la structure de pouvoir mondial bipolaire ont créé un environnement très volatil en matière de sécurité. Des facteurs d’ordres ethniques, économiques, religieux, étatiques, environnementaux et même criminels sont des éléments de l’instabilité qui pourrait rapidement et de façon inattendue dégénérer en conflit violent, un conflit qui pourrait menacer des continents, voire des peuples tout entiers.24 Si la Canada souhaite protéger ses propres intérêts et participer activement en tant que calme et logique influence sur le front mondial, il aura besoin des forces nécessaires pour imposer la paix, en toute sécurité et avec détermination. À cette fin, il pourrait devoir appuyer des opérations des Nations Unies ou faire la guerre. La sincérité et la détermination du gouvernement canadien se mesurera à sa résolution de fournir une protection ainsi que du matériel de guerre adéquats à ceux qu’il a chargé de rencontrer les engagements pris envers le peuple canadien et ses alliés. 55 terre du Canada La disponibilité opérationnelle et l’Armée de Captain John Grodzinski NTC comme centre de formation en ce qui a trait à la façon de mener le guerre.21 Les commandants canadiens doivent pouvoir participer à de l’entraînement du même genre et il pourrait s’agir ici encore d’une excellente occasion « d’harmoniser ». Rien n’empêche l’Armée de terre d’élaborer son propre modèle de NTC. Elle pourrait en effet mettre sur pied un centre doté d’une capacité virtuellement supérieure à celle dont elle a besoin et qui pourrait être utilisé par d’autres armées, fort probablement par les forces américaines, mais aussi par d’autres armées de l’OTAN. Un tel arrangement lui procurerait un soutien financier extérieur pour son centre et lui permettrait de participer à des activités d’entraînement réciproque dans d’autres installations d’entraînement des États-Unis et de l’OTAN. Parmi les autres avantages que pourrait en tirer l’Armée de terre du Canada, il y a l’entraînement combiné qui permettrait non seulement une plus grande interopérabilité avec notre plus proche allié, mais aussi une occasion de s’entraîner avec des armes d’appui comme les hélicoptères d’attaque. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre À propos de l’auteur . . . Le major Dan Drew s’est enrôlé dans les Forces canadiennes en juin 1976 et après avoir reçu sa commission d’officier en août 1977, s’est joint au Princess Patricia’s Canadian Light Infantry. Il a servi au sein du 2e et 3 e Bataillon du PPCLI, du 2 e Commando du Régiment aéroporté du Canada, de l’École d’infanterie et du quartier général de la Force mobile où il a agi en tant qu’OEM 3 Opérations et OEM 3 Plans internationaux. Il a énormément travaillé auprès de la Milice au Canada et au cours d’opérations à l’étranger. Le major Drew a été capitaine-adjudant et officier des opérations du Queen’s Own Cameron Highlanders of Canada et il comptait un nombre important de miliciens dans sa compagnie lorsqu’il a commandé la compagnie D du 2 e Bataillon du PPCLI, lors de l’intervention à l’intérieur de l’enclave de Medak. Il est diplômé du United States Marine Corps Command and Staff College et un diplômé avec spécialisation mention distinguée de la U.S. Army Ranger School. Il occupe à l’heure actuelle le poste de G3 au quartier général du Secteur du Nord des Forces canadiennes à Yellowknife. NOTES 1 Lieutenant-colonel J.A. English, Failure in High Command: The Canadian Army and the Normandy Campaign, (Ottawa: The Golden Dog Press, 1995), p. xiv. 14 Bruce E. Arlinghaus, Lee D. Olvey et Henry A. Leonard, Industrial Capacity and Defense Planning (Lexington, Massachusetts: Lexington Books, 1983) p. 53. 2 David Collenette, « Avant-propos du ministre de la Défense nationale », Les seize pays membres de l’OTAN : la défense du Canada, Vol. 40, No. 3/95, p. 5. 15 Anne W. Chapman, The Origins and Development of the National Training Center, (Fort Monroe, Virginia: United States Army Training and Doctrine Command, 1992) p. 6. 3 Ministère de la Défense nationale, Commission spéciale sur la restructuration des réserves , (1996): chap 5, p. 4, (www.dnd.ca/cfinfo/ crc/scrr/report/e-toc.html). 16 Ibid, p. 111. 4 Ibid, chap 3, p. 3. 5 Ibid, chap 3, p. 1. 6 Douglas J. Murray, « Canada », The Defense Policy of Nations, Éd. Douglas J. Murray et Paul R. Viotti, (Baltimore: The John Hopkins University Press, 1994), p. 66. 7 Ibid, p. 69. 8 Allen G. Sens, « Canadian Defense Policy After the Cold War: Old Dimensions and New Realities », Politique étrangère du Canada, automne 1993, p. 23. 9 Major-général William L. Nash, « Preparing for Conflict », Les seize pays membres de l’OTAN : IFOR, la mission se poursuit, Vol. 41, No 2/96, p. 53. Le major Dan Drew 10 Ministère de la Défense nationale, Commission spéciale sur la restructuration des réserves , (1996), chap 10, pp. 4 - 6. Bien que le rapport ne porte pas précisément sur les pénuries de matériel, en types et en quantités, l’état du matériel des réserves est connu de tous. 11 Ralph Sanders et Joseph E. Muckermann, « A Strategic Rationale for Mobilization », Strategic Review, United States Strategic Institute, été 1984, p. 57. 17 Martin Binkin, Who Will Fight the Next War? The Changing Face of the American Military, (Washington DC: The Brookings Institution, 1993) p. 158. 18 Paul F. Braim, « An Earlier Revolution in Military Affairs », Parameters: The U.S. Army War College Quarterly, automne 1996, p. 152. Un exemple utilisé pour illustrer que l’état lamentable de la US Army au cours de la guerre hispano-américaine était directement attribuable à de l’ingérence mesquine, de la part du Président William McKinley et du Congrès influencé par des chefs de la milice des états, dans l’organisation, les opérations et le commandement. 19 Ce concept, mis de l’avant par le lieutenant-général Gord Reay, commandant de la Force mobile en 1993, fut rapidement et publiquement infirmé par la ministre de la Défense nationale du temps, Kim Campbell. 20 Chapman, p. 103. Le Chef du NTC Operations Group insiste sur « l’avantage au plan de l’instruction en matière de leadership qu’offre le rapport post-exercice objectif du NTC pour permettre à la chaîne de commandement de reconnaître ses responsabilités tactiques et techniques. Ce processus permet de découvrir les points forts et les points faibles, d’apporter des correctifs et de favoriser l’apprentissage. » 21 Général H. Norman Schwarzkopf, It Doesn’t Take a Hero, (New York: Linda Grey Bantam Books, 1992), pp. 242 - 244. 12 Peter M. Keating, « Main Battle Tank Production Capacity, Lima Tank Plant », Affaires publiques de la General Dynamics Land Systems, (Courrier électronique) du 2 janvier 1997. 22 English, pp. 305 - 315. 13 Harold J. Clem, Mobilization Preparedness (Washington, DC: National Defense University 1983), pp. 113 - 123. 24 Robert D. Kaplan, « The Coming Anarchy », The Atlantic Monthly, automne 95: p. 54 - 66. 56 23 Ibid, p. 314. Vol. 2, no. 4, hiver 1999 CLAUSEWITZ AU 21IÈME SIÈCLE Le capitaine Simon Bernard Clausewitz voyait dans l’éducation non pas la transmission d’expertises techniques mais bien le développement d’un jugement indépendant. 2 Ainsi l’étudiant ne devrait s’attendre à trouver, dans la lecture ou l’étude de ses oeuvres, des règles ou des « recettes » au succès, mais bien une multitude de sujets visant à développer sa pensée. Sans vous donner une liste de concepts ou principes, je prendrai une approche similaire pour analyser les idées de Clausewitz. Ce travail pourrait s’adresser tant aux leaders politiques qu’aux militaires. Pour débuter, j’analyserai le contexte dans lequel Clausewitz développa ses idées et ses définitions de la guerre. Le coeur même de mon ouvrage comprendra l’étonnante trinité de Clausewitz qui, selon Michael I. Howard, constitue un bon point de départ pour un penseur contemporain de la stratégie. J’ai choisi d’aborder la trinité étant donné la simplicité de cette analyse et sa pertinence indépendamment du genre d’opérations que ce soit en guerre ou lors d’opérations autres que la guerre. Cette trinité est la structure théorique de l’analyse de la guerre. Elle est constituée de la violence primordiale, la haine et l’animosité que l’on attribue au peuple, les probabilités et le hasard associés au commandant et à son armée et la nature subordonnée de la guerre comme instrument de la politique. 3 Puisque je me dois de balancer mon argument sur la pertinence de Vom Kriege, je toucherai l’opposition de certains critiques face aux concepts de Clausewitz qui, selon eux, plonge à la désuétude. Le concept de guerre absolue, de guerre limitée ainsi que la technologie seront discutés dans la dernière portion de ce travail. Étant donné l’étendu de l’oeuvre de Clausewitz, il me sera impossible de couvrir tous les aspects de sa théorie à savoir le point culminant, sa vision de la défense comme force suprême à la guerre, la supériorité numérique, la déception, la surprise ou l’intelligence. Comme tout auteur de son temps, plusieurs sujets que Clausewitz a traités dans ses oeuvres sont désuèts suite aux développements technologiques. Bien qu’il en soit ainsi, je démontrerai que sa trinité est éternelle et pourra servir de base à l’étude de tout conflit ou opération indépendamment du contexte dans lequel nous l’appliquons. CARL VON CLAUSEWITZ À l’époque de Clausewitz, et plus précisément de 1792 à 1815, une vague de violence frappa l’Europe causant la mort et la souffrance à plusieurs millions d’Européens, occasionnant des changements de frontières et changeant la société dans son ensemble. 4 La révolution française et la contrerévolution de Napoléon Bonaparte ont mené, au début du 19ième siècle, à une force de frappe et de destruction inimaginable par les guerriers d’un quart de siècle auparavant.5 La guerre, qui était l’affaire des rois et des nobles, devint une activité qui comprenait la volonté et le soutien populaire du peuple. C’est dans un contexte d’indomptabilité des énergies de la France que Clausewitz, victime même de cette « levée en masse », vécu et se fit un devoir d’analyser l’Empereur et les raisons de son succès.6 Il débuta comme commentateur des guerres de ce dernier auquel il détestait ses politiques et ses ambitions, mais admirait ses tactiques.7 Clausewitz fut privilégié en soit en observant la conduite de la guerre à tous les niveaux. Ces théories furent empreintes d’expérience directe et d’observation.8 Comme le note Peter Paret, très peu d’officiers de son âge avaient une aussi grande expérience de 57 Clausewitz au 21ième siècle Sir Basil Liddell Hart, critique militaire anglais, affirme que bien que l’évolution de la science suggère que la prochaine guerre emploiera plusieurs nouveaux moyens, l’histoire prouve, au contraire, que la nature de la guerre expose beaucoup de similarités et très peu de changements.1 Bien que l’évolution technologique du 20ième siècle a grandement influencé le cours des guerres, allant jusqu’au débat actuel sur l’existence d’une révolution dans les affaires militaires, la validité d’une étude et analyse de la conduite de la guerre demeure incontestée. Le but de cette dissertation est de vérifier la pertinence des théories de Carl von Clausewitz à l’aube du 21ième siècle. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre combat, d’état-major, de planification stratégique et de prise de décision politico-militaire de la plus grande importance. « Le mouvement de réforme dont il a fait partie avait réussi, en quelques années, à relancer l’armée prussienne qui passa d’une organisation militaire encombrante dans l’ancien régime à une force qui, sous plusieurs regards, fut désormais supérieure aux Français ».9 DE LA GUERRE Carl von Clausewitz est, sans aucun doute, le « théoricien de la guerre » le plus cité et étudié. L’historien allemand Hans Rothfelds mentionne pourtant que Clausewitz est un auteur plus souvent cité que lu.10 Il passe, à juste titre, pour le plus célèbre des écrivains militaires, le seul dont nul homme cultivé n’a le droit d’ignorer le nom et deux ou trois formules.11 Le capitaine Simon Bernard L’oeuvre de Clausewitz qui le rendit si populaire et dont je traiterai dans ce travail est Vom Kriege qui se traduit de l’allemand par De la guerre. Elle comprend huit volumes dont seulement le premier traitant de «La nature de la guerre» fut, selon l’auteur lui-même, complèté. 12 Avant de mourir soudainement, victime du choléra ou d’une attaque cardiaque reliée à cette maladie épidémique, Clausewitz avait souligné qu’il serait mal interprété si ses travaux étaient publiés tel quels.13 Vom Kriege est une oeuvre difficile à lire. « Ce livre ne peut être compris lors d’une première lecture. Certains passages du livre sont obscurs et peuvent mener à plus d’une déduction, tandis que d’autres exigent de la concentration, des lectures répétitives ou des analyses en classe ». 14 Le Général américain George S. Patton, adepte invétéré de Clausewitz, décrivit On War comme étant « about as hard reading as any thing can well be and is as full of notes of equal abstruseness as a dog is of fleas. »15 Le livre comporte certaines complexités et contradictions 58 qui viennent parfois frustrer le lecteur. Ceci est principalement attribué à l’évolution des pensées de Clausewitz. Ses théories étaient sans cesse révisées, il testa ses hypothèses dans une étude analytique de l’histoire des conflits. Après avoir étudier la révolution française et les campagnes de Napoléon, il aborda des campagnes du 17ième siècle dont celles de Gustavus Adolphus et Turenne, les guerres de successions espagnoles et les guerres de l’Est européen avec les Turques.16 Puisque selon son auteur la guerre n’est pas une science, Clausewitz a pris le soin de noter des exceptions lors de ses observations ou ses recommandations. 17 De nombreux critiques ont attaqué Clausewitz pour son manque de direction et de règles. La nature humaine visant à développer de l’ordre dans tout ce qu’elle approche, tente d’appliquer la science dans toute analyse.18 Certaines de ces attaques peuvent être défendues en soulignant un problème de traduction, de recherche, ou encore par un refus de le lire ou de l’analyser dans son contexte. Dans la lecture, il faut prendre une approche clausewitzienne à l’étude de la guerre. Ainsi, il faut débuter par l’étude de l’ensemble et conserver cette vision en étudiant chaque composante plus que dans tout autre sujet.19 DE LA GUERRE ET L’ÉTONNANTE TRINITÉ Dans le livre 2, La théorie de la guerre, Clausewitz insiste sur le caractère social de la guerre. « La guerre n’appartient pas au domaine des arts et des sciences, mais à celui de l’existence sociale. »20 Selon Clausewitz, la guerre est « un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à éxécuter notre volonté ».21 Il utilise l’image de deux lutteurs qui essaient, au moyen de la force physique, de soumettre l’autre au sol. Dans Vom Kriege, il définit aussi la guerre comme étant « un conflit de grands intérêts réglé par le sang et c’est seulement en cela qu’il diffère des autres conflits. »22 Le fait d’avoir vécu la guerre à un si jeune âge (13 ans) pourrait expliquer sa vision première de la nécessité d’une effusion de sang au combat. Bien que Clausewitz a eu tendance à ignorer le droit international, il voyait non seulement la guerre comme étant inévitable, mais comme un instrument légitime dont l’État peut avoir recours pour protéger ses intérêts.23 Bien que ces définitions aient été écrites il y a plus de 185 ans, elles demeurent toujours valables aujourd’hui. Ainsi, lors de la récente Guerre du Golfe, les intérêts économiques des États-Unis étaient en jeux et le recours à la guerre fut un moyen physique de soumettre l’Irak à sa volonté. On peut attribuer cette trinité à trois composantes distinctes soient: le peuple, le commandant et son armée et finalement, le gouvernement. Clausewitz croyait que la victoire ne peut être assurée que si un équilibre approprié est atteint parmi ces trois dimensions.24 Notre tâche est donc de développer une théorie qui garde cet équilibre tel un objet suspendu entre trois aimants.25 Comme le note Michael Howard, cette comparaison démontre l’influence des développements scientifiques de l’époque sur Clausewitz. Cette approche devance largement les préoccupations exclusivement tactiques de son temps. Ainsi, il aborde le domaine de la grande stratégie, de la politique, de la guerre économique et même psychologique.26 LA VIOLENCE ORIGINELLE, LA HAINE ET L’ANIMOSITÉ Ce premier pillier de la trinité est associé au peuple.27 À l’époque où Clausewitz écrivit Vom Kriege, certains auteurs croyaient que la chance pouvait être réduite à des principes scientifiques et que la guerre serait ainsi plus maniable. Ce qui fit l’originalité de Clausewitz fut Vol. 2, no. 4, hiver 1999 À la veille du 21ième siècle, l’importance du peuple a une toute autre dimension que celle des guerres napoléoniennes. La « levée en masse » se trouve bien loin de nos portes. Cependant, le conflit récent de la BosnieHerzégovine ou de la Croatie nous démontre que la haine d’un peuple envers un autre peu parfois atteindre des extrêmes suite à des actes de violence gratuite ou des opérations d’épuration ethnique. La société nord-américaine, dans son ensemble, demeure non violente. Elle préférerait une solution pacifique au recours à la violence, sauf si ses intérêts mêmes sont menacés. Il est toujours possible de conduire des guerres et de les remporter dans le cas où la population ne porte aucun intérêt, spécialement si c’est le cas des deux côtés du conflit. 30 Cependant, des limites s’imposent sur le nombre de guerriers que l’État peut produire. Dans tout conflit ou guerre, certains combattent, tandis que d’autres soutiennent de façon passive ou active. Tous ne peuvent participer, même si la volonté y est, pour des raisons d’âge, de force physique ou d’aptitudes.31 De nos jours, le niveau de tolérance de la population face aux pertes au combat demeure très bas. David Tucker souligne que les Américains ont perdu leur “esprit guerrier” et ne peuvent supporter des morts au combat. Il cite comme exemple les événements du 3 octobre 1993 en Somalie. Dans les efforts d’attraper Mahammed Aideed, 18 Américains avaient été tués. La mort de ces soldats et des images de mutilation de leurs corps par une foule L’opinion publique se voit désormais manipulée ou influencée par l’effet CNN. La population peut assister, dans le confort de son foyer, à toute guerre ou acte de violence que l’État entreprend. Le pouvoir médiatique est un phénomène nouveau qui comporte des risques lorsque mal utilisé mais peut devenir un outil de prédilection à ceux qui sauront l’apprivoiser. Il peut aider à la volonté de combattre du peuple, éveiller des émotions chez la population et ainsi contribuer ou entraver le soutien du peuple, qui demeure essentiel dans toute démocratie. Le phénomène du nationalisme représente aussi un facteur important. Certaines régions du monde connaissent un essor vif de nationalisme basé sur la race ou la religion.33 La Bosnie-Herzégovine n’est qu’un exemple récent qui démontre sa portée à la fin du vingtième siècle. Dans Vom Kriege, Clausewitz questionne si désormais, les guerres en Europe seraient conduites avec les ressources entières de l’État, et ainsi livrées seulement sur des sujets qui touchent le peuple.34 On peut affimer hors de tous doutes que cette question est d’actualité pour l’an 2000 et pourrait même constituer une menace importante pour les pays de l’Ouest étant donné la perte de cet « esprit guerrier ». LES PROBABILITÉS ET LE HASARD Le deuxième pillier de la trinité est la chance. « Aucune activité humaine ne dépend si entièrement et si universellement du hasard que la guerre ».35 Clausewitz associe la chance au commandant et à son armée. En ce qui concerne le commandant, le concept de génie guerrier occupe une place prépondérante dans Vom Kriege. Ce concept requiert une combinaison harmonieuse des forces de l’âme.36 Clausewitz note que ce talent est limité à un certain nombre d’individus et que le courage est la vertu par excellence, bien qu’il ne suffisse à lui seul. 37 « Puisque la guerre est le domaine de l’incertitude; les trois quarts des éléments sur lesquels se fonde l’action restent dans les brumes d’une incertitude plus ou moins grande ».38 Le génie guerrier se devra ainsi de posséder une grande intuition. Selon Clausewitz, sa volonté de combattre, son besoin de résolution, sa conservation du but à atteindre, sa confiance personnelle et son coup d’oeil (intuition), sont les qualités recherchées chez ce commandant.39 Ses qualités sont toujours présentes et refletées dans notre doctrine. La chance ne présente pas seulement une menace, mais bien une force positive à celui qui saurait l’exploiter, qu’il soit force ennemie ou amie. Clausewitz associe la chance au calcul des probabilités du commandant. Non pas au simple calcul, mais à son intuition. Dans l’ensemble des activités humaines, Clausewitz compare la guerre à une partie de cartes. Cette analogie permet de combiner le calcul des probabilités à la maîtrise de la 59 Captain John Grodzinski somalienne sur les ondes de CNN ont créé de grands remous dans la population américaine. Le Président Clinton, après avoir négocié avec le Congrès, fut contraint de promettre le retrait des troupes américaines de la Somalie dans les six mois qui suivaient. Les médias ont fait leur entrée comme élément important des guerres nouvelles. 32 Clausewitz au 21ième siècle l’importance qu’il attribua aux forces morales. Ses pensées résonnèrent dans les écrits militaires allemands à l’aube de la Première guerre mondiale.28 Sa popularité prit des dimensions exponentielles lorsque Moltke, chef de l’état-major général prussien, inclut Vom Kriege parmi les oeuvres qui avaient le plus contribué à son succès au côté de la Bible et de l’oeuvre d’Homer.29 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre psychologie humaine en la capacité de « lire » les autres joueurs et à prendre les risques au moment opportun. 40 Napoléon, le « Dieu de la guerre » selon Clausewitz, avait démontré une approche positive pour exploiter la chance par son dicton opérationnel: « Engagez l’ennemi et voyez ce qui arrive ».41 Le commandant se plaçait ainsi sur le chemin de la chance; le pouvoir disponible et sa volonté de l’utiliser lui permis de transformer la chance en réalité.42 Clausewitz introduit et discute également du concept de friction. « Dans la guerre, tout est simple, mais la chose la plus simple est difficile. »43 Celui qui n’a pas vu la guerre, ne peut imaginer correctement la friction que présente les difficultés qui s’accumulent à la guerre.44 Clausewitz insiste sur le fait que cette friction est ce qui distingue la guerre réelle de celle sur papier.45 Le capitaine Simon Bernard Cette friction est causée par le hasard que présente certains facteurs incontrôlables comme le temps. La friction se manifeste en indécision, confusion, ordres imprécis, troubles de communication, fatigue et autres imprévus sur le champ de bataille. Clausewitz croit aussi que la chance est une dynamique naturelle de la guerre et comme la friction, elle ne discernerait pas entre force amie et ennemie.46 Une expression courante de la friction serait la « Loi de Murphy ». Selon cette loi, ce qui peut aller mal, ira mal, et ce au pire moment. Clausewitz ne jouit pas d’un tel pessimisme, il se contente plutôt de voir la friction comme un phénomène normal en guerre. Le génie du commandant est complété par la fierté, la volonté de combattre et les habiletés de son armée. Cet élément moral fait partie intégrante du premier pillier et demeure important au second. Une armée bien équipée, entraînée et motivée viendrait satisfaire ce besoin. L’entraînement, les instructions permanentes d’opérations et les procédures permettent de contrer le fait que les organisations sont 60 toujours plus lentes et inflexibles que les événements naturels qu’elles veulent contrôler.47 Les forces de caractère recherchées chez un commandant peuvent très bien s’appliquer au siècle à venir, nonobstant les changements technologiques. L’appui du peuple dans l’intervention armée prend une toute autre dimension, puisqu’il aura un effet sur la détermination du chef et la volonté de combattre de ses troupes. Bien que l’arrivée des systèmes d’information et d’observation hautement sophistiqués augmentent exponentiellement l’information que possède le commandant en temps quasi réel, il sera toujours impossible de contrôler tout sur le champ de bataille étendu du 21ième siècle. Au moment où le champ de bataille s’agrandit, les formations se dispersent et les opérations s’accélèrent, le stress augmentera et le confort physique et psychologique de se trouver à proximité des autres unités ou simplement d’être familier avec le terrain causera plus de friction que tout autre changement.48 La friction sera toujours un phénomène où l’intuition du « génie guerrier » et son exploitation de la chance permettront de maximiser les chances de succès. La modernisation des systèmes d’entraînement et l’utilisation de simulateurs de tirs et de postes de commandement à tous les niveaux, viseront à entraîner les commandants et les troupes efficacement. De nos jours, tout comme à l’époque de Clausewitz, une nation a besoin de commandants talentueux à la tête de troupes bien entraînées qui possèdent la puissance de combat nécessaire pour avoir du succès dans les opérations. LA NATURE SUBORDONNÉE DE LA GUERRE COMME INSTRUMENT DE LA POLITIQUE Les objectifs et le calcul rationel appartiennent au gouvernement. 49 Ainsi, il est tenu de fixer les objectifs de la guerre. À savoir le degré que l’État ou le groupe est prêt à investir pour atteindre ses fins.50 La fin et les moyens ainsi que le calcul des coûts/bénéfices sont alors introduits. « La guerre est toujours un moyen sérieux en vue d’un but sérieux. La guerre d’une communauté surgit toujours d’une situation politique et ne résulte que d’un motif politique. »51 Le commandant et son armée, deuxième pillier de la trinité, combattent une série de buts et d’objectifs successifs pour atteindre les objectifs du gouvernement.52 Michael Howard cite qu’on retrouve ici la relation réelle entre la stratégie et la tactique. La tactique se préoccupe des engagements, de leur planification et de leur conduite, la stratégie est la coordination de ces engagements pour atteindre l’objectif de la guerre.53 Ce concept fait partie intégrante de la doctrine de l’OTAN dans l’art opérationnel et les quatre niveaux de conflits: La grande stratégie, la stratégie militaire, le niveau opérationnel et le niveau tactique. Les engagements sont conduits au niveau tactique pour remporter des campagnes au niveau opérationnel dans le but de remporter la guerre au niveau stratégique.54 L’acte le plus décisif de jugement qu’un homme d’État ou un commandant en chef éxécute consiste en l’appréciation exacte du genre de guerre Au niveau qu’il entreprend. 55 stratégique, il appartient donc au gouvernement d’établir la fin désirée et les limites imposées aux forces armées dans l’intervention. Ceci permettra aux chefs militaires de dresser les objectifs opérationnels et les plans de campagnes pour atteindre l’état final souhaité. Le Général américain Colin Powell a souligné les difficultés qu’il a rencontré lors d’une rencontre du Cabinet en tentant de recevoir des objectifs stratégiques clairs de la part du Président et du Secrétaire de la Défense: “Je leur ai demandé si il était vraiment nécessaire d’aller en guerre pour libérer le Kuwait. Cette question clausewitzienne était primordiale avant de dresser le nombre de divisions, de Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Une relation étroite entre les chefs du gouvernement et ceux de l’armée pour fixer les objectifs de la guerre était nécessaire. L’homme auquel Clausewitz vouait une grande admiration, Napoléon, avait joui d’un avantage certain en joignant les deux rôles sous un même corps. « Si la guerre doit correspondre entièrement aux intentions politiques et si la politique doit s’adapter aux moyens disponibles, il n’y a qu’une alternative satisfaisante au cas où l’homme d’État et le soldat ne s’unissent pas en une même personne: c’est de faire entrer le général en chef dans le cabinet. »57 Il ajoute que les politiciens doivent connaître leur armée. Est-ce que nos politiciens répondent à cette exigence? Michael I. Handel souligne que Clausewitz, en insistant sur la suprématie de la politique, assume que le leadership politique poursuivra une politique rationelle pour le bénéfice de l’État et la maximisation de son pouvoir. Cependant, il insiste que cette idée est un peu trop simpliste.63 Clausewitz aurait dû savoir, dans ses observations du leadership de Napoléon, que certains objectifs et décisions stratégiques ne sont pas toujours rationnels mais ont un but personnel ou encore des ambitions dynastiques.64 Clausewitz introduit aussi le concept que « si la guerre est un acte de violence destiné à forcer l’ennemi à exécuter notre volonté, tout tiendrait alors toujours et uniquement au fait de vaincre l’ennemi, c’est à dire à son désarmement. »58 Par désarmer un État, Clausewitz considère trois choses: les forces militaires, le territoire et la volonté de l’ennemi. Il faut détruire les forces militaires ou leur capacité de combattre, acquérir le territoire, car il pourrait s’y constituer une nouvelle force militaire. Même si ces objectifs sont atteints, la cessation de la guerre ne doit être considérée que lorsque le gouvernement ennemi et ses alliés ont décidé de signer la paix, ou le peuple de se soumettre.59 Ce dernier pillier nous permet de réaliser ce que Clausewitz entendait par : « La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ».60 La défaite de la Prusse en 1806 avait démontré que la guerre ne pouvait être menée en isolation de la politique.61 La subordination de la guerre est incontestable selon Clausewitz. La L’OPPOSITION DU MONDE MODERNE Plusieurs auteurs modernes ont critiqué Clausewitz sur différents aspects de sa théorie. John Keegan, un historien britannique renommé, mentionne que si la guerre était la continuité de la politique par d’autres moyens, le monde serait beaucoup plus simple à comprendre.65 La théorie de Clausewitz implique l’existence d’états, de leurs intérêts et du calcul rationel pour les atteindre. John Keegan ajoute que la guerre existait bien avant l’état, la diplomatie et la stratégie sur plusieurs formes. Il y note l’absence du niveau culturel de la guerre. Pour lui, la guerre touche beaucoup plus que la politique. Elle est toujours une expression de la culture, souvent une détermination d’une forme de culture et dans certaines sociétés, la culture elle-même.66 Dans A History of Warfare, Keegan semble confondre politique et culture. Qu’estce que la politique si ce n’est qu’une expression de culture. On peut lui accorder que les « sociétés de guerriers » entreprennent la guerre sans une politique rationelle, mais on ne peut dire qu’elles le font sans but précis.67 On peut attribuer à une telle analyse un manque flagrant d’analyse de la théorie dans son contexte. Pour Martin Van Creveld, l’histoire démontre que la guerre consiste simplement en des membres d’une communauté s’engageant dans une violence mortelle contre ceux d’une autre et que le fait de tuer est, ou devrait être, un moyen rationnel d’atteindre un but rationnel. 68 Pour lui, l’univers clausewitzien qui se base sur la supposition que la guerre est effectuée par l’état ou, pour être exact, par les gouvernements, est désuet.69 En se basant sur l’histoire, il ajoute que Vom Kriege ne dicte pas pourquoi l’homme est prêt à risquer sa vie. Puisque la raison pour laquelle les troupes iront au combat est un facteur des plus décisifs, nous devons quitter la stratégie et analyser l’âme humaine. Les guerres ne seraient ainsi plus l’affaire des armées mais bien celle de ce qu’on appelerait des groupes d’intérêt qui ont recours à la violence pour atteindre leur but. L’image de désuétude qu’il donne de Clausewitz est fausse puisque, selon Michael I. Handel, « une fonction politique ou gouvernementale ne peut être absente même si elle n’existe qu’en forme embryonnaire. Quelqu’un, le leader politique, doit décider du but et des objectifs du conflit ou de la guerre puisque tous les guerriers ne peuvent donner des ordres simultanément ou décider de se battre quand bon leur semble »70 Sa théorie se résume ainsi : « La vraie raison pour laquelle nous avons des guerres, est que les hommes aiment se battre. »71 Captain John Grodzinski politique doit ainsi pénétrer l’acte de guerre entier en exerçant une influence constante sur lui. L’intention politique est la fin, tandis que la guerre est le moyen, et l’on ne peut concevoir le moyen indépendamment de la fin.62 Sir B. H. Liddel Hart a qualifié Clausewitz de « Mahdi des masses et des massacres mutuels. »72 Pour lui, il aurait exalté le choc direct des armées sans maneuvre, par la concentration d’une force supérieure sur le champ de bataille sans modération. Comme nous le verrons plus loin, « Clausewitz fut victime de la confusion inévitable dans l’esprit des lecteurs, entre l’analyse, voire la prévision, du réel et l’expression du souhaitable. »73 Liddel Hart déplore aussi le fait que Clausewitz aie entremêlé les responsabilités du gouvernement et Clausewitz au 21ième siècle transporteurs de troupes blindés, et de chasseurs nécessaires. Il nous fallait savoir quel but visait l’intervention armée.”56 Lorsque le Général Powell quitta le Cabinet, cette question demeura sans réponse. 61 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Le peuple:Violence originelle, haine et l’animosité Le gouvernement: Objectifs politiques, Raison et Calculs La nature de la guerre Le Commandant et son armée: Le jeu de la chance, des probabilités, et le « génie guerrier » Subordination – instrument de la Politique Tableau 1 : L’analyse trinitaire et la nature de la guerre; Michael I. Handel, Who is Afraid of Carl von Clausewitz? : A Guide to the Perplexed, (1994) des leaders militaires, qui devraient, selon lui, demeurées distinctes. 74 L’histoire démontra que l’approche que Moltke et Schlieffen avaient préconisée était déficiente et que Clausewitz, à ce sujet, avait raison. Le capitaine Simon Bernard Dans le contexte politique actuel, la connaissance des politiciens de leurs forces armées est très limitée. Advenant que la relation étroite de conseiller disparaisse, on pourrait voir l’armée employer dans des tâches ou des missions qui ne lui sont propres, ou encore pour des objectifs stratégiques irréalistes qui pourraient mener au sacrifice inutile de soldats. Le tableau 1 que Michael I. Handel utilise pour démontrer l’analyse trinitaire de la nature de la guerre met en perspective les trois éléments de l’étonnante trinité. On pourra aussi noter que, selon Clausewitz, la nature de la guerre a tendance à prendre des dimensions plus grandes au fil de son évolution. DE LA GUERRE ABSOLUE ET LA GUERRE LIMITÉE Selon Clausewitz: « Introduire le concept de modération dans la théorie de la 62 guerre est une absurdité. » Sa réputation d’assoifé de sang est associée à cet argument. Certaines accusations vont jusqu’à y attribuer les attrocités allemandes qui s’en suivirent.75 Cette dernière est quelque peu exagérée, surtout que Moltke, fidèle disciple de Clausewitz, avait rompu avec l’enseignement sur le plan de la relation entre la politique et la guerre, tandis que Schlieffen oubliait le concept de primauté de la défense.76 Plus tard dans son oeuvre, Clausewitz aborde le concept de limitation dans les guerres, mais sa mort soudaine l’empêcha de donner cette nuance à l’oeuvre entière. Son concept de « guerre absolue » souleva beaucoup de confusion et de remous. Pour Clausewitz, ce concept qui ne doit pas être confus avec la « guerre totale », est fictif. La « guerre absolue » est une abstraction qui sert à unifier tous les phénomènes militaires et rendre leur traitement théorique possible. 77 Comme le précise Christopher Bassford: « à l’époque, la science utilisait souvent la condition absolue avant d’en analyser la réalité. Une “guerre absolue” élimine les contraintes de temps, d’espace et de nature humaine pour créer un fantasme logique qui ne peut exister. »78 Les critiques voyaient dans ce concept la nécessité de déployer un effort suprême pour toute guerre, peu importe sa cause et son but. La « guerre réelle », celle que nous expérimentons, est bien différente. Elle se produit sur un spectre qui va de la menace d’utiliser la force, jusqu’à la guerre limitée dans son échelle par les contraintes de ressources, aux conflits illimités dans le sens où un des antagonistes n’est prêt à accepter aucun autre résultat que le renversement total de son adversaire. 79 En 1827, Clausewitz donna son intention de réviser Vom Kriege sur la base de deux sujets: le premier fut qu’il y avait deux types de guerre, absolue et limitée, et le second, que la guerre était la continuation de la politique par d’autres moyens.80 DU 21IÈME SIÈCLE Contrairement à ce que le Prince Andrei Tolstoy croyait dans War and Peace, à savoir qu’un jour la guerre deviendrait si horrible que l’homme et les nations y renonceraient,81 le nombre de conflits actuels dans le monde laisse présager que le futur sera victime d’une aussi grande instabilité. La menace interne, que Clausewitz appelerait d’ordre Vol. 2, no. 4, hiver 1999 CLAUSEWITZ EST-IL DÉSUET? Révolution en cours ou non, nous faisons face à des changements technologiques qui auront un impact certain sur notre doctrine. L’ère des communications permettra un commandement et contrôle plus efficace, une intelligence plus complète et un accès à l’information en temps quasi-réel, des munitions plus destructrices et plus précises ainsi que des dispositifs de surveillance plus sophistiqués pour ne nommer que ceuxci. Le contrôle du spectre électromagnétique deviendra un avantage décisif.82 Comme le souligne Michael Handel, les aspects de Vom Kriege qui traitent de la nature humaine, de l’incertitude, de la politique et du calcul rationnel demeureront valides éternellement. Dans tous les autres domaines, la technologie a transformé et changé irreversiblement l’aspect de la guerre.86 L’image que Clausewitz utilise pour définir la guerre, le duel entre deux lutteurs, sa subordination à la politique, sa comparaison au caméléon et l’étonnante trinité auquelle la théorie doit maintenir un équilibre comme un objet suspendu entre trois aimants, démontre une approche que l’on qualifierait de non-linéaire au temps présent. Son emphase sur l’imprévisibilité de la guerre basée sur de multiples interactions, la friction et la chance démontre à quel point l’adaptabilité est importante.87 Michael I. Handel croit que si Clausewitz avait vécu les développements qui suivirent sa mort, il aurait ajouté la technologie comme quatrième élément de sa trinité.83 « Bien que cette supposition pourrait être intéressante à étudier, elle ne viendrait en rien modifier sa structure de la guerre puisque la technologie affecte la grammaire de la guerre et non sa logique. » 84 La technologie change ainsi la forme que prend la guerre et ne modifie en rien sa nature. En prenant l’image du caméléon que Clausewitz utilise dans sa représentation du caractère changeant de la guerre, la Clausewitz n’a pas décrit comment les guerres futures se dérouleraient, mais il fut un futuriste dans sa construction d’une théorie de la guerre en établissant sa structure d’analyse de la guerre, sa trinité, qui demeure valide bien après sa mort. Certes, il nous faut prendre avantage de cette nouvelle technologie et l’incorporer dans nos forces militaires tout en gardant un oeil sur ce que l’ennemi potentiel, aussi complexe que ceci puisse être. Malgré cette technologie et l’hypothèse que, grâce à elle, les prochaines guerres pourront être sans effusion de sang, aussi insensé que cela puisse paraître, CONCLUSION il faut garder en tête que l’ennemi tentera d’exploiter nos faiblesses.88 Le peuple, relié au premier pillier de la trinité, pourrait être une cible de choix en attaquant ses avoirs financiers ou encore en utilisant les médias dans le but d’influencer l’opinion publique. Pour ce qui est de la chance et des probabilités, nous n’avons qu’à souhaiter que notre commandant sera ce « génie guerrier » qui possèdera les qualités nécessaires pour vaincre la friction et utiliser la chance à notre avantage. La nature subordonnée de la guerre comme instrument politique est chose facile à dire mais comment difficile à appliquer. Notre gouvernement pourrait tirer quelques leçons de Vom Kriege. Une réévaluation constante de Clausewitz en tant qu’autorité militaire dans les manuels de doctrine et d’entraînement s’avère nécessaire. La simplicité d’une liste de principes de guerre bien que très attrayante, puisque facile à comprendre et à mémoriser, ommetrait le caractère humain de la guerre et sa non-linéarité. « Une théorie ne peut être appliquée sur des problèmes pour lesquels elle n’avait pas l’intention d’expliquer, et les théories militaires sur la guerre ne peuvent remplacer la théorie politique sur l’évolution des sociétés et le désordre d’harmonie entre les États. »89 Bien que plusieurs théoriciens tentent de rendre les théories de Clausewitz désuètes, elles ne peuvent être discréditées à l’approche du 21ième siècle. Les militaires et politiciens du 21ième siècle ont grand intérêt à lire De la Guerre pour éviter que certaines erreurs du passé ne se reproduisent. Je me souviens 63 Captain John Grodzinski L’avertissement de Clausewitz sur la nécessité pour le gouvernement d’établir les objectifs stratégiques et de calculer le ratio coûts/bénéfices est d’autant plus important de nos jours. L’importance des règles d’engagement pour les missions de paix et l’attribution des ressources nécessaires pour faire notre travail démontrent ce besoin. technologie ne serait qu’un simple changement de couleur. Il ne faudrait négliger l’effet que la technologie exerce sur les trois éléments de la trinité. L’évolution des systèmes d’information et de communication aura pour effet de diminuer le délai et la sensibilité de chaque composante dans sa relation avec les autres.85 Clausewitz au 21ième siècle politique ou de stabilité interne a été ommise dans la théorie clausewitzienne étant donné son jeune âge. Malgré ce fait, la théorie clausewitzienne s’applique très bien aux conflits de faible intensité et aux opérations autres que la guerre. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre À propos de l’auteur . . . Le Capitaine Simon Bernard est titulaire d’un Baccalauréat en Administration du Collège militaire Royal de Saint-Jean. Il poursuit actuellement une Maîtrise en études sur la conduite de la guerre du Collège militaire Royal du Canada. Membre du Royal 22ième Régiment, il occupe présentement le poste d’officer d’état-major du chef d’état-major (OEM CEM) au quartier-général du Secteur du Centre de la Force terrestre à Toronto. NOTES 1 B.H. Liddell Hart, « Future armaments and Their Future Use », The Yale Review (1930), p. 649. 2 Carl von Clausewitz, On War, Thèse de Michael Howard, Princeton, (1984), p. 8. 19 Michael I. Handel, Who is afraid of Carl von Clausewitz?: A guide to the perplexed, US Naval College, 6ième Édition (été 1997), p. 3. 3 Michael I Handel, Masters of War: Classic Strategic thought, FrankCass (1996), p. 263. 20 Carl von Clausewitz, De la guerre, Les Éditions de minuit, (1955), p. 145. 4 Peter Paret, Understanding War, Princeton, (1992), p. 96. 21 Idem, p. 51. 5 Eric Alterman, « The Uses and Abuses of Clausewitz », Parameters, (été 1987), p. 19. 22 Idem, p. 145. 6 Peter Paret, Understanding War, Princeton, (1992), p. 82. 7 Allan D. English, The changing Face of War: Learning from History, McGill-Queen’s, (1998), p. 11. 8 Idem, p. 10. 9 Idem, p. 195. 10 Alan B. Beyerchen, Clausewitz, Nonlinearity and the Unpredictability of War, (1992), p. 59. 11 Raymond Aron, Sur Clausewitz, Éditions Complexe, (1987), p. 42. 12 Eric Alterman, « The Uses and Abuses of Clausewitz », Parameters, (été 1987), p. 19. 13 Allan D. English, The Changing Face of War: Learning from History, McGill-Queen’s, (1998), p. 11. Le capitaine Simon Bernard 18 Steve R. Mann, Reaction to Chaos, Complexity, ch. 6, p. 1. 14 Michael I. Handel, Who is afraid of Carl von Clausewitz?: A guide to the perplexed », US Naval College, 6ième Édition, (été 1997), p. 1. 15 Carlo D’Este, Patton: A Genius for War, (1995), p. 120. 16 Allan D. English, The Changing Face of War: Learning from History, McGill-Queen’s, (1998), p. 10. 23 Michael I. Handel, Who is afraid of Carl von Clausewitz? : A guide to the perplexed, US Naval College, 6ième Édition, (été 1997), p. 3. 24 Michael I. Handel, Masters of War : Classical Strategic Thought, Frank Cass, (1996), p. 63. 25 Dr Christopher Bassford, Doctrinal complexity : Nonlinearity in Marine Corps Doctrine, Article de l’internet, (1998), p. 3. 26 Emile Wanty, L’art de la guerre, Marabout université, p. 388. 27 Edward J. Villacre and Christopher Bassford, « Reclaiming the Clausewitzian Trinity », Parameters, (automne 1995), p. 3. 28 Idem, p. 34. 29 John Keegan, A History of Warfare, Vintage, (1993), p. 20. 30 Edward J. Villacre and Christopher Bassford, « Reclaiming the Clausewitzian Trinity », Parameters, (automne 1995), p. 3. 31 Michael I. Handel, Makers of Modern Strategy: Classical Strategic Thought, Frank Cass, (1996), p. 262. 32 David tucker, « Fighting Barbarians », Parameters, (été 1998), p. 2. 33 Robert E. Baumann, « Historical Perspectives on Future War », Military Review, (mars-avril 1997), p. 7. 34 Carl von Clausewitz, On War, Princeton, (1984), p. 593. 17 Michael I. Handel, Who is afraid of Carl von Clausewitz?: A guide to the perplexed, US Naval College, 6ième Édition, (été 1997), p. 2. 64 35 Paul Marie De La Gorce, Clausewitz et la stratégie moderne, Marabout, (1964), p. 147. Vol. 2, no. 4, hiver 1999 38 Idem, p. 102. 39 Carl von Clausewitz, On War, L’influence de Clausewitz, Thèse de Michael Howard, (1984), p. 34. 40 Alan D. Beyerchen, Clausewitz, Nonlinearity and the Unpredictability of War, (1994), p. 77. 41 Carl von Clausewitz, On War, L’origine de On War, Thèse de Peter Paret, (1984), p. 18. 42 Idem, p. 18. 43 Carl von Clausewitz, De la guerre, Les Éditions de minuit, (1955), p. 109. 44 Idem, p. 109. 65 John Keegan, A History of Warfare, Vintage (1993), p. 3. 66 Idem, p. 12. 67 Capt Paul Johnston, The Clausewitzian Swamp: A Discussion Paper, Internet, (1995), p. 9. 68 Martin Van Creveld, The Transformation of War, (1991), p. 157. 69 Martin Van Creveld, On Future War, p. 49. 70 Michael I. Handel, Masters of War: Classical Strategic Thought, FrankCass, (1996), p. 263. 71 Kirsten Cale, The living Marxism, Issue 73, (1994), p. 1. 72 Raymond Aron, Penser la guerre, Clausewitz , Éditions Gallimard, (1976), p. 8. 45 Idem, p. 109. 73 Raymond Aron, Penser la guerre, Clausewitz , Éditions Gallimard, (1976), p. 14. 46 Alan D. Beyerchen, Clausewitz, Nonlinearity and the Unpredictability of War, (1994), p. 67. 74 Martin Dunn, « Levels of War. Just a set of labels? », Research and Analysis, (1996), p. 2. 47 Idem, p. 68. 75 Christopher Bassford, « Clausewitz and his Works », CWZHOME, p. 22. 48 Paul Van Riper, Preparing for War in the 21st Century, US Strategic Institute, (1997), p. 7. 49 Michael I. Handel, Who is afraid of Carl von Clausewitz? A guide to the perplexed, Naval War College, 6ième Édition, (été 1997), p. 5. 50 Idem, p. 7. 51 Carl von Clausewitz, De la guerre, Les Éditions de minuit, (1955), p. 66. 52 Idem, p. 61. 53 Carl von Clausewitz, On War, Princeton, (1984), p. 142. 76 Raymond Aron, Penser la guerre, Clausewitz , Éditions Gallimard, (1976), p. 10. 77 Carl von Clausewitz, On War, Thèse de Michael Howard, (1984), p. 21. 78 Christopher Bassford, « John Keegan and the Grand tradition of trashing Clausewitz », in War in History, vol. 1, no. 3, Edward Arnold, (1994), p. 5. 79 Idem, p. 5 80 John A. English, Marching through Chaos: The Descent of Armies in Theory and Practice, Praeger, (1998), p. 35. 54 Conduite des opérations terrestres, B-GL-300-001/FP-000. 81 David Jablonski, « Time’s Arrow, Time’s Cycle: Metaphors for a Period of Transition », Parameters. 55 Paul-Marie De la Gorce, Clausewitz et la stratégie moderne, (1984), p. 152. 82 Conduite des opérations terrestres, B-GL-300-001/FP-000. 56 Colin Powell, A Soldier’s Way, Hutchison, (1993), p. 464-465. 83 John A. English, Marching through Chaos: The Descent of Armies in Theory and Practice, Praeger, (1998), p. 49. 57 Carl von Clausewitz, De la Guerre, Les Éditions de minuit, (1955), p. 708. 58 Idem, p. 70. 84 Antulio J. Echevarria II, « War and Politics: The Revolution in Military Affairs and the Continued Relevance of Clausewitz », Joint Forces Quarterly, (1995-1996), p. 3. 59 Idem, p. 70. 85 Idem, p. 3. 60 Idem, p. 703. 86 Alan B. Beyerchen, Clausewitz, Nonlinearity and the Unpredictability of War, (1992), p. 59. 61 Carl von Clausewitz, On War, Thèse de Michael Howard, Princeton, (1984), p. 13. 87 Idem, p. 90. 62 Paul-Marie De La Gorce, Clausewitz et la stratégie moderne, p. 150. 88 Charles J. Dunlap, « 21st Century Land Warfare: Four Dangerous Myths », Parameters, (automne 1997). 63 Michael I. Handel, Masters of War: Classical Strategic Thought, FrankCass, (1996), p. 61. 89 Michael I. Handel, Masters of War: Strategic Classical Thought, FrankCass, (1996), p. 265. 65 Captain John Grodzinski 37 Idem, p. 85. 64 Idem, p. 61. Clausewitz au 21ième siècle 36 Carl Von Clausewitz, De la guerre, Les Éditions de minuit, (1955), p. 84. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre L'AFFAIRE DU NAVIRE TRENT (1861) Le major W.E. (Gary) Campbell, CD ans la version originale anglaise de son livre, Nos soldats, le lieutenant-colonel George F.G. Stanley ajoutait le sous-titre « Histoire militaire d’un peuple non militaire » pour décrire le manque d’intérêt général de la plupart des Canadiens à l’égard des affaires militaires.1 Toutefois, comme l’illustre habilement son livre, la fibre même de la société canadienne est issue des opérations militaires. Malheureusement, nombre de ces événements sont presque tombés dans l’oubli car le rôle joué par les militaires dans le développement de notre pays a été grandement atténué. L’un de ces épisodes « presque oubliés » est l’affaire du navire Trent, une simple Le major W.E. (Gary) Campbell D dispute diplomatique qui faillit entraîner le Canada dans la guerre civile américaine. La réponse des militaires à l’affaire du navire Trent fut encore plus intéressante. En effet, l’Angleterre rassembla une force de 11 500 hommes qu’elle déploya au Canada sur le tempétueux Atlantique nord; par la suite, 6 818 de ces hommes parcoururent, en traîneaux, à des températures glaciales, plus de 309 milles à travers le Nouveau-Brunswick dans le but d’atteindre le Saint-Laurent, puis, de là, prendre le train jusqu’à Québec et Montréal.2 Cet incroyable déploiement mérite qu’on s’en souvienne. Tel est le but du présent article. Figure 1 : Les troupes de renfort pour le Canada traversent le Nouveau-Brunswick — Arrivée d’un détachement du 63rd Regiment à une caserne temporaire 66 Au moment de la déclaration de la guerre civile américaine, les effectifs militaires stationnés en Amérique du Nord britannique étaient peu nombreux. Quoique plus élevés que le bas record atteint au moment du déploiement des forces vers la Crimée, ils demeuraient tout de même inférieurs au niveau traditionnel des forces qui se baggarraient avec l’armée régulière des États-Unis. En se fondant sur la philosophie que de « bonnes clôtures favorisent le bon voisinage », le gouvernement britannique décida, en 1861, de renforcer le Canada (qui se composait à l’époque des provinces actuelles de l’Ontario et du Québec), en y envoyant trois bataillons d’infanterie et une batterie d’artillerie de campagne. Depuis longtemps, l’annexion du Canada à l’Union habitait l’imaginaire de certains politiciens des états du nord des Etats-Unis. Par conséquent, on craignait vraiment que les forces de l’Union ne se dirigent vers le nord après leur victoire certaine sur les états confédérés. Cette menace provoqua l’expansion rapide du mouvement des volontaires en Amérique du Nord britannique. Au mois de septembre 1861, le Canada demande au gouvernement britannique de fournir 100 000 fusils à ces volontaires. Même si on s’entendit, à la fin d’octobre, pour l’envoi de 25 000 fusils, il fut décidé de ne pas les expédier avant le printemps. L’hiver approchait et il était impossible de les préparer à temps pour les charger sur le dernier navire de la saison qui devait quitter le port le 5 novembre.3 Cette période de tension prudente prit abruptement fin le 8 novembre 1861 lorsque le USS San Jacinto arraisonna, Vol. 2, no. 4, l’hiver 1999 Le premier groupe de soldats déployé en Amérique du Nord britannique avait pour mission d’appuyer la garnison en attendant l’arrivée d’une force plus nombreuse au printemps (avant le début de la saison des campagnes) et de contrer toute offensive hâtive venant du Nord des États-Unis. Les troupes destinées au commandement de la Nouvelle-Écosse (les provinces actuelles du NouveauBrunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l’Île du Prince-Édouard) pouvaient se déployer directement par la mer. Cependant, la majorité de la force devait se rendre au Canada, ce qui représentait un défi de taille. En effet, la saison navigable sur le Saint-Laurent était terminée depuis la fin du mois de novembre et les phares et autres aides à la navigation étaient fermés. On espérait tout de même que les navires puissent atteindre au moins Rivière-duLoup, terminus du chemin de fer Grand Trunk ou encore au Bic, qui se trouvait à environ 54 milles en amont de Rivièredu-Loup. Dans l’impossibilité d’atteindre Rivière-du-Loup ou le Bic, les navires devaient être détournés vers Halifax. Les troupes pourraient alors se rendre à St John et, de là, traverser les terres jusqu’à Rivière-du-Loup afin de prendre le train vers Québec, Montréal ou d’autres points situés aussi loin à l’ouest que London, Canada-Ouest.6 Même si le déploiement avait été rapidement planifié, il ne fut pas mal planifié. Le ministère de la Guerre avait retenu des leçons de la guerre de Crimée et de l’hiver désastreux de 1854-1855. On fit donc amplement appel à l’expertise des officiers qui connaissaient bien le Canada ainsi qu’à Florence Nightingale qui donna de précieux conseils sur la santé et l’hygiène des troupes pendant une marche d’hiver. Un ancien commissaire qui avait été chargé pendant l’hiver de 1837-1838 de prendre les dispositions nécessaires à la marche des 43rd, 85th et 34th Regiments, fit plusieurs suggestions qui furent incorporées au plan final.7 La fièvre des préparatifs se faisait sentir au Royaume-Uni alors qu’on appelait les troupes en service, qu’on affrétait les navires et qu’on préparait le 67 Captain John Grodzinski Le plan de campagne mis au point dans l’éventualité d’une guerre se révéla très souple. On y envisageait même, si nécessaire, d’envahir les États-Unis par les deux voies d’invasion naturelles, c’est-à-dire en direction sud à partir de la péninsule du Niagara et à partir de Montréal, par le lac Champlain. Ces forces d’invasion diviseraient alors les états du nord en deux. Cette invasion, combinée aux opérations des états confédérés et à un blocus des ports de l’Atlantique par la Royal Navy, ne pouvait que donner une victoire rapide.5 Autrement, le plan consistait à défendre la frontière contre une agression possible par les états du nord. Au besoin, les forces de la Milice locale prêteraient main-forte aux soldats réguliers britanniques. Figure 2 : Les troupes de renfort pour le Canada traversent le Nouveau-Brunswick — Une partie du 63rd Regiment dans la vallée du Nerepis L'affaire du navire Trent (1861) dans le passage des Bermudes, le navire postal britannique Trent et captura deux agents confédérés en route vers l’Angleterre et la France. Cet enlèvement donna lieu à l’affaire du navire Trent. Cette double violation des lois de la mer et de la neutralité britannique souleva l’ire du gouvernement et du peuple britanniques. La joie évidente des Américains d’avoir réussi à tordre la queue du lion aggrava davantage la situation. La guerre semblait imminente. Pendant qu’on multipliait les demandes de libération des agents confédérés et que le prince consort Albert, bien que mourant, tentait de trouver une solution pacifique, le ministère de la Guerre britannique faisait des plans en vue de l’envoi immédiat de renforts en Amérique du Nord britannique. Le plan fut rapidement mis en œuvre. En effet, les nouvelles concernant le Trent ne parvinrent à Londres que le 28 novembre, et dès le 6 décembre, la décision d’envoyer des renforts était prise et les premières troupes s’embarquaient le 7 décembre.4 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre et le navire dut rapidement reprendre la mer. Une compagnie d’infanterie demeura sur le pont alors qu’une partie de l’équipage demeurait sur le rivage. Les soldats troquèrent alors leur habit de soldat pour celui de marin jusqu’à ce que le navire atteigne Halifax.9 Après deux tentatives et de multiples avaries, le navire qui transportait le gros des troupes du 96th Regiment dut finalement rebrousser chemin vers l’Angleterre. Le régiment reçut une mention élogieuse de l’Amirauté pour avoir réussi à sauver le navire.10 Un total de seize navires furent affrétés; certains d’entre eux firent plus d’une traversée. Le major W.E. (Gary) Campbell À la fin de décembre 1861, les navires de transport de troupes remplissaient le port de Halifax. Restait à régler le problème du déploiement des troupes vers le Canada. Dirigé par le majorgénéral Sir Hastings Doyle, l’état-major militaire qui se trouvait à Halifax cherchait activement une solution à ce Figure 3 : Les canons Armstrong sont chargés sur des traîneaux au dépôt de matériel militaire de St John, Nouveau-Brunswick, en préparation de leur transport vers le Canada par voies terrestres matériel de guerre (armes, munitions, hommes du 1 er Bataillon du matériel de camp et uniformes destinés 16th Regiment qui se trouvaient à bord aux troupes britanniques et à la Milice du Persia s’apprêtaient à débarquer, de l’Amérique du Nord britannique) en une vague de glace descendit le fleuve vue de son expédition. En hiver, la ITINÉRAIRE DE LA MARCHE traversée de l’Atlantique nord balayé Jour Distance/milles Endroit Remarques par les tempêtes n’était pas sans danger (cumulatif) comme purent le constater les navires 0 0 ( 0) St John Quartier général de contrôle. Major-général de transport de troupes lorsqu’ils furent Rumley commandant séparés de leurs escortes en raison 1 30 ( 30) Petersville du mauvais temps. La plupart des navires affrétés étaient des vapeurs à 2 30 ( 60) Fredericton aubes, ce qui limitait énormément leur 3 29 ( 89) Dumfries capacité à naviguer dans les glaces à 4 32 (121) Woodstock l’approche du Saint-Laurent; de plus, 5 23 (144) Florenceville leurs moteurs résistaient mal aux intempéries. Les journaux du temps 6 26 (170) Tobique (Andover) rapportèrent que le Parana, ayant un 7 24 (194) Grand Falls millier d’hommes à son bord, accusait Little Falls 8 36 (230) (Edmundston) du retard et on craignait qu’il ait péri. Heureusement, ce ne fut pas le cas. Arrêt du midi Degele (Dégelis) En plus d’avoir connu une lente 9 37 (267) Fort Ingall Réserves de rations pour 200 hommes pour traversée, il s’était échoué sur un banc (Cabano) une durée de 30 jours entreposées ici. de sable à la suite d’une bourrasque Arrêt du midi Saint Francis Réserves de rations pour 200 hommes pour de neige; il réussit finalement à se une durée de 5 jours entreposées ici. remettre à flot à la faveur de la marée 10 42 (309) Rivière-du-Loup Embarquement à bord des trains du Grand montante et atteignit Trunk Halifax. 8 Un seul navire, le Persia, réussit à remonter le Saint-Laurent jusqu’au Bic. Au moment où les Tableau 1 : Itinéraire de la marche 68 problème. En hiver, la façon la plus simple et la plus pratique pour se rendre au Canada consistait à emprunter le chemin de fer qui reliait Portland (Maine) et Montréal. Compte tenu de l’éventualité d’une guerre avec les États-Unis, il était impensable d’avoir recours à cette solution. Même si, selon les plans de base, les troupes devaient se rendent à St John, leur mouvement vers l’ouest pouvait se faire de deux façons. La première option consistait à emprunter le trajet maintes fois éprouvé que constituait la rivière St John pour se rendre jusqu’au niveau de la ville actuelle d’Edmundston, puis de traverser les terres jusqu’à Rivière-duLoup. On étudia également la possibilité d’utiliser le lien ferroviaire entre St John et Shediac, puis la route jusqu’à Campbellton, puis de traverser les terres jusqu’à Métis sur le Saint- Laurent; cette option fut cependant rejetée. Ainsi, pendant que les troupes traversaient l’Atlantique, l’état-major militaire s’affairait à organiser le transport, le logement et le vivre le long de la rivière St John. Le désir d’utiliser des méthodes de transport modernes était évident. À l’époque, la construction du chemin de fer Saint Andrews - Québec s’arrêtait à Canterbury; on crut d’abord que c’était là le meilleur moyen d’amener les troupes aussi loin que Woodstock. Ce ne fut malheureusement pas possible car le chemin de fer ne fut pas à la hauteur de la tâche en raison du temps froid et des grandes quantités de neige qui s’accumulaient sur les rails. Finalement, l’itinéraire choisi traversait les terres, depuis St John jusqu’à Fredericton, puis suivait la rive ouest de la rivière St John jusqu’à Grand Falls (Edmundston) avant de se diriger vers le nord jusqu’à Fort Ingall et de là, par dessus le « Grand Portage » jusqu’à Rivière-du-Loup. Compte tenu des retards causés par le mauvais temps, il fallait 10 jours aux traîneaux pour parcourir tout le trajet. Les neuf arrêts de nuit prévus furent organisés par les détachements du Military Train, le Army Hospital Corps et le Commissariat Staff Corps. Les vivres étaient achetés localement quoique le Commissaire établit des boulangeries à Grand Falls et à Fort Ingall.11 Le 1er Bataillon du Military Train fut chargé de la gestion du transport. Le contrat fut organisé par le commissaire adjoint, le général Mahon, à Fredericton, et le transport 69 L'affaire du navire Trent (1861) Figure 4 : Le navire de charge à vapeur ADRIATIC emprisonné par la glace à Sidney, Cap-Breton Captain John Grodzinski Vol. 2, no. 4, l’hiver 1999 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Le major W.E. (Gary) Campbell Figure 5 : Les troupes de renfort pour le Canada — Les Guards quittant la gare des chemins de fer de South-western en direction de Southampton fut confié à trois entrepreneurs, lesquels divisèrent le trajet en trois étapes (St John – Fredericton, Fredericton – Little Falls, Little-Falls – Rivière-du-Loup)12 . Ces entrepreneurs fournirent des traîneaux rudimentaires tirés par deux chevaux, capables de transporter huit hommes face à face. Les Gardes, de stature plus imposante, ne pouvaient monter que six par traîneau. Chaque traîneau était doté d’une petite trousse de réparation ou d’urgence composé d’une scie, d’un marteau, de clous, d’un canif et de corde, en plus d’une allocation de pelles à neige et de raquettes. La plupart des conducteurs des traîneaux et des chevaux travaillaient habituellement dans l’industrie du bois ou encore étaient des fermiers locaux, habitués aux conditions hivernales en cette période de l’année. Des traîneaux semblables furent fournis pour le transport des dix-huit canons Armstrong des trois batteries de campagne. Pour le mouvement, les troupes furent divisées en rames d’environ 160 hommes. Une rame type se composait d’un premier traîneau transportant la moitié des officiers, suivi 70 des traîneaux transportant les bagages et leurs escortes; puis venaient les traîneaux à bord desquels se trouvait le gros des troupes et finalement, le dernier traîneau où l’on retrouvait le reste des officiers. Avant de quitter l’Angleterre, chaque soldat avait reçu des vêtements d’hiver chauds composés d’un chapeau de fourrure à rabats, de grosses couvertures de laine, de gilets en peau de chamois, d’une chemise et d’un pantalon en flanelle, de gants chauds, d’une paire de bottes hautes et de gros bas de laine. Les hommes du Military Train reçurent également un caban. De plus, une fois rendus à St John, les hommes reçurent des mocassins et les entrepreneurs fournirent de la paille et des peaux de buffle. Des repas chauds furent également servis au petit déjeuner, au dîner et au souper. De plus, on encouragea les hommes à courir, à tour de rôle, à côté des traîneaux afin d’activer la circulation du sang. Des médecins militaires voyageaient avec la plupart des groupes et d’autres se trouvaient à chaque halte.13 L’itinéraire s’était considérablement amélioré depuis les déploiements précédents; il suivait maintenant une route établie. La partie qui traversait le Nouveau-Brunswick était en mauvais état mais la portion qui se trouvait au Canada était bien entretenue. Par mauvais temps, des charrues et des Figure 6 : Livraison de munitions de guerre pour le Canada Vol. 2, no. 4, l’hiver 1999 Les troupes commencèrent à quitter Halifax en direction de St John le 1er janvier 1862. Le 62nd Regiment dont le quartier général se trouvait à Halifax et qui comptait des détachements à Fredericton, St John et St John’s fut le premier à partir. Accompagné d’une batterie d’artillerie de campagne créée pour l’occasion et du tiers du 1er Bataillon du Military Train, le 62nd Regiment quitta St John à bord de bateaux en direction de Saint Andrews où il prit le train jusqu’à Canterbury pour se diriger ensuite, en traîneaux, vers Woodstock et poursuivre son Vers le milieu du mois de janvier, l’option Saint Andrews fut abandonnée et les troupes partirent directement de St John. Le commandement et le contrôle du mouvement étaient assez simples. Même si l’itinéraire traversait les limites des commandements de Nouvelle-Écosse et du Canada, il fut décidé que la partie terrestre du mouvement, entre St John et Rivièredu-Loup, serait contrôlée par le commandement de la NouvelleÉcosse depuis un quartier général situé à St John. Le commandement du Canada prendrait ensuite la relève pour faire embarquer les troupes à bord des trains et contrôler le mouvement jusqu’à Québec, Montréal et les villes situées plus à l’ouest. Le mouvement des troupes était réglé en utilisant le télégraphe, ce qui nécessita l’établissement rapide de bureaux de télégraphe aux arrêts de nuit non encore dotés de ce système de communication. Les officiers responsables des troupes devaient transmettre un rapport tous les soirs. Les informations ainsi fournies permettaient de contrôler le mouvement et de le retarder lorsque les groupes précédents étaient ralentis par des tempêtes comme ce fut parfois le cas. Un autre contrôle était exercé par les officiers d’étatmajor qui parcouraient l’itinéraire dans les deux sens à bord de traîneaux express.16 Le 13 mars 1862, le dernier groupe d’hommes quittait 3 des traîneaux mais de la capacité de la compagnie Grand Trunk à fournir des wagons à Rivière-du-Loup. Le transport des troupes ne se révéla guère plus coûteux qu’un mouvement équivalent qui utiliserait le systeme ferrovière britannique.17 Les récits de l’époque mentionnent que les troupes furent accueillies avec beaucoup de chaleur et de gentillesse tout le long de l’itinéraire, ce qui facilita certainement leur passage. On trouvera ci-dessous la liste des régiments et autres unités qui ont participé à cette marche vers le Canada au cours de l’hiver 1861-1862 : Infanterie k 1er Bataillon, Grenadier Guards k 2e Bataillon, Scots Fusilier Guards k Compagnie, 1 er Bataillon, 16th (Bedfordshire) Regiment k 62nd (Wiltshire) Regiment k 63rd (West Suffolk) Regiment k 1er Bataillon, The Rifle Brigade Captain John Grodzinski Le tableau 1indique de façon détaillée l’itinéraire et les endroits où les troupes passèrent la nuit. voyage plus à l’ouest. Le 62nd Regiment avait pour mission de protéger l’itinéraire contre toute interférence américaine possible, tout particulièrement les unités de l’Armée du Nord situées à Houlton, dans le Maine, et de préparer, au besoin, les endroits où les troupes devaient faire halte. En cas de besoin, le 62nd Regiment aurait été appuyé par le 1er Bataillon The Rifle Brigade. 15 Heureusement, ce ne fut pas nécessaire puisque la crise prit fin à la fin de décembre et les agents confédérés furent libérés le 9 janvier 1862. Il fut décidé que les troupes qui étaient déjà en route vers le Canada poursuivraient leur voyage, mais on mit fin aux autres départs depuis la Grande-Bretagne. Artillerie k Batteries E, F et G, 4th Brigade Field Artillery k Batteries numéro 5 et 6, 7th Brigade Garrison Artillery k Batteries numéro 1, 4, 5 et 6, 10th Brigade Garrison Artillery Génie k Compagnies numéro 15 et 18 du Royal Engineers 71 L'affaire du navire Trent (1861) rouleaux gardaient la route ouverte. Les troupes étaient logées, autant que possible, dans des bâtiments existants comme des maisons, des hôtels, des entrepôts ou des granges. (Elles eurent la chance de pouvoir utiliser des baraques à St John et à Fredericton et, pour cette occasion, le poste abandonné de Fort Ingall fut réaménagé). Seules Petersville et St Francis ne purent fournir les logements requis; on dut donc construire de longues cabanes temporaires en bois rond. Les officiers logeaient dans des hôtels ou des maisons privées avoisinantes. À l’hiver 1813, au cours de la marche du 104 th Foot 14 entre le NouveauBrunswick et le Haut-Canada, une tempête avait retardé une compagnie entre Fort Ingall et Rivière-du-Loup; on y établit donc des réserves de matériel et de nourriture afin de tenir compte de cette possibilité. En somme, les forces qui utilisèrent cet itinéraire en 1861 et 1862 connurent beaucoup moins de difficultés que les membres du 104th Foot qui durent, en 1813, parcourir le trajet à pied en tirant des toboggans. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Corps de soutien et autres k 58 instructeurs de cavalerie pour la cavalerie et les volontaires k 1er et 3e Bataillons, Military Train k Détachements de médecins militaires et de personnel du Army Hospital Corps Le major W.E. (Gary) Campbell k Détachements d’officiers du Commissariat et de personnel du Commissariat Staff Corps Au moment de la planification du mouvement, on avait tenu compte de trois principaux facteurs, soit l’ennemi, les conditions météorologiques et la désertion. Heureusement, les troupes n’eurent à faire face à aucune menace ennemie puisque la crise du Trent s’était résorbée à la fin de décembre et que le Nord avait décidé de libérer les agents confédérés. Cependant, comme nous l’avons déjà mentionné, il fut décidé de poursuivre le déploiement des troupes déjà sur place mais d’arrêter l’envoi de forces supplémentaires. Le Nord offrit gracieusement aux autorités britanniques d’utiliser le lien ferroviaire entre Portland, dans le Maine, et Montréal, offre qui fut déclinée avec prudence. Toutefois, comme le « canard boiteux » à bord duquel se trouvaient les membres de l’état-major avait pris 29 jours pour traverser l’Atlantique au lieu des 12 ou 13 jours habituels, (l’état-major n’arriva à Halifax que le 5 janvier 1862), ces derniers acceptèrent l’offre car ils devaient se rendre rapidement au Canada. Ils dissimulèrent donc les étiquettes militaires de leurs bagages et prirent le premier navire postal de la Ligne Cunard en direction de Boston, puis le chemin de fer jusqu’à Montréal.18 . Grâce aux excellentes mesures médicales mises en place, il y eut peu 72 Figure 7 : Les troupes de renfort pour le Canada — troupes du Military Train de pertes pendant le mouvement. Pas plus de 70 hommes furent admis aux hôpitaux établis le long de l’itinéraire; seulement deux personnes moururent des suites de maladies et deux autres décédèrent à la suite d’une consommation excessive d’alcool. Parmi les onze cas d’engelures, un seul fut sérieux et c’est parce que la victime avait également fait un usage abusif d’alcool. 19 En dépit de températures aussi basses que – 25 degrés Fahrenheit, ce fut un hiver somme toute assez doux et peu venteux. Il y eut évidemment certains retards dus au mauvais temps dont le plus important fut causé par un blizzard qui souffla du 21 au 23 janvier. Les désertions furent également rares. Les « recruteurs »20 étaient très actifs le long de la frontière du Maine et du NouveauBrunswick. L’Armée de l’Union avait un urgent besoin de soldats entraînés. Aussi, les soldats britanniques se voyaient-ils offrir des primes et des promotions fort tentantes pour s’enrôler dans l’Armée de l’Union. La ville de Tobique (aujourd’hui Andover) fut un foyer de désertion particulièrement fertile. Le lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick fit appel à la Milice pour protéger les troupes contre les « recruteurs » de même que pour aider au mouvement des troupes. Les officiers qui voyageaient avec chaque rame avaient reçu l’ordre de se montrer particulièrement vigilants. Dans l’ensemble, il n’y eut que neuf désertions, dont trois à Tobique. 21 Une fois au Canada, l’emploi des troupes fut loin de créer l’événement. Même si la menace d’invasion par le Nord s’était dissipée, on décida de maintenir quand même une position défensive. Au cours de l’été 1862, on réduisit le nombre de troupes déployées au Canada. À l’automne de 1862, la force avait été divisée en trois groupes de manoeuvre. L’un d’eux, basé à London, Ontario, En plus d’établir les gardes et de donner l’instruction, les garnisons de l’armée régulière servaient également à entraîner les unités de la Milice canadienne des volontaires alors en pleine expansion. Les officiers de l’armée régulière enseignaient dans les écoles militaires créées en 1864. Au début de 1865, les militaires de l’armée régulière britannique organisèrent à l’intention de la Milice des camps d’instruction établis à divers endroits dont La Prairie et Fredericton.23 À cette époque, une activité populaire parmi les officiers qui n’étaient pas de service consistait à visiter l’Armée de l’Union et l’Armée confédérée sur le champ de Figure 8 : Route d’hiver empruntée par les Grenadiers Guards pour traverser le Nouveau-Brunswick, en 1861 bataille. Un des premiers à se livrer à cette activité fut le colonel ClarkKennedy, colonel-commandant du Military Train, lequel rendit visite à l’Armée de l’Union sur le Potomac, en février 1862. Après sa visite à l’Armée de la Virginie du Nord, le lieutenant-colonel Wolseley pensa qu’une division de troupes régulières oeuvrant de concert avec l’une ou l’autre faction, aurait facilement pu changer l’issue de la guerre.24 Une division britannique d’alors se composait de dix à douze régiments d’infanterie, ce qui correspondait assez étroitement à la force déployée par les Britanniques au Canada. Cette observation tend à confirmer la validité du plan de campagne mis de l’avant par les Britanniques au début de l’affaire du navire Trent. Les efforts des réguliers britanniques pour entraîner la Milice de volontaires furent rapidement récompensés. En effet, la Milice se révéla fort efficace lorsqu’elle fut appelée à patrouiller la frontière à la suite de la détérioration des relations 73 L'affaire du navire Trent (1861) pouvait contrer toute intrusion le long de la frontière Détroit-Windsor et renforcer les opérations sur la frontière de la Niagara. De même, le groupe basé à Toronto pouvait appuyer la frontière du Niagara ou se déplacer vers l’est, à Kingston ou même jusqu’à Montréal. Le troisième groupe, qui formait le gros de la force et comprenait une brigade de Gardes, était stationné à Montréal et pouvait ainsi freiner tout mouvement sur la route d’invasion traditionnelle que constituait la rivière Richelieu, en plus de pouvoir se déplacer vers l’ouest ou vers l’est le long du fleuve SaintLaurent. Chacun de ces groupes de manoeuvre se composait d’au moins un bataillon d’infanterie, d’une ou de deux batteries d’artillerie de campagne, parfois d’une compagnie du génie et, pour la mobilité, d’au moins une troupe du Military Train.22 Pour les opérations, ils auraient été renforcés, au besoin, par l’infanterie, l’artillerie et la cavalerie de la Milice. Il y avait un autre groupe de manoeuvre basé au Nouveau-Brunswick, lequel devait repousser toute attaque initiale sur la frontière du Maine. En cas de difficulté, ce groupe aurait pu être rapidement renforcé depuis Halifax et être appuyé par la Royal Navy. Captain John Grodzinski Vol. 2, no. 4, l’hiver 1999 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Le major W.E. (Gary) Campbell avec le Nord. Ces nouvelles tensions furent créées par les agents confédérés qui utilisaient le Canada comme base pour lancer leurs raids contre le Nord et par la menace des Fenians en 1866 et 1870. Nombre des unités britanniques qui avaient été déployées en réaction à l’affaire du navire Trent se trouvaient toujours au Canada et furent d’un précieux secours pendant les raids fenians et l’expédition de la rivière Rouge de 1870. La défense fut l’un des principaux facteurs qui conduisit les colonies britanniques de l’Amérique du Nord à s’unir en une Confédération en 1867. Par leur présence et leur participation à l’entraînement de la Milice, les forces britanniques contribuèrent de façon significative à la défense du Canada et des provinces maritimes puisqu’elles se sont opposées aux menaces que représentaient la guerre civile américaine, les Fenians et la rébellion du district de la rivière Rouge. En rétrospective, il n’est pas surprenant de constater que l’affaire du navire Trent ait sombré dans l’oubli. En effet, aucune campagne et aucune bataille n’ont marqué l’événement. Cette opération ne fit l’objet d’aucune reconnaissance officielle. La Médaille pour services généraux du Canada qui reconnaît les services rendus au cours des raids des Fenians et de l’expédition de la rivière Rouge (mais non l’affaire du navire Trent) ne fut crée qu’en 1899 – plus de trente ans après les événements. Une fois en Amérique du Nord britannique, les troupes eurent la tâche relativement facile. Pour les jeunes officiers, résister aux charmes des Belles de Montréal25 fut sans doute le seul geste de bravoure qu’ils purent poser. Il en est cependant tout autrement de leur déploiement sur l’Atlantique, en plein hiver et de leur « ballade » en traîneaux à travers le NouveauBrunswick. Il n’existe aucun récit d’un exploit similaire dans toute l’histoire militaire britannique. J’espère que mes lecteurs seront d’accord avec moi. Figure 9 : Le capitaine Wicks, commandant du navire de guerre des États-Unis USS San Jacinto, arraisonne le navire postal britanique Trent et capture MM Slidell et Mason, deux agents confédérés 74 Vol. 2, no. 4, l’hiver 1999 th rd 1856 1856 DÉPART STATIONS Déjà stationnées en Amérique du Nord britannique 1865 Québec et M ontréal 1863 Halifax, Kingston et Québec 63 Regiment 1856 1865 Halifax, London, Montréal et Québec Royal Canadian Rifle Regiment Batteries 3, 4, 5 & 6, th 7 Brigade Garrison Artillery Formé 1840 Disssous 1870 Canada (NOTA A), Terre-Neuve et Territoires du Nord-Ouest Halifax, Québec, Kingston et M ontréal th 47 Regiment th 30 Regiment e th 4 Bataillon, 60 Regiment (KRRC) h Batterie D, 4 Brigade F.A. Recrutement de fantassins État-major du quartier général er 1 Bataillon, Grenadier Guards e 2 Bataillon, Scots Fusilier Guards er th 1 Bataillon, 15 Regiment er th 1 Bataillon, 16 Regiment 1862 & 1863 1861 1861 1861 1868 1869 1869 1861 1861 1869 Renforts - Juillet 1861 Canada & Nouvelle-Écosse (NOTA C) Canada & Nouvelle-Écosse Canada & Nouvelle-Écosse Montréal Renforts expédiés en raison de l’affaire du Trent – Décembre 1861-Janvier 1862 1862 M ontréal 1861 1864 Montréal 1862 1864 Montréal 1862 1861 1868 1870 St John & Fredericton M ontréal 1862 1862 1861 1866 1868 1870 Halifax Halifax, Jamaïque, St Andrews, Toronto Hamilton, Kingston, Montréal, Québec 96 Regiment 1862 1862 St John, Fredericton Batteries E, F, G & H, th 4 Brigade F.A. 1861 & 1862 1869/1870 Toronto, London, Hamilton, St John & M ontréal 1862 1861 & 1862 1866 1867 Halifax & St John Ville de Québec, Halifax, Kingston, Toronto, TerreNeuve 1861 & 1862 1862, 1863 & 1871 M ontréal, Québec, London, Fredericton & St John e th 2 Bataillon, 16 Regiment e th 2 Bataillon, 17 Regiment er 1 Bataillon, The Rifle Brigade th th Batterie A, 8 Brigade F.A. Batteries 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 th & 8, 10 Brigade Garrison Artillery Compagnies 4, 15 & 18, Royal Engineers Instructeurs de cavalerie pour la cavalerie et les volontaires er 1 Bataillon, M ilitary Train M arche à travers les terres Marche à travers les terres RR66, RF70 & RR70 (NOTA B) M arche à travers les terres pour les 5 et 6 batteries RF66 RF66 & RF70 RF66, RF70 & RR70 RF66 & RF70 Joints aux unités d’appartenance Par chemin de fer. RF66, RF70 & RR70 Marche à travers les terres Marche à travers les terres RF66 Une compagnie – Marche à travers les terres. RF66, RF70 & RR70 RF66 & RF70 Marche à travers les terres. RF66 & RF70. Croix de Victoria décernée au sdt O'Hea en 1866. Tout le déploiement est arrêté en raison du mauvais temps Batterie E, F & G – Marche à travers les terres. RF66, RF70 & RR70 Batteries 1, 4, 5 & 6 – Marche à travers les terres. RF66 & RF70 Compagnies 15 et 18 – M arche à travers les terres. RF66, RF70 & RR70 12 officiers généraux et 46 sergents au Canada. 1861 1862 Montréal 3 Bataillon, M ilitary Train 1861 1864 London et M ontréal Army Hospital Corps 1861 Inconnu Détachements en divers endroits Commissariat Staff Corps 1861 Inconnu Détachements en divers endroits e REM ARQUES Marche à travers les terres M arche à travers les terres M arche à travers les terres. RF66 M arche à travers les terres. RR66, RR70 & RR70. Également cité sous le nom de Army Service Corps. NOTA: A. Par Canada, on entend les provinces actuelles de l’Ontario et du Québec. B. Lorsque la médaille du service général du Canada a été décernée, une mention figure à cet effet (ex. Raid des Fenians 1866 (RF66), Raid des Fenians 1879 (RF70) ou rivière Rouge 1870 (RR70) C. Par Nouvelle-Écosse, on entend les provinces actuelles de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de l’Île du Prince-Édouard. Tableau 2 : Troupes en amérique du nord britannique pendant l’affaire du navire Trent 75 Captain John Grodzinski er 1 Battalion, 17 Regiment nd 62 Regiment ARRIVÉE L'affaire du navire Trent (1861) UNITÉ Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre À propos de l’auteur . . . Le major W. E. (Gary) Campbell est titulaire d’un Baccalauréat en Histoire de l’Université de Western Ontario et il étudie actuellement en vue d’une Maîtrise en études sur la conduite de la guerre du Collège militaire Royal du Canada. Il a servi au sein du quartier général de chaque élément comme officier du transport. Il a aussi servi aux É.U. et au R.U. Son intérêt particulier dans les questions de lignes de communications (L de C) vient de son expérience de travail réliée aux ententes sur les L de C Canada/É.U. et R.U./É.U. Le major Campbell est présentement officiers des normes (SC) au quartier général du CIC à Gagetown. Une version de cet article, intitulé « With the Military Train in Canada », a été publié dans Review of the Royal Logistics Corps et a obtenu un prix comme le meilleur article sur un sujet de l’Histoire. NOTES 1 Stanley, George, F. Nos soldats, Toronto : MacMillan, 1960. 2 Stacey, C.P. Canada and the British Army 1846-1871 (Édition corrigée), Toronto : Presse de l'Université de Toronto, 1961, p. 122 et Report on Army Health for 1862 (partie qui s'applique au Canada), p. 360. Le major W.E. (Gary) Campbell 3 Ibid., p. 120. Proceeding from St John New Brunswick to Canada 1892 » par le colonel Wolseley. 12 PANS MG 12, pp. 253-294. 13 PANS MG 12, pp. 253-294, and Report on Army Health for 1862 (partie qui s'applique au Canada), pp. 377-378. 14 Le 104th Foot fut créé en 1803 sous le nom de New Brunswick 4 Wolseley, Field Marshal Viscount. The Story of a Soldier's Life, Wesminster : Constable and Company, 1903 et Verner, Willoughby. The Military Life of George, Duke of Cambridge, London, 1905, pp. 317-319. Regiment of Fencible Infantry et devint, en 1810, un régiment de 5 Hitsman, J. Mackay. « Had Britain Intervened », Canadian Army Journal, Volume 17, Numéro 1, 1963, pp. 35-36. en place. Il combattit plus tard à Sackett's Harbour, à Fort George, 6 En 1841, les provinces du Haut-Canada (actuellement l'Ontario) et du Bas-Canada (la province de Québec actuelle) formaient le « Canada » et chaque province fut rebaptisée respectivement Canada-Ouest et Canada-Est. Elles gardèrent ces noms jusqu'à la Confédération en 1867. 15 Duncan, p. 120. 7 Archives publiques de la Nouvelle-Écosse (PANS), MG 12 "C" Series. Nova Scotia Command, Volume 1671. Trent Affair, F2129/C4299, pp. 27-39, et Cook, Sir Edward. The Life of Florence Nightingale, London : MacMillan and Company, 1914, p. 9. 19 Report on Army Health for 1862 (partie qui s'applique au 8 Maurice, Major-General Sir F. The Scots Guards 1642-1914, London : Chatto and Windsor, 1934. 9 Duncan, Lt Francis, RA. Our Garrisons in the West, London : Chapman and Hall, 1934 and Winks, Robin W. Canada and the United States: The Civil War Years, Baltimore : The John Hopkins Press, 1960, p. 83. 10 Wylly, Colonel, H.C. The History of the Manchester Regiment, London : Forster Groom, 1923. ligne sous le nom de 104th Foot. En 1813, il effectua une marche héroïque depuis Fredericton, au Nouveau-Brunswick, jusqu'à Kingston, dans le Haut-Canada afin de renforcer la garnison déjà à Lundy's Lane et à Fort Érié. 16 Duncan, p. 17 PANS MG 12, pp. 253-294. 18 Wolseley, pp. 103-110. Canada), pp. 378-379. 20 Les « recruteurs » étaient des individus payés par l'armée pour recruter un nombre fixe de personnel pour un tarif établi à l'avance. 21 PANS MG 12, pp. 253-294. 22 Report on Army Health for 1862 (partie qui s'applique au Canada), p. 377. 23 Senior, Elinor Kyte. Roots of the Canadian Army: Montréal District 1846-1870, Montréal : La Société du musée militaire et maritime de Montréal, 1981, p. 78 et Facey-Crowther, David. The New Brunswick Militia, 1787-1867, Fredericton : New Ireland Press, 1990, p. 118. 11 Report on Army Health for 1862 (partie qui s'applique au 24 Hitsman, p. 36. Canada), carte annotée intitulée « Route Taken by Troops 25 Wolseley, pp. 115-116. 76 Vol. 2, no. 4, hiver 1999 AMÉLIORER L’APPRENTISSAGE DANS L’ARMÉE DE TERRE CANADIENNE Le capitaine Daryl W. Morrell ’aptitude d’une armée à tirer des leçons d’un contexte d’instruction et de guerre est intimement liée à sa réussite au combat. Si elle ne suit pas un processus efficace l’amenant à cerner des leçons tactiques et à les diffuser à ses soldats et à ses unités, l’armée aura une capacité réduite d’adaptation aux environnements et aux menaces. Plus le processus d’apprentissage est efficace, plus les unités sont susceptibles d’intégrer les leçons comme des tactiques, des techniques ou des procédures lors des opérations. La présente étude fait le point sur l’efficacité du processus d’apprentissage actuel de l’Armée de terre et sur le leadership qu’il faut exercer pour que le processus donne de bons résultats. 1 Il n’existe aucun manuel militaire qui condense des informations sur l’application d’un système d’apprentissage par les unités et qui leur permettrait d’améliorer leur état de préparation au combat. La présente étude fournit des informations qui pourraient servir de point de départ à l’élaboration d’un tel système d’apprentissage.2 L L’histoire nous montrera que les années 90 ont été jalonnées de changements et de défis pour l’Armée de terre canadienne. Sous les pressions convergeantes engendrées par la fin de la guerre froide et la montée d’une crise budgétaire nationale, l’Armée de terre a abordé la décennie avec le besoin de se retirer d’Europe, d’adopter une vision globale et de réduire sa taille et ses dépenses. Les premières demandes pour les dividendes de la paix se sont vite transformés en un déclin continuel et imprévisible des ressources attribuées qui s’est poursuivi pendant toute cette période.3 Durant les années 90, l’Armée de terre a également conservé un rythme opérationnel qui a dépassé de beaucoup toute l’expérience vécue en temps de paix. Tandis que les Forces armées étaient restées discrètes pendant toutes les années menaçantes, mais relativement stables de la guerre froide (étant principalement perçues comme une police d’assurance contre une guerre d’envergure), l’emploi fréquent et remarqué de l’Armée de terre à des niveaux inférieurs de conflit est devenu la norme. À une époque de fragmentation internationale, l’Armée de terre est un précieux instrument de la politique étrangère du gouvernement. En outre, les Canadiens ont eu de nombreuses occasions d’observer leur Armée de terre au travail, dans le cadre d’opérations domestiques comme la crise d’Oka en 1990, l’inondation du siècle au Manitoba en 1997 et la tempête de verglas sans précédent dans l’Est du Canada en 1998. Ces crises ont brusquement rappelé que les armées sont indispensables pour accomplir un large éventail de tâches. Les difficultés posées par le niveau des ressources, l’évolution technologique et le leadership exigeaient que l’Armée de terre modifie sa façon de faire les choses.4 Peter Vail compare l’environnement de l’ère de l’information à des « conditions de navigation en eaux vives ». Il écrit que toute organisation est en fait un système complexe de systèmes dans un environnement plus vaste de systèmes liés les uns aux autres d’innombrables façons. Les systèmes complexes qui se trouvent à l’intérieur de cet environnement comparable à des eaux vives présentent cinq caractéristiques :5 k ils regorgent de surprises; k les systèmes complexes produisent des problèmes encore jamais vus; 77 Améliorer l’apprentissage dans l’Armée de terre canadienne L’Armée de terre canadienne a traversé une période de changements incroyables engendrés par la fin de la guerre froide et les restrictions budgétaires imposées par le gouvernement. Sous l’oppressante nécessité d’adapter les valeurs militaires traditionnelles aux nouvelles conditions socio-économiques, les forces armées se sont retrouvées confrontées à de graves problèmes. Les disciplines des organisations d’apprentissage sont utiles à l’élaboration de processus et de systèmes de rendement améliorés dans le contexte militaire. L’Armée de terre canadienne possède une certaine capacité d’apprentissage, comme en témoignent son processus de rapport post-exercice (RPX) et le Centre des leçons retenues de l’Armée (CLRA). Toutefois, au sein de l’Armée de terre, l’apprentissage est généralement de nature adaptative. On pourrait large-ment améliorer l’apprentissage organisationnel dans l’Armée de terre canadienne en adoptant le processus de révision postaction (RPA) suivi par l’Armée des États-Unis. Ce processus est un excellent point de départ pour faire de l’Armée de terre une organisation d’apprentissage. Des recommandations sur les étapes à suivre précisément pour mettre en œuvre un programme d’apprentissage au niveau de l’unité, et sur la forme que pourrait prendre la RPA sont proposées. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre k les événements sont habituellement désordonnés et mal structurés; k les événements s’accompagnent souvent de coûts extrêmement élevés; k les problèmes non réglés de façon systémique se reproduisent invariablement. Au sein de l’Armée de terre canadienne, les implications de l’accroissement du rythme opérationnel, de la grande variété de missions et de nouvelles technologies sont claires : l’Armée de terre doit réévaluer la manière dont elle prépare ses chefs pour être en mesure de fonctionner efficacement dans un environnement de plus en plus complexe où le changement est la seule constante. Lee Smith fait ce commentaire : Le capitaine Daryl W. Morrell Le vrai défi en matière de leadership (…) consiste à former des soldats, des officiers en particulier, non seulement capables de s’adapter d’un mois à l’autre à des cultures et à des climats différents, mais qui peuvent également continuellement adapter et réadapter leurs réflexes. Les soldats savent ce qu’on attend d’eux lorsqu’on leur demande de se préparer à un combat sans merci. Se préparer à autre chose que la guerre est une tâche beaucoup moins claire.6 [Traduction] Pour parvenir à gérer ces changements et à traverser ces turbulences, chacun des membres de l’Armée de terre de même que l’armée en tant qu’organisation doivent apprendre de plus en plus vite et de plus en plus efficacement. Le concept de l’organisation d’apprentissage et ses disciplines connexes constituent une carte routière efficace pour naviguer dans ces grands changements. Les membres d’une véritable organisation d’apprentissage acquièrent des disciplines et habiletés d’apprentissage avec la même efficacité que les habiletés techniques de leur organisation et cette 78 dernière crée des mécanismes d’apprentissage qui améliorent l’apprentissage.7 Dans l’Armée de terre, le principal outil d’apprentissage organisationnel est le rapport post-exercice (RPX). Conformément à l’Ordonnance du Commandement de la Force terrestre (OCFT) 23-11, annexe A, le but du RPX est le suivant : 8 k Déterminer si l’exercice a atteint l’objectif établi. k Identifier des problèmes qui ont des incidences très graves sur le Système d’efficacité et d’état de préparation opérationnelle (SEEPO) des formations ou unités qui participent à l’exercice. k Noter les principales leçons retenues dans le but de modifier la doctrine ou les instructions permanentes d’opérations (IPO). Tous les renvois aux « leçons retenues » doivent être interprétés comme des éléments qui exigent une réévaluation de la doctrine actuelle. Il est inutile d’établir de nouveau un rapport sur les anciennes leçons retenues, un tel apprentissage étant l’un des buts de tous les exercices d’entraînement. k Identifier des problèmes que le quartier général (QG) présentant le rapport ne peut corriger. k Servir de guide au moment de la planification initiale des exercices à venir. À l’issue d’exercices ou d’opérations d’envergure, les formations et les unités soumettent des RPX. Ces derniers sont acheminés par la chaîne de commandement pour que l’autorité compétente prenne les mesures correctives qui s’imposent. Des exemplaires de RPX sont également envoyés au CLRA9 . Il incombe au CLRA de s’assurer que « l’autorité compétente » prenne les mesures qui s’imposent relativement aux observations et aux problèmes soulevés par les RPX, quel que soit l’échelon de l’organisation apte à régler les problèmes décelés ou à mettre en œuvre les solutions trouvées. Le CLRA rassemble les informations sur les leçons retenues et les distribue à toutes les unités de l’Armée de terre sur CD ROM. Le CLRA assure le suivi des problèmes décelés jusqu’à ce que les changements aient été apportés à la doctrine ou à l’équipement pour résoudre le problème.10 Le processus de RPX, en faisant ressortir un certain nombre de problèmes et de leçons, ne représente en fait qu’apprentissage adaptatif. Cette limite est aggravée par le fait que le personnel aux niveaux des compagnies et des pelotons ne participent presque jamais au processus de RPX. Ainsi, des leçons importantes peuvent être perdues en raison d’une participation limitée. Le processus des RPX omet également de déceler les problèmes systémiques. Je rappelle le point cité cidessus : il est inutile d’établir de nouveau un rapport sur les anciennes leçons retenues. Cette exclusion enlève toute chance au processus de repérer des problèmes d’apprentissage systémiques. En effet, le processus actuel n’est adapté à aucun des modèles mentaux nécessaires pour développer l’apprentissage génératif. La deuxième discipline, commentée par Peter Senge, implique une réflexion, une clarification continuelle et une amélioration de ses représentations internes du monde, et une prise de conscience de la façon dont ces représentations forgent nos actions et nos décisions. Cette discipline exige l’utilisation d’habiletés de réflexion et d’interrogation. La réflexion entraîne le ralentissement de la pensée pour se concentrer sur la formation de modèles mentaux et sur les façons dont ces modèles influent sur les actions des personnes et de l’organisation. L’interrogation a trait à la façon dont on fonctionne dans nos interactions avec les autres, particulièrement en cas de problèmes complexes et conflictuels. Ces habiletés exigent des chefs qu’ils sachent reconnaître les « moments d’abstraction » (quand on passe de l’observation à la généralisation), Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Le processus de rétroaction doit être structuré. Ce ne peut simplement être un groupe de personnes qui parlent de ce qui, selon elles, s’est produit, et de ce qui, toujours selon elles, devrait être fait la fois suivante. Le processus de rédaction de la doctrine permet à l’Armée de terre de définir la complexité du combat terrestre en termes de tâches, de conditions et de normes qui, quoique sans doute imparfaites, sont universellement acceptées. La rétroaction pourrait donc se structurer autour d’événements définissables et par rapport à des normes mesurables.14 Ensuite, il faut que tout le monde comprenne ce qui était censé se produire. Au cours du processus de RPA, c’est en révisant les ordres du QG supérieur et du commandant de l’unité que l’on y parvient. Tous les commandants concernés y participent, dont les commandants d’au moins trois échelons : le commandant de l’unité en exercice (le principal), le commandant de l’unité d’appartenance (le supérieur du principal) et les commandants des unités subordonnées. Comme il est essentiel que tous ceux qui ont contribué à l’objectif participent au processus, les chefs des unités en appui sont normalement également présents. Il y a donc ainsi au moins trois niveaux hiérarchiques dans la chaîne de commandement du principal ainsi que ses homologues des unités adjacentes.15 Au cours de la rencontre, ces chefs exposent ce qui, selon eux, était censé se produire, ce qui contribue à améliorer les communications et à cerner les malentendus et les points faibles à ce chapitre. L’échange est facilité par un officier particulièrement compétent, qui, de par son expérience, et normalement un peu plus supérieur au commandant de l’unité en exercice. Ce facilitateur s’appelle un observateur-contrôleur. Il ou elle est resté(e) auprès du commandant de l’unité pendant tout l’exercice. Les observations de l’observateur-contrôleur et les données recueillies par d’autres observateurscontrôleurs et par des moyens électroniques sont donc des observations immédiates. Sa crédibilité lui vient de son expérience, de son accès à l’information et de ses aptitudes de facilitateur.16 Le troisième élément clé de la RPA consiste à savoir ce qui s’est vraiment passé : la réalité. L’équipe d’observateurs-contrôleurs peut rejouer l’exercice avec un degré d’exactitude élevé. Après avoir pris connaissance de l’intention exposée dans les plans et les ordres, et avoir compris les normes applicables à chaque tâche, les participants peuvent alors évaluer leur rendement et discuter de chaque action pour trouver pourquoi les choses se sont passées de cette façon.17 La RPA n’est pas une critique. Une critique est simplement une évaluation pour déterminer s’il y a eu réussite ou échec. Dans le processus de RPA, établir la réussite ou l’échec de l’exercice, parfois de façon très précise (et douloureuse), n’est qu’un outil d’apprentissage. La RPA n’est pas non plus destinée à faire des reproches. Ce processus vise à améliorer le rendement et il n’atteindra pas son but si le chef le laisse devenir un exercice de notation ou un prétexte pour faire des reproches publiquement.18 Le dernier élément incontournable pour que la RPA porte ses fruits est une culture d’apprentissage. Tous les membres de l’équipe doivent faire de leur mieux pour contribuer à la réussite de l’équipe. L’environnement ne doit pas être menaçant au niveau personnel, et les membres de l’équipe doivent avoir la volonté de prendre des risques personnellement et collectivement, pour 79 Captain John Grodzinski Améliorer l’apprentissage dans l’Armée de terre canadienne Le rendement, au-delà de paramètres généraux, ne peut être compri ni évalué par des moyens simples. Il faut structurer la facilitation de l’apprentissage à partir d’expériences complexes qui sont souvent ambiguës.13 Dans la période de l’aprèsguerre froide, l’Armée des États-Unis a commencé une sérieuse recherche sur les moyens de composer avec nombre des mêmes facteurs socio-économiques qui touchent l’Armée de terre du Canada. L’Armée des États-Unis croyait que pour enraciner l’apprentissage et un rendement élevé au sein de l’organisation de façon systématique, elle devait développer un nouveau processus. Pour l’Armée américaine, la réponse vint sous forme de ce qu’on appelle l’After Action Review (AAR) (révision post-action [RPA]). Dans le modèle américain, une RPA a lieu après chaque séance d’instruction. Les objectifs en sont simples : apprendre, améliorer, faire mieux la fois suivante. Les participants se rassemblent avec un facilitateur appelé observateur- contrôleur qui les a accompagnés pendant la séance, et ensemble, ils discutent de ce qui s’est passé. Pour le faire efficacement, il faut appliquer certains principes. Améliorer l’apprentissage dans l’Armée de terre canadienne exposer les faits passés sous silence (formuler ce que l’on ne dit pas normalement), équilibrer interrogation et plaidoyer (investigation honnête) et affronter les différences entre « théories préconisées » et « théories en usage » (ce que l’on dit par rapport à ce que l’on fait).11 Pour maîtriser cette discipline, les chefs doivent posséder l’intégrité intellectuelle nécessaire pour évaluer honnêtement l’adéquation entre leurs croyances et leurs modèles (particulièrement les plus chers), et les modifier au besoin (sacrifier la vache sacrée). Lussier et Saxon, dans leur étude des facteurs du commandement tactique, documentent l’importance du développement et du perfectionnement continuels de modèles mentaux riches pour prendre des décisions efficaces.12 Pour élaborer un système d’apprentissage génératif, l’Armée de terre doit procéder à des changements majeurs en matière de leadership, de culture et de processus d’apprentissage. Le capitaine Daryl W. Morrell Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre apprendre et pour améliorer leur rendement.19 constituer la base d’un solide apprentissage génératif.21 Au début, la création de ce type de rétroaction engendre ce que Senge appelle « l’apprentissage adaptatif ». Toutefois, avec le temps, les résultats sont bien plus que cela. Un processus de rétroaction efficace donne un sentiment de confiance à l’équipe. À mesure que l’organisation s’habitue aux discussions qui suivent un événement et au processus d’évaluation du rendement, il ne reste qu’une petite étape à franchir pour favoriser l’établissement d’un dialogue efficace portant sur les plans et les préparatifs préalables au déroulement d’un événement. Cela encourage l’innovation et la prise de risques, qui à leur tour mènent à un meilleur échange de l’information, à un apprentissage génératif continu, et donc à un rendement amélioré. Mettre en place un processus de rétroaction et d’innovation structuré et y participer constituent une première étape efficace vers le développement d’une organisation d’apprentissage.20 La RPA, en favorisant l’apprentissage génératif, constitue un grand avantage concurrentiel. Il n’existe aucun substitut à la perspicacité ni au génie. Toutefois, quand tout est fait et que tout est dit, la plupart des organisations ne se repèrent pas mieux dans la brume que leurs concurrents. L’avantage concurrentiel que l’on veut acquérir n’est ni la clairvoyance ni la précision de la planification. Dans une armée, on peut acquérir un avantage concurrentiel en réagissant plus vite que ses concurrents. 22 La RPA et l’apprentissage génératif qu’elle permet constituent un puissant outil de développement de la doctrine. Un avantage à long terme de la RPA est que l’Armée des États-Unis a appris à l’appliquer en dehors du centre d’instruction, où les besoins d’une bonne RPA pouvaient être soigneusement contrôlés. Effectuer une RPA lorsqu’il n’existe que des normes imprécises, si l’on saisit mal la réalité ou s’il n’y a pas d’observateurs-contrôleurs hautement compétents, est possible dans une équipe mature, à partir du moment où tout le monde garde à l’esprit les faiblesses qu’engendre un relâchement de la structure. Le chef ou une autre personne peut agir en qualité de facilitateur. L’objectif ou le but du projet ou de l’événement peuvent être considérés comme une norme. Les participants peuvent décider, au cours de la révision, si le niveau d’information disponible leur convient. Dans cette ambiance plus détendue, la RPA peut 80 La connaissance et la compréhension de la doctrine sont essentielles à l’efficacité des opérations sur le champ de bataille. La doctrine fournit le cadre et les principes permettant de faire face à l’inattendu. De plus, elle fournit une perspective et un langage communs pour que les chefs puissent communiquer efficacement entre eux. 23 Fred Johnson fait ce commentaire : La doctrine est une idée approuvée et partagée sur la conduite de la guerre, qui sous-tend la planification, l’organisation, l’instruction, le style de leadership, la tactique et l’équipement d’une armée. Ces activités de préparation à une guerre future se situent au cœur de la profession militaire dans les sociétés modernes. Bien conçue et formulée clairement, la doctrine peut instiller un sentiment de confiance à toute une armée. La doctrine d’une armée peut donc avoir un effet des plus profonds sur son rendement en temps de guerre.24 [Traduction] Dans l’élaboration de la doctrine, la vitesse à laquelle apprend une force militaire est également un facteur clé. « Je suis tenté de dire que, quelle que soit la doctrine que les forces armées travaillent à élaborer, elles font fausse route. Je suis également tenté d’ajouter que ce n’est pas grave. Ce qui importe, c’est leur aptitude à réagir vite et bien le moment venu »25 [Traduction]. En outre, « Lorsque tout le monde emprunte le mauvais chemin, l’avantage va à celui qui peut s’adapter le plus rapidement au nouvel environnement inconnu et apprendre de ses erreurs. » 26 Lorsque l’armée fait face à un nouvel environnement extérieur, il est clair que « l’on ne connaît pas ce que l’on ne connaît pas. » Plus affligeant, à la lumière de l’importance de la doctrine dans un environnement interne, le contraire semble trop souvent vrai : « On ne connaît pas ce que l’on connaît. » Atout majeur pour l’organisation, la connaissance n’est exploitable que si elle peut être cernée et diffusée, et elle prend alors toute sa valeur. Le défi vise à découvrir ce que l’on connaît dans tous les domaines de l’organisation et, si cela vaut la peine, à le faire connaître à tous.27 Les organisations très performantes « échangent ». L’information est la ressource qui donne le plus de pouvoir à un chef, et le partage de l’information (à commencer par l’intention stratégique) est la première étape importante d’un leadership réellement efficace. Premièrement, pour former des équipes efficaces, il faut briser les cloisonnements et réaligner les fonctions, de façon à ce que l’information puisse être partagée.28 L’Armée de terre doit former des chefs en matière d’apprentissage. Pendant de nombreuses années, on a utilisé la métaphore du chef d’orchestre pour décrire le parfait gestionnaire, capable de gérer quelque chose d’une extrême complexité avec créativité et harmonie. Dans l’armée comme dans l’industrie, le mot « orchestrer » est utilisé pour décrire la gestion de la complexité.29 Il Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Le chef doit favoriser l’implantation d’un environnement qui encourage les soldats à réfléchir aux problèmes, et à trouver des solutions à ces problèmes. Pour y arriver, le chef doit être coriace et avoir de bonnes aptitudes à l’écoute active. Comme le mentionne le général Sullivan, « être en désaccord ne signifie pas qu’on ne se respecte Tous les efforts déployés pour familiariser les militaires avec les habiletés d’une organisation d’apprentissage doivent commencer par la structure d’instruction institutionnelle. À l’heure actuelle, il n’existe aucun programme planifié dans la structure de perfectionnement professionnel qui constitue une introduction à la théorie et aux habiletés de l’organisation d’apprentissage à l’attention des officiers et des s/off. C’est au niveau du système d’éducation formelle que les membres de l’organisation doivent suivre une introduction aux habiletés de l’organisation d’apprentissage. Ces habiletés devraient être enseignées dans le contexte de la portée de l’influence prévue à chaque grade. Par exemple, les lieutenants du cours élémentaire pourraient se familiariser avec la théorie des systèmes dans le contexte du contrôle direct des systèmes d’armes qu’ils se préparent à commander, et avec la façon dont ces derniers sont intégrés à d’autres systèmes au sein du bataillon et de la compagnie. L’intention est de familiariser les stagiaires avec ces concepts en établissant un lien avec l’environnement qu’ils peuvent raisonnablement s’attendre à connaître, mais aussi en sachant que ces habiletés trouvent une application qui va bien au-delà des capacités de démonstration limitées d’une école en particulier.35 Le processus de RPA de l’Armée des États-Unis a une faiblesse en ce sens qu’il ne semble être appliqué qu’aux échelons supérieurs de commandement. Plus le processus de RPA se répandra aux échelons inférieurs de la chaîne de commandement, plus il prendra de valeur. Pour y parvenir, il faut établir au niveau de la brigade et de l’unité un mécanisme d’acquisition, de stockage et de diffusion des leçons retenues. C’est par le biais des RPA que les leçons sont retenues, grâce à l’expérience pratique des soldats des unités. Toutefois, si l’on ne recueille pas de données sur une leçon particulière pour les distribuer, la leçon est souvent perdue ou utilisée seulement localement par l’unité concernée.36 Alors, comment un commandant doit-il s’y prendre pour implanter le processus de RPA dans son unité? Voici quelques recommandations qui définissent ce que l’auteur pressent comme étant les composants nécessaires pour que le processus de RPA permette d’élaborer et d’installer un processus d’apprentissage génératif. 81 Captain John Grodzinski Améliorer l’apprentissage dans l’Armée de terre canadienne Les supérieurs doivent être orientés vers l’apprentissage. Ils doivent d’abord reconnaître qu’ils ne savent pas tout, et qu’ils peuvent encore apprendre beaucoup. À leur tour, ils communiquent cette philosophie à leurs subalternes. Ils créent et favorisent l’implantation d’un environnement où les membres de l’organisation n’oublient pas les leçons retenues d’expériences réussies. Ils s’assurent que ces listes de réussites soient partagées par tous. Ils formulent également des principes et des règles qui véhiculeront l’expérience d’une organisation ou d’une activité à une autre. Ils font participer les membres du personnel à des séances de remueméninges. Ils encouragent l’ouverture d’esprit face aux idées nouvelles et ne partent pas du principe qu’ils ont la réponse ou qu’elle se trouve forcément dans l’organisation.31 pas »32 . Durant le processus de RPA, le chef doit être ouvert à la critique de ses propres actes. Bien sûr, il ou elle doit également être informé(e) de la raison pour laquelle ces actes n’étaient peut être pas appropriés, et se voir donner des recommandations sur la façon d’agir dans l’avenir. Toutefois, le chef ne peut être coriace uniquement pendant la RPA, puis faiblir une fois à la garnison. Plus important encore, le chef doit expliquer ce qu’est une organisation d’apprentissage, définir les termes « leçon » et « leçon retenue » et expliquer le processus dont ils découlent. 33 Il faut enseigner aux chefs et aux soldats comment effectuer de bonnes révisions postexercice. Le meilleur moyen d’inculquer une attitude d’apprentissage chez les soldats et les chefs est probablement d’institutionnaliser une variante de la RPA pour chaque activité qu’accomplit l’unité. Une RPA rapide peut être effectuée après une marche, une séance d’entraînement physique, et même les réunions de commandement et d’état-major. Les chefs peuvent également se réunir chaque jour à la fin de la journée et se demander simplement: « Qu’avons-nous appris aujourd’hui? »34 Améliorer l’apprentissage dans l’Armée de terre canadienne est évident que la gestion de la complexité n’est pas moins importante aujourd’hui, mais le type de chefs qu’il faut aujourd’hui s’apparente davantage à de grands musiciens de jazz : dotés d’une excellente formation de base et absolument parfaits sur le plan technique, mais également capables d’improviser sur un thème. C’est cette aptitude à improviser, à modeler les événements au fur et à mesure qu’ils se déroulent, qui est si importante. Le chef n’a pas de feuilles de musique pour la plupart des choses qu’il doit faire de nos jours. Il doit travailler autour d’un thème, s’adapter et improviser.30 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre 1. Les chefs doivent ordonner que le processus de RPA soit effectué fréquemment. Il doit avoir lieu au minimum après toutes les activités d’instruction en temps de paix et après l’accomplissement des missions pendant les opérations de contingence.37 2. Les résultats du processus de RPA doivent être documentés et archivés. Il faut établir un système permettant de déterminer si des leçons sont réapprises ou si des erreurs sont répétées. Le cas échéant, l’unité peut avoir un problème systémique qu’il faut s’attacher à régler.38 3. Il faut établir un système permettant de diffuser les leçons retenues, ce qui est de plus en plus facile à mesure que les unités s’automatisent. Pour les petites unités, c’est plus difficile (particulièrement au niveau de la compagnie et aux niveaux plus bas). La diffusion peut être faite verbalement, mais le besoin de garder des documents écrits des leçons retenues subsiste.39 4. Les données sur les leçons retenues doivent être rassemblées par un organisme central avant d’être diffusées. Il faut prendre des précautions pour veiller à ce que les soldats ne retiennent pas les mauvaises leçons. Quelque chose peut avoir fonctionné dans un cas, mais il peut s’agir d’un cas d’exception.40 Il faut analyser les informations à la lumière de la doctrine en vigueur. Il faut ensuite cerner les leçons, si possible. Si une technique particulière a marché, et qu’elle ne figure pas dans la doctrine, il s’agit probablement d’une leçon à retenir.41 Les commandants devraient également veiller au perfectionnement professionnel des membres de leur unité. Cette instruction devrait comprendre les éléments suivants : a. comment effectuer une RPA; b. comment fonctionne le programme des leçons retenues de l’Armée de terre; c. les caractéristiques d’une organisation d’apprentissage et la création d’une culture d’apprentissage. 44 8. En l’absence d’une doctrine d’apprentissage, les chefs devraient établir des IPO sur l’apprentissage dans leur unité. Le CLRA pourrait peut-être publier un bulletin sur la création et le fonctionnement d’organisations d’apprentissage. Les IPO et le bulletin devraient au moins traiter des points suivants : 45 a. normes sur la façon de faire une RPA; b. procédures de collecte, d’analyse, de documentation et de diffusion des informations tirées des RPA, ce qui devrait notamment comporter les responsabilités qui incombent à chaque niveau de leadership, de la section de huit membres au quartier général supérieur; c. explication de certains termes, notamment définition de « leçon » et de « leçon retenue »; d. définition de procédures précises d’analyse des leçons. Par exemple, si un soldat croit qu’il a découvert quelque chose de nouveau, il devrait revoir la doctrine avant de déclarer qu’il s’agit d’une leçon retenue. L’officier d’état-major des opérations (G3) devrait jouer le rôle de contrôleur de la qualité une fois la leçon transférée en amont dans la chaîne de commandement; e. un système d’examen des RPA doit être en place pour déterminer si les leçons sont réapprises; f. il faudrait effectuer une RPA après la plupart des événements, y compris des événements en apparence anodins comme les marches et les journées de réflexion de l’unité; g. les unités devraient conserver tous les bulletins sur les leçons retenues diffusées par le CLRA. Le capitaine Daryl W. Morrell 5. Le chef de l’unité doit prendre les choses en main et mettre en place un environnement qui facilite l’apprentissage. Le chef doit favoriser le développement d’une culture d’apprentissage.42 6. Les informations archivées doivent être révisées après des activités d’instruction ou des missions subséquentes. De nouveau, un système doit être en place pour déterminer si les leçons sont réapprises et/ou si l’unité souffre d’un problème systémique.43 7. Des programmes d’instruction sur la façon de favoriser et de maintenir l’apprentissage dans l’unité devraient être intégrés à l’instruction dans les écoles spécialisées (c.-à-d. les cours élémentaires et avancés d’officiers, cours élémentaires et avancés de s/off, etc.). 82 Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Le processus de RPA représente un excellent point de départ pour l’élaboration de disciplines d’apprentissage dans l’Armée de terre canadienne. La vitesse à laquelle un militaire est capable d’apprendre est, et restera, un avantage concurrentiel clé. Il faut remarquer que le système de RPA n’est que le début du développement d’une armée favorisant l’apprentissage, et non l’aboutissement. Toutefois, les difficultés récemment rencontrées par l’Armée de terre canadienne indiquent clairement que quelque chose doit changer. Les disciplines d’apprentissage, comme celles qui sont facilitées par le processus de RPA, fournissent des solutions novatrices aux difficultés auxquelles est confrontée l’Armée de terre du Canada. FORME QUE POURRAIT PRENDRE LA RÉVISION POST-ACTION La RPA devrait intéresser un maximum de participants et se concentrer sur les objectifs de l’instruction. Par ailleurs, il faudrait passer constamment en revue les points d’enseignement et consigner les points clés. Pour ce faire, la RPA devrait suivre un ordre établi, semblable à l’exemple ci-dessous : 46 7 objectifs d’instruction; 7 mission et intention du commandant (qu’était-il censé se produire); 7 mission et intention du commandant supérieur; 7 doctrine, tactique, techniques et procédures applicables. k Résumé des événements récents (ce qui s’est produit). k Discussion des principales questions : 7 ordre chronologique des événements; 7 événements/thèmes/points principaux. k Discussion de questions facultatives : 7 habiletés des soldats/chefs; 7 tâches à poursuivre/améliorer; 7 statistiques; 7 autres. k Discussion sur la protection de la force (sécurité). k Commentaires ou conclusion (résumé). 83 Captain John Grodzinski Améliorer l’apprentissage dans l’Armée de terre canadienne k Révision des objectifs et de l’intention : 7 systèmes d’exploitation du champ de bataille; Améliorer l’apprentissage dans l’Armée de terre canadienne k Présentation des règles. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre À propos de l’auteur . . Le capitaine Daryl W. Morrell est titulaire d’un BA (avec distinction) en histoire du Collège militaire royal du Canada. Au cours de sa carrière militaire, il a passé trois ans dans le 2e Régiment, Royal Canadian Horse Artillery, à titre d’officier de tir et d’officier observateur avancé. Il est maintenant capitaine-adjudant du 56e Régiment d’artillerie de campagne à Brantford, Ontario, et termine une maîtrise en administration des affaires à l’université Athabaska. Son sujet d’étude est l’armée en tant qu’organisation d’apprentissage. NOTES 1 Johnson, Fred, Leveraging Lesson Learning in Tactical Units, Fort Leavenworth, KS, US Army Command and General Staff College Press, 1997, p. 3. 24 Ibid. p. 64. 2 Ibid., p. 13. 25 Howard, Michael, « Military Science in an Age of Peace », Conférence au Chesney Memorial Gold Medal donnée le 3 octobre 1973 et publiée dans RUSI Quarterly, 119.1, mars 1974, p. 7. 3 Commandement de la Force terrestre, Directives et orientations stratégiques de la Force terrestre, INTRANET du ministère de la Défense nationale: http://army.dwan.dnd.ca/dlsp/LFSDG_e/Part2/Chapter_1.htm. 26 Johnson, Fred, Leveraging Lesson Learning in Tactical Units, Fort Leavenworth, KS, US Army Command and General Staff College Press, 1997, p. 28. 4 Ibid. 27 Sullivan, Gordon R. et Michael Harper, Hope is not a Method, New York, Broadway Books, 1997, p. 206. 5 Vail, Peter, Learning as a Way of Being, San Francisco, Jossey-Bass Publishers, 1996, pp. 10-13. 6 Smith, Lee, « New Ideas from the Army », Fortune Magazine, 130, 6 (septembre 1994), p. 212. 7 Richard, John S., The Learning Army, Approaching the 21st Century as a Learning Organization, Fort Leavenworth, KS, US Army Command and General Staff College Press, 1995, p. iii. 8 Ordonnance de Commandement de la Force terrestre 23-11, annexe A. 28 Ibid. p. 116. 29 Ibid. p. 216. 30 Ibid. p. 217. 31 Johnson, Fred, Leveraging Lesson Learning in Tactical Units, Fort Leavenworth, KS, US Army Command and General Staff College Press, 1997, p. 35. 9 Conversation entre le capitaine Roy Kingsbury (CLRA) et le capitaine Daryl Morrell, le 17 février 1999. 32 Sullivan, Gordon R. et Michael Harper, Hope is not a Method, New York, Broadway Books, 1997, p. 189. 10 Ibid. 33 Johnson, Fred, Leveraging Lesson Learning in Tactical Units, Fort Leavenworth, KS, US Army Command and General Staff College Press, 1997, p. 39. 11 Senge, Peter, The Fifth Discipline, Toronto, Doubleday, 1990, pp. 174-204. 34 Ibid. 12 Richard, John S., The Learning Army, Approaching the 21st Century as a Learning Organization, Fort Leavenworth, KS, US Army Command and General Staff College Press, 1995, p. 7. 13 Sullivan, Gordon R. et Michael Harper, Hope is not a Method, New York, Broadway Books, 1997, p. 191. 14 Ibid. p. 195. 15 Ibid. p. 196. 16 Ibid. Le capitaine Daryl W. Morrell 17 Ibid. 18 Ibid 19 Ibid. p. 197. 20 Ibid. p. 194. 21 Ibid. p. 201. 22 Ibid. p. 130. 23 Johnson, Fred, Leveraging Lesson Learning in Tactical Units, Fort Leavenworth, KS, US Army Command and General Staff College Press, 1997, p. 35. 84 35 Richard, John S., The Learning Army, Approaching the 21st Century as a Learning Organization, Fort Leavenworth, KS, US Army Command and General Staff College Press, 1995, p. 21. 36 Johnson, Fred, Leveraging Lesson Learning in Tactical Units, Fort Leavenworth, KS, US Army Command and General Staff College Press, 1997, p. 7. 37 Ibid. p. 79. 38 Ibid. 39 Ibid. 40 Ibid. 41 Ibid. p. 88. 42 Ibid. p. 79. 43 Ibid. p. 88. 44 Ibid. p. 89. 45 Ibid. p. 91. 46 Ibid. p. 69. Vol. 2, no. 4, l’hiver 1999 LE SERVICE D’INFORMATION DE L’OTAN EN 1951 ORGANISATION ET GUERRE DE L’INFORMATION ntériné en avril 1949, le Traité de l’Atlantique Nord s’inscrivait en pleine guerre froide : fondation du Bureau d’information communiste (Cominform) en 1947; stalinisme jusqu’en 1953; prise du pouvoir en Chine par Mao en 1949 et guerre de Corée en 1950. Or ce traité initialement militaire, qui voulait freiner l’extension du contrôle soviétique en Europe, ne prenait pas explicitement en compte les activités d’information, tant au sein de l’Organisation elle-même que parmi les pays signataires2 . On jugea donc qu’il fallait mettre sur pied une agence ou un service dont la tâche première consisterait à faire connaître les objectifs du Traité de l’OTAN. E Le Conseil des députés de l’OTAN nomma, en septembre 1950, T.F.M. Newton, alors consul canadien à Boston, au poste de directeur du Service d’information. Il devait exercer ses fonctions à Londres et mettre sur pied une petite équipe de travail, composée initialement de Geoffrey Parsons des États-Unis et de Jean Béliar de la France3 . À cette époque, le Service d’information se voyait comme un centre de coordination, dont les tâches essentielles étaient : k de diffuser, clarifier et populariser l’OTAN parmi les pays membres de l’Atlantique Nord, en développant un sentiment d’appartenance; k de mettre en œuvre une contrepropagande face à la propagande soviétique et communiste à l’intérieur des pays de l’OTAN. Dans cette perspective, on décida d’organiser à Londres, du 12 au 14 avril 1951, une rencontre réunissant des officiers supérieurs, concernés par les politiques d’information dans les pays de l’OTAN. Cette rencontre, qui s’inscrivait dans le cadre d’une réorganisation de la structure de l’OTAN, devait permettre de réfléchir à la question de l’information et de la « guerre idéologique ». On peut considérer cette rencontre comme le creuset idéologique et stratégique du Service d’information4 . Plusieurs pensaient alors que sans l’émergence de ce sentiment d’appartenance, l’OTAN ne pouvait survivre ou affronter victorieusement les pays du bloc soviétique. Or, si l’objectif stratégique impliqué par ce qui précède apparut clairement, les tactiques pour le réaliser ne semblaient pas aussi évidentes. La création du sentiment d’appartenance passait assurément par la diffusion d’informations judicieuses aux populations des pays membres de l’Organisation, mais il fallait savoir lesquelles choisir, où les prendre de même qu’identifier les bonnes façons de les diffuser. Incidemment, il fallait adopter une ligne de conduite pour combattre les effets jugés subversifs de la propagande soviétique. élaboré. Cependant, le texte qui suit n’est pas l’histoire du Service d’information de l’OTAN. Il cherche plutôt à présenter les discussions idéologiques et politiques, essentiellement canadiennes, qui ont entouré sa création. Nous voulions connaître la façon dont avait été abordée la question de la propagande. La naissance du Service d’information de l’OTAN nous permet d’identifier quelques-unes des questions que l’on jugeait alors fondamentales : quels devaient être les fins et les moyens du Service d’information; comment devaitil opérer dans le champ de la propagande, c’est-à-dire jusqu’à quel point devait-il s’y impliquer; comment était-il perçu et quelle était spécifiquement la position du gouvernement canadien à son endroit? Ces questions, les pays membres et le Conseil des députés de l’OTAN ont dû les résoudre sur la base de valeurs fondamentales, de croyances et d’orientations idéologiques parfois contradictoires. Ainsi, deux tendances principales sont décelables en ce qui concerne les limites que devaient avoir les activités de propagande : quelques pays (dont la France et les États-Unis) favorisaient un service d’information nettement engagé dans la « guerre idéologique » comme le disent les textes. D’autres gouvernements (comme le Canada), avaient une position beaucoup plus prudente et tendaient essentiellement à identifier les « dangers » liés à cette voie. C’est donc dans ce contexte que le Service d’information de l’OTAN fut Dans le cadre de la position canadienne, nous examinerons tour à Si l’on excepte la question militaire, l’OTAN fut confrontée durant cette brève période au problème suivant : comment créer un sentiment d’appartenance au sein de douze pays dont les traditions historiques et politiques, de même que les conditions socio-économiques étaient si différentes? 85 Le Service d’information de l’OTAN en 1951 : Organisation et guerre de l’information Pierre Grégoire, Claude Beauregard et Monik Beauregard1 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre tour les aspects suivants : les diverses attentes suscitées par le Service d’information et les contradictions qui en découlèrent; et les discussions confuses qui se firent sur la propagande et les concepts qui l’entourent (guerre idéologique, guerre psychologique et guerre des idées). En conclusion, nous tenterons de préciser la position canadienne face au Service d’information et à la propagande. Nous verrons alors que les contradictions ou les ambiguïtés liées aux fonctions du Service d’information de l’OTAN rejoignent les craintes manifestées face à la guerre idéologique. Pierre Grégoire, Claude Beauregard et Monik Beauregard DE L’UNITÉ DE PUBLICITÉ DE L’OTAN AU SERVICE D’INFORMATION DE L’OTAN Cette première partie voudrait mettre en lumière, dans les limites imposées par nos sources, une tension décelable entre deux stratégies globales qui s’affrontaient pour déterminer la structure et les tâches du Service d’information. La première stratégie, que l’on pourrait qualifier « d’expansionniste », tendait à favoriser une croissance rapide du Service au niveau de ses responsabilités, du personnel et des actions possibles. Elle favorisait incidemment un recours plus direct à la propagande. L’autre stratégie, adoptée par le gouvernement canadien de l’époque 5 et que l’on pourrait qualifier de « minimaliste », cherchait à faire valoir une progression par petites étapes et à proposer des mécanismes destinés à contrôler, à surveiller ou à éviter une trop grande autonomie du Service d’information de l’OTAN. En fait, les premiers documents disponibles (une année seulement après la signature du Traité à Washington) nous indiquent que la position du gouvernement canadien se fonda sur un certain nombre de critères qui varièrent peu durant les deux années suivantes. 86 Dans un document qui proposait quelques idées sur la création d’une possible Unité de publicité (Publicity Unit), R. A. MacKay, chef de la 1re Direction de liaison avec la Défense du ministère des Affaires extérieures, soulignait qu’en dépit de l’intérêt manifesté pour le Traité, et des nombreux textes diffusés par la presse ou par d’autres canaux d’information, la publicité officielle avait été réduite à des « communiqués inoffensifs (et par conséquent ennuyeux) » et à des « présentations factuelles (et souvent sèches) des objectifs larges du Traité » 6 . Il se demandait si l’amélioration de la publicité de l’OTAN était fondée sur un besoin réel et notait que les idées sur les fonctions de cette Unité de publicité étaient alors « vagues et hésitantes ». Dans le but de les clarifier, il joignait à son mémo une première version des attributions de l’Unité. Ces attributions peuvent être regroupées en deux catégories : le fonctionnement et les tâches. Ainsi, on prévoyait : k que l’Unité devrait inclure un représentant de chaque pays membre et qu’elle devrait faire rapport au Groupe de travail international (plus tard au Conseil des députés), qu’elle devrait travailler conjointement avec tous les corps de l’Organisation et les gouvernements membres, qui en retour l’aideraient de leurs ressources disponibles; k que l’Unité devrait promouvoir une bonne connaissance de la communauté de l’OTAN, offrir des consultations au besoin, aider à préparer les communiqués officiels et des informations destinées aux écoles et aider les pays membres à la distribution de leur matériel informatif. MacKay ne voyait pas l’Unité comme une super Voice of America, parlant au reste du monde pour la communauté de l’Atlantique Nord. En fait, il souhaitait que l’Unité puisse fonctionner avec des paramètres de base, qui seraient acceptés par tous. Les attributions, disait-il, avaient été conçues de telle sorte que l’initiative, pour les questions d’information, devait être prise par les gouvernements membres qui contrôleraient sa distribution dans leur pays respectif. D’après lui, l’Unité pourrait produire des affiches et des dépliants éducatifs pour faire connaître les réalisations et le potentiel de la communauté de l’Atlantique Nord. Il déclarait, en conclusion de son mémo, que ce dont la communauté avait grand besoin à ce moment, c’était de « cultiver aussi activement que possible dans chacun de nos pays, l’esprit de communauté. Tant que nos populations ne seront pas plus conscientes du sens communautaire, disait-il, la structure des organisations de l’Atlantique Nord ne reposera pas sur des bases solides »7 . Retenons ici que les mécanismes de fonctionnement proposés dans les attributions subordonnaient l’Unité de publicité de l’OTAN au Conseil des députés de même qu’aux services d’information nationaux des pays membres : l’Unité apparaît comme un intermédiaire entre les pays membres et l’Organisation, qui pouvait donner des conseils et les assister dans le domaine de l’information. Appelé à commenter les propositions de MacKay, E. B. Rogers, de la Division de l’information du ministère des Affaires extérieures, ne divergeait pas substantiellement de point de vue sur la stratégie proposée. Il suggérait quelques correctifs, comme changer le nom de l’Unité de publicité de l’OTAN pour le Bureau d’information de l’OTAN, ou quelques mises en garde contre des difficultés potentielles. Cependant, il pensait qu’il ne serait pas facile d’obtenir un consensus sur les fonctions pourtant minimales du Bureau. Il doutait aussi de la capacité d’un service d’information à produire du matériel véritablement captivant8 . Comme MacKay, il croyait que le Bureau devrait se limiter à produire de courtes Vol. 2, no. 4, l’hiver 1999 Quoi qu’il en soit, en juillet 1950, lors d’une visite en Europe, Edward Barrett, secrétaire d’État adjoint aux Affaires publiques des États-Unis, recommandait la mise en place du Service d’information de l’OTAN. En avril 1951, les responsables de l’Organisation allaient examiner le rôle et le fonctionnement du Service d’information11 . Quelques jours avant la rencontre d’avril 1951, C. Ritchie, sous-secrétaire d’État adjoint du ministère des Affaires extérieures, évoquait encore plus précisément les attentes du gouvernement canadien à propos de cette rencontre et du Service d’information 12 . Alors qu’en 1950 MacKay suggérait qu’il fallait éviter que l’Unité de publicité ne ressemble à Voice of America, Ritchie suggérait dans le même sens que le Service ne ressemble pas à une sorte de « Natinform » (jeu de mots, on s’en doute, avec Cominform) et qu’il demeure une agence de coordination et de liaison. Cette position était confirmée et précisée par un comité ad hoc sur les services d’information du gouvernement canadien, tenu à Ottawa le 4 avril 195113 . Retenons ici la position générale sur laquelle s’entendit le comité : k que le Service d’information de l’OTAN devrait demeurer sous le contrôle direct du Conseil des députés; k que le Service ne devrait pas luimême produire de nouvelles sauf en ce qui a trait aux activités des divers organes de l’OTAN, mais qu’il devrait agir à titre d’agence centrale de coordination pour l’information émanant de divers pays de l’OTAN et leur étant destinée; k qu’il n’y aurait aucune objection à ce que le Service ait des contacts directs avec les diverses agences d’information nationales, à condition que ses fonctions se limitent à celles énoncées ci-dessus; k qu’il pourrait s’avérer utile de nommer un groupe de travail chargé de poursuivre les travaux de la rencontre de Londres et de faire rapport au Conseil des députés14 . Comme on peut le constater par l’ensemble des informations qui précèdent, la stratégie du gouvernement canadien cherchait à élaborer des mécanismes qui permettraient d’éviter une perte de contrôle du Service d’information. Or, il est possible de déceler, le plus souvent de façon indirecte, que les tâches du Service ne cessèrent pas, avant et après la rencontre d’avril, de croître, du moins sur papier, de telle sorte que le gouvernement canadien dut accepter une expansion du Service ainsi que sa participation réservée dans la problématique de la « guerre psychologique ». Voici, par exemple, les attributions du Service que l’on identifiait explicitement en février 1951, dans un document visant à réorganiser la structure de l’OTAN : k favoriser une meilleure connaissance des activités de l’Organisation et des objectifs du Traité de l’Atlantique Nord; k sous réserve des précautions voulues en matière de sécurité, recueillir et préparer des informations valables et les diffuser à la presse et aux autres agences de communication; k diffuser tous les communiqués officiels de l’Organisation après avoir reçu l’approbation de l’agence de l’OTAN concernée; k préparer des programmes de publicité sur l’OTAN pour les différents médias de communication et les proposer aux agences d’information nationales des pays membres pour que ces dernières puissent prendre les mesures nécessaires. Le directeur ou certains adjoints doivent être prêts à se 87 guerre de l’information et Grodzinski Le Service d’information de l’OTAN en 1951 :Organisation Captain John brochures, des cartes simples et des affiches. « Plus tard, il serait possible de produire du matériel sur l’héritage culturel et les traditions politiques des pays de l’Atlantique Nord, quelque chose qui pourrait contribuer plus directement à la création d’un esprit de communauté parmi les membres »9 . Il signalait par ailleurs la façon dont le Canada traitait son matériel d’information et établissait une distinction dans les procédures de distribution entre le matériel gratuit et celui qui était facturé. Il soulevait le problème de la diffusion d’informations dans les écoles et précisait à ce propos que, si une province décidait de ne pas utiliser ce matériel, « nous devrions expliquer aux Quartiers généraux de l’Atlantique Nord que le gouvernement fédéral n’était pas habilité à promouvoir l’utilisation de matériel informatif dans les écoles au Canada ».10 En conclusion de son mémo, il suggérait que le Bureau d’information devrait commencer ses opérations sur une base modeste, produire des documents informatifs qui pourraient inciter les gouvernements participants à lui fournir leurs propres publications. Comme MacKay précédemment, il soulignait le rôle important du Bureau dans la promotion d’une meilleure compréhension des objectifs du Traité. Cependant, sa popularisation demeurait, selon lui, la responsabilité des gouvernements membres, pas celle du Bureau, bien que ce dernier pourrait agir comme groupe de rappel auprès des gouvernements. Ces derniers devaient aussi savoir que la mise sur pied de ce Bureau exigerait du personnel, du temps et de l’argent aussi bien qu’un appui adéquat de leur part. Bref, la position de Rogers semble encore plus prudente que celle de MacKay. Le refus d’un point de vue unique pour tous, ainsi que le rôle important que devait jouer chaque pays au niveau de la distribution nationale de l’information sont aussi deux éléments à retenir. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre rendre en tout temps dans tout pays membre afin d’apporter des conseils et une aide à l’égard de la réalisation des programmes nationaux proposés; k recueillir et analyser des exemples de propagande nuisant aux objectifs de l’OTAN et préparer des thèmes de contre-propagande à communiquer aux directeurs des agences d’information nationales et autres instances officielles désignées par le Conseil des députés; k examiner de façon continue les tendances d’opinion dans la presse et les dépliants publicitaires des pays membres et des autres nations, dans le but de découvrir et de corriger les erreurs et les idées fausses au sujet des buts et des activités de l’OTAN; k s’occuper de l’information et des relations publiques pour toutes les réunions du Conseil et les conférences de l’OTAN, quels qu’en soient le lieu et la date; Pierre Grégoire, Claude Beauregard et Monik Beauregard k présenter des rapports périodiques au Conseil des députés et consulter les députés à l’égard des programmes d’information de l’OTAN touchant leur pays respectif15 . Les attributions prévoyaient des activités d’encadrement (promouvoir, aider, offrir des consultations, etc.) et des activités de traitement de l’information (analyser, examiner, réunir, distribuer). Si on les compare avec celles que proposait MacKay dix mois auparavant, on aura saisi l’importance de l’expansion dévolue au Service d’information. À la suite de la rencontre d’avril 1951, un rapport confirma cette tendance à l’expansion, d’une part parce que les Américains la souhaitaient, d’autre part parce que plusieurs représentants ressentaient le besoin d’une meilleure coordination des mesures de contre-propagande parmi les pays de l’OTAN. Une proposition du 88 directeur Newton, qui désirait favoriser une expansion du Service d’information, inquiétait le rédacteur du rapport en ce sens que si elle était réalisée, disait-il, elle entraînerait une augmentation très importante « aux niveaux du personnel et du travail général d’expansion. Là encore, par conséquent, les députés devront exercer une surveillance continue pour empêcher une expansion trop importante »16 . Quoi qu’il en soit, les tâches évoquées dans les attributions de février 1951 correspondent assez bien à celles que présentait Newton en mai 195117 . Cette proposition prenait la forme d’un organigramme présentant la structure envisagée pour le Service, en huit sections: informations sociales et économiques, films et images, service des nouvelles, liaison et relations publiques (sous l’autorité d’un député); recherche et référence, recherche idéologique, radio et services spéciaux (ces quatre dernières sections sous le contrôle d’un autre député). Newton prévoyait engager au minimum 18 personnes (22 au maximum) pour réaliser les tâches liées à chacune des sections. Cet organigramme fit l’objet des commentaires suivants en juin : A. Freifeld, du ministère des Affaires extérieures, croyait que la structure du Service devait être flexible et réduite au minimum, tout en constituant un noyau de base pour de futures expansions. Il proposait aussi que la structure soit réorganisée en fonction des intrants (input) et des extrants (output), chacune de ces fonctions relevant d’un député18 . Un mois plus tard, un bref mémo de J. A. McCordick, de la 2e Direction de liaison avec la Défense du ministère des Affaires extérieures, informait C. Ritchie que les plans d’expansion du Service d’information ne semblaient pas déranger l’ambassade du Canada à Londres ou le ministère britannique des Affaires extérieures. Il déclarait n’avoir rien à ajouter de nouveau sur le sujet, si ce n’était de témoigner de son « étonnement devant le nombre élevé et croissant de fonctions que le Service d’information s’attribue ».19 Finalement, on sait par un document non daté (mais manifestement écrit après la rencontre d’avril 1951) que les tâches du Service d’information croissent (théoriquement) en même temps que le personnel requis pour les effectuer. Cependant, une remarque nous fait savoir qu’au début de l’année (1951), le personnel qu’avait demandé le Service d’information pour remplir ses fonctions n’avait toujours pas été délégué par les gouvernements membres. On sait aussi que le mécanisme voulant que les gouvernements membres envoient au Service d’information leur propre matériel informatif, pour fin de redistribution à tous, n’avait pas fonctionné si l’on excepte un ou deux pays20 . Jusqu’à présent nous avons tenté de montrer comment, d’un côté, le gouvernement canadien jugeait bon de progresser par petites étapes en ce qui concernait la structure et les fonctions du Service de l’information de l’OTAN, et comment, de l’autre, on lui accordait (ou il s’accordait!) une importance beaucoup plus grande et par le fait même une expansion en principe notable. Bien que les choses soient plus complexes, il est évident que la problématique de la guerre psychologique joua un rôle dans l’expansion du Service de l’information, en incitant certains pays à lui donner plus d’importance. DISCUSSIONS SUR LA PROPAGANDE, LA GUERRE PSYCHOLOGIQUE ET LA GUERRE IDÉOLOGIQUE Par souci de méthode, nous avons dissocié l’examen de la structure et des fonctions du Service de l’information de l’OTAN de celui de la problématique de la guerre psychologique. Cette problématique est pourtant étroitement associée, dès le départ, aux activités d’information générales que devait exercer le Service d’information : mettre Vol. 2, no. 4, l’hiver 1999 La première remarque générale qui s’impose concerne un problème technique : il s’agit de l’imprécision sémantique qui caractérise les discussions. En effet, on parle dans les documents de guerre idéologique (ideological warfare), de guerre psychologique (psychological warfare), de guerre des idées et même de guerre politique, sans compter le terme propagande lui-même qui est parfois utilisé dans un sens restreint ou encore comme un synonyme de guerre psychologique ou idéologique. Cette imprécision sémantique est sans doute liée à des termes dont les réalités semblaient menaçantes : sortie d’une guerre, la population ne se réjouissaient pas à l’idée d’en revivre une autre en 1950, et cela seul pouvait conduire, on s’en doute, à des attitudes réservées envers ce type d’activités. Il est d’autant plus curieux qu’un effort de clarification n’a pas été fait, ne serait-ce que par la négative, c’est-à-dire en identifiant ce que n’était pas la propagande ou la guerre psychologique22 . Quoi qu’il en soit, un peu comme ce fut le cas pour la structure et les fonctions du Service d’information, deux approches s’affrontèrent face à l’utilisation de la propagande par le Service d’information: une approche favorable (États-Unis, Italie, France) et une autre « réticente ». Deux textes, l’un du 9 septembre 1950 et l’autre du 7 septembre 1951, nous permettent de saisir ces deux approches. Dans le premier des textes (non signés), des buts et des méthodes étaient fixés au Service d’information de l’OTAN. Mais surtout, une orientation idéologique était mise de l’avant qu’il faut ici exposer parce qu’elle exprime un point de vue minoritaire dans l’ensemble de la position canadienne. D’après l’auteur du document, on avait jusqu’ici fait la promotion des avantages de la démocratie et du mode de vie occidental, en l’associant à la prospérité matérielle. Or, le communisme avait élaboré un corps d’idées « ayant une grande capacité de diffusion, tandis que l’Ouest [n’avait] jusqu’ici lancé qu’une contre-attaque insuffisante dans la lutte idéologique pour gagner l’esprit des hommes ».23 Bref, l’attrait matérialiste, malgré sa force, n’était pas comme le dit l’auteur « des mots convaincants » et ne pouvait, en ce sens, contribuer beaucoup au « renforcement du moral, de la foi et de la détermination si nécessaires pour la survie de l’Ouest ». Il s’ensuit, déclarait l’auteur, que « les richesses spirituelles de l’Ouest devraient recevoir une plus grande attention que les avantages purement matériels de la démocratie ». 24 Il déclarait aussi que les peuples d’Europe et d’Amérique étaient à la recherche d’un nouveau contenu spirituel dans leur vie. Il affirmait finalement qu’une orientation fondée sur ce qui précède « éloignerait des faux dieux bon nombre de ces jeunes dont le désir d’un idéal ardent a été exploité et perverti par les mouvements de la jeunesse communiste et aiderait à raviver la foi des majorités non communistes dans les pays sous contrôle communiste, particulièrement la bourgeoisie persécutée et dépossédée ».25 À l’autre bout du spectre idéologique, le second mémo présente ce que l’on pourrait appeler une approche pragmatique ou encore de la propagande par l’exemple26 . Ce mémo est d’ailleurs le seul à établir des distinctions explicites entre propagande et guerre psychologique, bien que, nous le verrons plus loin, l’auteur ne respecte pas vraiment les nuances qu’il fait. Il constate que les efforts inarticulés des pays de l’OTAN dans le domaine de la « propagande » l’ont été encore plus en raison des effets de la propagande soviétique et particulièrement de la « Campagne pour la paix ». Dans ce contexte, rappelle l’auteur, les États-Unis, lors de la rencontre d’avril, semblaient disposés à donner de plus grandes responsabilités opérationnelles au Service d’information. Il discute par ailleurs d’une stratégie américaine visant à mettre sur pied des comités consultatifs nationaux et un comité international. Cette stratégie fera couler beaucoup d’encre dans les mois suivants. Retenons simplement ici que l’auteur ne trouvait pas cette idée très pertinente, puisque la création d’un comité consultatif international pouvait apparaître au public comme une sorte d’Académie des Sciences morales de l’OTAN, avec des représentants n’ayant qu’un pouvoir « moral » et qui devait inévitablement verser, selon l’auteur, dans les discours idéalistes et irréalistes, tentant de guider l’histoire vers la création d’un « ethos » nord-atlantique. Il ne souhaitait pas plus d’ailleurs que ce comité international intervienne dans le domaine de la propagande. Les comités consultatifs nationaux ne paraissaient pas plus crédibles d’un point de vue canadien, faisait-il remarquer, puisque cela équivalait à engager un comité de citoyens pour donner des avis au gouvernement sur sa politique étrangère. Voici comment l’auteur présentait les trois différents types de guerre psychologique qu’il identifiait, après avoir noté au passage que ce concept n’avait pas gagné beaucoup de précision au cours des deux ou trois dernières années. Le premier type, disait-il, est dirigé de notre côté, bien qu’il ne soit pas 89 guerre de l’information et Grodzinski Le Service d’information de l’OTAN en 1951 :Organisation Captain John en œuvre une contre-propagande efficace face à celle qui provenait du bloc soviétique. Dans les pages qui suivent, nous essaierons de présenter et de comprendre les arguments en faveur et en défaveur de la guerre psychologique. Il faut rappeler ici que la position du gouvernement canadien à ce propos était pour le moins méfiante. On voulait éviter que le Service d’information ne « navigue dans la mer vaste et inexplorée de la guerre idéologique et de la propagande anticommuniste ».21 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Pierre Grégoire, Claude Beauregard et Monik Beauregard simplement défensif. Au niveau des activités d’information, il s’agit de minimiser les effets de la guerre psychologique de l’ennemi dirigés contre nous et de renforcer le moral, la détermination et la foi des pays de l’OTAN. Il remarquait avec justesse à ce propos que, bien que l’on ait interdit au Service de l’information de s’engager dans la guerre psychologique, ses activités présentes constituaient néanmoins un effort modeste dans cette direction. Le second type correspondait plus étroitement au mot guerre, puisqu’il s’agissait de porter la guerre dans le camp ennemi et de chercher à affaiblir son moral et à encourager les éléments dissidents à l’intérieur de sa sphère d’influence. Ce type de guerre psychologique est celui, disait-il, qui correspond le mieux à la définition de la propagande comme étant « la tentative organisée de persuader d’autres personnes d’adopter certaines idées et d’agir selon des lignes directrices qui sont contraires à la politique de leur gouvernement ou devant lesquelles ce dernier est demeuré apathique ou inactif ».27 Il signalait que ce type de guerre psychologique avait été pratiqué durant la Deuxième Guerre mondiale et était encore exercé à différents degrés par l’URSS, les États-Unis et d’autres pays. Notons en passant que l’auteur assimile le deuxième type de guerre psychologique à une définition de la propagande. L’auteur ouvrait une parenthèse pour faire remarquer, qu’à son avis, les États-Unis « aimeraient voir les pays de l’OTAN ensemble, ou par l’entremise du Service d’information ou d’un nouvel organisme tel que le Comité consultatif international, livrer davantage le premier type de guerre psychologique et se lancer dans un programme énergique du second type ».28 Il doutait de la pertinence de telles activités pour l’OTAN et croyait qu’une évolution en ce sens 90 provoquerait beaucoup d’opposition dans les pays de l’OTAN dont les perspectives et les tempéraments ne seraient pas faciles à concilier. Il misait plutôt sur des initiatives nationales dans ce domaine, bien que des échanges d’idées seraient très utiles à la cause commune. Le troisième type de guerre psychologique, présenté comme « le plus efficace », était défini de la manière suivante : « La propagande est une politique qui veut rejoindre le plus d’auditoires étrangers de manière à leur permettre de la comprendre et d’y réagir favorablement selon leurs propres conditions ». 29 En d’autres termes, ajoutait-il, la façon la plus efficace pour l’OTAN d’aborder le problème de la consolidation du moral de ses membres et de contrer la propagande interne et externe de l’ennemi était d’avoir de bonnes politiques, d’y adhérer et de faire de la propagande une émanation de ces politiques. Ici encore, l’auteur rabat l’expression « guerre psychologique » sur celle de propagande. Il est légitime de se demander pourquoi, si ces deux termes sont synonymes, les avoir utilisés tous les deux, plutôt qu’un seul. En effet, si les deuxième et troisième types de guerres psychologiques sont des niveaux différents d’une réalité plus large qui est la propagande, il aurait été plus simple de parler de trois types de propagande dans le cadre de discussions imprécises sur la « guerre psychologique »! Une autre hypothèse imputerait tout simplement à l’auteur le manque de rigueur qu’il identifiait ailleurs. Sans qu’il soit possible ici de l’aborder en détail, il faut signaler que certains documents introduisent des nuances hiérarchiques entre les deux expressions, la guerre psychologique (ou politique) pouvant être interprétée comme un engagement dans un conflit ouvert, alors que la propagande apparaît plutôt comme une technique de manipulation de l’information30 . Les deux mémos présentent des positions divergentes en ce qui concerne les activités de « propagande » : l’un favorisait le recours à l’idéologie par l’affirmation des valeurs morales de l’Occident, tandis que l’autre proposait d’adopter de bonnes politiques, que tout le monde pouvait constater et opposer ces bonnes politiques aux affirmations jugées fallacieuses de l’ennemi. Bien entendu, pour faire connaître ces bonnes politiques au « maximum de personnes possible », encore fallait-il les formuler et décider des bonnes stratégies de diffusion. Il nous semble assez évident aujourd’hui que ces deux approches sont beaucoup plus complémentaires que contradictoires, aussi faudra-t-il essayer d’expliquer plus loin pourquoi l’approche pragmatique apparut moins imprécise au personnel politique de l’époque. Un dernier aspect de la stratégie du Canada dans le domaine de la propagande doit être rapidement évoqué. En vue de la préparation à la rencontre d’avril 1951, on fit circuler une liste de sujets ou de thèmes qui pouvait aider les pays membres dans leurs efforts pour contrer la propagande soviétique. En février 1951, le secrétaire d’État aux Affaires extérieures envoyait les commentaires énoncés au tableau 1 au Haut Commissaire pour le Canada à Londres.31 Dans ces commentaires, on présentait des thèmes positifs pour le Canada tels que, par exemple, « l’union fait la force », etc., mais surtout on dressait la liste des principaux thèmes de la propagande soviétique au Canada, ainsi que les différents moyens par lesquels on avait essayé de les contrer. Un peu plus tard, C. Ritchie faisait circuler pour fins de commentaires un brouillon de déclaration dont le propos apparaît sensiblement plus « vigoureux » que ne le laissait Vol. 2, no. 4, l’hiver 1999 Moyens utilisés pour contrer ces thèmes 1. La Campagne pour la paix. Des membres du gouvernement font des déclarations sur la véritable nature de la Campagne pour la paix, et la presse et la radio font beaucoup pour en révéler les motifs. 2. L’impérialisme américain comme menace au nationalisme canadien. La plupart des Canadiens sont plutôt insensibles à cette idée, mais une minorité d’entre eux, non communistes, ont été influencés et, dans leur intérêt, les membres du gouvernement et la presse font souvent allusion aux relations amicales uniques et bien connues entre le Canada et les États-Unis. 3. Les horreurs de l’inévitable cycle d’expansion et de ralentissement qui caractérise le capitalisme. La presse est en grande partie convaincue de la santé fondamentale de notre économie capitaliste et prêche constamment ce thème, tout en invoquant les faiblesses plus évidentes du système et les leçons tirées depuis la Crise. À l’occasion, la presse offre aussi des analyses de l’économie soviétique pour montrer qu’elle est le reflet d’une crise permanente et décrétée. 4. L’exploitation capitaliste des travailleurs et le besoin de syndicats forts, de grèves, etc. Grâce à leurs efforts énergiques, les syndicats ont réussi à se débarrasser des éléments communistes et à renseigner leurs membres sur le rôle des syndicats en Union soviétique. 5. Le communisme en tant que projection politique des enseignements du Christ et, par conséquent, conforme au christianisme. Cet argument n’a aucun poids chez la grande majorité des catholiques mais continue en effet d’embrouiller et d’induire en erreur un nombre important de non-conformistes protestants. Ce nombre semblerait diminuer davantage grâce à la sensibilisation de plus en plus généralisée au sujet de la nature du communisme que grâce aux mesures prises par les Églises elles-mêmes. 6. L’anticonscription. La question de la conscription prend une forme particulière au Canada. Ses origines sont bien connues, et la persistance d’un sentiment anticonscription au pays semble assez indépendant des tentatives communistes visant à l’exploiter. 7 Les régimes qualifiés de « réactionnaires » ou de « progressistes ». [Aucune remarque à ce propos.] Tableau 1 : La propogande soviétique au Canada 91 guerre de l’information et Grodzinski Le Service d’information de l’OTAN en 1951 :Organisation Captain John Thèmes de la propagande soviétique au Canada Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre supposer jusque-là la position canadienne32 . Il y notait que le Traité de l’Atlantique Nord avait été l’objet, durant les mois précédents, d’une campagne de désinformation de la part du gouvernement soviétique, qui espérait ainsi diviser les Alliés et disloquer l’alliance. Sans succès, disaitil. « Le gouvernement soviétique se présente en ami de la paix et tente de qualifier d’agressif le Traité de l’Atlantique Nord ». 33 En bref, les arguments de Ritchie se concentraient sur l’attitude agressive et les « mots vides de sens » du gouvernement soviétique et sur le fait que de telles tactiques ne feraient pas fléchir les efforts défensifs des pays de l’Atlantique Nord. CONCLUSION Pierre Grégoire, Claude Beauregard et Monik Beauregard De ce qui précède, il faut tirer une synthèse en mesure de nous faire comprendre la position canadienne. Cette tâche n’est pas facile puisque de nombreuses informations nous manquent pour le faire adéquatement. Nous proposons donc plus modestement quelques hypothèses explicatives. Nous avons tenté de montrer, dans la première partie, que deux approches s’étaient plus ou moins opposées en ce qui touchait la structure et les fonctions du Service d’information, l’une (la canadienne) voulant un Service minimal et des fonctions de base, de telle manière qu’il soit facile de le contrôler et d’éviter qu’il n’empiète sur les prérogatives des gouvernements membres. L’autre approche (américaine notamment) souhaitait un Service aux fonctions larges avec un personnel conséquent. Or, nous avons vu que malgré la volonté canadienne de freiner le Service d’information dans ses désirs d’expansion, des pressions externes (en grande partie américaines) et internes (le Service d’information lui-même) avaient provoqué des conséquences autres, en ce qui concerne notre période d’observation. Il faut se souvenir que 92 le Service d’information n’aura pas le personnel demandé avant, sans aucun doute, 1952. Il faut aussi établir un lien entre la position minimaliste canadienne et son refus de voir le Service d’information devenir une « machine de propagande » au service de l’OTAN. De nombreuses raisons peuvent être avancées pour expliquer ce refus et au tout premier chef, celle qui a déjà été signalée, c’està-dire la peur que le Service devienne difficile à contrôler et marche sur les plates-bandes des politiciens en dictant des lignes de conduite aux gouvernements. En ce sens, on refuse aussi la méthode centralisatrice de l’URSS qui, dit-on, n’aurait pas été acceptée par l’ensemble des pays de l’OTAN. On peut aussi présumer que la position canadienne témoigne d’une prudence de politiciens pragmatiques, habitués à progresser par petites étapes et ayant peur des belles paroles et des grands idéaux, toutes choses liées en quelque sorte à la propagande! À ce propos d’ailleurs, le directeur du Service, Newton, signalait en décembre 1950 que beaucoup de représentants des pays membres n’étaient pas très à l’aise dans le domaine de l’information, ce qui les portait soit à surestimer les questions de sécurité, soit à s’imaginer que l’on pouvait faire des miracles sans grands moyens et sans personnel34 . On peut présumer, à partir des informations données dans la deuxième partie du texte, que toute la problématique de la propagande et de la guerre psychologique faisait peur par sa complexité et par les implications qu’elle pouvait avoir dans la reprise ouverte des hostilités (Staline est mort en 1953). Finalement, sans que cet aspect des choses soit directement abordé dans nos documents, la question des coûts entraînés par un gros Service d’information et par des activités soutenues de propagande a sûrement représenté un facteur important dans la position canadienne. Comment fallait-il créer un sentiment d’appartenance au sein de douze pays différents, dans le contexte de la guerre froide? En réponse à cette question difficile, le gouvernement canadien de l’époque a adopté (en fonction de sa position dans l’OTAN et de ses traditions) une stratégie fondée sur la diffusion « d’informations de base » (straight information), plutôt que sur la propagande ou la guerre psychologique. Ce choix s’explique par les facteurs qui ont été précédemment invoqués, mais deux apparaissent essentiels à retenir : la crainte d’enfanter une « créature » incontrôlable et celle de voir le Service d’information dériver dans « la mer vaste et inexplorée de la guerre idéologique ». À propos de l’auteur . . . L’auteur, le capitaine Claude Beauregard, a travaillé pendant deux années à la Direction des communications de l’Armée à Ottawa. Il est présentement analyste au projet Qualité de vie. Vol. 2, no. 4, l’hiver 1999 NOTES 2 Les 12 pays signataires étaient: la Belgique, le Canada, le Danemark, la France, la Grande-Bretagne, l’Islande, l’Italie, le Luxembourg, la Hollande, la Norvège, le Portugal et les États-Unis. En 1952, la Grèce et la Turquie furent admis dans l’alliance. On peut trouver des renseignements utiles sur l’OTAN à l’adresse Internet suivante : http:/ /www.nato.int/. Pour comprendre la position canadienne sur l’OTAN, voir : John A. Munro et Alex. I. Inglis (dir.), Mike: The Memoirs of The Right Honourable Lester B. Pearson, vol. 2, 1948-1957, Toronto, Toronto University Press, 1973, 344 pages. 3 Archives nationales du Canada (ANC), RG 25, G2 vol. 4522 - 4523 Dossier 500-30 R 40, pt 1-3, 11 novembre 1950 – 30 septembre 1952 (à l’avenir, ANC RG 25, G2 vol. 4522 - 4523). McCordick, Ottawa, 27 mars 1951, « NATO Information Service », 3 pages. Ce texte est une synthèse des activités du Service de l’information de l’OTAN. Il doit être mis en relation avec un autre texte (« NATO Information ») signé C.S.A. Ritchie daté du 12 mai 1951, qui semble en être le complément. Notons que Ritchie occupait à cette époque le poste de Sous-secrétaire d’État adjoint du ministère des Affaires extérieures. 4 ANC RG 25, vol. 4522 - 4523. B. Welles, journaliste au New York Times, signalait dans un article du 7 avril 1951 que cette rencontre « ...sera la première du genre depuis l’entrée en vigeur du traité, il y a deux ans. » Les nations de l’Atlantique examineront la publicité. Une réunion aura lieu à Londres, Jeudi, pour planifier et coordonner un programme commun. [Traduction] 5 Cette stratégie fut sans doute adoptée par d’autres gouvernements, mais ils ne sont pas identifiés explicitement dans les documents que nous avons consultés. 6 ANC RG 25, vol. 4522 - 4523. Defence Liaison/J.George/bw, SECRET, Ottawa, 18 avril 1950, mémorandum au Sous-secrétaire, « North Atlantic Publicity », 2 pages. À ce document il faut joindre « Draft. North Atlantic Council Directive to Establish a Consultative Publicity Unit », sans date, 2 pages. 7 Ibid. 8 ANC RG 25, vol. 4522 - 4523. Information/Frances Carlisle/WRW, SECRET, 27 avril 1950, mémorandum for M. MacKay, « Defence Liaison Division », 3 pages, (signé E. B. Rogers, Information Division). Commissaire du gouvernement à la cimématographie; M. J.W. Pickersgill, Adjoint spécial au Premier ministre; Mr. Paul Pelletier, Bureau du conseil privé (Secrétaire). 14 Ibid. 15 ANC RG 25, vol. 4522 - 4523. TRÈS SECRET, 5 février 1951, « Draft Report to the Council by the Council Deputies on Reorganization of the NATO Structure », 18 pages. Les « Terms of Reference » se trouvent à la page 17. 16 ANC RG 25, vol. 4522 - 4523. SECRET, « Report on the NATO Information Meeting », Londres, 21 avril 1951, 10 pages. 17 ANC RG 25, vol. 4522 - 4523. 7 mai 1951, NATO, du Haut Commissaire du Canada, Londres, au Secrétaire d’État aux Affaires extérieures, Canada, sujet : NATO Information Service, 3 pages. 18 ANC RG 25, vol. 4522 - 4523. Information/S.A. Freifeld/EG, 12 juin 1951, mémorandum à M. Ritchie, « NATO Information Service », 2 pages. 19 ANC RG 25, vol. 4522 - 4523. Defence Liaison/JAMcCordick/g1, CONFIDENTIEL, Ottawa, 24 juillet 1951, mémorandum à M. Ritchie, « NATO Information Service », 1 page. 20 ANC RG 25, vol. 4522 - 4523. Organization of NATO Information Service, s/d, anonyme, 6 pages. 21 ANC RG 25, vol. 4522 - 4523. SECRET, « Report on the NATO Information Meeting », Londres, loc. cit, p. 9. 22 Au risque d’être accusés nous-mêmes de laxisme, nous devons éviter ici d’aborder ce problème. Tout d’abord parce qu’il nous entraînerait loin de notre propos et secondement parce qu’il est effectivement complexe. Pour comprendre la position américaine concernant la guerre psychologique, voir: William E. Daugherty et Morris Janowitz, A Psychological Warfare Casebook, Published for Operations Research Office, Baltimore, The Johns Hopkins University, by The Johns Hopkins Press, 1958, 880 pages. 23 ANC RG 25, vol. 4522 - 4523. SECRET, 9 septembre 1950, « Nat Information Service », 3 pages. 24 Ibid. 25 Ibid. 26 ANC RG 25, vol. 4522 - 4523. 17 mai 1951. 27 Ibid. 9 Ibid. 28 Ibid. 10 Ibid. 29 Ibid. 11 ANC RG 25, vol. 4522 - 4523. J. A. McCordick, « NATO Information Service », Ottawa, 27 mars 1951. 30 ANC RG 25, vol. 4522 - 4523. 17 mai 1951, CONFIDENTIEL, Haut Commissaire du Canada, Londres. « Anti-Communist Propaganda », 5 pages. 12 ANC RG 25, vol. 4522 - 4523. Defence Liaison/JAMcCordick/g1, SECRET, Ottawa, 2 avril 1951, « NATO Information Meeting April 12 – 14 », C.S.A. Rictchie, 6 pages. 13 ANC RG 25, vol. 4522 - 4523. TRÈS SECRET, Comité spécial des services d’information du gouvernment, (rencontre, le mercredi 4 avril 1951), Ottawa, 13 avril 1951, Paul Pelletier, secrétaire, 3 pages. Les responsables de ce comité sont : M. N.A. Robertson, Secrétaire du Cabinet; M. A.D. Dunton, Président, Conseil des gouverneurs, Société Radio-Canada; M. Laval Fortier, Sous-ministre citoyenneté et immigration; M. A.D.P. Heeney, Sous-secrétaire d’État aux Affaires extérieures; M. C.S.A. Ritchie, Sous-secrétaire d’État adjoint aux Affaires extérieures; M. J.A. McCordick, Affaires extérieures; M. R.B. Bryce, Sous-ministre adjoint (Finances); M. W. Arthur Irwin, 31 ANC RG 25, vol. 4522 - 4523. Message du Secrétaire d’État aux Affaires extérieures, Canada, au Haut Commissaire du Canada, Londres. « Council Deputies 14th February », 19 février 1951, 5 pages 32 ANC RG 25, vol. 4522 - 4523. C.S.A. Ritchie/LB, 29 août 1951, mémorandum au Sous-secrétaire. « Draft Declaration », (08/30/1951), 2 pages. 33 Ibid. 34 ANC RG 25, vol. 4522 - 4523. 7 décembre 1950, du Haut Commissaire du Canada, Londres, au Secrétaire d’État aux Affaires extérieures, Canada, sujet : Organization of NATO Information Service, 2 pages. 93 guerre de l’information et Grodzinski Le Service d’information de l’OTAN en 1951 :Organisation Captain John 1 Communication présentée au Congrès de la Fédération canadienne des sciences sociales et humaines, Société historique du Canada, Université d’Ottawa, 31 mai 1998. Il n’existe aucun lien de parenté entre les auteurs. Pierre Grégoire, Claude Beauregard et Monik Beauregard Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre 94 Vol. 2, no. 4, hiver 1999 L’AVENIR DU CORPS BLINDÉ ET DE L’ÉQUIPE INTERARMES Le lieutenant-colonel P.J. Atkinson, CD SUPPLÉMENT SPÉCIAL DU BULLETIN DE DOCTRINE ET D’INSTRUCTION DE L’ARMÉE DE TERRE de terre de l’Armée Supplément spécial du Bulletin de doctrine et d’instruction Captain John Grodzinski L’avenir de l’équipe interarmes a été mis en question durant les années 70 au moment de la mise hors service du char Centurion. Les régiments blindés, basés au Canada, ont adopté des flottes mixtes de véhicules blindés légers à roues et chenillés et ils ont, à l’occasion, trouvé un char ou deux. Ils ont, grâce à leur travail acharné et en faisant preuve d’innovation, pu maintenir d’importantes habiletés dans l’art de faire la guerre. Au cours des années 80, l’acquisition du Leopard et du Cougar a mené à la résurrection des opérations « blindées » ainsi qu’à des opérations mécanisées se déroulant à un rythme accéléré. Aujourd’hui, presque 30 ans plus tard, nous sommes confrontés à un problème du même genre, à savoir ce que sera l’avenir de l’équipe interarmes et du Corps blindé. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre HALTE AU TIR — ATTENDEZ! Alors que le présent numéro du Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre était en préparation, le général Eric K. Shinseki, chef d’état-major de l’Armée américaine, annonçait que cette dernière avait l’intention de retirer progressivement ses véhicules blindés de transport de troupes chenillés et ses chars pour les remplacer par des véhicules à roues au cours du prochain siècle1 . Le général Shinseki faisait cette annonce lors d’un discours-programme prononcé à la réunion annuelle de l’Association de l’Armée américaine à Washington, D.C., le 12 octobre 1999. Étant donné le rythme accéléré des opérations internationales, la nécessité d’obtenir une présence redoutable rapidement et la difficulté de transporter des forces lourdes, la solution au problème de transport stratégique semble être de rendre les forces de plus en plus légères tout en leur « assurant [aux forces] la létalité et la mobilité requises pour obtenir les résultats décisifs dont… les forces lourdes jouissent actuellement »2 . Affirmant que l’Armée américaine sera « plus réceptive, plus létale, plus souple, plus polyvalente, plus apte à survivre et que son maintien en puissance s’en trouvera augmenté »3 , le général Shinseki poursuit en disant que deux brigades létales, rapidement déployables, utilisant la technologie améliorée, seront établies cette année grâce à la technologie disponible dans le commerce. Supplément spécial du Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Il s’agit de développer la capacité de déployer des équipes de combat de la taille d’une brigade n’importe où dans le monde en 96 heures après le décollage, une division au sol en 120 heures et cinq divisions en dedans de 30 jours4 . L’Armée américaine reconnaît qu’il faudra accomplir beaucoup de travail et procéder à de nombreux essais pour produire une force qui conserve le caractère déployable de la force légère actuelle tout en lui assurant la létalité et la mobilité des forces lourdes. « La technologie des véhicules à roues a fait un bon bout de chemin sous l’impulsion de l’industrie hors-route, et la technologie nous permet de réduire les poids », constate le général Shinseki. « Si nous pouvons concilier ces deux éléments, la perspective d’employer des véhicules à roues mérite d’être creusée davantage »5 . En tant qu’alliés des États-Unis, cette décision et les initiatives de développement qui en résultent influeront sur l’interopérabilité, la doctrine, les essais et les autres efforts fournis au sein de notre Armée de terre. J’espère que les présents articles nous aideront tous à nous engager dans cette entreprise critique. Le rédacteur en chef NOTES 1 « Army to Develop Future Force Now, Say Shinseki », Army Link News. Ce document peut être consulté à l’adresse électronique suivante : www.dtic.mil/ armylink/news/Oct1999/a19991013shinvis.html . 2 « The Army Vision: Soldiers on Point for the Nation…Persuasive in Peace, Invincible in War ». Déclaration du général Eric K. Shinseki et de Louis Caldera, secrétaire de l’Armée américaine, p. 2. Ce document se retrouve à l’adresse électronique suivante : www.army.mil/CSAVision/default.html . 3 Ibid., p. 1. 4 Op.cit., p. 2. 5 Ibid., p. 2. Vol. 2, no. 4, hiver 1999 UNE PARTIE DE LEUR CAVALERIE POURRAIT ÊTRE CONVERTIE DÉVELOPPEMENT DE LA FORCE BLINDÉE LÉGÈRE DANS L’ARMÉE CANADIENNE, 1952-1976 Étant donné que l’action offensive est une exigence secondaire pour les forces actuelles des pays du Commonwealth, la création d’une Arme de chars risque fort d’être reportée jusqu’à ce que le Ministère de la Guerre ait poussé plus loin ses expériences et ses essais et ait pris une décision quant aux types futurs d’équipement dont sera dotée l’armée nationale. Ainsi, les pays du Commonwealth pourraient tirer profit de nos recherches sans qu’ils aient à en supporter les coûts. Toutefois, afin d’adjoindre à leurs unités de mitrailleuses la puissance de la contre-attaque, une part de leur cavalerie pourrait être convertie, ce qui procurerait un avantage, en unités de véhicules blindés tous terrains, par la pose d’éléments blindés sur le châssis des véhicules à six roues de grande dimension. B.H. Liddell Hart, The Remaking of Modern Armies (1927) e déploiement d’un escadron de véhicules de reconnaissance (reco) Coyote au Kosovo à l’été 1999 est la dernière d’une suite d’opérations exécutées par le Canada depuis 1990 et faisant appel à des véhicules blindés légers. La dissollution du 4e Groupebrigade mécanisé du Canada (GBMC) en 1993 et le rapatriement subséquent des chars de combat principaux Leopard C-1 ont, de concert avec le retrait du Lynx et l’acceptation du Coyote, transformé la structure de la force blindée, en une structure hybride. Jusqu’à aujourd’hui, on ne s’est pas suffisamment penché sur le bien-fondé de ce type d’organisation à la lumière de l’environnement stratégique, particulièrement sur la contribution de la Force terrestre à l’atteinte des objectifs stratégiques du Canada. Sans une réflexion ciblée sur ces questions, l’organisation des régiments blindés et l’élaboration d’une doctrine pour l’utilisation de ceux-ci sont désordonnées. Cette situation n’est pas nouvelle : l’Armée de terre du Canada s’est butée à des problèmes semblables à au moins trois reprises entre 1946 et 1976. L Cette étude vise à déterminer comment et pourquoi l’Armée de terre du Canada s’est retrouvée avec la structure de force blindée légère préCoyote. On examinera donc le développement de l’équipement blindé léger et la doctrine en la matière, à la lumière de l’utilisation et du rôle de la force blindée légère établis par les concepts stratégiques canadiens de l’époque. On cernera en outre les facteurs principaux et secondaires qui ont influé sur ce processus. On doit tenir compte de certaines limites. Il importe de préciser que jusqu’à maintenant aucun examen historique en profondeur du développement de blindés par le Canada durant la guerre froide n’a été réalisé. Le présent document ne constitue donc pas une étude définitive. Ses conclusions et son analyse doivent par conséquent demeurer provisoires, dans l’attente des résultats d’une analyse en profondeur. LA FAUNE DE L’ARRIÈRE-PAYS : BOBCAT ET FERRET, 1952-1963 Le développement de la force blindée légère d’après-guerre s’est appuyé sur l’expérience de reconnaissance de la Deuxième Guerre mondiale. Au départ, l’Armée canadienne a adopté les concepts britanniques rudimentaires se rapportant à l’utilisation des véhicules blindés. Toutefois, l’expérience pratique acquise en Italie a entraîné un changement en 1944 : les unités de reco des divisions étaient alors dotées d’un ensemble de chars de combat principaux et de véhicules de reconnaissance à roues. Par exemple, le South Alberta Regiment, qui était principalement un régiment de reco de division pour la 4 e Division blindée canadienne, comprenait une troupe de reco dotée de 11 chars légers Stuart, une troupe d’inter-communication avec neuf véhicules de reconnaissance à roues Humber et trois escadrons de chars Sherman1 . Les régiments de véhicules blindés spécialisés, munis de Staghound, effectuaient principalement la garde des flancs ou des missions de sécurité en zone arrière, tandis que les unités de reco avec chars progressaient à l’avant afin de découvrir les principales positions défensives ennemies et de recueillir des renseignements en vue du lancement d’une attaque. 97 Une partie de leur cavalerie pourrait être convertie : Développement de la force blindée légère dans l’Armée canadienne, 1952-1976 Sean M. Maloney, Ph.D. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Régiment de division (CBRC) Circa 1947 - 1949 Utilisé comme unité de «reco» dans les divisions d’infanterie. Dans les divisions blindées, les rôles des régiments de chars blindés étaient: reco, tâches offensives (prendre et tenir des traits de terrain tactiques), protection (garde de flanc, force de couverture), réserve mobile (contre-attaque, contre opérations aéroportés) ou poursuite. Quartier général Escadron Escadron Escadron QG 2 x chars d'appui rapproché avec canon 25 lb, 2 x chars légers, 1 x char à lame, 1 x TTB, 1x char poseur de ponts Troupe de chars légère 4 x chars légers Vickers avec 76 mm (concept) ou Chaffee Troupe de chars légère 4 x chars légers Vickers avec 76 mm (concept) ou Chaffee Escadron Escadron Q G Troupe TTB 3 x FV300 chars légers Troupe de communications internes Troupe TTB 3 x FV300 chars légers Troupe de poseur de ponts 3 x chars poseur de ponts Troupe TTB 3 x FV300 chars légers Troupe reco 6 x chars légers, 6 x véhicules reco NOTA : Les éléments administratifs ne sont pas inclus dans cet organigramme Sean M. Maloney Figure 1 : Régiment de division Précisons que les cours d’entraînement d’après-guerre se rapportant aux fonctions opérationnelles de haut niveau préconisaient un concept de reco semblable appelé « Régiment de division, Corps blindé royal canadien (CBRC) ». Il est à noter que ce concept différait d’une autre formation théorique, appelée « Régiment de reco de division, CBRC » (voir figure 1), qui était axée sur le modèle de régiment de véhicules blindés de la Deuxième Guerre mondiale. L’organisation théorique du régiment de division, comme il était enseigné, comprenait des groupes de canons antichars automoteurs de 90 mm, des chars légers, des véhicules de reconnaissance à roues et une infanterie blindée (sans doute la troupe d’assaut Ur). Cette organisation a été retirée du programme d’entraînement de l’Armée en 1950, mais l’Armée canadienne a fait l’achat de 32 chars légers Chaffee à la même époque. Il se peut que ces 98 véhicules étaient au départ destinés à un régiment de division (CBRC), qui n’a jamais été formé en temps de paix, ou à une formation semblable devant être mobilisée en temps de guerre2 . En matière de blindés légers, le Canada s’intéressait également aux transports de troupes blindés (TTB) chenillés. On visait à convertir les coques des canons automoteurs Priest Le premier véhicule de combat multi-rôle canadien, le « véhicule-châssis léger à chenille » (mieux connu sous le nom de Bobcat), modèle de base, avec mitrailleuse de tourelleau et toit blindé ouvrant, à bord duquel les onze fantassins installés dans le compartiment arrière pourraient combattre. (Gracieusement fournie par l’UPFC) superflus en TTB pour la bataille de Normandie et les coques de char Ram (Kangaroo) en unités permanentes, aux mêmes fins, au plus tard à la fin de 19443 . Pour une raison quelconque, l’infanterie canadienne a déterminé que le TTB chenillé constituait un expédient de temps de guerre convenant à une situation temporaire. Sur le plan de la doctrine, l’infanterie canadienne s’est limitée aux tâches d’infanterie légère représentées par la troupe mobile d’attaque aérotransportable à la fin des années 1940 et au début des années 1950. Toutefois, les unités d’infanterie utilisaient toujours des chenillettes portes-mitrailleuses Bren et des chenillettes de type universel construits pendant la guerre, qui se détérioraient avec le temps. En 1952, on s’est penché sur la possibilité de remplacer cet équipement qui étaient devenus désuets. En 1954, le Cabinet approuvait le financement de la réalisation d’un prototype de remplacement devant être utilisé par la 1re Division de l’infanterie canadienne, afin de respecter l’engagement pris par l’Armée envers l’OTAN4 . Ce n’est qu’en 1956 que l’Armée mit au point ses objectifs se rapportant au programme appelé « transport léger à chenilles (TLC) ». Un certain nombre de facteurs critiques sont survenus durant cette période de transition. Tout d’abord, le Canada a élaboré un concept stratégique axé sur des forces disponibles préparées à opérer dans un environnement nucléaire pendant une période de 7 à 30 jours, suivie d’un conflit conventionnel d’une durée indéterminée. Le but de l’entraînement, de la dotation en équipement et de la préparation des forces était de prévenir les conflits avec l’URSS et, si ces mesures échouaient, de combattre. Cette nouvelle stratégie, appelée MC 48 au sein de l’OTAN, a suscité une réévaluation complète de la structure et du combat de la Force terrestre. On a mis sur pied différents groupes d’étude de l’Armée chargés de déterminer les exigences du Canada suite à cette réévaluation. Ces groupes ont provoqué un accroissement de l’intérêt envers le TLC5 . Plusieurs exercices divisionnaires réalisés entre 1954 et 1957 ont entraîné trois conclusions qui ont également influé sur le programme de TLC. On visait dès lors à exécuter les opérations de division par l’entremise de groupesbrigades qui seraient et moins tributaires de la structure de la division. En raison de l’existence d’armes nucléaires, on préconisait maintenant la dispersion afin de prévenir la destruction des forces, puis une concentration rapide de la puissance de feu grâce à la mobilité pour vaincre les troupes assaillantes, suivie d’une autre dispersion rapide avant que l’ennemi puisse lancer une attaque nucléaire contre les forces amies. En bref, les forces au sol devaient être extrêmement agiles. Ainsi, l’infanterie, l’artillerie et la logistique devaient être mécanisées pour pouvoir suivre les chars. En raison de cet aspect d’agilité, le commandant devait notamment disposer de plus de renseignements. Par conséquent, on avait besoin d’un plus grand nombre de ressources de reco pouvant recueillir l’information plus rapidement6 . Cette exigence peut avoir contribué à la décision d’acheter de la GrandeBretagne 123 véhicules de reconnaissance Ferret Mk. I, véhicule à roues, à équipage de deux hommes. Ayant ainsi recours à des patrouilles à deux véhicules et des troupes à sept véhicules, un escadron de reco pouvait couvrir rapidement un terrain considérable, pourvu que celui-ci comporte un réseau routier développé, comme c’est le cas en Europe. Légèrement blindé et doté d’une mitrailleuse de calibre .30, le Ferret avait été conçu pour la furtivité. Il se peut toutefois que le choix du Ferret et l’adoption de la doctrine de reco « fureter et observer » ait été influencée par les officiers qui avaient servi dans les unités de véhicules blindés au cours de la Deuxième Guerre mondiale et les deux régiments de véhicules blindés de l’après-guerre plutôt que par ceux qui avaient servi dans des unités de reco de chars. Autrement dit, ces actions constituaient donc avant toute chose un exercice d’auto-validation. Un autre point important a trait au fait que les Britanniques souhaitaient se débarrasser rapidement des Ferret Mk. I, car on se préparait à introduire le Ferret Mk. II, un véhicule supérieur doté d’une mitrailleuse montée sur la tourelle7 . L’infanterie et l’artillerie, en revanche, devaient également être mobiles afin de pouvoir suivre les Centurion. L’artillerie tractée était vulnérable à l’artillerie conventionnelle et étant exposée à un milieu ou on retrouvait des retombées radioactives, tout comme l’infanterie, qui ne devait plus être confinée à des positions de défense statiques. En 1956, l’Armée décidait de produire un châssis commun chenillé afin d’assurer les rôles suivants : k un transport d’armes tactique pour les armes de l’infanterie et leurs équipages; k un support automoteur pour l’obusier de 105 mm de l’artillerie de campagne; k un transport de troupes blindé léger; k un véhicule de transport polyvalent et véhicule de soutien tactique; k un véhicule pour l’évacuation des pertes; k un véhicule pour l’officier observateur avancé8 . Le premier rôle a par la suite été modifié afin qu’il comprenne un véhicule antichar lance-missiles guidés antichar, un canon sans recul de 106 mm et un porte-mortier de 81 mm9 . Ces véhicules devaient être montés sur un châssis commun, de sorte que l’interopérabilité et la normalisation ainsi assurées puissent permettre des économies quant à la maintenance et garantir l’efficacité du soutien logistique. Les estimations 99 de la force blindée légère dans l’Armée canadienne, 1952-1976 : Développement Une partie de leur cavalerie pourrait être convertie Captain John Grodzinski Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre La version canon automoteur de 105 mm du Bobcat. Ce véhicule, comme tous les autres de la même famille, a été conçu pour pouvoir être transporté par aéronef de transport C-119 de l’Aviation royale du Canada. (Gracieusement fournie par l’UPFC) Sean M. Maloney initiales précisaient qu’on avait besoin de 1 050 véhicules. On autorisait alors l’acquisition de trois prototypes non blindés : deux TTB et un modèle à canon automoteur. On a attribué le marché à Leyland Motors de Longueuil, au Québec (par la suite Canadian Car et plus tard encore Hawker Siddeley of Canada, qui a mis à contribution son savoir-faire en rapport avec l’aluminium). Après leur acceptation par l’Armée en 1958, les prototypes ont été soumis à une batterie de tests. Ces tests n’ont servi qu’à attiser l’enthousiasme de l’Armée et le nombre de véhicules requis est passé en conséquence à 1 567. On a alors commandé six prototypes blindés : le véhicule était alors appelé « Bobcat »10 . Dans l’intervalle, l’Armée réévaluait sa décision d’acheter des Ferret. Une raison de cette réévaluation était en rapport direct avec les observations canadiennes effectuées durant les essais de bombes nucléaires au Nevada et en Australie : « les dommages importants qui seront sans doute causés aux réseaux routiers par les armes 100 nucléaires » exigeaient une capacité tous terrains supérieure11 . Par ailleurs, les Soviétiques déployaient des véhicules blindés légers dotés de canons de 76 mm (char amphibie PT-76) pour la fonction de reco. L’équipement existant, avec sa mitrailleuse de calibre .30, ne pouvait pas faire face à cette opposition et réaliser les tâches attribuées. Le Ferret devait être remplacé. En 1957, on indiquait en conséquence qu’il constituait un véhicule standard mais provisoire. À cette époque, l’importance se porta sur le besoin d’être en mesure de combattre pour obtenir des renseignements. Le véhicule britannique à six roues Saladin (avec son canon de 76 mm) semblait prometteur, tout comme l’un des Panhard français (également doté d’un canon de 76 mm), mais certains estimaient qu’un véhicule chenillé convenait mieux à une zone irradiée et dévastée. On devait « en priorité » concevoir une maquette en vue du développement d’une variante du Bobcat consistant en un char de reconnaissance léger12 . Les spécifications pour le char de reconnaissance léger (CRL), qui était une variante du Bobcat, étaient robustes. Ce véhicule devait être amphibie. Il devait permettre le montage d’équipement infrarouge (IR) pour les opérations nocturnes. Une protection contre les armes légères et les obus était obligatoire. La protection contre les retombées nucléaires, ainsi que la détection de celles-ci, devait faire partie intégrante de la conception du véhicule. Il devait être doté d’un armement principal pouvant détruire un char en quatre coups (il pouvait s’agir d’un canon automatique et/ou de missiles). Un facteur était plus important encore : les modèles futurs du CRL devaient être en mesure d’accommoder les armes de type DAVY CROCKETT 13 afin de permettre la participation aux opérations de la force de couverture de la bataille nucléaire dans la région centrale de l’OTAN. Certes, cette exigence semble ridicule aujourd’hui, mais les Américains avaient développé et déployé une arme qui consistait essentiellement en une roquette nucléaire fixée à l’extrémité d’un canon sans recul. Au sein des forces armées américaines, l’arme nucléaire W 54 était montée sur un M-113 ou une jeep, une section de trois véhicules étant adjointe à chaque bataillon de chars (au moins sur les schémas de l’ordre de bataille [ORBAT]). Elle pouvait être lancée à une distance de 6 000 à 13 000 pieds, avec une puissance nucléaire variable pouvant atteindre 250 tonnes (en comparaison, la bombe d’Hiroshima était de 15 kilotonnes)14 . Avec une arme de cette envergure, le CRL canadien aurait sans doute représenté le véhicule de reco le plus lourdement armé à être conçu. L’image d’un escadron de CRL Bobcat canadiens errant sur le champ de bataille en tirant des armes nucléaires miniatures en direction des hordes soviétiques semble davantage relever d’un ouvrage de science-fiction de Robert A. Heinlein ou de David Drake Bobcat — Véhicule de tir d’appui atomique (Dessin empirique) Système de vecteur nucléaire Davy Crockett sur un TTB canadien, vers 1959 © Christopher Johnson, 6 septembre, 1999 ou encore être un cauchemar devenu réalité. Dans sa forme finale, le CRL Bobcat devait être doté d’une tourelle Saladin britannique, équipé d’un canon de 76 mm et de deux ou quatre lancemissiles guidés antichar (MGAC) SS-11 et pouvoir accommoder un lance-missile Davy Crockett. Il devait être muni d’équipement IR et radiac en vue de la réalisation d’une reco de défense nucléaire, biologique et chimique (DNBC). Les spécifications revues précisaient que le CRL devait être utilisé pour les rôles suivants : k reconnaissance à distance moyenne et rapprochée; k reconnaissance de combat contre une opposition de moindre envergure; k protection par le recours au tir et à l’observation des flancs ouverts et de l’arrière; k poursuite et exploitation; k manoeuvres retardatrices et missions indépendantes avec l’appui d’autres armes; k escorte de convoi; k fonctions de sécurité; k surveillance du champ de bataille à l’aide de dispositifs électroniques montés sur véhicule; k détection des radiations à l’aide d’un équipement de détection monté sur véhicule15 . À ce moment, un changement éventuel du rôle du groupe-brigade OTAN de l’armée, qui se trouvait en Allemagne de l’Ouest, a prévalu. Le III Corps (allemand), qui faisait partie du Groupe d’armées du centre (CENTAG) et se trouvait sur le flanc droit du I Corps (belge), retardait à compléter son entraînement et à sa dotation en équipement. Ce retard constituait une lacune importante dans la région centrale de l’OTAN, car le III Corps se trouvait à une limite du Groupe d’armées. Ensuite, le gouvernement de la Norvège a décidé que l’OTAN ne pourrait pas disposer des armes nucléaires en sol norvégien et que ses forces ne se doteraient pas de vecteurs nucléaires. Ces deux facteurs ont eu des conséquences opérationnelles sur la mise en œuvre de la défense avancée. Si le centre cédait le passage trop tôt, le Bouclier serait compromis. Si le Bouclier de Norvège ne comportait aucune arme nucléaire, la capacité des Forces alliées du Nord Europe (AFNORTH) de défendre l’intégrité de la zone de l’OTAN serait réduite16 . Le général Hans Speidel, commandant des forces terrestres alliées Centre Europe (COMLANDCENT), a proposé de convertir le groupe-brigade canadien en réserve opérationnelle pour les LANDCENT. Ainsi, ce groupe constituerait une force blindée légère et aérotransportable. Pour Speidel, le rôle du groupe-brigade consistait à combler la lacune du III Corps (allemand) puis à faire office de sa formation de réserve17 . L’OTAN devait également disposer d’une formation pouvant faire face à des menaces conventionnelles et des intrusions de moindre envergure, en plus de la guerre nucléaire, car les opérations de contingence de Berlin seraient lancées depuis la zone de Speidel. Parallèlement, le général Norstad, Commandant Suprême des Forces alliées en Europe (SACEUR), souhaitait une formation de la taille d’une brigade pouvant être dotée d’armes nucléaires portatives et adjointe aux AFNORTH, de façon à permettre la préservation de 101 de la force blindée légère dans l’Armée canadienne, 1952-1976 : Développement Une partie de leur cavalerie pourrait être convertie Captain John Grodzinski Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Bobcat — Char de reconnaissance léger (Dessin empirique) TTB canadien monté d’une tourelle de Saladin britanique, d’un canon de 76 mm et de missiles filoguidés français SS11, vers 1959 Sean M. Maloney © Christopher Johnson, 6 septembre, 1999 l’intégrité du Bouclier de l’OTAN et de résoudre le problème politique avec la Norvège. D’autres zones de flanc étaient vulnérables, comme la Thrace, pour lesquelles on pourrait avoir besoin d’utiliser une force nucléaire aérotransportable18 . Par conséquent, si le Canada voulait remplir ce rôle nouveau et important, le Bobcat devait être aérotransportable. On a réalisé des études visant à évaluer la faisabilité de cet aspect et on a établi que l’aéronef de transport C-119 était en mesure de transporter un véhicule de ce type19 . brigade d’infanterie canadienne et de le doter de Bobcat de tous les types. Le transport stratégique serait assuré par les transports Starlifter C-141, que le Canada louerait ou achèterait. La formation serait en outre munie d’hélicoptères de transport lourds Vertol (pour un réapprovisionnement logistique rapide dans un champ de bataille non linéaire) et d’armes nucléaires portatives Little John ou Lacrosse (probablement en plus des armes Davy Crockett, qui font partie intégrante des CRL)20 . Le concept important qui est apparu n’était pas très différent des concepts d’une force mécanisée aérotransportable conçue par Richard Simpkin ou même des développements soviétiques Desant des années 1970. On recommandait de convertir le 4e Groupe- Ce rôle auxiliaire, pour l’OTAN, du groupe-brigade aérotransportable de Bobcat n’a jamais vu le jour, en raison de différents facteurs politiques, techniques et monétaires 21 . Le programme Bobcat s’est toutefois poursuivi et l’intérêt des Américains, 102 des Allemands de l’Ouest et des Indiens s’est même accru22 . Puis, des problèmes sont apparus suite à la transition du gouvernement Saint-Laurent au gouvernement Diefenbaker et les exigences nationales subséquentes en rapport avec la réduction du chômage dans la circonscription de Ft. William, pour assurer des votes pour le Parti Conservateur. Ces problèmes ont retardé la progression du programme Bobcat23 . Un autre problème, qui avait trait au facteur de protection assurée par le blindage, a entraîné une réévaluation du programme. Plusieurs prototypes du Bobcat existaient. Un modèle comportait un nouveau type de blindage sandwich en aluminium mis au point par le Centre d’étude et de recherche sur les armements (Canada) (CARDE), tandis qu’un autre comprenait une coque d’acier doux. Le Bobcat devait résister au tir des armes légères de 12,7 mm à 500 mètres, mais les modèles ne respectaient pas tous les exigences américaines et/ou britanniques. La nécessité de satisfaire à toutes les exigences et le délai requis pour réunir les sommes à la production de 20 véhicules pilotes supplémentaires ont retardé encore davantage le processus24 . Au début des années 1960, deux concurrents sérieux du Bobcat sont apparus : la famille M-113 américaine et la famille FV-430 britannique (voir figure 2). Ces familles de véhicules étaient semblables, en apparence, au Bobcat, mais elles respectaient des spécifications et des exigences différentes de celles définies par le Canada. Par exemple, la famille M-113 ne comprenait pas de modèle avec canon automoteur ni de modèle de reco. Le FV-430 comportait un modèle avec canon automoteur (l’Abbott) et un modèle TTB (FV-432) mais pas de modèle de reco. À la différence du Bobcat, qui était muni de deux tourelles sur lesquelles on pouvait monter des mitrailleuses et qui permettait à l’infanterie de combattre depuis le toit Figure 2 : Compariason du Bobcat avec des véhicules alliés Sources: DHH. The Raymont Collection, dossier 139, (5 nov 59), “Aide Memoir to Minister of National Defence: Comparison of Design Specifications Canadian-United States Tracked Armoured Personnel Carriers”; Christopher F. Foss. Jane’s Tank recognition Guide, (Glasgow: Harper Collins, 1996) pp. 198-199. blindé escamotable du véhicule, le M-113 et le FV-430 ne constituaient pas des véhicules de combat d’infanterie mécanisée (VCIM) : ils étaient tous deux des TTB. Les Américains et les Britanniques n’ont développé et déployé les VCIM qu’au cours des années 1980, quoique le modèle M-113 ACAV utilisé au Viet-nam offrait des possibilités semblables au Bobcat25 . Le Bobcat a continué à se buter à des retards et à une ingérence politique. Les prototypes ont échoué les tests de 2 000 milles : on devait alors revoir complètement le système de suspension. Par ailleurs, les modèles en aluminium soumis aux tests présentaient des fissures (suffisamment importantes pour qu’on puisse passer le poing à travers le plancher) à des endroits critiques. Le modèle en acier était le seul qui était acceptable, mais il était plus coûteux et plus lourd et, par conséquent, il ne respectait pas les exigences en matière de transport aérien. En raison des réductions budgétaires effectuées par le gouvernement Diefenbaker, l’Armée a été forcée d’éliminer la variante de transport de charge ainsi que le char de reco léger pour accorder la priorité à la variante de combat de l’infanterie. On réduisait le nombre de véhicules à 500, ce qui a entraîné une augmentation du coût unitaire26 . Américains dans le cadre des rapports États-Unis, Grande-Bretagne, Canada) et que celui-ci ne se fissurait pas. Des problèmes constants prévalaient quant Pendant que le Bobcat réussissait à la relation entre le gouvernement et l’intervalle, les essais de flottabilité au ÉQUIPEMENT début de les/ sociétés privées. Dans BOBCAT avait été élu 1963, l’Armée apprenait que le blindage un nouveau gouvernement CARACTÉRISTIQUES (Canada) de la famille M-113 seÉquipage fondait sur le et Pearson avait remplacé Diefenbaker. 2 blindage sandwich en aluminium Le Bobcat échouait un autre essai de Passagers 10 CARDE (qui avait été remis aux 2 000 milles. L’Armée, qui était divisée, Poids (chargé) lb 20 000 Poids (à vide) lb 17 500 Rapport puissance/poids (hp/tonne) 21.5 Longeur 15 ' 10.5" Hauteur 6' 5" Largeur 8' 6" Garde au sol 1' 1" Vitesse sur route (mph) Armement 35 de la force blindée légère dans l’Armée canadienne, 1952-1976 : Développement Une partie de leur cavalerie pourrait être convertie Captain John Grodzinski Vol. 2, no. 4, hiver 1999 M-1 (US 22 18 1 1 7' 8' 1 Mitrailleuse 7.62 mm , US T197 Browning calibre montée sur pivot montée sur tourelle Le vice-chef de l’état-major général, le major-général Jean Victor Allard, et des acheteurs britanniques potentiels font un tour à bord du prototype du Bobcat, au Centre d’essai des véhicules près de Blackburn Hamlet, en Ontario. (Gracieusement fournie par l’UPFC) 103 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre sur le plan de la doctrine, sur la question à savoir si le Bobcat était un véhicule de transport de troupes ou un véhicule de combat, en avait assez d’attendre, et le même sentiment prévalait au sein du nouveau gouvernement. On a donc annulé le projet Bobcat et on commanda des M-113 afin d’assurer la capacité TTB critique requise27 . Les exigences en matière de reco et de canon automoteur étaient maintenant en suspens 28 . La première tentative d’après-guerre de l’Armée canadienne de développer une force blindée légère s’est avérée être un coup d’épée dans l’eau. DEATH VALLEY : LYNX, CADILLAC ET SCORPION, 1963-1972 Sean M. Maloney Le changement de gouvernement en 1963 a eu pour conséquence la réorientation de la politique de défense du Canada, énoncée dans le Livre blanc sur la défense de 1964. Le processus d’élaboration de ce document, toutefois, a fait germer des idées qui se sont développées par la suite et ont influencé le développement de la force blindée légère canadienne. Le ministre de la Défense nationale, Paul Hellyer, était le catalyseur du changement : il était résolu à remplacer l’engagement de l’Armée canadienne envers l’OTAN (contribution au niveau d’une division) par quelque chose de plus souple et pouvant fonctionner à l’extérieur du contexte de l’OTAN. Hellyer s’est entretenu de la sorte avec le président du Comité des chefs d’état-major : Le type de force mobile que j’entrevois consiste fondamentalement en une unité de combat aérotransportable qui pourrait être transportée par aéronefs, avec son équipement, en vue d’un déploiement rapide à n’importe quel endroit au monde. Cette force serait mécanisée et disposerait d’une puissance de feu élevée et d’une grande souplesse, grâce auxquelles elle pourrait s’adapter à diverses circonstances. Elle serait suffisamment souple pour pouvoir faire 104 partie de la réserve mobile du Commandant Suprême des Forces alliées en Europe ou prendre part à une opération des Nations Unies ou à d’autres situations, selon les besoins, conformément à la politique nationale. Certaines unités devront peut-être largables, mais le critère de base est la nature aérotransportable de l’ensemble de la force29 . Un des groupes de travail du Livre blanc (qui étaient principalement composés de membres de l’Armée) avait pour tâche de préciser la composition de cette force. Le principal problème consistait à mettre au point une force dont la structure serait conforme à l’engagement existant quant à la région centrale de l’OTAN et qui se tirerait d’affaire dans des conflits de moindre intensité. On estimait que les forces légères et aérotransportables ne convenaient pas aux opérations de haute intensité : ainsi, le groupe a envisagé différentes configurations de division hybrides30 . La proposition finale préconisait une division avec trois brigades d’infanterie, une brigade d’artillerie, un régiment blindé et un régiment de reco (voir les figures 3A et 3B). Le « régiment blindé (aérotransportable) » devait comprendre une troupe de reco dotée de neuf véhicules de reco et trois escadrons de chars comportant quatre troupes, chacune munie de trois chars légers. « L’escadron de reconnaissance (aérotransportable) » disposait de trois escadrons de reco, chacun composé de deux troupes de reco munis de deux véhicules Ferret, de sept camions de 1/4 de tonne et d’une troupe de sécurité, qui disposait d’un peloton d’infanterie se trouvant dans des camions de 3/4 de tonne (il s’agit d’un autre prédécesseur du concept de troupe d’assaut)31 . Le régiment blindé devait « être doté de chars légers Sheridan américains ». Toutefois, il était « fort peu probable que cette unité pouvait être transportée par air dans le cadre du rôle de force terrestre mobile SACEUR ». Elle ne convenait qu’aux opérations défensives sur les flancs de l’OTAN ou à un rôle éventuel de l’ONU, car elle « ne pouvait pas rivaliser avec les chars lourds ». Le régiment de reco ne disposait pas de véhicules blindés car, selon le raisonnement du groupe, « il est peu probable que la force mobile devra livrer combat pour se procurer de l’information et, par conséquent, une unité dotée de jeeps suffit ». Si l’unité participe à une mission de l’ONU, toutefois, « on devrait prévoir une certaine protection contre les embuscades et les tireurs d’élite. Par conséquent, on propose la mise sur pied d’un escadron de reco mixte comprenant deux troupes dotées de jeeps et une troupe de reco avec véhicules blindés »32 . Il importe de préciser que le groupe de travail a indiqué que les opérations de l’ONU (et par la suite le besoin d’un blindage léger) comprenait les rôles suivants : k éliminer les troubles; k soumettre les zones au contrôle militaire; k isoler l’ennemi du reste de la communauté en perturbant tous ses contacts; k maintenir une attaque constante sur la périphérie de l’organisation de l’ennemi; k pénétrer le cœur de l’organisation et éliminer ses chefs33 . Paradoxalement, il semble s’agir davantage de mesures antiinsurrectionnelles que, par exemple, des opérations de maintien de la paix réalisées par la Force d’urgence des Nations Unies (FUNU) en Égypte. Pendant que le groupe de travail s’acharnaità sa tâche, le Conseil de l’organisation et de la tactique de l’Armée avait pour tâche de réexaminer le rôle des troupes blindées sur le champ de bataille. Cette activité semblait se dérouler de façon complètement indépendante du travail de politique en rapport avec le Livre blanc, car le chef d’état-major général, le général Walsh, souhaitait établir une « vraie »division mécanisée en vue d’un emploi dans la région centrale de l’OTAN plutôt que quatre groupes-brigades distincts. Les concepts organisationnels étaient en fait semblables à ceux élaborées au cours des années 1950 : assurer la mobilité par une mécanisation complète de toutes les armes, la protection par la dispersion et le regroupement rapide en vue de l’attaque. Les unités de reco dotées de chars devaient « emprunter les routes menant à notre zone et livrer une bataille de type désengagement, embuscade, contre-embuscade », tandis que les groupes de chars plus importants devaient contre-attaquer une fois qu’ils disposaient de renseignements suffisants34 . En fait, l’Armée préconisait deux lignes de pensée contradictoires quant à l’emploi des éléments blindés. La publication du Livre blanc de 1964 n’a guère clarifié la situation. Le gouvernement voulait gagner sur tous les plans, sans avoir à débourser un sou. Par conséquent, le 4 Groupebrigade d’infanterie canadienne (GBIC) est demeuré en Allemagne : il était entraîné et équipé pour prendre part à Régiment blindé (aérotransportable) 1963 Étude sur la mobilité de la force Quartier Général Troupe reco QGR 9 x Ferret Escadron chars Troupe chars 3 x Sheridan Escadron chars Troupe chars 3 x Sheridan Escadron chars Troupe chars 3 x Sheridan Troupe chars 3 x Sheridan Figure 3A : Régiment blindé (aérotransportable) Régiment reco (aérotransportable) 1963 Étude sur la mobilité de la force Quartier général Escadron reco Escadron reco Escadron reco Troupe reco Troupe reco Troupe de sécurité et d'arpentage 5 x véhicules 3/4 ton 2 x Ferret 7 x Jeep 1/2 ton avec mitrailleuse Figure 3B : Régiment reco (aérotransportable) un conflit de haute intensité comportant le recours à des armes nucléaires. Deux groupes-brigades du Canada devaient être « rééquipés et réentraînés à titre de force mobile, ainsi qu’en vue d’un service par rotation au sein de la brigade de l’OTAN ». Enfin, l’autre groupebrigade (2 GBIC) devait être converti « en une force militaire spéciale. Cette force serait plus petite que les autres brigades conventionnelles et elle disposerait d’équipement aérotransportable et largable35 ». L’Armée devait ensuite passer aux actes. Toutefois, l’Armée n’existait plus : elle était subsumée sous la réorganisation en vue de l’unification. Certaines parties de l’Armée joignaient le quartier général des Forces canadiennes, tandis que d’autres étaient regroupées pour former la nouvelle Force mobile, qui consistait principalement en un élément créateur de force interarmées et un centre de commandement déployable plutôt qu’un quartier général de l’Armée de terre avec un nouveau nom. Malgré cette confusion sur le plan de l’organisation, les groupes-brigades ont tenté de remplir les rôles qui leur étaient assignés par la Force mobile. La famille de TTB M-113 a fait son entrée dans les forces armées en 1965 et on a alors lancé un programme de conversion d’envergure afin de mettre en place les 500 premiers véhicules. Pendant que ce projet était en cours, on émettait des doutes quant à la pertinence du Ferret. Le chef d’étatmajor de la Défense (CEMD) a indiqué au Conseil de la Défense que les véhicules déployés en Allemagne, à Chypre et au Moyen-Orient étaient maintenant âgés de 10 ans et parvenus à la limite de leur vie utile. On estimait que le Ferret ne pouvait pas être utilisé de concert avec les nouvelles unités mécanisées de Centurion-M-113A1 en Allemagne, particulièrement hors route. Par conséquent, on devait disposer d’un véhicule de reco chenillé qui était également amphibie et aérotransportable. Pour une raison 105 de la force blindée légère dans l’Armée canadienne, 1952-1976 : Développement Une partie de leur cavalerie pourrait être convertie Captain John Grodzinski Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre quelconque, l’exigence d’un véhicule de reco pouvant livrer combat afin de se procurer des renseignements a été perdue dans la mêlée. « Fureter et observer » a continué à primer sur la méthode « frapper et continuer »36 . On a fait l’essai de deux véhicules et on a constaté qu’ils respectaient l’exigence (voir figure 4). Il s’agissait tout d’abord du M-114, qui venait de faire son entrée au sein de l’Armée américaine. Il ne faisait pas le poids face à son concurrent, le M-113 1/2, également appelé M-113 commandement et reconnaissance (M-113 C&R). Le M-114 faisait preuve de piètres performances sur le plan de la mobilité (à preuve ses performances inacceptables au Viet-nam)37 . Au total, 90 pour 100 des composants du M-113 C&R étaient identiques à ceux des M-113 dont on avait déjà fait l’acquisition, ce qui facilitait la maintenance et les aspects de logistique. Il était également moins coûteux, ce qui ne déplaît à aucun gouvernement38 . Sean M. Maloney Le seul problème a trait à l’armement. On devait installer sur le M-113 C&R un canon de 20 mm qui serait commandé à distance par le chef de l’équipage situé sous le blindage. Le CEMD de l’époque, M-114A1 (É.U.) M-113 C&R (É.U.) Équipage CARACTÉRISTIQUES 3 3 Passagers - - Poids (chargé) kg 6928 8775 Poids (à vide) kg 5687 7725 Rapport puissance/poids (hp/tonne) Longeur (m) 24.5 4.463 4.597 Hauteur (m) 2.15 2.18 Largeur (m) 2.33 2.413 Garde au sol (m) 0.632 0.41 Vitesse sur route (km/hr) Armement 58 70.8 canon 20 mm mitrailleuse 7.62 mm canon 20 mm, mun UA mitrailleuse 7.62 mm Figure 4: M-114E2 versus M-113 C&R Sources: Christopher F. Foss. Jane’s Tank Recognition Guide, (Glasgow: Harper Collins, 1996), p. 154; Jane’s Armour and Artillery 1979-80, (London: Jane’s Yearbooks, 1979), pp. 159-161. le général Allard, souhaitait un canon de 20 mm commun pour la défense antiaérienne et pour les deux types de véhicule blindé léger envisagés, soit le M-113 C&R et le véhicule blindé à roues, dont le modèle restait à déterminer. Un problème demeurait : le processus de développement des méthodes de combat était en déroute et personne ne savait quels étaient les types d’objectifs qui prévaudraient; ainsi, on ne pouvait pas établir le type de munitions dont on aurait besoin. Ensuite, les responsables du développement du CARDE ont mis au En lice, au cours des années 1960, lors de la compétition en vue de l’acquisition d’un véhicule léger de reconnaissance chenillé, le M-113 C&R (Lynx) ainsi que la version de développement de ce véhicule américain, le T-114. (Collection de l’auteur) 106 23 point la « munition magique », soit un projectile à noyau d’uranium appauvri (UA) destiné aux armes à tir rapide. Le modèle d’essai était au départ d’un calibre de .50. On a par la suite conçu des munitions de 20 mm, mais on a déterminé que les performances du projectile UA de 20 mm n’étaient pas beaucoup supérieures à celles des munitions UA de calibre .50. Le général Allard s’intéressait à ces développements : apparemment, il souhaitait attendre les résultats avant de choisir les armes39 . Par la suite, le gouvernement a adopté le M-113 C&R et a annoncé l’achat de celui-ci au printemps 1967. Au total, on a fait l’acquisition de 174 véhicules appelés « Lynx », dont on a pris livraison en 1968. Ces véhicules ont en bout de ligne remplacé les Ferret dans tous les groupes-brigades canadiens. L’affût de 20 mm comportait alors une mitrailleuse de calibre .50. Toutefois, étant donné qu’on ne disposait pas des munitions UA du CARDE, l’efficacité était grandement réduite. L’autre volet de la personnalité double avait trait à l’exigence d’un véhicule de reco à roues. Au début de 1966, le ministre a pris connaissance des lacunes de l’équipement de la Force mobile. Sur cette liste figurait le « véhicule blindé polyvalent ». On a indiqué ce qui suit à Hellyer : Dans toutes les opérations de sécurité de l’ONU auxquelles le Canada a participé, les forces avaient vraiment besoin d’un véhicule blindé à roues de dimensions adéquates pouvant transporter les troupes et l’équipement dans les zones légèrement occupées et étant également en mesure d’impressionner suffisamment la population locale40 . Une question est apparue : pourquoi est-ce que le M-113A1 et le véhicule de reco chenillé prévu ne pouvaient pas satisfaire à ces exigences? Par conséquent, comment se fait-il que l’exigence d’un véhicule blindé polyvalent a été précisée en même temps que le Lynx? Il semble que la Force mobile a décidé que les deux groupes-brigades aérotransportables devaient disposer de la capacité d’appuyer l’ONU en plus de pouvoir exécuter des opérations de moindre intensité en périphérie de la zone de l’OTAN. Ces groupes prétendaient que s’ils devaient agir ainsi, des questions de maintenance entraient en ligne de compte et celles-ci feraient grimper les coûts si on se servait de véhicule chenillés. Certaines factions estimaient que cette méthode ne convenait pas et elles ont exercé des pressions afin qu’on déploie des Lynx, au lieu de véhicules à roues, par exemple à Chypre. En fait, il s’agissait de la suite du débat de la Deuxième Guerre mondiale au sujet « des chenilles et des roues », qui prévaut encore aujourd’hui. La présentation en faveur du véhicule blindé polyvalent à roues effectuée devant le Conseil de la Défense précisait que « la patrouille est l’activité prédominante lors des opérations de maintien de la paix. Cette patrouille est permanente et elle s’effectue à une échelle beaucoup plus grande qu’en temps de guerre. » On a réalisé une étude, qui a révélé que les coûts de l’utilisation de véhicules M-113A1 et Lynx pour les mêmes fonctions que les véhicules de reco à roues étaient 10 fois plus élevés en raison des remises à neuf des véhicules chenillés. Les véhicules Ferret n’étaient pas bien armés et ils n’impressionnaient pas suffisamment la population locale, car leur taille était trop petite et ils ne comportaient pas de tourelle41 . L’étude faisait toutefois remarquer ce qui suit : ...l’inconvénient des véhicules blindés à roues disponibles aujourd’hui a trait au fait qu’ils ne conviennent qu’au maintien de la paix. Ce ne sont pas des véhicules tous terrains et ils ne disposent pas du blindage de protection qui leur permettrait de se tirer d’affaire contre un ennemi doté d’un équipement mécanisé moderne. Par conséquent, nous concluons que même si l’introduction d’un équipement spécialisé n’est pas souhaitable, des raisons impérieuses nous poussent à adopter un véhicule de ce type.42 On a réalisé des essais afin de déterminer quel véhicule convenait le mieux. Le Cadillac Gage V-100 Commando a remporté la palme; celui-ci était utilisé par l’Armée américaine depuis 1964, au Viet-nam, à titre de véhicule anti-insurrectionnel43 . Lors des essais, le général Allard a demandé si on pouvait utiliser le V-100 à titre de TTB et, semble-t-il, le Directeur Blindés lui a indiqué : « Un grand nombre de Canadiens vont être tués si on agit ainsi. » Apparemment, le terme « piège mortel » était utilisé librement44 . Pour des raisons qui demeurent obscures, l’achat des 120 véhicules V-100 n’a jamais eu lieu, même après avoir été approuvé par le gouvernement Pearson. Il semble que la prise de conscience soudaine du public, en 1967, à l’effet que les politiques fiscales mises en place par Walter Gordon étaient chaotiques, a contribué au retrait des fonds d’un éventail de programmes, dont celui de l’achat des Commando. Pendant que tous ces événements avaient lieu, la Force mobile vivait une suite de fluctuations dans sa recherche d’un remplacement pour le Centurion. Au départ, le ministre s’est montré enthousiaste au sujet du programme Le besoin senti de disposer d’un véhicule distinct pour les opérations de sécurité de l’ONU a amené l’Armée de terre du Canada à s’intéresser aux véhicules Cadillac Gage, séries V-100 et V-150. Des essais ont eu lieu en 1964, et le véhicule faisait partie, dès 1976, des concurrents en lice lors de la compétition en vue de l’acquisition de véhicules blindés polyvalents (VBP). (Gracieusement fournie par l’UPFC) 107 de la force blindée légère dans l’Armée canadienne, 1952-1976 : Développement Une partie de leur cavalerie pourrait être convertie Captain John Grodzinski Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre germano-américain MBT-70 et les communications aux plus hauts niveaux laissaient entendre que le Canada prendrait part à ce programme. En 1967, il est devenu évident qu’on ne disposait pas des sommes nécessaires à cette aventure : on devait alors mettre au point des solutions de rechange dans l’attente d’un financement suffisant en vue de l’acquisition future des MBT-70, au courant des années 1970. On a passé en revue plusieurs véhicules provisoires. On a ainsi envisagé l’achat de quantités restreintes, ou la location, de M-60A1, de Leopard et de Chieftain, ainsi que diverses mises à niveau du Centurion. Enfin, on a examiné une « dotation partielle » en Sheridan45 . Les raisons derrière tout cela étaient certes valables, si on ne tient pas compte des engagements du Canada de l’époque ou de l’ampleur et de la nature de la menace dans la région centrale de l’OTAN. Les bureaucrates du ministère n’appuyaient pas l’acquisition d’un char de combat principal (CCP) et prétendaient que : Sean M. Maloney ...même si une justification logique prévalait pour la poursuite de l’utilisation du CCP par les Forces canadiennes après le Centurion, pourrait-on se permettre de se procurer le char lourd et le char léger aérotransportable? Par conséquent, ne vaudrait-il pas mieux de ne faire appel qu’au char léger aérotransportable plutôt que de se retrouver dans une position non satisfaisante tant pour le char léger que le char lourd?46 Ainsi, la Force mobile s’est vue obligée d’expliquer aux bureaucrates d’Ottawa, qui tiennent les cordons de la bourse, pourquoi on avait besoin de deux types de structure de force pour satisfaire aux exigences du Livre blanc de 1964, qui constituait une politique gouvernementale établie et pas nécessairement le point de vue de la Force mobile et du ministère de la Défense nationale. Ce processus a demandé un certain temps et il a 108 pratiquement entraîné le retrait de la capacité du CCP à la fin des années 1960, annulant ainsi le besoin de le remplacer par le Sheridan. Le Sheridan était un véhicule inférieur qui comportait de nombreuses fonctions peu évoluées technologiquement, notamment le système de canon-lanceur Shillelagh de 152 mm, les vulnérabilités du blindage et la piètre mobilité. Par exemple, les équipages américains au Viet-nam ont constaté qu’une mine qui ne fait qu’immobiliser un char M-48 fait détoner les munitions à douille combustible du Sheridan, ce qui provoque une explosion massive et provoque l’incinération de l’équipage avant que celui-ci ait eu le temps de s’échapper. Certes, les munitions à mitraille de 152 mm étaient très efficaces contre une infanterie massée, mais le véhicule était également vulnérable aux grenades propulsées par fusée (RPG) qui produisent des dommages de même intensité qu’une mine47 . Qu’advenait-il des unités canadiennes de campagne? Nous avons indiqué plus haut que le 4 GBMC déployé en Allemagne constituait la formation mécanisée lourde, tandis que le 1 GBIC et le 3 GBIC situés au Canada devaient être convertis en formations aérotransportables. Il restait donc la Force d’opérations spéciales (FOS). Le commandant de la brigade de l’époque ne pouvait pas décider si la FOS devait effectuer des opérations antiinsurrectionnelles ou de maintien de la paix. Étant donné la doctrine qui prévalait, ces deux types d’opération se chevauchaient et une telle confusion était à prévoir. Quoi qu’il en soit, les trois bataillons d’infanterie ont passé un temps considérable à réaliser leurs exercices d’infanterie légère, car le groupe-brigade était la pierre d’angle de l’engagement de la Force mobile au Commandement allié en Europe (deux groupes-bataillons) et des fonctions de bataillon de réserve de l’ONU (un groupe-bataillon). Ceci laissait donc le régiment blindé de la FOS, 8th Canadian La tendance à l’aérotransportable, au cours des années 60, a mis en valeur les blindés transportables par air. Le principal véhicule auquel on s’est intéressé fut le char américain Sheridan, équipé d’un canon de 152 mm/lance-missiles, pouvant être transporté à bord d’un aéronef C-130. Le véhicule a présenté d’importantes lacunes dans un environnement à faible intensité au Vietnam. (Collection de l’auteur) Vol. 2, no. 4, hiver 1999 concerne les conflits de faible intensité, on a démontré au Viet-nam que l’unité de reco blindée ne pouvait pas plus fureter et observer que livrer combat pour obtenir des renseignements dans une jungle fermée ou en milieu urbain contre des terroristes ou des soldats de guérilla « invisibles »50 . de la force blindée légère dans l’Armée canadienne, 1952-1976 : Développement Une partie de leur cavalerie pourrait être convertie Captain John Grodzinski Par conséquent, si la Force mobile insistait sur la mise en place d’unités blindées légères, il fallait leur trouver un rôle à accomplir. En fait, le régiment blindé léger était une ressource de la division qui attribuerait un escadron par groupe-brigade. En 1967, St Aubin souhaitait réorganiser le 8 CH afin de composer trois escadrons. En vertu de ce plan, chaque escadron disposerait Figure 5: 8th Canadian Hussars - Régiment blindé de trois troupes (voir figure 5), chacune Hussars (Princess Louise’s), fort peu d’observation pour la paix de la composée de deux Centurion, quatre occupé. Commission internationale de contrôle Lynx et un mortier de 81 mm monté dans et il connaissait très bien les mesures une coque M-113. Chaque escadron On avait réorganisé le 8 CH à titre anti-insurrectionnelles du tiers monde. était en outre doté d’une troupe de régiment de reco en 1964. Cette Ensuite, il venait de terminer une d’assaut à bord de M-113, qui consistait configuration devait consister en trois formation au Armed Forces Staff essentiellement en un peloton de escadrons de reco comprenant chacun College des États-Unis, ce qui lui a soldats de l’Arme blindée ayant reçu 23 véhicules de reconnaissance Ferret. permis d’apprendre l’orientation un entraînement de pionniers et de Ces escadrons étaient semblables, du fantassins et pouvant être utilisés au point de vue de la structure, au préconisée par les Américains en ce qui sein d’une section avec chaque troupe concerne le niveau opérationnel, e 56 Escadron reco déployé avec la de reco. Les Centurion servaient de idéale) particulièrement les concepts relatifs à Régiment blindé, 1967 (structure FUNU en Égypte et à l’escadron de véhicule de tir d’appui direct (VTAD) la cavalerie blindée américaine. Enfin, il reco du Royal Canadian Dragoons Quartier général afin d’appuyer le Lynx si celui-ci venait avait étudié, aux Archives nationales du déployé à Chypre avec les forces des à rencontrer une unité ennemie blindée. Canada et à la Direction Histoire, les Nations Unies. On remarquait toutefois Escad ron blindé léger Escadron blind é lég er Escadron blindé lé ger Escadron hélicoptères une nouvelle adjonction : une troupe de journaux de guerre des unités du CBRC La troupe d’assaut (qui se trouvait au reco reconnaissance et de surveillance de qui ont exécuté des fonctions de reco départ dans des camions de 49 . e blindée 3/4 de tonne et plus Troup Troupe d 'assaut Troupetard mortierdans des 24 hommes, dotée de camions de 3/4 de durant la Deuxième Guerre mondiale légère M-113) servait généralement à dégager tonne, pour chaque escadron. Le L’influence dominante, pour St des défilés et des obstacles quatrième escadron, demeurait muni de Aubin, a été l’expérience du CanadaTrou lorspe blindée 48 complexes51 . chars Centurion . de la Deuxième Guerre mondiale. Leslégère Chaque troupe blindée En pratique, les escadrons A et Blégère: du Le commandant du 8 CH, le éléments blindés légers ne pouvaient Trou pe blindée 4 x véhicules chenillés de reco lieutenant-colonel J.A. St Aubin, ne pas obtenir l’information dont lelégère 8 CH ont été convertis en unité blindée 2 x VTAD recevait pratiquement pas de directives commandant avait besoin pour prendre légère, tandis que l’escadron C de 1 x M-113 avec une section de la troupe d ’assau ses Centurion du QG de la FOS et seulement de vagues les décisions qui s’imposaient dans une Gagetown a1 xconservé M-125A1 mortier 81 mm de la troupe mortie directives des responsables de doctrine guerre d’intensité moyenne à élevée. (voir figure 6). La conversion a débuté et d’organisation de la Force mobile, Les Allemands laissaient passer les avec l’escadron B, qui devait prélever quant à la fonction du régiment blindé véhicules blindés, car ils savaient ce du personnel de l’escadron A en raison léger et de l’équipement dont il qu’ils visaient à accomplir. L’ampleur de des effectifs différents entre la structure disposerait. Par conséquent, il s’est fié la recherche n’était pas toujours blindée légère et celle de reco. Ainsi, le à trois de ses propres expériences pour excellente, en raison des contraintes 8 CH de Petawawa s’est temporairement Les Allemands retrouvé avec deux escadrons blindés élaborer sa vision du régiment blindé temporelles. léger. Tout d’abord, précisons qu’il avait engageaient toutefois des chars et légers (un avec des Lynx et des passé 13 mois au Viet-nam avec la force révélaient leurs positions. En ce qui Centurion et l’autre avec des Centurion 8th Canadian Hussars (Princess Louise’s 109 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre l’acquisition d’un VTAD, qui ferait partie de l’organisation blindée légère, en plus de devoir remplacer les CCP Centurion. Le VTAD assurerait un appui pour les véhicules de reco, s’ils devaient se buter à une résistance importante, et les extirperait de la situation. Le VTAD ne devait pas être utilisé comme char, quoiqu’une confusion était inévitable car les Centurion Mk. V situés au Canada étaient utilisés comme substitut au VTAD lors des exercices et dans les organisations de régiment55 . L’exigence quant au VTAD est apparue durant les fluctuations mentionnées plus haut au sujet du CCP et elle est devenue indissociable de celles-ci. 8th Canadian Hussars (Princess Louise’s) Régiment blindé léger, 1967 (structure présente) Quartier général Escadron A (blindé léger) (Petawawa) Escadron B (blindé léger) (Petawawa) Troupe blindée légère Troupe d'assaut Escadron C (chars) (Gagetown) Troupe mortier Troupe blindée légère L’escadron C est l’escadron déployable outre-mer avec les Centurion Troupe blindée légère Escadron A - Troupe blindée légère: 4 x Lynx 2 x Centurion Mk V (VTAD) 1 x M-113 avec une section de la troupe d ’assaut 1 x M-113 avec un mortier 81 mm de la troupe mortier qui peut être débarqué Escadron B - Troupe blindée légère: 7 x Ferret 2 x Centurion Mk V (VTAD) 1 x camion 3/4 ton; plus tard, M-113 avec une section de la troupe d ’assaut 1 x camion 3/4 ton; plus tard, M-113 avec un mortier 81 mm de la troupe mortier qui peut être débarqué Le Livre blanc de 1971 a constitué le catalyseur crucial du changement. L’accession au pouvoir du gouvernement Trudeau en 1968 a précipité une réévaluation d’envergure de la politique de sécurité nationale. Essentiellement, certaines factions du gouvernement et de la bureaucratie souhaitaient qu’on se retire de l’OTAN et que le Canada devienne un pays neutre. La méthode qu’on a préconisée, une fois que ces factions furent immobilisées en raison d’une inertie bureaucratique et de la résistance de la Sean M. Maloney Figure 6 : 8th Canadian Hussars - Régiment blindé léger et des Ferret), jusqu’à ce que la pénurie ressources de division. Le Canada de personnel puisse être corrigée et n’avait qu’une seule division : que qu’on soit en mesure d’acquérir d’autres comptait-il faire de trois régiments Lynx. On n’a pas fait l’acquisition de blindés légers? Il n’y avait plus aucune l’affût de 81 mm M-125A1 : on unité blindée lourde nécessitant de la transportait les armes à bord d’un M-113 reco, sauf le régiment de Centurion du puis on les descendait pour tirer52 . 4 GBMC en Allemagne. Une autre structure hybride, qui a évolué avec le temps, était déjà utilisée au sein de l’escadron de reco situé en Allemagne de l’Ouest qui faisait partie des forces de l’OTAN (voir figure 7). Chaque troupe de reco disposait d’un Ferret doté de missiles antichars ENTAC afin de surveiller les patrouilles de reco depuis une position dominante. En 1970, The Fort Garry Horse53 , le 12e Régiment Blindé du Canada (12 RBC) et le Lord Strathcona’s Horse (Royal Canadians) (LdSH[RC]) ont également été convertis en régiments blindés légers. On a observé une forte résistance à cette transformation, car les régiments s’inquiétaient du maintien des normes d’instruction pour les unités blindées lourdes et légères. Afin de remédier à la situation, le LdSH(RC) a temporairement pris en charge les 12 Centurion attribués à titre de VTAD et les a regroupés en un escadron de chars traditionnel durant l’été 197054 . Un problème demeurait : le 8 CH, le 12 RBC et le LdSH(RC) était désormais tous organisés comme des 110 Le retrait prévu des Centurion entraînerait leur élimination de l’ORBAT du régiment blindé léger au plus tard en 1972. Par conséquent, on devait faire Escadron de reco pour l’OTAN Évolution des années 1960s Quartier général Troupe reco Troupe reco Troupe reco Troupe d'assaut camion 3/4 ton plus tard, M-113 Section antich ar 1 x Ferret avec ENTAC Section reco 2 x Ferret plus tard, Lynx Section reco 2 x Ferret p lus tard , Lynx Section reco 2 x Ferret plus tard, Lynx Chaque troupe reco avait aussi: 1 x M-113 avec une section de la troupe d ’assaut 1 x M-113 avec un mortier 81 mm de la troupe mortier qui peut être débarqué Figure 7 : Escadron de reco pour l’OTAN Troupe mortier M-113 avec mortier 81 mm Troupe hélicoptères reco 6 x CH112 Hillier part des spécialistes de la politique étrangère, consistait à tirer profit du chaos qui prévalait quant à la réorganisation du quartier général en raison de l’unification pour introduire une nouvelle réorganisation du quartier général. Cette seconde méthode visait à gruger les engagements existants de manière subtile et progressive. Par exemple, on a mis fin soudainement à l’engagement d’une division en Europe. Le 4 GBMC est demeuré en place, mais sa capacité était réduite. Une brigade située au Canada était prévue pour un déploiement en Norvège septentrionale, mais on ne s’est jamais occupé d’acquérir les moyens de transport pour qu’ell s’y rende. Le Livre blanc de 1971, par conséquent, mettait ouvertement en doute la nécessité d’un CCP : Le gouvernement a décidé qu’on doit reconfigurer la force terrestre afin de lui assurer le degré élevé de mobilité nécessaire aux missions de reconnaissance tactiques dans un rôle de réserve dans la Région du centre. Le char moyen Centurion sera retiré, car ce véhicule n’est pas compatible avec les forces au Canada et il ne fait pas preuve d’une mobilité adéquate. Pour le remplacer, on fera l’acquisition d’un véhicule de tir d’appui direct chenillé… Ce véhicule, qui est aérotransportable, sera introduit par la suite dans les groupements de combat au Canada. Il en résultera une compatibilité accrue entre les forces canadiennes situées au Canada et en Europe et une force terrestre légère plus mobile pouvant exécuter un large éventail de missions56 . Un autre facteur qui justifiait la mise en place de forces blindées légères découlait de la modification des priorités des tâches de défense afin de placer l’aide au pouvoir civil en tête de liste, suivie de la souveraineté territoriale, puis de l’OTAN et enfin du maintien de la paix de l’ONU. N’oublions pas que cette nouvelle politique a été élaborée et distribuée peu après la crise du FLQ de 1970. Quoi qu’il en soit, le gouvernement visait à convertir le Corps blindé en une organisation blindée entièrement légère, peu importe les exigences relatives aux engagements actuels du Canada57 . Avant la publication du Livre Blanc, le vice-chef d’état-major de la Défense, le lieutenant-général Mike Dare, a demandé d’examiner la famille de CVRT58 britannique en envisageant son adoption par le Force mobile à titre de VTAD et non en qualité de remplacement des chars. Les deux premiers véhicules à être soumis à des essais ont été le Scorpion chenillé (canon de 76 mm) et le Fox à roues (canon de 30 mm). On avait besoin de 74 Scorpion pour remplacer les Centurion pour le rôle de VTAD, tandis que le remplacement du Ferret était urgent. Après la présentation du Livre blanc, l’exigence est passée à 134 Scorpion59 . Puis, l’état-major des Besoins (Terre) de la Force mobile a formulé une foule d’arguments techniques quant à l’acquisition du Scorpion. Le lgén Dare leur a indiqué que leurs arguments n’étaient pas valables : le véhicule était destiné à l’instruction de char, jusqu’à ce qu’il puisse obtenir l’appui adéquat pour obtenir un véritable véhicule (un char) de remplacement pour le Centurion. Les deux véhicule Scorpion et les deux Fox d’essai sont arrivés au Canada et on les a présentés aux unités. Un officier blindé bien connu, après avoir examiné le véhicule d’essai, a apparemment déclaré au lgén Dare : « Mais qu’est-ce que vous avez fait? Nous n’avons pas besoin de ce tas de m….! »60 Il s’agissait d’un présage, car un des véhicules d’essai a brûlé et a fondu pendant qu’il se trouvait au Centre d’essais techniques (Terre) (CETT) à Blackburn Hamlet. La Force mobile est venue très près de faire l’acquisition du Scorpion. Une équipe d’essai complète s’est rendue à Bovington, au Royaume-Uni. Les articles portant sur ce véhicule avaient paru dans différents journaux et une L’élaboration du concept de régiment blindé fait ressortir la nécessité d’avoir un véhicule d’appui-feu direct comme complément au Lynx. Le Canada a consacré d’importants efforts à l’essai du véhicule de reconnaissance blindé à chenilles Scorpion, dans des conditions hivernales. Son acquisition ne s’est jamais matérialisée. (Gracieusement fournie par l’UPFC) 111 de la force blindée légère dans l’Armée canadienne, 1952-1976 : Développement Une partie de leur cavalerie pourrait être convertie Captain John Grodzinski Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre fiche officielle des caractéristiques du véhicule a été distribuée au sein de la Force mobile afin de le faire connaître. Le groupe cadre de maintenance du Génie électrique et mécanique royal canadien s’est vu coupé l’herbe sous le pied et n’a pas pu se rendre en Angleterre, car des machinations de haut niveau entre le MDN, les Affaires extérieurs et le gouvernement du Royaume-Uni se rapportant à d’autres contrats relatifs à la défense sont intervenues dans le processus. Apparemment, la pression exercée par le SACEUR et par d’autres quartiers de l’OTAN ont contribué à ce retard, tout comme certains problèmes d’acceptation61 . Puis le général J.A. Dextraze (appelé affectueusement « Jadex ») est devenu chef d’état-major de la Défense. Il n’était pas fervent du véhicule blindé Scorpion ou Fox, mais il a permis la tenue d’essais de comparaison entre le Fox et le Cadillac Gage V-150, qui était essentiellement un V-100 avec une tourelle sur laquelle était monté un canon de 20 mm. Étant donné que Dextraze n’aimait pas le Fox, on l’a éliminé des essais et Cadillac-Gage croyait qu’elle avait remporté le contrat. La société a par la suite refusé d’envisager d’effectuer la production au Canada, ce qui a entraîné une hausse des coûts. L’équipe d’acquisition du MDN a donc décidé de demander des propositions de toutes les sociétés au monde, ce qui a mené au besoin d’un véhicule blindé polyvalent (VBP). Parallèlement, le Cabinet décidait, en 1973, que le Scorpion ne convenait pas au Canada. Puis, Dextraze a examiné les possibilités d’acquisition d’un char de combat principal, qui a en bout de ligne résulté en l’achat du Leopard C162 . trois autres régiments subsistait. De plus, les régiments blindés de la Milice ont progressivement perdu leur chars Sherman vieillissants jusqu’à ce que le dernier soit retiré en 1972. La plupart des régiments de la Milice utilisaient désormais des jeeps dotées de mitrailleuses pour la fonction de reco (appelée « reco de mort » par les troupes). La question demeurait entière : pour le compte de qui la reconnaissance étaitelle effectuée? Les brigades ou les divisions de la Milice avaient disparu et les groupes de la Milice s’entraînaient rarement au niveau du groupement tactique, et encore moins du groupebrigade. Non seulement le gouvernement ne souhaitait pas déterminer quel rôle la Milice devait jouer, ou il n’était pas en mesure de le faire, mais il était également réticent à préconiser une politique de défense rationnelle et à attribuer les fonds nécessaires à l’appui de celle-ci. Le CEMD et la Force mobile ont établi qu’ils devaient tenter de maintenir une structure de force souple, de sorte que si une orientation ferme était élaborée, on pouvait l’adopter rapidement. Après l’annulation du projet V-150, on établissait, en 1974, de nouveaux besoins concernant quatre types de véhicules blindés légers : le TTB à roues, le véhicule de tir d’appui à roues; le véhicule de transport de missile TOW à roues et le VMDR (véhicule de maintenance et de dépannage à roues).63 Ces véhicules visaient à ou devaient : « assurer une capacité d’instruction au combat polyvalente pour les unités de campagne, régulières et de la Milice, de la Force mobile qui se trouvent au Canada. Ils permettront en outre d’améliorer l’efficacité opérationnelle des unités qui participent aux tâches de sécurité interne et de maintien de la paix. »64 Ces besoins ont été constamment reconfirmés durant tout le processus d’acquisition du VBP. Par exemple, en 1976 et 1977, les principales capacités de cette famille de véhicules étaient : k appui-feu direct dans le cadre d’opérations interarmes et de l’instruction; k missions de reconnaissance et de contrôle dans le cadre d’opérations internationales de maintien de la paix ou de sécurité interne; k protection du personnel de combat se trouvant à bord du véhicule.65 Aux niveaux les plus élevés du quartier général de la Défense nationale, on convenait sans ambiguïté que : « le Sean M. Maloney RETOUR À L’ARRIÈRE-PAYS : COUGAR, GRIZZLY ET HUSKY 1972-76 Malheureusement, le général Dextraze n’a pu se procurer qu’un peu plus de 100 Leopard, ce qui suffisait pour équiper le 4 GBMC situé en Allemagne de l’Ouest et un escadron d’entraînement se trouvant à Gagetown. Le problème des 112 Le véhicule blindé brésilien Urutu, doté d’une tourelle modifiée de type Alvis du Scorpion et d’un canon de 76 mm, est devenu un autre sérieux concurrent lors de la compétition pour l’acquisition de VBP en 1976. (Gracieusement fournie par l’UPFC) Et le gagnant fut : le Mowag Piranha avec tourelle Alvis et canon de 76 mm, mieux connu sous le nom de Cougar. (Gracieusement fournie par l’UPFC) programme idéal visant à garantir la mise en place d’une force armée prête au combat consiste à acheter des chars et des véhicules de transport de troupes pour les troupes se trouvant au Canada ainsi que pour celles situées en Europe. Le programme VBP est la deuxième meilleure solution; il est moins coûteux, il est conforme aux besoins de l’instruction au Canada et il comble une lacune de longue date dans les armes de combat. »66 Le processus de sélection du VBP était imprégné d’intrigues politiques multinationales : il ne faut pas s’en étonner, car après tout il s’agissait d’un contrat de plusieurs milliards de dollars. On a réalisé six essais différents. Le Brésil a présenté le EE-11 Urutu, tandis que la France a proposé trois véhicules : le Panhard M4, le Berliet 4 X 4 VXB et le Saviem Véhicule de l’Avant Blindé. La société suisse Mowag a présenté le 6 X 6 Piranha. Enfin, Cadillac Gage a redonné un souffle de vie au V-150. Saviem s’est retirée inopinément. En bout de ligne, les essais ont porté sur le Commando V-150, le Piranha et l’Urutu. On a éliminé le V-150, car il offrait une conduite inconfortable et il ne pouvait pas transporter une section d’infanterie. L’Urutu aurait exigé une refonte d’envergure pour être conforme aux exigences canadiennes et on a indiqué qu’il se classait deuxième à défaut de meilleurs concurrents. Le Piranha de Mowag respectait toutes les exigences67 . Le processus de sélection était sans doute influencé par la politique, car Mowag avait signé une entente avec la Diesel Division de GM en vue de la construction des véhicules au Canada, qui aurait des retombées importantes en matière de création d’emplois dans la région de London, en Ontario. Les machinations qui ont eu lieu CVRT Scorpion (UK) VBP Cougar (Switzerland/Canada) Équipage 3 3 Passagers - - Poids (chargé) lb 17 500 10 500 Poids (à vide) lb 15 000 CARACTÉRISTIQUES Rapport puissance/poids (hp/tonne) 23 24.5 Suspension Tracked Wheeled Longeur (pied) 14' 4.75" 19' 7" Hauteur (pied) 6' 10.5" 8' 7" Largeur (pied) 7' 2" 8' 2" Garde au sol (pied) 1' 2" 1' 3" 45 62 canon 76 mm sur tourelle MP 7.62 mm coxiale canon 76 mm sur tourelle MP 7.62 mm coxiale Vitesse sur route (mph) Armement Figure 8 : CVRT Scorpion versus VBP Cougar 113 de la force blindée légère dans l’Armée canadienne, 1952-1976 : Développement Une partie de leur cavalerie pourrait être convertie Captain John Grodzinski Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre au sein du gouvernement et de la bureaucratie, afin d’influencer la décision, doivent bien entendu être laissées à une étude plus détaillée du programme VBP68 . Les Brésiliens ont été très vexés de leur élimination. La société italienne Fiat a tenté de faire évaluer ses véhicules à ce stade avancé du processus. L’ambassadeur de France est alors intervenu grossièrement à plusieurs reprises afin que le véhicule Saviem soit de nouveau examiné, par comparaison au Piranha, mais le Cabinet lui a poliment indiqué de ne pas insister. Le Piranha était officiellement retenu en mars 1976 (voir la figure 8)69 . Sean M. Maloney On pourrait se demander longtemps comment et pourquoi la variante TOW du VBP a été éliminée. La décision prise visait l’achat, au départ, de 160 TTB à roues (désormais appelés Grizzly), de 120 véhicules d’appui-feu à roues (appelés Cougar) et de 16 VMDR (appelés Husky). Dans le plan d’attribution initial, le LdSH(RC) devait recevoir 30 Cougar, tandis que 19 seraient remis au 8 CH et 30 autres au 12 RBC. La Milice obtiendrait environ 45 Cougar devant être répartis entre les trois centres d’instruction de la Milice (ouest, est et centre), les unités se succédant à chaque centre pour utiliser les Cougar.70 . Cette répartition a changé par la suite lorsqu’on a fait l’acquisition d’autres véhicules, mais elle donne une idée de la méthode initiale. Il y a très peu d’indications qui laissent entendre que le Cougar a été utilisé à titre de VTAD au sein d’un régiment blindé léger. Après la remise sur pied de la FOS en 1976, un des commandants de celle-ci estimait qu’un escadron de Cougar devait accompagner le groupebataillon de la Force mobile (Terre) du CAE si celui-ci était mis en service. Cependant, le VTAD Cougar était en général utilisé à titre de char d’entraînement pour les unités régulières et de la Milice. Lorsqu’on a déployé les véhicules en Somalie en 1993 et en Bosnie en 1994 en vue d’opérations d’imposition de la paix, ils ont exécuté les fonctions traditionnelles propres aux véhicules blindés, soit l’escorte de convoi et la patrouille. Cette utilisation était 114 pratiquement conforme à la politique de la Force mobile de 1979 quant à l’utilisation des Cougar, qui précisait : représentants élus et non élus en vue de l’acquisition d’un VTAD et d’un char de combat principal. ...le char doit être réintroduit dans l’instruction interarmes dès que possible au Canada. Le Cougar, par conséquent, sera utilisé principalement à titre de char d’entraînement pour les équipages blindés et l’équipe interarmes. Ainsi, les escadrons blindés dotés de Cougar seront organisés en troupes de quatre et entraînés à titre d’escadrons de chars. Cet aspect empêche obligatoirement une réorganisation locale d’après les lignes de reconnaissance ou autrement. J’estime que le Cougar ne peut être utilisé à titre de VTAD que dans les environnements à moyenne et faible intensités. Le Cougar peut assurer un appui-feu direct rapproché à l’infanterie dans le cadre des opérations de rétablissement de la paix de l’ONU ou les opérations de défense du Canada. Toutefois, en raison de son incapacité à vaincre les chars, on ne peut pas l’utiliser dans ce rôle contre un ennemi doté de chars71 . Sans nul doute, le flux et le reflux du développement de la force blindée légère ont été considérablement influencés par l’ampleur de l’intérêt démontré par les gouvernements de l’époque et leur volonté d’attribuer les sommes nécessaires à l’acquisition de cet équipement. Les influences stratégiques et opérationnelles justificatives ont joué un rôle primordial dans le lancement des programmes initiaux durant le mandat du gouvernement Saint-Laurent, mais elles ont été rapidement surpassées par des forces complètement indépendantes de l’Armée durant les mandats des gouvernements Diefenbaker, Pearson et Trudeau. Même lorsque le gouvernement manifestait un grand intérêt, les sommes nécessaires n’étaient pas toujours offertes. Parallèlement, la scission apparente au sein du Corps blindé, à savoir si la furtivité ou la puissance devait prédominer, a contribué à créer la nature double du problème de la force blindée légère, malgré des tentatives par les commandants d’unité de rendre la situation plus rationnelle. CONCLUSIONS L’expression qui décrit le mieux le développement des forces blindées légères du Canada est « compromis politique ». Chaque véhicule choisi pour les unités blindées légères de l’Armée (qui, à son tour, a influé sur l’organisation et l’utilisation de ces unités) représentait un degré élevé de compromis. Le Ferret est demeuré en activité pendant 15 ans, soit longtemps après qu’on eut estimé qu’il était désuet et non conforme à la doctrine canadienne. Le Bobcat a cessé d’exister, car des facteurs politiques et techniques ont mis en péril sa capacité de s’imposer comme véhicule viable. Le Lynx s’est fait couper l’herbe sous le pied car il ne disposait pas d’un canon de 20 mm et de munitions efficaces et en raison du manque de fonds pour l’acquisition d’un VTAD. Le Cougar résultait d’un long processus en vertu duquel l’Armée a négocié avec des En bout de ligne, le processus qui avait débuté avec le Bobcat a livré passage au programme Coyote actuel. L’Armée se trouve maintenant dans une position en vertu de laquelle les unités blindées lourdes risquent de disparaître dans la structure des forces. Il s’agirait alors du compromis final. En 1927, Liddell Hart croyait qu’il serait économique pour le Canada et les autres pays du Commonwealth de se concentrer sur les unités blindées légères, car ils ne devaient pas s’engager dans des actions offensives. Il n’avait pas prévu que le Canada utiliserait des chars de combat principaux dans deux divisions blindées et deux brigades blindées indépendantes durant la Deuxième Guerre mondiale, soit 12 ans plus tard. Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Sean Maloney a reçu son BA et sa MA de l’Université du Nouveau-Brunswick et son Ph.D de la Temple University à Philadelphie. Entre autres états de service militaire, il a été chef de troupe du 8th Canadian Hussars (Princess Louise’s) et historien officiel du 4e Groupe-brigade mécanisé du Canada. Ses écrits et sa recherche portent avant tout sur la politique de sécurité nationale du Canada. Il a déjà publié War Without Battles: Canada’s NATO Brigade in Germany, 1951 – 1993 (1997) et de nombreux articles; un autre livre paraîtra bientôt, Learning to Love the Bomb: Canada’s Cold War Strategy and Nuclear Weapons, 1951 – 1968. Il est actuellement titulaire d’une bourse de recherche postdoctorale du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada au Collège militaire royal du Canada, où il enseigne également dans le cadre du programme des études de guerre. NOTES 1 Donald E. Graves, South Albertas: A Canadian Regiment at War, (Toronto: Robin Brass Studios, 1998), p. 87. Entretien téléphonique avec le major-général J.A. St Aubin, 20 août 1999. 2 Entretien téléphonique avec le major-général J.A. St Aubin, 20 août 1999. 3 Voir John R. Grodzinski, « Kangaroos at War: The History of 1st Canadian Armoured Personnel Carrier Regiment », Canadian Military History, Vol. 4, no 2, automne 1995, pp. 43-50. 4 Direction - Histoire et patrimoine (DHP), The Raymont Collection, dossier 137, (23 juillet 1956), note au Comité ministériel de la défense, « Development of the Canadian Army Tracked Carrier ». 5 Pour un examen plus en profondeur de ce point, voir l’étude de recherche DCSOT réalisée par Sean M. Maloney, An Identifiable Cult: The Evolution of Combat Development in the Canadian Army, 1946-1965, (Kingston, Direction - Concepts stratégiques (Opérations terrestre), 1999). (1961). Voir l’annexe II, « The Battalion Morter and Davy Crockett Platoon ». 15 DHP, dossier 73/1297, « Canadian Presentation of Tactical Concept and Requirement for Bobcat Family ». 16 NAC RG 25 acc 80-81/022 vol. 64, dossier 21-14-5-1 pt. 2, (26 octobre 1964), note de l’Ambassade canadienne à Oslo à l’USSEA, « Norwegian Foreign Policy »; USNARA RG 59 box 2878, dossier 711.5611/2-2758, (27 février 1958), note de l’Ambassade à Oslo à l’État, « Possibility of Nuclear Weapons in Norway »; Maloney, War Without Battles, pp. 149-151. 17 DHP, dossier 112.1.003 (D13) (23 novembre 1959), message de CJSL à Foulkes; (1 décembre 1959), lettre du chef de l’état-major général à Kitching. 18 Maloney, War Without Battles, pp. 149-151; DHH, dossier 72/ 153, (30 septembre 1963) « Report of the Ad Hoc Committee on Defence Policy ». Précisons qu’il s’agit du point de départ du concept de la Force mobile du CAE. 6 Idem. Voir aussi Sean M. Maloney, « The Canadian Army and Tactical Nuclear Warfare Doctrine », Revue canadienne de défense, Vol. 23, no 2, décembre 1993, pp. 23-29. 19 DHP, The Raymont Collection, dossier 137, (10 novembre 1958), note au président, chefs d’état-major, « Purchase of Carrier Tracked Light (BOBCAT) ». 7 Entretien téléphonique avec le major-général J.A. St Aubin, 20 août 1999; entretien téléphonique avec le major-général G.G. Kitchen, 24 août 1999. 20 DHP, dossier 112.1.003 (D13) (11 décembre 1959) « Notes on meeting Between General Norstad and general FoulkesSHAPE » (21 décembre 1959) message de Kitching à Clark; (n/d) « General Foulkes Visit to Fontainbeau ». 8 DHP, The Raymont Collection, dossier 137, (23 juillet 56), note au Comité ministériel de la défense, « Development of the Canadian Army Tracked Carrier ». 21 Voir Malony, War Without Battles, pp. 149-152. 9 DHP, dossier 73/1297, « Canadian Presentation of Tactical Concept and Requirement for Bobcat Family ». 22 DHH, The Raymont Collection, dossier 137, (10 novembre 1958), note au président, chefs d’état-major, « Purchase of Carrier Tracked Light (BOBCAT) ». 10 DHP, The Raymont Collection, dossier 141, « Chronology of the Bobcat Programme ». 23 DHP, The Raymont Collection, dossier 141, « Chronology of the Bobcat Programme ». 11 DHP, dossier 112.3W1 (D5), (10 juin 57), « Canadian Army Equipment Policy Statement (EPS)B2: Armoured Wheeled Combat Vehicles ». 24 DHP, The Raymont Collection, dossier 138, (21 janvier 1959), note du chef de l’état-major général au ministre de la Défense nationale, « Purchase of Carrier Tracked Light (BOBCAT) », entretien avec le major-général G.G. Kitchen le 24 août 1999. 12 Ibidem. 13 DHP, dossier 112.3W1 (D5), (10 juin 57), « Outline Military Characteristics for Fighting Vehicles for the Long Range Period ». 14 Chuck Hansen, U.S. Nuclear Weapons: The Secret History, (New York: Orion Publishers, 1988), p. 198; Department of the Army, FM 17-15 Tank Units: Platoon, Company, and Battalion, 25 Voir Christopher Foss et Peter Sarson, Warrior Mechanised Combat Vehicle 1987-1994, (London: Osprey International Books, 1994); Simon Dunstan, The M-113 Series , (London: Osprey International Books,1983); Steven J. Zaloga, The M-2 Bradley Infantry Fighting Vehicle, (London: Osprey International Books,1986) pour des aperçus du développement des séries M-113 115 de la force blindée légère dans l’Armée canadienne, 1952-1976 : Développement Une partie de leur cavalerie pourrait être convertie Captain John Grodzinski À propos de l’auteur . . . Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre et FV-430 et leurs relations avec les VCIM, Warrior et Bradley des États-Unis et du Royaume-Uni. 46 DHP, The Raymont Collection, dossier 142, (17 juillet 1967) memcon « Re: DC Ops Paper on Main Battle Tank ». 26 DHP, The Raymont Collection, dossier 139, (février 1960), note au ministre, « Purchase of Carrier Tracked Light (BOBCAT) »; (16 mars 1960) « Purchase of Carrier Tracked Light (BOBCAT) »; DHP, The Raymont Collection, dossier 141, « Chronology of the Bobcat Programme »; entretien téléphonique avec le major-général G.G. Kitchen, 24 août 1999. 47 Voir Starry, Mounted Combat in Viet-nam, p. 144. 27 Précisons que le Canada a retiré des avantages financiers de la corporation FMC, car le blindé du CARDE a été utilisé pour la conception du M-113 : il a permis de réduire le coût des véhicule M-113 achetés par le Canada. 50 Ibidem. 28 DHP, The Raymont Collection, dossier 140, (1 novembre 1963), note à CDC, « Armoured Carriers for the Canadian Army ». 29 Archives nationales du Canada [AN] RG 24, vol. 22, dossier 1200.M4, (27 août 1963), note du COSC de Hellyer. 30 AN RG 24 vol. 22 dossier 1200.M4, (27 septembre 1963), note du sous-chef, Quartier maître général au DGPO, « The Mobile Force ». 31 AN RG 24 vol. 22 dossier 1200.M4, (22 octobre 1963), « Outline Organization-Army Division-Mobile Force ». 32 AN RG 24 vol. 22 dossier 1200.M4, (18 octobre 1963), note au président du groupe d’étude spécialisé sur la force mobile, « Ground Component-Mobile Force ». 33 AN RG 24 vol. 22 dossier 1200.M4, (novembre 1963), « Mobile Force-Ground Component Operational Concepts and Requirements ». 34 DHP 87/165 1963 Activities ». (mars 1964), « ATOB: Report on 35 Livre blanc sur la politique de défense, (Ottawa, ministère de la Défense nationale, 1964), p. 22. 36 DHP, The Raymont Collection, dossier 140, (9 juin 1965), note pour le Conseil de la Défense du CEMD, « Tracked Reconaissance Vehicle ». 37 Au Viet-nam, le M-114 « ne pouvait pas être utilisé en mode tous terrains et il avait de la difficulté à entrer dans des cours d’eau et à en sortir, ce qui limitait son utilité à titre de véhicule de reconnaissance. » Cet aspect est également apparu aux observateurs canadiens. Voir Donn A. Starry, Mounted Combat in Viet-nam, (Washington D.C.: Department of the Army, 1978), p. 38. 49 Entretien téléphonique avec le major-général J.A. St Aubin, 20 août 1999. 51 Ibidem. 52 Entretien avec le lieutenant-colonel Wayne Pickering, 20 août 1999. 53 Le Fort Garry a été organisé sous forme de régiment blindé léger pendant deux années seulement avant son démantèlement en 1970. 54 Entretien avec le lieutenant-colonel Wayne Pickering, 20 août 1999; entretien téléphonique avec le major Robert Caldwell, 25 août 1999. 55 Le désarroi des médias, suite à l’utilisation des Centurion Mk. V pour faciliter l’exercice d’autorité civile à Gagetown, n’était pas surprenant. Ainsi, le chef du NPD et député fédéral, Ed Broadbent, s’est déclaré inquiet car le scénario de l’exercice consistait notamment à réprimer une révolte dirigée par un chef syndical national charismatique. John Walker, « Labor, NDP prod Cadieux: What was the exercise about? », Montreal Gazette, août 1969. 56. Douglas Bland (éd.), Canada’s National Defence Volume 1: Defence Policy, (Kingston: School of Policy Studies, 1997), p. 164. 57. Ibidem. 58 Véhicule de combat de reco à chenilles. 59 Entrevue avec le lieutenant-colonel Wayne Pickering, 20 août 1999; Accès à l’information (AAI), (26 janvier 1977), Document pour le MDN, « Rationalization of AVGP Programme ». 60 Entrevue confidentielle. 61 Entrevue avec le lieutenant-colonel Wayne Pickering, 20 août 1999; entrevue téléphonique avec le major Robert Caldwell, 25 août 1999. 62 Ibidem; AAI, (25 mars 1976), « Armoured Vehicle General Purpose Project Synopsis ». 38 Ibidem. 63 AAI, (25 mars 1976), « Armoured Vehicle General Purpose Project Synopsis ». 39 DHP, The Raymont Collection, dossier 141, (19 septembre 1966), note au CEMD; (27 janvier 1967), note du CEMD au VCEMD; dossier 142 (30 octobre 1967), note de DC Ops au VCEMD, « MAGIC BULLET ». 64 AAI, (31 décembre 1976), note de synthèse à l’intention du ministre, « Armoured Vehicle General Purpose (AVGP) Programme ». 40 DHP, The Raymont Collection, dossier 141, (14 mars 1966), note du CEMD au MDN, « Army Equipment Deficiencies ». 41 DHP, The Raymont Collection, dossier 141, (13 avril 1966), note au VCEMD, « Wheeled Armoured Patrol Vehicles (Commando) ». Sean M. Maloney 48 Wayne Pickering, « What is Light Armour? », Petawawa Post, juillet 1969. 65 AAI, (21 janvier 1977), note pour le MDN, « Rationalization of the AVGP Programme »» 66 Ibid. 67 AAI, (25 mars 1996), « Armoured Vehicle General Purpose Project Synopsis ». 42 Ibidem. 68 Ibidem. 43 « Testing the Commando », Sentinel, mai 1966, pp. 16-17. 69 Ibidem. 44 Entrevue avec Kitchen. 70 AAI, (31 décembre 1976), note de synthèse à l’intention du ministre, « Armoured Vehicle General Purpose (AVGP) Programme ». 45 DHP, The Raymont Collection, dossier 140, (30 mai 1964), lettre de Hellyer à McNamara; lettre de McNamara à Hellyer; (29 juillet 1965), « report on US/FRG Co-operative Tank Development Programme ». 116 71 (11 juin 1979), note du CMT aux personnes figurant sur la liste de distribution, « Employment Policy for Cougar ». Vol. 2, no. 4, hiver 1999 LE VÉHICULE BLINDÉ DE COMBAT ET L’AVENIR DU CORPS BLINDÉ Le lieutenant-colonel P.J. Atkinson, CD Le document de conception du VBC est un bon texte qui aurait dû être écrit il y a très longtemps, mais il renferme deux points qu’il est essentiel de clarifier. D’abord et avant tout, le projet VBC porte sur le remplacement du char Léopard et non, comme le document l’indique, sur le remplacement du Cougar, véhicule qui a déjà été retiré du service avec la mise en application du plan de rationalisation de l’équipement (PRE). Le deuxième point concerne l’intention de procéder à une acquisition en deux phases du VBC, la seconde phase étant liée à la réussite de la première et aux leçons retenues. J’estime qu’une acquisition en bloc a plus de chances de réussir qu’une acquisition en deux phases; la Force aérienne et les Forces maritimes ont eu du succès en adoptant des stratégies d’acquisition en une seule étape. Si nous divisons nos efforts pour procéder à une acquisition en deux phases, nous risquons l’échec. Il nous faut définir clairement nos besoins et nous en tenir fermement à cette définition. Le VBC doit être conçu pour la guerre. La situation politique et stratégique actuelle nous fournit sans doute l’occasion d’énoncer le besoin du Corps blindé et, donc, de l’Armée de terre, pour un VBC apte à la guerre. Les VBC ne pourront être mis en service qu’entre 2005 et 2010. Le PRE nous a imposé un plan organisationnel et un plan du matériel devant nous permettre de passer la période de transition. Compte tenu de nos problèmes en matière d’approvisionnement national, nul ne mettra en doute la décision de retirer rapidement le Cougar de la Force régulière. Ce fut une sage décision. Les décisions organisationnelles et les décisions relatives au matériel liées au PRE n’étaient pas fondées sur des éléments de doctrine, mais uniquement sur des motifs financiers. En particulier, il a été décidé que les troupes de reconnaissance (reco) de l’escadron de reco de brigade et que la troupe de reco d’un poste de commandement régimentaire (PCR) ne disposeraient plus de sept véhicules, mais de cinq seulement. Le plan visant à équiper de Coyote un deuxième escadron de sabres au sein de chaque régiment blindé a forcé cette réduction du nombre de véhicules destinés aux troupes de reconnaissance parce que le nombre total de véhicules Coyote est limité. Cette décision a eu un fort impact sur les Réserves car elles devaient recevoir des Coyote; en vertu de ce nouveau plan, elles n’en recevront pas. Une partie des Cougar sont maintenant destinés aux unités blindées de la Réserve. Du point de vue de l’approvisionnement national, le problème deviendra plus aigu car il faudra entretenir trois flottes de véhicules. Nous demandons aux Réserves d’entretenir une flotte de véhicules que les unités de la Force régulière avaient de la difficulté à entretenir elles-mêmes et nous exigeons aussi que cela se fasse avec moins de ressources. De plus, l’École de l’Arme blindée et l’École du génie électrique et mécanique des Forces canadiennes (EGEMFC) doivent former le personnel afin de pouvoir assurer l’opération et la réparation des Cougar. La meilleure solution serait de retirer immédiatement les Cougar du service et d’attribuer des Iltis (ou le véhicule remplaçant ce dernier) aux unités des Réserves. Cette solution n’est pas idéale pour les Réserves et elle ne règle aucunement les problèmes de formation. Dans le passé, les unités blindées de la Force régulière pouvaient facilement recevoir des renforts des Réserves pour les rotations opérationnelles car tous utilisaient le même matériel, le Cougar; ce n’est plus le cas. Historiquement, les unités de la Force régulière étaient renforcées par des unités de la Réserve pour la plupart des rotations opérationnelles, la Réserve fournissant environ 20 % de la force. Maintenant, il nous faudra entraîner les unités des Réserves sur Coyote, tâche onéreuse puisque ces unités n’auront aucune expérience sur ce véhicule. Cette décision concernant le matériel (pas de Coyote pour les Réserves) a un impact aussi sérieux sur la Force régulière que sur les Réserves. Le principal impact sur le groupebrigade est la perte du troisième 117 Le véhicule blindé de combat et l’avenir du Corps blindé ’objet de cette réflexion est de mettre en évidence certaines questions découlant du document de conception du véhicule blindé de combat (VBC) car il est clair que l’avenir du Corps blindé dépend du sort qui attend le projet VBC. L Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Le lieutenant-colonel P.J. Atkinson escadron de sabres. Le groupement tactique à prédominance de blindés ne disposant plus que d’un escadron de chars et d’un escadron de Coyote, la capacité de manœuvre du groupebrigade se trouve fortement réduite. Les commandants de brigade n’ont que peu de possibilités pour regrouper leurs blindés afin d’appuyer les groupements tactiques à prédominance d’infanterie. Alignant seulement deux sous-unités blindées (une équipée de véhicules à roues), le commandant d’un régiment blindé qui détache une de ces sousunités pour appuyer l’infanterie se place dans la même position qu’un commandant d’une unité du Génie : chacun cherche à tout prévoir, détache ses ressources, mais ne commande rien. Comme le troisième groupement tactique de manœuvre du commandant, le régiment blindé est à toutes fins pratiques annihilé dans ces conditions. Un moyen permettant d’inverser cette tendance mériterait d’être étudié. Nos alliés (plus précisément, les Britanniques, les Allemands et les Américains) ont depuis un certain temps, de plus petites compagnies de chars. Nous disposons encore d’assez de chars Léopard pour former deux escadrons de 14 chars chacun par régiment. Comme nous avons 114 chars, il est possible d’équiper chaque régiment de 29 chars (deux escadrons de 14 chars, plus un char pour le commandant d’unité), d’allouer 25 chars à l’École de l’Arme blindée, un char au Centre de recherches pour la Défense Valcartier et un autre à l’EGEMFC, Borden. Nous ne possédons qu’un nombre limité de véhicules blindés de dépannage (VBD), de sorte que chaque régiment n’en alignerait toujours qu’un seul. En outre, les stocks opérationnels ne compteraient pas de chars. Les « responsables des 118 finances » feront du bruit à propos de l’approvisionnement national et du kilométrage parcouru par les chars, mais je crois qu’il s’agit de risques acceptables pour conserver une capacité dans un domaine clé. Au cours des deux dernières années, le Lord Strathcona’s Horse (Royal Canadians) a aligné deux petits escadrons de chars (14 chars par escadron, utilisant les chars provenant des stocks opérationnels de Wainwright), un escadron de cavalerie, un escadron de reconnaissance et une troupe de reconnaissance PCR. À court terme, Historiquement, les unités de la Force régulière étaient renforcées par des unités de la Réserve pour la plupart des rotations opérationnelles, la Réserve fournissant environ 20 % de la force. Maintenant, il nous faudra entraîner les unités des Réserves sur Coyote, tâche onéreuse puisque ces unités n’auront aucune expérience sur ce véhicule. Cette décision concernant le matériel (pas de Coyote pour les Réserves) a un impact aussi sérieux sur la Force régulière que sur les Réserves. le régiment a l’intention de maintenir ce dispositif. Je crois que l’approche adoptée par le 1 er Groupe-brigade mécanisé du Canada est la bonne. Même si l’Armée de terre n’envisage pas de réorganiser la totalité de son inventaire de chars, je serais disposé à utiliser deux escadrons de 10 chars et un escadron de cavalerie pour conserver une certaine souplesse, une bonne capacité et une possibilité de manœuvre au niveau de la brigade. En maintenant l’escadron de cavalerie, j’apporte à la brigade une capacité dont elle ne disposait pas auparavant. Outre sa mission principale de surveillance, l’escadron de reconnaissance a toujours été chargé de former les écrans sur les flancs, d’assurer la sécurité dans la zone arrière, de veiller au contrôle de la circulation, d’escorter les convois et, en Bosnie, de déployer des patrouilles blindées. À l’exception de la surveillance, ces missions peuvent être remplies par l’escadron de cavalerie, de sorte que l’escadron de reconnaissance peut se concentrer sur ce qu’il fait le mieux : la surveillance et la recherche de renseignements. Même s’ils n’alignent que dix chars chacun, les deux escadrons de chars constituent pour la brigade deux éléments de manœuvre qui peuvent se joindre à l’infanterie ou servir de réserve, de force d’arrêt ou de force de contremouvement. La crise actuelle au Kosovo a mis en évidence les besoins en blindés. Notre doctrine n’a pas changé, ni les tâches qui sont confiées à l’Armée de terre. La présence de deux escadrons de chars dans le régiment blindé procure au commandant de brigade davantage de possibilités de manœuvre et une souplesse largement supérieure. En continuant à nous entraîner ainsi, nous serons mieux préparer à recevoir les VBC car nous aurons conservé une puissance de feu et une capacité de manœuvre supérieures là où cela compte : dans la brigade. Si, en revanche, l’escadron de cavalerie est abandonné, le Commandement de la Force terrestre pourrait maintenir un escadron de Coyote pour les opérations de contingence; les Réserves disposeraient de quelques Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Une dernière possibilité à étudier serait la création d’un Centre national d’instruction (CNI), à Wainwright. Si ce centre devait être mis sur pied, chaque groupe-brigade y viendrait pour s’entraîner avec tout son matériel PRE (à l’exception de l’escadron de cavalerie du régiment blindé). Cet escadron pourrait constituer l’effectif de l’escadron de chars (stocks opérationnels) de Wainwright, de sorte que la brigade se présentant au CNI disposerait, pour s’entraîner, d’un régiment blindé comptant deux escadrons de chars. L’instruction sur Léopard d’un escadron, au CNI, ne pose pas de difficulté car les habiletés requises des chefs d’équipages sont uniformes; il s’agit uniquement de former assez de tireurs et de conducteurs pour l’instruction. L’escadron C du Royal Canadian Dragoons a procédé exactement de cette façon l’an dernier pour se préparer à l’exercice EASTERN THUNDER, à Gagetown. L’exercice n’a finalement pas eu lieu, mais l’escadron C a participé aux compétitions régimentaires de tir au canon et, pour ce faire, il a utilisé les chars Léopard de l’escadron B, à Petawawa. Du fait de l’arrivée prochaine du VBL III, il est possible d’envisager le retrait du Coyote des bataillons d’infanterie et de déployer les VBL III au sein des pelotons de reconnaissance de ces bataillons. Les besoins de l’infanterie concernent une reconnaissance rapprochée, de trois à cinq kilomètres; le système de surveillance du Coyote est conçu pour une reconnaissance sur 12 à 24 km, ce qui excède les besoins de l’infanterie. Cet argument vaut aussi pour la troupe de reconnaissance PCR du régiment blindé. Toutefois, la question concerne le système de surveillance du Coyote, pas le véhicule même. Le régiment blindé pourrait équiper sa troupe de reconnaissance PCR de véhicules Coyote dépourvus de leur système actuel de surveillance. Ainsi, le Coyote demeure un actif du Corps blindé et l’identité des flottes est conservée. Certains des Coyote retirés des bataillons d’infanterie pourraient être attribués aux unités blindées de la Réserve. Même si toute la question des escadrons équipés de Léopard et celle du coût des activités de ces escadrons et de l’entretien de leur matériel sont de nature émotive, il ne faudrait surtout pas garder les bras croisés et permettre que les décisions touchant le matériel et les décisions organisationnelles soient prises uniquement pour des raisons financières. J’estime que le pire scénario est celui qui comporte les deux escadrons de dix chars, mais pour que la brigade conserve une capacité de manœuvre, je ne puis rejeter aucune possibilité. Comme le PRE limite à 534 soldats l’effectif du régiment blindé, je peux aligner deux escadrons de dix chars, un escadron de cavalerie, une troupe de reconnaissance PCR et un escadron de reconnaissance. Je crois qu’il est possible, avec un VBD et un échelon réduit, d’assurer le soutien de deux escadrons de chars. L’effectif actuel de chaque régiment blindé est de 585 soldats, ce qui permet de constituer des escadrons de 14 chars. Le PRE est le résultat de contraintes financières. J’estime qu’avec un minimum de changements, nous pouvons fonctionner en respectant les paramètres mentionnés dans ce plan. La décision de redistribuer les chars Léopard se défend et je pense qu’il vaut la peine de poursuivre dans cette voie. À propos de l’auteur . . . Le lieutenant-colonel Peter J. Atkinson s’est joint aux Forces canadiennes en juin 1977. Il détient un diplôme en histoire militaire du Collège militaire royal du Canada. Il a occupé un certain nombre de postes au sein des Royal Canadian Dragoons à Gagetown, en Allemagne et à Petawawa. Il a servi comme officier d’échange avec le 1er Régiment blindé en Australie, comme un commandant de compagnie à l’École des recrues des Forces canadiennes à Cornwallis et en tant qu’officier d’état-major au Quartier général de la Force mobile. Comme expérience opérationnelle, mentionnons des affectations à Chypre et dans l’ex-République de Yougoslavie à titre de G3 du Contingent canadien et, par la suite, de conseiller militaire auprès du commandant adjoint de la Force. Le lieutenant-colonel Atkinson a été promu à son grade actuel en 1997 et a été nommé chef de cabinet du Vice-chef d’état-major de la Défense. Depuis juin 1998, il est commandant des Royal Canadian Dragoons. 119 blindé Le véhicule blindé de combat et l’avenir du Corps Captain John Grodzinski Coyote pour l’entraînement et le Corps blindé pourrait garder sept véhicules au sein des troupes de l’escadron de reconnaissance et des troupes de reconnaissance PCR. Compte tenu de la capacité accrue que procure l’escadron de cavalerie, on serait mal avisé de l’abandonner. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre UN RÉGIMENT DE CAVALERIE LÉGÈRE (RCL) POUR L’ARMÉE DU CANADA Le major S.J. Bowes ans des circonstances idéales, l’attribution de ressources pour la défense nationale est un processus complexe pour les démocraties libérales. Au cours de périodes de paix prolongées, alors qu’aucune menace militaire identifiable ne met en péril la sécurité nationale, l’exercice est encore plus difficile. L’équilibre recherché entre des parties qui cherchent à s’accaparer les rares ressources disponibles n’est pas sans rappeler le problème du citoyen moyen qui doit déterminer jusqu’à quel point il doit être assuré « au cas où ». Même une analyse stratégique poussée se révèle souvent insuffisante pour écarter les étroites considérations de politique intérieure. Au Canada, ce processus est encore plus compliqué. Le Canada se trouve sur la frontière nord de la seule superpuissance du monde, qui est aussi son principal partenaire commercial et qui estime depuis fort longtemps que la sécurité du Canada fait partie de sa propre sécurité. Il est encore plus difficile de déterminer le budget qu’il convient d’allouer à la défense et la structure de la force à entretenir. Lorsque les ressources sont limitées, la structure et la capacité des forces doivent garantir une efficacité optimale permettant de faire face efficacement à des contingences diverses. Le major S.J. Bowes D En tout état de cause, la sécurité du Canada est intimement liée au maintien de la stabilité internationale. Dans ce contexte, les Forces canadiennes (FC) doivent s’assurer que leur posture assure au pays les capacités militaires requises pour faire face à l’évolution de la situation internationale. Toute évaluation des types de forces militaires 120 nécessaires doit tenir compte de très nombreuses influences, depuis les questions de politique intérieure jusqu’aux développements survenant chez nos alliés et dans les pays d’optique commune. Compte tenu de facteurs comme l’incertitude liée au nouvel ordre mondial, les intérêts en matière de politique étrangère, la tendance axée sur les opérations multinationales, la projection de force et la nécessité d’intervenir rapidement en cas d’opérations de contingence, la structure des FC doit supporter une plage étendue de capacités « La seule chose plus difficile que de faire entrer une nouvelle idée dans la tête d’un militaire, c’est d’en chasser l’ancienne. » Captain Sir Basil Liddell Hart opérationnelles; toutefois, l’Armée de terre et, en particulier, le Corps blindé ne sont pas organisés en conséquence. La structure actuelle et le matériel limité des trois régiments blindés ne permettent pas une capacité de combat cohérente et polyvalente, au niveau de l’unité, et ce pour tout le spectre d’intensité des conflits. Par conséquent, pour maximiser les capacités opérationnelles dans le contexte de ressources limitées, l’Armée de terre devrait mettre sur pied un régiment de cavalerie légère (RCL)1 au sein du Corps blindé pour pouvoir faire face rapidement et avec souplesse à diverses contingences. En ce qui concerne la création d’un RCL de la taille d’un bataillon, il ne s’agit pas ici de compliquer le problème en invoquant l’acquisition de systèmes ou la mise sur pied d’une organisation qui excède les moyens actuels ou futurs de l’Armée de terre. Cet article ne porte pas non plus sur les détails organisationnels d’un RCL; il s’attarde plutôt sur le concept opérationnel d’un RCL et sur les différentes tâches qui pourraient être confiées au RCL afin de montrer sa souplesse, son employabilité et sa pertinence. À la suite d’une brève analyse de la structure présente de la Force terrestre, il sera démontré que l’Armée de terre possède les ressources nécessaires à la mise sur pied d’une telle organisation. Compte tenu des limites de cet article, la question du développement de la doctrine canadienne pour permettre l’utilisation d’un RCL n’est pas abordée car, selon l’auteur, il ne s’agit pas vraiment d’un problème.2 De même, les points de détail comme l’état final du Corps blindé et de l’Armée de terre (quelles unités disposeraient de quel matériel) et les impacts potentiels sur des brigades en particulier ne sont pas traités, sauf s’il s’agit d’aspects clairement liés à l’établissement d’un RCL. LE CANADA ET LE NOUVEL ORDRE MONDIAL À l’échelle mondiale, il n’y a actuellement aucun risque de conflit entre grandes puissances, mais dans de nombreuses régions, la situation est instable et imprévisible. Il existe des conflits à l’intérieur de certains États ou entre des États et ces conflits sont liés à des questions ethniques, territoriales ou à des problèmes de ressources, d’extrémisme ou encore à des crises économiques ou démographiques. Dans certaines régions, entre autres en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient, on observe une situation explosive provoquée par des conditions sociales, démographiques, économiques et politiques qui contrastent violemment avec la tendance mondiale en matière de démocratisation et de réformes économiques.3 La période d’après-Guerre froide a vu, partout dans le monde, des tendances apparemment contradictoires axées sur l’intégration et la fragmentation. 4 Ce nouvel ordre mondial est le théâtre d’une prolifération de pays démocratiques avec des économies de marché. Aux organisations multinationales traditionnelles se sont ajoutées diverses nouvelles structures dans les domaines de l’information et des communications, des affaires et de l’environnement, par exemple. Ces nouvelles forces d’intégration ont profondément changé les concepts traditionnels de souveraineté et de sécurité. Comme l’ont bien montré les récents événements en Somalie, en Bosnie, au Rwanda, en Albanie et au Kosovo, le degré mondial d’interdépendance et d’interconnectivité signifie que les événements auparavant isolés sont maintenant susceptibles de déstabiliser les systèmes politiques et économiques mondiaux. En conséquence, cette tendance représente une menace toute nouvelle pour la stabilité internationale. Contrairement à l’intégration, la fragmentation a causé de nombreux conflits régionaux souvent liés à des différends ethniques. L’optimisme, voire l’euphorie, du début des années 1990 ont cédé la place à la réalité, c’est-à-dire que le danger s’est maintenant accru partout dans le monde et que la situation est imprévisible.5 En 1998, l’enquête annuelle menée sur 192 pays par la National Defence Council Foundation a révélé l’existence de 60 conflits en cours (dont un peu plus de 20 comportaient des combats d’envergure), soit sept de moins qu’en 1997.6 Toutefois, il s’agit presque du double des 35 conflits comptabilisés en 1989, année de la chute du Mur de Berlin. Le bloc soviétique et l’ordre mondial bipartite rigide n’existent plus, mais un nouveau système commence tout juste à apparaître, avec toutes ses incertitudes.7 À la lumière des différentes initiatives gouvernementales des 40 dernières années, il apparaît que la politique étrangère canadienne a été très stable d’un point de vue macroéconomique. La sémantique a changé périodiquement, tout comme les priorités relatives, sans doute, mais le thème de la stabilité internationale est toujours resté. Les trois grands objectifs de la politique étrangère canadienne sont simples et clairement liés entre eux : d’abord, favoriser la prospérité et l’emploi; ensuite, assurer notre sécurité en travaillant à la stabilité de l’ordre mondial et, enfin, propager les valeurs canadiennes.8 La prospérité économique du Canada dépend fortement du commerce extérieur, mais le Canada est engagé dans une relation asymétrique avec les États-Unis. En fin de compte, la recherche de la paix mondiale, qui est l’élément clé de la politique étrangère canadienne, 9 est essentielle à la prospérité dans cet environnement complexe en matière de sécurité. Il ne fait aucun doute que le Canada demeurera actif à l’échelle mondiale, surtout lorsque ses intérêts seront en jeu.10 Comme la situation mondiale évolue, il doit en être de même de la capacité des FC à relever les nouveaux défis. En ce qui concerne l’emploi des forces armées, plusieurs tendances dignes de mention sont liées au nouvel ordre mondial émergent. Il y a d’abord une nette tendance à établir des coalitions en prévision d’interventions. 11 L’apport des membres des coalitions encadrant les pays « principaux » est devenu un élément crucial de la réussite des opérations de contingence. 12 Deuxièmement, l’époque des grandes armées mécanisées déployées à l’avant semble révolue car la plupart des pays alliés ont fortement réduit leurs forces à l’étranger. Au cours de conflits futurs, il se pourrait bien que les coalitions n’aient pas le temps de préparer leurs forces car les ennemis potentiels auront tiré les leçons de la guerre du Golfe.13 En particulier, la décision de l’U.S. Army de se transformer en une force continentale (CONUS) pouvant être déployée à partir des États-Unis signifie « que les forces d’intervention et les renforts doivent pouvoir se déployer rapidement partout dans le monde à court préavis ».14 Il est clair que la capacité de déployer rapidement des forces partout dans le monde devient une exigence clé parmi nos alliés.15 Enfin, les effectifs et le budget des forces de l’OTAN ont été réduits au cours de la dernière décennie.16 Même si certains pays ont commencé à augmenter graduellement leurs dépenses de défense, il est peu probable que les pays membres de l’OTAN acceptent d’augmenter les ressources allouées à la défense, en l’absence de toute menace significative et prolongée. Il semble donc qu’à court terme tous les pays peuvent s’attendre à devoir contribuer aux opérations multinationales en fonction de leurs moyens et à subir des pressions en ce sens, au besoin. Ces tendances représentent des défis intéressants pour le Canada qui est membre du G8 et donc, qui compte parmi les pays les plus développés du monde, au plan économique. Il sera de plus en plus difficile pour le Canada de se tenir à l’écart de toute opération visant à contrer une menace dirigée directement contre l’OTAN ou la stabilité internationale.17 De plus, rien ne permet de croire que le rythme des opérations de contingence observé au cours de la dernière décennie ralentira bientôt. En outre, l’importance de développer et de maintenir des forces 121 Canada duJohn Un régiment de cavalerie légère (RCL) pour l’Armée Captain Grodzinski Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre pouvant être déployées stratégiquement et pouvant opérer avec celles de nos alliés, combattre « aux côtés de meilleurs, contre les meilleurs »18 suppose que l’on accorde une plus grande priorité à la structure de nos forces. RÔLES, ORGANISATION ET STRUCTURE DE LA FORCE TERRESTRE Le major S.J. Bowes Une étude des documents de défense primaire montre que la pertinence des facteurs stratégiques mentionnés précédemment est officiellement reconnue. Le Livre blanc sur la défense de 1994 fait état de trois grandes missions pour la Défense nationale : défendre le Canada, défendre l’Amérique du Nord et contribuer à la sécurité internationale.19 De la même façon, l’énoncé de mission du ministère de la Défense nationale (MDN) et des FC inclut la défense « du Canada et des intérêts et valeurs des Canadiens tout en contribuant à la paix et à la sécurité internationales ».20 Le Canada a ainsi affirmé qu’il contribuerait à la sécurité internationale en participant à de nombreuses opérations multilatérales sous l’égide de l’ONU, de l’OTAN et d’autres organisations et coalitions régionales partageant ses valeurs et ses intérêts. 21 Face à cette situation internationale complexe, les FC doivent demeurer en mesure de mener diverses missions pour contrer des menaces axées directement ou indirectement contre les intérêts du Canada. Essentiellement, les FC « doivent se préparer au nouvel environnement stratégique, avec ses incertitudes et ses nouveaux défis».22 En tenant compte de tout cela, le MDN a établi sa priorité stratégique : conserver des forces polyvalentes et aptes au combat afin d’atteindre les objectifs mentionnés dans le Livre blanc.23 Les FC devront donc opérer avec d’autres forces armées modernes au cours d’interventions diverses. La préparation militaire doit donc être axée 122 sur l’instruction au combat, méthode éprouvée qui procure la souplesse requise pour faire face à des situations variées dont les moins importantes ne sont pas celles que l’on appelle « opérations autres que la guerre (OAG) ». Cette approche permet de déployer rapidement des forces après une courte période d’instruction précédant le déploiement. Les forces polyvalentes aptes au combat sont en mesure de remplir rapidement de nombreuses missions différentes.24 Toutefois, pour relever ces défis partout dans le monde, il faut mettre l’accent sur les moyens permettant de déployer ces forces aptes au combat en n’importe quel endroit de la planète.25 L’Armée de terre a été plus particulièrement chargée de continuer à développer des forces polyvalentes aptes au combat en mettant l’accent sur la puissance de feu (rapidité de mise en œuvre et précision), la mobilité, l’adaptabilité, l’agilité et la souplesse.26 Les forces polyvalentes sont définies comme étant « des forces souples, aptes au combat et pouvant opérer efficacement dans un environnement comportant de multiples menaces. »27 Dans la terminologie militaire, une capacité de combat polyvalente est celle qui permet d’intégrer efficacement aux opérations toutes les fonctions de combat propres une armée : commandement, puissance de feu, manœuvre, protection, renseignements et maintien en puissance.28 Ces six fonctions de combat sont les éléments clés de la Force terrestre qui lui permettent d’opérer avec succès dans tout conflit, peu importe le type d’opération. Comme une des principales missions de l’Armée de terre est de conserver la capacité de participer à des opérations multilatérales, il est permis de se demander si la structure actuelle de la Force terrestre est optimisée pour atteindre ce but dans un environnement de déploiement rapide. L’objectif de défense stipule que l’Armée de terre doit pouvoir fournir les éléments suivants : jusqu’à trois groupements tactiques distincts, un groupe-brigade mécanisé (composé de trois bataillons d’infanterie, d’un régiment blindé, d’un régiment d’artillerie et des unités requises d’appui au combat et de soutien au combat) et un quartier général de la force opérationnelle interarmées.29 Les paramètres établis précisent que le déploiement d’éléments uniques ou d’avant-gardes doit se faire dans les 21 jours, avec maintien en puissance pendant des périodes indéfinies dans le cas d’opérations de faible envergure. Le déploiement du reste de la force doit avoir lieu dans les 90 jours. La force d’intervention principale doit être maintenue enn puissance pendant les 60 premiers jours. Outre cette tâche de contingence, un groupe-bataillon d’infanterie qui ne fait pas partie des forces sus-mentionnées (force en alerte) doit être en mesure de déployer ses éléments de tête en moins de sept jours, et le reste de ses effectifs en 21 jours, dans le contexte de la Force de réaction immédiate (FRI) de l’ONU ou de l’OTAN. Toutefois, la capacité de l’Armée de terre à préparer et à soutenir le déploiement d’un groupe-brigade mécanisé dans le contexte des opérations actuelles sous l’égide de l’ONU et d’un groupebataillon en alerte (même avec des renforts de la Réserve) sollicite au maximum ses capacités de maintien en puissance.30 Au niveau des unités, les régiments blindés sont-ils organisés pour pouvoir satisfaire à ces paramètres d’intervention? L’Armée de terre est divisée en trois groupes-brigades mécanisés aux effectifs réduits et structurés de la même façon, avec unités intégrées d’infanterie, de l’Arme blindée, d’artillerie, du génie, d’appui au combat et de soutien au combat. Le plan de rationalisation de l’équipement (PRE), récemment dévoilé, prévoit la mise sur pied, au sein de chaque brigade, de deux bataillons d’infanterie mécanisée devant être équipés du nouveau transport de troupes blindé (TTB) VBL III.31 Ce plan Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Un exemple simple pour illustrer le problème que pose la structure de la force blindée consiste à imaginer trois bataillons d’infanterie composés de compagnies équipées différemment. Chaque bataillon comprend une compagnie disposant de TTB chenillés M113, une autre compagnie équipée de TTB à roues VBL III ou Grizzly et, enfin, une troisième compagnie affectée aux opérations aériennes et constituée d’infanterie légère. Au sein des trois bataillons d’infanterie, des commandants seraient chargés d’instruire les différentes compagnies en fonction de leurs rôles particuliers et compte tenu des limites du matériel, mais aucune unité ne serait en mesure de s’affirmer pleinement au niveau du bataillon. Essentiellement, les bataillons n’existeraient que pour fournir des compagnies lors de missions. Les exceptions seraient les opérations comme celles qui ont été récemment exécutées au Canada ou sous l’égide de l’ONU, missions prévues largement à l’avance, ce qui permet l’instruction adéquate des unités et l’obtention de matériel de sources extérieures. Les opérations de contingence exigeant un déploiement rapide ne pourraient être menées de façon cohérente et la soutenabilité ne pourrait être assurée sans une réorganisation du matériel et une instruction supplémentaire. Clairement, cette structure de force n’est pas efficiente. Le même principe s’applique à la structure actuelle du Corps blindé; celleci ne permet pas d’économie d’échelle ni le développement ou le maintien des capacités au niveau de l’unité. Dans leur forme présente, les régiments blindés en sont réduits au statut de centres de mise sur pied d’une force ou de fournisseurs de force au niveau de la sous-unité. Consciemment ou pas, l’Armée de terre a accepté la marginalisation d’une partie importante de sa puissance de combat et de son potentiel opérationnel. Cette posture de la force a résulté en un apport largement inférieur au seuil d’efficacité. Fonctionnant avec des ressources fort limitées, l’Armée de terre ne peut se permettre que les choses continuent de la sorte. La situation financière du Canada, difficile à long terme (lourde dette nationale), signifie que la Force terrestre ne peut s’attendre à de profonds changements dans les programmes de rééquipement déjà annoncés par le gouvernement pour la prochaine décennie. L’Armée de terre a dernièrement reçu plusieurs systèmes de combat, dont le Coyote et le TTB VBL III. La prochaine étape d’envergure du plan de dépenses en capital concerne l’acquisition d’un véhicule blindé de combat (VBC) destiné à fournir l’appuifeu direct et à remplacer le véhicule Cougar d’instruction à la manœuvre des chars, véhicule périmé.33 Il reste à voir si le Léopard sera retiré du service avant l’arrivée du VBC ou en même temps, ou encore si ce char sera maintenu opérationnel à plus long terme. Néanmoins, la tendance vers un parc blindé constitué de VBL est bien marquée. Les FC doivent donc s’assurer que la contribution de l’Armée de terre est la structure la plus efficace possible, compte tenu des ressources actuelles et futures. RÉGIMENT DE CAVALERIE LÉGÈRE (RCL) DU CANADA Selon la doctrine américaine, le rôle essentiel de la cavalerie est de procéder à la reconnaissance et d’assurer la sécurité au cours d’opérations rapprochées.34 La puissance de combat inhérente des unités de cavalerie fait que ces unités se prêtent aux opérations offensives comme aux opérations défensives dans le contexte de l’économie de forces. Cela permet aux formations plus importantes de manœuvrer et d’utiliser leur puissance de combat contre l’ennemi à un endroit et un moment décisifs déterminés par le commandant. On peut dire que la cavalerie est « le catalyseur qui transforme les concepts de la guerre de manoeuvre en activités sur le champ de bataille ».35 La mise en pratique de la doctrine de la guerre de manœuvre en campagne exige une grande connaissance de la situation des forces, ce qui se fait en grande partie par les « yeux et les oreilles » du commandant sur le champ de bataille : la cavalerie. De plus, la cavalerie a traditionnellement constitué l’équipe interarmes la plus souple, et qui convient parfaitement à une grande variété de missions, y compris l’attaque, la défense, la sécurité et la reconnaissance.36 Au cours du débat qui fait rage dans l’U.S. Army à propos de l’unité de cavalerie la plus appropriée pour le corps d’intervention, un commentateur a souligné que « les possibilités d’utilisation d’un régiment de cavalerie légère sont probablement supérieures à celle de toute autre unité des forces armées ».37 Depuis la fin de la guerre du Golfe, on discute aux Etats-Unis du système de combat convenant le mieux à la cavalerie légère. Plus particulièrement, la performance inadéquate du High Mobility Medium Vehicle Wheeled (HMMVW, ou Hummer) utilisé par la cavalerie légère au 123 Canada duJohn Un régiment de cavalerie légère (RCL) pour l’Armée Captain Grodzinski cherche à rétablir l’équilibre au sein d’un parc disparate de véhicules à roues et chenillés. Dans une large mesure, il paraît s’être attardé à rétablir la situation des bataillons d’infanterie, comme en témoigne la création de compagnies de ligne utilisant (à de légères exceptions près) les mêmes types de véhicules de combat. Cependant, la situation des régiments blindés est moins bien définie. Chaque brigade dispose d’un régiment blindé d’appui équipé de la même façon, avec un escadron de chars de combat Léopard C1, un escadron de VBL Coyote d’appui-feu direct et un escadron de reconnaissance aussi équipé de Coyote. Il est donc impensable, sans une réorganisation d’envergure, de déployer un des régiments blindés comme force cohérente polyvalente apte au combat. Pour qu’un des régiments puisse être déployé à l’étranger afin de constituer le noyau d’un groupement tactique blindé dans le cadre d’opérations de contingence, il faudrait procéder à un échange d’escadrons et(ou) de véhicules.32 Cette structure doit être entièrement revue si l’Armée de terre souhaite disposer de capacités opérationnelles maximales et être en mesure de participer aux opérations de contingence futures avec des forces aussi variées, souples et soutenables que possible. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Le major S.J. Bowes cours d’opérations en Somalie, en Haïti et, plus récemment, en Bosnie a été fortement mis en évidence. 38 Les discussions se sont concentrées sur l’hypothèse qu’une force d’intervention rapide, même dans des OAG, doit disposer d’une protection adéquate et pouvoir réagir rapidement, stratégiquement, opérationnellement et tactiquement dans tous les environnements et par tous les temps. Plusieurs auteurs ont recommandé qu’un régiment blindé de cavalerie (RBC) de l’U.S. Army, de la taille d’une brigade, soit équipé de véhicules de type VBL au lieu de HMMVW.39 Cette formation disposerait de systèmes mixtes de reconnaissance et d’appui-feu direct (ainsi que des armes d’appui requises : mortiers, génie, défense antiaérienne, armes antiblindés) tous basés sur le VBL ou un véhicule de ce type. Cette force de cavalerie légère serait conçue pour répondre aux besoins de la nouvelle armée de projection de force américaine. Dans ce concept, une formation existante serait réorganisée et équipée de matériel actuellement disponible pour satisfaire aux besoins immédiats et à court terme sans qu’il faille attendre le développement d’un nouveau système de combat comme le système futur de reconnaissance et de cavalerie (Future Scout and Cavalry System). De cette façon, les É.-U. pourraient aligner une force capable de répondre à tous les besoins immédiats en matière d’opérations de contingence. Les commandants américains disposent d’une force de déploiement rapide mobile et bien protégée qui peut intervenir partout dans le monde en cas de crise. La formation de cavalerie légère assurerait la reconnaissance et se chargerait de la protection de la force pour le compte du commandant de l’élément terrestre ou pour les échelons de commandement subordonnés. L’accent serait mis sur les zones de contingence où les É.-U. ne possèdent pas de ressources prépositionnées, prenant avantage du fait que les besoins logistiques sont réduits, ce qui est idéal lorsque les infrastructures sont limitées. Même si une formation de cavalerie légère ne convient pas aux missions de surveillance et de protection 124 face à des forces modernes puissamment blindées, elle pourrait être renforcée par d’autres unités selon la situation.40 Cette formation comporterait des escadrons et des troupes autonomes et utiliserait des systèmes disponibles sur le marché. Pour faire face aux besoins futurs, une force de ce type exigerait une protection adéquate, des armes létales, une bonne mobilité stratégique et tactique (transport possible par C-130). Tout cela permettrait à la force de déployer, à court préavis, des éléments disposant de tout ce qu’il faut pour mener des opérations indépendantes; des forces supplémentaires pourraient être déployées plus tard, selon la situation. Il est ironique de constater que les É.-U. ne possèdent pas de force portée pouvant être rapidement déployée et possédant la puissance de feu, la mobilité, la protection et la soutenabilité requises pour faire face aux crises partout dans le monde en attendant que des forces plus importantes puissent être acheminées dans la zone d’opérations. Actuellement, seul le Marine Corps comporte une formation blindée légère comparable à ce que le Canada possède et pouvant être déployée très rapidement. La faiblesse de leur posture de force a incité les ÉtatsUnis à constituer une force d’intervention rapide légère expérimentale pour explorer les possibilités de déploiement rapide en cas de crise mondiale (opérations de paix et missions de combat).41 La taille, la structure et le matériel de cette formation restent à déterminer, mais il s’agira de systèmes perfectionnés et de systèmes disponibles sur le marché. Alors que l’U.S. Army se concentre surtout sur les conflits d’envergure et s’équipe de blindés lourds, l’apport du Canada pourrait facilement prendre la forme d’une force portée légère et pouvant être rapidement déployée en même temps que le XVIII Airborne Corps et les futures forces de frappe légères.42 Comme Colin Gray le souligne, ce type de participation pourrait se définir comme une « contribution ciblée ».43 Comme l’importance de la projection de force est reconnue aujourd’hui, du fait de la situation internationale, il serait bon d’étudier la possibilité de mettre sur pied un RCL canadien. Un RCL équipé de VBL Coyote (et, plus tard, de VBC) serait, pour le Canada, une force portée capable de mener des opérations de combat variées et de procéder à d’autres opérations de contingence. Une unité de ce genre, dotée de ressources déjà disponibles, pourrait appuyer nos alliés au cours d’un conflit de grande envergure en se chargeant de missions de reconnaissance et de sécurité. Par exemple, le RCL aurait pu, pendant la guerre du Golfe, s’acquitter de l’importante tâche de la protection des flancs, un peu comme les forces légères françaises ont été mises à contribution sur le flanc ouest du XVIII Airborne Corps. De même, les déploiements de la cavalerie américaine ont montré qu’un RCL aurait été utile en Bosnie et à Haïti, et il est aussi permis de croire qu’il aurait été mieux adapté aux opérations en Somalie que ne le fut le groupement tactique aéroporté du Canada qui a conduit des opérations embarquées à l’aide de véhicules empruntés.44 De plus, les scénarios futurs (y compris ceux qui concernent de grands conflits régionaux ressemblant à la guerre du Golfe) ne se dérouleront sans doute pas de la même façon. Les conflits futurs exigeront probablement le déploiement de forces dans un environnement englobant des menaces non linéaires et où la sécurité dans la zone arrière (SZar) ne pourra être garantie et, enfin, où le temps et le transport aérien seront des facteurs déterminants. Un RCL augmenterait la capacité du Canada à collaborer avec ses alliés au cours d’opérations de contingence. Un RCL constituerait la combinaison la plus souple et la mieux équilibrée des fonctions de combat et permettrait d’accomplir des tâches plus variées par comparaison à d’autres unités de la Force terrestre.45 Il s’agirait pour le Canada d’une unité de cavalerie peu coûteuse pouvant être déployée rapidement et présentant des particularités bien canadiennes. Le RCL améliorerait les capacités générales de l’Armée de terre à une époque où la rareté des ressources rend improbable l’acquisition de matériel nouveau.46 En même temps, un RCL Vol. 2, no. 4, hiver 1999 La figure 1, ci-dessus, montre une structure proposée.47 Chacun des trois escadrons alignerait trois troupes de trois patrouilles de deux Coyote chacune; un Coyote serait équipé d’un système de surveillance et l’autre agirait comme véhicule de tir d’appui direct. La possible acquisition de VBC et l’introduction d’un VBC dans chaque patrouille en remplacement du Coyote de tir d’appui direct seraient de nature à accroître substantiellement la capacité du RCL à mener des opérations de guerre. Les armes d’appui au combat pourraient être déployées au sein des escadrons ou être centralisés au niveau régimentaire, selon la situation. Il faut aussi mentionner que chaque VBL non équipé d’un système de surveillance transporterait deux éclaireurs chargé de procéder à la reconnaissance limitée à pied et d’assurer la protection du VBL. Suivant un concept modulaire, des ressources supplémentaires comme de l’infanterie, des blindés lourds, de l’artillerie, des moyens de défense antiaérienne et de l’aviation tactique pourraient être regroupées en appui du régiment, selon la mission et la menace. Cette force améliorerait la capacité opérationnelle de l’Armée de terre du fait de l’attribution plus rationnelle et plus souple des rares ressources. De plus, une force de ce type pourrait facilement être intégrée à une force opérationnelle interarmées (FOI) de coalition et pourrait opérer partout sur le champ de bataille et dans toutes les situations du spectre d’intensité des conflits. Le véhicule de type VBL convient bien aux missions de la cavalerie, y compris aux opérations associées aux conflits de haute intensité, compte tenu de la menace.48 Même s’il est évident qu’un RCL équipé de VBL devrait disposer de renforts pour mener des opérations de protection face à des formations blindées, cela n’altère aucunement l’utilité de cette unité comme un système d’arme de cavalerie. Il faut préciser que l’U.S. Marine Corps a fait mention de la grande efficacité du VBL dans les domaines de la sécurité et de la reconnaissance et au cours des missions d’économie de forces : Les Marines ont utilisé des VBL pour des attaques contre des objectifs limités et pour différentes missions de reconnaissance et de sécurité. La vitesse, la puissance de feu et la mobilité des VBL ont contribué au succès de ces missions. Les VBL ont servi sous des climats très différents au cours des opérations BOUCLIER DU DÉSERT et TEMPÊTE DU DÉSERT. Là encore, la vitesse et la fiabilité étaient inconstables au cours des missions tactiques et les véhicules ont confirmé leur qualité en matière de <600 PERS 58 CAV VBL/VBC <110 PERS 19 CAV VBL/VBC APPUI AU CBT AC 27 PERS 6 CAV VBL/VBC 12 VBL MOR 18 VBL GÉNIE 4 VBL NOTA : Même si la figure montre que le pon MOR relève de l’escadron d’appui au combat, chacun des trois groupes de tir opérerait normallement en appui d’un escadron et se composerait de deux équipes de tir et d’un contrôleur de tir des mortiers (CMT). Le peloton demeure en mesure d’appuyer les opérations regimentaires. Figure 1 : L’organisation d’un régiment de cavalerie légère 125 Canada duJohn Un régiment de cavalerie légère (RCL) pour l’Armée Captain Grodzinski serait équipé de matériel existant fabriqué au Canada et sa capacité s’accroîtrait à l’intérieur de l’enveloppe du programme envisagé de dépenses en capital. De plus, un RCL constitue, en fait, une capacité essentielle car il s’agit d’une unité polyvalente apte au combat et bien adaptée à des missions variées, que ce soit en temps de guerre ou dans le contexte d’OAG. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre reconnaissance et de sécurité, et ce dans le contexte de conflits de faible, moyenne ou haute intensité.49 Le major S.J. Bowes La 82nd Airborne Division de l’U.S. Army a aussi été satisfaite de ses VBL pendant la guerre du Golfe. Le VBL est une plate-forme de combat éprouvée qui a « montré sa supériorité comme véhicule de reconnaissance et de sécurité pouvant être déployé rapidement et qui a atteint ou dépassé toutes les exigences du programme. » 50 De plus, le VBL « propose la meilleure combinaison de déployabilité, d’efficacité, de surviabilité et de mobilité possible pour un véhicule en tant que système d’arme de reconnaissance. »51 Compte tenu de la tendance vers les coalitions multinationales menant des opérations de guerre ou des OAG, il est facile de mesurer l’importance que les alliés accorderaient à la présence d’un RCL disposant d’équipement de surveillance ultramoderne et organisé de façon à pouvoir remplir une grande variété de missions de combat.52 Les opérations de contingence exigent une projection de force adaptée au type de conflit : faible, moyenne ou haute intensité. Les unités doivent pouvoir être déployées rapidement, être efficaces, en mesure de survivre et être mobiles. À la lumière des types de menaces auxquelles nos alliés (et donc, le Canada) devront faire face à l’avenir, ces exigences de projection valent également pour le Canada. Les opérations de contingence deviendront plus importantes pour le Canada et les pays occidentaux et un RCL viable pourrait se révéler un atout de taille. Les forces interarmées de l’OTAN, comme le Corps de réaction rapide allié (CRRA), l’U.S. Contingency Corps ou la U.S. Future Light Strike Force ou, même, une force plus classique de l’ONU exigeront des unités puissantes et faciles à déployer qui puissent remplir des missions très variées. Dans ce contexte, un RCL constituerait une excellente contribution du Canada à ces opérations futures. CONCLUSION Au cours de la dernière décennie, l’émergence d’un nouvel ordre mondial a 126 entraîné une forte augmentation du nombre de conflits, souvent causés par des problèmes ethniques. Peu importe la cause profonde de ces conflits, le résultat demeure une incertitude accrue car le monde est devenu plus dangereux. La politique étrangère du Canada s’est traditionnellement axée sur le maintien de la paix et de la sécurité internationales, et cela ne semble pas sur le point de changer. En termes simples, une menace visant la stabilité internationale est une menace à la sécurité nationale du Canada. Contrairement aux années relativement paisibles de la Guerre froide, la dernière décennie a été celle d’un fort accroissement du rythme des opérations des FC car le gouvernement du Canada a fait appel aux militaires pour atteindre ses objectifs de politique étrangère. En même temps, le ministère de la Défense nationale faisait face à une forte réduction de ses crédits et de son personnel. Dans le contexte d’une lutte incessante pour des ressources plus rares et d’opérations s’enchaînant à vive allure, les FC doivent veiller à ce que leur structure garantisse une capacité opérationnelle maximale. La nette tendance vers le recours à des forces multinationales continuera d’influer sur le déroulement des opérations de contingence. À plusieurs reprises au cours de cette décennie, nous avons vu des coalitions militaires constituées pour atteindre des objectifs communs de politique étrangère. De même, les forces alliées ont utilisé plus souvent la projection de force dans le cadre d’opérations de contingence. Il ne fait aucun doute que le Canada continuera à être actif en cas de crise internationale et fera périodiquement appel à ses militaires pour agir de concert avec nos alliés. Compte tenu de cet état des choses, le bon sens exige que les FC s’assurent de pouvoir déployer des forces aptes au combat et bien entraînées plus rapidement qu’elles ne l’ont fait dans le passé. Malheureusement, la structure actuelle de l’Armée su Canada et, plus particulièrement, celle du Corps blindé empêchent les FC de disposer de cette capacité. Un RCL abordable et soutenable constituerait une équipe interarmes vraiment intégrée et permanente qui mettrait à contribution les tendances actuelles de l’Armée de terre en matière d’équipement, et ce compte tenu des contraintes budgétaires actuelles et futures. Un RCL serait une organisation polyvalente apte au combat. Il jouirait d’une grande mobilité stratégique grâce au transport aérien, pourrait mener des opérations dans tout le spectre d’intensité des conflits, ferait appel à un savoir-faire bien canadien et apporterait une importante contribution que reconnaîtraient nos alliés, même en cas de conflit de haute intensité. Un RCL serait une force souple pouvant opérer partout sur le champ de bataille, dans le contexte de toute force opérationnelle interarmées ou combinée au niveau de la brigade, de la division ou même du corps. De composition modulaire, le RCL pourrait être renforcé par d’autres Armes, selon la mission. Si la disponibilité des ressources est un facteur déterminant, la question n’est pas de savoir s’il faut constituer une unité de ce type, mais plutôt ce qu’il convient de sacrifier pour former un RCL. Les ressources étant prises en considération, il est aussi extrêmement important de changer les attitudes. Les avantages pour l’Armée de terre et les FC dépassent largement tous les sacrifices dans les domaines de la réorganisation des rôles et de la répartition du matériel au sein de nos régiments blindés et brigades. Par conséquent, pour que l’Armée de terre atteigne sa capacité opérationnelle maximale, le Corps blindé doit être réorganisé par la mise sur pied d’un RCL en mesure de prendre part rapidement et avec souplesse aux opérations de contingence, peu importe leur nature. Vol. 2, no. 4, hiver 1999 À propos de l’auteur . . . Le major Stephen J. Bowes est un officier de l’Arme blindée affilié au 12e Régiment blindé du Canada. Il est diplômé d’Acadia University (B.A. en histoire et B.A. avec spécialisation en sciences politiques) et de Queen’s University (M.A. en politique – relations internationales). Le major Bowes a reçu son diplôme du Collège de commandement et d’état-major des Forces canadiennes en 1999. Il travaille actuellement au G3 – Instruction individuelle de l’Armée de terre, au Centre d’instruction au combat, Gagetown (Nouveau-Brunswick). NOTES 2 En théorie, la doctrine doit déterminer les rôles, les structures et les besoins en matériel, mais en réalité, le contraire se produit. Tout ce qui serait nécessaire pour répondre aux besoins se limite à l’élaboration d’une version canadienne de la doctrine alliée existante; il s’agit d’y puiser, comme nous l’avons d’ailleurs déjà fait dans le cas de notre doctrine opérationnelle et de la doctrine sur la guerre de manœuvre. Les rédacteurs de doctrine de la Force terrestre pourraient produire les manuels nécessaires en quelques mois. 3 Canada, Ministère de la Défense nationale. Guide de planification de la Défense, 1999, Ottawa: MDN Canada, 1999, paragraphe 101. En plus de l’aperçu stratégique présenté dans le GPD 1999, consulter l’ouvrage suivant : Congrès des associations de la Défense. A Strategic Assessment: Canada’s Response to the New Challenges of International Security, Second rapport du Comité sur la politique de défense du Congrès des associations de la Défense, Institut du Congrès des associations de la Défense, Ottawa, 1999, www.cda-cdai.ca. 4 Gordon R. Sullivan et James M. Dubik. “Land Warfare in the 21st Century,” Military Review, Septembre. 1993, p. 2. 5 Il suffit de revoir la situation dans les Balkans pour constater que ce qui s’est passé hier en Bosnie et aujourd’hui au Kosovo pourrait fort bien se produire demain en Macédoine, en Voïvodine ou en bien d’autres endroits, même en Ukraine et en Russie, c’est-à-dire en Europe continentale. Outre l’Europe, la Corée, le sous-continent indien, l’Asie du Sud-Est, le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne sont autant de régions dans lesquelles des conflits sont en cours et ces conflits peuvent à tout moment s’étendre. Les possibilités de conflits sont nombreuses et leurs répercussions au Canada, chez nos alliés et dans le monde entier peuvent être vastes. D. Kaplan. “The Coming Anarchy”, The Atlantic Monthly, Fevrier 1994, pp. 44-76; Lawrence Freedeman. “International Security: Changing Targets”, Foreign Policy, Printemps 1998, ou le livre de réflexion écrit par Samuel P. Huntington. The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order, New York : Simon and Schuster,1996. Pour d’autres points de vue, consulter les ouvrages suivants : Yahya Sadowski. “Ethnic Conflict”, Foreign Policy, Été 1998; Sato Seizaaburo. “Clash of Civilizations or Cross-fertilization of Civilizations”, Japan Echo, Octobre 1997; Keith Philip Lepor, ed. After the Cold War: Essays on the Emerging World Order, Austin : University of Texas Press, 1997. 8 Canada, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Le Canada dans le monde 1997, Ottawa : MAECI Canada, 1997, p. 1 du Résumé. 9 Ibid., p. 2 du résumé. 10 Ibid., p. 6 de l’introduction. 11 Même les É.-U. sont réticents à agir seuls. Depuis leur intervention à la Grenade, les É.-U. ont fait savoir que même s’ils étaient disposés à assumer la plus grande partie de la tâche, ils estimaient essentielles la présence et la collaboration des pays d’optique commune. 12 En outre, il n’est pas difficile d’envisager des crises au cours desquelles les É.-U., la France ou le R.-U., pour des raisons historiques ou de politique intérieure, ne pourraient intervenir, sauf dans un rôle de soutien. Compte tenu de la prolifération potentielle des crises poussant l’OTAN à intervenir, les pays alliés moins puissants pourraient être appelés plus souvent à jouer un rôle plus important. 13 Craig B. Whelden. “Light Cavalry: Strategic Force for the Future”, Military Review, Avril 1993, p. 17. 14 Ibid., p. 15. Depuis la fin de la guerre du Golfe, les opérations de contingence ont permis de dissiper toute idée selon laquelle l’opération Tempête du désert pourrait servir de modèle pour les futurs conflits régionaux qui ne se dérouleront probablement pas de la même façon. 15 Le R.-U. a récemment illustré ce point dans son propre document de révision de sa défense stratégique et la France met ce volet en pratique depuis de nombreuses années. Pour un résumé de la politique du R.-U., consulter l’ouvrage de Ian Curtis intitulé “Britain’s Strategic Defence Review, with so little expected, was a surprise”, Defense and Foreign Affairs Strategic Policy, Août 1998, pp. 8-13. 16 Pour une comparaison des tendances en matière de dépenses de défense, consulter l’ouvrage de l’Institut international d’études stratégiques intitulé The Military Balance 1998/99, London : Oxford University Press, Octobre 1998, p. 295. 6 Associated Press. “Violent Conflicts declined Worldwide in 98, Group Reports”, The Boston Globe, 4 janvier 99. 17 Ce point a été très clairement illustré il y a peu, alors que l’OTAN a exercé des pressions pour que le Canada déploie des troupes pour une mission prévue au Kosovo; cette tendance n’est pas sur le point de disparaître. 7 Pour se renseigner davantage sur le nouvel ordre (ou le nouveau désordre) mondial, lire les articles suivants : Joseph S Nye, Jr. “Future Wars: Conflicts after the Cold War”, Current, Mars/Avril 1996; Robert 18 Canada, ministère de la Défense nationale, Directives et orientations stratégiques de la Force terrestre, 1998 (Ottawa: MDN Canada, 1998), page 3, chapitre 1, section 1. 127 Canada duJohn Un régiment de cavalerie légère (RCL) pour l’Armée Captain Grodzinski 1 Il faut clarifier la terminologie de source américaine. D’abord, les unités de cavalerie américaines sont habituellement un cran plus importantes que leur équivalent canadien de l’Arme blindée. Ainsi, un régiment américain de cavalerie a approximativement la taille d’une brigade canadienne tandis qu’un escadron américain de cavalerie se rapproche de l’effectif d’un régiment ou d’un bataillon canadiens; enfin, une troupe de cavalerie américaine équivaut à un escadron canadien. Il faut bien comprendre que le RCL, dans le contexte canadien, désigne une formation de la taille d’un régiment blindé ou d’un bataillon d’infanterie. Deuxièmement, suivant la terminologie américaine, un RCL est une formation moyenne. Les É.-U. alignent actuellement deux types de régiments de cavalerie blindée (RCB) : un RCB légère équipé de Hummer (HMMVW) et un régiment de cavalerie lourde disposant de véhicules blindés de combat (VBC) Bradley et du char de combat principal (CCP) M-1 Abrams. Par conséquent, la proposition concernant la mise sur pied d’un régiment de cavalerie américain équipé de VBL équivaut à la création d’une unité de taille moyenne. Toutefois, aux fins de cette étude, un régiment canadien de cavalerie équipé de VBL est désigné RCL. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre 19 Canada, ministère de la Défense nationale. Le Livre blanc sur la défense de 1994, Ottawa : MDN Canada, 1994. 20 Canada, ministère de la Défense nationale. Guide de planification de la Défense 1999, Ottawa : MDN Canada, 1999, paragraphe 102. 21 Ibid., paragraphe 104(c). 22 Ibid., paragraphe 101(4). 23 Ibid., paragraphe 202(1). 24 Ibid., paragraphe 201(7). 25 Ibid., paragraphe 202(3d). 26 Ibid., paragraphe 204(1). 27 Ibid., Glossaire, p 4. 28 N.B. Jeffries. “Equipping the Land Force for Today and Tomorrow”, Forum, Automne 1993, p. 17 et Canada, ministère de la Défense nationale, B-GL-300-000/FP-000, L’armée de terre du Canada, Ottawa : MDN Canada, 1998, p. 91-92. Même si le nombre de fonctions de combat a changé, le principe demeure valable. Dans cet article, le major-général Jeffries utilise l’expression « forces polyvalentes aptes au combat ». Il peut y avoir de subtiles distinctions entre les deux expressions anglaises general-purpose et multi-purpose, mais pour les besoins de ce texte, l’expressions « polyvalente » est utilisée pour les deux. 29 Canada. Guide de planification de la Défense 1999, paragraphe 306(j). 30 Il ne s’agit pas de remettre ces engagements en question, mais de proposer une autre approche possible pour apporter une contribution crédible aux opérations de contingence; la forme de cette contribution n’est pas définie, mais l’Armée de terre possède déjà les ressources nécessaires. 31 Paul Mooney. “Rationalisation de l’équipement : élément essentiel à une armée moderne plus efficace”, La Feuille d’érable 2, 3 15 février 1999, p. 8. Noter que le 2e Bataillon du Royal Canadian Regiment de Gagetown ne fait pas officiellement partie d’une brigade. Par conséquent, le 2e Groupe-brigade mécanisé du Canada ne comporte qu’un bataillon équipé de VBL III. 40 Ibid. 41 L’U.S. Army (armée américaine) a initialement envisagé de constituer une force autonome de la taille d’une brigade pour combler le vide entre les forces lourdes et les forces légères. Toutefois, au début de 1999, il fut décidé que le coût total était trop élevé par rapport à d’autres priorités. Consulter les articles suivants : “U.S. Army Light Strike Forces”, Defense Systems Daily, 18 février 1999; Bryan Bender. “U.S. Army Commits to Strike Force Concept”, Jane’s Defence Weekly, 24 février 1999 et Brian Shannon. “Hartzog: Strike Force will be Lighter, More Lethal”, Defense Daily, 19 février 1998. 42 Même si cela dépasse la portée de ce texte, il n’y a aucune raison de limiter l’application de ce concept aux seules unités blindées équipées de VBL. L’Armée de terre pourrait aligner une ou des unités de cavalerie portée et des forces d’infanterie disposant de VBL, ce qui permettrait de déployer rapidement des forces puissantes au cours d’opérations de contingence futures. L’Armée de terre pourrait profiter de son expérience des opérations montées mettant en cause des unités blindées légères et lourdes tout en reconnaissant les possibilités particulières des VBL. 43 Colin S. Gray. “Canadians in a Dangerous World, 1994”, document publié par le Conseil Atlantique du Canada, Toronto : Conseil Atlantique du Canada, 1994. Lire particulièrement les pp. 26-28, conclusions et notes. 44 Du point de vue de la doctrine, la mission en Somalie aurait exigé la présence d’un groupement tactique d’infanterie mécanisée au minimum, voire d’un groupement tactique blindé. 45 Une description détaillée des tâches pouvant être accomplies par la cavalerie légère figure dans les documents suivants : U.S. Department of the Army, FM 17-97, Cavalry Troop, 03 octobre 1995, Section II, ou US Department of the Army, FM 17-95, Cavalry Operations, 24 décembre 1996, Sections I et IV. 46 Essentiellement, la constitution d’un RCL exigerait une réorganisation des capacités et une redistribution des ressources existantes de l’Armée de terre. 32 Le corollaire de cet argument suppose une réorganisation du Corps blindé fondée sur les paramètres suivants : un régiment de chars Léopard, un régiment de tir d’appui direct (TAD) d’abord équipé de Coyote, puis de VBC, et un régiment de reconnaissance (ou deux régiments TAD équipés de Coyote). Toutefois, il est possible de constituer un régiment de cavalerie en réattribuant du matériel puisque l’Armée de terre le possède déjà ou est sur le point de recevoir des variantes de véhicules semblables à ce qu’il faudrait à un régiment de cavalerie, soit : VBL de reconnaissance, VBL TAD, VBL antiblindés, VBL du génie et VBL mortiers. 47 Il faut souligner que cette proposition ne signifie pas nécessairement la formation de sous-unités supplémentaires au sein du Corps blindé. Il s’agit surtout de revoir le rôle des sous-unités existantes et de déplacer le matériel à l’intérieur de l’Armée de terre. Les besoins en matériel (dont ne dispose pas le Corps blindé) seraient réduits au minimum, à l’exception toutefois des Armes d’appui au combat comme les unités antiblindés, les unités de mortiers et du génie, qui doivent faire partie intégrante du RCL. L’absence de ces unités mettrait en péril l’approche interarmes essentielle à l’efficacité de toute formation de cavalerie. 33 Canada. Guide de planification de la Défense 1999, paragraphe 204(2). Référence permettant d’affirmer que l’attribution de ressources pour l’acquisition d’un VBC demeure prioritaire pour les FC. 48 Jon H. Moilanen. “The Light Cavalry Regiment in Contingency Operations”, Military Review, Octobre 1992. Voir les pp. 73-75 consacrées à la mobilité des VBL. Lire aussi l’opuvrage de Fulvio Bianchi et d’Ezio Bonsignore intitulé “The Light Tank : Viable Concept, or Dangerous Illusion”, Military Technology, Juin 1998, p. 144; on y trouve une comparaison des qualités des véhicules à roues et des véhicules chenillés. 34 US, Department of the Army. FM 17-95, Cavalry Operations, 24 décembre 1996, chapitre 1, Introduction, p. 1. 35 Ibid. Le major S.J. Bowes Cavalry”, Armor, Mars/avril 1998 et David L. Nobles. “Light Armored Cavalry: The Right Force at the Right Time”, Armor, Janvier/février 1995. 49 Moilanen. “The Light Cavalry Regiment in Contingency Operations”, p. 74. 36 Whelden. “Light Cavalry: Strategic Force for the Future”, pp. 17-18, tiré de l’U.S. Department of the Army, FM 100-5, Operations, 1986, pp. 42-43. 50 Ibid., p 75. 37 Ibid., p. 19. 52 Selon des recherches effectuées par l’U.S. Army, il existe une étroite relation, de l’ordre de 90 %, entre la réussite d’une mission de reconnaissance et la mission de la formation supérieure. En d’autres termes, si les forces de reconnaissance arrivent à déterminer exactement les activités de l’ennemi et à contrer efficacement la reconnaissance ennemie, les forces amies ont 90 % des chances de vaincre cet ennemi. Par ailleurs, en cas d’échec des forces de reconnaissance, la mission de la formation supérieure échoue également dans 90 % des cas. Voir l’ouvrage d’Ian Curtis intitulé “Getting a Move on : The Need for New Light Armour”, Defense and Foreign Affairs Strategic Policy, Septembre 1997, p. 4 de 6. 38 Advanced Warfighting Working Group. Operational Concept for the 2nd Regiment of Dragoons, http://www.awwg.org/docs/currentproj/ globalcav2/index.htm. 39 Consulter les articles suivants pour avoir un aperçu des différentes propositions : Jon H Moilanen. “The Light Cavalry Regiment in Contingency Operations”, Military Review, Octobre 1992; Robert J Wottlin. “The Case for Light Cavalry”, Armor, Novembre-Décembre 1991, pp. 30-32; Craig B. Whelden. “Light Cavalry: Strategic Force for the Future”, Military Review, Avril 1993); William S Riggs. “Global 128 51 Ibid. Vol. 2, no. 4, hiver 1999 REGARDONS LA RÉALITÉ EN FACE… Le major Charles Branchaud, CD Jusqu’à maintenant, le Corps blindé a accordé la préséance à la fonction « chars » par rapport à la fonction « reconnaissance », qui passe en deuxième lieu. Je crois qu’il faudrait maintenant envisager d’inverser cet ordre. On peut faire valoir que, durant la guerre froide, la fonction « chars » a été prioritaire à cause du rôle que nos régiments blindés pouvaient être appelés à jouer dans la défense de l’Europe de l’Ouest. La garantie que les Cougar n’allaient être utilisés que comme chars d’entraînement (et ne pas être déployés durant des opérations) et que ces escadrons ainsi équipés allaient, comme par miracle, recevoir des chars de combat principaux (CCP) qui seraient déployés en Europe a permis le maintien du statu quo. Depuis, la situation géopolitique a changé radicalement. Les délais associés à la guerre moderne de forte intensité sont très courts et les forces dont un pays dispose avant le début des hostilités risquent d’être utilisées jusqu’à la fin du conflit. Il ne semble pas y avoir de temps pour le remplacement des troupes ou la relève sur place des unités. Si nos dirigeants politiques nous permettaient de participer (dans le cadre d’une coalition, il va sans dire) à un conflit dans un avenir proche, l’Armée de terre canadienne, dans sa forme actuelle, ne pourrait faire partie d’aucune force blindée. Cependant, nous pourrions jouer un rôle plus réaliste dans cette coalition en fournissant un puissant écran ou élément de protection de flanc aux forces alliées. De même, nous devrions nous organiser et nous entraîner en fonction d’un but que nous pouvons atteindre — compte tenu de l’équipement dont nous disposons actuellement — de manière à pouvoir jouer un rôle réaliste auprès de nos alliés. Regardons la réalité en face : les régiments blindés canadiens ne comptent qu’un seul escadron de chars et ne sont pas à la veille d’en recevoir d’autres. En raison de notre participation à des conflits régionaux, les tâches de reconnaissance ont augmenté. Compte tenu de nos missions et de nos rotations actuelles, nous avons besoin non pas d’un, mais de deux escadrons de reconnaissance par régiment (certains iraient même jusqu’à prétendre que nous en avons besoin de trois). Actuellement, les escadrons de sabres appelés à se déployer en Bosnie doivent constamment changer de rôle et se réorganiser pour passer d’escadrons de sabres à escadrons de reconnaissance, ce qui cause constamment des fluctuations et une instabilité dans la réalisation des effectifs. Le Corps blindé n’a pas déployé d’unités combattant avec des chars depuis la guerre de Corée; il a plutôt fourni des sous-unités de reconnaissance, comme celles qui sont actuellement déployées en Bosnie et au Kosovo, ou des unités affectées à des tâches d’infanterie légère, comme à Chypre. Cela ne veut pas dire que nous devrions délaisser notre rôle de chars ou d’équipe de combat, loin de là. Il est primordial que le Corps blindé maintienne son avance et son savoir-faire dans ce 129 Regardons la réalité en face… ’ai lu plusieurs articles faisant référence à la doctrine dans le Bulletin. J’estime que cette dernière ne reflète pas la réalité actuelle de notre Armée de terre. Que nous le voulions ou non, nous devons composer avec cette réalité et il nous faudra combattre à bref préavis (si nous sommes appelés à le faire). Compte tenu du rythme des guerres aujourd’hui, je ne suis pas convaincu que nous aurions le temps de nous équiper pour la constitution de quelque corps d’armée hypothétique. C’est pourquoi je crois que notre doctrine et notre entraînement entre le Corridor Lawfield et les classes du Collège de commandement et d’étatmajor de la Force terrestre canadienne devraient sérieusement tenir compte du type d’équipement dont nous disposons actuellement et porter sur la façon de l’utiliser le mieux possible. Par exemple, la doctrine actuelle nous enseigne qu’un régiment blindé canadien compte quatre escadrons de chars de dix-neuf chars chacun. Or, ces chiffres ne correspondent pas du tout à la réalité. Actuellement – et cette situation ne devrait pas changer dans un avenir prévisible – un régiment blindé canadien compte un seul de ces escadrons; même un groupe-brigade canadien ne comprend q’un seul escadron. J’estime que le temps est venu de réévaluer le rôle théorique du régiment blindé compte tenu de l’équipement qui lui est fourni. Dans mon commentaire, j’aimerais me pencher sur la réorganisation des régiments blindés réguliers, qui sont en voie de perdre un escadron par régiment et la flotte de Cougar au profit de la Milice et de gagner un deuxième escadron de Coyote par régiment. J Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre domaine. Il devrait cependant le faire en utilisant le bon outil, soit le char. Nous ne devrions pas croire que nous pouvons remplir notre rôle de corps blindé avec un escadron de véhicules d’appui-feu direct Coyote quand nous savons que l’infanterie qui suivra utilisera des VBL-III. L’escadron de chars restant par régiment devrait servir, d’abord et avant tout, comme élément de tête de la brigade dans les tactiques et l’entraînement de l’équipe de combat. L’escadron de chars devrait également être prêt à opérer dans le cadre d’un régiment blindé de reconnaissance, tirant les escadrons de reconnaissance de positions défavorables et participant aux manœuvres retardatrices jusqu’à ce que le gros des troupes puisse réagir à la menace. Les autres escadrons équipés de Coyote ne devraient pas servir d’escadrons de sabres. Le major Charles Branchaud L’organisation des pseudorégiments blindés de nos groupesbrigades est restée durant trop longtemps ce qu’elle est, une pseudoorganisation. Même en Allemagne, nous n’avons jamais disposé d’un régiment de chars complet de quatre escadrons. Nos alliés de l’OTAN considèrent une unité blindée comme une organisation de la taille d’un bataillon comptant au moins de trois à quatre sous-unités de chars, alors qu’une unité de reconnaissance blindée est constituée de deux à trois sousunités de reconnaissance et d’une sousunité d’appui-feu direct (char ou missile antichar). Comparons cette configuration avec l’organisation et l’équipement d’un régiment blindé canadien et tirons les conclusions logiques qui s’imposent. Si la configuration ci-dessus était adoptée, nos régiments pourraient fournir un escadron de reconnaissance dans le cadre d’une mission de groupement tactique externe (ONU ou OTAN), pendant que le reste du régiment pourrait continuer de fournir au commandant de brigade les moyens 130 ORGANISATION RÉGIMENTAIRE PROPOSÉE Figure 1 : Organisation régimentaire proposée nécessaires en matière de reconnaissance et de CCP. Si on ordonnait à un régiment complet de se déployer et de former (avec ses attachements) un groupement tactique de reconnaissance, ses deux escadrons de reconnaissance et son escadron de CCP s’avéreraient un atout important pour le commandant de la force locale. Il est temps de faire face à la réalité et de cesser de s’attarder à des solutions inapplicables. Nos régiments doivent être organisés de manière à fournir aux commandants la meilleure structure que le peu de ressources mis à leur disposition peut lui assurer. Si nous choisissons de ne pas concentrer tous nos chars dans un régiment (comme il semble que ce soit actuellement le cas), nous devrons accepter la réalité que notre équipement nous impose et transformer nos trois pseudo-régiments blindés en régiments de reconnaissance blindés puissants. Nous devons établir une doctrine qui permettra à nos régiments de reconnaissance blindés de travailler en tant qu’unité, et avec des attachements, de former des groupements tactiques de reconnaissance compétents et capables d’effectuer des missions réalistes. À propos de l’auteur . . . Le major Charles Branchaud a amorcé sa carrière d’officier au sein des Royal Canadian Hussars en 1981 et a été muté à la Force régulière en 1983. Comme expérience opérationnelle, mentionnons deux affectations en Bosnie avec des escadrons de reconnaissance (dont l’un en tant que commandant d’escadron) et une autre affectation au Congo-Zaïre. Le major Branchaud est actuellement commandant adjoint du 12e Régiment blindé du Canada. Vol. 2, no. 4, hiver 1999 CONCEPT D’UTILISATION DE L’ESCADRON DE CAVALERIE Le major Richard Moreau, CD Dans l’environnement politique canadien, comme les décideurs n’ont pas encore ordonner à l’Armée de terre de s’entraîner uniquement en vue d’opérations autres que la guerre (OAG), nous nous entraînons donc toujours en vue de faire la guerre. De plus, même si un conflit de haute intensité est peu probable dans un proche avenir, nous devons toujours nous préparer à cette éventualité. Toutefois, la réalité est que les FC ne sont pas en mesure de rassembler, de déployer et de maintenir en puissance une force pouvant mener une guerre, même dans le contexte de la défense du Canada. Notre capacité se limite à participer à des conflits de faible ou de moyenne intensité et uniquement au sein de forces de coalition. La disparité entre notre politique de défense, notre doctrine et nos capacités opérationnelles augmente rapidement. Les tendances politiques actuelles combinées aux récentes décisions en matière d’achat de matériel confirment que cette disparité continuera de s’accroître à moins que le budget et la politique changent. La politique actuelle de défense du Canada prévoit le maintien d’une force polyvalente apte au combat. Malgré cet énoncé, les gouvernements successifs n’ont pas approuvé de budgets suffisants pour la mise sur pied de cette force. Depuis 1994, la capacité de l’Armée de terre à mener une guerre conventionnelle a fortement diminué. L’important engagement du Canada au sein de l’OTAN se limite maintenant au plan de l’OP SABRE1 , mais il faut souligner que ce plan exige des moyens de transport stratégique dont nous ne disposons pas et nécessite le tendance se maintienne, il faut définir le rôle du Corps blindé après 2010. Dans les conflits à venir, l’Armée de terre doit pouvoir intervenir « avec ce qu’elle a » en terme d’entraînement et de matériel. Des événements récents comme la guerre du Golfe et la crise actuelle au Kosovo montrent que nous devons pouvoir nous déployer à court préavis avec le matériel que nous utilisons à l’entraînement. Le temps ne sera pas disponible pour nous réorganiser, nous rééquiper ou faire appel aux Réserves. L’Armée de terre doit être organisée, équipée et préparée en temps de paix afin de pouvoir s’entraîner et se déployer en vue des missions mentionnées dans le Livre blanc. « Il est temps de définir comment l’Armée de terre combattra et quelle contribution La récente décision de retirer le elle apportera à une coalition. » Cougar de l’inventaire de la Force regroupement de nos chars de combat principaux (CCP). Organisés et équipés comme ils le sont actuellement, les régiments blindés ne peuvent participer seuls à l’OP SABRE. L’Armée de terre et l’Armée de l’air ont perdu leur base d’opérations avancée en Allemagne. Les derniers achats de matériel, à savoir le véhicule blindé léger III (VBL III) et le Coyote, orientent l’Armée de terre vers un statut de force mobile légère non adaptée aux conflits de haute intensité, mais parfaite pour les OAG et les opérations au sein de forces de coalition en cas de conflit de faible ou moyenne intensité. Les gestes du Canada, sur le plan politique et en matière d’achat de matériel militaire, sont incompatibles avec le maintien d’une force polyvalente apte au combat. En supposant que cette régulière avant l’acquisition d’un véhicule de remplacement adéquat force l’Armée de terre à réévaluer sa doctrine de combat. L’achat prévu d’un véhicule blindé de combat (VBC) pour remplacer le véhicule de tir d’appui direct (VTAD) Coyote et le char Leopard C1/C2 en 2010 déterminera notre doctrine. Toutefois, suivant ce scénario, l’Armée de terre et le Corps blindé ont l’occasion de revoir la doctrine avant la mise en service du VBC. Il est temps de définir comment l’Armée de terre combattra et quelle contribution elle apportera à une coalition. Les décisions doivent être prises tôt afin de pouvoir définir l’instruction requise pour le Corps blindé et l’Armée de terre du futur. Malgré le statut provisoire du VTAD Coyote, ses possibilités et ses limites ressemblent beaucoup à celles du VBC qui le remplacera. En prenant les bonnes 131 Concept d’utilisation de l’escadron de cavalerie es Forces canadiennes (FC) traversent actuellement une difficile période de changements. L’Armée de terre relève ces nouveaux défis en accomplissant des tâches et des missions fort variées et dont la nature évolue constamment. Dans le même temps, les coupures budgétaires et la restructuration se sont lourdement fait sentir sur les ressources dont l’Armée de terre a besoin pour s’acquitter de ses tâches. Ces difficultés ont aussi eu des impacts sur le processus d’acquisition de matériel. L Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre décisions sur l’avenir du Corps blindé, nous pouvons orienter l’instruction sur l’état final requis du Corps pour que la transition vers un Corps blindé équipé de VBC se fasse en douceur. Cet article cherche à déterminer la meilleure méthode d’instruction à l’aide du VTAD Coyote dans l’intervalle. HYPOTHÈSES CLÉS Pour définir un concept d’utilisation des escadrons équipés de VTAD Coyote, ci-après désignés escadrons CAV, il faut poser plusieurs hypothèses clés. Ces hypothèses sont cruciales pour définir la voie que doit prendre le Corps blindé dans sa lutte pour conserver un rôle distinct sur le champ de bataille de demain. Le major Richard Moreau La première hypothèse, essentielle à la survie du Corps blindé en tant qu’Arme de combat chargée de fournir un tir d’appui direct capable de détruire les blindés ennemis, est que le présent VTAD Coyote n’est qu’une solution provisoire. Il est faux de prétendre que la version dénudée actuelle du Coyote est un VTAD. Le Coyote ne donne aucune capacité particulière à une équipe interarmes; il a la même puissance de feu que le VBL III actuellement en cours de mise en service dans l’infanterie. De plus, les capacités tous terrains du Coyote sont inférieures à celles du VBL III, mais il offre une protection comparable. Si le Coyote devait devenir le véhicule principal du Corps blindé, cela signifierait la fin du Corps blindé car il ne pourrait plus fournir à l’équipe interarmes la puissance de feu, la mobilité et la protection supérieure, qualités qui différenciaient le Corps des autres Armes. De la première hypothèse, il découle logiquement que l’Armée de terre doit pouvoir disposer d’un véhicule pouvant continuer à fournir le tir d’appui direct requis pour détruire les blindés ennemis. Si le VBC n’est pas un CCP, alors le VBC sera un compromis car notre protection 132 et notre mobilité ne nous distingueront plus des autres éléments de l’équipe interarmes. La seule particularité restante sera la puissance de feu. Selon les tendances actuelles en matière d’achat de matériel pour l’Armée de terre, il est raisonnable de penser que le VBC sera un véhicule blindé à huit roues construit au Canada et basé sur les véhicules blindés de combat (VBC) des types VBL III ou IV. Si le VBC mis en service est du type VBL IV, sa mobilité peut être supérieure à celle du VBL III. L’autre hypothèse fondamentale est que le VBC sera armé d’un canon permettant d’engager et de détruire des chars. Le VBC devra être muni d’un canon d’au moins 105 mm. À elle seule, cette caractéristique garantira que le Corps blindé restera un membre distinct de l’équipe interarmes. Quoi qu’il en soit, la puissance de feu ne doit jamais faire l’objet d’un compromis. « Nous devons reconnaître que l’Armée de terre cessera d’être une force mécanisée de puissance moyenne si le Leopard C1/C2 est retiré du service en 2010. » Le gouvernement du Canada et les FC ont déjà montré leur volonté de déployer des véhicules légèrement blindés (comme le Cougar et le Coyote) sur les théâtres d’opérations : Force de protection de l’ONU (ex-Yougoslavie), Force d’intervention unifiée (UNITAF)(Somalie), Force de mise en oeuvre (IFOR), Force de stabilisation (SFOR) et OP KINETIC (Kosovo). Il est raisonnable de supposer que si le gouvernement dispose d’une force plus moderne et largement améliorée équipée de VBL III et de VBC, il continuera à déployer ces ressources au cours de missions opérationnelles futures. Finalement, nous devons reconnaître que l’Armée de terre cessera d’être une force mécanisée de puissance moyenne si le Leopard C1/C2 est retiré du service en 2010. Les tendances actuelles en matière d’achat de matériel ont déjà fait en sorte que l’Armée de terre s’oriente vers une organisation légèrement blindée, très mobile et à déploiement rapide. À l’exception de quelques véhicules de combat du Génie et de l’obusier M109, le Leopard C1/C2 est le seul véhicule restant en service qui puisse permettre à une force mécanisée d’engager et de détruire l’ennemi. En conservant le CCP, même si la quantité est limitée, les commandants disposent d’une plus grande souplesse pour attribuer les tâches dans le contexte d’une participation à un conflit de moyenne ou de haute intensité au sein de forces de coalition. Si le Leopard est retiré du service, la transformation sera achevée et la diminution de capacité qui en résultera rendra nécessaire une révision de notre politique de défense et de notre doctrine de combat. CONCEPT DU VÉHICULE BLINDÉ DE COMBAT Le Livre blanc sur la défense de 1994 prévoyait le remplacement du Cougar par un véhicule de combat rapproché à tir direct, ou VBC. Un document de conception consacré au VBC a été récemment préparé par la Direction des concepts stratégiques (Opérations terrestres) (DCSOT) et décrit ce que sera sans doute le VBC. Il devrait s’agir d’un véhicule capable de participer efficacement à la défense du Canada et de l’Amérique du Nord et de contribuer aux opérations axées sur la sécurité internationale. Le VBC aura une grande mobilité stratégique et opérationnelle, une grande endurance et une soutenabilité élevée ainsi que des frais d’exploitation réduits. Sa puissance de feu devra lui permettre de détruire des CCP et des objectifs moins résistants et il devra être en mesure de remplir diverses tâches de combat ou autres, en temps de guerre et pendant des OAG, mais il ne pourra remplacer un CCP dans tous les rôles. Le VBC pourra tirer des projectiles à énergie cinétique et à énergie chimique de même que des missiles antichars. Il sera légèrement blindé et fera appel à la technologie de furtivité, à des systèmes d’autodéfense et à un durcissement localisé pour éviter d’être détecté et atteint et pour protéger au maximum l’équipage si jamais il est atteint. Le VBC comportera aussi des systèmes perfectionnés de commandement et de contrôle et des capteurs ultramodernes, de sorte que son équipage pourra profiter d’une très bonne connaissance de la situation des forces2 . Comme indiqué précédemment, le VBC ne pourra remplacer entièrement le CCP. Si l’on considère que l’infanterie ne disposera pas d’un véhicule de combat d’infanterie, la capacité de l’Armée de terre à mener des opérations offensives classiques de grande envergure sera très diminuée. Il est très important ici, de bien mettre en évidence les limites du VBC. Le document de conception du DCSOT indique que le VBC offrira une protection limitée et disposera d’une puissance de feu inférieure à celle d’un CCP moderne; il ne pourra venir à bout d’une opposition déterminée et, plus particulièrement, il ne combattra pas à l’avant, face à des chars ou à des armes antiblindés. Il ne sera pas utilisé pour attaquer ou défendre une position préparée, bien qu’il pourra fournir un tir d’appui sur les flancs. Il ne servira pas au cours de la marche à l’ennemi lorsque cet ennemi dispose de CCP, sauf si le contact avec l’ennemi est rompu ou si l’ennemi est complètement désorganisé. Même si le VBC sera rapide sur route et sur les pistes, sa mobilité sur le champ de bataille sera réduite, surtout s’il y a des obstacles. Il sera plus vulnérable au cours de combats rapprochés, surtout en terrain couvert et dans les zones bâties. Enfin, le VBC ne pourra remplacer le CCP pour les tâches suivantes en temps de guerre : k Le VBC ne sera pas utilisé lors d’un assaut contre un ennemi organisé et, en particulier, il ne servira pas au combat sur l’objectif; il ne participera pas aux opérations défensives face à un ennemi équipé de CCP modernes. k Il ne pourra aider l’infanterie à défendre sa position ou faire partie d’une force de contre-attaque ou d’une force d’arrêt3 . VÉHICULE BLINDÉ DE COMBAT ET CHAR DE COMBAT PRINCIPAL : DES CAPACITÉS DIFFÉRENTES La division de la recherche opérationnelle de la Direction de la recherche opérationnelle (Interarmées & Terre) a étudié l’efficacité du VBC dans le contexte d’opérations de guerre et d’OAG, lors d’une étude qui s’intitule Quarré de Fer. Les résultats, publiés dans un rapport de décembre 1998, sont intéressants. Les constatations présentées dans cette étude doivent être analysées avec soin et il nous faudra faire des choix difficiles au moment d’élaborer notre doctrine opérationnelle. La conclusion de cette étude est que le VBC ne peut être utilisé de façon audacieuse et agressive dans des opérations de guerre. Contrairement à la doctrine et aux caractéristiques actuelles de combat entre blindés, le VBC ne pouvait produire l’effet de choc et déployer la puissance d’un régiment blindé équipé de CCP. Le rapport précise aussi que le fait d’équiper un régiment blindé de VBC et de le charger de mener la guerre avec succès augmente le risque d’échec pour son commandant. Le rapport a porté sur les opérations offensives et défensives afin d’évaluer la capacité du VBC à la lumière de la doctrine de combat de l’Armée de terre4 . Les déploiements de défense normalisés et la doctrine défensive se sont révélés inadéquats pour une force équipée de VBC. Les commandants de ces forces devaient adopter des tactiques beaucoup plus risquées pour pallier les limites du VBC en puissance de feu et en protection. Le rapport mentionne que les VBC n’ont pu manœuvrer au contact ou tout près de l’ennemi sans subir de lourdes pertes. Une fois exposé, le VBC était très vulnérable face aux armes de tir direct et de tir indirect. Dans tous les scénarios, la force équipée de VBC se défendait avec succès, mais ses pertes étaient si élevées qu’elle devait être déclarée inapte au combat. Déployées en position défensive, les forces équipées de VBC devaient accepter l’engagement décisif pour maximiser leurs chances de succès et elles recouraient fortement aux embuscades et au tir sur les flancs et sur l’arrière. Cela signifiait que le VBC ne pouvait faire feu à distance de sécurité et qu’il fallait laisser une grande partie de la force ennemie pénétrer dans la zone d’abattage pour que l’armement soit efficace. Chaque fois qu’une force équipée de VBC a tenté des manœuvres de contre-mouvement, des contreattaques et des redéploiements au contact, elle fut décimée. Dans les mêmes scénarios, les forces équipées de CCP ont conservé leur efficacité au combat et ont pu exécuter avec succès des contre-mouvements et des contreattaques. Les forces équipées de CCP pouvaient aussi infliger tôt des pertes dans les rangs ennemis lorsqu’elles utilisaient leur armement à la portée maximale5 . La même expérience a été répétée pour l’attaque. Là encore, le rapport souligne que la puissance de feu et la protection limitées du VBC ont entravé son utilisation tactique et sa souplesse au cours des opérations offensives. Le VBC ne pouvait manœuvrer en présence de l’ennemi. Les forces équipées de VBC subissaient des pertes bien plus lourdes que les forces disposant de CCP et, de nouveau, la force équipée de VBC a été déclarée inapte au combat après l’attaque; pour survivre, cette force ne pouvait faire autrement que de tirer sur les flancs des chars ennemis depuis des positions préparées. Dans ces 133 Concept d’utilisation de l’escadron de cavalerie Captain John Grodzinski Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre scénarios, l’utilisation de CCP permettait de détruite rapidement la force ennemie6 . Les conclusions de ce rapport sur l’efficacité du VBC au cours d’OAG sont également intéressantes. Quinze tâches susceptibles d’être exécutées au cours d’une OAG ont été retenues. Aucune conclusion n’a été tirée pour deux de ces tâches (opérations dans les zones bâties et protection d’une force) car il a été estimé qu’elles étaient trop liées à la mission et au terrain. Pour les treize tâches restantes, le VBC a été déclaré supérieur au CCP dans quatre cas seulement. À cause de sa grande mobilité et de son poids moindre, le VBC a déclassé le CCP lorsqu’il faut : k escorter des convois; k établir des postes d’observation (à bord de véhicules ou au sol); k fournir des patrouilles montées; k faire partie d’une force d’intervention rapide. L’étude a aussi mis en lumière le fait que l’utilisation de CCP au cours d’OAG signifiait pour le commandant une dissuasion plus crédible, un effet de choc plus puissant et une adaptation plus facile à tout accroissement de la menace. Le CCP s’est révélé mieux adapté aux neuf tâches restantes : k démonstration de la détermination; k défense avec d’autres troupes; k défense improvisée; k tir d’appui au profit d’un poste de contrôle; Le major Richard Moreau k établissement d’un barrage routier; k attaque improvisée; k tir d’appui direct au profit d’autres éléments de la force; k neutralisation des centres de résistance, des tranchées et des bunkers; k prise et occupation d’un itinéraire7 . 134 La conclusion du Directeur général – Recherche opérationnelle (DGRO) à propos du caractère adéquat des CCP dans le contexte d’OAG est appuyée par l’expérience de l’U.S. Army et de l’U.S. Marine Corps en Somalie en 1992 et 1993. Le déploiement initial de troupes américaines en Somalie comprenait des éléments équipés de VBL 25 et de CCP M1A1. Les marines ont quitté ce théâtre d’opérations en mars et avril 1993 et y ont été remplacés « En supposant que l’Armée de terre continue à se doter de véhicules à roues et abandonne ses CCP, elle devra revoir sa doctrine opérationnelle, ses missions et ses tâches. » par une force légèrement armée de la 10th Mountain Division disposant de véhicules tous usages à grande mobilité (HMMWV), de camions et d’hélicoptères. Certains contingents ont conservé une petite force blindée sur place. Quand les Nations Unies (ONU) ont pris la relève des forces de l’UNITAF en Somalie au début de mai 1993, les chefs de guerre locaux se sont montrés plus agressifs envers les troupes de l’ONU. Le 5 juin 1993, 23 gardiens de la paix pakistanais étaient tués et 59 étaient blessés au cours d’une série d’embuscades bien organisées et visant le contingent pakistanais légèrement armé. Les commandants américains sur place ont demandé le déploiement de forces blindées américaines, mais cela leur a été refusé. En octobre de la même année, des soldats américains qui tentaient de capturer des chefs de guerre somaliens et des lieutenants loyaux à Aideed ont appris la même leçon que les troupes pakistanaises, de l’incident pré-cité. Au début, l’opération héliportée se déroulait bien, mais l’arrivée d’une force d’exfiltration légère à chaque point a été quelque peu retardée, de sorte que les hélicoptères ont été exposés trop longtemps. Deux hélicoptères UH60 ont ainsi été abattus. Deux autres ont été touchés, mais ont pu se poser en toute sécurité ailleurs. Une force d’intervention rapide de la 10 th Mountain Division à bord de camions et de HMMWV fut dépêchée, mais elle dut rebrousser chemin après avoir subi de lourdes pertes. L’exfiltration a finalement eu lieu 18 heures après le début de la mission et elle fut exécutée à l’aide de véhicules blindés, y compris des CCP, provenant d’autres contingents. Une force d’exfiltration équipée de CCP et d’autres blindés aurait pu atteindre les sites d’atterrissage bien plus tôt. Cette leçon a été coûteuse puisque 18 soldats américains ont été tués et plus d’une centaine ont été blessés. Ces chiffres n’incluent pas les pertes subies par les autres contingents au cours de l’exfiltration finale8 . Les résultats de l’étude de la DGRO portent à réfléchir. En supposant que l’Armée de terre continue à se doter de véhicules à roues et abandonne ses CCP, elle devra revoir sa doctrine opérationnelle, ses missions et ses tâches. Comme cela est mentionné dans l’étude, on ne saurait prétendre qu’un VBC est un bon outil de formation d’équipages de chars et on ne saurait demander à nos soldats d’effectuer des tâches qui devraient être confiées à des unités équipées de CCP. Nous devons accepter le fait que l’Armée de terre ne sera plus en mesure de mener une guerre conventionnelle et il nous faut élaborer en conséquence une doctrine opérationnelle axée sur nos véritables capacités. L’instruction sera donc plus ciblée. Un passage de l’étude de la DGRO souligne l’urgence d’agir maintenant : Le groupement tactique blindé équipé de VBC a subi des pertes excessives. Par conséquent, il faut se demander si cette formation peut mener des opérations de guerre. Il Vol. 2, no. 4, hiver 1999 BLINDÉS LÉGERS ET RECONNAISSANCE : NOS ALLIÉS Les forces blindées légères britanniques sont basées sur les régiments de reconnaissance équipés de véhicules chenillés de commandement et de reconnaissance. Ces forces blindées légères comprennent trois régiments de l’armée régulière et six unités de l’armée territoriale. Les trois régiments de l’armée régulière assurent la reconnaissance au niveau de la division et à celui du corps. Le rôle principal des unités blindées légères britanniques est de recueillir des renseignements précis en temps opportun et de les transmettre rapidement au niveau approprié de commandement. Des éléments de reconnaissance de formation (RF) et d’autres éléments de reconnaissance, de renseignement, de surveillance et d’acquisition d’objectifs (RISTA) sont nécessaires pour remplir une fonction clé : trouver l’ennemi. La RF peut aussi contribuer directement ou indirectement à fixer et à frapper les forces ennemies10 . La seconde fonction assignée aux unités RF britanniques est d’appuyer les tâches de manœuvre, ce qui comporte trois tâches principales : k Sécurité. Écran, protection, contrereconnaissance, déception et opérations contre les opérations héliportées. k Exploitation. Raids, poursuite, capture, reconnaissance/frappe. k Secondaires. Liaison, contrôle de la circulation, escorte et reconnaissance pour les hélicoptères d’attaque. L’armée britannique considère que le rôle des unités RF au cours d’OAG est généralement similaire à leur rôle en temps de guerre. Les tâches susceptibles d’être confiées aux unités RF pendant des OAG incluent : k protection de la force; k tir direct – comme la menace antiblindés est moindre, l’armée britannique juge acceptable d’utiliser des véhicules de reconnaissance de façon plus traditionnelle; k patrouille; k protection des itinéraires et escorte de convois; k barrages routiers et postes de contrôle; k postes d’observation; k liaison; k dissuasion et actions pour ralier la population (“Hearts and Minds”)11 . L’U.S. Army a adopté une approche similaire quant à l’utilisation de ses forces blindées légères ou de ses éclaireurs. Les unités CAV de l’U.S. Army sont mécanisées et elles sont appuyées par une aviation organique équipée d’appareils OH58D et AH64. En général, le pelotons d’éclaireurs au niveau de la force opérationnelle et les nouveaux pelotons d’éclaireurs des brigades sont équipés de véhicules HMMWV et leur rôle principal est la reconnaissance et la sécurité. Ces éléments cherchent à repérer l’ennemi et à identifier des objectifs de grande importance afin d’appuyer le combat en profondeur du commandant de brigade. Les pelotons d’éclaireurs sont en liaison directe avec d’autres ressources RISTA, comme les véhicules aériens télépilotés (VAT) et le système radar interarmes de surveillance et d’attaque. La capacité des appareils OH58D a désigner les objectifs et à fournir un tir d’appui direct aux véhicules légèrement blindés et aux véhicules armés des éclaireurs est essentielle à l’amélioration de la surviabilité de ces véhicules sur le champ de bataille. Le régiment CAV est unique à l’U.S. Army. Les régiments CAV de l’U.S. Army sont une combinaison de ressources de reconnaissance moyennes et ils sont équipés de véhicules M3 Bradley, de blindés lourd M1A2 et ils disposent de ressources d’aviation. Un régiment CAV type compte deux escadrons au sol équipés de 82 chars M1A2, de 84 Bradley M3 et d’un escadron d’aviation composé d’AH1 ou d’AH64 appuyés par des OH58D. Le principal rôle du régiment est de trouver, de fixer et de détruire l’ennemi. Les unités CAV conviennent parfaitement aux opérations de protection et aux manœuvres retardatrices et elles sont idéales pour l’exploitation et pour la poursuite loin derrière les lignes ennemies. Il s’efforcent à trouver et détruire les objectifs de grande importance dans la zone arrière de l’ennemi. 12 En ce qui concerne un concept futur possible, un article récemment paru dans Armor Magazine13 propose le recours à des forces blindées légères pour former le noyau d’une force de déploiement rapide. L’organisation requise pour projeter la force rapidement et efficacement nécessite certaines caractéristiques qui n’existent pas actuellement au sein de l’U.S. Army. L’auteur mentionne qu’une force de ce genre doit pouvoir être déployée rapidement, être très mobile, être très efficace au combat, avoir une surviabilité et une protection accrues, être facilement soutenable et disposer de matériel ultramoderne. L’auteur propose de nouveaux régiments CAV équipés de véhicules blindés légers General Motors, c.-à-d. VBL 25, et pouvant opérer comme des régiments de cavalerie blindée (RCB) moyenne. Ces régiments seraient équipés de matériel dernier cri dans les domaines des communications, de la surveillance, 135 Concept d’utilisation de l’escadron de cavalerie Captain John Grodzinski est clair que la nécessité opérationnelle peut contraindre les commandants à utiliser les VBC au combat. Toutefois, utiliser intentionnellement les VBC au lieu de CCP tout en connaissant les lacunes des VBC créerait des problèmes de moral et de motivation au sein de l’unité blindée, sans parler de l’aspect moral d’une pareille décision.9 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Le major Richard Moreau de la recherche de renseignements et ils comprendraient des troupes au sol, de l’aviation, des VAT et des systèmes interarmées. Les RCB VBL assurerait la reconnaissance sur le théâtre; ils ne sont pas conçus pour combattre comme des RCB traditionnels. À cause de sa plus grande mobilité, de son manque de protection blindée et d’une connaissance améliorée de la situation des forces, ce type de régiment se concentrerait sur les besoins en renseignement essentiels du commandant de théâtre, renseignement qu’il est impossible d’obtenir efficacement par des moyens électroniques. Dans le contexte d’OAG, le RCB équipé de VBL peut opérer de façon autonome à grande distance et il dispose de la protection, de la puissance de feu et du pouvoir dissuasif nécessaires pour assurer sa propre défense. Disposant d’un système de communication numérique permettant de bien connaître la situation des forces, les commandants des RCB VBL peuvent surveiller une zone beaucoup plus vaste. Au cours d’OAG, leurs tâches les plus probables seraient semblables à celles que prévoit la doctrine britannique. Compte tenu de la structure proposée de la force, un escadron d’un RCB VBL aurait une gamme étendue de capacités. L’escadron VBL serait équipé d’un système de surveillance, d’un canon antiblindés, d’un système de missiles filoguidés, de mortiers de 120 mm à chargement par la culasse montés sur le VBL, d’un matériel de minage et de déminage, d’un matériel ultramoderne de communication et de traitement des données et d’un échelon amélioré semblable au modèle canadien pour une autonomie accrue. Des capacités similaires, mais à un niveau supérieur et y compris des ressources aériennes, existeraient à l’échelon régimentaire. Même si l’U.S. Army n’a pas endossé ce concept de RCB VBL, il est permis de penser que l’Armée de terre 136 du Canada est presque arrivée à ce point. Avec quelques acquisitions mineures de matériel disponible dans le commerce, nous pourrions disposer d’une capacité comparable. Les Britanniques et les Américains utilisent de la même façon leurs unités blindées légères et leurs unités blindées de reconnaissance. Comme il apparaît inévitable que l’Armée de terre n’alignera plus d’unités lourdes à compter de 2010, nous pouvons maintenant définir clairement la tâche que nous pouvons encore accomplir selon la gamme de conflits. POSSIBILITÉS EN MATIÈRE DE DOCTRINE Comme le Canada ne sera bientôt plus en mesure d’aligner des forces pouvant participer à des combats rapprochés au cours d’un conflit de moyenne ou de haute intensité, il lui faut trouver un créneau, dans le contexte de forces de coalition, et commencer à équiper et à instruire des troupes en conséquence. Au sein de l’OTAN, notre interopérabilité augmenterait puisque les commandants alliés sauraient quelles capacités le Canada peut apporter. L’Armée de terre se verrait confier des rôles au cours d’opérations de contingence, et ce assez tôt pour qu’elle puisse participer à des exercices d’envergure dans le contexte de forces de coalition et pour qu’elle puisse axer l’instruction sur les besoins liés à des missions et à des tâches bien définies. Le Canada doit maintenant prendre des décisions cruciales qui détermineront la nature de ses forces armées bien au delà de l’an 2000. Ces décisions détermineront aussi les capacités de combat que le Canada jugera abordables et sera en mesure de maintenir en puissance. Le but de cet article n’est pas de lancer un débat sur ce que devrait être la doctrine militaire canadienne. Quelles que soient les possibilités, elles s’inséreront probablement dans une des trois catégories suivantes : k situation correspondant plus ou moins au statu quo; k doctrine axée sur les OAG et prévoyant une capacité limitée de mener la guerre pour la défense du Canada; k nouvelle doctrine fondée sur la capacité de déployer rapidement une force blindée légère avec mobilité stratégique et tactique accrue et pouvant mener certaines opérations de guerre et des OAG. Si le statu quo est maintenu, l’écart entre la politique canadienne et notre capacité militaire réelle continuera de se creuser. Le Canada continuera à prétendre pouvoir déployer une force polyvalente apte au combat, mais sans disposer de la structure militaire, du matériel et du budget nécessaires. En outre, le Canada sera toujours en retard sur ses alliés en matière de développement de sa force. L’Armée de terre, en particulier, ne sera pas en mesure de faire face aux nouvelles menaces; notre doctrine opérationnelle et tactique sera toujours mal définie et l’Armée de terre s’efforcera de se trouver un rôle valorisant qu’elle peut jouer efficacement et pour lequel elle dispose du matériel voulu. Cette absence de point de mire sera la cause d’une instruction mal ciblée et d’une rapide érosion de nos capacités opérationnelles. Ultimement, notre crédibilité comme force de combat professionnelle sera mise en doute. Naturellement, comme professionnels, nous ne souhaitons pas emprunter cette voie. Une autre possibilité est d’adopter une politique de défense et une doctrine axées entièrement sur les OAG et sur la défense du Canada. Cela exigerait une réévaluation de notre présence au sein de l’OTAN puisque le Canada ne pourrait plus aligner de forces aptes à la guerre. L’Armée de terre deviendrait une force de défense ou, pire, une organisation paramilitaire. Les tendances actuelles en matière Vol. 2, no. 4, hiver 1999 stratégique d’une armée équipée de VBL. Enfin, le Canada peut se doter d’une nouvelle politique de défense définissant clairement un créneau possible dans les opérations de guerre; cette possibilité peut être concrétisée en deux étapes. Au cours de la période de transition, l’Armée de terre adopterait une doctrine opérationnelle et tactique axée sur les blindés légers et précisant clairement les opérations de guerre pour lesquelles nous serions équipés et entraînés. L’Armée de terre est déjà bien équipée en prévision d’un tel changement de politique et de doctrine. Le Canada peut continuer à contribuer efficacement à l’OTAN en se créant un rôle au sein de forces de coalition s’il faut mener une guerre. L’Armée de terre pourrait oser davantage et envisager d’adopter une structure semblable à celle des unités RCB VBL proposées dans l’article d’Armor Magazine. L’Armée de terre possède déjà des VBL en quantité et, une fois les VBC en service, la transformation sera achevée. Avec l’acquisition de variantes du VBL disponibles sur le marché, le Canada pourrait aligner une force très mobile pouvant apporter à l’OTAN une capacité unique. Le Canada peut adopter cette approche dès maintenant. Comme pour la situation précédente, le Canada ne pourrait plus prendre part à une guerre conventionnelle mettant en présence des forces mécanisées lourdes et moyennes, mais il disposerait d’une force blindée légère capable de frapper l’ennemi en profondeur, c’est-à-dire d’identifier et d’attaquer des objectifs de grande importance. En raison de son excellente mobilité stratégique et tactique potentielle, une force de ce type pourrait former l’avant-garde d’une force de coalition ou se trouver en tête lors d’opérations de maintien de la paix. Le Canada ne possède pas actuellement de moyens de transport stratégique suffisants pour exploiter et soutenir au maximum l’excellente mobilité DANS L’INTERVALLE, COMMENT LE CORPS DOIT-IL S’ENTRAÎNER? À l’aube du nouveau millénaire et compte tenu de la situation économique du Canada et, donc, de ses forces armées, il nous faut trouver des moyens d’utiliser aussi efficacement que possible chaque dollar. L’acquisition de matériel comme le VBL III et le Coyote a eu lieu sans révision préalable de notre doctrine et de notre politique de défense. Une nouvelle doctrine opérationnelle et tactique adaptée à nos capacités est en cours de rédaction. Alors que le Corps blindé se prépare à faire face à de profonds changements dans ses capacités opérationnelles au cours de cette période de transition, nous devons déterminer maintenant de quelle façon nous allons entraîner nos troupes pour mieux les préparer à la mission future du Corps. Le Corps blindé et l’Armée de terre du Canada peuvent choisir parmi plusieurs possibilités. La première possibilité est la statu quo en matière de doctrine et de politique de défense. L’Armée de terre pourra utiliser le VBC pour former des équipages de chars en cas de mobilisation car le Canada alignerait de nouveau de fortes unités blindées. En utilisant le VBC pour former les équipages de chars, il est possible de conserver les connaissances tactiques requises pour mener le combat rapproché conventionnel qui est normallement le domaine des forces très mécanisées. Ce choix serait aussi conforme à notre politique actuelle de mise en service d’une force polyvalente apte au combat. Cela signifierait également qu’un budget toujours limité serait réservé à l’instruction portant sur des opérations de guerre que l’Armée de terre ne serait plus en mesure d’effectuer. Notre crédibilité devant nos partenaires de l’OTAN continuerait à être malmenée puisque l’écart entre nos intentions et nos capacités réelles ne cesserait de se creuser. Le Corps blindé doit accepter le fait suivant : pour garder sa place dans l’Armée de terre, il doit prendre rapidement les mesures voulues pour conserver une capacité sérieuse et unique découlant d’une nouvelle organisation. L’autre possibilité est de commencer dès maintenant à entraîner nos escadrons de VTAD Coyote comme des escadrons de cavalerie. Tout comme les unités RF britanniques, les escadrons canadiens de cavalerie axeraient leur instruction sur deux fonctions principales : k collecte de renseignements; k tâches de manœuvre, comme : 7 écran; 7 protection; 7 contre-reconnaissance; 7 déception; 7 opérations contre les opérations héliportées et sécurité dans la zone arrière; 7 raids; 7 poursuite; 7 reconnaissance/frappe; 7 liaison et contrôle de la circulation; 7 escorte de convois. Le Corps continuerait d’effectuer toutes ses tâches dans le cadre d’OAG. Cette approche exigerait une instruction axée sur les tâches pour lesquelles nous sommes équipés. Une fois le VBC en service, le Corps pourrait fournir un appui-feu direct à caractère unique à l’infanterie dans le contexte des opérations de guerre décrites précédemment. Cette approche ne vaut que si le VBC est mis en service; dans le cas contraire, le Corps perd sa raison d’être. Cette approche permettrait aussi 137 Concept d’utilisation de l’escadron de cavalerie Captain John Grodzinski d’acquisition de matériel peuvent rendre cette possibilité attrayante aux yeux de nos dirigeants politiques. Le major Richard Moreau Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre au Corps d’être en bonne position si jamais notre politique de défense et notre doctrine militaire évoluaient dans le sens de la mise en œuvre de forces blindées légères très mobiles semblables aux RCB VBL américains. Il est difficile de trouver des inconvénients à cette approche et cela s’explique facilement : nous y sommes déjà! Nous devons maintenant l’admettre. Comme indiqué précédemment, nous perdons notre capacité d’engager et de détruire un ennemi disposant de matériel conventionnel. Cette tâche, dans le contexte de forces de coalition, sera confiée aux formations lourdes de nos alliés tandis que l’Armée de terre mènera d’autres opérations. L’Armée de terre serait toujours en mesure de lancer des opérations offensives et de mener des opérations défensives contre des forces blindées légères au cours de conflits de faible et de moyenne intensité et au sein d’un coalition. Il est inutile de concentrer toutes nos ressources d’instruction sur ces tâches puisque celles-ci peuvent être simulées sur le système Janus ou faire l’objet d’exercices au Centre de formation de commandement et d’état-major interarmées, et ce jusqu’au niveau de la troupe. Les exercices d’entraînement en campagne de même que l’instruction individuelle et collective se concentreraient sur les tâches indiquées précédemment. Cette approche est idéale si l’Armée de terre doit adopter un rôle semblable au concept RCB VBL proposé par les Américains. L’apport du Canada à l’OTAN demeurerait important. Les planificateurs de l’OTAN pourraient définir des tâches précises pour l’Armée de terre et, enfin, celle-ci serait en mesure de s’entraîner en fonction de ce qu’elle aurait à faire en cas de guerre et en prévision d’OAG. Une fois le VBC en service, une nouvelle structure du régiment canadien de cavalerie blindée (RCCB) pourrait inclure un escadron de reconnaissance de brigade (surveillance) aux fins d’administration et d’instruction 138 seulement et deux ou trois escadrons de cavalerie/VBC. L’instruction des escadrons de cavalerie porterait surtout sur les tâches de manœuvre mentionnées auparavant. Ces escadrons assureraient la protection de la force en fournissant à l’escadron de reconnaissance les moyens de mener des opérations de contrereconnaissance et en protégeant les ressources de l’escadron de reconnaissance. Enfin, les escadrons de cavalerie fourniraient l’appui-feu direct à l’infanterie dans les cas suivants : protection, sécurité sur les flancs, raids, poursuite, sécurité dans la zone arrière, escorte de convois et, au besoin, opérations offensives et défensives conventionnelles face à un ennemi légèrement armé. RECOMMANDATIONS Compte tenu de la réalité budgétaire et des tendances actuelles en matière d’acquisition de matériel, le Corps blindé devrait immédiatement adopter le concept du RCCB. Cela comporte un certain risque; le Corps ferait un acte de foi en agissant avant que notre politique de défense et que notre doctrine militaire actuelles soient revues et modifiées. Toutefois, la réalité est telle que si l’Armée de terre ne passe pas rapidement aux actes, les événements pourraient l’y forcer et, en plus, elle court le risque de devenir totalement inutile au sein de l’OTAN. Le Corps devrait agir rapidement en faisant montre d’unité et adopter le concept de cavalerie. Dans l’intervalle, tout régiment blindé comprendrait un escadron de chars, un escadron CAV et un escadron de reconnaissance. Une fois le VBC en service, la transition sera achevée. Dans le cas improbable où les CCP soient conservés, le RCCB pourrait disposer d’un escadron de chars. Compte tenu de la prolifération des CCP dans le monde, cela permettrait au commandant RCCB d’organiser ses CCP et ses VBC pour contrer efficacement toute menace. Au cours de la période de transition, les escadrons de Leopard continueront à fournir l’appui-feu direct à l’infanterie. Tous les escadrons de cavalerie devraient donc commencer à axer leur instruction sur les tâches de guerre indiquées précédemment. Dans l’attente de l’acquisition et de la mise en service des VBC, nous devrions travailler à l’élaboration d’une nouvelle structure pour le futur RCCB. Comme point de départ, je propose le concept présenté par le capitaine Riggs dans la revue Armor Magazine. Cette approche permettrait au Corps blindé canadien et, par extension, à l’Armée de terre, de conserver un rôle important au sein de l’OTAN dans le domaine des opérations de guerre. Comme mentionné auparavant, l’adoption d’une structure reposant sur une force blindé légère très mobile, soutenable, efficace et autonome permettrait au Canada d’offrir à ses alliés de l’OTAN une capacité bien définie pour laquelle les troupes canadiennes sont équipées et entraînées. Les planificateurs de l’OTAN intégreraient alors cette force canadienne dans leurs plans opérationnels et leurs plans de contingence. Nous aurions davantage l’occasion de nous entraîner à exécuter notre mission de temps de guerre avec les formations alliées et notre interopérabilité serait accrue. Une force mobile légère sous la forme d’un RCCB équipé de VBC et de Coyote cadre parfaitement avec les principes de la guerre de manœuvre adoptés par l’Armée de terre en 1997. CONCLUSION Nous devons accepter le fait que l’Armée de terre n’est plus en mesure de mener des opérations de guerre sur tout le spectre d’intensité de la guerre. Nul ne peut plus prétendre que le Canada peut disposer d’une force polyvalente apte au combat. Les limites du VBC en matière de protection, de puissance de feu et de mobilité tactique font en sorte que l’Armée de terre ne peut participer à des combats Vol. 2, no. 4, hiver 1999 nouvelle doctrine opérationnelle et entamer le processus d’instruction de la force que nous déploierons après 2010. Cette approche permettra de bien définir l’instruction, l’achat de matériel et la structure de la force. Il est évident que le Corps blindé canadien se trouve à un moment décisif de son histoire. S’il ne saisit pas l’occasion qui s’offre maintenant et s’il ne commence pas dès aujourd’hui à s’entraîner en vue de l’avenir, il court un risque bien réel. La situation politique, économique et stratégique actuelle est idéale pour que l’Armée de terre repense son rôle dans un environnement global et procède aux changements nécessaires pour demeurer capable de contribuer utilement à la sécurité et à la stabilité du monde. Les tendances en matière d’acquisition de matériel nous ont poussé dans une certaine direction et cela se poursuivra. Le Corps blindé devrait agir le premier et adopter dès maintenant une doctrine de force blindée légère pour l’Armée de terre. Nous sommes bien placés pour définir les grandes lignes de ce que sera l’Armée de terre après 2010. Le Canada peut se constituer un créneau soutenable et réaliste dans le secteur des opérations de guerre, et ce à un coût relativement bas et avec un minimum de changements à la structure actuelle des forces armées. La première étape consiste à commencer à entraîner nos escadrons de VTAD Coyote comme des escadrons de cavalerie en prévision de la transformation des régiments blindés du Canada en régiments de cavalerie blindée vers 2010. NOTES À propos de l’auteur . . . Le major Richard Moreau s’est enrôlé dans les Forces canadiennes en 1982; il a obtenu du Collège militaire royal un baccalauréat en études militaires et stratégiques (programme spécialisé). Il a suivi son instruction de classification pour l’Arme blindée en 1986 et a rejoint les rangs du Royal Canadian Dragoons, comme chef de troupe, sur Leopard en Allemagne et sur Cougar à Petawawa. Le major Moreau a aussi été commandant adjoint et capitaine de bataille de l’escadron de reconnaissance et il a rempli les fonctions d’officier des opérations du Royal Canadian Dragoons au cours de l’OP CAVALIER (rotation 4). En 1998, après avoir occupé différents postes d’état-major, il a pris le commandement de l’escadron C du Royal Canadian Dragoons. 1 L’OP SABRE est un plan de contingence prévoyant la formation, l’instruction et le déploiement d’un corps expéditionnaire de la taille d’un groupe-brigade. 2 Direction des concepts stratégiques (Opérations terrestres), Document de conception du véhicule blindé de combat, 19 mai 1998, p. 15. 3 Ibid., p. 12. 4 DGRO/DRO (IA&T), Compte rendu de projet 9817, Quarré de Fer – Analyse du VBC au cours d’opérations de guerre, p. 41. 5 Ibid., p. 19. 6 Ibid., p. 29. 7 Ibid., p. 39. 8 Expérience personnelle du major Richard Moreau en Somalie en 1993, à titre de commandant de l’escadron C du Royal Canadian Dragoons. 9 DGRO/DGRO (IA&T), Compte rendu de projet 9817, Quarré de Fer – Analyse du VBC au cours d’opérations de guerre, p. 29. 10 Ibid., pp. 42-45. 11 Ibid., pp 42-C-1 à 42-C-4. 12 FM – 200 Series 13 « Global Cavalry », par le capitaine William S. Riggs, Armor Magazine, Mars-avril 1998, p. 26. 139 Concept d’utilisation de l’escadron de cavalerie Captain John Grodzinski rapprochés dans le cadre d’opérations offensives et défensives. En temps de guerre, les opérations clés sont la marche à l’ennemi pour le détruire et la défense de positions clés par l’utilisation agressive de la manœuvre et de la puissance de feu. En acceptant que l’Armée de terre du Canada soit équipée de véhicules blindés à roues, nous acceptons aussi un changement dans notre capacité à mener une guerre conventionnelle. Il faut maintenant élaborer une doctrine et des tactiques convenant à une Armée de terre très mobile et légèrement blindée. Cela est crucial si nous souhaitons demeurer un membre valable de l’OTAN. La meilleure façon d’y arriver consiste à offrir à nos alliés une capacité bien définie et soutenable et à cesser de prétendre que nous pouvons participer à toutes les opérations d’une guerre conventionnelle. À l’aube du nouveau millénaire, il nous faut établir une Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre ABORDONS LA QUESTION DE PLUS PRÈS! POSSIBILITÉS D’EMPLOI DE L’ESCADRON DE RECONNAISSANCE EN FONCTION DU PLAN DE REDISTRIBUTION DE L’ÉQUIPEMENT1 Le major Jeff Barr, CD PARTIE I — INTRODUCTION l y a deux ans déjà on introduisait le véhicule Coyote modèle VBL 25 Reco pour l’escadron de reco The Royal Canadian Dragoons (RCD). Certes, une lacune demeurait à combler, à savoir l’absence de doctrine tactique et de moyens de simulation d’entraînement avant la livraison de ce véhicule performant destiné à remplacer le Lynx, mais on s’est efforcé, avec succès, de régler ce problème au niveau de l’escadron et à d’autres niveaux de l’Armée de terre. On a longuement discuté et on a formulé des opinions, au cours des deux dernières années, au sujet des caractéristiques, des capacités et du déploiement du Coyote. Le rythme opérationnel des brigades (en raison des ROTO de l’OPÉRATION PALLADIUM et d’une participation imprévue en réponse à des urgences civiles) n’a pas laissé suffisamment de temps pour discuter de la doctrine, et élaborer celle-ci, de manière concertée et intégrale. Malgré tout, nous avons déjà réduit le nombre de véhicules des troupes de reco de sept à cinq, et les escadrons de reco opérationnels qui sont actuellement déployés en Bosnie, ainsi qu’en Macédoine et au Kosovo, préconisent cette configuration de troupe à cinq véhicules Coyote. Entre le 1er août et le 11 septembre 1998, la 2e Troupe s’est rendue au National Training Center (NTC) de l’Armée américaine à Fort Irwin, en Californie, pour participer à la rotation 98-10 du NTC comme élément de la BLUEFOR en appui à la 4 (US) Aviation Brigade Combat Team de Fort Hood, au Texas. Dans ce cas, à l’aide de simulateurs des effets d’armes (WES) et d’équipement de communication (radios MILES 2 et SINCGARS) d’avant-garde, une troupe de reco Coyote a été mise à l’essai pour la première fois à titre de ressource de la force régulière de brigade de la BLUEFOR. du Coyote dans un contexte de formation. On a bien sûr remarqué certains problèmes techniques quant aux données du Coyote pour JANUS (par exemple un arc de surveillance de 360 degrés au lieu de 180 degrés et des délais de montage et de démontage irréalistes, et irréalisables, de l’ensemble de surveillance), mais on a atteint les principaux objectifs d’entraînement tactique. Le FALLEX s’est déroulé dans la zone de manœuvre rurale (ZMR), entre Renfrew et Eganville. Le terrain était en bonne partie couvert, particulièrement si on le compare à celui de l’éval tac de Meaford et du NTC. Ainsi, l’escadron a délaissé les aspects de la surveillance propes au Coyote (ce qui est peut-être plus réaliste étant donné le terrain couvert qu’on retrouve dans la majeure partie du Canada et de l’Europe) pour se concentrer sur les opérations à partir du véhicule et les opérations débarquées. De plus, certains aspects de l’intégration du Coyote au plan ISTAR (renseignement, surveillance, acquisition d’objectif et reconnaissance) ont été examinés par l’état-major du G2, particulièrement dans les cas où les véhicules Coyote devaient assurer la surveillance depuis une position dominante2 , afin d’aider le plan de patrouille des forces amies durant les opérations de sécurité dans la zone arrière (SZAr). On doit procéder à un examen rapide des principales utilisations du Coyote auquel a participé l’escadron de reco RCD au cours des deux dernières années, afin d’établir le contexte du présent article et de déterminer l’expérience tactique de l’escadron, particulièrement lorsqu’il s’agit de discuter des leçons retenues. Durant les mois de septembre et octobre 1998, l’escadron a participé tout d’abord à un exercice de simulation JANUS, puis par la suite à l’exercice d’automne EX BLACK BEAR (FALLEX) du 2 e Groupe-brigade mécanisé du Canada (GBMC). Ces deux événements se sont déroulés à vive allure et ont permis de faire un essai réel Au cours de l’exercice PRUSSIAN GUARD qui a eu lieu en janvier 1999, un exercice de simulation utilisant le simulateur de comandement au combat (SCC), l’escadron a principalement joué un rôle sur les plans de la SZAr et des opérations antihéliportées et antiaéroportées. En se fondant sur nos recommandations antérieures, GÉNÉRALITÉS Le major Jeff Barr I 140 En septembre 1997, l’escadron a pris part, durant deux semaines, à l’évaluation tactique de Meaford (éval tac). Cet événement, qui était parrainé par le Bureau de projet-Véhicule blindé leger (VBL), comprenait également la participation de l’instructeur-chef et d’observateurs de l’École de l’Arme blindée. Même si on est venu à s’entendre sur bon nombre de points technologiques et sur des tactiques, techniques et procédures (TTP) au niveau de la patrouille, l’essai de l’emploi du Coyote dans le cadre des opérations d’un escadron de reco de brigade n’a tout simplement pas été possible. relativement à JANUS, l’état-major du Centre de formation de commandement et d’état-major interarmées (CFCEMI) a apporté de nombreuses corrections techniques aux données du Coyote et l’exercice correspondait davantage aux capacités réelles du véhicule. En janvier 1999, des membres de l’escadron de reco ont rédigé deux documents se rapportant à la reco. Le premier document, « La nécessité d’une troupe de reco légère de brigade », a été produit par l’adjudant Olsen, un adjudant de troupe de l’escadron. Il laissait entendre que le Coyote, même s’il excelle dans un rôle de surveillance, ne convient pas bien à un rôle furtif : l’escadron serait en meilleure position si on lui adjoignait au moins une troupe de reco légère (RL), afin d’assurer une furtivité et une surveillance plus efficaces et plus souples. Le second document, « Utilisation du Coyote VBL 25 et l’élaboration de la doctrine de reco canadienne », a été rédigé par les officiers de l’escadron. Le présent article s’inspire grandement de ce document. En avril 1999, le capitaine Cadieu du Lord Strathcona’s Horse (Royal Canadians) (LdSH[RC]) a écrit et distribué une étude militaire, « Solutions de rechange à la troupe de cinq véhicules Coyote dans l’escadron de reconnaissance de brigade ». Essentiellement, ce document décrit les problèmes associés au Plan de rationalisation de l’équipement (PRE) de la troupe à cinq véhicules Coyote. En outre, si on ne se procure pas d’autres Coyote ou si on ne procède pas à un approvisionnement d’envergure en matériel de reco, il préconise l’adjonction d’une patrouille de RL à chacune des troupes à cinq véhicules Coyote. Cette adjonction constituerait une solution rentable, car elle offre la souplesse souhaitée propre à une troupe de reco à sept véhicules, sans les dépenses associées. En ce qui concerne le LdSH(RC), il a utilisé le nouveau véhicule utilitaire léger à roues (VULR) à titre de véhicule de RL pour les exercices en campagne. Mentionnons qu’à ce moment un excellent échange d’idées a eu lieu, ainsi qu’une collaboration hors pair entre toutes les unités et l’École de l’Arme blindée. Sur le plan technique, le 12 e Régiment blindé du Canada (12e RBC) a eu l’idée d’un chargeur de batterie à faible débit pour le chargement des batteries de la tourelle du Coyote immédiatement avant le déploiement en campagne. Le LdSH(RC) a préconisé le recours au générateur 2 K (hors de contact avec l’ennemi) afin de tenter de prolonger la charge de la batterie pour l’ensemble de surveillance. Sur le plan tactique, les officiers qui commandent les escadrons de reco et la cellule de reco de l’École de l’Arme blindée ont échangé et vérifié des idées de façon constante. Cet aspect a été particulièrement apparent lors de l’apport de la touche finale au supplément du manuel du chef de troupe de reco. En outre, durant cette période, le rapport final de la Direction des besoins opérationnels sur la suite de jeux de guerre BRONZE PIKE a été produit. Ce rapport est important, car les deux principaux tests des jeux de guerre comprenaient une troupe à sept véhicules Coyote augmentée d’autres véhicules : la troupe CYCLOPS comportait sept Coyote et deux TOW sous blindage (TUA, utilisés dans un rôle de contre-reco), constituant ainsi une configuration à neuf véhicules; la troupe FUTURE comprenait sept Coyote, deux véhicules blindés de combat (VBC, utilisés dans un rôle de contre-reco) et quatre véhicules de RL (employés dans un rôle furtif), soit une configuration de troupe à 13 véhicules. L’extrait suivant, qui figure à la page 76 du rapport final, résume très bien le résultat de ces jeux de guerre : Même si les deux escadrons de reco CYCLOPS et FUTURE sont en mesure d’assurer un rôle de reco évolué, les performances de chacun d’eux constituent une question de gradation. Dans l’analyse globale, l’organisation FUTURE remporte la palme. Elle dispose d’une meilleure méthode systémique quant à la protection, la mobilité et la puissance de feu. Dans ces deux types d’organisation, le Coyote est l’élément de capacité commun qui répond très bien aux exigences de reco et de surveillance. Le VULR, dans l’organisation FUTURE, offre des fonctions évoluées grâce auxquelles l’escadron peut effectuer une reco plus complète et exécuter les nombreuses tâches utilitaires exigées de la reco au niveau de la formation. Cette capacité de reco furtive offre un troisième volet à l’escadron et rehausse les capacités de l’organisation. Le rapport admet par ailleurs « que bon nombre des questions examinées dans l’étude doivent être vérifiées en campagne » et « qu’un essai en campagne représente un stade essentiel à la vérification de l’examen global de la reco et de l’étude des simulations ». Enfin, étant donné qu’on avait un grand besoin de ces données de campagne, le commandant du 2 GBMC a demandé à l’escadron d’effectuer un exercice d’évaluation du PRE. Par conséquent, on a réalisé l’exercice COYOTE CUTLASS dans la ZMR Meaford et le secteur d’entraînement du Centre d’instruction de Secteur en mai 1999. Durant cet exercice, on a évalué de nombreuses combinaisons. Plus particulièrement, on a comparé la troupe à cinq véhicules Coyote à une troupe à sept véhicules, afin de déterminer l’agencement le plus efficace sur le plan de la surveillance-furtivité. On s’est servi du véhicule Iltis à titre de véhicule de RL pour cet exercice, car le VULR n’avait pas encore été livrés au 2 GBMC. Au total, 23 tracés offensifs et 15 trascés défensifs « contrôlés » ont été exécutés le jour, la nuit et en silence radio. Même si on ne disposait d’aucun simulateur d’effets d’armes, on a fait 141 reconnaissance en fonction du Plan de redistribution de l’équipement de l’escadron Abordons la question de plus près! Possibilités d’emploi Captain JohndeGrodzinski Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre appel à des observateurs de l’escadron, aux indications du système mondial de localisation (GPS) et aux résultats du récepteur d’alerte laser (RAL) pour la collecte de données, afin de s’assurer que les résultats de l’exercice étaient aussi scientifiques que possible. De plus, M. Fred Cameron, membre de l’état-major de la Direction - Concepts stratégiques (Opérations terrestres) et de la recherche opérationnelle et coauteur de BRONZE PIKE, a observé l’exercice pendant trois jours. B UT Cet article vise à évaluer, dans le cadre du PRE, l’organisation de l’escadron de reco de groupe-brigade et à préciser les options organisationnelles et d’utilisation qui conviennent le mieux aux escadrons de reco de groupe-brigade. PRINCIPALES HYPOTHÈSES Cet article se fonde sur les hypothèses suivantes : Le major Jeff Barr k Étant donné la justification économique du PRE, la nécessité d’équiper les escadrons de Coyote pour les OPÉRATION PALLADIUM et OPÉRATION KINETIC ainsi que la nécessité d’équiper les escadrons de cavalerie de Coyote jusqu’à ce que les VBC soient distribués, il est peu probable, à court terme, qu’un nombre suffisant de Coyote sera retourné pour permettre la refonte des troupes de reco dotées de sept véhicules Coyote. k La troupe d’assaut de l’escadron constitue une ressource inestimable et unique pour l’escadron (à preuve l’organisation de l’OPÉRATION KINETIC) et on ne l’abandonnera pas, et on ne l’utilisera pas non plus comme une ressource de RL. k Les ressources de contre-reco, representées par les TUA et de VBC des organisations de BRONZE PIKE, ne feront pas partie intégrante de 142 l’escadron pour le moment. Afin de réaliser cette mission ou ce volet de la reco blindée, on devra attribuer des chars, des ressources antiblindés ou des hélicoptères d’attaque (HA) à l’escadron. k Le véhicule Iltis ou le VULR ne sera pas nécessairement le véhicule de RL, si on envisage la possibilité d’avoir des véhicules de RL. On doit tenir compte de toutes les exigences en matière de véhicule de RL avant l’achat ou l’utilisation de ce véhicule. k Les résultats de l’utilisation du Coyote dans des opérations autres que la guerre (OAG) n’étaient pas disponibles au moment de la rédaction du présent article, mais les leçons retenues par les escadrons de reco actuellement déployés en vertu des OPÉRATION KINETIC et OPÉRATION PALLADIUM formeront les assises pour tout changement à la dotation en personnel, à l’équipement et à l’organisation des OAG. PARTIE II — SITUATION ACTUELLE CAPACITÉS TECHNIQUES DU COYOTE Afin d’offrir une capacité rentable pour les diverses exigences de collecte d’information propres à son Armée de terre, le Canada a acquis une position unique en mettant au point le véhicule de reco Coyote. Le Coyote constitue une amélioration considérable par rapport aux précédents véhicules de reco en ce qui concerne l’armement, la protection de l’équipage et la capacité de repérer et de définir l’ennemi. De plus, son ensemble de capteurs de pointe permet aux patrouilles d’optimiser la distance de sécurité entre elles et l’ennemi. Cette capacité nous a forcé à repenser la façon de recueillir l’information sur le combat sur le champ de bataille. Le cœur du Coyote est l’ensemble de capteurs électro-optiques (EO) de deux millions de dollars qui comprend un radar portatif de surveillance et d’acquisition d’objectifs (RPSAO), une caméra de jour possédant une puissance de grossissement de 20 et une caméra à infrarouge à balayage frontal (FLIR) (système d’imagerie thermique [IT] de troisième génération) comprenant un télémètre laser. Dans des conditions idéales, le RPSAO en position de visibilité directe est en mesure de suivre des objectifs mobiles jusqu’à une distance de 24 kilomètres : un opérateur qualifié peut alors identifier les signatures acoustiques afin d’aider à préciser exactement ce qui se produit à l’écran (par exemple si l’objectif est à roues ou à chenilles). La portée efficace de la caméra est de 5 à 8 kilomètres et elle peut enregistrer de l’information visuelle sur une bande vidéo 8 mm. L’ensemble de capteurs est offert en deux variantes : le système de surveillance à distance (RMSS) et le système de surveillance sur mât (MMSS). Le RMSS comporte deux trépieds qui servent à monter le RPSAO et la caméra, ainsi que des câbles à fibres optiques. Les trépieds peuvent être déployés jusqu’à 200 mètres de la console de commande montée à l’intérieur du véhicule, qui est appelée poste de commande de l’opérateur (PCO). Le MMSS demeure relié au véhicule lorsqu’il est déployé et il est élevé sur un mât pouvant atteindre 11 mètres au-dessus du sol. Chaque patrouille de reco disposant de deux Coyote se compose d’un MMSS et d’un RMSS, afin d’assurer au commandant de la patrouille une souplesse tactique et diverses possibilités pour le choix des positions. Le RPSAO offre une fonction de détection à longue portée : ainsi, les patrouilles disposent d’un délai et d’un espace critiques entre elles et le point de contact avec l’ennemi. Le radar est en mesure de suivre les objectifs dans différentes conditions météorologiques par un réglage de la polarité. De plus, il peut transmettre une grille de référence à 10 chiffres pour l’objectif qu’il suit. Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Tout l’équipement de surveillance est interchangeable entre les deux modèles de véhicule et il est souvent utilisé à titre de mesure de secours lorsque les systèmes tombent en panne ou lorsque l’alimentation électrique ne suffit plus. En outre, lorsqu’il est inutilisable, le FLIR du MMSS peut être remplacés par le dispositif d’observation nocturne longue portée (DONLP) du RMSS, qui est un système d’IT plus ancien (première génération). L’atout le plus apparent du Coyote, particulièrement par rapport à ses prédécesseurs, le Lynx et le Ferret, est le canon à chaîne de 25 mm. Ce canon est rapide, précis et d’une valeur inestimable en cas d’embuscade ou pour dégager des positions latérales, des couloirs et d’autres caractéristiques tactiques. Grâce à sa capacité de tirer des obus perforants à sabot détachable stabilisé par ailettes (APFSDS) et des munitions frangibles, le Coyote offre un excellent potentiel de défense, en cas d’urgence, contre des objectifs ennemis terrestres et aériens. Durant l’ex BLACK BEAR 1998, les équipages ont été en mesure de suivre avec succès des hélicoptères et des objectifs aériens rapides volant à basse altitude à l’aide du canon et de sa tourelle alimentée électriquement. éventail d’environnements hostiles, notamment les déserts et les zones contaminées qui peuvent exiger constamment l’exécution d’opérations avec écoutilles fermées. En outre, le compteur radiac intégré du Coyote ainsi que les systèmes de détection d’agents chimiques GID 2 offrent à la brigade des renseignements directs sur les zones contaminées à éviter ou à surveiller. En raison des fonctions évoluées de collecte d’information du Coyote, son ensemble de communication doit être amené au même niveau pour assurer un fonctionnement optimal. On prévoit que la venue du Système tactique de commandement, de contrôle et de communications (STCCC) et du système de connaissance de situations (SCS) permettra d’accroître grandement la capacité du commandant de l’escadron de reco de transmettre de l’information aux quartiers généraux des brigades. Par ailleurs, l’arrivée de ces systèmes rehaussera grandement la capacité de communiquer directement avec un officier observateur avancé (OOA) ou un contrôleur aérien avancé (CAA). On n’assistera plus à des situations où on retrouve le « caporal-chef le mieux informé sur le champ de bataille » qui n’est pas en mesure de transmettre les renseignements importants de manière rapide et efficace. LA DOCTRINE ACTUELLE DU CANADA EN MATIÈRE DE RECO BLINDÉE Le système de navigation tactique (NAVTAC) représente une autre ressource cruciale du Coyote. Ce système, conjointement avec le GPS, offre aux commandants toute l’information dont ils ont besoin pour planifier les itinéraires et naviguer dans l’obscurité, ou encore dans des conditions de visibilité réduite découlant du brouillard, de la fumée ou des effets produits sur le champ de bataille. De plus, le NAVTAC peut permettre de naviguer, avec le Coyote, dans un large Les tactiques de reco du champ de bataille moderne ont considérablement changé par rapport à celles du passé et les forces armées doivent maintenant faire appel à la technologie pour améliorer leurs méthodes de collecte du renseignement. Les satellites, le radar, l’imagerie thermique, les ordinateurs et les autres moyens technologiques de pointe pour la collecte et le regroupement de l’information aident le commandant à prendre des décisions au moment opportun durant le combat. Le Canada, avec la venue du Coyote, est désormais un chef de file de la collecte d’information dans le cadre du combat terrestre. Ainsi, la Forces terrestre et le Corps blindé travaillent à modifier la doctrine actuelle afin d’y adjoindre les ressources technologiques du véhicule. Si on n’utilise le Coyote que pour le rôle assuré auparavant par le Lynx, on limite son potentiel tactique. Malgré tous les capteurs de pointe, les éléments de reconnaissance sont tributaires de deux facteurs cruciaux : les communications et la souplesse. Si les renseignements sur l’ennemi et le terrain ne peuvent pas être transmis, ils ne peuvent pas aider le commandant. Une communication ininterrompue entre tous les niveaux de commandement en campagne est essentielle. Il en va de même pour la souplesse : si le commandant ne peut pas compter sur une puissance de combat et une soutenabilité, il ne sera pas en mesure d’influencer la bataille. À l’heure actuelle, les escadrons de reco se servent de la PFC 305(2) Reconnaissance blindée (qui en est à l’étape de la seconde ébauche) pour leur doctrine quant à l’utilisation du Coyote. Dans la PFC 305(2), on précise qu’en plus de la très utile et très souple troupe d’assaut, il y a un besoin absolu pour les escadrons de reco de brigade afin de disposer de ressources de surveillance, de ressources de reco rapprochées ou furtives ainsi que de ressources de contre-reco pour effectuer leurs tâches. Actuellement, le Coyote est utilisé pour effectuer les trois volets de ces missions dans toutes les phases de la guerre. Le Coyote a démontré qu’il pouvait s’avérer excellent pour les missions de surveillance et de sécurité, mais un problème demeure, soit le délai important qui est nécessaire, sur le champ de bataille, pour déballer, transporter (dans le cas d’un ensemble RMSS), assembler puis démonter l’ensemble de capteurs 143 reconnaissance en fonction du Plan de redistribution de l’équipement de l’escadron Abordons la question de plus près! Possibilités d’emploi Captain JohndeGrodzinski Utilisé en mode « de répartition des points d’impact » (FOS), le radar constitue un excellent outil pour l’ajustement du tir indirect sur un objectif, sans conjecture et à une vitesse maximale. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Le major Jeff Barr EO. Au départ, les équipes de l’escadron Coyote mettaient en moyenne 45 minutes pour l’installation, et 30 minutes pour le démontage, des modèles MMSS et RMSS. Toutefois, des équipages bien entraînés et chevronnés réussissent maintenant à obtenir des délais d’installation et de démontage des postes d’observation (PO), de 30 et 20 minutes respectivement, dans des conditions idéales. Nous espérons que les progrès technologiques à venir vont permettre de résoudre ce problème tactique. Dans l’intervalle, les commandants de tous les niveaux doivent tenir compte de cet aspect lorsqu’ils émettent des instructions de mouvement et être conscient que tout mouvement soudain ou imprévu de la part de l’ennemi risque d’avoir pour conséquence le contournement d’un PO de surveillance Coyote et même l’isolation de ce dernier. Néanmoins, étant donné les distances de sécurité des capteurs EO et le rythme de progression prévu de l’ennemi, plusieurs options s’offrent au commandant du PO. Selon le scénario tactique et les ordres reçus, il peut utiliser un ou plusieurs des quatre types de PO, y compris un PO débarqué ou « à terre », un PO sur véhicule faisant appel aux capteurs de la tourelle (un viseur de jour, IT et II [intensification d’image]), un MMSS et/ ou un RMSS. L’expérience a démontré qu’une distance de sécurité d’au moins cinq kilomètres est nécessaire pour assurer le temps de réaction requis à un déploiement efficace des ensembles de surveillance EO lors d’une opération d’écran. Sinon, on se sert de PO « à terre » et sur véhicule afin d’accroître la souplesse tactique de la patrouille. En ce qui concerne ses limites dans des missions rapprochées et furtives, le Coyote est de grande dimension, il présente une silhouette haute et la signature de son échappement est distinctive. Son moteur génère un bruit considérable, par rapport à une jeep ou un camion léger. Il est encore plus bruyant lorsque le frein-moteur Jacob, qui ne peut pas être désengagé 144 manuellement, s’active. Cette lacune a été abordée dans un Rapport de défectuosité technique (RDT), qui propose l’installation d’un commutateur qui permettrait de désactiver temporairement le frein-moteur Jacob. En raison de ces caractéristiques, le commandant éprouve beaucoup de difficulté à approcher un objectif ennemi avec ce véhicule et à demeurer dissimulé pour pouvoir transmettre de l’information. On doit donc utiliser un autre véhicule pour remplir ce rôle, qui permettrait un contact humain avec l’ennemi et le maintien de ce contact jusqu’à ce que les forces de deuxième échelon prennent le relais ou que l’ennemi soit détruit. Cet aspect a fait l’objet d’essais concluants au NTC et lors de la simulation JANUS; les troupes de reco déployaient constamment des « éclaireurs » ou des « personnes à pied » ou à bord de véhicules peu bruyants empruntés d’autres organismes. Pourvu qu’on dispose de temps suffisant durant la progression, l’équipage du Coyote effectuera des patrouilles à pied afin de recueillir de l’informations sur des points vitaux sans avoir à exposer leurs véhicules de grande valeur. Le déploiement de ressources organiques ou dédiées de reco rapprochée/furtive offrirait au commandant de la brigade et aux groupements tactiques de tête une vue des points tactiques cruciaux qui peuvent ne pas être accessibles aux capteurs électroniques : ainsi, le Coyote serait libre, pour continuer la progression et assurer une surveillance concurrente depuis une position dominante. Avec toute la technologie présente à bord et en raison de la grande valeur monétaire de ce véhicule, le Coyote présente de nouveaux risques, en matière de capacité et de valeur de remplacement, dont les hauts commandements doivent tenir compte. On hésite à exposer le Coyote si on ne croit pas pouvoir en retirer des informations pour satisfaire aux besoins prioritaires en renseignement. Cependant, on doit tout de même définir des obstacles et dégager des défilés, des couloirs, des virages sans visibilité, des positions latérales, etc., à l’aide d’autres moyens que les chars et/ou les transports de troupes blindés (TTB). Si les commandants ne souhaitent pas mettre en péril le Coyote pour recueillir l’information aux niveaux de la brigade et du groupement tactique, une brêche est créée dans l’écran de reco durant la progression. Les équipes de combat devront combler cette brêche à l’aide de VBC, amenuisant ainsi inévitablement la puissance de combat des éléments de tête avant l’engagement des positions défensives principales de l’ennemi. L’emploi de ressources de reco rapprochées/furtives spécialisées permettrait d’éviter ce scénario et de combler cette lacune. En ce qui a trait à l’exigence doctrinale de la contre-reco au sein de l’escadron de reco de brigade, cette mission (si elle est assignée) est actuellement exécutée par le Coyote ou les forces attachées. Même si le canon Bushmaster convient très bien à l’auto-défense dans un contexte d’intensité moyenne à élevée, il serait dangereux de présumer que le Coyote est en mesure de détruire toutes les ressources de reco de l’ennemi. La brigade devrait assigner une plate-forme d’arme plus lourde, comme un char, un TOW ou un HA, à l’escadron de reco pour pouvoir exécuter cette mission. La faiblesse doctrinale et technique la plus importante du système Coyote, à ce jour, est l’incapacité des quartiers généraux supérieurs de recevoir et de traiter les énormes quantités de renseignements détaillés que le Coyote est en mesure de collecter. Actuellement, le Canada et d’autres pays membres de l’OTAN sont aux prises avec le plan de collecte d’information ISTAR, dont ils souhaitent simplifier le processus. Ce processus de collecte d’information, avec l’adjonction de systèmes de vidéo numérique (le système actuel du Coyote est analogique) et de transmission vidéo en direct (actuellement, on doit livrer en personne les bandes 8 mm), améliorera le transfert de l’information. Ces questions de collecte sont devenues apparentes et dérangeantes au NTC, lorsque la 2e Troupe a tenté d’envoyer de l’information tactique au quartier général 4(US) Aviation Brigade Combat Team. Tout d’abord, le quartier général de la brigade n’avait pas confiance dans l’information transmise par les patrouilles Coyote. Toutefois, le quartier général s’est ravisé étant rapidement submergé d’information récente et précise venant de 2 Troop sur le réseau de commandement au sujtet d’une force d’opposition (FOROP) active et se déplaçant rapidement. versions avec RMSS et deux versions avec MMSS), une troupe d’assaut à cinq véhicules (qui utilisera un Grizzly/ Bison de façon provisoire jusqu’à ce que le modèle Pioneer VBL III soit distribué), une troupe d’admin et un poste de commandement d’escadron (PC esc). Précisons que les escadrons de reco des OPÉRATION PALLADIUM et KINETIC disposent de 17 véhicules Coyote, au lieu des 16 véhicules des groupes-brigades canadiens. Le Coyote supplémentaire est un véhicule « de rechange » qu’on utilise au PC esc pour le sergent des opérations qui fait office « d’ailier » pour l’équipe de tir du commandant de l’escadron. ORGANISATION ACTUELLE SELON LE PRE LEÇONS RETENUES À CE JOUR L’organisation de l’escadron de reco de brigade selon le PRE, est présentée à la figure 1. L’escadron comporte trois troupes de reco à cinq véhicules Coyote (une version pour le commandant, deux PARTIE III — RÉSUMÉ DES ÉVALUATION TACTIQUE DE MEAFORD On a principalement mis de l’ordre dans les instructions permanentes d’opération (IPO) et les TTP du niveau 1 Coyote cmdt 2 Bison PC 1 Bison OL Tp reco 5 véhicules Tp ast 5 véhicules 2 Grizzly/Bison 2 Coyote Figure 1 : Organisation de l’esc reco de bde - PRE Tp admin de la patrouille lors de l’éval tac, particulièrement en ce qui concerne les PO lors des opérations d’écran. En plus de déterminer le délai de « l’avis de mouvement » pour les PO qui utilisent tout le système de surveillance, la leçon la plus importante qu’on ait retenue à Meaford est sans doute le fait que les capteurs EO ne constituent pas le PO lui-même; ils sont plutôt une amélioration technologique au PO à pied. Une lacune importante de l’ensemble EO était et est encore, le manque de vision périphérique et de l’écoute dont jouissent les humains. De plus, le champ de vision restreint de la caméra provoque un effet de rétrécissement du champ visuel pour l’opérateur (particulièrement lorsqu’on surveille un grand arc) et les éléments ennemis peuvent passer à travers l’écran sans être détectés, si on n’utilise que les capteurs EO. Les capteurs ont sans nul doute été excellents pour le repérage de la plupart des contacts ennemis à de grandes distances, mais le PO à pied détectait le bruit et le mouvement de contacts ennemis imprévus, comme les hélicoptères, les forces aériennes rapides et les forces terrestres inopinées, particulièrement dans un terrain couvert. Une fois les éléments détectés, on se servait des capteurs EO pour examiner plus en détail les contacts. On a constaté que cette combinaison de PO à pied et de capteurs EO était la plus efficace, car les deux composants se complètent à merveille. Une patrouille de huit personnes et de deux véhicules Coyote répartit normalement les tâches distinctes de PO, comme suit : un soldat au PCO surveille l’information recueillie par les capteurs EO (une période de veille d’une heure s’est avérée le plus efficace et durable); un soldat en veille radio; un soldat en patrouille assurant la sécurité locale du PO; deux soldats (le jour) et trois (la nuit) à un PO/PE (poste d’écoute) « à terre » ordinaire3 ; et deux ou trois soldats effectuant la maintenance et au repos. Cette affectation de personnel permet un 145 reconnaissance en fonction du Plan de redistribution de l’équipement de l’escadron Abordons la question de plus près! Possibilités d’emploi Captain JohndeGrodzinski Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre déploiement optimal « des oreilles, des yeux et des capteurs » à la recherche de l’ennemi. En fait, les exercices en campagne ont démontré que plus de la moitié des objectifs ennemis sont d’abord repérés par le PO humain, puis ils sont interrogés efficacement par les capteurs EO. Cette répartition du personnel du PO s’est avérée durable pendant des périodes relativement longues. Certes, la durée habituelle de 48 à 72 heures des PO est réalisable sans une baisse importante de l’efficacité de l’écran du PO. Pour les périodes de plus de 72 heures, toutefois, le réapprovisionnement pose problème en raison de l’espace restreint dont on dispose pour remiser les rations, l’eau et l’équipement à bord du Coyote, qui offre des capacités de stockage limitées, car le matériel de surveillance qui s’y trouve occupe beaucoup d’espace. ROTATION 98-10 DU NTC Le major Jeff Barr À l’instar de toutes les rotations du NTC, une période préparatoire initiale a été nécessaire, ainsi qu’un apprentissage ardu, pour que l’équipe de combat soit efficace. La stipulation d’envoyer une troupe comportant au moins sept véhicules s’est avérée inestimable, car cette configuration constituait une ressource efficace de collecte d’information et de choix d’objectifs, qui causait une usure importante des effectifs ennemis par le recours au mode FOS durant les demandes de tir. Précisons que les équipages de la 2 e Troupe ont reçu la prestigieuse mention « Hero of the Battle » à trois occasions différentes. Les principales leçons retenues durant cet exercice exceptionnel de simulation des effets d’armes sont précisées ci-dessous : k En raison du terrain et de l’allure rapide des opérations offensives et défensives, la troupe devait constamment disposer d’une patrouille en profondeur pour couvrir le mouvement de l’ennemi, communiquer les contacts ou être en 146 position d’offrir un appui réciproque à un PO avancé. Cette exigence n’aurait pas pu être satisfaite correctement à l’aide d’une troupe à cinq véhicules. De plus, en raison de la nature du terrain et des systèmes de surveillance, la troupe devait souvent exécuter des tâches qui dépassaient la capacité du nombre de véhicules dont elle disposait. Avec moins de sept véhicules, la troupe était moins efficace et moins en mesure d’effectuer la mission qui lui avait été confiée. k En raison de la vitesse de la progression de la FOROP et du délai nécessaire au démontage des systèmes de surveillance, les PO devaient souvent demeurer fixes et permettre à la FOROP de les contourner. k À deux reprises, les participants à l’exercice se sont concentrés sur l’installation de leurs ensembles de capteurs EO, aux dépens de la sécurité locale : ils ont donc été entourés et détruits. À la suite de ces revers, la sécurité locale est rapidement devenue une priorité. Sauf cet aspect, la séquence de l’occupation d’un PO telle que réalisée lors de l’éval tac a été confirmée. k Le véhicule du chef de la troupe, se déplaçant seul, exposait souvent le chef de la troupe alors qu’il tentait de visiter ses PO ou de couvrir les ouvertures. Ce dernier était ainsi abattu pratiquement chaque fois qu’il se déplaçait. S’il avait été accompagné d’un autre véhicule pouvant le protéger par le tir, il aurait pu se déplacer avec une plus grande sécurité. k Le RAPSO en mode FOS, utilisé dans des conditions désertiques idéales s’est avéré extrêmement efficace et il a causé des pertes très importantes à la FOROP durant toutes les opérations. Le bien-fondé du mode FOS a été confirmé durant la phase de tir réel, au cours de laquelle les équipages des Coyote ont été en mesure d’effectuer des frappes sur les missions d’artillerie dès la deuxième volée tirée par ces dernières. k Une fois que les capacités du Coyote ont été reconnues par la FOROP, il est devenu un objectif de grande importance (OGI). Malgré cet aspect, le 4(US) Aviation Brigade Combat Team n’a alloué aucune ressource à la protection des véhicules Coyote. Cette erreur a rendu les opérations difficiles pour les patrouilles de Coyote, qui étaient particulièrement vulnérables une fois que leurs systèmes de surveillance étaient déployés. Leur vulnérabilité a été accrue par le fait que la FOROP, qui les avaient désignés à titre d’OGI, consacraient des ressources uniquement à l’élimination des patrouilles Coyote. k On ne disposait pas de moyens pour la transmission des données de surveillance vidéo en temps réel au QG 4(US) Aviation Brigade Combat Team. En raison de cette lacune technique, le G2 ne recevait pas l’information cruciale et ne pouvait donc pas évaluer correctement la situation de l’ennemi. Les magnétoscopes du Coyote doivent être convertis du format analogique au format numérique et les véhicules Coyote doivent comporter un équipement de communication adéquat pour pouvoir effectuer une transmission en temps réel aux quartiers généraux supérieurs. EXERCICES UTILISANT LES JANUS ET BCT SIMULATEURS Durant l’ex utilisant JANUS, les principales leçons retenues avaient trait au fait qu’un agencement Coyote-TUAartillerie-HA-appui aérien rapproché constitue une méthode efficace lorsqu’on l’emploie dans un rôle de garde/ou pour des manoeuvres retardatrices. Essentiellement, assumant qu’il existe un visibilité directe suffisante, les véhicules Coyote pouvaient identifier les objectifs ennemis ainsi que les engager avec l’artillerie ou le TUA. Le TUA offrait également une protection efficace pour les véhicules Coyote déployés dans les PO. Encore une fois, tout mouvement non nécessaire sur le champ de bataille s’est avéré coûteux. Les PO Coyote étaient contournés par l’ennemi en raison de leur vitesse de progression et du délai nécessaire au démontage des systèmes de surveillance. Lors de la simulation BCT, les véhicules Coyote ont été très efficaces pour la SZAr et en matière d’opérations antihéliportées, lorsqu’ils étaient appuyés par des ressources de défense antiaérienne (DAA). La troupe d’assaut, montée dans le VBL III et dotée de Milan, a fait office de force à réaction rapide (FRR) extrêmement efficace pouvant réagir aux détections d’ennemis fournies par les PO Coyote. EX BLACK BEAR, EXERCICE 2 GBMC D’AUTOMNE DU La portée et l’envergure des tâches de l’escadron de reco effectuées dans le cadre de cet exercice ont renforcé l’exigence de la mise en place d’une troupe de reco à sept véhicules. Le terrain de la ZMR et du secteur d’entraînement de Petawawa était couvert et plat, et l’utilisation des capteurs EO du Coyote n’était pas toujours possible. Essentiellement, l’escadron Coyote à 21 véhicules couvrait la même largeur de front de la brigade que l’escadron Lynx à 21 véhicules couvrait auparavant. La seule différence avait trait au fait que le viseur et l’IT de la tourelle du Coyote sont plus efficaces lorsqu’il s’agit d’avoir recours à un PO sur véhicule. De plus, lorsque l’escadron devait effectuer le contrôle de la circulation en vue du franchissement de ponts et par bac par la brigade, les 21 véhicules Coyote et la troupe d’assaut devaient occuper des postes de contrôle de la circulation (PCC) à un véhicule : dans certains cas, cette méthode ne serait pas possible avec l’organisation PRE actuelle. Étant donné la grande valeur du Coyote et de son ensemble de capteurs EO, on doit envisager la possibilité de réattribuer la tâche de contrôle de la circulation à l’escadron de VTAD/cavalerie du régiment blindé. On a retenu une autre leçon importante lors du FALLEX : l’escadron de reco doit disposer de ressources d’artillerie réservées à ses propres besoins et d’OOA afin de coordonner les demandes de tir. Durant les batailles d’écran et de désengagement, de nombreuses occasions d’usure des effectifs ennemis à l’aide de l’artillerie et de l’appui aérien rapproché (AAR) se sont présentées. Les OOA empruntés de la force de contre-mouvement ont assuré la majeure partie du soutien requis, mais ce partage des ressources s’est avéré fastidieux lorsque les OOA devaient se retirer pour effectuer la planification de l’artillerie en vue de la bataille défensive principale. Par ailleurs, l’escadron manquait désespérément de CAA pour coordonner l’AAR. L’OPÉRATION KINETIC se profilant à l’horizon, on doit s’efforcer à tout prix d’offrir davantage de cours de CAA. Au moins un membre de chaque troupe doit avoir la qualification de CAA et, idéalement, tous les commandants de patrouille devraient être qualifiés à ce chapitre. EXERCICE COYOTE CUTLASS Cet exercice a offert la première occasion véritable de faire l’essai de l’escadron dans le cadre d’une progression, à titre d’escadron de reco de brigade. La ZMR de Meaford s’est avérée un excellent ensemble de terrain découvert et couvert, où on pouvait réaliser des prises de caméra et radar de 8 à 12 kilomètres de façon régulière. Durant l’exercice, on a fait l’essai des configurations de troupe suivantes : une troupe à cinq véhicules Coyote, une troupe à sept véhicules Coyote, une troupe à cinq véhicules Coyote avec une patrouille de RL, une troupe de RL à cinq véhicules avec une patrouille Coyote, une troupe à trois véhicules Coyote et trois véhicules de RL avec chef de troupe, une troupe à cinq véhicules Coyote avec une troupe de RL, une troupe à sept véhicules Coyote avec une troupe de RL et deux troupes à sept véhicules Coyote avec une troupe de RL. OPÉRATIONS OFFENSIVES On a fait l’essai de deux aspects de la progression durant l’exercice. Tout d’abord, les tâches traditionnelles de reco d’itinéraires, de zones et de points ont fait l’objet d’essais à l’aide de différentes configurations de troupe, dans le but d’évaluer les taux de progression, la sécurité, la protection, la souplesse, le soutien et l’efficacité globale de l’organisation. Deux questions de doctrine importantes ont surgi suite à la réalisation de ces essais : celle de l’appui réciproque (par un tir ou par l’observation) pour les véhicules Coyote qui avancent et la détermination de l’élément (les véhicules Coyote ou de RL) qui doit mener la progression. Les résultats de l’exercice ont confirmé que lorsqu’on effectue des tactiques de reco, une bonne vitesse et une certaine acceptation des risques sont nécessaires. En général, un appui réciproque par le recours au tir n’est pas réalisable, à moins qu’on dispose de temps suffisant (l’appui réciproque par le tir a demandé environ 40 pour 100 plus de temps que par l’observation) ou que le contact avec l’ennemi soit imminent. Sinon, on doit avoir recours à l’appui réciproque par l’observation 147 reconnaissance en fonction du Plan de redistribution de l’équipement de l’escadron Abordons la question de plus près! Possibilités d’emploi Captain JohndeGrodzinski Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Le major Jeff Barr lorsque le temps d’exécution est un point crucial de la mission; on ne doit faire appel à l’appui réciproque par le tir que si le contact avec l’ennemi a eu lieu ou est sur le point de se produire. Les essais ont permis de cerner trois problèmes se rapportant à l’appui réciproque par le tir. Tout d’abord, dans un contexte de reco d’intensité moyenne à élevée, le canon de 25 mm ne constitue pas une arme offensive. Il s’agit plutôt d’une ressource de dernier recours dont la patrouille peut se servir pour s’extirper d’une situation (par exemple une embuscade). C’est une arme précise qui peut vaincre la plupart des menaces venant d’éléments blindés légers et aéroportés. Toutefois, il consomme un grand nombre de munitions et il ne peut pas vaincre un blindage lourd. Un danger réel prévaut si on applique les tactiques de char au Coyote, simplement parce qu’il comporte une tourelle : en procédant ainsi, on a donné à certains équipages un faux sentiment de sécurité, car ils estimaient qu’ils pouvaient combattre avec le canon de 25 mm afin de recueillir de l’information. Le deuxième problème avait trait au délai additionnel imposé à la patrouille de reco qui devait progresser sur un terrain découvert si elle était limitée à se déplacer par bonds à l’intérieur de la portée du tir direct, soit 1 500 à 2 000 mètres. Même s’il n’est pas critique, le troisième problème découlait du fait que les viseurs de l’arme sont situés sur le dessus de la tourelle et ne sont pas configurés de façon à faciliter une position de coque dissimulée (le VBL III présentera également ce problème lorsqu’il sera déployé en campagne). Les IPO actuelles de l’escadron précisent que le conducteur, qui est situé à peu près sur le même plan que le canon, doit estimer le moment où le Coyote est passé en position de coque dissimulée. En ce qui concerne la question de savoir quel élément doit mener la progression, l’exercice a démontré que les véhicules Coyote conviennent 148 généralement mieux pour cette fonction sur un terrain découvert, tandis que les véhicules de RL étaient mieux en mesure de mener la progression sur un terrain couvert. De plus, les véhicules Coyote assuraient en général la sécurité du drill d’arrêt forcé, tandis que la RL réalisait le drill comme tel, sur véhicule ou à pied, selon les exigences quant au temps et aux ordres. À la fin du drill, les Coyote reprenaient habituellement la progression, selon le terrain. On a constaté que ces tactiques, lorsqu’on les applique à la progression d’une troupe mixte, sont les meilleures quant à la protection globale, la furtivité et le taux de la progression. Le second aspect de la progression qui a été soumis à des essais lors de l’ex COYOTE CUTLASS est la notion tactique de « la surveillance depuis des positions dominantes en se déplaçant par bonds ». Il s’agit de la tactique de patrouilles qui progressent par dépassement en positions de surveillance dominante, afin d’appuyer les forces amies qui progressent. Les positions des Coyote de tête étaient à égalité avec, mais pas devant, les éléments de tête qui progressaient. Les résultats de l’exercice ont permis d’établir que le secret d’une surveillance réussie depuis des positions dominantes en se déplaçant par bonds, ou même valable, est la capacité de la troupe Coyote de suivre le taux de la progression des troupes qui sont appuyées. Dans le cas d’une troupe à sept véhicules, on pouvait suivre le taux de progression tout en utilisant les ensembles de capteurs EO avec trois groupes de manœuvre de patrouille progressant par dépassement comme suit : la patrouille de tête assure la surveillance, une patrouille procède à un démontage et l’autre patrouille se déplace au prochain endroit de surveillance depuis une position dominante. Durant l’exercice, lorsqu’on faisait appel à ce système à l’aide d’une troupe à cinq véhicules, on a constaté que les Coyote ne pouvaient pas maintenir le taux de la progression et de grandes ouvertures sont apparues dans la couverture de la surveillance. La vitesse était un aspect primordial pour la surveillance depuis des positions dominantes en se déplaçant par bonds; ainsi, on a pris différents raccourcis mais les principes élémentaires de sécurité ont été respectés. Le MMSS s’est avéré le plus rapide et le plus facile à installer dans la plupart des cas. Comme pour le PO, le commandant de la patrouille de Coyote pouvait choisir parmi diverses options pour la mise en place de sa position dominante. Ainsi, selon la visibilité directe et le temps disponible pour l’installation, il pouvait établir une position sur véhicule (dont l’installation ne demandait aucun délai additionnel), une position avec caméra seulement (installation en 20 minutes, démontage en 10 minutes) ou une position complète avec capteurs EO (installation en 30 minutes et démontage en 20 minutes) 4 . Les IPO de l’escadron pour l’établissement d’une position de surveillance dominante sont les suivantes : k La position est dégagée par le véhicule subalterne ou par une patrouille de RL, si celle-ci est disponible, avant l’arrivée du véhicule supérieur (MMSS). k Le véhicule supérieur fournit un soldat à pied, à titre de sécurité locale. k Le véhicule subalterne établit une position de tir sur véhicule, à environ 200 à 400 mètres de la position de surveillance principale, avec un arc de canon couvrant directement le devant du véhicule supérieur et les approches probables de l’ennemi. Le véhicule subalterne fournit un guetteur aérien. k Le véhicule supérieur installe les capteurs EO requis et envoie rapidement un compte rendu de la situation (SITREP) de surveillance afin d’aviser les troupes qui progressent et son chef de troupe Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Le SITREP de surveillance posait problème à lui seul. En effet, on devait mettre au point une méthode radio simple pour le commandant de la patrouille d’indiquer la couverture de sa zone de surveillance de manière claire, concise et simple. En bout de ligne, le meilleur système dont on a fait l’essai comportait un ensemble d’objectifs de surveillance (OS), qu’on avait planifiés au préalable durant la procédure de combat en réalisant une série de contrôles de visibilité réciproque pour tout le tracé. Dans le SITREP de surveillance final, le commandant de la patrouille indiquait simplement son arc et il ne précisait que les OS qu’il n’avait pas pu observer. À partir de cette information, le chef de la troupe ajustait les arcs des autres patrouilles, ou les siens, afin de couvrir les OS nécessaires. Une recommandation importante a découlé de la planification des OS, à savoir la nécessité d’un logiciel d’analyse du terrain, afin d’accélérer et de faciliter la pré-planification des OS. Ce logiciel est offert pour des feuilles topographiques particulières. L’escadron de reco RCD souhaite avoir l’autorisation d’acheter ce logiciel pour les principaux secteurs d’entraînement et les zones opérationnelles, dans le cadre d’un déploiement. La surveillance depuis des positions dominantes en se déplaçant par bonds, avec un seul véhicule, ont été utilisées durant l’exercice, suite aux pertes de véhicule au sein des troupes. Cette méthode s’est avérée viable à court terme. Toutefois, on a compromis grandement la sécurité et la fatigue de l’équipage a posé un problème. OPÉRATIONS DÉFENSIVES Aucune nouvelle doctrine tactique n’a été ajoutée en ce qui concerne les écrans et les désengagements de PO Coyote. Cependant, dans le cas de l’essai de troupes mixtes, on s’est servi de patrouilles de RL à l’extrémité avant de la zone de couverture EO du Coyote afin de couvrir les ouvertures, d’identifier et d’interroger les objectifs ennemis soupçonnés (détection par RPSAO) et d’établir un piquet auprès de l’ennemi, au besoin. Cette tactique se fondait sur l’expérience du LdSH(RC). Elle a été couronnée de succès lors de l’ex COYOTE CUTLASS : les patrouilles de RL ont alors été en mesure de se déplacer rapidement et silencieusement sur le champ de bataille. En effet, cette méthode a été tellement efficace et souple, que la patrouille du PO Coyote et la patrouille de RL sur véhicule/à pied se sont imposées comme les groupes tactiques préférés durant les opérations d’écran. Pendant les opérations de désengagement, en raison de leur puissance de feu, les Coyote étaient le choix idéal pour réaliser l’effort principal. La patrouille de RL s’est effectivement avérée très utile pour couvrir les ouvertures, pour dégager les positions de désengagement subséquentes, pour assurer la sécurité des flancs et pour exécuter les tâches de liaison. TROUPE DE RECO À CINQ VÉHICULES COMPARÉE À UNE TROUPE À SEPT VÉHICULES Durant tout l’exercice, on s’est aperçu que la troupe à cinq véhicules Coyote comportait des lacunes importantes et nuisait considérablement à la capacité et à la souplesse de la troupe dans toutes les phases de la guerre qui ont été testées. Pour la progression, la configuration à sept véhicules était en mesure de livrer la ligne de départ de la troupe, de dégager deux axes en prévoyant une patrouille en profondeur (qui était prête à aider aux drills d’arrêt forcé), d’établir des piquets aux contacts de l’ennemi et d’assurer la liaison ou offrir son concours pour l’exfiltration. Le retrait d’une patrouille de la troupe anéantissait cette souplesse et forçait souvent la troupe à progresser sur un seul axe, selon le terrain. Dans les cas où un seul itinéraire avait été reconnu, l’aptitude à explorer les possibilités de contournement était considérablement réduite, tant sur le plan du temps que de la capacité. Le maintien en puissance de la puissance de combat est également devenu un problème important, avec les pertes en véhicules. Lorsque la surveillance depuis des positions dominantes en se déplaçant par bonds était réalisée, la troupe à cinq véhicules s’est avérée inefficace, car le taux de la progression lorsque les capteurs EO étaient utilisés, était de 2 à 4 kilomètres à l’heure et de nombreuses ouvertures apparaisaient dans la couverture de surveillance. En ce qui concerne la troupe à sept véhicules, la surveillance depuis des positions dominantes en se déplaçant par bonds a posé des problèmes à l’occasion, selon le terrain. On a cependant fait preuve d’un taux de progression de 8 à 12 kilomètres à l’heure. L’écran du PO, en défense, a également subi des répercussions importantes. En terrain couvert, la patrouille de Coyote ne couvrait pas plus de terrain que le Lynx était en mesure de couvrir par le passé. La perte d’une patrouille d’un écran de troupe a réduit l’étendue du front d’un tiers et a annulé l’établissement d’une patrouille en profondeur. De plus, la souplesse a été considérablement amenuisée lorsqu’on a procédé à l’établissement d’un piquet. De nouveau, le maintien en puissance a posé un problème de taille lorsque la perte même d’un seul véhicule avait lieu. Durant le désengagement, la configuration à sept véhicules a permis un appui réciproque accru assuré par les patrouilles en profondeur. En outre, les trois patrouilles de manœuvre qui se désengageaient en même temps ont permis d’utiliser des itinéraires auxiliaires et d’exécuter avec efficacité les tâches 149 reconnaissance en fonction du Plan de redistribution de l’équipement de l’escadron Abordons la question de plus près! Possibilités d’emploi Captain JohndeGrodzinski des ouvertures observées dans la couverture de la surveillance. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre de piquet et de liaison, au plus fort de la bataille. Outre le terrain restreint qui a été couvert en raison du recours à une troupe à cinq véhicules, la portée des communications était également restreinte. On a confirmé, lors de cet exercice ainsi que d’exercices précédents, que le PC esc était largement tributaire d’un système de messages transmis par l’intermédiaire de diverses patrouilles et des chefs de troupe pour se faire une image exacte de l’ennemi. La réduction de la taille des troupes entraînait une diminution de la portée des communications radio et de la capacité de transmission, amenuisant ainsi grandement l’étendue du contrôle nécessaire pour permettre un commandement efficace. Nous recommandons fortement que toutes les troupes de brigade affectées à la reco rapprochée et à la surveillance soient dotées de sept véhicules. On favoriserait ainsi le maintien d’une souplesse tactique au sein de la troupe lors de manœuvre près de l’ennemi. De plus, cette configuration offrirait la profondeur et l’étendue de front nécessaires à un écran de PO efficace. Le major Jeff Barr UTILISATION DE LA RECO LÉGÈRE Durant tout l’ex COYOTE CUTLASS, les ressources de RL ont été très polyvalentes et d’une grande valeur pour l’exécution de la mission de la troupe et de l’escadron. La valeur du véhicule de RL, en terme de caractéristiques du véhicule étaient les suivantes : il est très peu bruyant, si on le compare au Coyote; il se fait peu remarquer et il est difficile à détecter; étant donné qu’il peut démarrer, arrêter et tourner de façon abrupte, il permet de réaliser rapidement des drills de reco; il représente une capacité débarquée facile à employer; il se dissimule facilement; grâce à sa grande mobilité, il peut emprunter des pistes, des voies et des chemins étroits. En raison de toutes ces caractéristiques, les patrouilles de 150 RL convenaient parfaitement à l’exécution des drills de reco, des piquets, des transferts et des tâches de liaison lors des opérations offensives. Lorsqu’on adjoignait une ou des patrouilles de RL à une troupe de Coyote, le taux de la progression était considérablement augmentée grâce à la vitesse et aux caractéristiques de furtivité du véhicule. En outre, par le recours à des patrouilles de RL, on augmentait le degré de la recherche de la zone visée par la reco. Cet aspect était particulièrement apparent dans un terrain couvert : les patrouilles couvraient alors un terrain plus grand et plus en détail que les Coyote. En effet, dans le cas de grandes zones de reco, ou d’une suite de points de reco dans un terrain couvert, toute la troupe de RL était affectée à la réalisation de la mission. Dans l’opération d’écran, les patrouilles de RL faisaient office de mini-écran efficace devant l’écran principal des Coyote. Ces patrouilles étaient en mesure de définir l’ennemi, ses axes de progression, d’assurer les piquets et les transferts, au besoin, et en général de donner des avertissements et d’assurer la sécurité pour les PO EO Coyote, afin de leur accorder le temps nécessaire au démontage de leur PO au besoin. Dans un cas extrême où l’ennemi a réussi à couper et à entourer une patrouille, il était plus facile de s’échapper par l’arrière jusqu’aux lignes amies dans un véhicule de RL qu’avec un Coyote. En effet, la troupe de RL donne à la brigade l’option de l’utiliser comme patrouilles dépassées ou d’effectuer des opérations « derrière les lignes », ce qui n’est pas réalisable à l’aide d’un Coyote. Afin d’éviter de tirer des conclusions hâtives selon lesquelles la patrouille de RL est la « solution à tous les problèmes », nous devons mentionner les trois limites principales du véhicule de RL. Tout d’abord, il ne dispose d’aucune puissance de feu réelle. Souvent, durant l’exercice, les patrouilles de RL ont surpris des éléments de la FOROP mais elles ont constaté qu’elles étaient impuissantes, particulièrement si ces éléments bloquaient une route cruciale. En revanche, lorsqu’elles étaient surprises par l’ennemi, elles n’avaient aucun recours sauf de couper le contact avec l’ennemi. La deuxième limite du véhicule de RL est l’insuffisance de la protection. Ainsi, une fois que le véhicule est détecté, l’ennemi peut l’engager et le vaincre à l’aide d’armes légères, de mitrailleuses, d’armes antiblindés légères et de l’artillerie. La troisième limite a trait au fait que le véhicule de RL n’est muni que de dispositifs optiques limités (par exemple des jumelles) et d’aucun équipement de vision nocturne, sauf les lunettes de vision nocturne qui offrent une distance efficace limitée, soit 100 à 300 mètres selon la lumière ambiante. Les patrouilles de RL sont certes efficaces en matière de détection sonore, mais lorsqu’on les utilise la nuit, leur efficacité est considérablement réduite par l’absence d’équipement de vision nocturne pour l’observation et la conduite. Selon les résultats de l’ex COYOTE CUTLASS, on a formulé les principales recommandations suivantes pour le véhicule de RL : k Le véhicule doit disposer d’une certaine protection contre les armes légères et les éclats d’artillerie. k Il doit être doté d’une mitrailleuse lourde et d’une capacité antiblindés (par exemple Eryx) afin que sa protection soit assurée. k Le véhicule doit être muni d’un télescope d’observation à grande puissance et d’une capacité d’IT, afin de faciliter l’observation et l’identification de l’ennemi. Outre l’IT, l’équipage du véhicule de RL doit pouvoir compter sur un dispositif de vision et de conduite nocturnes. k La forme du véhicule doit être semblable à celle d’un petit camion et la partie arrière doit être ouverte Vol. 2, no. 4, hiver 1999 en partie afin de faciliter la montée à bord et la descente, pour le personnel et l’équipement, en vue de la réalisation des drills de reco. Son équipage doit comporter au moins quatre personnes afin qu’on puisse réaliser rapidement les drills et d’être capable de servir comme un PO à pied ou dépassé, à véhicule unique, pendant une période prolongée. 1 Coyote cmdt 2 Bison PC k Le dernier aspect du véhicule de RL qu’on a vérifié lors de l’exercice est celui de la patrouille à véhicules mixtes Coyote et de RL. On a constaté qu’il s’agit d’une configuration de patrouille non souhaitable mais viable pour une courte période. Certes, cette configuration présentait des avantages sur le plan de la souplesse, mais on a remarqué les problèmes suivants : k Le carburant, les pièces de rechange et la récupération étaient incompatibles. k Comme il n’y avait qu’un seul Coyote par patrouille, les pièces de surveillance du Coyote ne pouvaient pas être interchangées lorsque des pannes survenaient. De plus, les ensembles EO d’un Coyote ne pouvaient pas être branchés à un autre Coyote lorsque les batteries étaient presque à plat. On devait donc faire tourner souvent le moteur du Coyote afin de charger les batteries de la tourelle. k Pour le PO à un seul véhicule Coyote, l’équipage a rapidement ressenti de la fatigue, particulièrement lorsque le véhicule de RL devait quitter le PO pour définir les objectifs ennemis ou établir un piquet autour d’eux. PARTIE IV — OPTIONS D’après les éléments énoncés plus haut, on a élaboré quatre options pour l’organisation de l’escadron de reco du groupe-brigade PRE. Tp reco 5 véhicules Tp ast 5 véhicules Tp admin 2 Grizzly/Bison 2 Coyote Figure 2 : Statu quo-Escadron PRE PREMIÈRE OPTION, STATU QUOESCADRON PRE Avantages. Dans le cas d’une troupe à cinq véhicules Coyote, les problèmes administratifs, de commandement et de contrôle sont moindres et aucun changement n’est requis à l’équipement, aux véhicules ou au personnel de l’escadron. L’entraînement de la troupe de reco est normalisé. Inconvénients. Les inconvénients ont trait au fait que la troupe n’a aucune profondeur, qu’elle est en général limitée à un axe, qu’elle dispose d’un PO et d’une couverture de surveillance réduite, qu’elle est trop lente pour effectuer une progression par dépassement EO avec seulement deux patrouilles de manœuvre, qu’elle est moins souple pour l’établissement d’un piquet, le transfert, la liaison et les tâches utilitaires, qu’elle dispose d’une soutenabilité de combat insuffisante une fois que des pertes ont été subies et qu’elle ne comporte qu’un seul Coyote au PC esc, aucun ailier n’étant à la disposition du commandant de l’escadron. DEUXIÈME OPTION, STATU QUOPRE MODIFIÉ Avantages. Les troupes de reco disposent de la souplesse assurée par une troisième patrouille pour exécuter leurs tâches. Aucun changement à l’équipement, aux véhicules ou au personnel n’est requis. Le PC esc peut compter sur une équipe de tir à deux véhicules Coyote. Inconvénients. L’escadron n’a que deux troupes de manœuvre de reco à sa disposition. Les secteurs des troupes 151 reconnaissance en fonction du Plan de redistribution de l’équipement de l’escadron Abordons la question de plus près! Possibilités d’emploi Captain JohndeGrodzinski 1 Bison OL Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre seront plus grands, ce qui ne manque pas d’entraîner des problèmes de commandement, de contrôle et de communication. 2 Coyote cmdt/ sgt op 2 Bison PC 1 Bison OL TROISIÈME OPTION, STATU QUO AVEC ADJONCTION D’UNE PATROUILLE DE RECO LÉGÈRE À CHAQUE TROUPE DE RECO Avantages. Les troupes de reco disposent maintenant de la souplesse propre aux troupes à sept véhicules, en plus d’une capacité de furtivité offerte par la patrouille de RL. Inconvénients. En raison de l’aspect mixte de la troupe de reco, on devra enseigner deux ensembles de compétences différentes pour l’entraînement des troupes. De plus, la maintenance et la logistique de la troupe (carburant, pièces et récupération) poseront certes problème, en campagne comme en garnison, en raison des différences quant aux pièces et au carburant. Pour le véhicule de RL, les FC devraient utiliser un véhicule existant ou se procurer un nouveau véhicule conforme aux spécifications requises. Six véhicules supplémentaires, de l’équipement auxiliaire et 24 personnes (six équipages de RL de quatre personnes) sont requis pour les trois patrouilles de RL. Le commandant de l’escadron dispose d’un seul Coyote et n’a aucun « ailier » au PC esc. Le major Jeff Barr QUATRIÈME OPTION, STATU QUOPRE MODIFIÉ AVEC ADJONCTION D’UNE TROUPE DE RECO LÉGÈRE À L’ESCADRON DE RECO Avantages. Trois troupes à sept véhicules sont disponibles pour l’attribution des tâches de furtivité, de surveillance et utilitaires. Selon l’évaluation que le commandant de l’escadron fait des tâches, il peut avoir recours à des combinaisons des trois configurations de troupe de reco disponibles. Pour l’entraînement de RL 152 Tp reco 7 véhicules Tp ast Tp admin 2 Coyote Figure 3 : Statu quo-PRE modifié 1 Coyote cmdt/sgt op 2 Bison PC 1 Bison OL Tp reco 7 véhicules 2 Coyote Tp ast Tp admin Reco légère 2 véhivules Figure 4 : Statu quo avec adjonction d’une patrouille de reco légère à chaque troupe de reco Vol. 2, no. 4, hiver 1999 2 Bison PC 1 Bison OL Tp reco 7 véhicules 2 Coyote LRT 7 véhicules Tp ast Tp admin Reco légère 2 véhicules Figure 5 : Statu quo-PRE modifié avec adjonction d’une troupe de reco légère à l’escadron de reco spécialisé, le chef de troupe sera responsable d’effectuer l’entraînement en garnison et de respecter les normes d’aptitude au combat précisées pour l’entraînement. En garnison, les procédures et les inspections courantes de maintenance peuvent être réalisées par une seule troupe. En campagne, le réapprovisionnement des troupes sera plus facile pour l’échelon en raison de l’emploi de pièces et de carburant identiques dans chaque troupe. Si toutes les patrouilles de RL ont été détachées en vue de tâches opérationnelles, le chef de la troupe peut remplir les fonctions de second officier de liaison ou d’officier de service au PC esc. Le PC esc dispose d’une équipe de tir à deux véhicules Coyote. Inconvénients. Encore une fois, dans le contexte d’un escadron, la flotte de reco est aux prises avec les problèmes administratifs et de maintenance accrus découlant du recours à un véhicule de reco différent du Coyote. Comme pour la troisième option, on doit toujours réaffecter un véhicule existant ou acheter un nouveau véhicule. Sept véhicules de RL, de l’équipement auxiliaire et 27 personnes (six équipages de quatre personnes et un équipage de trois personnes pour le chef de la troupe) sont requis pour doter l’ensemble de la troupe de RL. AUTRES OPTIONS De toute évidence, si d’autres véhicules Coyote ne sont pas attribués à l’escadron, celui-ci serait enchanté de disposer de véhicules de RL supplémentaires pour accroître ses éléments de RL de base. Les régiments de reco de la Réserve qui sont actuellement dotés de véhicules Iltis (et plus tard de VULR) pourraient facilement venir augmenter les escadrons de reco de brigade de la Force régulière en cas de besoin Enfin, si les circonstances actuelles changent, on pourrait adjoindre un véhicule adéquat de contre-reco à l’escadron de reco mixte de la brigade (comme on avait augmenté la troupe à sept vehicules Coyote avec des TUA et des VBC lors des jeux de guerre BRONZE PIKE). Jusqu’à ce moment, le commandant de brigade devra affecter des chars, des ressources antiblindés et des HA (si elles dont disponibles) à l’escadron afin de lui permettre de s’acquitter de son rôle. PARTIE V — RECOMMANDATIONS Les recommandations présentées ci-après visent deux buts : déterminer l’escadron de reco du groupe-brigade dans le cadre du PRE qui convient le mieux et améliorer l’efficacité globale du Coyote. En ce qui concerne l’établissement de l’escadron de reco du groupe-brigade PRE qui convient le mieux, on recommande d’adopter la quatrième option afin de combler les lacunes de la troupe à cinq véhicules Coyote PRE. La troupe de reco à sept véhicules doit demeurer en place à titre de pratique doctrinale, malgré les contraintes quant à la distribution financière et opérationnelle. En ce qui a trait à l’amélioration de l’efficacité globale du Coyote, on a remarqué plusieurs points à 153 reconnaissance en fonction du Plan de redistribution de l’équipement de l’escadron Abordons la question de plus près! Possibilités d’emploi Captain JohndeGrodzinski opérationnel. Cette augmentation offrirait des spécialisations et un ensemble de compétences commun pour les deux éléments du Corps blindé, en plus de favoriser un entraînement conjoint ainsi qu’un sens d’appartenance à l’unité et une fierté accrue, particulièrement si les éléments de RL sont déployés dans le cadre de missions opérationnelles. 2 Coyote cmdt/sgt op Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre mât de guerre électronique [GE] et son système radar d’identification et de repérage tactique [TRILS]). améliorer au cours des deux dernières années. Il convient de les préciser ici : k Le Coyote doit être doté d’un système de communication efficace. La venue du STCCC et du SCS permettra peut-être de régler ce problème. En outre, les données vidéo du PCO doivent être converties du format analogique au format numérique pour que l’escadron soit compatible avec les autres pays membres de l’OTAN ou d’une coalition. Cette conversion permettrait la transmission de vidéo en temps réel par l’entremise de radios de combat, de réseaux locaux et de moyens de communication SCS, s’il y a lieu. k Le Coyote est doté d’un excellent radar opérant en mode FOS pour faciliter les demandes de tir. Toutefois, l’escadron doit disposer d’une unité ou d’un groupe d’artillerie réservé à ses propres besoins afin de tirer pleinement profit de cette exceptionnelle capacité. k Le frein-moteur Jacob du Coyote doit comporter un mécanisme de désengagement manuel pour les opérations furtives. Le RDT sur ce problème doit être résolu. k On doit acheter un logiciel d’analyse de terrain afin d’aider l’escadron à réaliser la planification de la visibilité réciproque durant la procédure de combat. k On doit se procurer un groupe électrogène d’appoint ou un générateur silencieux pour le Coyote, afin de réduire l’énorme demande en énergie imposée aux six batteries de la tourelle par les capteurs EO. PARTIE VI — CONCLUSION k On doit mettre au point un meilleur système pour réduire le délai nécessaire au processus d’installation et de démontage des capteurs EO. L’équipement EO doit être suffisamment résistant pour pouvoir être installé préalablement sur le mât ou le trépied et être remisé à l’extérieur en vue d’une installation rapide (comme c’est le cas pour le La troupe actuelle à cinq véhicules Coyote PRE, fait preuve de limites et de lacunes opérationnelles évidentes. La Force terrestre doit comprendre que la nature de cette configuration de troupe est une mesure temporaire et expéditive, et on doit rétablir dès maintenant les troupes à sept véhicules pour les escadrons de reco opérationnels et se trouvant au Canada. Si on ne peut pas Le major Jeff Barr À propos de l’auteur . . . Le major Jeff Barr s’est joint aux Forces canadiennes en juin 1979 et il a fréquenté le Collège militaire royal du Canada, où il a obtenu un diplôme en études militaires et stratégiques. Il est membre des Royal Canadian Dragoons et il a servi comme capitaine de bataille, commandant adjoint d’escadron de reco, officier des opérations et commandant d’escadron de reco, de 1997 à 1999. Durant cette période, il a appris à connaître à fond le Coyote et il a participé de près aux nombreux essais et aux évaluations réalisées dans le cadre de ce projet. Le major Barr a également occupé différents postes d’état-major, de liaison et d’observateur militaire lors d’emplois hors régiment. Il occupe actuellement le poste de DDAT 4-3 (Manœuvre) à la Direction de la doctrine de l’Armée de terre à Kingston. 154 réaffecter des véhicules Coyote supplémentaires, le véhicule de RL peut être utilisé pour équiper une troupe de RL pour assurer la souplesse et la furtivité nécessaires aux opérations de reco. L’Armée de terre doivent adopter un escadron de reco comprenant deux troupes à sept véhicules Coyote, une troupe de RL à sept véhicules, une troupe d’assaut, une troupe d’administration et un PC esc doté de deux véhicules Coyote afin que le commandant de l’escadron dispose d’une équipe de tir. De plus, nous devons continuer à donner suite aux autres recommandations au sujet des améliorations au véhicule Coyote. Les deux dernières années ont été stimulantes et novatrices pour les escadrons de reco, impliqués dans l’élaboration de la doctrine du Coyote. Nous pouvons être très fiers des efforts et de l’apport de tous les grades de ces escadrons, qui se soucient énormément de l’orientation de leur profession et qui ont admirablement bien répondu à l’appel du changement. NOTES 1 Cet article a été préparé au départ à titre d’exposé de position pour le commandant du 2e Groupe-brigade mécanisé du Canada en juin 1999. Il a été révisé afin de s’appliquer à l’Armée de terre dans son ensemble. 2 Cette expression n’est pas encore approuvée dans le cadre de la terminologie de l’Armée de terre. Dans le présent article, elle signifie : la couverture de sécurité pour une force amie en mouvement, obtenue par une surveillance à l’aide des capteurs electro-optiques depuis des positions dominantes. 3 Le PO doit être situé à au moins 75 mètres des capteurs EO déployés, en raison du mouvement, de l’éblouissement et du bruit du DONLP (s’il est déployé) et viser à assurer un certain degré de sécurité pour les capteurs déployés. 4 Lorsque la surveillance en position dominante était effectuée la nuit, on prévoyait 15 minutes additionnelles pour tous les délais d’installation des capteurs EO. Vol. 2, no. 4, hiver 1999 TRIBUNE LIBRE COMMENTAIRES, OPINIONS ET CONTESTATIONS Le major J.D. MacIntyre du Centre d’instruction Meaford du Secteur du Centre de la Force terrestre nous écrit : n tant qu’auteur du document original auquel faisait allusion le capt Grodzinski, je trouve plutôt injuste qu’il qualifie le programme d’études professionnelles des officiers, qui se donne présentement au Centre d’instruction Meaford du SCFT, d’occasion de flâner dans des Gasthaus ou des cafés. E Bien que la phrase « il n’y a … qu’un nombre limité de champs de bataille canadiens en Amérique du Nord » figurait effectivement dans la directive originale, il a reconnu que d’importants champs de bataille comme Lundy’s Lane n’ont pas été bien préservés dans notre pays. Nous avons permis, en tant que nation, que le progrès et le développement envahissent des sites que nos soldats ont payés de leur sang. Le terrain est toujours là, on ne s’en est pas débarrassé, et de précieuses leçons peuvent être apprises de l’étude de ces sites. Mais le Canada n’a pas fait l’effort voulu pour marquer et entretenir les sites où se sont déroulées ici même des batailles combien importantes au point de vue historique pour le Canada et où même le visiteur novice peut apprendre une foule de choses. Il reste que l’un des champs de bataille les mieux préservés au Canada, celui des Plaines d’Abraham, n’a rien d’important comparé aux efforts consentis par nos voisins du Sud aux sites comme Gettysburg, Fredericksburg, Chicamaugua, Stones River, Chancellorsville, the Wilderness, Bull Run, Vicksburg et j’en passe. Même si plusieurs considèrent que nos alliés américains sont arrogants et dominateurs, ces derniers attachent énormément d’importance à la préservation des champs de bataille qui les ont aidés à forger leur pays. Nous avons permis, en tant que nation, que le progrès et le développement envahissent des sites que nos soldats ont payés de leur sang. Le capitaine Grodzinski signalait en outre que l’endroit choisi était un champ de bataille « canadien » en France. Étant donné que le sujet à l’étude est Dieppe, j’ai beaucoup de difficulté à m’imaginer comment il pourrait être décrit autrement! Bien qu’il soit en effet situé en pays étranger, je suis bien certain que ceux qui ont combattu à cet endroit, y compris les quelque trois mille soldats canadiens qui y ont perdu la vie ce jour-là, l’appelleraient de la même façon. Les participants au programme doivent également se rendre à Ypres et en Normandie, où ils visiteront trois des plus importants champs de bataille de l’histoire militaire canadienne. À titre de rédacteur en chef du BDIAT, le capitaine Grodzinski s’est servi de son poste pour critiquer injustement un programme qui, au bout du compte, nécessitera près d’une année d’étude et de préparation de la part des intéressés. Rien ne garantit qu’ils pourront vraiment visiter Dieppe, puisque cela dépend de la capacité de notre Force aérienne de nous y amener. Toutefois, l’étude détaillée, qui comprend la recherche, les travaux, les présentations et les briefings, aura lieu. Le perfectionnement professionnel c’est tout autre chose que flâner dans un café. Je suis parfaitement conscient qu’il existe au Canada d’importants champs de bataille canadiens, et je n’avais nullement l’intention de mettre leur importance en question. De plus, je me réjouis des efforts du rédacteur en chef visant à promouvoir l’étude de la doctrine et de la tactique militaires en recommandant que des études portent sur ces sujets. Il est cependant injuste de dire, du haut d’une tribune, que les autres programmes d’études professionnelles font preuve « d’ignorance ». Travaillons plutôt tous ensemble à favoriser l’amélioration des connaissances professionnelles de nos militaires et gardons-nous de dénigrer ceux qui tentent d’en faire autant. Tribune libre Réfutation à l’article du capitaine John R. Grodzinski intitulé : « Qui a tué l’histoire militaire canadienne? », vol. 2, no. 3, août 1999. 155 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre Réponse à l’article du lieutenant-colonel Roman J. Jarymowycz, «La doctrine et l’Armée de terre canadienne - la séduction exercée par le dogme étranger : essayons d’affronter notre réalité », vol. 2, no 3, août 1999. Le lieutenant-colonel à la retraite Chuck Oliviero écrit ce qui suit : ENTRE AMIS… ’ai lu récemment l’article du Herr Doktor lieutenant-colonel Roman J. Jarymowycz, CD, Ph.D comme je l’ai toujours fait pour toute correspondance provenant de mon vieil ami et ancien confrère de cavalerie, c’est-à-dire avec grand plaisir et avec un dictionnaire à portée de la main. Je suis toutefois déçu du fait que le Doyen du cours d’étatmajor et de commandement de la Milice (CCEM) ait semé la confusion plutôt que de nous éduquer dans son brillant article. Comme c’est son habitude, Herr Doktor a soulevé une foule de questions. Loin de moi l’idée de vouloir les régler toutes. Quiconque a déjà discuté avec le colonel Jarymowycz, sait fort bien qu’il faudrait plus que le reste de toutes nos vies pour aller au bout d’un débat avec lui et je me contenterai donc de traiter des principaux points. Commentaires, opinions et contestations J Avant de continuer, chers lecteurs, j’aimerais apporter la précision suivante : les officiers de cavalerie ne se disputent jamais en public. Ceux qui oseraient se comporter de façon aussi disgracieuse risqueraient d’être expulsés du Mess. Je veux pas qu’il y ait de malentendu. Je ne suis pas en désaccord avec mon vieux copain. Mais, comme Jomini, qui prétendait pouvoir lire dans les pensées de Napoléon, j’essaierai d’éclaircir ce que le Doyen Jarymowycz a bien voulu dire. GUERRE DE MANŒUVRE Mon vieil ami, c’est regrettable, a encore une fois confondu le titre « manœuvre » (comme dans guerre de manœuvre [GM]) avec l’expression « manœuvre » (comme dans tir et manœuvre) ou « manœuvre » (comme dans manœuvre opérationnelle). Peut-être s’était-il absenté quelques instants de Korea Hall lorsque j’ai traité 156 de cette question dans le cadre du CCEM? Je sais pourtant qu’il s’y trouvait car nous en avons discuté longuement par la suite. Ou peut-être que son valet de chambre s’est encore permis, à son insu, de corriger ses écrits! Au risque de me répéter, je vous dis que la guerre de manœuvre n’a rien à voir avec la manœuvre. Il semble qu’une fois encore, comme c’est souvent le cas entre soldats canadiens, nous débattrons de taxonomie et de sémantique. Quand William Lind et ses amis du U.S. Marine Corps ont trouvé une étiquette pour leur soi-disant nouvelle façon de faire la guerre (GM), ils nous ont rendu un bien mauvais service. Chaque fois, en effet, que quelqu’un voit le mot « manœuvre », il pense naturellement à « manœuvre »! Ce débat et ce malentendu durent depuis 15 ans et ne semblent pas près de se calmer. La GM (comme la cavalerie) est un état d’esprit. C’est une philosophie liée à la façon de faire la guerre dont le but est d’anéantir l’ennemi en détruisant sa cohésion physique et morale ainsi que sa capacité de combattre comme un tout coordonné. La GM, ne l’oublions pas, n’est pas une technique de combat, c’est une philosophie. Hélas! le komrade Jarymowycz a tout à fait raison lorsqu’il dit que « la guerre de manœuvre est davantage un thème scolaire idéaliste qu’une pratique opérationnelle. » J’accepte son exemple du général Schwarzkopf qui a imposé une myriade de mesures de contrôle, mais cela ne veut pas dire qu’on n’a pas assisté, au cours de la guerre de 100 heures, à une démonstration des principes de la GM. Le colonel Jarymowycz est injuste lorsqu’il prétend que la force de manœuvre n’a pu « évoluer de façon créative dans les sables de l’opération TEMPÊTE DU DÉSERT ». Le combat du U.S. Marine Corps sur la côte sud ou celui de la cavalerie mené par le 2 Armoured Cavalry Regiment (2 ACR) du colonel Holder sur le flanc du général Franks sont deux excellents exemples de la GM. Ces engagements démontrent bel et bien qu’il y avait des commandants qui non seulement comprenaient la philosophie de la GM, mais qui avaient aussi appliqué leurs connaissances à cet égard à la façon dont ils avaient utilisé leur puissance de combat. Ces deux commandants et leurs subordonnés ont amené leurs classes sur le champ de bataille avec une efficacité dévastatrice. Voyons le cas du 2 ACR. Le général Franks a pris la décision réfléchie de ne pas faire combattre son corps la nuit, sacrifiant ainsi plusieurs des avantages que procuraient aux Américains par rapport aux Irakiens, l’entraînement, l’équipement et la doctrine. Le colonel Holder, pour sa part, a tiré parti des couloirs découverts et a tenté d’y faire passer le VII (U.S.) Corps. Le général Franks lui a intimé (à quelques reprises) l’ordre de s’arrêter, ce qui l’a profondément frustré, étant donné qu’il ne pouvait exploiter les succès réalisés, parce qu’il devait « synchroniser » ses opérations avec le plan de bataille du général. On peut facilement imaginer comment se serait effectuée la progression du VII Corps si le général Franks avait eu le style du colonel Holder! Ce que mon vieil ami a sans doute voulu dire, c’est que très peu d’indices, au niveau opérationnel, permettaient de conclure que la GM était mise en pratique. Encore là, il a raison. ATTAQUES FRONTALES L’affirmation de mon cher Roman à l’effet que « la manœuvre est quasiment impossible dans une guerre orthodoxe » se défend difficilement. Je ne commencerai pas ici à citer des exemples de la manœuvre. L’idée que la guerre soit de manœuvre ou d’usure est réductive et morte depuis longtemps. Il Vol. 2, no. 4, hiver 1999 LA DOCTRINE EN TANT QUE PROPRIÉTÉ CULTURELLE En ce qui a trait à la nature de la doctrine et à la kultur, le bon cavalier a encore raison. Comment pourrais-je ne pas être d’accord avec lui? Il me cite et me traite même de « brave cœur » dans ses notes de bas de page! Mais, si j’ai bien lu son texte, M. Jarymowycz prétend que nous Non, ce que le Doyen des études veut dire, c’est que pour atteindre un certain nirvana en matière de doctrine, nous devons comprendre en quoi consistent nos propres racines sur le plan culturel, racines sur lesquelles doit être bâtie notre doctrine. Quand nous y serons parvenus, nous pourrons ajouter les aspects des autres doctrines qui conviennent à notre caractère national, à notre culture et à notre façon de faire la guerre. Toute tentative de greffer, aux rhizomes de notre arbre doctrinal, la doctrine ancrée dans la culture de quelqu’un d’autre ne servirait qu’à tuer l’arbre. Sur ce point, mon ami a encore raison. J’ai maintes fois répété depuis des années que nous ne pouvons adopter l’Auftragstaktik que si nous sommes prêts à prendre le paquet au complet. Nous ne pouvons faire du « couper-coller » avec notre doctrine, à la manière d’un collage militaire. La mise en garde du lieutenantcolonel Jarymowycz de ne pas tomber en adoration devant les idoles sacrées des seigneurs de guerre germaniques est tout à fait fondée. (Faut-il également mettre de côté les exploits des idoles slaves? Je promets de cesser de citer Moltke s’il consent à cesser de me casser les oreilles avec Tukhachevskii!) Mais ce n’est pas la même chose que d’affirmer que notre doctrine, sans doute basée sur les machinations calculées de McNaughton et Currie, est tellement bonne qu’elle doit être appliquée à la lettre. Personne ne sait mieux que M. Jarymowycz, qui vient de terminer des études au niveau du doctorat sur la doctrine de l’Arme blindée, que l’héritage de McNaughton a parfois hanté l’Armée canadienne durant la Deuxième Guerre mondiale. On a rapporté, après la guerre, que les commandants supérieurs allemands, en France comme en Italie, avaient indiqué avoir toujours pu deviner quand des Canadiens étaient alignés contre eux. Les Canadiens, ont-ils dit, étaient passés maîtres dans l’attaque délibérée. Ils étaient presque toujours assurés de réaliser leurs objectifs initiaux, grâce à leur emploi des plus coordonnés de leur puissance de feu, aussi bien direct qu’indirect. Ils étaient aussi on ne peut plus prévisibles quant à leur refus d’exploiter ces victoires, ce qui permettait aux Allemands de se replier vers des positions préparées où ce ballet mortel reprenait de plus belle. Voilà en quoi consiste notre héritage en matière de doctrine. Est-ce vraiment ce que nous voulons à tout prix préserver? Tenons-nous vraiment à ce que nos troupes saignent jusqu’à la victoire, sous prétexte que c’est comme cela que nous le faisions avant? 157 Captain John Grodzinski M. Jarymowycz voudrait maintenant expliquer aux non initiés, au moyen de nombreux exemples de la grande guerre patriotique, que la manœuvre ne peut être réalisée qu’à la suite d’une percée en cours de combat. Sur ce point aussi, je suis d’accord avec lui. Mais qu’estce que cela a à voir avec la GM? Rien. Ses exemples concernant l’incapacité des Canadiens d’exécuter des manœuvres opérationnelles ne prouvent rien de plus que le fait que la doctrine de l’Armée canadienne, au cours des années 30 et 40, n’appréciait pas à sa juste valeur le potentiel des forces blindées et que les officiers supérieurs canadiens n’avaient pas la compétence voulue pour mettre en pratique l’art des opérations. Sur ce point aussi, je suis d’accord avec lui. Le Doyen est un expert dans le développement de cette doctrine, et il a raison. Mais, je le répète, cela n’a rien à voir avec la GM. sommes tellement pris par nos propres antécédents culturels que nous oublions les mérites de la doctrine des autres. Je ne suis pas convaincu que c’est qu’il a voulu dire. Le fait que la doctrine américaine découle de la doctrine « attritionniste » (à la manière de l’anaconda) de U.S. Grant (basée sur la doctrine fabienne de George Washington) ne signifie pas nécessairement que les militaires américains soient résolument déterminés à écraser tous leurs opposants en se servant de leur technologie supérieure, décuplée par leur taux de natalité élevé. Cela prouverait que les spécialistes des sciences sociales avaient raison de nous mettre en garde lorsqu’ils disaient que la seule chose qu’avaient en commun tous les gouvernements modernes c’était leur propension à gaspiller la vie et les biens de leurs électeurs. Aucun citoyen n’accepterait volontiers, c’est certain, d’offrir ses enfants à un pays qui promet de gaspiller sans compter leurs vies afin de tuer un ennemi. De toute façon, n’oublions pas que les États-Unis ont produit d’excellents commandants tactiques qui n’étaient pas en faveur de la théorie de « l’usure ». La guerre du Pacifique (1941 à 1945), dont on parle rarement, a fourni de nombreux exemples pertinents de la guerre de manœuvre. L’amiral Nimitz, tout comme le général Douglas MacArthur, ont mené leurs campagnes dans le Pacifique sans même tenter de « surexterminer » leurs adversaires. Tribune libre faut plutôt plaindre ces Philistins qui insistent pour dire que la guerre est un choix binaire (les pauvres!). Il arrive, c’est vrai, qu’on n’a pas d’autre choix que d’enfoncer la porte d’en avant. Mais, cela ne veut pas nécessairement dire que « la manœuvre est quasiment impossible » et, de toute façon, cela n’a rien à voir avec la question qui nous occupe car, encore là, nous confondons la philosophie de la GM avec le geste physique de la manœuvre. Je sais que je me répète, mais la guerre de manœuvre n’a absolument rien à voir avec la manœuvre. Il faut cesser de confondre les deux. Les apôtres de la GM tentent de trouver une nouvelle mentalité et non un nouveau couloir d’approche. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre article rappelle d’excellente façon à tous les officiers intelligents que le chauvinisme et le « Club des nouveautés du mois en matière de terminologie de doctrine » doivent être éliminés avec toute la vigueur d’un Torquemada! Le fait de réciter sans comprendre les formules magiques de la GM ne fera pas de nos novices de meilleurs chefs. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une approche globale à nos problèmes de doctrine, d’une révision totale et complète de nos principes philosophiques en ce qui a trait aux raisons pour lesquelles et à la façon avec laquelle l’Armée canadienne a combattu par le passé, se bat présentement et entend combattre à l’avenir. Ce n’est que lorsqu’ils auront fait ce travail, que tous les officiers de l’Armée de terre canadienne pourront entonner un hymne tactique catholique, même si certains couplets sont écrits auf Deutsch. Réplique à l’endroit des commentaires du lieutenant-colonel C.R. Shelley, parus dans le vol. 2, no 2, mai 1999, au sujet de l’article « Quelques réflexions sur l’Armée de terre du XXIe siècle » du lieutenant-colonel Cessford publié dans le vol. 2, no 1, février 1999 (Opérations terrestres). pour le chantier au Kosovo. Bon sang! La seule façon de répondre à ces demandes serait d’agrandir le magasin. Depuis 1990, les affaires ont connu un essor et honnêtement on ne voit pas le bout du tunnel! Hmmm…peut-être qu’une franchise de Réno-dépôt n’était pas une si mauvaise idée après tout… S’il y a une chose à tirer de l’histoire et de l’évolution, c’est que stagnation signifie extinction. Faisons nôtre n’importe quelle idée de génie qu’a eue une personne, peu importe son pays d’origine. Servons-nous de n’importe quelle tactique, arme ou idée qui fera de nous des professionnels plus compétents, plus meurtriers et, par conséquent, plus prêts et plus aptes à éviter les batailles coûteuses. Le Doyen est un futé (c’est la raison pour laquelle c’est lui le Doyen) et maintenant qu’il a osé avouer avoir étudié chez les Jésuites, il a ouvert son jeu. Il a délibérément jeté le lion dans la même fosse que les Chrétiens. Son Le lieutenant-colonel Mike Cessford de la Direction des concepts stratégiques (Opérations terrestres) écrit ce qui suit : ne autre journée difficile à la quincaillerie du coin de la Force terrestre! Les clients continuaient d’affluer au comptoir en demandant une poignée de fantassins, un lot de véhicules de reconnaissance ou un paquet de logisticiens. Je soupirais en réfléchissant à toutes les fois où j’ai pensé à me spécialiser et à fournir seulement un ou deux produits. Comme la vie serait simple! Malheureusement, mes clients voulaient, exigeaient en fait, des stocks qui permettent de combler tous leurs besoins, de la réparation de leur maison aux travaux à l’étranger. Comme le font les quincailliers, je devais maintenir un inventaire raisonnable et polyvalent qui réponde à tous les besoins, de la tempête de verglas à l’inondation en passant par la construction d’une clôture pour séparer deux voisins fâchés (ou parfois même carrément hostiles), de l’autre côté de la ville. C’était exactement comme diriger le Grand Réno-Dépôt, mais sans les profits ni le plaisir! Commentaires, opinions et contestations U 158 C’est à ce moment même que j’ai remarqué l’enseigne lumineuse du « diseur de bonne aventure et cartomancien. » Le devin faisait périodiquement des nouvelles prédictions aux gens du coin et la dernière en date s’affichait actuellement sur l’enseigne. À travers mes lunettes à double foyer, je lus : « Compte tenu de l’environnement de sécurité mondial actuel, le Canada ne risque pas de s’engager sérieusement dans un conflit. » Nom d’un chien, les gars qui sont à Aviano et en Macédoine seraient contents de lire ça! Ravi par cette bonne nouvelle (la meilleure depuis qu’en mars 1939 un utralucide du nom de Mackenzie King avait prédit qu’il était peu probable que de grandes forces expéditionnaires de fantassins soient de nouveau déployées outre-mer), je me suis penché pour remplir la dernière commande.1 Encore cinq cents fantassins, un certain nombre de chars et encore plus de logisticiens Je félicite le colonel Jarymowycz d’avoir soulevé la question dans le BDIAT, et, comme mon vieil ami, j’attends la réaction des esprits plus jeunes et plus fertiles. Le lieutenant-colonel Shelley et moi sommes manifestement en désaccord sur plusieurs points. Certains de ces désaccords relèvent d’une simple question d’opinion et peuvent par conséquent faire l’objet de débats amicaux. D’autres allégations cependant peuvent être contredites en s’appuyant sur l’histoire et l’expérience quotidienne. J’aborderai certains de ces points à tour de rôle. Premièrement, j’évoquerai la question des conflits facultatifs/ obligatoires, et des intérêts nationaux. Lorsque j’ai écrit mon article, je croyais que le lien entre les intérêts nationaux et la participation facultative du Canada était évident et que le lecteur pouvait s’appuyer sur les exemples cités. Je ne pouvais tout simplement pas imaginer le Canada obligé de participer à une opération sans qu’il n’ait d’intérêts à défendre. Permettez-moi d’être clair : la question de la participation facultative aux opérations est incontestablement liée aux intérêts nationaux. Un dernier Le lieutenant-colonel Shelley n’est pas d’accord avec moi quand je dis que l’engagement de forces terrestres constitue la monnaie d’échange par excellence dans le domaine des relations internationales. Mais du même coup, il semble également me donner raison jusqu’à un certain point. Les pays occidentaux, sensibles aux pertes au combat, tenteront sans aucun doute d’employer leur forces navales et aériennes (particulièrement en cette période de suprématie incontestée des États-Unis dans ces domaines) pour démontrer leur engagement et, ce faisant, éviter les « accrochages et les pertes importantes ». Mais justement, est-ce la preuve d’un véritable engagement ou simplement le désir de faire le minimum sans courir de risques politiques ou nationaux? Le combat rapproché (qui survient aussi bien au cours d’opérations de soutien de la paix que pendant des opérations conventionnelles) n’est pas quelque chose de beau à voir. Si un combat terrestre est indispensable au succès d’initiatives internationales, il m’apparaît que le déploiement de forces terrestres a toujours été et restera le baromètre de la détermination et de l’engagement d’un pays. On devrait être prudent lorsqu’on qualifie notre contribution de simple « geste symbolique ». D’un point de vue objectif, le Canada a consacré des moyens et des ressources considérables à des opérations essentiellement facultatives. Toute proportion gardée, c’est probablement le Canada qui a fourni le plus grand nombre de troupes terrestres à la KFOR. La contribution de nos CF-18 a été importante et est en fait loin d’être « symbolique ». Finalement, je pense personnellement que les pertes de vies, les blessures et les maladies survenues au cours des opérations auxquelles l’Armée de terre a participé depuis huit ans n’ont rien de symboliques. Le lieutenant-colonel Shelley a raison quand il dit que le premier ministre Mackenzie King voulait initialement limiter la contribution du Canada à la défense de l’Empire à du matériel, à de l’instruction aérienne et à des éléments de la force aérienne au début de la Seconde Guerre mondiale. Cependant, moins d’une semaine après la déclaration de guerre, le Canada avait engagé une division complète pour déploiement outre-mer et était en train de former une autre division pour servir au pays. C’était la réponse du Canada à une demande d’aide limitée de la Grande-Bretagne. Le fait est que même lorsque l’engagement du Canada a été limité, les forces terrestres ont été sollicitées, puis déployées. Le lieutenant-colonel Shelley à tord de dire que la victoire sur le plan stratégique et opérationnel dépend du succès tactique. À titre d’exemple, voici une conversation qui a eu lieu en avril 1975 : « Vous savez que vous ne nous avez jamais vaincus sur le champ de bataille » dit le colonel américain. Le colonel nord-vietnamien réfléchit un instant et répond : « Vous avez peutêtre raison, mais cela n’a rien à voir. »2 On pourrait dire la même chose au sujet du Front Est durant la Seconde Guerre mondiale ou, plus récemment, de l’échec des forces de coalition en Somalie, si la stratégie est inappropriée. Le lieutenant-colonel Shelley semble être assis entre deux chaises lorsqu’il est question du rôle des CF-18 en appui du commandant de la force terrestre. D’une part, il affirme que les CF-18 « fournissent une capacité de frappe dans la profondeur » au commandant de la force terrestre/ interarmées, et deux phrases plus loin, il soutient que le commandant de la force terrestre a surtout besoin d’une force d’aviation armée (je dirais plutôt d’attaque).3 Bien que reconnaissant du soutien éloquent que reçoit l’une de mes prémisses, je n’arrive pas à comprendre le plaidoyer sans fondement du lieutenant-colonel Shelley en faveur de l’utilisation des CF18 par le commandant de la force terrestre comme système de combat en profondeur. En fait, les forces aériennes de la coalition (y compris les CF-18) s’engageront à juste titre dans la campagne aérienne (tel que recommandé par John Warden et al) sous le commandement du commandant de l’élément aérien de la force interarmées (CEAFI). 4 Cet engagement peut comporter l’affectation de forces aériennes aux forces terrestres, mais en un mot, la réussite de tout plan tactique terrestre ne peut dépendre de l’appui aérien offensif. La force aérienne, ne sera probablement pas disponible, elle ne peut pas être garantie et elle n’est pas assez souple pour les exigences du combat terrestre. L’aviation d’attaque et les lance-roquettes multiples (reliés à des systèmes de détection appropriés) sont les seuls moyens dont dispose actuellement le commandant de la force terrestre pour arriver à modeler son espace de bataille et poursuivre le combat en profondeur. Enfin, je suis rassuré de voir que le lieutenant-colonel Shelley croie que la force aérienne trouvera « un moyen de fournir » à l’Armée de terre une capacité de frappe « en profondeur » si on le lui demande, mais pour ma part, je n’y compterais pas trop à court terme. Aucun des alliés ABCA (États-Unis, Grande-Bretagne, Canada, Australie) n’a été en mesure de transformer sa force aérienne en force de manœuvre terrestre. Les Allemands et les Russes non plus. Cela dit, l’Armée de terre a désespérément besoin d’une aviation armée (et un jour d’une aviation d’attaque). Dans l’espace de bataille moderne, l’aviation est un élément fondamental. Pourtant, nous continuons de brader notre aviation (et de la sous- 159 Tribune libre point avant de passer à une autre question : si vous êtes envahis par un ennemi, vous êtes en guerre et votre participation au conflit est sans l’ombre d’un doute obligatoire. Vous pouvez opter pour la reddition immédiate et inconditionnelle, mais ne vous leurrez pas : vous aurez perdu une guerre, vous ne l’aurez pas évitée. Captain John Grodzinski Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre employer) à nos risques et périls. En résumé, l’Armée de terre et la Force aérienne doivent entreprendre un vaste examen de l’aviation dans le but de donner à la Force terrestre une capacité opérationnelle exploitable dans les trois dimensions. Pour dire vrai, ça m’est égal que les pilotes et les artilleurs portent du bleu clair, du vert foncé ou des uniformes à pois multicolores. Je souhaite seulement que nos soldats et nos commandants disposent de cette capacité. NOTES 1 Stacey, Charles P. Arms, Men and Governments: The War Policies of Canada 1939-1945, Ottawa, HMSO, 1970, p.20. 2 Summers, Harry Jr. On Strategy: A Critical Analysis of the Vietnam War, Novato, CA, Presidio Press, 1982, p. 1. 3 Le lcol Shelley semble suggérer que l’aviation armée et l’aviation d’attaque sont une seule et même chose. Soyons clairs. L’aviation armée est formée d’hélicoptères auxquels on a ajouté des armes (HU-1B, TOW LYNX, etc.). L’aviation d’attaque(AH-64, Tigre, etc.) est constituée d’appareils conçus spécialement pour l’attaque, qui offrent généralement une meilleure protection, une véritable capacité d’attaque nocturne et un meilleur armement. Selon moi, l’aviation armée court de vrais risques lorsqu’elle conduit des opérations au-delà de la LAFA. 4 Le colonel John Warden (USAF) a écrit un des meilleurs ouvrages sur la planification et la conduite d’une campagne aérienne. Voir Warden, John A. III. The Air Campaign:Planning for Combat, New York, Pergamon-Brassey’s, 1989. Commentaires au sujet de l’article de Ken Reynolds, PhD , intitulé « Doit-on troquer nos armes pour des pelles à neige? Nouvelles tendances des opérations domestiques des Forces canadiennes », publié dans le Volume 2, numéro 2, de mai 1999 Le major D.J. Banks, G3 Opérations au Quartier général du Secteur du Centre de la Force terrestre, écrit ce qui suit : e tiens à répondre aux propos formulés par M. Ken Reynolds dans son article intitulé « Doit-on troquer nos armes pour des pelles à neige? ». J’occupais le poste de G3 par intérim du Secteur du Centre de la Force terrestre (SCFT) au moment de l’opération PREAMBLE, à l’occasion de la tempête de neige survenue dans le sud de l’Ontario1 plus tôt cette année. Bien que je sois généralement d’accord avec M. Reynolds qui se demande si l’Armée de terre peut parfois être trop activement engagée dans des opérations domestiques, je dois me pencher sur plusieurs points qu’il soulève. Une bonne partie d’entre eux sont erroné, quelques autres sont incomplets et laissent une impression fautive de ce qui s’est en fait produit. Commentaires, opinions et contestations J Tous d’abord, soyons clairs : les soldats canadiens, même ceux qui participent réellement à des opérations domestiques, passent malgré tout la plupart de leur temps dans l’Armée de terre soit en déploiement dans des « opérations réelles » ou bien à 160 l’entraînement en vue d’opérations éventuelles. M. Reynolds laisse entendre qu’un trop grand nombre d’engagements domestiques pourrait signifier le déclin de nos capacités militaires. Je prétends pour ma part que la mesure dans laquelle l’entraînement à la guerre pourrait péricliter dans notre Armée de terre serait presque entièrement attribuable à des considérations budgétaires ou autres, plutôt qu’à la participation à des opérations domestiques. En fait, notre capacité pendant les opérations domestiques résulte directement de notre entraînement et de notre état de préparation à la guerre, un fait parfois oublié. Ensuite, en réponse à la question « était-il nécessaire de déployer des membres des Forces canadiennes à Toronto? », je dirais que M. Reynolds confond deux faits. La réponse initiale à la demande d’aide humanitaire d’urgence présentée au SCFT au moment de l’opération PREAMBLE a été assurée par l’unité d’intervention immédiate de la Force régulière désignée - procédure normalisée dans l’ensemble de l’Armée de terre2 . Dans le cas qui nous occupe, les troupes provenaient de Petawawa, ce qui correspond simplement à la réalité géographique de l’emplacement des bases en Ontario. Ainsi, toute réaction à une urgence dans le sud de l’Ontario faisant appel l’unité d’intervention immédiate impliquait une longue distance. En outre, le passé du Bison nous rappelle qu’il a très bien performé à l’appui des services d’urgence civile gênés par la neige abondante à Barrie il y a quelques années; lorsqu’une situation semblable s’est présentée dans le cas de l’opération PREAMBLE, le Bison a été perçu comme le véhicule idéal en l’occurrence. Finalement, les Bison ont accompli un excellent travail à l’appui des services tant d’incendie que d’ambulance à Toronto. M. Reynolds conteste l’envoi de soldats de Petawawa à Toronto peu après leur retour de Bosnie, et cette attitude se comprend difficilement : sommes-nous en train de dire que les troupes, à leur rapatriement après une mission, n’ont simplement qu’à s’asseoir dans leur camp à ne rien faire3 , et à être exemptées des fonctions d’intervention immédiate? À première vue, l’idée est tentante, mais la petitesse de notre Armée de terre ne nous permet Vol. 2, no. 4, hiver 1999 En ce qui concerne la façon dont l’aide militaire a été accordée, M. Reynolds semble confondre les divers types de procédures à suivre dans le cas des opérations domestiques. Le procureur général d’une province ne tient aucun rôle dans les opérations M. Reynolds soulève ensuite plusieurs autres questions précises. En ce qui concerne le fait que l’opération RÉCUPÉRATION a oui ou non compromis la capacité de l’Armée de terre de constituer une « réserve opérationnelle », nous devons selon moi faire preuve d’une honnêteté brutale envers nous-mêmes pour admettre qu’il n’existe pas de réalité du genre au sein de notre Armée de terre. On pourrait même dire qu’il n’y en a pas eu depuis que le Régiment aéroporté du Canada a été dissous. Pour ce qui est des rapports entre les troupes déployées dans le cadre de l’opération RÉCUPÉRATION (ou de toute autre opération domestique d’envergure aux fins de notre propos) et les autorités civiles, il est clair qu’en aucun temps l’organisation des mesures d’urgence d’une province n’a été « remplacée » par l’Armée de terre. Guidée, sans doute. Augmentée, peutêtre. Remplacée, jamais. Je concède qu’il y a un risque certain. Ayant été lié de près aux événements de la crue de la rivière Rouge à titre de commandant adjoint du 1 er Bataillon, Princess Patricia’s Canadian Light Infantry, je puis affirmer que nous sommes parfois nos pires ennemis – nous savons fort bien que nous sommes bien davantage organisés, entraînés et compétents que la plupart des autorités municipales lorsque vient le temps de gérer des crises, et nous en venons parfois assumer de plus grandes responsabilités que nous le devrions. Cela va de soi, nous sommes ce que nous sommes. M. Reynolds soulève la question de notre rémunération en comparaison de celle des travailleurs civils syndiqués. Voilà un problème universel. J’ai deux réponses à cela. Primo, nommez-moi un seul pays qui verse à ses soldats subalternes une solde avoisinant celle de ses hommes de métier syndiqués – il n’y en a aucun. Secundo, qu’en est-il des centaines de pompiers volontaires qui ont pris congé de leur emploi civil, sans rémunération aucune, pour aider à sauver leurs communautés? Était-il juste pour eux d’avoir à travailler aux côtés de soldats payés 24 heures sur 24, sept jours sur sept? C’est une arme à deux tranchants, n’est-ce pas? Cette comparaison de rémunération ne sera jamais réglée équitablement, et elle n’est qu’une diversion, servie à toute sauce par des critiques civils de l’Armée de terre. La question des engagements de forces uniquement pour profiter de bonnes relations publiques revêt un aspect plutôt cynique, et je puis vous assurer qu’elle n’a jamais été dans la mire du quartier général du SCFT lorsque vient le temps d’entamer le cycle de planification des opérations domestiques. Le calendrier des autres niveaux de commandement m’est totalement inconnu et, très franchement, il ne m’est d’aucun intérêt. M. Reynolds laisse ensuite entendre que les Forces canadiennes ne sont pas bien entraînées pour les opérations domestiques. À mon avis, « l’entraînement aux opérations domestiques » (pour ce qu’il vaut) est pure aberration et, qui plus est, extrêmement redondant. Cette pente glissante risque de nous ramener à l’époque des « serpents et échelles » 161 Captain John Grodzinski Quant à l’état de la ville de Toronto et à sa main-d’oeuvre, il est très difficile pour les autorités militaires d’avoir une vue d’ensemble exhaustive de la situation réelle dans n’importe quelle opération intérieure. Même le déploiement d’officiers de liaison ne nous permettra jamais de connaître toute la dynamique interne d’un organisme civil en temps de crise. D’accord, dans l’opération PREAMBLE, l’administration municipale et le dispositif de gestion d’urgence peuvent avoir semblé, aux yeux des militaires, entièrement désorganisés – état de choses sans doute attribuable à leurs efforts continus pour s’adapter à la récente fusion des six anciennes villes et municipalités en une « mégaville » unique. Cette désorganisation apparente n’empêchait pas l’existence d’un réel besoin d’aide. Je me suis déplacé dans la ville au cours de cette période et je peux vous certifier qu’il y avait un besoin urgent. d’aide humanitaire - il n’est impliqué que dans le cas d’une opération d’aide à l’application de la loi de classe I, ou d’aide au pouvoir civil aux termes de la Partie XI de la Loi sur la défense nationale - pour ce qui est de l’opération PREAMBLE, rien de tel. Il s’agissait d’une opération de prestation de services, qui relève normalement d’un commandant d’un secteur de la Force terrestre. Le SCFT a reçu du chef d’étatmajor de la Défense et du Chef d’étatmajor de l’armée de terre l’ordre d’exécuter l’opération - ce qui a été fait. La façon dont ces deux autorités ont déterminé la nécessité et la portée de la réponse des Forces canadiennes dépassait la prérogative du quartier général du secteur. Tribune libre pas ce luxe. De plus, nous parlons d’un trajet de quelque deux cents kilomètres vers Toronto, et non pas de retourner outre-mer dans une zone de guerre. Il s’agissait bien sûr d’un inconvénient et d’un désagrément considérable, je ne le nie pas. Prétendre qu’il s’agissait d’une source possible de stress de combat ou d’épuisement professionnel serait aller un peu trop loin. Rassurezvous, le commandant et l’état-major du 2e Groupe-brigade mécanisé du Canada (GBMC) ont fait de leur mieux pour que le calendrier de l’unité d’intervention immédiate du 2 GBMC soit établi équitablement – le Royal Canadian Dragoons a simplement reçu la demande au moment où il était de service – le sort aurait pu tomber sur n’importe quel autre groupe. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre des années 1950. Notre valeur réelle en pleine période d’urgence ne repose pas sur une conversion rapide en pompiers ou en ingénieurs du génie civil. Nous ne posséderons jamais les compétences techniques des services d’urgence civile. Notre véritable valeur réside dans les qualités qui nous sont transmises et inculquées par notre entraînement en vue de la guerre. Ce sont ces caractéristiques qui nous placent une bonne tête au-dessus de la grande majorité des organismes d’urgence civils en termes de capacité opérationnelle. Dans le cas contraire, nous n’aurions pas été aussi efficaces que nous avons pu l’être constamment dans nos opérations domestiques, dont presque toutes se sont déroulées à bref préavis, pratiquement sans entraînement particulier en vue de la mission. En terminant, bien que je partage certes les préoccupations de M. Reynolds au sujet des coûts, de l’emploi de l’équipement, de la perte de temps d’entraînement et des exigences imposées au personnel, je crois que comme professionnels nous devons être très attentifs à ne pas perdre de vue l’envergure du problème. Y a-t-il des communautés très mal préparées à faire face à des urgences civiles? Oui, bien sûr. Y a-t-il des administrations civiles qui nous considèrent comme de la maind’oeuvre à bon marché? Peut-être, mais il ne faut pas oublier que nous ne relevons jamais de leur « commandement »; nous sommes seulement « en appui », et le commandant sur place peut toujours décider de ce qui convient ou non. Les opérations domestiques sont une réalité permanente pour notre Armée de terre, comme dans la plupart des pays occidentaux. Aux termes des lois de notre pays, l’Armée de terre est tenue d’aider les autorités civiles si la situation devient suffisamment grave. La plupart du temps, la mesure du soutien peut être déterminée efficacement et avec compétence par le commandant de secteur et son état-major, en fonction de la directive 2/98 du SCEM. De plus, on ne peut selon moi écarter la volonté de bon nombre de nos soldats, spécialement les membres de nos unités de la Réserve installées au sein des À la recherche de vos commentaires, nos lecteurs expriment leur opinion : UNE VISION DE LA MILICE DE 2010 Commentaires, opinions et contestations Le colonel Denis Belleau, CD Commandant du 35e Groupe-brigade a Force terrestre est engagée à moderniser ses structures en vue de l’Armée de demain et de l’Armée de l’avenir. Ce processus peut être considéré comme évolutif ou révolutionnaire selon les points de vues. Pour ma part, je crois qu’il n’est pas assez révolutionnaire puisqu’il attaque peu nos façons de faire, mais bien plus nos structures. L Nous apprenons, dans nos processus d’appréciation, que la première étape est de bien comprendre la véritable mission qui nous est confiée. 162 Dans le cas de la Force de réserve, notre véritable utilité est concrétisée par des personnes, certes par les membres de la troupe, mais surtout par nos chefs. Durant notre restructuration, nous ne devons pas hésiter à remettre en question nos façons de faire, nos processus et certaines traditions en questionnant leur utilité. Un processus contribue-t-il directement à produire des militaires entraînés ou constitue-t-il un gaspillage de ressources ? Quel est le coût de maintenir une façon de faire et quels sont les véritables obstacles au changement ? communautés, d’aider leurs concitoyens. Je me permets d’ajouter enfin, qu’à tort ou à raison, nos citoyens n’en attendent pas moins de nous. NOTES 1 Contrairement à ce qu’affirme la sagesse populaire, l’opération PREAMBLE ne visait pas seulement la ville de Toronto. Le 31e Groupe-brigade du Canada a déployé des éléments dans la région de Chatham, tandis que la BFC Kingston aidait la ville de Kingston. 2 Le SCFT est en train de revoir ses plans d’opérations domestiques afin de recourir davantage aux réservistes au cours des prochaines les opérations domestiques, lorsque cet emploi sera jugé approprié. 3 En passant, le Royal Canadian Dragoons ne se trouvait pas « à ne rien faire » lorsqu’il a reçu l’appel au déploiement - loin de l’idée de l’auteur de faire une telle médisance. Le texte qui vous est proposé est une vision d’un futur possible et potentiel. S’il vise premièrement à susciter des réactions, il offre également des pistes de solutions. Il existe plusieurs façons de considérer pareille vision, d’en rechercher les obstacles ou de rechercher les façons de la rendre possible. Pour ma part, je demande à mon état-major de trouver des solutions à nos problèmes avant de chercher des problèmes à nos solutions. Je vous présente cette vision pour votre agrément et votre réflexion. Chacun pourra se faire une opinion. Pour ma part, je me sentirais très inefficace de laisser diminuer notre capacité, c’est à dire le nombre de nos militaires, réguliers ou réservistes, sans d’abord explorer toutes les autres possibilités. Honneur et courage Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Le chauffeur et le commandant font les cent pas à l’aéroport local en attendant leur invité. Recevoir un allié aussi important pour le bien-être de l’unité est toujours un peu stressant, mais comme il s’agit de celui qui commandait le bataillon lorsqu’il était lieutenant, sa nervosité est moins grande. Enfin, le colonel honoraire arrive. « Bonjour Pierre comment vas-tu? » « En pleine forme mon colonel », répond le jeune commandant, puis, d’un trait il continue : « Le voyage fut bon j’espère. Par ici s’il vous plaît la voiture nous attend. » À la vue de la voiture qui doit les conduire, le colonel s’exclame : « Pierre, les Forces ont-elles maintenant décidé de vous fournir des voitures neuves? Je me souviens de la chaloupe que nous avions à la brigade, la rouille passait au travers. » « Non colonel, nous n’avons plus de voitures d’état-major, cela coûtait trop cher en achat et en entretien. Maintenant, nous louons localement ce qu’il nous faut. Surtout pour la Milice, c’est économique et nous sommes perçus davantage comme des partenaires dans notre milieu que comme des dépenseurs de taxes! » « On dirait que l’Armée a commencé à écouter nos suggestions après tout. », se plaît à penser tout haut le colonel. Sur cette réflexion, le commandant renchérit : La voiture se met en marche et après quelques minutes le dignitaire pose une question : « Pierre, nous allons dans la mauvaise direction! Si ma mémoire est bonne, c’est le chemin de l’hôtel de ville que nous prenons, pas celui du manège. » Le sourire aux lèvres, le commandant lui répond : « Bien sûr! Mon bureau et celui de l’administration de l’unité se trouvent à l’hôtel de ville. Nous y louons des locaux et ainsi nous sommes plus proches de notre milieu et des services des urgences. En plus, chaque visiteur peut voir notre insigne et nos couleurs dans le hall de l’hôtel de ville. Ce qui est mieux que de se cacher, ne croyezvous pas? » « Mais ça t’éloigne de tes troupes? » questionne l’auguste visiteur. « Pas vraiment, le manège appartient maintenant à la Ville et nous l’empruntons parfois. Nous utilisons davantage l’école secondaire où nous tenons nos soirées d’instruction et notre entraînement sur simulateur. » « Vous n’avez plus de manège! » s’exclame le colonel, abasourdi. « Et non! Nous avons été l’une des premières unités à nous débarrasser des nos vieilles pierres pour louer des locaux plus adéquats. Vous souvenez vous des deux salles de cours du manège et des six toilettes pour hommes? Nous n’avions même pas de place pour y installer des toilettes pour notre personnel féminin. En plus, les salles de cours étaient “si mal foutues’’ que nous passions pour des pauvres auprès des jeunes recrues ! Nous avons une entente de 20 ans avec la commission scolaire. Nous avons même construit une annexe pour loger des équipements. Nous louons certaines salles de classe dotées des nouveaux tableaux électroniques. Nous utilisons les locaux des cours de mécanique pour faire la maintenance de première ligne sur nos véhicules. Et, nous avons placé nos simulateurs de tir dans l’un des gymnases. » « Les Commissaires ont dû faire une chicane pour ne pas vous avoir. » Pour apaiser les craintes de son colonel honoraire, le commandant lui explique le fonctionnement et l’aspect gagnant-gagnant de l’entente pour les deux partis. « Au contraire, nous avons présenté le point comme un partenariat. Leurs locaux sont inutilisés après les heures de classe et un gardien était nécessaire pour sécuriser l’école. Nous leur offrons ce service certains soirs gratuitement et nous payons une partie de leur frais par le biais d’un bail. Pour moi, l’important c’est d’avoir des installations qui répondent aux besoins de mes soldats. Ils ont ici tout ce qui est à la fine pointe du progrès pour apprendre et, en définitive, cela coûte moins cher au gouvernement. Nous avons obtenu du Groupe de soutien du secteur (GSS) que les fonds consacrés aux “en lieu de taxes” et à l’entretien nous soient versés, puis nous avons négocié le bail. L’argent épargné sert à payer nos soldats au lieu de payer un contractuel qui entretenait notre vieille bâtisse. Vous souvenez vous du 1,5 million de dollars demandé pour refaire notre toiture en 1998? Avec le même argent, nous aurions pu acheter 30 véhicules logistiques lourds à roues ou encore payer le salaire de deux unités pour un an. » Avide de questions, le colonel interrompt le commandant. « Parlant de véhicules, où sont les tiens? » 163 Captain John Grodzinski Mai 2009, un jeune commandant d’unité d’infanterie de milice se prépare à recevoir pour la première fois son nouveau colonel honoraire. Ce dernier, un ancien réserviste dans les années 90, se souvient très bien des âpres discussions, à cette époque, sur la restructuration de la Réserve. Il est en voie de vivre quelques surprises de taille. « Je crois que vous verrez que plusieurs de vos suggestions ont trouvé la bonne oreille. Nous faisons beaucoup de choses différemment aujourd’hui par rapport à votre temps. Mais allons d’abord à mon bureau avant d’aller voir les troupes. » Tribune libre UNE VISION DE LA MILICE DE 2010 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre « Mes véhicules sont à deux endroits. Les véhicules à roues sont dans la cour du garage municipal; ils y sont surveillés par la police municipale. Depuis, nous ne nous faisons plus voler de batteries comme dans votre temps! Nos véhicules blindés sont au Centre de l’instruction du secteur où nous avons constitué un pool avec nos confrères réguliers. Nous avons l’équivalent d’un bataillon complet de véhicules à utiliser pour l’instruction. Ils appartiennent tous au GSS qui les entretient en plus des deux équipements de bataillons opérationnels. Les véhicules tournent au minimum une fois par mois, beau temps mauvais temps. Nos amis réguliers ne possèdent pas de véhicules de combat non plus. Ensemble, nous avons trois flottes. La flotte d’entraînement qui sert à tout le monde, eux la semaine et nous la fin de semaine. La flotte opérationnelle immédiate est utilisée en rotation avec la flotte d’entraînement. C’est un bataillon complet, prêt en tout temps. Finalement, la flotte de réserve opérationnelle est remisée en préservation prolongée. Commentaires, opinions et contestations Chaque année, une partie de la flotte change de rôle, ce qui répartit «l’usure». Le commandant du secteur peut compter sur les véhicules de deux bataillons complets maintenus en état de marche à 24 heures d’avis. L’usure réelle est bien moindre, car les véhicules ne pourrissent pas dans les stationnements mais tournent régulièrement. » « Les quartiers-maîtres n’ont pas dû trouver le changement facile! » demande le colonel. « Non, car il a fallu oublier le concept de propriétaire de véhicules pour celui d’utilisateur. Avant, la philosophie était de ne pas passer d’équipement pour ne pas le faire briser. C’était également les années où l’on disait qu’à cause des coûts la Milice ne pouvait posséder de véhicules blindés. Maintenant, l’entretien est fait par des spécialistes, 164 les gens des bataillons de services et surtout du Groupe de maintenance du secteur. Mes mécaniciens travaillent presque 4 jours par mois avec eux pour maintenir la flotte et ça marche! Un véhicule qui tourne régulièrement et qui est bien entretenu ne brise pas tant que cela, mais un véhicule qui dort se brise très vite. » « Nous arrivons enfin au bureau. » Le capitaine-adjudant accueille le commandant et leur visiteur de marque. « Bonjour mon colonel. Bienvenue chez-vous. » Et le capitaine-adjudant poursuit sur sa lancée : « Bonjour commandant, tout est prêt pour votre visite de cet après-midi. Monsieur le maire confirme votre rendez-vous de mardi soir pour discuter de la révision du plan d’urgence. L’escadrille tactique a confirmé sa participation pour l’exercice de septembre prochain et le commandant de la compagnie B a déposé son plan d’exercice pour le 15 ; il est dans votre ordinateur sous le nom de code attribué. Il est prêt à refaire son exploit du mois d’avril contre le bataillon régulier. » « Nous avons fait des exploits contre les réguliers? » demande, intéressé, le colonel. « Oui, nous utilisons tous le système JANUS II et nous avons défait l’avance du 2 e Bataillon lors de la dernière compétition de secteur. Cela fait deux ans que Louis gagne la première position avec sa compagnie, il a un très bon œil pour le terrain. L’été prochain, ses chefs et lui vont prendre la compagnie A et ils vont participer à l’exercice annuel avec troupes. Vous savez, je l’envie pas mal, deux semaines au centre d’entraînement national en véhicule blindé leger (VBL) III et avec une vraie compagnie dans un vrai bataillon, le chanceux! » « Comment pouvez-vous participer à un exercice aussi élaboré comme réservistes? Cela était chose quasi inexistante à mon époque. » précise le colonel. Espérant depuis longtemps cette question, le commandant s’empresse de répondre : « Nous avons changé le concept d’entraînement et notre manière de faire. Nous avons un programme en trois volets pour les chefs. La première année, nous apprenons la théorie et nous travaillons sur les simulateurs à l’unité au sein de la compagnie B. La deuxième année, nous servons au sein de la compagnie A et nous faisons des exercices avec troupes. Finalement, la troisième année, nous servons d’instructeurs à l’école du bataillon. Une fois ce cycle terminé, c’est le retour à la compagnie B pour apprendre. Nos soldats suivent un cheminement similaire. Le premier été, c’est le cours de base, puis la période d’instruction sur les simulateurs. Le deuxième été, c’est l’entraînement avec les équipements réels, puis un séjour à la compagnie A comme membre de la troupe; les meilleurs sont choisis pour devenir des chefs et la machine repart. » Fort de son expérience, le colonel croit percevoir une difficulté : « C’est un système intéressant, mais comment avez-vous réglé le problème des tableaux de dotation de la Force terrestre et des positions limitées pour les chefs? » Dans la foulée des changements déjà mentionnés, le commandant répond avec le même enthousiasme à cette question touchant le personnel : « Nous avons changé le paradigme ici aussi. Nous avons un cadre de chefs pour doter trois compagnies complètes et les troupes pour en occuper une et Vol. 2, no. 4, hiver 1999 demie. Ainsi, nous ne sommes plus un simple réservoir de main-d’œuvre, mais bien plus un bassin de chefs prêts à encadrer et à entraîner l’armée si nous devions nous mobiliser. d’ici cinq jours. L’informatique permet de traiter rapidement ces petits problèmes et «UPS» livre bien plus vite que notre ancien quartier-maître à plein temps. Légion nos traditions régimentaires. Vous verrez notre insigne bien en valeur sur le mur de façade. C’est ce que le général Belzile devait avoir en tête quand il parlait des liens avec le milieu! Mon colonel, n’êtes vous pas celui qui disait que le soldat peut être formé rapidement, mais que cela prend des années pour former un chef. Nous formons assez de soldats pour répondre à un besoin de renfort à court terme. Par contre, nous formons suffisamment de chefs pour assurer une base réelle de mobilisation. » De plus, nous traitons différemment la paye de la Milice. Comme milicien, je gagne un salaire fixe qui m’est versé aux deux semaines et je touche un supplément lorsque l’entraînement l’exige. Plutôt que de dépenser des fortunes pour traiter chaque présence comme une exception, nous ne traitons que les exceptions. Si je suis absent du service pendant plus d’un mois, ma paye est suspendue et c’est tout simplement un message du capitaineadjudant qui est nécessaire pour ajouter des jours de paye ou en retrancher. Pour les présences, les adjoints de pelotons ont un lecteur de carte magnétique qui est branché sur n’importe quel ordinateur. Ils entrent eux-mêmes les présences que je valide ensuite électroniquement ; finies les 250 feuilles de paye à autoriser chaque mois. » De plus, la Légion est très heureuse, car nous apportons une clientèle appréciable et du sang neuf! La fermeture de nos mess a également permis d’offrir une subvention appréciable à la Légion pour faciliter notre arrivée. Elle a utilisé ces argents pour déplacer ses artefacts régimentaires et rénover au moins une salle. Encore une fois, nous avons créé une situation gagnant-gagnant. Nous avons nos mess sans les problèmes et la Légion a de nouveaux membres. » « Ah oui! L’administration n’a tout de même pas disparu? » « Non, pas tout à fait mais presque! Nous avons revu le système en profondeur et nous avons centralisé le plus de fonctions possibles. Éliminer les manèges a fait disparaître de pleins classeurs de rapports, de demandes et autres correspondances improductives. En confiant au bataillon des services la ‘’propriété’’ de nos équipements, nous avons réduit encore davantage les coûts et les problèmes administratifs. Notre quartier-maître détient une dotation normalisée de matériel et, à toutes fins utiles, il ne travaille que dans son rôle en campagne. Il pratique des points de livraison au lieu de faire de la paperasse et de tenir un inventaire. Vous-même remplirez plus tard dans la journée un formulaire pour vos uniformes. Le sergent va prendre vos mesures et vous devriez les recevoir La porte du bureau du commandant s’ouvre. Le capitaine-adjudant fait son entrée. « Mon commandant, je vous rappelle que le président de la Légion vous attend pour présenter notre nouveau colonel honoraire aux membres du mess. » « Nous devons déjà partir? » demande le colonel honoraire. Le commandant constate que le temps file et signifie qu’il faut quitter le bureau. « Venez! Nous allons être en retard pour déjeuner et je veux avoir votre avis sur la promotion d’un de mes majors en tant que première commandante du régiment. Ceci fait partie aussi des surprises de la journée! Après le déjeuner, nous irons au gymnase pour travailler sur le simulateur de tourelle du VBL III, nous verrons si vous avez toujours l’œil! » Le colonel honoraire, sur un ton enjoué, presque celui d’un gamin devant un nouveau jouet s’exclame : Captain John Grodzinski « C’est très facile, nous nous entraînons davantage, sans pour autant faire plus de jours de travail. Nous avons de bons équipements. Les ordinateurs et Internet nous donnent des moyens flexibles d’apprendre et nous avons éliminé les aspects déplaisants de la Milice que vous avez connus. » « Dis donc Pierre! À 53 ans, est-ce que l’on peut encore joindre la Milice? » « Vous savez que nos mess ont disparu en même temps que nos manèges. Une entente nationale avec la Légion fait en sorte que nous avons éliminé nos problèmes de gestion des mess, une vraie plaie si vous vous souvenez. Mais, nous avons les mêmes services en plus de côtoyer régulièrement nos anciens membres. Nous avons amené avec nous à la Tribune libre « Comment gardes-tu tes chefs intéressés? » 165 Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre NOUVELLE TECHNOLOGIE : EXPÉRIENCE VÉCUE, LEÇONS À APPRENDRE... Le capitaine J.S. Bilodeau Commandant du Peloton antiblindé du 1er Bataillon du Royal 22e Régiment u cours des cinq dernières années, l’infanterie a pris le virage technologique au même titre que les autres armes et services des Forces canadiennes. On a qu’à penser à l’acquisition de nouvelles pièces d’équipement sophistiqué tel que le GPS (abréviation du terme anglais « Global Positioning System »), à la nouvelle gamme de postes émetteurs-récepteurs PRC-521, aux nouveaux appareils de surveillances, etc. Sur le plan de la mobilité et de la protection, notre génération de fantassins aura très bientôt le privilège d’être témoin de l’avènement de la famille des Véhicules blindés légers III (VBL III) et de tous les dérivés de cette imposante flotte de nouveaux véhicules. L’infanterie possède également un nouvel éventail de systèmes d’arme qui lui permet d’augmenter sa puissance de feu. Il y a, entre autres, le canon de 25mm du Coyote et bientôt celui du VBL III, la dernière série de missiles antiblindé TOW 2B (Top Attack) (TOW est l’abréviation du terme anglais « Tube-launched Optically-tracked Wire-guided »), l’arme antiblindé courte portée lourde baptisée Eryx et la très récente lunette de visée CLASS (abréviation du terme anglais « Computerized Laser Sight »), du Carl Gustav 84mm. Il va sans dire que l’arrivée de ce nouvel arsenal permettra à l’Infanterie, Reine du champ de bataille, d’augmenter son efficacité et surtout sa capacité d’accomplir sa mission sur le champ de bataille des années 2000. L’infanterie avance à grand pas et l’avenir est plus prometteur que jamais. L’essor technologique actuel permet à l’Infanterie canadienne de reprendre une partie du retard technologique qu’elle avait pris sur les autres armées occidentales modernes durant les dernières décennies. Toutefois, certaines questions fondamentales se posent avec l’adoption Commentaires, opinions et contestations A 166 de toute cette nouvelle technologie. Comment devons-nous changer nos habitudes de travail, et en particulier la manière de nous entraîner? BUT Le but premier de cet article est de mettre en perspective l’impact de l’arrivée du système d’arme Eryx au sein du 1 er Bataillon, Royal 22 e Régiment (1er R22eR). Nous voulons démontrer le développement et l’évolution de l’entraînement du fantassin du 1er R22eR sur le système d’arme antiblindé Eryx depuis son acquisition jusqu’à ce jour, soit une période d’environ trente-six mois. Par la suite, grâce à l’expérience acquise à l’unité, nous dresserons une liste des leçons apprises concernant l’approche que nous devons adopter avec le Eryx sur le plan de la sélection, de l’instruction et de l’entraînement collectif des tireurs. L’analyse systémique qui suit est basée sur une période d’observation d’environ trois ans débutant avec l’arrivée du premier système d’arme à l’unité, comprenant l’instruction du personnel et se terminant avec l’enregistrement des résultats de deux tirs réels à l’automne de 1998. HISTORIQUE Le premier système d’arme Eryx a été livré au 1er R22eR en novembre 1995. L’unité a reçu la dotation normale de neuf systèmes d’arme par compagnie, pour un total de trente-six pour le bataillon d’infanterie. L’unité a de plus reçu quatre Simulateurs de tir interactifs vidéo Eryx (STIVIE) intérieurs pour l’instruction et l’entraînement des tireurs. Sur réception de l’équipement Eryx, l’unité a débuté la qualification des instructeurs. Au total, plus d’une vingtaine d’entre eux se sont qualifiés à l’École d’infanterie de l’Unité de soutien des Forces canadiennes Gagetown en 1995 et 1996. Comme critère de réussite du cours, tous les instructeurs ont dû effectuer avec succès le tir de deux missiles réels. De ces instructeurs, quinze occupent encore des postes de l’échelon F à l’unité. De retour à l’unité, les instructeurs ont commencé à administrer une série de cours dans le but de qualifier le nombre de tireurs nécessaires pour combler les positions. Au total, près d’une dizaine de cours ont été donnés de 1996 à 1998. Cent vingt tireurs et plus ont donc été qualifiés. Comme la qualification tireur Eryx est une condition préalable pour les aspirants au cours de spécialiste des armes légères, l’unité avait aussi la tâche de qualifier les caporaux-chefs qui se préparaient à partir pour Gagetown. Pour l’ensemble des cours de tireur Eryx, aussi bien ceux donnés au niveau de l’unité que ceux donnés dans le cadre de l’École de brigade (comprenant des candidats provenant d’autres unités), les instructeurs Eryx de l’unité ont en général démontré une bonne compétence pour transmettre leurs connaissances aux tireurs. En 1998, la structure organisationnelle du bataillon fut remodelée pour passer de quatre à trois compagnies de fusiliers. De ce fait, le nombre de systèmes Eryx du bataillon est passé de trente-six à vingtsept. En raison de ce changement, l’unité s’est dès lors retrouvée avec un nombre satisfaisant d’instructeurs et d’opérateurs Eryx. Présentement, l’unité a cent huit tireurs Eryx pour un ratio de quatre tireurs qualifiés pour chacun des systèmes d’arme. De 1996 à 1998, l’unité a surtout mis ses énergies à qualifier ses tireurs afin de combler les postes. Une fois qualifiés, les tireurs ont eu très peu d’occasions de donner suite à l’entraînement sur le Eryx et d’évoluer étant donné que la majorité des instructeurs et simulateurs étaient affectés à l’instruction. C’est principalement pour cette raison que les tireurs nouvellement formés ont eu très peu d’occasion de mettre leurs nouvelles connaissances en pratique et surtout de mettre leur habilité de tireur à l’épreuve. À l’occasion, il est arrivé que certains instructeurs, de leur propre initiative, aient entraîné des tireurs par le biais de Vol. 2, no. 4, hiver 1999 Lors des deux séries de tir, les résultats étaient de 72 % de coups au but pour trente-trois tireurs à Gagetown en septembre 1998 et un taux de réussite de 68 % pour seize tireurs, à Valcartier, au début décembre 1998. Le tir à Gagetown a été effectué dans le cadre d’un scénario tactique, en position debout avec trépied en appui, à partir d’une tranchée, sur une cible mobile à une distance de trois cent cinquante mètres. À Valcartier, les tireurs en position couché, ont engagé une cible mobile à cinq cent trente mètres. Il est à noter qu’à l’occasion de ces deux champs de tir, le système d’arme Eryx s’est montré très performant lors des différents types de tirs réels. Que ce soit dans des conditions climatiques tempérées ou hivernales, sous la pluie avec du vent, sous la neige, comme par des températures CHANGEMENTS À COURT TERME Tous les fantassins sur le champ de bataille doivent être en mesure d’utiliser efficacement le système Eryx, si nécessaire dans la même mesure que n’importe quelle autre arme de l’échelon F. Il est donc indispensable de fournir un cours de familiarisation Eryx à la majorité des membres de la troupe. Il existe un tel cours, il est d’une durée de trois jours. Cette formation de base permet aux fantassins d’acquérir une connaissance générale de l’arme, de ses composantes, de son fonctionnement et, plus important encore, constitue une occasion de manipuler l’arme et de s’entraîner sur les simulateurs. Au 1 er R22 e R, cet entraînement sera complété au printemps 1999. Dans un deuxième temps, il faut faire une meilleure présélection du personnel qui sera attitré comme premier utilisateur du Eryx. Fondamentalement, les individus n’ont pas tous la même dextérité et les mêmes aptitudes à l’exercice au tir, et ce même avec beaucoup d’entraînement. Que ce soit à la C7, à la C9, au M72 ou avec le Eryx, peu importe le type d’arme, il y a des individus qui démontrent plus d’aptitudes au tir que d’autres. Dans la même veine, le tireur Eryx doit posséder des traits de caractère spécifiques. Il doit avoir une attitude positive et combative. Les individus qui démontrent une très grande confiance en soi et qui sont responsables sont donc identifiés. Le tireur doit aussi posséder une bonne vision, être calme et posséder un bon jugement. Tous ces aspects doivent être pris en considération pour mettre les meilleurs candidats possibles aux commandes du Eryx. Un exercice simple mais efficace consiste à utiliser les simulateurs pour faire une partie de la présélection, comme pendant la familiarisation d’une journée qui se donne présentement au Bataillon. La liste des tireurs potentiels sur Eryx pourrait être examinée avant de débuter la qualification en vue de choisir les meilleurs éléments possibles. Il est vrai que n’importe quel fantassin pourrait être appelé à tirer avec le Eryx sur le champ de bataille. Toutefois, si les tireurs désignés sont mieux sélectionnés, les chances et le potentiel de réussite augmentent de façon importante. 167 Captain John Grodzinski À la veille du tir, en septembre 1998, très peu des tireurs qualifiés avaient été témoins d’un tir réel de missiles. La première expérience de tir réel remontait à août 1996, où seulement une dizaine de tireurs avaient eu l’occasion de tirer. La majorité des tireurs étaient donc nerveux étant donné qu’ils n’avaient jamais assisté au tir de l’arme. Cette nervosité était le résultat de plusieurs facteurs, parmi lesquels l’inconnu provoqué par l’absence de connaissance sur la réaction du système lorsque le missile sort du tube de lancement et durant le vol. Comment le missile va-t-il réagir? Serai-je capable de frapper la cible? Il est important de noter que dans la majorité des cas, un tireur agressif, positif et concentré avait définitivement une longueur d’avance sur ses confrères qui se présentaient avec une attitude plus nonchalante et moins combative. L’attitude, la préparation psychologique et la motivation du tireur ont fait une différence remarquable sur la probabilité de frapper la cible. Nous en traiterons plus loin. plus clémentes, le Eryx s’est toujours montré très fiable. Le Eryx est d’une agilité fascinante qui lui permet d’apporter des corrections relativement rapides en vue d’amener le missile sur la cible. De plus, le système accepte assez bien les mouvements brusques du tireur qui doit apporter des corrections de visée lors du sursaut résultant du délestage. Le délestage se produit lorsque le missile quitte le tube de lancement, ce qui provoque une variation rapide du poids de l’arme qui affecte l’équilibre du tireur. Le tireur doit en conséquence rétablir son équilibre et reprendre le contrôle du poste de tir. Sur la base de l’observation de plusieurs dizaines de tirs de missiles, il n’a pratiquement été observé aucune erreur technique ou raté qui aurait été causé par un mauvais fonctionnement du système d’arme. Somme toute, la presque totalité des tirs ratés étaient liés au facteur humain. Les statistiques fournies par la France lors de l’acquisition du système d’arme prédisaient un taux de succès du tir (coups au but) d’environ 90 % pour le tir en position couché et de 70 % pour le tir à l’épaule. Le résultat des tirs, par rapport à ces statistiques, est sous le taux prévu par au moins 10 % à 15 % en position de tir couché, c’est-à-dire lors du deuxième tir. Que s’est-il passé? Il y a donc un écart important entre les attentes et les résultats obtenus. Lors des cours de qualification et des tables de poursuite, les tireurs avaient pourtant tous très bien réussi. Les supérieurs soulèvent avec raison certaines questions sur la faiblesse des résultats. Du côté des tireurs, une perte de confiance ou la méfiance s’est installée à l’égard du système d’arme. Comment expliquer la faiblesse des résultats et comment corriger la situation? Suite à des discussions avec plusieurs instructeurs et personnes influentes dans le domaine du Eryx et après avoir analysé nos observations durant la période d’instruction et de tir réel, il faut en arriver à la conclusion qu’il est nécessaire d’apporter certains changements significatifs dans la manière de préparer et d’entraîner les tireurs Eryx à l’unité. Tribune libre quelques périodes passées au simulateur. Toutefois, ces séances d’entraînement n’étaient que des efforts isolés et ponctuels. Le seul entraînement formel qui ait eu lieu avant le tir de l’automne 1998 fut de compléter les tables de poursuite sur le simulateur de tir intérieur, comme l’exige l’Ordonnance du Commandement de la Force terrestre 21-14. Commentaires, opinions et contestations Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre D’autre part, il faut que la fonction de tireur Eryx soit vue par la troupe comme une position de séniorité occupée par quelqu’un à qui on attribue des responsabilités importantes. Il est à noter que le système Eryx est présentement l’une des armes les plus importantes au sein de la compagnie d’infanterie. Il est donc nécessaire d’identifier des militaires responsables et expérimentés capables d’occuper la fonction de tireur antiblindé. La position de tireur Eryx doit donc être reconnue comme un poste important auquel les meilleurs membres de la troupe aspirent, tout comme ils le faisaient auparavant pour le poste de mitrailleur C6. De part la nature de leurs fonctions et du type d’équipement qu’ils utilisent, les tireurs Eryx ont des responsabilités supérieures à celles du fusilier d’une section. Ces individus doivent être les plus responsables de leur section et ils doivent principalement s’entraîner afin de bien maîtriser leur système d’arme. En valorisant davantage le poste, on motive les meilleurs éléments de la troupe à occuper la fonction de tireur Eryx. De ce fait, on encourage ces militaires à se développer, ce qui a un impact positif sur la qualité des tireurs. Le quatrième changement significatif recommandé consiste à élaborer un plan d’entraînement régulier et un suivi pour les tireurs Eryx. Il est recommandé que les tireurs Eryx, au même titre que les canonniers TOW, participent à de l’instruction périodique de recyclage sur le simulateur. Une fois par mois, chaque tireur Eryx doit, sous la gouverne du représentant Eryx de compagnie, effectuer les tables de poursuite sur simulateur intérieur. Les résultats des tireurs sont enregistrés sur une fiche de tireur Eryx. On peut ainsi mesurer le développement et le rendement des tireurs. Le simulateur extérieur n’est pas encore disponible, mais on pourrait envisager une formule similaire lorsqu’il fera son entrée dans les unités. Durant cet entraînement formel mensuel, l’instructeur-chef Eryx de la compagnie pourra donner de l’information sur les nouveautés du domaine Eryx telles que les nouvelles pièces d’équipement, les développements de la tactique, etc. Ceci permettra de rehausser l’intérêt et d’approfondir les connaissances et l’expertise des tireurs. 168 À court terme, au même titre que les pelotons antiblindé, il pourrait être avantageux d’organiser des concentrations de tir annuelles au niveau de la brigade pour les servants Eryx. Étant donné la quantité limitée de missiles disponibles annuellement et le nombre de tireurs, les ressources en personnel et en matériel Eryx pourraient être concentrées dans le but de partager l’expérience et les connaissances. de surveillance du peloton de reconnaissance, aux signaleurs du groupe professionnel militaire 031 avec l’arrivée du Système tactique de commandement, de contrôle et de communications, etc. À l’avenir, pour sélectionner un tireur Eryx, il faudra qu’on s’attarde davantage sur son potentiel et ses aptitudes naturelles à utiliser des armes qui font appel à la technologie. Une meilleure présélection est définitivement souhaitable. CHANGEMENTS À LONG TERME Pour ce qui est des cadres d’entraînement, il faut leur apporter certaines modifications afin de permettre aux utilisateurs de bien maîtriser leur système avant d’opérer dans un contexte tactique. Il faudra peut-être formaliser l’importante étape pendant laquelle l’utilisateur apprend à connaître et à maîtriser son système d’exploitation. Cette étape d’entraînement individuel existe depuis longtemps. Toutefois, à cause des nombreuses tâches externes en garnison, elle est souvent reléguée au second plan. Il faudra se concentrer davantage sur un type d’entraînement de recyclage quasi mensuel et y mettre des efforts supplémentaires. Dans l’éventualité où cette étape n’est pas respectée, il y aura certainement un chaînon manquant dans le cycle d’entraînement. Le Eryx est un excellent système d’arme dont les plus grandes caractéristiques sont l’efficacité, la flexibilité et la puissance destructrice. Il a été apprivoisé durant les premières années de son intégration. Il faut espérer que les réflexions apportées ici permettront de revisiter notre approche à l’entraînement Eryx et que les tireurs Eryx du Corps parviendront à maîtriser cette arme afin qu’ils puissent terrasser l’ennemi d’acier, coup sur coup. Dans un autre ordre d’idée, il serait bénéfique pour l’infanterie d’envisager le développement à long terme d’un cadre pour la carrière d’un militaire du rang évoluant dans le monde antiblindé au sein d’un bataillon d’infanterie. Par exemple, après avoir complété leur séjour comme tireur Eryx avec une compagnie de fusiliers, certains tireurs Eryx pourraient poursuivre leur développement au sein du peloton antiblindé du bataillon. Par la suite, au retour dans une compagnie de fusiliers dans une position supérieure, certains membres pourraient être utilisés pour y gérer et y superviser l’entraînement des tireurs Eryx et ainsi de suite. Il est certain que les tireurs Eryx et les canonniers TOW ont certaines affinités et que, dans une certaine mesure, ils se complètent. La spécialisation du domaine antiblindé au sein des bataillons d’infanterie mécanisée avec le développement constant de ce type de technologie pourrait devenir une solution intéressante à considérer et un atout. CONCLUSION En résumé, nous observons que le développement technologique est omniprésent dans le monde de l’infanterie depuis les dernières années. Nous sommes en pleine transition avec l’arrivée de tout un nouvel arsenal. Les équipements, les véhicules et les systèmes d’arme deviennent de plus en plus spécialisés. Afin de permettre aux utilisateurs de bien effectuer leur travail, nous devons nous assurer d’adapter l’approche vis-à-vis l’entraînement qui leur est offert. L’exemple du tireur Eryx est un exemple parmi tant d’autres. Nous n’avons qu’à penser aux futurs canonniers des VBL III, aux techniciens Vol. 2, no. 4, hiver 1999 ARTICLES ET LIVRES PRÉSENTANT UN INTÉRÊT DANS LES REVUES : ARTICLES D’INTÉRÊT Marine Corps Gazette Volume 83, numéro 8, août 1999 La liste ci-dessous présente aux lecteurs des articles parus dans d’autres revues et offrant un intérêt professionnel ou général. « Warfighting Innovation in the FMF » par le lieutenant-général C.W Fulford Jr et S.D. Deichman. Armée d’aujourd’hui Numéro 242, juillet-août 1999 « The Challenge of Dealing with Standards » par le capitaine Byron R. Harper. Éditorial : « Armée de terre : organisation du commandement ». Australian Defence Force Journal Numéro 137, juillet-août 1999 « Rethinking the Psychological Contract Between Army and its People » par le major David Schmidtchen. « Deep Strike Capability—The Cutting Edge of Deterrence » par le commandant d’escadre Premchand Kainikara. « Leadership Development: A Case of Teaching Individuals to Juggle Complexity » par E. J. Stevenson. The Canadian Forces Journal « Thoughts on Setting and Maintaining Standards » par le major William F. Mullen, III. « Information Technology: Advice from Silicon Valley CEOs » par F.J. West. Military Review Volume LXXIX, mai-juin 1999 Numéro spécial consacré au général Dennis J. Reimer, chef d’état-major de l’Armée de terre. Le numéro renferme des extraits des réflexions du général Reimer au sujet de la doctrine, du leadership, de l’instruction et des valeurs de l’Armée de terre. Military Technology Volume XXIII, numéro 6, 1999 Section spéciale : « The Future of Air Power (I) ». « Aspects of Future MBT Conception » par Rold Hilmes. Cette nouvelle revue professionnelle sera lancée à l’hiver 1999. « Ground Based Weapons Platforms-A Technology Overview » par Martin Needham. International Peacekeeping Volume 6, numéro 2, été 1999 « The German Army Battlefield Management System » par Frank Druhm. « The Ethical Basis of Humanitarian Intervention, the Security Council and Yugoslavia » par John Williams. Military Thought: A Russian Journal of Theory and Strategy Volume 8, numéro 3, 1999 « NGOs and U.N. Peacekeeping Operations: Strange Bedfellows » par Abiew Kofi, Francis et Tom Keating. « Learning from Military-Civilian Interactions in Peace Operations » par Thomas G. Weiss. « Force Development: The Problem of Funding » par V. Tsymbal et S. Kalugin. « Weapons and Warfare: New Trends » par V. Andreyev. The Journal of Strategic Studies Volume 22, numéro 1, mars 1999 « Effective Engagement of the Enemy in Operations: Operational Objective or Creation of Conditions for Success in Close-Range Combat? » par W. Sapozhinskiy et Yu. Fesenko. « Learning to Love the Bomb: The Command and Control of British Nuclear Forces, 1953-1964 » par Stephen Twigge et Len Scott. « Development of Operational-Tactical Thinking and Professional Intuition in Officers » par V. Barvinenko et Ye. Yevmenchik. « Reconsidering Truman’s Claim of ‘Half a Million Lives’ Saved by the Atomic Bomb: The Construction and Deconstruction of a Myth » par Barton J. Bernstein. Orbis: A Journal of World Affairs Volume 43, numéro 3, été 1999 « The NATO Alliance Adrift » par Alexander M. Haig, Jr. 169 Articles et livres présentant un intérêt « Les nouvelles réserves » : entrevue avec Jean-Paul Masseret, secrétaire d’État à la Défense, responsable des anciens combattants. Le Bulletin de doctrine et d’instruction de l’Armée de terre « Americans’ Alleged Aversion to Casualties » par Andrew P.N. Erdmann. « Why Afghanistan Matters to Everyone » par Adam Garfinkle. Parameters Volume XXIX, numéro 3, automne 1999 « Must U.S. Military Culture Reform? » par John Hillen. « Is the U.N. Peacekeeping Role in Eclipse? » par Robert L. McClure et Morton Orlov II. « Auftragstaktik, or Directive Control, in Joint and Combined Operations » par David M. Keithly et Stephen P. Ferris. Whiteahall Papers Series, United Services Institute « The Transformation of the Polish Armed Forces: Preparing for NATO »par Paul. Latawski, Ph. D. LIVRES D’INTÉRÊT : PARUTIONS RÉCENTES SCHWEIZEER, Peter. Victory: The Reagan Administration’s Secret Strategy That Hastened the Collapse of the Soviet Union, New York, The Atlantic Monthly Press, 1994. ISBN 0-87113-633-3 (papier). Doctrine et théorie ARQUILLA, John et David Ronfeldt. 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* Your assessment is very important for improving the work of artificial intelligence, which forms the content of this project
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