Tu lui parles

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Tu lui parles | Manualzz

Tu lui parles…

Être capable de supporter la frustration

Être capable de substituer la parole aux cris et à la violence

À l’école maternelle Jean-Moulin, située au cœur de la ZUP de La Chapelle-Saint-Luc

(Aube) en banlieue de Troyes, la parole de tous accueille et libère.

Un témoignage de Christian Rousseau, directeur de l’école.

Avant que l’équipe s’affirme autour d’un projet pédagogique commun il y a cinq ans, s’était installé un climat particulier où la relation entre parents/enfants et équipe éducative était faite d’un respect clairement affirmé.

Ce qu’on pouvait observer, c’est que chaque enfant et chaque adulte l’accompagnant étaient salués à leur arrivée.

Autre constat, chaque adulte de l’équipe éducative arrivant ou quittant l’école faisait le tour du bâtiment pour s’assurer d’avoir bien salué TOUT le monde !

Ce qui pourrait paraître un détail pour certains, ou encore comme relevant d’une règle élémentaire de politesse, nous a convaincus que de telles attitudes conduisaient à maintenir une qualité de relation très élevée au sein de l’équipe.

La violence des relations commence quand une institution ou une communauté relativise les formes élémentaires de respect entre les personnes.

NOTRE PROJET COMMUN

Libérer la parole des enfants pour faciliter la rencontre et substituer la parole accueillante à la violence physique et verbale …

Exprimer des sentiments, utiliser des phrases explicites peut être un véritable obstacle pour de très nombreux enfants en maternelle dans la mesure où les écarts de maîtrise du langage sont abyssaux, qui vont de l’obstacle naturel lié à la maturité aux obstacles culturels, sociaux, familiaux, articulatoires, quand ce n’est pas les cinq en même temps.

Chez les enfants de maternelle, la langue est en construction. C’est pourquoi nous avons constaté combien il était important de donner aux enfants les moyens d’exprimer des sentiments. La langue dans son mode de communication est systématiquement ritualisée dans sa forme :

- J’ai aimé/je n’ai pas aimé

- Je suis d’accord/je ne suis pas d’accord

- Qui veut la parole ?

- Je donne la parole à…

- Qui a quelque chose à dire sur… ?

- Tu lui parles !

Ce qui est frappant à l’usage, c’est de constater que les enfants non francophones vont très vite se saisir en premier lieu du « j’ai aimé/j’ai pas aimé ».

Au-delà de ces formes canoniques qui donnent de vrais repères dans l’expression et la compréhension des enfants entre eux ou avec l’adulte, nous offrons systématiquement des phrases-types aux enfants qui vont permettre de réduire les tensions et de trouver une résolution aux problèmes qu’ils nous posent très souvent.

« Au lieu de lui arracher le jeu des mains, va le voir et tu lui demandes : “ Est-ce que je peux jouer avec toi s’il te plait ? “ »

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S’il est d’usage de dire aux enfants les bonnes stratégies pour résoudre leurs problèmes relationnels… la plupart du temps elles sont énoncées sur un mode impersonnel, ou indirect. C’est pourquoi nous intervenons toujours sur le langage de l’enfant en mode direct et personnel.

Exemple :

Mode indirect : « Tu n’as qu’à le lui demander poliment si tu veux qu’il accepte que tu joues avec lui. »

Mode direct : « Tu vas lui dire : “ Est-ce que je peux jouer avec toi s’il te plait ? “ »

Dans le premier cas, l’enfant bien souvent ne sait quoi faire de ce conseil. Dans le second, il utilise directement d’une façon efficiente la phrase proposée par l’adulte.

Par ailleurs, il est à noter que dans notre mode de communication collectif nous bannissons le « on » le plus souvent possible pour faciliter l’identification des acteurs. Savoir qui parle, pourquoi et à qui est aussi une condition essentielle d’aide à la construction de son identité.

Une bonne estime de soi est un facteur déterminant de réussite scolaire et sociale. C’est pourquoi elle se construit par la reconnaissance de l’identité de chacun à l’école.

… et organiser des temps de libre expression

Pour permettre aux enfants d’acquérir la maîtrise d’un langage de communication, il leur faut des moments institutionnalisés afin qu’ils puissent à la fois s’exprimer, mais aussi entendre différentes formes d’expression. Ces moments, pour atteindre leur but, doivent présenter des conditions sévères de sécurité affective où la qualité de l’écoute est maximale et la moquerie absente. L’expérience nous a montré que TOUS les enfants, quel que soit leur degré d’inhibition ou leur maîtrise du langage, ont pris la parole librement au cours de ces temps de libre expression.

Nos moments de libre expression :

« Quoi de Neuf ? »

Retour de récréation « j’ai aimé/j’ai pas aimé »

Présentation de travaux

Bilan du décloisonnement de l’après-midi

Chant libre

Histoire à raconter libre

Moment philo

Avec une équipe…

L’équipe de l’école Jean-Moulin est stable : trois ATSEM sur quatre sont présentes depuis plus de dix ans, trois enseignants sur quatre sont présents depuis six ans, le quatrième nous ayant rejoints par adhésion à nos projets pédagogiques et éducatifs.

Les stratégies et les procédures de résolution de conflit sont appliquées par TOUS les adultes : enseignants,

ATSEM et assistante d’éducation.

À noter : l’équipe des ATSEM est très autonome dans son fonctionnement, son organisation du travail, la gestion de ses congés et de son emploi du temps. Elle participe activement à la vie de l’école par ses actions, ses propositions et ses initiatives.

Tout cela contribue à renforcer la confiance et facilite l’adhésion à nos projets.

… les familles…

L’accueil de chaque famille à l’école est au centre de nos préoccupations.

Favoriser les rencontres individuelles nombreuses au cours de l’année. Toutes les particularités sont prises en compte dans la limite du possible. Toutes les paroles et les demandes sont accueillies favorablement.

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Réduire les tensions et renforcer la confiance avec les parents, c’est conduire une action éducative positive en retour à l’enfant.

… et les enfants

Permettre le débat contradictoire dans un respect mutuel.

Permettre une libre circulation dans l’école en garantissant la sécurité physique de chaque enfant.

Leur faire confiance a priori.

Permettre leur participation à la vie de leur classe ou de l’école.

Les situations de coopération interpersonnelle et intergénérationnelle sont fortement encouragées dans le seul but de faciliter la vie collective et de réduire le recours à l‘adulte trop systématique.

Le souci d’améliorer d’une façon pragmatique nos conditions de vie et de travail est souvent suffisant pour trouver des solutions satisfaisant l’ensemble des acteurs présents à l’école et en ce sens réduire les tensions.

Les effets observés

Les passages à l’acte violent se sont considérablement réduits.

À présent, les conflits se résolvent souvent d’une façon assez spontanée chez les enfants.

L’usage de phrases types s’entend plus souvent dans la communication entre enfants.

Christian Rousseau

Conflits et résolution de conflits à l’école maternelle Jean-Moulin

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Tous les conflits sont pris en compte.

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Tous les conflits doivent être résolus.

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Une plainte doit toujours être entendue par l’enfant mis en cause.

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Le plaignant exprime ses reproches en s’adressant directement à l’enfant mis en cause en présence de l’enseignant.

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Quand la responsabilité de « l’accusé» se trouve avérée, la victime doit dire ce qu’il attend de lui et demander réparation. L’enseignant est garant de la juste mesure de la réparation, mais c’est lui seul qui définit la sanction, la justifie et en assure l’application. La sanction doit être proportionnée à la faute.

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La cour de récréation est un lieu hautement surveillé.

-

Nous y avons introduit de plus en plus de jeux divers pour permettre aux enfants d’être pour l’essentiel préoccupés par l’envie d’agir seuls ou collectivement et, en cela, réduire l’effet de concurrence qui est une source importante de conflits.

Mode d’emploi :

Un enfant vient se plaindre. L’enseignant écoute et demande éventuellement des précisions. Ensuite, il fait venir l’enfant mis en cause en présence du plaignant. Pour que l’échange entre les deux enfants s’effectue en situation duelle, pour éviter la réitération de la plainte adressée à l’enseignant, il suffit de dire à l’accusé : « Il y a X qui a quelque chose à te dire. »

Ce qui peut paraître étonnant, c’est de constater que les enfants se mettent alors naturellement en situation de face à face et se parlent.

L’enseignant se tient légèrement en retrait, écoute l’échange et aide si nécessaire à préciser les propos de chacune des parties.

En retour de récréation, il y a un temps collectif appelé « j’ai aimé/j’ai pas aimé » durant lequel les enfants qui le souhaitent expriment une joie ou une peine vécue en cour de récréation. La peine est souvent le rappel d’une souffrance vécue à la suite d’un conflit ou d’une agression verbale ou physique. L’intérêt essentiel de ce moment, c’est de renvoyer au groupe ce qui s’est passé pour comprendre pourquoi il y a eu souffrance et sanction quelquefois. Cela permet à chacun de se situer par rapport à son propre comportement avec les autres en récréation. Ce n’est pas un moment qui stigmatise le responsable de l’agression, mais qui rappelle au groupe ce qui est de l’ordre de l’acceptable et de l’inadmissible et qui est vrai pour tous. Attention, la parole de chaque enfant ne s’accompagne pas d’un commentaire ou d’un discours moralisateur de l’adulte. Tout au plus, celui-ci précisera le contenu du témoignage si nécessaire.

Ces stratégies et ces procédures sont appliquées par TOUS les adultes : enseignants, ATSEM et assistante d’éducation.

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