Emissions de gaz à effet de serre:

050_052_SOL 9/02/05 14:50 Page 50 Solutions CONTRÔLE DE L’ENVIRONNEMENT Emissions de gaz à effet de serre: ▼ Quotas d’émission, c’est parti. Depuis le 1er janvier 2005, la directive européenne 2003/87/CE prévoit l’établissement d’un marché des quotas d’émission de gaz à effet de serre (GES). Ce qui impose au préalable de toute décision, la réalisation d’un état des lieux. L’Ademe propose une méthode dite “Bilan Carbone” qui permet à toute entreprise de comptabiliser les émissions des GES, au sens strict de la directive ou à un sens bien plus large. Elle est basée sur l’observation et le calcul. M esurer avec précision les émissions des gaz à effet de serre (GES) supposerait de poser des capteurs sur toutes les cheminées de maison, tous les pots d’échappement de voiture, au-dessus de toutes les stations d’épuration, de mettre toute vache sous cloche… On le voit bien, il faut s’y prendre autrement, par des moyens détournés. Grâce à un mélange de calculs et d’observations, la méthode “bilan carbone” proposée par l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (Ademe) permet d’estimer ces émissions sans réaliser la moindre mesure. Il s’agit de passer en revue tous les flux physiques qui concernent l’activité (flux de personnes, d’objets, d’énergie, de matières premières…), et de leur faire correspondre les émissions de gaz à effet de serre qu’ils engendrent. Pour cela, la méthode s’appuie sur des dizaines d’études réalisées ces dernières années par différents organismes ou observatoires, en France ou à l’étranger, sur la quantité de carbone émise par telle ou telle activité. De toutes ces études, compilées dans un rapport de plus de 200 pages, il en ressort, pour chaque type d’acL’essentiel tivité, une valeur Le Bilan Carbone proposé moyenne d’émission. par l’Ademe consiste à : Ainsi, il est établi que la lister les postes émetteurs production d’une tonen les classifiant en foncne d’acier génère tion des 3 périmètres défi870 kg équivalent carnis dans la méthode bone, valeur qui tom évaluer leurs émissions be à 300 pour un acier respectives à partir à partir de matériaux d’études déjà réalisées et dont les résultats sont recyclé.Autre exemple : publiés dans un rapport la fabrication d’une voifourni par l’Ademe ture, pesant en moyen établir une fiche de synthèse ne une tonne, engendre et un bilan d’émission confordes émissions qui sont me à la directive Permis de l’ordre de 1,5 tonne proposer des pistes de équivalent carbone, soit réduction de ces émissions 1,5 fois son poids. 50 Compte tenu d’une “durée de vie” des voitures qui est de l’ordre de 150 000 à 200 000 km, les émissions de fabrication contribuent alors pour 10 ± 4 g équivalent carbone par km parcouru. Quant à l’émission de GES liée au fonctionnement du véhicule, il dépend du modèle de la voiture, du type de carburant, de la puissance fiscale… tout cela est précisé dans le rapport. On apprend aussi que 61 kg équivalent carbone sont émis pour extraire et transporter une tonne de pétrole brut du puits à la raffinerie, puis 88 kg équivalent carbone pour le raffinage en lui-même. A cela, il faudra rajouter 876 kg équivalent carbone d’émission liée à l’emploi du carburant (c’est-à-dire la combustion). L’agriculture, premier poste d’émissions brutes de GES en France, n’est pas en reste : 2 tonnes équivalent carbone par tonne d’herbicide, 82 kg équivalent carbone par tonne de blé.Veaux, vaches, volailles… toutes leurs émissions sont détaillées du pré à l’abattoir puis de l’abattoir à l’assiette. Il s’agit alors d’aller piocher dans le rapport de l’Ademe les facteurs d’émissions des différentes sources de GES qui touchent une activité. Et il n’y a plus qu’à faire l’addition ou presque. Une méthode pour tous, contraints ou non Toute industrie, toute entreprise (même si elle n’a qu’une activité de bureaux) ou tout établissement administratif peut appliquer cette méthode pour son compte, pourvu qu’elle ait suivi initialement d’une formation auprès de l’Ademe. Il est également possible d’avoir recours à un prestataire externe qui doit lui aussi avoir suivi la même formation (ce dernier cas ouvre droit à une aide financière, voir encadré “l’Ademe vous aide”). Cette méthode est compatible avec les termes de la directive “permis” n° 2003/87/CE relative au système d’échanges de quotas de CO2. Elle intéressera les quelque 1 500 installations qui seraient aujourd’hui touchées par cette politique de quotas mise en place depuis le 1er janvier 2005. Celle-ci prévoit l’établissement d’un marché de quotas d’émission de gaz à effet de serre (chaque quota correspond à une tonne équivalent CO2). Ce marché concerne jusqu’en 2007 les émissions de CO2 provenant des producteurs d’énergie et des industriels les plus consommateurs (à savoir la production et la transformation des métaux ferreux, l’industrie minérale, l’industrie du papier et du carton). Sont également concernées les installations de combustion de plus de 20 MW, tous secteurs confondus. Faire le bilan des émissions de gaz à effet de serre (GES) devient pour ces installations une obligation. Il y a aussi ceux qui, dans une démarche volontaire, veulent “faire quelque chose” pour la dérive climatique. Cette action entre évidemment en cohérence avec une éventuelle démarche environnementale ou sur l’efficacité énergétique d’une installation. Les résultats peuvent donc être inclus dans un système de management Iso 14000 ou EMAS.A plus long terme, ce diagnostic permet de modifier la stratégie de l’activité pour la rendre progressivement moins “riche” en émissions de gaz à effet de serre. Pour les GES et quelques autres Concrètement, les documents constitutifs de la méthode “bilan carbone” sont : - le document méthodologique (en ligne sur le site de l’Ademe) - un tableur Excel prêt à l’emploi permettant d’effectuer le calcul des émissions, la comparaison des émissions d’une année sur l’autre, et la gestion des objectifs de réduction - le manuel d’utilisation de ce tableur, qui fait l’objet d’un document séparé. Les gaz à effet de serre qui sont traités dans la méthode Bilan carbone sont essentiellement ceux qui font MESURES 772 - FEVRIER 2005 - www.mesures.com 050_052_SOL 9/02/05 14:50 Page 51 Solutions une mesure sans capteur Calcul des émissions GLOBAL INTERMEDIAIRE INTERNE Energie achetée Combustion (chauffage procédé) Décharge Clients vers l'entreprise Fuites déchets Salariés domicile- travail Transports vers les clents Production agricole incorporée Fabrication Ł des matériaux entrants Construction des batiments et des machines Salariés en mission Transports des fournisseurs Toutes les émissions directes ou indirectes (CO2 ou autres gaz à effet de serre) de l’entreprise sont prises en compte.Ces émissions sont consolidées au sein de trois périmètres.Dans le premier périmètre “interne”, seules les émissions fixes propres à l’activité sont comptabilisées.Le deuxième périmètre dit “intermédiaire”rajoute aux émissions précédentes celles issues des transports des biens et des personnes liés au fonctionnement de l’entreprise et à l’achat d’énergie.Un troisième périmètre global inclut,en plus,les contenus en carbone des produits incorporés à la production et des déchets issus de la fin de vie des produits fabriqués. l’objet d’accords internationaux : - le gaz carbonique (CO2) dont la durée de vie dans l’atmosphère est de l’ordre du siècle - le méthane (CH4) dont la durée de vie dans l’atmosphère est de l’ordre de la décennie - l’oxyde nitreux (N2O) dont la durée de vie dans l’atmosphère est de l’ordre du siècle - les hydrofluorocarbures (CnHmFp), dont la durée de vie dans l’atmosphère s’échelonne de quelques semaines à quelques siècles - les perfluorocarbures (CnF2n+2), dont la durée de vie dans l’atmosphère est de l’ordre de quelques siècles à plusieurs dizaines de millénaires - l’hexafluorure de soufre (SF6), dont la durée de vie dans l’atmosphère est de quelques milliers d’années Il y a d’autres gaz à effet de serre bien connus, dont les effets ne sont pas négligeables (l’ozone par exemple), mais qui ne sont pas compris dans les accords internationaux, de telle sorte qu’il n’y a pas de “littérature” commodément disponible sur l’estimation de leurs émissions. Ils seront abordés dans une future édition de la méthode Bilan Carbone. Enfin, quelques gaz non pris en compte dans les accords internationaux (les NOx par exemple) sont quand même pris en compte dans la méthode, pour information. L’effet du relâchement dans l’atmosphère d’un kilo de gaz à effet de serre n’est pas le même quel que soit le gaz. Chaque gaz à effet de serre possède un “pouvoir de réchauffement global”, qui quantifie son “impact sur le climat”. Plus ce PRG est élevé, et plus l’effet de serre additionnel engendré par le relâchement d’un kilo de ce gaz dans l’atmosphère est important. Par convention, le PRG compare les gaz à effet de serre au CO2, et donc, par convention, le PRG du CO2 vaut toujours 1. En fait, l’unité de mesure des gaz à effet de serre n’est pas le PRG, mais le gramme équivalent carbone (souvent noté gC) et ses multiples (le kg équivalent carbone, noté kgC, et la tonne équivalent carbone, que l’on notera aussi tC). Il arrive assez souvent que “équivalent carbone” soit raccourci en “carbone”. Beaucoup d’entreprises, toutefois, utilisent “l’équivalent CO2”, donnant des valeurs 3,67 fois supérieures (dans un rapport de 44/12 pour être exact). La version actuelle du tableur indique les résultats en tonnes équi- MESURES 772 - FEVRIER 2005 - www.mesures.com valent Carbone. Les versions futures permettront la comptabilisation aussi en tonne équivalent CO2. Dix postes d’agrégation… Celui qui veut faire son bilan doit donc dans un premier temps lister tous les postes susceptibles d’émettre un ou plusieurs gaz à effet de serre : une chaudière, un système de refroidissement, la consommation en chauffage, en électricité… Il doit faire le tour de ses matières premières pour connaître combien celles-ci ont déjà généré de GES avant même qu’elles ne soient utilisées. Il doit suivre chaque étape de sa production et identifier chaque source potentielle : usinage, assemblage, soudage jusqu’au conditionnement du produit par exemple, l’envoi des commandes, le transport des marchandises… Après avoir fait la liste de toutes ses sources d’émission de GES, l’entreprise comptabilise alors les facteurs d’émissions données mis à disposition par l’Ademe… Elle peut aussi utiliser d’autres données. Ces émissions sont ensuite agrégées poste par poste (par exemple tous les transports de marchandises par route, ou encore tous les 51 050_052_SOL 9/02/05 14:50 Page 52 Solutions tenir les émissions d’un ensemble plus vaste (une ville, un groupe d’entreprises industrielles, etc.) en faisant la somme des “émissions intermédiaires” des différentes entités (sans la possibilité que l’on puisse compter une deuxième fois les émissions décrites cidessus en faisant l’inventaire d’une autre entreprise). 3. Le troisième périmètre avec les émissions globales inclut, en plus, les contenus en carbone des produits incorporés à la production et des déchets issus de la fin de vie des produits fabriqués. Il est le plus large et le plus exhaustif pour connaître la pression totale que l’on exerce sur son environnement en matière de gaz à effet de serre. Dans ces trois périmètres, on retrouve l’ensemble des postes d’émissions de GES générées directement ou indirectement par l’activité étudiée (voir l’illustration). L’ademe vous aide L’Ademe cède les droits d’utilisation de la méthode Bilan Carbone en mettant à disposition le tableur et le manuel d’utilisation à toute entreprise ayant suivi son programme de formation à la méthode. Par ailleurs, l’Ademe a mis en place un dispositif de subvention à la réalisation de bilan d’émissions de GES selon la méthode Bilan Carbone. Ces subventions seront octroyées aux entreprises, associations ou collectivités faisant appel à des prestataires externes préalablement formés à la méthode par l’Ademe. La subvention s’inscrit dans le dispositif classique d’appui financier à l’aide à la décision de l’Ademe. Le montant de l’aide apporté est de 70 % du coût de la prestation plafonné à 3 800 euros. Les prochaines formations prévues : - Lundi 14 et mardi 15 mars 2005 à Rouen - Lundi 11 et mardi 12 avril 2005 à Paris - Jeudi 26 et vendredi 27 mai 2005 à Avignon - Jeudi 8 et vendredi 9 septembre 2005 à Nancy - Jeudi 20 et vendredi 21 octobre 2005 à Paris - Jeudi 24 et vendredi 25 novembre 2005 à Lyon - Jeudi 12 et vendredi 13 décembre 2005 à Bordeaux Rens. : ademe.fr/bilancarbone combustibles utilisés en interne), avec l’idée que chaque poste doit être parlant pour au moins un responsable opérationnel au sein de l’activité concernée, qui pourra ainsi se demander dans quelle mesure il peut agir pour faire baisser les émissions correspondantes. Ces 10 postes d’agrégation “parlants” sont : - usages directs de l’énergie (combustibles, achats de vapeur et d’électricité) - fuites et émanations (CO2 et autres gaz à effet de serre) - transports - fabrication des matériaux pour emballages des produits vendus - fabrication des autres matériaux nécessaires Périmètres du bilan carbone 1828 Énergie 173 Émission non énergétiques 9759 Transports 3589 Matériaux pour emballages 4980 Autres matières premières 72 Fin de vie des déchets directs 735 Fin de vie des emballages 35 Eaux usées 392 Amortissements 40 Services 0 2000 52 4000 6000 8000 10000 12000 à l’activité - fin de vie des déchets directs de l’activité - fin de vie des emballages- émanations des eaux usées - prise en compte des immobilisations (amortissements) - prise en compte des services achetés. … et trois périmètres L’intérêt et l’originalité de cette méthode Bilan Carbone résident dans l’évaluation des émissions carbone réparties en trois périmètres distincts : 1. Le premier périmètre comprenant les émissions internes 1 où l’on comptabilise uniquement les émissions fixes propres à l’activité. Il s’agit là des émissions qui sont prises en compte dans la Directive n° 2003/87/CE relative au système. Il ne permet pas d’obtenir toute la hauteur de vue souhaitable pour des actions éclairées en matière de management environnemental. 2. Le deuxième périmètre comprenant les émissions intermédiaires qui rajoutent aux émissions précédentes celles issues des transports des biens et des personnes liés au fonctionnement de l’entreprise et à l’achat d’énergie. Cette approche ne permet toujours pas d’appréhender toutes les émissions qui sont faites en amont ou en aval de l’activité de l’entreprise, mais elle prend notamment en compte les transports, qui sont très significatifs dans le total des émissions de gaz à effet de serre. Cette approche permet aussi d’obCet exemple montre que le transport des marchandises ou des personnes est de loin le poste d’émission de gaz à effet de serre le plus important.Il n’est pas pris en compte dans le périmètre interne défini par la méthode de l’Ademe qui correspond aussi à celui de la directive “permis”des quotas d’émission. Une évaluation à 20 % au mieux Les chiffres ou facteurs d’émission qui permettent de convertir les données observables en émissions de gaz à effet de serre sont la plupart du temps des valeurs moyennes (établies à partir de différentes observations). L’incertitude des facteurs d’émission dépend des observations qui ont permis leur calcul, (le nombre d’études, leur pertinence, leur cohérence). Ainsi, certains facteurs d’émissions sont évalués avec une incertitude de 10 %. D’autres, moins bons, sont donnés à ± 40 %. L’Ademe s’engage à enrichir dans le temps, réactualiser, affiner les valeurs moyennes de ces facteurs d’émissions. De plus, chaque entreprise est en droit aussi d’apporter ses propres données et expériences. Cette méthode fournit donc des ordres de grandeur et non une véritable mesure (un ordre de grandeur reste le même si le résultat de la mesure varie de plus ou moins 50 %). En fait, la précision du résultat sera étroitement dépendante du temps passé à l’investigation et de la nature des émissions estimées. La méthode qui permet aussi d’évaluer l’incertitude du bilan offre, dans les meilleures conditions possibles, un bilan avec une imprécision dite inférieure à 20 %. Les émissions nationales de gaz à effet de serre sont connues avec une incertitude de cet ordre. La méthode fait donc aussi bien… Ademe (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) - Pour en savoir plus www.ademe/bilancarbone - La méthode Bilan Carbone a été élaborée pour l’Ademe par Jean-Marc Jancovici, du bureau d’études Manicore. Bilan Carbone est une marque déposée de l’Ademe. MESURES 772 - FEVRIER 2005 - www.mesures.com
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